DIO_202_0145

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Islam et philosophie : leçons d'une rencontre

Souleymane Bachir Diagne


Dans Diogène 2003/2 (n° 202), pages 145 à 151
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 0419-1633
ISBN 9782130537793
DOI 10.3917/dio.202.0145
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 08/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 160.154.233.16)

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ISLAM ET PHILOSOPHIE : LEÇONS D’UNE
RENCONTRE
par

SOULEYMANE BACHIR DIAGNE

Hegel est le grand négateur de la rencontre et du dialogue des


civilisations qui, contre toute idée de l’hybridation comme esprit
même de la culture a soigneusement procédé au nettoyage ethni-
que de l’histoire : du commencement grec à l’achèvement européen,
la boucle est continue lors même qu’elle a traversé d’autres univers
spirituels. Ceux-ci ne pouvaient guère avoir d’épaisseur à opposer
au mouvement de la Raison portée par l’idée de sa destination. Peu
donc a importé à la fabrication de son Histoire que la philosophie
ait parlé syriaque puis arabe.
Il nous importe, à nous, aujourd’hui, qui avons appris à défaire
l’Histoire en histoires et à prendre toute la mesure de l’importance
des rencontres. Il nous importe, sur le continent africain tout par-
ticulièrement, de lire les leçons de la rencontre entre l’islam et la
pensée grecque et hellénistique laquelle a conduit la philosophie à
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s’écrire en arabe, sous la plume d’Al Kindî et de Saadia Gaon, d’Al
Farâbî et d’Ibn Sînâ, d’Al Ghazâlî et de Maïmonide, d’Ibn Rushd…
Que furent cette rencontre et le mouvement de traduc-
tion/hybridation auquel elle a donné naissance ? Quels enseigne-
ments porte-t-ils pour nous, aujourd’hui, particulièrement en Afri-
que ?

La peur de la philosophie
Si l’on devait voir dans la rencontre de la philosophie grecque et
de l’univers spirituel de l’islam l’effet d’une parole de bon augure,
ce pourrait être celle-ci, attribuée au prophète Muhammad : « la
parole de sagesse est la propriété perdue du musulman. Partout
donc où il la rencontre, il y a droit plus que quiconque ».
Qu’il pût exister une « parole de sagesse » hors du monde créé
par le Texte révélé et dont le musulman eût à s’approprier, cela
n’était pas facilement acceptable pour les spécialistes des sciences
qui s’étaient développées dans le monde islamique en dessinant un
paysage intellectuel tout entier centré autour du Livre coranique.
Ainsi le Commentaire (Tafsîr) de la Parole sacrée était-il la science
même, tandis que les disciplines liées à la langue de la révélation,
grammaire, philologie ou éloquence étaient également consacrées
parmi les « sciences de la religion » parce qu’elles avaient d’abord
pour finalité de constituer des instruments pour le Commentaire.

Diogène n° 202, avril-juin 2003.


146 SOULEYMANE BACHIR DIAGNE

En était un instrument aussi, l’étude de l’histoire de l’islam, en


particulier de la biographie de son prophète, de ses dires, de ses
habitudes, de sa conduite, de ses attitudes et décisions dans telles
ou telles circonstances : la science du hadith (des traditions mu-
sulmanes) devait ainsi éclairer le sens de la révélation et la direc-
tion qu’elle indiquait à la communauté des croyants.
Surtout, il y avait la science de la jurisprudence, le fiqh. Cet art
de tirer du Livre révélé, de la tradition prophétique ou des précé-
dents établis dans la toute première période de l’islam est très vite
devenu la « reine » des sciences religieuses. Il lui appartenait en
effet d’être gardienne de la loi divine et de faire en sorte que toute
décision sur tout cas qui viendrait à se présenter fût organique-
ment attachée à l’origine. La principale fonction de la jurispru-
dence était ainsi de veiller sur une fidélité pensée comme répéti-
tion, à l’identique autant que possible, et clôture sur soi.
Il y avait enfin la théologie spéculative ou kalâm, une discipline
née de la discussion et qui donc portait en soi la possibilité même
de la rencontre d’où naît l’ouverture : s’assignant la tâche de dé-
fendre et d’illustrer, au moyen d’arguments rationnels, les articles
de foi, il lui revenait alors d’abord de reconstruire rationnellement
ces articles. Elle ne saurait, par conséquent, être simple répétition
de la lettre. Là était précisément le danger de la théologie spécula-
tive aux yeux de ceux qui ne craignaient rien tant que de voir
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l’usage de la discussion rationnelle tourner au rationalisme et que
l’on en vînt à mettre la raison au-dessus de la tradition pour établir
le critère du vrai. On rapporte qu’Abu Hanifa (m. 767), fondateur
d’une des principales écoles juridiques musulmanes, interdit ainsi
à son fils de s’engager dans les débats des gens du kalâm.
« Pourquoi m’interdire ce dans quoi tu t’es toi-même engagé ? » lui
demanda alors le fils. « Parce que lorsque nous nous sommes en-
gagés dans ces questions, nous avons tous gardé le silence, de
crainte de voir un interlocuteur tomber dans l’erreur, tandis que
vous, vous vous êtes engagés dans ces discussions avec le souhait
de chacun d’entre vous de voir son compagnon glisser et tomber
dans l’incroyance. Quiconque souhaite cela tombe lui-même dans le
même piège. »
Cette peur de l’éristique, de la disputatio, c’était la crainte de
voir la spéculation rationnelle au service de la foi, ainsi que se dé-
finissait le kalâm, tourner à l’exaltation de soi par la raison et
conduire alors à l’infidélité. C’était donc aussi la peur de la ren-
contre, la peur de la philosophie. Qui sera, heureusement, surmon-
tée.

De la traduction à l’hybridation
ISLAM ET PHILOSOPHIE 147

C’est son expansion rapide qui a provoqué la rencontre du


monde musulman avec les centres où s’était conservée vivante la
tradition philosophique ancienne. Moins de dix ans après la dispa-
rition de son fondateur, l’islam avait conquis les terres de la Syrie,
de la Perse et de l’Égypte, où la pensée philosophique s’était main-
tenue. Ainsi, d’une part, la philosophie païenne continuait d’exister
dans la secte dite des Sabéens d’Harrân. D’autre part, des écoles de
pensée chrétiennes, celles des nestoriens et des jacobites, avaient
préservé dans leurs monastères l’essentiel de l’héritage aristotéli-
cien. Ces monastères étaient de véritables centres d’enseignement
de la philosophie, de la dialectique et de la logique où l’on s’exerçait
par l’étude à soutenir les controverses théologiques concernant la
trinité, le monophysisme et d’autres questions… C’est donc à une
tradition vivante (à Harrân) et à une « surprenante mais vivace
utilisation de la philosophie1 » que vont se trouver confrontés les
musulmans au milieu du septième siècle.
Fallait-il constater, en une attitude que pouvait conforter la po-
sition d’une religion conquérante et assurée d’avoir raison, que
c’était là une discipline grecque, étrangère à un monde tout entier
organisé autour de la Parole révélée ? Ou était-ce le moment
d’entendre le message laissé par le prophète que « la parole de sa-
gesse », fût-elle païenne, comportait de quoi éclairer la révélation
elle-même ?
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Il s’est trouvé un souverain, le calife abbasside Al Ma’mun (813-
833) pour apporter l’appui et la légitimation de l’autorité au mou-
vement intellectuel d’ouverture à la philosophie et d’appropriation
par le monde musulman de la rationalité de « la parole de sagesse »
grecque. Le symbole de cet appui et de cette légitimation fut la dé-
cision qu’il prit de créer, en 832 à Bagdad, la capitale, un centre où
les meilleurs spécialistes seraient regroupés pour traduire en
arabe les œuvres de la philosophie grecque. La fondation de cette
bayt al hikma comme elle fut appelée, c’est-à-dire « Maison de la
Sagesse », peut être donc considérée comme le véritable point de
départ d’une tradition philosophique vivante en terre d’islam qui
fut bien autre chose, n’en déplaise à Hegel, qu’un simple moment
pétrifié de l’histoire des idées. Au contraire, la rencontre des ratio-
nalités aura produit les meilleurs effets de démultiplication et de
développement que l’on puisse attendre d’une véritable appropria-
tion : « la philosophie en terre d’islam », écrit ainsi Alain de Libera,
« a pu poursuivre le fil de toutes ses histoires antérieures pour
former sa propre histoire : une histoire musulmane, cela va sans
dire, mais aussi une histoire chrétienne et une histoire juive2. »
C’est le plus remarquable en effet : la rencontre de la tradition phi-
losophique et de l’univers spirituel de l’islam, du grec et du syria-

1. Alain DE LIBERA, La philosophie médiévale, Paris, PUF 1993, p. 53.


2. Id. p. 54.
148 SOULEYMANE BACHIR DIAGNE

que avec l’arabe a été l’une des conditions de bien d’autres ren-
contres, d’un faisceau d’histoires qui se sont entremêlées. C’est
encore Alain de Libera qui décrit ce foisonnement des ren-
contres : « la philosophie en terre d’islam n’est pas la philosophie
des musulmans, mais l’histoire des philosophies que les musul-
mans ont produites ou laissé produire après la conquête – païenne,
chrétienne, musulmane, juive ; philosophie musulmane faite par
des religieux, philosophie ‘laïque’ faite par des philosophes ; philo-
sophies orientales et occidentales, méditerranéennes ou continen-
tales, arabes ou non arabes, philosophies perses et philosophies
turques3. »
Les premières traductions des sciences philosophiques en arabe
étaient effectuées à partir de leur version syriaque par des maîtres
chrétiens, nestoriens en général. Une famille chrétienne s’est ainsi
particulièrement distinguée à la tête de la Maison de la Sagesse,
celle de Hunayn, dont le fils Ishâq et le neveu Hubaish furent aussi
des traducteurs de renom. Le corpus philosophique ancien, aristo-
télicien en particulier, devint ainsi accessible en arabe grâce à la
traduction. Un effet essentiel de ce mouvement de translatio stu-
diorum du monde antique à Bagdad, la capitale des califes abbas-
sides, fut de faire de l’arabe une langue philosophique : Aristote en
arabe était la preuve vivante que rien dans l’essence même de la
philosophie ne nécessitait qu’elle parlât grec, ni même une langue
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indo-européenne. Sur ce point la peur de la philosophie était deve-
nue l’effarement des grammairiens devant les effets des traduc-
tions, devant ce qu’il advenait de la langue de la révélation ; la
transformation de l’arabe en une langue de la philosophie signifiait
non seulement l’apparition de néologismes philosophiques mais
aussi certaines « violences » faites aux manières habituelles de
s’exprimer lorsqu’il s’agissait, par exemple, de rendre dans une
langue qui n’a pas, contrairement au grec, l’usage de la copule être,
la forme canonique de la proposition chez Aristote : S est P, le pré-
dicat P est attribué au sujet S.
De cette opposition des grammairiens, gardiens de la langue,
aux logiciens hellénisants, la discussion célèbre, connue comme la
« controverse de Bagdad », entre Abû Bishr Mattâ et Abû Sa’îd al-
Sîrâfî est la dramatisation et l’illustration la plus parfaite. Cette
discussion publique qui eut lieu, en présence du vizir, en 938 vit,
en particulier, le grammairien al- Sîrâfî reprocher au philosophe
Mattâ d’ignorer que la logique des philosophes était la prétention
illégitime à l’universalité de ce qui n’était à l’examen que le produit
des catégories de langue particulières au grec : la vraie logique
pour les Arabes, soutenait-il, ne pouvait donc être que leur propre
grammaire.4 Une telle position revenait à nier la rencontre des

3. Ibid.
4. On me permettra de renvoyer ici à mon étude de la controverse intitulée
ISLAM ET PHILOSOPHIE 149

rationalités : elles devaient seulement cheminer en parallèle, in-


communicables, chacune ne se justifiant que dans son contexte
propre. Ce qu’il advenait de la langue arabe était le contre-
argument de fait à opposer à al-Sîrâfî : la rencontre, après s’être
faite traduction, était devenue hybridation de la langue et création
originale. Désormais la langue du Coran était aussi celle de la phi-
losophie, non seulement pour les musulmans al Ghazâlî (Algazel),
Ibn Sînâ (Avicenne) ou Ibn Rushd (Averroès), mais également pour
les juifs Saadia Gaon ou Maïmonide qui vivaient dans le même
univers de questions théologico-philosophiques, et tous des monu-
ments de l’histoire universelle de la philosophie.

Leçons
L’histoire de la rencontre de la « parole de sagesse » grecque et
de l’islam comporte de nombreux enseignements. De l’esquisse qui
vient d’en être présentée on pourra tirer deux leçons : la première
pour la modernité islamique, la seconde pour le développement de
la philosophie en Afrique.
La leçon pour la modernité islamique est celle qu’a tirée le phi-
losophe-poète indien Muhammad Iqbal (1877-1938) de sa médita-
tion sur la rencontre constitutive de l’histoire de la philosophie
dans le monde musulman5. La pensée religieuse de l’islam, en a-t-il
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conclu, a de nouveau, aujourd’hui, besoin de procéder à une vérita-
ble « reconstruction » de soi comme philosophie de l’individu auto-
nome et de l’action dans un monde ouvert, à faire. Elle le fera en
sachant répéter, dans un tout autre contexte, bien entendu, et se-
lon des modalités qui ne peuvent être que totalement différentes, le
geste par lequel elle avait su surmonter sa peur de la philosophie
pour rencontrer la pensée grecque. Aujourd’hui, dit Iqbal qui dé-
clare regretter de ne pas écrire au temps du calife Al Ma’mun, il
s’agit pour la pensée moderniste de l’islam et sa lecture renouvelée
du texte coranique, de savoir se nourrir aussi de la rencontre de
Leibniz, de Kant, de Bergson ou de Nietzsche… Henri Bergson
surtout, par sa pensée du temps comme durée ainsi que de
« l’évolution créatrice » aura représenté pour Muhammad Iqbal « la

« Grammaire, Logique et vérité » dans Entre les Grâces et les Muses. Eléments histo-
riques de culture générale, sous la direction de D. DAUVOIS, C. SIMON, J. HOARAU,
Paris, Ellipses 1994.
On remarquera l’actualité de cette question qui sera reprise d’une part dans le
projet d’Alexis Kagamé d’exhumer l’ontologie que porte la langue Kinya-rwandaise
en en dégageant les « catégories » sur le modèle de celles d’Aristote ( Alexis
KAGAME, La philosophie bantu-rwandaise de l’être, Bruxelles, Académie royale des
sciences coloniales 1956.) ; d’autre part dans l’article de BENVENISTE sur
« catégories de langue et catégories de pensée » reprise dans ses Problèmes de lin-
guistique générale (chap. VI), Paris, Gallimard 1966.
5. C’est une partie de l’intitulé de la thèse de doctorat qu’il présenta à Cam-
bridge en 1907 et qui a été traduite en français par Eva de Vitray Meyerovitch sous
le titre suivant : La Métaphysique en Perse, Paris, Sindbad 1980.
150 SOULEYMANE BACHIR DIAGNE

parole de sagesse » que l’islam, aujourd’hui, se doit de s’approprier


comme sa « propriété perdue » afin de pouvoir lire, à sa lumière,
son propre texte pour y voir les conditions de sa propre mise à jour,
de sa propre modernité comme pensée du sujet autonome devant
s’inventer soi-même dans et par l’action de transformation d’un
monde ouvert, toujours émergent6.
La leçon pour la philosophie en Afrique reste encore à penser.
D’abord parce que l’histoire intellectuelle de l’Afrique demeure très
largement à écrire et que la bibliothèque africaine reste encore à
établir. On peut en juger par la manière dont le débat sur la philo-
sophie en Afrique s’est déroulé pour l’essentiel dans l’ignorance de
la signification intellectuelle (et non pas seulement religieuse ou
politique) de la rencontre de l’Afrique avec la rationalité graphique
de l’islam et ce au moins depuis le onzième siècle. Ainsi de nom-
breux manuscrits (mal) conservés à Tombouctou mais également
dans de nombreuses bibliothèques familiales partout dans les ré-
gions musulmanes en Afrique subsaharienne attendent de figurer
dans les rayons d’une « bibliothèque africaine » qui attesterait que
la pensée philosophique en Afrique ne se joue pas seulement dans
le débat entre ethnophilosophie et europhilosophie. Que la logique
de tradition aristotélicienne ou la métaphysique de l’être et de ses
attributs a fait l’objet d’écrits africains philosophiques autres que
ceux du Ghanéen Guillaume Amo ou des penseurs éthiopiens étu-
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diés par Claude Sumner. Prêter attention à ceux qu’Ousmane
Kane, dans un ouvrage à paraître en cette année 2003 au Codesria,
à Dakar, a appelé les intellectuels africains non europhones, qui ont
écrit en arabe ou dans leurs langues maternelles en utilisant les
caractères arabes, permettra de percevoir la profondeur historique
de la pensée philosophique écrite en Afrique. On citera aussi sur-
tout l’important travail d’établissement d’un catalogue des titres de
la littérature africaine en langue et caractères arabes entrepris
depuis de nombreuses années par les historiens John Hunwick et
Sean Rex O’Fahey7.
D’un mot, il y a là encore une rencontre à organiser, celle entre
les intellectuels africains dont la langue de travail philosophique
est le français, l’anglais ou le portugais avec ceux qui ont travaillé
en caractères arabes et qui sont aussi les héritiers d’une tradition
philosophique en terre d’islam née de la rencontre avec le monde
grec.
Enfin, on a souvent évoqué la nécessité de philosopher aussi
dans les langues africaines8. « Philosophes africains, apprenons à

6. Sur la pensée de Muhammad Iqbal, voir Souleymane Bachir DIAGNE, Islam et


société ouverte. La fidélité et le mouvement dans la pensée de Muhammad Iqbal,
Paris, Maisonneuve et Larose 2001.
7. Voir Arabic literature of Africa, J. O. HUNWICK et R. S. O’FAHEY (éds), Leyde-
New York, E. J. Brill 1994.
8. Dans le numéro 184 de la revue Diogène (1998) : Afrique, regards croisés, re-
ISLAM ET PHILOSOPHIE 151

penser dans nos propres langues! » (Fellow philosophers, let us


learn to think in our own languages!) s’est ainsi écrié Kwasi Wire-
du. Cette tâche que nous nous assignons ainsi s’éclairera utilement
à la lumière de l’histoire du devenir philosophique de la langue
arabe mais aussi de l’expérience effective des « intellectuels non-
europhones » qui se sont déjà affrontés à cet aspect essentiel de la
rencontre des rationalités : celle des langues.

Souleymane Bachir DIAGNE.


(Northwestern University, Evanston, Illinois.)
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gards pluriels, la Rédaction avait demandé aux auteurs de résumer leur texte dans
leur propre langue : yoruba, wolof, ebonics, twi, somali,dhuluo, akan, beti.

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