Academia.edu no longer supports Internet Explorer.
To browse Academia.edu and the wider internet faster and more securely, please take a few seconds to upgrade your browser.
…
2 pages
1 file
Il y a dans notre littérature un écrivain qui reste un phénomène à part et dont le récent prix Nobel n'a fait que confirmer la singularité : Patrick Modiano. Ce romancier discret, pudique, à l'écriture tempérée, était pourtant entré en littérature comme on fait un esclandre. Sa plume, il l'avait d'abord mise au service d'un cri. D'un hurlement furieux et ironique : celui d'un texte dément, La Place de l'étoile. Comme Le Clézio ou comme Annie Ernaux, il avait débuté par ce qui était aussi une sorte d'exorcisme qui l'avait libéré d'un certain nombre de hantises, ou plus exactement d'une forme d'écriture pour dire ces hantises : la révolte, l'indignation, la colère. C'est seulement après cette liquidation qu'une manière tout à fait inédite d'écrire s'est installée pour ne plus le quitter et pour décrire avec constance un certain nombre d'obsessions qu'on a très souvent, et avec raison, rapportées à cette Occupation qu'il n'a pourtant pas vécue. Malgré cela, Modiano n'a pas écrit de grandes fresques historiques ou sociales, mais surtout de brèves aventures traversées d'incertitude et de vide, où le fantôme de l'Occupation s'inscrit dans un miroitement trouble sans qu'il écrase le récit par son omniprésence. Et c'est cette manière d'écrire qui fait de Modiano un révélateur : il nous permet de ressentir, par contraste, tout ce que l'histoire contemporaine nous a désigné sans parvenir à nous le faire vivre. Son écriture est celle d'une mémoire médusée qui est le signe d'un deuil inachevé et inachevable.
Patrick Modiano, écrivain déraciné, cherche à se reconstruire un arbre généalogique dans et par la littérature. La présence du végétal dans son œuvre se fait ainsi souvent le signe de cette recherche, dans une alternance paradoxale entre une esthétique de la ruine ou de la destruction, qui n’est pas sans évoquer l’horreur de la Shoah, et un élan germinatif et vitaliste. Nous essayerons donc de cerner les différents enjeux de la présence végétale dans l’œuvre de Modiano, fortement noués à sa réflexion existentielle et esthétique. Patrick Modiano, uprooted writer, seeks to rebuild a family tree in and through literature. The presence of the plant in his work is thus often the sign of this research, in a paradoxical alternation between an aesthetic of ruin or destruction, which is not without evoking the horror of the Holocaust, and a burst of germination and vitalism. We will try to identify the different issues of plant presence in the work of Modiano, strongly tied to his existential and aesthetical reflection.
2011
À la lecture de l'oeuvre de Patrick Modiano, il semble qu'un grand changement s'est effectué dans son écriture en ce qui concerne le ton. Pierre Assouline (2003) parle d'une « musique intérieure » et considère Modiano comme un « homme de biais ». Mais à vrai dire, rien de plus difficile à décrire que le ton de Modiano. Au demeurant, qu'est-ce que le ton d'une oeuvre? Question obscure, mystérieuse, essentielle cependant à l'oeuvre. Selon Barthes, « [d]ans n'importe quelle forme littéraire, il y a le choix général d'un ton, d'un éthos, si l'on veut, et c'est ici précisément que l'écrivain s'individualise clairement parce que c'est ici qu'il s'engage » (1953, p. 23).
2016
L'attribution du Prix Nobel de la Littérature 2014 à Patrick Modiano a entraîné la parution, dans les média, de textes-synthèse sur le parcours créateur de l'écrivain français et sur sa poétique, occasion donnée au lecteur contemporain de prendre ou reprendre contact avec une écriture qui se dérobe, se redit et se met sans cesse à l'épreuve ; la vocation du romancier étant, pour reprendre les mots du discours de Stockholm de Modiano, « (…) devant cette grande page blanche de l'oubli, de faire ressurgir quelques mots à moitié effacés, comme ces icebergs perdus qui dérivent à la surface de l'océan. » (Modiano, 2014a) Rappelons juste deux témoignages de ce discours-guide pour un lecteur plus distrait ou moins connaisseur de Modiano, aux lendemains de ce prix prestigieux. Au Portugal, Maria Eduarda Keating publie dans le périodique littéraire portugais Jornal de Letras un article identifiant les traits majeurs de l'écriture modianesque, souvent mis en exergue par la critique académique : une écriture traversée par l'ambigüité, voire recherche identitaire, la culpabilité, la fragilité de la mémoire 2 ; une écriture donnant à voir un individu aux prises avec l'Histoire et son histoire et une perspective personnelle et interrogative de l'Occupation allemande en France ; une oeuvre qui se présente en tant que nouvelle façon d'exercer le devoir de mémoire ; une cartographie d'un espace parisien (Keating, 2014 : 6). Bruno Blanckeman, lui, signe dans le Huffington Post un texte où il souligne, chez 1 Cet article s'insère dans la recherche menée au sein du Programme Stratégique UID/ELT/00500/2013. 2 Cet article a été aussi occasion de rappeler les ouvrages traduits en portugais : Na rua das lojas obscuras, A ronda nocturna, Domingos de Agosto, Um circo que passa, No café da juventude perdida et O Horizonte. La plupart de ces ouvrages ont été réédités à la suite de l'attribution du Nobel.
Marie Vergnol Quêtes littéraires nº 12, 2022 Mémoire(s)
C’est un topique des écrits de Patrick Modiano que de partir sur les traces d’existences disparues. Mettant en scène un personnage qui tente de se ressaisir de son propre passé menacé par l’oubli, Chevreuse se comprend comme une variation sur thème. Il est toutefois singulier que la modalité de cette quête mémorielle soit introspective. Aussi s’agit-il d’explorer la manière dont la narration élabore une tension entre l’apparente lâcheté de l’intrigue qui se fait mimétique de l’expérience même de remémoration, et la tentative d’élaborer par l’écriture un réseau permettant aux souvenirs de faire sens les uns par rapport aux autres. Dans cette perspective, nous étudierons les deux valences de l’écriture qui embrasse les circonvolutions d’une mémoire lacunaire autant qu’elle se mue en instrument herméneutique ; puis nous montrerons qu’en dernière instance, cet ars memoriae se dote d’une poétique du rêve et de l’imagination afin de dépasser cette ambivalence et de procéder à la recréation mentale d’un monde disparu.
2015
L'attribution du Prix Nobel de la Littérature 2014 à Patrick Modiano a entraîné la parution, dans les média, de textes-synthèse sur le parcours créateur de l'écrivain français et sur sa poétique, occasion donnée au lecteur contemporain de prendre ou reprendre contact avec une écriture qui se dérobe, se redit et se met sans cesse à l'épreuve ; la vocation du romancier étant, pour reprendre les mots du discours de Stockholm de Modiano, « (…) devant cette grande page blanche de l'oubli, de faire ressurgir quelques mots à moitié effacés, comme ces icebergs perdus qui dérivent à la surface de l'océan. » (Modiano, 2014a) Rappelons juste deux témoignages de ce discours-guide pour un lecteur plus distrait ou moins connaisseur de Modiano, aux lendemains de ce prix prestigieux. Au Portugal, Maria Eduarda Keating publie dans le périodique littéraire portugais Jornal de Letras un article identifiant les traits majeurs de l'écriture modianesque, souvent mis en exergue par...
Le génie de Proust, c'est d'arriver à retrouver le passé, alors que moi, je n'arrive qu'à retrouver des traces. (Modiano, 2003: 151) « Le grand, l'inévitable sujet romanesque, c'est toujours, de toute manière, le temps. Voir Tolstoï, Proust et tous les autres phares. De toutes les formes d'écriture, la forme romanesque est la plus habilitée à donner l'odeur du temps » (Modiano, 1975: 3),-disait notamment Patrick Modiano dans une interview. Cette idée ne fait que confirmer ce que doivent penser les lecteurs assidus en lisant les romans de cet écrivain, à savoir que l'un des principaux défis qu'il relève, c'est le temps, plus exactement la recherche des temps révolus, l'élaboration de la poétique et de l'éthos du temps perdu, la représentation de la question de l'identité. Nous évoquons l'oeuvre romanesque d'un écrivain contemporain qui, à travers sa thématique, son penchant pour l'analyse de traumatismes historiques ...
2015
Si les lecteurs de Patrick Modiano aiment retrouver de récit en récit un art de la ritournelle et de la reprise, une insolite alliance entre ressassement et variation, la publication d'Un Pedigree institue pourtant l'écrivain en maître des métamorphoses. Sans doute parce que ce court récit de filiation d'une sèche factualité infléchit l'ensemble de l'oeuvre et la redonne à lire dans une perspective nettement autobiographique, plus sûrement parce que l'écrivain semble à première vue délaisser sa défroque humaine pour mieux avouer son versant animal : « Je suis un chien qui fait semblant d'avoir un pedigree » (UP, 831).
Marcel Proust Aujourd'hui, 2005
Les liens intimes entre Modiano et Proust ont été relevés par plus d'un commentateur de l'oeuvre de Modiano. Cependant, c'est surtout à partir de Villa Triste, qui inaugure un second temps de cette oeuvre, que la plupart de ces commentateurs perçoivent la présence insistante de Proust 1. Colin Nettelbeck et Penelope Hueston résument bien ce rapport à Proust dans sa forme la plus générale : il s'agit d' « même affinité avec le travail du temps » 2 , d'une même concentration sur le passé, sur la mémoire et sur l'oubli, d'un même acharnement à revivre le passé. Réminiscence, impression : voilà des notions proustiennes que l'on rencontre également dans les romans de Modiano, à moins qu'il ne s'agisse de faux amis... Car, les critiques se hâtent d'un commun accord à le souligner, au delà de cet enjeu commun, de ces analogies thématiques, l'univers de Modiano est très différent de celui de Proust. Ici, nul miracle du temps retrouvé, comme dans le dernier volume, homonyme, de la Recherche. Si parfois, passé et présent coïncident un instant, si un pan du voile qui recouvre le passé se trouve levé, il ne révèle que du brouillard, le mystère reste entier chez Modiano, et la 'recherche' du narrateur, se solde à la fin de chaque roman non par la plénitude du souvenir mais par le constat du passé détruit, qui fait place à un vide immense. Bref, comme le constatent encore Nettelbeck & Hueston, le Proust de Modiano n'est pas celui de la madeleine mais celui « du temps qui en fin de compte ne se retrouve pas » 3 Dans l'oeuvre de Modiano à partir de Villa triste, le rapport à Proust est donc riche et complexe. Il est cependant beaucoup plus indirect, moins apparent que dans le tout premier roman de Modiano, La place de l'étoile 4. C'est là que se joue la confrontation à Proust, la lutte préalable du jeune écrivain pour trouver sa place : comment se situer par rapport à l'un des plus grands écrivains d'avant-guerre ? Or cette lutte préalable me semble comme la condition du rapport plus serein, plus équilibré à Proust qui caractérise les oeuvres ultérieures. C'est pourquoi, dans ce qui suit, je me limiterai à La place de l'étoile. Si, depuis sa parution il y a plus de trente ans, ce roman a fait l'objet de multiples commentaires, on peut s'étonner que le rôle qu'y joue Proust ait été assez peu examiné 5. Essayons de cerner ce qui est en jeu dans le nom de Proust, qui surgit si souvent dans ces pages. Dans La place de l'étoile, Proust est beaucoup plus qu'une référence littéraire, il est un véritable personnage, auquel le protagoniste s'identifie dans un des épisodes les plus réussis du roman. Du plus grand romancier juif d'avant-guerre, du créateur de Swann et Bloch, Modiano fait la figure par excellence du juif d'avant-guerre : le juif assimilé ou « le juif snob ». Le juif snob est celui qui, visant à s'assimiler complètement, cache sa judéité et fait la cour au grand monde, jusqu'à intérioriser l'antisémitisme de celui-ci. Or pour Modiano comme pour toute la génération née en
Il est désormais difficile de dissocier l'image même de Patrick Modiano de celle de sa bibliothèque. Les nombreux journalistes auxquels il a donné des entretiens ont été accueillis dans sa bibliothèque personnelle où des milliers de volumes sont entassées en bel ordre dans tous les coins. Et c'est ainsi que dans des dizaines de photos et de vidéos les livres constituent un décor indissociable de son visage. Plus mystérieuse est celle qu'il définit dans Rue des Boutiques Obscures « la plus précieuse et la plus émouvante bibliothèque » (Modiano, 1978 : 4), c'est-à-dire celle qui est constituée non pas par du matériau littéraire, mais surtout par des vieux bottins. Ce sentiment est évidemment largement partagé vu que Andrew Taylor, dans son livre tout récemment sorti en Italie sous le titre Les 50 livres qui ont changé le monde, insère dans sa liste le Bottin du district de New Haven, Connecticut, de 1878 qu'il définit plus ou moins en ces termes : « Une cinquantain...
La Revista Católica, 2024
Jonas Jakobsen & Odin Lysaker (eds.) Recognition and Freedom. Axel Honneth's Political Thought, 57-78, 2015
Social Sciences, 2014
African Journal of Rural Development , 2023
Journal of Garmian University, 2020
AIDE conferences Feb., 2023
Javnost - The Public
Public Investment Offering, 2019
International Affairs, 2024
2020
Journal of Artificial Intelligence and Big Data, 2019
Université de Liège, Liège, Belgique, 2020
Precambrian Research, 2011
Opuntia Brava, 2019
Frontiers in Plant Science, 2018
Rheumatology, 2012
Journal of Cryptology, 2010