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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/200

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LETTRE XXIV.

infamie un art dans lequel nous excellons, que l’on excommunie des personnes gagées par le roi, que l’on condamne comme impie un spectacle représenté chez les[1] religieux et dans les couvents, qu’on déshonore des jeux où de grands princes[2] ont été acteurs, qu’on déclare œuvre du démon des pièces revues par les magistrats les plus sévères, et représentées devant une reine vertueuse ; quand, dis-je, des étrangers apprennent cette insolence[3], cette barbarie gothique qu’on ose nommer sévérité chrétienne, que voulez-vous qu’ils pensent de notre nation, et comment peuvent-ils concevoir ou que nos lois autorisent un art déclaré si infâme, ou qu’on ose marquer de tant d’infamie un art autorisé par les lois, récompensé par les souverains, cultivé par les plus grands hommes, et admiré des nations ; et qu’on trouve chez le même libraire[4] l’impertinente déclamation contre nos spectacles à côté des ouvrages immortels[5] de Corneille, de Racine, de Molière, de Quinault ?


LETTRE XXIV[6].

sur les académies

[7]Les grands hommes se sont tous formés ou avant les académies ou indépendamment d’elles. Homère et Phidias, Sophocle et

  1. 1734. « Des. »
  2. 1734. « Des jeux où Louis XIV et Louis XV ont été. »
  3. 1734. « Cette insolence, ce manque de respect à l’autorité royale, cette barbarie. »
  4. 1734. « Le même libraire la déclamation du P. Lebrun contre nos spectacles. »
  5. 1734. « Ouvrages immortels des Racine, des Corneille, des Molière, etc.? »
  6. La plus grande partie de cette lettre formait, dans le Dictionnaire philosophique (éditions de Kehl), la plus grande partie de l’article intitulé Société royale de Londres, et des Académies.
  7. Dans l’édition de 1734, celle lettre commence ainsi :
    « Les Anglais ont eu longtemps avant nous une académie des sciences ; mais elle n’est pas si bien réglée que la nôtre, et cela par la seule raison peut-être qu’elle est plus ancienne : car, si elle avait été formée après l’Académie de Paris, elle en aurait adopté quelques sages lois, et eût perfectionné les autres.
    « La Société royale de Londres manque des deux choses les plus nécessaires aux hommes, de récompenses et de règles. C’est une petite fortune sûre à Paris pour un géomètre, pour un chimiste, qu’une place à l’Académie ; au contraire, il en coûte à Londres pour être de la Société royale. Quiconque dit en Angleterre : J’aime les arts, veut être de la Société, en est dans l’instant ; mais, en France, pour être membre et pensionnaire de l’Académie, ce n’est pas assez d’être amateur, il faut être savant et disputer la place contre des concurrents d’autant plus redoutables qu’ils sont animés par la gloire, par l’intérêt, par la difficulté même, et