Apelle, Virgile et Vitruve, l’Arioste et Michel-Ange, n’étaient d’aucune académie ; le Tasse n’eut que des critiques injustes de la Crusca, et Newton ne dut point à la Société royale de Londres ses découvertes sur l’optique, sur la gravitation, sur le calcul intégral, et sur la chronologie. À quoi peuvent donc servir les académies ? à entretenir le feu que les grands génies ont allumé[1].
La Société royale de Londres fut formée en 1660, six ans avant notre Académie des sciences. Elle n’a point de récompenses comme la nôtre, mais aussi elle est libre : point de ces distinctions désagréables inventées par l’abbé Bignon, qui distribua l’Académie des sciences en savants qu’on payait, et en honoraires qui n’étaient pas savants. La Société de Londres, indépendante, et n’étant encouragée que par elle-même, a été composée de sujets qui ont trouvé le calcul de l’infini, les lois de la lumière, celles de la pesanteur, l’aberration des étoiles, le télescope de réflexion, la pompe à feu, le microscope solaire, et beaucoup d’autres inventions aussi utiles qu’admirables, Qu’auraient fait de plus ces grands hommes s’ils avaient été pensionnaires ou honoraires ?
Le fameux docteur Swift forma le dessein, dans les dernières années du règne de la reine Anne, d’établir une académie pour la langue, à l’exemple de l’Académie française. Ce projet était
- ↑ Les académies des sciences sont encore utiles : 1° pour empêcher le public, et surtout les gouvernements, d’être la dupe des charlatans dans les sciences ; 2° pour faire exécuter certains travaux, entreprendre certaines recherches dont le résultat ne peut devenir utile qu’au bout d’un long temps, et qui ne peuvent procurer de gloire à ceux qui s’en occupent. Comme tout ce qui n’exige, pour être découvert, que de la méditation et du génie, doit s’épuiser en peu de temps, ces travaux obscurs préparent, pour les générations qui suivent, des matériaux nécessaires pour de nouvelles découvertes. (K.)