l’interprétation des textes qui pourraient me sembler obscurs.
Sauf la lettre des PP. Girbal et Marquès que j’ai donnée en note dans mon étude sur les Indiens Panos, la correspondance des premiers religieux de Sarayacu n’offrait absolument rien qui valût la peine d’être transcrit. En compulsant ces paperasses je trouvai, intercalé dans les plis d’un journal, un croquis au crayon sur lequel mes yeux s’arrêtèrent et dont ils eurent de la peine à se détacher. Ce n’est pas que ce dessin d’une exécution inhabile et d’une tournure archaïque, méritât l’attention d’un artiste ou d’un amateur. Seul, un mécanicien se fût intéressé, peut-être, au problème de dynamique qu’il paraissait offrir et que le sujet du croquis, un homme affublé d’un sac de sauvage et coiffé d’un chapeau de paille, essayait de résoudre, à l’aide d’une phrase espagnole et d’un vilebrequin surmonté d’un A majuscule.
Ce qui me frappa vivement dans ce dessin au trait dont je fis un décalque, ce ne fut donc pas son mérite, mais seulement la date de l’année et le moment du jour où son auteur, le P. Buonaventura Marquès, l’avait exécuté. Heureux moine ! tandis qu’assis dans sa cellule joyeusement éclairée par un rayon de soleil matinal, au milieu d’un calme profond, il essayait à l’aide d’un crayon naïf de réaliser sa chimère, au delà des mers, sous un ciel brumeux et par un lugubre matin d’hiver, une tête royale tombait sur l’échafaud et les bruits de sa chute faisaient pâlir et trembler sur leurs trônes tous les rois de l’Europe.
Ma revue des papiers terminée, j’ouvris le registre de l’état civil pensant y trouver quelques détails intéressants. Mais de ce côté mon espoir fut encore déçu. Ce n’était qu’une insignifiante kyrielle de dates et de noms qui ne m’apprenaient rien.
Deux ou trois conversations que j’eus avec le P. Antonio me suffirent pour découvrir chez lui des qualités réelles auxquelles il rattachait une indépendance d’esprit et une liberté de jugement qui ne laissaient pas que de jurer un peu avec l’humilité de son costume et les vœux