bailler
(Mot repris de baillait)bailler
v.t. [ lat. bajulare, porter ]bailler
Participe passé: baillé
Gérondif: baillant
Indicatif présent |
---|
je baille |
tu bailles |
il/elle baille |
nous baillons |
vous baillez |
ils/elles baillent |
bâiller
Participe passé: bâillé
Gérondif: bâillant
Indicatif présent |
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je bâille |
tu bâilles |
il/elle bâille |
nous bâillons |
vous bâillez |
ils/elles bâillent |
BAILLER
(ba-llé, ll mouillées, et non ba-yé ; il faut bien prendre garde à ne pas assimiler ce mot à bâiller qui a un a long) v. a.HISTORIQUE
- XIe s. Il nen est dreiz que Paien te [Durandal l'épée] baillisent [portent] [, Ch. de Rol. CLXX]Charles lui dist : Cuivert, mar le baillastes [vous l'avez maltraité] [, ib. CCLI]Baliganz sire, mal estes hui baillit [, ib. CCLV]
- XIIe s. [Ils] Ne sorent la corone cui [à qui] donner ne baillier [, Sax. IV]Puis li bailliez la chartre où li seax d'or pend [, ib. XX]L'arcevesque Thomas tut avant s'en ala ; La cruiz arceveskal il meïsmes porta ; à nul ne l'ad baillie [, Th. le mart. 39]Li autre l'ont laissié tut sul enmi l'estur, Et le corn ont baillié en main à pecheür, Ne l'espée Deu traire n'en osent par poür [peur] [, ib. 28]Trestote Espaigne vous tenrez à bailler [gouverner] [, Ronc. p. 3]Or me bailliez le gant [, ib. p. 12]Mais ne plut [à] Deu, qui tout a à baillir [, ib. p. 55]Qui tant fut preuz pour ses armes baillier [, ib. p. 99]Escu [ils] lui baillent où ot peint un lion [, ib. p. 182]
- XIIIe s. Et li dus li bailla de vaisseaus et de galies tant comme il li en convint [VILLEH., LVI]Et de ce leur baillerent il bonnes chartes pendans, por confermier tout pleinement tex convenances comme il feroient [ID., X]À sa mere [elle] le [l'anneau] baille, mout pleure et mout s'esmaie [, Berte, VIII]Mantiau de fin drap d'or [il] fait à chascun bailler [, ib. CXXIX]N'il n'i a point d'amor sans faille En fame qui por don se baille [, la Rose, 8318]Li bers a trait l'espée dont li pons [poignée] fu d'or mier, Vers Sansadoine point, mais ne le pot baillier [tenir, atteindre] ; Car plus va ses chevaus que ne vole espervier [, Ch. d'Ant. V, 602]Voirs est que li demanderes qui se veut aidier des letres, ne les baurra [baillera] pas, s'il ne li plest, au deffendeur [BEAUMANOIR, VII, 24]Et aussi se partie me requiert que je li baille conseil [ID., V, 19]S'aucuns me prie que je rechoive vingt livres por li d'aucun qui li doit, ou il me baut vingt livres à garder [ID., XXIX, 17]Et s'il est si povres, qu'il ne puist baillier nans [nantissements] [ID., LI, 7]Le roy commanda à monseigneur Jehan de Biaumont, que il feist bailler une galie [galère] à monseigneur Erart de Brienne et à moy [JOINV., 214]Se li rois vous avoit baillé la Rochelle à garder qui est en la marche.... [, ib. 197]
- XIVe s. Et les sciences [étaient] communement baillées en grec, et en ce pays le langaige commun et naturel c'estoit latin [ORESME, Prolog.]Une science qui est forte quant est de soy, ne peult pas estre baillée en termes legiers à entendre [ID., ib.]
- XVe s. Avisez-vous, seigneurs cardinaux, et nous baillez un pape romain, qui nous demeure [FROISS., II, II, 21]Et autres villes baillées par le roy Charles septiesme au duc.... [COMM., I, 1]Les villes leur bailloient ce qu'ils vouloient pour leur argent [ID., I, 2]
- XVIe s. Je luy baillyz si vert dronos [un coup si sec] sus les doigts, à tout mon javelot, que il n'y retourna pas deux foiz [RAB., Pant. II, 14]Bailler une grande somme d'argent au change [MONT., I, 44]Plus les tyrans pillent, plus ils exigent ; plus on leur baille, plus on les sert [ID., IV, 351]Tu en bailles bien à nos resveurs de philosophes [DESPÉR., Cymbal. 92]Il lui bailla sa coquille : Aristide escrivit luy-mesme son nom dessus la coquille, et la luy rebailla [AMYOT, Arist. 20]
ÉTYMOLOGIE
- Normand, je baurai, je baillerai ; provenç. bailar, baillir ; anc. catal. baillir ; bas-lat. bajulare, diriger, gouverner, de bajulus, tuteur, baile, pédagogue, du latin bajulare, porter ; de sorte qu'un mot qui ne signifiait dans le latin que porter un fardeau, a pris, dans les langues romanes, les sens dérivés les plus étendus : tenir, donner, garder, gouverner, traiter. La conjugaison était double : bailler et baillir, d'où, dans l'ancien français, baillie, autorité, puissance, et bailli. On remarquera aussi le futur, je baurai, conservé dans les patois, mode ancien de conjuguer dont des traces se retrouvent dans je lairrai, forme populaire de je laisserai, et dans j'enverrai.
bailler
Fam. et par ellipse, Vous m'en baillez d'une belle, vous me la baillez belle, vous me la baillez bonne, Vous voulez m'en faire accroire.
bâiller
Il signifie, par analogie, S'entrouvrir, être mal joint. Les ais de cette cloison bâillent. Une porte qui bâille. Une fenêtre qui bâille.
Cette étoffe, cette dentelle bâille, Elle n'est pas assez tendue.
bailler
Bailler, Attribuere, Conferre, Erogare, Praebere, Propinare, Tradere, Transcribere, Tribuere. Semble qu'il vienne de ballô, id est mitto, Car celuy qui baille, emittit a se.
Bailler et delivrer, Praestare, dare.
Bailler à louage, ou à ferme, Ablucare, Elocare.
Bailler à ceux qui viendront apres nous, Posteris prodere.
Bailler à cognoistre ce qu'il faut faire, ou ce qui est à avenir, Praemonstrare.
Bailler à entendre, et enseigner, Edisserere.
Bailler fort à faire, Negotium exhibere.
Bailler en don, Donare.
Bailler en garde, Credere alicui aliquid, Concredere.
Bailler à credit, Credere.
Bailler à usure, Dare foenori.
Bailler caution, pleige, respondant. Fideiubere, Satisdare, Cauere.
Bailler en gage, Dare pignori. Oppignerare.
Bailler congé, Exauthorare, Ablegare, Dimittere.
Bailler à quelqu'un blasme, Causas in aliquem congerere.
Bailler charge, Mandare.
Bailler à quelqu'un la charge de loüer un autre, Tribuere alicui praeconium.
Bailler la chasse, Calcar admouere.
Bailler de l'un à l'autre l'administration d'une Province, Prouinciam per manus tradere.
Bailler contrepois, Saburrare.
Bailler quelque couleur, Praetexere.
Bailler un coup, Imponere vulnus, vel Infligere vulnus.
Bailler un souflet en la jouë, Colaphum incutere, vel infligere, Ducere colaphum alicui.
Bailler un coup de poing bien serré, Pugnum impingere.
Dieu baille courage, Deus ipse animos sufficit.
Bailler ou apporter dons à quelqu'un de tous costez, Dona alicui conferre.
Bailler un chaumouflet, Fumidi linteoli nidorem e cucullo chartaceo in nasum inflare, vel inspirare.
Je luy bailleray sur le dos, Ipse mihi tergo poenas pendet.
Bailler les noms des tesmoins, Edere nomina testium. Cic. 4. in Verrem. Liu. lib. 10. bell. pugnici.
Baille de l'eau pour laver les mains, Cedo aquam manibus.
Bailler sa fille en mariage, Filiam nuptum dare, vel nuptui,
Bailler jour, Diem alicui dicere.
Bailler loy à la ville, Legem ciuitati constituere.
Baille çà la main. Cedo manum siue dextram. B. ex Terentio. Fer contra manum.
Bailler une oeillade, Limis aspicere. Bud. ex Quintiliano.
Bailler des requestes pour faire juger son procez, Supplicibus libellis flagitare vt curia sibi vacet, vt sibi Curia in consilium eat.
Parties appointées à escrire et respondre, ou bailler additions de huitaine en huitaine, Ligatores octonis diebus scribere vicissim, rescribereque iussi.
Bailler griefs, Commentarium querulum edere.
Bailler salvations de tesmoins, Maledictis testes infamantibus et eleuantibus rescribere, Argumentis probrosis rescribere, Maledicta probrosa scripto diluere.
Bailler requeste pour avoir communication et copie de quelques actes par les mains du greffier, Libello supplici postulare actorum sibi inspiciendorum potestatem fieri per scribamque describendorum.
Bailler ou tendre la main à aucun, In aliquem manum intentare.
Bailler la main l'un à l'autre, Dextras interiungere.
Bailler nom aux choses, Notare res nominibus nouis.
Bailler or pour or, Expendere aurum auro.
Je le vous baille pour tel qu'on me l'a baillé, Non facio litem meam. B. ex Gellio.
Bailler la pelotte l'un à l'autre, Pelotter, Datatim ludere.
Bailler la revange, Certaminis potestatem reddere, Lusus repetendi copiam facere.
On luy a baillé sergeans pour faire les contraintes, Assignati apparitores.
Bailler sa terre à hoüer à pris d'argent, Locare, agrum fodiendum.
Bailler plusieurs tormens, Excarnificare.
Baillez à cet homme ce qu'il demande, Hominem istum quamprimum absoluitote.
Bailler ce qui est necessaire pendant qu'on est en la province, Vsum Prouinciae supplere.
Bailler ce qu'on a promis, Diem promissorum repraesentare, Exhibere promissum.
Je ne t'en baillerois pas cela, en demonstrant quelque chose qui ne vaut rien, Istoc vilius.
Bailler un pour autre, Mutare aliquid cum altero.
Bailler à rente, Praedium oppignerare annua pensitatione.
Je le te baille sur ta conscience, Hoc credo religioni tuae.
Bailler vent, Relaxatis spiramentis aerem infundere.
¶ Bailler autant à l'un comme à l'autre, AEquare.
Bailler par escrit et declaration, Edere scriptum.
Bailler par escrit le double ou copie de quelque chose, Exscribere alicui.
¶ On n'en baille plus tant, Pretium abiit.
¶ A qui on a baillé quelque chose en garde, Depositarius.
L'office baillée à celuy à qui elle appartenoit, et en estoit digne, In loco posita aedilitas.
Mettre quelqu'un en la baillie d'aucun, sous l'esperance qu'on a de sa foy, et du bon traitement, Deponere libertum apud fidem alicuius.
Baillé et donné. Praebitus, Tributus, Attributus, Erogatus.
Ce qui est baillé de nature à une chacune bonne personne, Id quod optimo cuique natura tributum est.
Baillé en garde, Commendatus.
bailler
BAILLER, v. a. [ba-glié, 1re brève.] Doner, livrer, mettre en main. Il ne se dit plus que dans la Pratique. "Bailler à ferme, par contrat, par testament; Bailler une requête, etc.
REM. Malherbe préférait et en prôse et en vers, le mot de bailler à celui de doner. — Balzac l'emploie souvent dans ses lettres. Depuis long-temps il n'est plus du bel usage. On ne le dit plus qu'en termes de Pratique; et il ne s'est conservé que dans cette expression du style familier; Vous me la baillez belle, vous voulez m'en faire acroire. Vaug. Corn. L. T. = Il avait pourtant un aûtre sens que doner, et celui-ci ne le remplace pas. Doner, c'est faire un don, et bailler, signifie seulement, mettre entre les mains; Th. Corn. — Depuis que bailler a été disgracié, il a falu que doner le supléât et ajoutât sa signification à celles qu'il avait déja.