donné le nom d’évangélistes à ces hommes qui écrivent complaisamment tout ce qu’on leur dicte sans rien contrôler. Ils jouent un grand rôle dans ce pays où l’instruction primaire est négligée. Je m’adressai à l’un d’entre eux pour avoir des renseignements sur la route à suivre ; c’était un vieux bonhomme à la mine ratatinée, au visage parcheminé, ayant en tout le physique de l’emploi. Il portait un pantalon de lasting vert, des bottes de daim, une veste de toile blanche, sans gilet ni cravate, des lunettes, une plume derrière l’oreille droite, une autre à la main, une cigarette derrière l’oreille gauche, une autre à la bouche ; cet ensemble grêle et desséché servait de support à un chapeau prodigieux, dont les bords avaient certainement plus d’un mètre d’envergure.
Il se dérangea fort complaisamment pour me mettre dans la bonne voie. Je me rendais sur la foi des offi- ciers de la garnison de Guadalajara au meson du théâtre de Vergara. Mais cet hôtel me parut beaucoup trop important pour un homme qui désirait comme moi s’effacer modestement dans les rangs du peuple, et je pensai que mon ami l’officier avait voulu se donner des gants en me le recommandant. Je ne pris que le temps de jeter un coup d’œil sur le théâtre qui n’a, en vérité, rien de remarquable, et rebroussai chemin en quête d’un nouveau gîte.
Je trouvai ce qu’il me fallait au meson de San-Vicente, calle de Manrique ; cette rue porte le nom d’un architecte mexicain d’un certain mérite. Là on me donna la clef d’un cuarto où se trouvaient un lit de camp, une table et un banc, une place pour mon cheval à l’écurie, une chandelle de suif, et personne ne s’inquiéta plus de moi.
Après d’indispensables ablutions et un déjeuner à la suite duquel je constatai à mon grand étonnement que la vie était moins chère dans la capitale que partout ailleurs, je pris la rue de Tacuba qui fait un angle droit avec celle de Manrique, et me trouvai bientôt à la cathédrale.
La cathédrale de Mexico est située au cœur même de la cité ; sa façade regarde le midi et forme un des côtés de la place d’Armes ou place de la Constitution. Il me semble que personne n’a encore rendu à ce beau temple la justice qu’il mérite ; ses grandes et belles dimensions, l’art avec lequel ses différentes parties sont agencées, l’habileté de l’ornementation, provoquent l’admiration. Le portail est divisé en trois parties par de gros contreforts surmontés de consoles renversées. Le corps du milieu est plus élevé que les autres et surmonté en outre d’une tourelle couronnée de statues. Cette habile disposition sauve très-heureusement le triste effet d’une ligne droite réunissant deux tours fort éloignées l’une de l’autre, effet dont on peut se rendre compte facilement en se plaçant en face de Saint-Sulpice et surtout de Saint-Vincent de Paul, à Paris. Le soubassement des tours est de construction massive en pierres de taille, soutenu par des contre-forts entre lesquels sont percées des ouvertures qui contribuent à lui donner une apparence de forteresse ; mais les clochers sont fort beaux et très-agréablement terminés par une coupole en pierre en forme de cloche. Tout cela est relevé des ornements de la renaissance, oves et médaillons, écussons et cartouche environnés de guirlandes et de festons, volutes et astragales, balustres dont les massifs supportent des statues et des cassolettes gigantesques. Une sobriété qui n’a rien de mesquin ni de froid et une grande entente de l’harmonie ont présidé à la distribution de ces ornements, dont les belles proportions et le puissant relief donnent au monument un caractère vraiment grandiose.
La coupole rappelle, pour s’en faire valoir d’autant,