Politiques publiques de recherche et d'innovation 2024

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UNIVERSITE DE YAOUNDE II – FSEG

MASTER I

POLITIQUES PUBLIQUES DE RECHERCHE ET D'INNOVATION

Par Pr Brice NKOUMOU NGOA

Octobre 2024

Politiques publiques de recherche et d'innovation – Pr Brice NKOUMOU NGOA


Email : bnkoumou@yahoo.fr
Introduction

L'innovation est aujourd'hui reconnue comme essentielle dans la réponse aux grands défis de
notre temps à l'instar de la croissance économique, la santé, le changement climatique, la
défense ou le bien-être. A ce sujet, l'économiste Alfred Marshal (1890) dans son ouvrage
Principes d'économie politique précisait déjà que chaque innovation était une expérience qui
peut ne pas réussir ; cependant, si elle venait à connaître du succès, elle paierait pour elle-
même et pour toute la communauté.

Joseph Schumpeter définira l'innovation comme un dispositif nouveau, produit ou procédé,


service ou mode d'organisation, effectivement vendu ou mis en œuvre. Une taxinomie de
l'innovation oppose les innovations radicales (de grande ampleur) aux innovations
incrémentales (de petite taille). Les innovations sont principalement issues de la recherche.
Celle-ci peut être fondamentale, lorsqu'elle vise à produire des connaissances, en faisant du
progrès des connaissances une fin en soi, ou appliquée, en ayant un objectif commercial.
L'ensemble des activités visant la mise en œuvre dans l'activité de production,des résultats
de recherche fondamentale et appliquée, en vue de la création de nouveaux produits, ou la
mise en place de nouvelles techniques de production, est couramment désigné comme la
recherche-développement (R&D).

Si les premières intuitions et théories sur l'innovation remontent à Adam Smith, David
Ricardo, Karl Marx ou Schumpeter, il faut attendre le début des années 1960 pour qu'une
approche plus systématique de l'économie de l'innovation comme champ d'étude se dessine,
avec les travaux pionniers de Kenneth Arrow ou Richard Nelson, complétés par les apports
de Jean Tirole ou Philippe Aghion.

Le rythme et le poids de l'innovation dans l'économie se sont constamment accélérés au cours


des derniers siècles, dans les sociétés occidentales d'abord, puis aujourd'hui à l'échelle
mondiale. A titre d'illustration, la production par tête a été multipliée par quinze à vingt
depuis le début du 19ème siècle dans les pays occidentaux, en grande partie grâce à la
technologie. Le nombre de brevets chaque année aux Etats Unis était de quelques centaines
au début du 19ème siècle pour s'établir en 2023 à plus trois cent mille. Dans l'OCDE 1, la part

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Organisation pour la coopération et le développement économique
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des dépenses intérieures brutes de recherche et développement (R&D) dans le PIB est passée
entre 2005 et 2019 de 2,12% à 2,47% environ. Grâce à une augmentation drastique des dépôts
de titres (brevets et marques), la Chine se place en tête de nombreux classements en la matière
d’innovation. En 2022, la Chine représentait à elle seule 46,8 % des dépôts de brevets au
monde (avec plus d’1,6 millions de dépôts) et 48,3 % de l’activité mondiale de dépôts de
marques (avec plus de 7,5 millions de dépôts). L’Afrique quant à elle connait encore un grand
retard. L’Afrique du Sud, le pays le plus industrialisé du continent, a déposé à elle seule 251
demandes de dépôts de brevets en 2020. Elle réalise 61% des demandes de dépôts de brevets
au niveau du continent africain mais se positionne tout de même au 35e rang mondial.

Dynamisée par l'internet et la globalisation, l'innovation est devenue un facteur central de la


dynamique sociale en ce début du 21è siècle à telle enseigne que le soutien de la recherche
et de l’innovation technologique a été retenu comme une cible des Objectifs du
développement durable (ODD) par les Nations Unies. D'où la nécessité de mettre en œuvre
par les autorités publiques des stratégies visant à encourager la recherche et l'innovation, bien
que l'intervention publique dans ces activités demeure un sujet à débat. Ainsi, la première
articulation de cet enseignement consistera à poser les termes du débat sur l'intervention
publique en matière de recherche et d'innovation (I) puis dans la deuxième articulation, les
stratégies de l'Etat en matière de recherche et d'innovation vont être exposées (II).

I. Le débat sur l'intervention publique en matière de recherche et d'innovation

La recherche et l'innovation jouent un rôle majeur dans la réalisation des objectifs


économiques et stratégiques. Si l'intervention publique est souvent justifiée, elle présente
également quelques limites qui sont utiles d'être relevées.

A. Justifications de l'intervention publique en matière de recherche et d'innovation

Une variété d'arguments sont souvent mis en avant pour justifier la nécessité de l'intervention
publique en matière de recherche et d'innovation. Quelques-uns peuvent cependant être mis
en relief, notamment les externalités liées aux activités de recherche et d'innovation et le
risque lié aux investissements privés en recherche et développement.

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1. Les externalités liées aux activités de recherche et d'innovation

Lorsque le marché ne délivre pas les résultats que la collectivité estime désirable, il y a
potentiellement la place pour une intervention publique. Les autorités politiques, qui
représentent l'intérêt collectif, permettent le dépassement des purs intérêts individuels qui sont
agrégés par le marché. Dans le domaine de la recherche et de l'innovation, le marché ne permet
pas la prise en compte par les agents privés de tous les effets de leurs actions sur la société,
puisque les activités innovantes et de recherche sont source d'externalités positive

La première et la principale forme d'externalité correspond aux externalités du savoir encore


appelées par l'économiste Kenneth Arrow (1962) “externalités informationnelles”. Elles
désignent le fait que le savoir produit par l'innovateur bénéficie à d'autres agents sans
compensation monétaire ou d’autre nature de leur part. La connaissance associée à la recherche
et à l'innovation est un bien public au sens économique. Elle est caractérisée par deux traits :
elleest non rivale, en ce sens qu'une connaissance peut être utilisée simultanément un nombre
quelconque de fois par un nombre quelconque d'agents sans se détériorer, Aussi, la
connaissance est un bien partiellement non exclusif, car le propriétaire ne peut que
partiellement en contrôler l'usage par d'autre agents. L'innovation peut être utilisée dans le
laboratoire des concurrents comme connaissance de base sans que cela soit aisément cela
détectable. L’utilisation de cette connaissance est donc difficile à interdire complètement sans
supporter des coûts importants.

Puisque la valeur de l'invention ne peut être captée entièrement par l'innovateur on a là un


cas d'externalité positive car les investissements en recherche et développement des uns
bénéficientpour partie gratuitement à d'autres. Le rendement social de l'investissement en
recherche et développement dépasse ainsi son rendement privé. En conséquence,
l'investissement en activitésinnovantes et de recherche effectué selon les signaux du marché
sera inférieur au niveau socialement désirable. Ainsi, les firmes sous-investissent en
recherche et développement, délivrant un progrès technique moindre que celui qui serait
atteint si la société décidait des investissements en la matière. D'où l'intervention publique
en matière de recherche et d'innovation.

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2. Le risque lié aux activités de recherche et d'innovation

L'activité inventive est souvent trop risquée pour que les investisseurs privés s'y engagent.
Cet argument s'applique essentiellement lorsque les firmes sont soumises à une contrainte de
liquidité ou lorsqu'elles doivent trouver quotidiennement des financements externes. Dans le
premier cas, un échec dans un projet présent ne pourra pas être compensé par un succès dans
le projet futur, puisque la firme aura disparu entre temps, n'ayant pas les liquidités pour
survivre à son échec. En faisant faillite, l'échec est irréversible pour les firmes. En
conséquence, les firmes financièrement fragiles seront moins enclines à investir dans les
activités de recherches et développement ou dans les activités innovantes. Dans le second
cas, l'investisseur externe est sujet à une asymétrie informationnelle. Il ne connait pas aussi
bien que l'entrepreneur la valeur du projet innovant, et il risque donc de se voir offrir les
mauvais projets ou de ne pas capter toute la part escomptée en cas de réussite. Cette situation
est aggravée pour l’investissement de recherche et développement par rapport aux autres
formes d'investissement puisque l'entreprise ne peut offrir de collatéral (garanti), c'est à dire
un actif qui échoira au créancier en cas d'échec. Un projet de recherche interrompu n'étant
pas un actif vendable, les financements externes de l’innovations seront donc limités.
Ce sont essentiellement les petites ou nouvelles entreprises qui sont concernées par ce type
de réticences en termes de financement des investissements en recherche et développement
car les grandes peuvent mener de nombreux projets en parallèle et sont moins exposées au
risque. Elles ont une liquidité plus abondante (trésorerie, accès au marché financier et en
général elles ont en interne les moyens de financer la recherche). L'Etat peut ainsi intervenir
en matière de recherche et innovation afin de garantir des investissements socialement
efficaces dans le domaine ou dans le but d'apporter des facilités de financement permettant
d’accroitre les rendements des investisseurs privés.

Les arguments en faveur de l'intervention publique étant précisés, il importe à présent


d'évoquer les linites associées à l'action publique en matière de recherche et d'innovation.

B. Les limites de l'intervention publique en matière de recherche et d'innovation

L'Etat n'est pas seulement cette puissance bienveillante que postule la théorie, d'abord parce
qu'il n'est pas toujours puissant, ensuite parce qu'il n'est pas toujours bienveillant. Au

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moins deux problèmes permettent de s'y avancer. Il s'agit d'une part des problèmes
informationnels et d'autres part du jeu des acteurs politiques.

1. Les problèmes informationnels

L’information approximative dont dispose la puissance publique pour prendre des décisions
est une difficulté à laquelle elle doit faire face. Cette contrainte entrave considérablement sa
capacité d'intervention. Si l'Etat doit encourager les externalités liées aux activités de
recherche et d'innovation par exemple, il faut qu'il soit capable de les identifier et de contrôler
que les agents bénéficiant de son intervention remplissent bien leur part du contrat. Identifier
les externalités de connaissances induites par l'innovation ou d'un projet de recherche n'est
pas une tâche facile en l'absence d'instruments de mesure adéquats. Il y a une situation
d'asymétrie informationnelle, similaire à celle à laquelle font face les investisseurs privés
lorsqu'ils doivent estimer le rendement privé d'un projet qui leur est proposé. Ce qui limite la
qualité et l'efficacité de l'intervention publique en matière de choix et d'investissement dans
les activités de recherche et d'innovation.

2. Le jeu d'intérêt des acteurs politiques

Si l'Etat est impliqué directement dans un projet, il se pose la question de savoir dans quelle
mesure l'Etat représente l'intérêt collectif. En effet, l'Etat est une collection d'administrations,
d'agences et d'individus dont les intérêts ne sont pas forcément alignés sur ceux de la société
dans son ensemble. Il n'est pas certain que les projets choisis par les chercheurs du secteur
public correspondent aux intérêts de la nation. Plus globalement, le choix des grands projets
à financer et les orientations générales de la politique publique de recherche résulte des débats
entre les intérêts concurrents au sein même de la sphère publique et au-delà. Il peut s'agir des
intérêts des firmes qui bénéficient des financements ou de ceux des élus qui attendent des
emplois dans leur circonscription ou même des administrations qui luttent pour élargir leur
domaine de compétence.

S'il est avéré que la portée de l'intervention publique en matière de recherche et d'innovation
est un sujet à débat, il est constant toutefois que la mission de l'Etat est de faire en sorte que
l'investissement en recherche et innovation soit à la mesure de son rendement social, c'est à
dire plus que le niveau atteint à l'équilibre marchand ou l’équilibre décentralisé qui est fondé
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sur le rendement privé. L'Etat dispose ainsi d'une riche palette d'outils ou de stratégies à même
d'accompagner les activités innovatrices et de recherche.

II. Les stratégies de l'Etat en matière de recherche et d'innovation

Les politiques publiques de recherche et d'innovation s'opèrent à travers une variété de


stratégies qui s'organisent aussi bien autour du soutien à la recherche qu'à travers des
dispositifs incitatifs en matière de recherche et d'innovation.

A. Le soutien de la recherche

Les autorités publiques peuvent soutenir la recherche en investissant d’une part dans le
système de recherche publique, et d’autre part, en promouvant la recherche par les firmes
privées.

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1. L’investissement de l’Etat dans le système de recherche publique

L’Etat peut exécuter lui-même la recherche en finançant des organismes publics de recherche
et des universités. Cela s’applique d’abord à la recherche fondamentale dont l’objet est
l’élargissement des connaissances. N’ayant pas de résultat économique immédia t, ces
recherches ne peuvent trouver de financement privé, alors même que la collectivité peutles
juger utiles. Cela s’applique à des pans entiers des sciences humaines (philosophie,
anthropologie ou théorie économique) mais aussi à la recherche de base dans certaines
sciences dures (astronomie, mathématiques ou sciences physiques). Dans la vision linéaire
du processus d’innovation, la recherche de base a une fonction d’éclaireur. Dressant la carte
de connaissances, elle détecte les voies possibles d’avancées et identifie les impasses.

2. La promotion de la recherche par les firmes privées

Les politiques d’innovation axées sur la promotion de la recherche par les firmes privées
transitent par au moins deux mécanismes : la commande publique et la promotion de la
coopération en recherche.

Pour ce qui est de la commande publique, l’Etat est lui-même l’utilisateur de sciences et de
technologies dans ses activités de défense, d’exploration spatiale, en tant que gardien de
l’environnement ou en tant que producteur de biens et services. Une partie de ses besoins
est satisfaite par les laboratoires publics, mais une autre partie est achetée à l’industrie. Ainsi,
des firmes privées font travailler leurs laboratoires sur des commandes publiques. Dassault
en France ou Boeing aux Etats-Unis sont des exemples emblématiques. Au moins quatre
raisons peuvent amener l’Etat à faire faire plutôt qu’à faire dans certains cas.

La première est l’existence de compétences spécifiques dans telle ou telle entreprise, qui
peuvent être utilement mobilisées pour répondre à certains besoins publics. La deuxième
raison est que le caractère ponctuel de certaines commandes peut justifier le recours au
marché plutôt que la construction de capacités en interne, qui auront forcément un certain
degré de permanence. La troisième raison est liée au fait que l’appel aux entreprises privées
peut permettre à l’Etat, par le jeu de la concurrence, de réduire les coûts d’accès à certains
biens et services plutôt que de les produire soi-même. La quatrième raison enfin est que la
commande publique peut être utilisée comme un levier de politique technologique. Ainsi,
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l’Etat est le premier client d’un produit, qu’il permet à la firme de mettre au point avant de le
lancer sur le marché concurrentiel. Par ce fait, l’Etat peut espérer contribuer à la construction
de compétences internes à l’entreprise qui seront utiles à celle-ci dans ses autres activités.

Ce type d’instrument présente cependant deux dangers pour la politique d’innovation, d’une
part, il conduit en général à favoriser les grandes firmes au détriment des petites. Les grandes
firmes ont un accès plus facile aux grands donneurs d’ordre public, une meilleure
connaissance des circuits souvent complexes. Il y a donc une distorsion créée par le
gouvernement au profit des grandes entreprises. D’autre part, le danger est d’infléchir les
comportements, voire les compétences des entreprises privées abonnées à la commande
publique. Ces entreprises abonnées aux marchés publics, souvent captifs et générateurs de
rentes, risquent de perdre leurs capacités à s’affronter à des marchés concurrentiels plus
exigeants en termes de compétitivité et de respect des délais.

Concernant la coopération en recherche à présent, l’Etat peut permettre ou même encourager


les entreprises privées à se regrouper autour de projets de recherche d’intérêt commun, de
telle façon qu’elles puissent internaliser les externalités. Dans le cadre d’une coopération,
chaque partenaire bénéficie des compétences et des découvertes de tous les autres et les fait
bénéficier de ses propres capacités. Il y a donc réciprocité, ce qui réduit la propension de
chacun à garder pour lui ses technologies. Les autorités publiques peuvent encourager l’Etat
à coopérer faisant de cela la condition d’accès à certaines aides financières. Les entreprises
trouvent des avantages multiples dans ce type d’opération. Non seulement elles réduisent le
coût de la recherche, elles peuvent bénéficier également des compétences spécifiques de leurs
partenaires. Elles réduisent en outre le risque en le partageant avec d’autres.

B. Les instruments incitatifs à l’innovation

Plusieurs formes d’incitations à l’initiative des autorités publiques peuvent être mises en
œuvre pour encourager les firmes à développer la recherche et l’innovation.

1. Les incitations financières

L’Etat peut fournir des financements aux entreprises sans contrepartie directe pour lui- même,
avec la justification que les bénéfices sociaux de l’innovation subséquente compenseront le

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coût de l’opération. L’idée est de réduire le coût de la recherche pour l’entreprise, donc d’en
accroitre le rendement privé. Ces financements peuvent être des subventions. Ces derniers
conviennent mieux aux projets de recherche en amont où les externalités sont grandes et le
rendement privé faible, alors que les avances remboursables sont plus adaptées aux projets
en aval réalisés par des petites entreprises, où le problème principal est celui du risque.

Une critique adressée toutefois à ce type de programme est que l’Etat se substitue pour partie
au marché dans la sélection des technologies. Il aide certains projets qu’il favorise au
détriment de leurs concurrents effectifs ou potentiels. Dans ce rôle de « picking winners »
(choix des vainqueurs), il n’est pas certain que l’Etat soit toujours plus efficient que le marché
car les administrations n’ont pas toujours des informations pertinentes, elles peuvent
éventuellement être manipulées par les entreprises bénéficiaires. Une seconde critique est
celle de l’« effet d’aubaine : les entreprises font subventionner par l’Etat des projets qu’elles
auraient de toute façon réalisés. Ce type de soutien est considéré comme une « aide d’Etat
» par l’Organisation mondiale du commerce et à ce titre il est plafonné afin de garantir des
conditions concurrentielles pour les échanges internationaux.

L'Etat peut également s'appuyer sur le levier de la fiscalité sur les revenus enregistrés par
l'innovation. L'incitation à prendre le risque inhérent à l'innovation est directement liée à la
rémunération qu'elle procure, en cas d'échec comme de succès. La fiscalité est un moyen
d'action directe sur la structure des gains. Elle peut réduire ou accroitre le risque. Elle peut
rendre les investissements en innovation plus attractifs ou pas rapport aux investissements
moins risqués.

L'Etat peut aussi se servir des aides fiscales consistant à subventionner indirectement la
recherche des entreprises, en allégeant leur impôt à la mesure de leur dépense en recherche.

2. Les incitations institutionnelles

Les incitations institutionnelles passent par la protection des droits de propriété. C'est à ce
titre que le brevet, un titre de propriété couvre une innovation. Son détenteur se voit accorder

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le monopole de l’exploitation de l’innovation couverte, sur une période limitée. Il peut soit
exploiter lui-même le résultat de sa recherche, en commercialisant un produit qui l’intègre,
soit accorder des licences d’exploitation à d’autres firmes. Il arrive que le produit innovant
ne soit pas utilisé, soit parce qu’il est sans valeur, soit parce que le seul usage du brevet est
d’empêcher les concurrents d’accéder à la technologie couverte. On estime généralement que
50% environ des brevets ne débouchent sur aucune application industrielle.

Le brevet est une solution forcément imparfaite, de second rang, à une équation
contradictoire. Il vise à favoriser simultanément l’innovation et la diffusion de la
connaissance. L’innovation est valorisée grâce au monopole, lequel est contraire à la
diffusion. Le brevet propose en conséquence un compromis. En effet, le monopole est limité
dans la durée dans la mesure où après une période donnée, l’invention tombe dans le domaine
public. Aussi, le brevet est accordé en contrepartie de la divulgation de l’invention. Le
document publié est donc accessible à tous et contient un descriptif suffisamment précis de
la découverte pour que celle-ci puisse être reproduite. Le brevet vise donc à réduire le secret,
moyen alternatif de protection à la disposition des innovateurs. Le décideur public est donc
face à un dilemme : renforcer la diffusion risque de réduire l’incitation à innover, tandis que
renforcer la protection risque de réduire la concurrence et la diffusion.

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