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Volcanologiques

2014

Rôle des éléments alcalins et de l’eau sur les propriétés et la structure des aluminosilicates fondus et vitreux: implications volcanologiques

Rôle des éléments alcalins et de l’eau sur les propriétés et la structure des aluminosilicates fondus et vitreux : implications volcanologiques Charles Le Losq To cite this version: Charles Le Losq. Rôle des éléments alcalins et de l’eau sur les propriétés et la structure des aluminosilicates fondus et vitreux : implications volcanologiques. Sciences de la Terre. Université Paris-Diderot - Paris VII, 2012. Français. �tel-00923471� HAL Id: tel-00923471 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00923471 Submitted on 2 Jan 2014 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. . THÈSE DE DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ PARIS. DIDEROT (Paris 7) Spécialité Géophysique École Doctorale des Sciences de la Terre ED 109 RÔLE DES ÉLÉMENTS ALCALINS ET DE L’EAU SUR LES PROPRIÉTÉS ET LA STRUCTURE DES ALUMINOSILICATES FONDUS ET VITREUX : IMPLICATIONS VOLCANOLOGIQUES CHARLES LE LOSQ Thèse dirigée par Daniel Neuville Soutenue le 13/12/2012 Devant le jury composé de : Président : Rapporteurs : M. Claude Jaupart M. Dominique Massiot M. Mike Toplis M. Bernard Hehlen Examinateurs : M. Roberto Moretti M. Daniel R. Neuville 1 . 3 Remerciements Cette thèse a été effectuée au laboratoire de Géochimie et Cosmochimie de l’Institut de Physique du Globe de Paris. Je remercie Daniel Neuville pour avoir accepté de m’encadrer, et ce depuis mes stages de Master. Il m’a initié à l’art de la science expérimentale, avec confiance et encouragements. Ses qualités de chercheur m’ont permis de mener à bien ce travail. Merci à toi Daniel de m’avoir laissé faire des expériences librement, de m’avoir laissé « tenter » des trucs, de t’être impliqué dans ce travail et d’avoir dirigé cette thèse avec brio. Claude Jaupart m’a fait l’honneur de présider le jury de cette thèse. Je l’en remercie très sincèrement. Je tiens aussi à remercier Dominique Massiot et Mike Toplis d’avoir accepté la tâche, longue (...), de rapporteurs de cette thèse, ainsi que Roberto Moretti et Bernard Hehlen pour avoir accepté d’examiner mon travail. Par la même occasion, je tiens à remercier Manuel Moreira ainsi que Georges Calas pour avoir fait partie de mon comité de suivie de thèse. J’ai pu au cours de cette thèse rencontrer de nombreuses personnes, qui ont toutes influencé ces travaux de par les interactions que j’ai eu avec elles. Je tiens à remercier en premier lieu (et encore une fois) Roberto Moretti pour la confiance qu’il m’a accordée, pour son soutien, et ses conseils scientifiques (ou autre !). Je tiens à rappeler qu’il m’a laissé mener l’aspect « technique » des expériences à hautes températures sur le spectromètre Raman, me faisant confiance dès le début pour les réussir alors que je n’étais encore que stagiaire... Je me souviendrais toujours du moment où, enfin, après 5 jours d’expériences infructueuses, nous avons remarqué l’apparition d’un « petit » signal noyé dans le bruit des spectres, et que nous avons attendu pour le voir grandir et s’individualiser ! Les espèces T-OH venaient alors d’apparaître sur nos spectres ! Merci Roberto. Je tiens ensuite à remercier Pierre Florian et (encore une fois) Dominique Massiot du CEMHTICNRS à Orléans. Pierre a réalisé dans le cadre du TGIR-RMN les expériences RMN présentées dans cette thèse, en m’expliquant (une fois, deux fois, trois fois...) le principe de la RMN et en me montrant les différents dispositifs. Ses conseils et explications sur la RMN, ainsi que nos discussions, ont été précieux, que ce soit pour la rédaction des articles, de cette thèse, ou ma compréhension des silicates vitreux et fondus. Merci à Dominique Massiot, directeur du CEMHTI-CNRS à Orléans, pour m’avoir accueilli là-bas, et merci également pour les différentes discussions et interactions que nous avons eu et qui ont été très constructives. Merci à Grant Henderson de l’Université de Toronto, pour toutes les discussions que nous avons eu, pour ses conseils sur le Raman, ses suggestions. Grant a contribué réellement à améliorer ma compréhension du Raman en me poussant à aller chercher dans d’anciens travaux, et c’est notamment grâce à lui que nous avons réfléchi de nouveau à l’attribution de certaines bandes et que nous avons proposé de nouvelles solutions. Thus, thank you Grant, for the science, the discussions, the Raman, the Canada, thanks for all ! 5 Je tiens ensuite à remercier Dominique de Ligny pour sa gentillesse, pour sa disponibilité, pour les discussions que nous avons eu, et aussi pour son humour, allié précieux lors des expériences sur synchrotron (surtout à 2 heures du matin quand rien ne marche !). Comment va Rex à ce propos ? Merci donc à toi Dominique pour ta bonne humeur communicative, et merci aussi pour les discussions scientifiques que nous avons pu avoir sur beaucoup de sujets avec un esprit ouvert ! Le monde de l’informatique est omniprésent et parfois quelque peu déroutant... J’ai développé un certain nombre de logiciels (simples) durant cette thèse. Je tiens à remercier alors Jacques Roux, qui, indirectement ou directement, a contribué beaucoup à cette thèse et à cet aspect particulier. Merci à toi Jacques d’avoir toujours pris ton temps pour expliquer, réexpliquer, suggérer... J’ai pu ainsi apprendre les subtilités de la programmation et de l’inversion par moindre-carré grâce à toi, et notamment qu’un logiciel n’en faisait parfois qu’à sa tête, et surtout quand on lui dit de faire cela... Merci aussi pour toutes ces astuces techniques dont tu as le secret. Je tiens à remercier également Pascal Richet, qui, à l’époque du groupe « Physique des Minéraux et Magma », m’a accueilli pour mes stages, et m’a encouragé à continuer en thèse. Merci donc à lui pour les discussions diverses que nous avons eu depuis, ainsi que pour sa disponibilité et ses conseils. Je tiens à ce moment à remercier le personnel des lignes de lumière ODE et LUCIA à SOLEIL. Merci à François Baudelet pour m’avoir accueilli sur ODE, et pour m’avoir expliquer le fonctionnement de cette ligne de lumière ; merci aussi à Lucie Nataf, qui a notamment prit de son temps pour regarder avec moi un petit problème de calibration des spectres. Merci à Pierre Lagarde et Anne-Marie Flank pour m’avoir accueilli sur LUCIA et expliquer son fonctionnement. Merci aussi à tout le personnel assurant le fonctionnement optimal de ces lignes et sans lequel rien ne marcherait ! Les analyses à la microsonde électronique ont été effectuées au service CAMPARIS, et je tiens à remercier Michel Fialin et Frédéric Couffignal qui dirigent ce service. Merci pour votre disponibilité, votre gentillesse et votre aide. Je tiens à remercier ensuite les différentes personnes que j’ai pu côtoyer au quatrième étage à l’IPGP, et qui ont rendu ce séjour agréable et riche en interactions scientifiques. Merci donc à Nicole Metrich, qui a su me faire confiance pour analyser ses inclusions vitreuses avec le spectromètre Raman et qui a donné la valeur applicative de mon travail sur l’eau en utilisant la calibration que nous avions établie. Merci également à George Boudon, qui me connait maintenant depuis le Master 1, pour les différentes discussions et interactions que nous avons pu avoir, et pour son intérêt pour nos travaux. Je tiens également à remercier Hélène Balcone-Boissard par la même occasion. Je n’oublierais pas non plus de remercier Patrick Allard, avec qui j’ai toujours eu le plaisir de discuter... la passion qu’il voue aux volcans est très communicative ! Merci aussi à Samia Hidalgo et Dominique Massare, avec qui j’ai discuté de nombreuses fois, et qui ont toujours un sourire ou un bon mot. En parlant de volcans, j’ai pu également faire parti d’une collaboration très enrichissante avec Clive Oppenheimer, de l’université de Cambridge, pour travailler sur l’Erebus. Il nous a confié des échantillons pour analyse de viscosité et de redox du fer. Je tiens donc à le remercier pour ceci et pour la confiance qu’il nous a accordé. Je remercie également Phil Kyle pour la discussion, très passionnante, que nous avons eu à Orléans lors de la conférence sur l’Erebus. Un énorme merci à l’équipe de communication de l’IPGP : Joel Dyon, Antoine Pitrou et Emmelyne Mitard. Merci à vous, pour votre aide, votre gentillesse, votre disponibilité, et désolé d’avoir décimé la 6 planète avec un manuscrit si épais ! Je tiens par la même occasion à remercier toutes les personnes avec lesquelles j’ai pu interagir à l’IPGP. Merci donc à Yves Gaudemer, Jean Besse, Pascal Phillipot et Laurie Barrier, avec qui j’ai eu le plaisir d’encadrer des stages de terrain. Merci également à David Roquelet, qui m’a donné l’occasion de faire une formation d’ACMO, et également à Sabrina Auguste, qui m’a donné l’occasion de mettre en valeur cette formation. Merci également à Laure Meynadier, Maria Zamora, Fabien Guillon, Jean-Louis Militon, Nathalie Goussery, Zarie Rouas, Prisca Rasolofomanana, Irène Rasoarinoro, Holy Rabemanantsoa, ainsi qu’à toutes les autres personnes que j’ai pu côtoyer à l’IPGP. Il serait difficile de toutes les citer ici, et j’ai peur d’en oublier, je vous adresse donc un remerciement général. Je tiens ensuite à remercier tous mes amis, qui ont rendu ces trois années remarquables. Merci donc à George P., sans toi, cela aurait été très différent... Merci aussi à Laurent M., pour les cafés, les pots, et les sessions de grimpe cool ! Merci à Élodie L., tiens un surnom : « the fighter » (pour la boxe !), pour tout. Merci à Géraldine Z., ta bonne humeur est communicative ! Merci à Sandy E., qui est partie au pays des neiges, et également à Suzanne P., qui, elle aussi, est maintenant partie mais plus au sud. Merci à Julien A., le Nancéien, c’est toujours un grand plaisir de te revoir (mon foie apprécie moins parfois :) ). Merci également à Yoann L. et Sara L., pour les discussions, les clopes, et tout ! Et merci à tous mes collègues thésards avec qui j’ai interagi à l’IPGP, je ne peux pas tous vous citer car je vais en oublier, c’est sûr, donc un merci général pour vous ! Je tiens alors à remercier particulièrement mes deux collègues de bureau et amis : Jannick V. et Jean-Patrick C.. Leur présence, leur aide, et leur amitié ont été chaque jour un beau cadeau ! Et je n’ai jamais autant bu de coca ni mangé de haribots grâce à Jannick ! Je remercie également mes anciens collègues de bureau, et toujours amis, Benjamin C. et Eozen S.. Enfin, je tiens à remercier Edson N., pour avoir fait notamment 800 km pour venir voir ma thèse et pour avoir fêter cela une seconde fois le jour de l’an ! Merci également à Anthony G., qui me change les idées quand je reviens au bercail. Merci également aux amis d’Antrebloc, Daovy et Rod, ça a été « au poil » d’injecter avec vous à Bleau ! Je pense que cette thèse n’aurait jamais vu le jour, n’aurait même pas été possible, sans l’aide, le soutien (matériel et psychologique) de mes parents, Thierry et Elisabeth. Je vous remercie très fortement tous les deux, je pense qu’en réalité je ne pourrais jamais vous remercier assez pour tout ce que vous avez fait... Merci d’avoir accepter de me voir partir dans une voie « atypique », qui sans doute vous paraissait un peu folle et vous a donné des cheveux blancs, et de m’avoir soutenu dans ce choix avec toute votre force, votre conviction et votre amour. Merci également à ma soeur Marie pour tout ! Pour terminer, je gardais le meilleur pour la fin. Je tiens donc à remercier celle qui a réellement vécu cette thèse à mes côtés, qui a été là tous les jours, qui m’a soutenu, m’a réconforté et encouragé dans les moments parfois difficiles, et a fait que ces moments deviennent de beaux moments... Merci donc à toi Audrey. Tu es celle qui a porté et supporté cette fin de thèse, le travail jusqu’à pas d’heures, non-stop, mon humeur parfois difficile dans ces moments... sans jamais rien dire, ni rien me reprocher. Tu m’as plutôt encouragé pour m’accrocher, pour finir ce travail et aller au bout. Je pense ne jamais pouvoir assez te remercier ni exprimer tout l’amour que j’ai pour toi... Frite ! 7 Table des matières 1 Introduction générale 13 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études 2.1 L’état vitreux et les silicates fondus : considérations générales . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Structure des verres et silicates fondus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.1 Le verre de silice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.2 Les formateurs de réseau dans les systèmes géologiques : Si4+ , Al3+ , Fe3+ ,... . . 2.2.3 Les modificateurs de réseau et compensateurs de charge : éléments alcalins, alcalinoterreux et fer ferreux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.4 Polymérisation et composition chimique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.5 Cas des éléments ambivalents : exemple du fer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.1 Viscosité des silicates fondus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.2 Propriétés thermodynamiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.3 Théorie d’Adam et Gibbs des processus de relaxation . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.4 Entropie de configuration et autres théories des processus visqueux . . . . . . . 2.3.5 Lien entre équations TVF, AG, fragilité des liquides et capacité calorifique de configuration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.6 Modélisation des viscosités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4 Du silicate fondu simple au magma . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5 État de l’art sur les aluminosilicates d’alcalins vitreux et fondus . . . . . . . . . . . . . 2.5.1 Importance volcanologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5.2 Propriétés et structure des aluminosilicates d’alcalins . . . . . . . . . . . . . . 2.6 Conclusion de l’étude bibliographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 19 22 23 24 3 Méthodes expérimentales 3.1 Stratégie expérimentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.1.1 Choix des compositions étudiées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.1.2 Choix des techniques analytiques utilisées . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 Synthèse des verres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2.1 Verres simples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2.2 Verres naturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3 Caractérisation usuelle des verres : microsonde électronique et densité . . . 3.3.1 Microsonde électronique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.2 Densité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4 Viscosité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.5 Le fil chauffant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.6 La spectroscopie Raman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.6.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.6.2 À propos des modes de vibration dans les silicates fondus et vitreux 3.6.3 Acquisition et traitement des spectres . . . . . . . . . . . . . . . . . 71 71 71 74 75 75 79 81 81 82 84 86 88 88 93 99 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 27 27 29 29 36 39 42 43 44 47 51 51 54 68 9 Table des matières 3.7 3.8 Spectroscopie RMN . . . . . . . . . . . . . 3.7.1 Principe . . . . . . . . . . . . . . . 3.7.2 Caractéristiques expérimentales . . La spectroscopie XANES au seuil K du fer 3.8.1 Principe . . . . . . . . . . . . . . . 3.8.2 Dispositif expérimental . . . . . . . 3.8.3 Traitement des données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus 4.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2 Effet de l’aluminium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.1 Role of Al3+ on rheology and nano-structural changes of sodium aluminosilicate glasses and melts. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.2 Remarques complémentaires : RMN à haute température . . . . . 4.3 Effet du rapport Si/Al . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3.1 Le joint tectosilicate (Na/Al=1) : résultats . . . . . . . . . . . . . . 4.3.2 Le joint tectosilicate (Na/Al=1) : discussion . . . . . . . . . . . . . 4.3.3 Le Joint 3 (Na/Al = 3) : résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3.4 Le Joint 3 (Na/Al = 3) : discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.4 Discussion et conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . silicate and . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 112 114 115 116 119 121 127 127 129 129 179 185 185 196 201 208 211 5 La substitution du sodium par le potassium dans les tectosilicates fondus et vitreux 215 5.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215 5.2 Effect of the Na/K mixing on the structure and the rheology of tectosilicate silica-rich melts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217 5.3 Le mélange sodium-potassium à basse teneur en silice : résultats . . . . . . . . . . . . 233 5.3.1 Viscosité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233 5.3.2 Densités et volumes molaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235 5.3.3 Spectroscopie Raman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236 5.3.4 Spectroscopie RMN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 246 5.3.5 Imagerie HRTEM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251 5.4 Discussion et conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253 6 Les 6.1 6.2 6.3 6.4 6.5 6.6 aluminosilicates de potassium et de lithium vitreux et fondus Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le joint tectosilicate potassique (K/Al = 1) : résultats . . . . . . . . . . . . . . . . Le joint tectosilicate potassique (K/Al = 1) : discussion . . . . . . . . . . . . . . . Le joint 3 potassique (K/Al = 3) : résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le joint 3 potassique (K/Al=3) : discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Effet de la taille de l’élément alcalin : apport des données sur les aluminosilicates lithium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.6.1 Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.6.2 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.7 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . de . . . . . . . . 259 259 259 268 271 279 280 280 293 297 7 Vers la modélisation des viscosités à partir de données structurales : cas du diagramme NAS 307 7.1 Lien entre la structure et les propriétés rhéologiques à partir de la théorie d’Adam et Gibbs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307 10 Table des matières 7.2 7.3 7.4 7.5 Les bases d’un modèle : entropies de configuration à Tg des tectosilicates de sodium fondus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Entropies de configuration à Tg des silicates et aluminosilicates de sodium fondus . . . Modèle de viscosité général des silicates, aluminosilicates peralcalins et tectosilicates de sodium fondus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Discussion et conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 312 317 321 326 8 L’eau dans les aluminosilicates vitreux et fondus 329 8.1 Quantification de la teneur en eau de silicates et aluminosilicates vitreux . . . . . . . . 330 8.1.1 La spectrométrie Raman, un outil de choix pour étudier les volatils dissous dans un verre ou un silicate fondu : le cas de l’eau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 330 8.1.2 Determination of water content in silicate glasses using Raman spectrometry : implications for the study of explosive volcanism . . . . . . . . . . . . . . . . . 341 8.1.3 Remarques complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 354 8.2 Spéciation de l’eau dans les silicates fondus et vitreux . . . . . . . . . . . . . . . . . . 356 8.2.1 Raman spectroscopy assessment of water speciation in silicate melts at room and high temperature : implications for water dissolution chemistry and exsolution microphysics . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 359 8.2.2 Le caractère amphotère de l’eau dans les magmas . . . . . . . . . . . . . . . . . 415 8.3 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 417 9 De 9.1 9.2 9.3 9.4 l’aluminosilicate fondu « simple » aux magmas naturels Le Mont-Dore . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’éruption de Pompéi au Vésuve (79 AD) . . . . . . . . . Un lac de lave particulier au sommet de l’Erebus . . . . . Discussion et conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 423 423 438 453 464 10 Conclusion générale et perspectives 469 11 Bibliographie 473 12 Annexes 505 11 1 Introduction générale Le volcanisme, manisfestation superficielle de la dynamique terrestre profonde, est un objet de fascination, de vie et de mort pour l’Homme. Son expression se fait de manière très différente, en fonction de la mobilité du magma et de la façon dont il sera extrudé de la croûte terrestre. Les volcans à la surface de la planète peuvent donner lieu à deux grands types d’éruptions : les éruptions dites « explosives », et par contraste les éruptions dites « effusives ». Les produits émis par ces deux types d’éruptions et leurs modes de dépôt sont totalement différents. Les éruptions effusives émettent des laves de manière « calme », par le biais de coulées comme on peut l’observer à Hawaii (États-Unis d’Amérique) par exemple. Les éruptions explosives ont une tout autre phénoménologie. L’un des volcans les plus connus ayant produit de violentes éruptions explosives est le Vésuve (Italie). L’éruption de 79 AD du Vésuve a produit un panache plinien, ainsi que plusieurs coulées pyroclastiques qui ont entraîné la destruction des villes d’Herculanum et de Pompéi. Plus de 5 km3 de matériel pyroclastique a été éjecté lors de cette éruption. Elle a été observée par Pline l’Ancien et relatée par Pline le Jeune dans ses lettres à Tacite. Le nom d’éruption « plinienne » a ainsi été donné aux éruptions présentant des caractéristiques similaires à celles observées en 79 AD au Vésuve : expulsion d’un panache de gaz et de cendres du cratère du volcan, pouvant monter par convection jusqu’à des altitudes de 40 km et dispersant des cendres et des ponces par retombées gravitaires autour du volcan. Avant 1980, la volcanologie moderne connaissait les éruptions pliniennes principalement de part l’étude des dépôts qu’elles ont laissé. L’éruption du 18 mai 1980 du Mt St Helens (États-Unis d’Amérique) a donné l’opportunité à l’Homme d’observer le potentiel destructeur des éruptions pliniennes. Bien qu’elle avait fait peu de victimes (une soixantaine de morts environ) de par la situation géographique du volcan, cette éruption, qui a été immédiatement retranscrite par les médias, a laissé une trace forte dans les mémoires. Elle a débuté à 8h32 par l’effondrement du flanc nord du volcan, initiant ainsi une avalanche de débris (voir Francis [1993] par exemple pour une description de l’éruption). La décompression brusque du cryptodôme présent dans l’édifice a ainsi provoqué une explosion latérale, qui a expulsé une mixture de gaz et de cendres à des vitesses de 100 à 300 m.s−1 , rasant ainsi toute végétation et toute vie sur son passage. Les processus d’effondrement du flanc du volcan et de l’explosion latérale se sont déroulés à une échelle de temps d’une minute. Dix minutes après le début de l’éruption, une colonne de gaz, de cendres et de ponces s’élevait à plus de 20 km au-dessus du volcan. La phase plinienne de l’éruption était alors établie. En plus des retombées de ponces du panache et de son ombrelle, de nombreuses coulées pyroclastiques ont déposé des couches de ponces dans la vallée nord jouxtant le St Helens. Après la phase explosive du 18 mai, deux autres éruptions le 25 mai et le 12 juin ont propulsé des cendres dans l’atmosphère (au total le volume de matériel pyroclastique éjecté a été d’environ 1 km3 ). La dynamique de l’éruption a ensuite évolué, avec la mise en place d’un dôme de lave de quelques centaines de mètres. Depuis 2004, on observe un regain d’activité de ce dôme (voir Sherrod et al. , 2008). Depuis, d’autres éruptions 13 1 Introduction générale pliniennes ont été observées, comme celle du Pinatubo, en juin 1991, où l’évacuation de quelques 250 000 personnes a permis de minimiser les pertes humaines au maximum (plus de 300 victimes restent tout de même à déplorer, mais ce chiffre est bas en comparaison de l’intensité forte de l’éruption [VEI 1 6]). Cette éruption a éjecté une dizaine de km3 de matériel pyroclastique, et son panache a atteint plus de 30 km de haut et a dispersé des cendres et des aérosols (H2 SO4 /H2 O) dans la stratosphère, affectant temporairement (quelques années) le bilan radiatif de l’atmosphère et le climat de l’hémisphère nord (McCormick et al. , 1995). Ces éruptions, bien qu’impressionnantes à l’échelle humaine, sont relativement petites à l’échelle géologique (Miller & Wark, 2008). En effet, dans un passé « proche », les éruptions de 1883 du Krakatoa (Indonésie) et de 1815 du Tambora (Indonésie) ont expulsé des quantités de matériel pyroclastique de respectivement 20 km3 et 150 km3 , soit de 2 à 150 fois celle mise en jeu dans l’éruption de 1991 du Pinatubo (voir Francis, 1993; Miller & Wark, 2008). Les explosions ayant eu lieu à la phase paroxysmale de l’éruption du Tambora ont été entendues à plus de 2600 km du volcan. Les pertes humaines causées par les conséquences directes et indirectes de cette éruption sont évaluées à plus de 90 000 personnes. Dans un passé plus lointain, d’autres éruptions autrement plus intenses ont eu lieu, comme celle du super-volcan Toba (Indonésie). Celui-ci a expulsé plus de 2800 km3 de matériel pyroclastique il y a 74 ka, formant ainsi une caldeira de 100 × 30 km (Chesner, 1998). Cette éruption a eu des conséquences potentiellement très fortes sur le climat à cette époque et d’après Ambrose (1998), elle aurait ainsi pu affecter l’évolution de l’Homme en provoquant indirectement, de par ses effets sur le climat, la forte réduction des populations d’Hominidés observée au Pléistocène supérieur vers 70 ka. La source du magma et sa différenciation par cristallisation fractionnée vont influencer sa composition chimique en éléments majeurs et volatils. C’est cette composition chimique (éléments majeurs et volatils) qui va contrôlée la viscosité du magma et donc sa mobilité depuis sa source jusqu’à son émission à la surface. Les magmas basaltiques, qui possèdent une composition chimique pauvre en silice (≤ 50 pds%), ont des viscosités faibles aux températures éruptives (∼ 1100-1300 °C). Ils perdent facilement la phase gazeuse qu’ils contiennent par nucléation, coalescence et extraction des bulles de la phase liquide. Ceci mène généralement à des éruptions effusives, comme les coulées ou les fontaines de laves, bien qu’il soit aussi possible qu’un magma basaltique produise une activité explosive intense. À l’opposé, les magmas plus riches en silice, comme les rhyolites du volcan Toba par exemple (∼76 pds% SiO2 ), sont très visqueux aux températures éruptives (∼ 700-900 °C). Les volatils initialement dissous dans la phase liquide vont s’exsolver lors de la remontée du magma et de la diminution de la pression et former des bulles. Ils vont rester confinés dans ces bulles jusqu’à des profondeurs proches de la surface. Avec la diminution de pression due à la remontée du magma vers la surface, la surpression exercée par les gaz sur les parois des bulles va pouvoir excéder la résistance à la rupture de la mousse magmatique : la fragmentation pourra alors se produire (Zhang, 1999), donnant des éruptions explosives dont l’intensité va dépendre, entre autres, de la quantité de magma et de volatils impliqués, de la vitesse de remontée du magma et du diamètre du conduit. Bien sûr, cette vision est relativement simpliste. D’autres mécanismes peuvent entrer en compte dans la fragmentation du magma, comme par exemple 1. VEI : Volcanic Explosivity Index, c’est un indice de l’intensité des éruptions passées, utile notamment pour la caractérisation du risque volcanique. Voir Newhall & Stephen (1982). 14 la vitesse de décompression et de déformation de la mousse magmatique ainsi que l’interconnexion de ses bulles par exemple (Papale, 1999; Alibidirov & Dingwell, 2000). La structure de l’édifice est aussi à prendre en compte : par exemple, la perméabilité des parois du conduit ou l’interaction du magma ascendant avec des fluides hydrothermaux peuvent aussi jouer un rôle déterminant dans les transitions entre éruptions effusives à dôme et éruptions explosives pliniennes (Jaupart, 1996; Villemant & Boudon, 1998). Enfin, la quantité d’eau initialement contenue dans le magma va influencer la quantité de bulles formées, et donc son potentiel explosif. Ces premières considérations soulignent l’importance de la composition chimique du magma sur sa mobilité et son explosivité. La teneur en silice n’est cependant pas le seul paramètre influençant la viscosité des magmas. Si l’on prend le cas des volcans Erebus (Antarctique) et Vésuve (Italie), le lien entre explosivité, composition chimique et viscosité est moins direct. Ces deux volcans éruptent des magmas phonolitiques, présentant des teneurs en silice relativement proches, comprises entre 55 et 58 pds%. Leurs activités éruptives sont cependant complètement différentes. L’Erebus possède au sein de son cratère un lac de lave permanent et actif, alors que le Vésuve a donné lieu à plusieurs éruptions pliniennes majeures, dont celle de Pompéi citée auparavant. Bien que les compositions chimiques des laves de l’Erebus et du Vésuve semblent proches en premier lieu, deux éléments peuvent potentiellement expliquer la différence de comportements des deux édifices : les teneurs en eau et en éléments alcalins, qui influencent la mobilité des magmas et la quantité de bulles formées. En effet, le magma phonolitique de l’Erebus contient approximativement 7 pds% de Na2 O, 4 pds% de K2 O, ainsi que ∼0.5 pds% de H2 O dans le réservoir (Kelly et al. , 2008a et références citées), alors que le magma phonolitique du Vésuve contient approximativement 4 pds% Na2 O, 8 pds% K2 O et jusqu’à ∼5-6 pds% H2 O (Gurioli et al. , 2005; Scaillet et al. , 2008; Balcone-Boissard et al. , 2011). On remarquera que les magmas expulsés lors des éruptions d’une majeur partie des volcans explosifs cités dans cette introduction (Pinatubo, Krakatoa, Tambora, Toba, Vésuve...) ont des compositions chimiques très évoluées, riches en silice et en éléments alcalins (Na2 O + K2 O > CaO + MgO). Ceci est d’autant plus marqué pour les super-éruptions. Par exemple, le verre analysé des ponces de Toba est un aluminosilicate de sodium et potassium presque pur (78 pds% SiO2 , 12 pds% Al2 O3 , 3 pds% Na2 O, 5 pds% K2 O et autres éléments : 2 pds% ; Chesner, 1998). Un autre exemple d’un magma potentiellement proche d’un système quaternaire pur Na2 O-K2 O-Al2 O3 -SiO2 est la rhyolite du Yellowstone (États Unis d’Amérique), impliquée dans deux éruptions où la quantité de matériel pyroclastique éjecté a été supérieure à 1000 km3 (Huckleberry Ridge Tuff : 2.05 Ma et Lava Creek Tuff : 0.640 Ma ; Christiansen, 2001). Bien que de taille beaucoup plus petite (5-7 km3 ), mais aussi beaucoup plus proche de nous temporellement et spacialement, on pourra aussi citer l’éruption de 3.1 Ma du Mont-Dore (Macif Centrale, France), qui a produit 7 km3 d’ignimbrites d’une composition très proche de celles des rhyolites de Toba et de Yellowstone. Les volcans cités ci-dessus ont été impliqués dans des éruptions de « petites » tailles, comme celle du Pinatubo ayant nécessité l’évacuation d’un quart de millions de personnes, ou celle du Vésuve ayant rasé les villes d’Herculanum et de Pompéi, à des éruptions d’une intensité difficilement concevable et pouvant avoir des répercutions en réalité inconnues à ce jour sur les populations. Comprendre les variations de viscosité des magmas en fonction de leurs températures, de leurs rapports K/(K+Na), et de leurs teneurs en eau revêt donc une importance toute particulière pour la compréhension des 15 1 Introduction générale dynamismes éruptifs passés mais aussi futurs. Pour comprendre l’impact des éléments alcalins sur les propriétés rhéologiques et la structure des aluminosilicates fondus, il faut regarder des compositions simples, où plusieurs effets ne s’additionnent ou ne s’annulent pas mutuellement. Les effets de mélange entre Ca et Mg, ainsi qu’en Na et Ca ont déjà été étudiés, et montrent que des variations plus ou moins fortes de viscosité sont induites par le mélange de deux éléments métalliques différents dans les aluminosilicates (Neuville & Richet, 1991; Neuville, 2006). Le mélange de Na et de K dans les silicates fondus (sans Al) induit de fortes variations de leur viscosité, mais aussi des propriétés physiques des verres (Isard, 1969; Day, 1976; Richet, 1984). C’est l’effet « alcalin-mixte ». Dans les aluminosilicates d’alcalins, cet effet est moins connu. L’étude de Lapp & Shelby (1987) de la conductivité électrique d’aluminosilicates de Na et Li vitreux montre que l’effet alcalin-mixte semble indépendant de la teneur en aluminium de ces verres. Les données de viscosité de Kani (1935) entre NaAlSi3 O8 et KAlSi3 O8 montrent par contre que le mélange de Na et de K dans les aluminosilicates fondus produit des variations de viscosité plus complexes que celles observées dans les silicates fondus. Une autre caractéristique particulière des aluminosilicates d’alcalins est la forte variation de leurs propriétés rhéologiques en fonction de la proportion d’aluminium présente dans leur réseau. Un nombre assez important de données permettent d’entrevoir l’effet de la proportion Na/Al sur les propriétés structurales et thermodynamiques des aluminosilicates de sodium. Cependant, peu d’études ont porté sur les aluminosilicates de potassium et lithium vitreux et fondus. Ceci peut s’expliquer par le fait que les aluminosilicates de potassium sont relativement difficiles à synthétiser de par des températures élevées de liquidus (Schairer & Bowen, 1955). Les aluminosilicates de lithium ont quant à eux un intérêt plus limité pour les sciences de la Terre (la concentration du Li est de 20 ppm dans la croute terrestre), mais revêtent une importance toute particulière pour l’industrie du verre, des céramiques et des vitrocéramiques. Les vitrocéramiques contenant du Li2 O sont en effet très utilisées pour leur très faible coefficient de dilatation thermique, leur stabilité et durabilité à haute température et leur bonne résistance aux chocs thermiques. Elles permettent ainsi de fabriquer des plaques chauffantes, des vitres de fours, des ustensiles de cuisson, mais aussi des optiques de télescopes et des catalyseurs. L’objet de cette thèse a été d’effectuer une étude systématique des propriétés rhéologiques et de la structure des aluminosilicates de Li, Na et K fondus et vitreux (systèmes Li2 O-Al2 O3 -SiO2 , Na2 OAl2 O3 -SiO2 et K2 O-Al2 O3 -SiO2 ). J’ai aussi étudié l’effet du mélange du Na et du K sur les propriétés structurales à l’aide des spectroscopies Raman et RMN, et sur les viscosités des aluminosilicates fondus (système Na2 O-K2 O-Al2 O3 -SiO2 ). Les données apportées couvrent une gamme de composition chimique large et donnent ainsi une bonne représentation des aluminosilicates d’alcalins. Elles permettent de mieux comprendre les effets induits par la taille du cation alcalin et la proportion d’aluminium présent dans les réseaux silicatés. J’ai aussi essayé de relier viscosité et structure à l’aide de la spectroscopie Raman, et ainsi de mettre en place un modèle de viscosité basé sur la théorie d’Adam et Gibbs (1965). Ce modèle n’est pas aboutit à ce jour, mais je présenterais tout de même les premiers résultats obtenus au cours de cette thèse. Il permet de calculer la viscosité et l’entropie de configuration à T g 2 des aluminosilicates et silicates de sodium à partir des spectres Raman des verres. 2. Température de transition vitreuse, voir chapitre 2. 16 Parallèlement à l’étude de compositions simples, je me suis aussi interessé à des compositions alcalines naturelles, et notamment aux phonolites du Vésuve et de l’Erebus. Comme souligné auparavant, ces deux magmas possèdent en effet des rapports K/(K+Na) très différents, et sont impliqués dans des dynamismes éruptifs opposés. Les problèmes posés par les compositions très riches en silice et en éléments alcalins, qui sont potentiellement impliquées dans les éruptions les plus intenses que la Terre ait connue, m’ont aussi particulièrement interessé. En effet, dans ces compositions rhyolitiques très évoluées, les variations du rapport K/(K+Na) peuvent potentiellement jouer un rôle important sur la viscosité. La caractérisation des viscosités des magmas lors des éruptions impliquant de connaître leur teneur en eau, j’ai aussi développé une technique permettant de quantifier rapidement et avec une précision micrométrique la teneur en eau de verres volcaniques à l’aide de la spectrométrie Raman. Les récents développements de ce travail permettent maintenant de connaître la spéciation de l’eau entre groupements OH et molécules H2 O dissoutes dans les aluminosilicates fondus et vitreux, et de caractériser les différentes liaisons entre les groupements OH et le réseau cationique aluminosilicaté. Pour mieux contraindre les modèles existants et les propriétés de la lave de l’Erebus, nous avons aussi effectué des expériences XANES au seuil K du fer. En profondeur, les variations de température et de fugacité d’oxygène influencent le rapport RedOX des éléments bivalents, comme le fer par exemple, dans les magmas. L’étude des inclusions vitreuses et de leur RedOX permet de mieux connaître les conditions P − T − X ( 3 ) régnant au niveau des réservoirs magmatiques par le biais des mesures de leurs teneurs en eau et en CO2 , et des rapports RedOX du fer et du soufre. Ceci implique toutefois de connaître à l’avance les variations du rapport RedOX du fer par exemple en fonction des conditions P − T − X et de disposer d’un modèle. Nous verrons qu’en combinaison avec l’étude des propriétés rhéologiques des magmas, les techniques spectroscopiques apportent de précieuses informations et contraintes sur les conditions régnant en profondeur et à la surface lors des éruptions volcaniques. Le premier chapitre de cette thèse introduit des notions utiles pour appréhender les verres et liquides d’oxydes d’un point de vue structural, thermodynamique et rhéologique. Un bref état de l’art à propos des études ayant portées sur les aluminosilicates d’alcalins fondus et vitreux sera aussi dressé. Le deuxième chapitre présentera les différentes techniques expérimentales utilisées pour l’étude de la structure des aluminosilicates d’alcalins fondus et vitreux, synthétiques et naturels. Les conditions générales de synthèse et de caractérisation des échantillons seront décrites. Nous verrons aussi comment nous avons mesuré les viscosités des aluminosilicates fondus. Enfin, une description détaillée des techniques spectroscopiques utilisées sera effectuée. Le troisième chapitre détaillera les résultats obtenus sur les aluminosilicates de sodium. Nous verrons notamment comment les rapports Na/Al et Si/Al influencent la structure et la viscosité des aluminosilicates fondus. Le quatrième chapitre présentera les données rhéologiques et spectroscopiques obtenues sur les aluminosilicates fondus ou vitreux, où le sodium et le potassium sont mélangés. Nous verrons alors que les variations du rapport K/(K+Na) influence grandement la viscosité et la structure des aluminosilicates fondus et vitreux. Le cinquième chapitre décrira les données obtenus sur les systèmes Li2 O-Al2 O3 -SiO2 et K2 O-Al2 O3 -SiO2 . Il nous permettra de faire une synthèse générale des propriétés des aluminosilicates d’alcalins fondus et vitreux en fonction de la taille du cation alcalin présent dans le réseau. Le sixième chapitre présentera les 3. Pression – Température – Composition chimique 17 1 Introduction générale premiers résultats de la modélisation des propriétés thermodynamiques et rhéologiques des aluminosilicates de sodium à l’aide de la spectroscopie Raman et de la théorie d’Adam et Gibbs (1965). Nous verrons au cours de ce chapitre les possibilités offertes par la spectroscopie Raman pour la modélisation des viscosités et des entropies de configuration à T g, et nous discuterons aussi des limites apparentes et du formalisme compliqué d’un tel modèle. Le septième chapitre est dédié à l’étude de l’eau dans les aluminosilicates vitreux et fondus à l’aide de la spectroscopie Raman. Le protocole de mesure de la teneur en eau des aluminosilicates vitreux sera décrit. Puis, nous verrons comment il est possible de connaître la spéciation de l’eau dans un aluminosilicate vitreux ou fondu à partir de son spectre Raman. Les différentes réactions impliquant les OH dans les aluminosilicates fondus seront aussi décrites, et les données Raman nous serviront à calculer la spéciation de l’eau en fonction de la température d’un aluminosilicate fondu. Nous verrons ainsi que les techniques développées apportent de précieuses informations quant aux processus d’exsolution et de dégazage des volatils dans les magmas. Le chapitre huit sera consacré à l’étude des produits naturels de l’éruption de 3.1 Ma du Mont-Dore, de l’éruption de 79 AD du Vésuve ainsi que des phonolites du lac de lave de l’Erebus. Nous verrons à cette occasion que l’étude expérimentale des propriétés rhéologiques et physico-chimiques des matériaux volcaniques permet de contraindre les conditions dans lesquels sont placés les magmas aux cours des éruptions. 18 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études Dans ce chapitre, un état de l’art global va être dressé. Il nous permettra d’avoir une approche d’une échelle nanométrique à une échelle macroscopique des magmas et laves. Nous verrons le lien entre structure et rhéologie des aluminosilicates fondus, les effets des différents éléments chimiques sur ces propriétés, et comment peut-on extrapoler des résultats portant sur des compositions simples à des cas naturels. 2.1 L’état vitreux et les silicates fondus : considérations générales Au cours de son évolution, un magma va contenir les trois états de la matière : un aluminosilicate fondu (liquide), des solides cristallins ou amorphes, et des gaz dans les bulles (Fig. 2.1). Cristaux Bulles Aluminosilicate fondu Figure 2.1: Représentation schématique d’un magma, montrant les différentes phases qu’il contient. L’aluminosilicate fondu est un fluide, peu compressible, dont les molécules peuvent se mouvoir et interagissent entre elles par le biais de liaisons intra et intermoléculaires, permettant au liquide de garder sa cohésion. Il a donc la capacité de s’écouler, à une vitesse qui est fonction de sa viscosité, et de prendre la forme de son contenant. Les solides sont caractérisés par leur incapacité à prendre la forme de leur contenant, et par leur grande résistance aux forces de cisaillements. Les solides cristallisés sont définis par l’organisation de leur atomes en motifs se succédant de manière régulière et symétrique, formant ainsi un réseau dit cristallin. D’après l’Union International de Cristallographie (IUCr), un solide cristallisé est plus précisément tout solide présentant un diffractogramme discret (i.e. présentant des pics de Bragg, IUCr, 1992). Ces solides présentent donc un ordre à longue distance (répétition du motif moléculaire sur plusieurs dizaines de µm). 19 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études Lors du refroidissement d’un magma (ou d’une lave), un autre type de solide amorphe peut être formé : les verres aluminosilicatés. Ces solides ne présentent qu’un ordre à l’échelle interatomique (Zachariasen, 1932; Warren, 1934). Ils sont caractérisés notamment par une énergie interne en excès par rapport aux autres états de la matière, donnant lieu lorsqu’on les chauffe à une transformation en liquide ou cristal avant même d’avoir atteint leur température de liquidus. C’est la transition vitreuse lors du refroidissement rapide (id est ∼10 K.min−1 ) d’un aluminosilicate fondu ou surfondu qui va permettre le passage de l’état de liquide surfondu visqueux à l’état solide (verre) avant même que la cristallisation intervienne. La transition vitreuse est marquée par une continuité des propriétés thermodynamiques du premier ordre (viscosité, volume, enthalpie... Fig. 2.2a) et un saut des propriétés thermodynamiques du second ordre (capacité calorifique, coefficient de dilatation, etc., Fig. 2.2b). c) Figure 2.2: Enthalpie (kJ.mol−1 ) (a), capacité calorifique (J.mol−1 .K−1 ) (b), et entropie (J.mol−1 .K−1 ) (c) du cristal, du liquide et du verre de diopside en fonction de la température (Richet & Bottinga, 1986; Richet & Neuville, 1992). L’entropie de configuration est représentée en vert. Dans (a), 950 et 1005 K sont deux Tg différentes résultant de deux vitesses de refroidissement différentes. ∆Hf est l’enthalpie de fusion du cristal. La courbe d’hystéresis de ∆Cp est incluse à titre qualitatif mais ne correspond pas à des mesures. Sur la figure c), ∆Sf est l’entropie de fusion du cristal de Diopside, et T0 est la température de Kauzmann TK . Elle intervient dans un domaine de température restreint (une à quelques dizaines de degrés) dont 20 2.1 L’état vitreux et les silicates fondus : considérations générales la valeur dépend de la vitesse de refroidissement (Fig. 2.2a). Les propriétés du verre dépendent donc de son histoire thermique. Aux vitesses de trempe du laboratoire, égales à environ 1 à 10 K.min−1 , on définie pour des raisons pratiques une température de transition vitreuse, T g, donnée dans le cas de mesures d’enthalpie ou de coefficient de dilatation par l’intersection des extrapolations des propriétés du verre et du liquide (Fig. 2.2a ; Richet & Bottinga, 1983). On définie aussi la T g comme étant la température à laquelle la viscosité est de 1012 Pa.s (1 Pa.s = 10 Poises). Figure 2.3: Représentation schématique à une dimension de l’énergie potentielle dans un verre en fonction des distances interatomiques. Le point 0 est négligé. Richet & Neuville (1992). La transition vitreuse est une transition de phase cinétique : le système ne dispose pas d’assez de temps pour minimiser son énergie libre de Gibbs en se réarrangeant. Il n’est donc pas à l’équilibre. D’un point de vue microscopique, on peut adopter, comme illustré par la figure 2.3, un modèle schématique à une dimension afin de mieux comprendre ce phénomène. À la température ambiante, on peut visualiser les atomes du verre comme étant capturés dans des puits d’énergie potentielle (Goldstein, 1969). Comme pour tous les solides isolants, la capacité calorifique Cp des verres est d’origine vibrationnelle, id est liée à la vibration des atomes autour de leur position d’équilibre sous forme de phonons (ondes de vibration). Elle est donc fonction de l’énergie thermique du système : la température. Lorsque celle-ci augmente, l’énergie potentielle de l’atome augmente, la différence entre les niveaux d’énergie représentant la capacité calorifique (Figs. 2.2, 2.3). Lorsque la température est suffisamment élevée, id est que l’énergie thermique apportée est suffisamment grande, l’atome a alors la possibilité de franchir la barrière d’énergie potentielle séparant un site d’un autre et va pouvoir commencer à se déplacer. La transition vitreuse est alors atteinte, et ce généralement lorsque Cp tend vers la limite de Dulong et Petit égale à 3R/g atome K, avec R la constante des gaz parfaits (Haggerty et al. , 1968; Richet, 1987). Son franchissement donne lieu à l’apparition d’un nouveau terme : la capacité calorifique de configuration (Fig. 2.2). Elle résulte des différences d’énergie potentielle entre les sites « visités » par les atomes, et est donc propre à l’état 21 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études liquide. L’apparition de ce terme configurationnel explique notamment la discontinuité observée sur les mesures de capacités calorifiques (Fig. 2.2). À haute température, à l’état liquide, les atomes ont suffisamment d’énergie pour passer d’un puits à l’autre, et explorer ainsi plusieurs configurations. D’après la théorie des processus de relaxation d’Adam et Gibbs (1965), plus la température est élevée, plus les atomes vont franchir facilement les barrières d’énergie s’opposant à leur mouvement. Ceci explique les diminutions des viscosités des liquides lorsque la température augmente (Richet, 1984). Aux vitesses de trempe usuelles, il semble que la transition vitreuse se produise pour éviter un paradoxe thermodynamique, décrit par Kauzmann (1948). Pour une composition chimique donnée, il a remarqué que, si l’on extrapole la courbe d’entropie d’un liquide en dessous de son T g, on observe qu’elle devient inférieure à l’entropie du cristal à une température TK (Fig. 2.2c). D’après Gibbs et Di Marzio (1958), un liquide refroidi infiniment lentement subirait, à une température T2 inférieure à T g, une transition du deuxième ordre dont les caractéristiques seraient celle de la transition vitreuse. Le verre obtenu est appelé verre idéal et serait une phase en équilibre possédant une entropie nulle, respectant ainsi le troisième principe de la thermodynamique. Dans le cas hypothétique où le liquide et le cristal présenteraient la même entropie vibrationnelle, il semble que T2 puisse être identifié à TK (Richet & Bottinga, 1983). Une fois formé, le verre métastable semble posséder une entropie résiduelle à 0 K (Fig. 2.2), provenant de sa configuration désordonnée (Goldstein, 1976). Deux écoles de pensée s’opposent toutefois quant à l’existence d’une entropie résiduelle à 0 K (Fig. 2.2) dans les verres. On distingue ainsi une théorie « traditionnelle » et une théorie dite de « perte d’entropie » (voir Gupta & Mauro, 2009 et références citées). D’après la première théorie, les verres possèdent bien une entropie résiduelle à 0 K, qui correspond à leur entropie de configuration et reflète le désordre des systèmes amorphes (Richet & Bottinga, 1983 et références citées). Dans la théorie de « perte d’entropie », l’entropie des verres est nulle à 0 K, du fait de sa décroissance entre T g et 0 K (voir Gupta & Mauro, 2009 et références citées). Nous ne décrirons pas ici ces deux théories, dont le traitement dépasse le cadre de cette thèse, mais indiquerons juste que les données expérimentales de capacités calorifiques sur les silicates et aluminosilicates vitreux et fondus tendent à montrer l’existence d’une entropie résiduelle des verres (voir par exemple Richet & Bottinga, 1983; Richet, 1984) et donc à valider la première théorie (voir aussi Goldstein [2011] et références citées). Si l’on admet qu’un verre possède une entropie résiduelle à 0 K, celle-ci résulte de la configuration des atomes dans le verre et est donc appelée entropie de configuration. On suppose en générale qu’elle peut être décomposée en deux contributions (Goldstein, 1976). La première, topologique, est liée à la large distribution des angles de liaisons et des distances interatomiques dans les verres. La seconde contribution, chimique, est liée au mélange d’éléments chimiques différents. La composition chimique et la structure des verres vont donc influencer fortement leur entropie résiduelle à 0 K (voir par exemple Richet, 1984). 2.2 Structure des verres et silicates fondus Les silicates et aluminosilicates vitreux et fondus ont pour base commune l’oxyde SiO2 . D’après Zachariasen (1932), les verres d’oxydes AO2 (avec A un cation comme Si ou Ge par exemple) peuvent 22 2.2 Structure des verres et silicates fondus être formés si : – le système contient suffisamment d’oxygènes pour assurer la formation de triangle ou de tétraèdres d’oxygènes autour du cation A ; – ces triangles ou tétraèdres partagent seulement leur sommet ; – les oxygènes ne relient que deux cations A et ne forment pas d’autres liaisons avec d’autres cations ; – ces triangles ou tétraèdres ne partagent que des sommets et pas d’arrêtes ou de faces dans un réseau tridimentionnel. L’obtention d’un réseau désordonné se fait par une large distribution d’angles de liaisons A-O-A et O-A-O, ainsi que des distances interatomiques O-A. Dans les verres d’oxydes, l’oxygène occupe de par ses dimensions (rayon ionique de 1.32 Å, beaucoup plus important que celui du Si qui est 0.34 Å [Whittaker & Muntus, 1970]) et son abondance l’essentiel du volume dans le réseau. Dans un verre de SiO2 , le silicium est entouré de quatre atomes d’oxygène, il est en CN 1 4. 2.2.1 Le verre de silice Le verre de silice, composé uniquement de Si et O, est donc constitué d’après les règles de Zachariasen (1932) d’un arrangement tridimensionnel désordonné de tétraèdres SiO4 connectés par leur sommet (Fig. 2.4). Les oxygènes connectant les tétraèdres entre eux sont des oxygènes pontants (abbréviation BO, Bridging Oxygen). Figure 2.4: Image de Huang et al. (2012) représentant sur la gauche le schéma du réseau désordonné de tétraèdres SiO4 (Si en rouge) connectés par des atomes communs d’oxygènes pontants (BO, en vert) tel qu’imaginé par Zachariasen, 1932, et sur la droite l’image de microscopie électronique en transmission de haute résolution d’une fine couche de silice amorphe (verre 2 dimension). La structure de ce verre, pouvant paraître relativement simple au premier abord, est en réalité 1. Dans la suite, l’abbréviation CN, pour Coordination Number, sera utilisée et décrira la coordinence des cations en atomes d’oxygène (1er sphère). On remarquera que l’on peut aussi parler de la coordinence des oxygènes en cations. Si tel est le cas, cela sera explicité dans le texte. 23 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études compliquée d’un point de vue expérimental . Dans le verre, les tétraèdres sont interconnectés les uns aux autres par les atomes d’oxygènes à leurs sommets. D’après le modèle de Zachariasen (1932), appelé modèle du réseau aléatoire, les sites des oxygènes et des silicium sont énergétiquement équivalents. Les atomes sont répartis selon les quatre principes décrits auparavant, de façon aléatoire. L’agencement des tétraèdres forme ainsi un réseau tridimensionnel où l’on peut notamment distinguer des structures en formes d’anneaux (Fig. 2.4). D’après Warren (1934), les données de diffraction des rayons X du verre SiO2 sont en accord avec une telle structure tridimensionnelle aléatoire. Huang et al. (2012) ont réussi récemment à individualiser une seule couche de tétraèdres (verres 2D) sur du graphène, et à obtenir une image du réseau tétraédrique en 2D du verre, à l’aide de la microscopie électronique en transmission de haute résolution (Fig. 2.4). Ces résultats confirment la structure du verre de silice proposée par Zachariasen (1932). La spectroscopie Raman a cependant mis en évidence l’existence de vibrations localisées dans le verre de silice que le modèle aléatoire ne peut pas expliquer. Ces vibrations localisées correspondent en fait à des anneaux à 3 ou 4 tétraèdres (Galeener, 1982a,b; Galeener et al. , 1984; Pasquarello & Car, 1998), et impliquent que les sites pour l’oxygène ou le silicium ne sont pas énergétiquement équivalents. C’est pourquoi d’autres modèles basés sur des structures pseudocristallines, suggérées par des travaux de diffraction de rayons X (voir par exemple Mozzi & Warren, 1969; Taylor & Brown, 1979b) ou encore de spectrométrie Raman (voir par exemple Phillips, 1984), ont été proposés pour expliquer la structure de la silice. Une structure semblable à celle de la β-cristoballite pourrait notamment être celle du verre de silice. La structure de ce minéral, l’une des phases cristallines de SiO2 , consiste en un arrangement tridimensionnel d’anneaux à six tétraèdres. Les données spectroscopiques acquises sur le verre de silice depuis les années 1980, ainsi que les modèles, montrent que ce verre est constitué majoritairement d’anneaux à cinq, six et sept tétraèdres plus ou moins plans, et en faible proportion (moins de 1%) d’anneaux à 4 et 3 tétraèdres (Sharma et al. , 1981; Galeener, 1982a,b; McMillan, 1984; Galeener et al. , 1984; Sharma et al. , 1985; Pasquarello & Car, 1998; Umari & Pasquarello, 2002; Rahmani et al. , 2003; Umari et al. , 2003; Kalampounias et al. , 2006). La forte proportion d’anneaux à 6 tétraèdres est ainsi en accord avec une structure du verre de silice semblable à celle de la β-cristoballite. 2.2.2 Les formateurs de réseau dans les systèmes géologiques : Si4+ , Al3+ , Fe3+ ,... Le verre de silice est composé d’un arrangement tridimensionnel de tétraèdres SiO4 interconnectés. Le silicium favorise donc la formation de liaisons intertétraédriques, c’est un formateur de réseau. Au même titre, on pourra citer les cations Ge4+ et B3+ qui forment eux aussi des verres d’oxydes à eux seuls. D’autres éléments peuvent être formateurs de réseau, comme les cations Al3+ et Fe3+ par exemple. Ces derniers ne sont cependant pas capables de former un verre d’oxyde à eux seuls, mais ils peuvent entrer en substitution du silicium en CN 4 dans les verres silicatés. Cette substitution du Si4+ par l’Al3+ ou le Fe3+ est permise par -i) le rapport entre le rayon ionique de l’oxygène O2− (1.32 Å) et ceux des ions Al3+ et Fe3+ (respectivement 0.47 et 0.57 Å en CN 4), qui est toujours compris entre ≈ 0.22 et ≈ 0.41 et qui favorise l’existence de ces cations en CN 4 dans les verres et minéraux (rayons ioniques : Whittaker & Muntus, 1970 et Bloss, 1994) ; -ii) ainsi que par leur charge électronique proche 24 2.2 Structure des verres et silicates fondus de celle du silicium. Ces deux points donnent à ces cations une force de champ ionique 2 élevée, de 13.6 et 9.2 Å−2 pour l’Al3+ et le Fe3+ respectivement. D’après le critère de Dietzel 3 (1942), les éléments possédant une telle force de champ ionique favorisent la formation d’un réseau interconnecté par des liaisons présentant un caractère ionique faible. On remarquera que, dans un aluminosilicate fondu ou vitreux, la présence de tétraèdres FeO4 ou AlO4 présentant un déficit de charge de -1 induit un déséquilibre électronique devant être compensé. L’introduction de cations compensateurs de charge possédant une force de champ ionique inférieure à 1.8 Å−2 va pouvoir assurer ce rôle. Ceux-ci peuvent de plus jouer un autre rôle : celui des modificateurs de réseau. 2.2.3 Les modificateurs de réseau et compensateurs de charge : éléments alcalins, alcalinoterreux et fer ferreux Les éléments Na+ , K+ , Ca2+ , Mg2+ , ou encore le fer dans son état Fe2+ , ont une force de champ ionique trop faible (inférieure à 1.8 Å−2 ) pour entrer dans le réseau en tant qu’éléments formateurs de réseau. Les éléments Ca2+ et Mg2+ sont présents en coordinence 4 à 8 pour le Ca et 4 à 6 pour le Mg dans les silicates vitreux et fondus (Li et al. , 1999; George & Stebbins, 1998; Cormier et al. , 2003; Neuville et al. , 2004b). Le cation Na+ est lui présent en coordinence 6 à 9 dans les verres silicatés et aluminosilicatés (George & Stebbins, 1996; Cormier & Neuville, 2004; Neuville et al. , 2004c), alors qu’il semble que le CN de K+ soit plus élevé : de 9 à 12 (Taylor & Brown, 1979a; Brown Jr et al. , 1995). Ces éléments, possédant une grande coordinence et une faible charge, vont former des liaisons plus faibles que les liaisons Si-O. Lorsqu’on les introduit dans de la silice pure, ils modifient le réseau tétraédrique en cassant les liaisons Si-O-Si. Ceci produit une augmentation forte de la concentration en oxygènes non-pontants (NBO, Non Bridging Oxygen). Les tétraèdres sont alors constitués de BO et NBO à leur sommet. On peut quantifier cette augmentation de la concentration en NBO en utilisant le paramètre NBO/T, représentant le rapport entre les NBO et les espèces tétraédriques (et donc les oxygènes pontants, voir Mysen [1988] pour la façon dont le calcul s’effectue). Une autre notation permet de quantifier le nombre de BO que porte un tétraèdre. S’il est constitué de 4 BO, c’est un tétraèdre Q4 ; s’il porte 3 BO, c’est un Q3 . Plus généralement, on dénomme les espèces tétraédriques Qn , avec n le nombre de BO qu’elles contiennent. L’introduction de cations modificateurs de réseau favorise donc la transformation des espèces Q4 par exemple en espèces Q3 , Q2 , Q1 voir Q0 en fonction de la proportion d’éléments modificateurs introduits (Fig. 2.5). Ceci affecte notamment l’arrangement \ des tétraèdres SiO4 , les angles intertétraédriques Si − O − Si et les distances de liaisons Si-O dans les silicates fondus et vitreux. Par exemple, les résultats des études de Cormack et Du (2001) et de Ispas et al. (2010) de simulation numérique de silicate de Li, de Na et de Ca montrent que les distances Si-BO sont plus grandes que les distances Si-NBO. Dans les aluminosilicates fondus, les cations à faible force de champ ionique peuvent aussi compenser le déficit de charge des tétraèdres AlO4 . On les nomme alors des éléments compensateurs de charge. 2. La force de champ ionique est égale à Z/r2 avec Z la charge formelle du cation et r son rayon ionique. Z 3. Au sens strict, le critère de Dietzel (1942) définit une intensité de champ A égale à (rc +r 2 où rc et ro sont les rayons o) ioniques du cation et de l’oxygène. Ce critère permet de différencier les cations formateurs des cations modificateurs de réseau. À une constante près (ro ), ce critère est équivalent à la force de champ ionique Z/r2 . Nous utiliserons dans cette thèse la force de champ ionique pour regarder l’effet de la taille des différents cations. 25 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études BO M+ NBO Q3 Q4 M2+ Figure 2.5: Représentation schématique d’un silicate vitreux, contenant des cations modificateurs de réseau M+ et M2+ (en vert clair et bleu). BO, NBO : oxygènes pontants (en rouge) et nonpontants (en orange) ; Q4 , Q3 : espèces tétraédriques Q portant 4 ou 3 BO respectivement. Le silicium est au centre des tétraèdres en bleu. Les tailles des ions et les distances interatomiques ne sont pas respectées. Ils assurent l’électroneutralité du système en se plaçant au voisinage des molécules [AlO4 ]− déficitaires de charge. On notera que si du fer ferrique est présent en CN 4 dans le système, les compensateurs de charge vont aussi venir rétablir l’équilibre électrique dans l’environnement proche du Fe3+ . Le CN des cations à faible force de champ ionique peut ainsi dépendre de leur rôle de modificateurs de réseau ou de compensateur de charge. Dans le cas du sodium par exemple, la RMN de l’23 Na a montré un changement de CN de 6-7 à 7-8 entre les silicates et les aluminosilicates de sodium (George & Stebbins, 1996). D’après l’étude de Lee & Stebbins (2003a), ce changement de CN est correlé à une augmentation des distances Na-O moyennes. La distance Na-NBO semble ainsi plus courte que la distance Na-BO dans les aluminosilicates de sodium. Les propriétés physico-chimiques d’un silicate ou aluminosilicate fondu ou vitreux vont dépendre des proportions des différents éléments formateurs de réseau ou modificateurs/compensateurs de charges. L’effet des cations M (avec M = Na+ , K+ , Mg2+ , Ca2+ ...) va dépendre de leur proportion et du rapport M/Al. En effet, les cations M vont pouvoir être compensateurs de charge de l’Al et modificateur du réseau si M/Al>1. Pour M/Al = 1, il semble qu’ils compensent presque exclusivement le déficit de charge de l’Al. La discussion précédente inclut presque exclusivement l’Al en CN 4. De l’Al en CN 5 (Al[5] ) est cependant détecté dans les aluminosilicates d’alcalins et d’alcalinoterreux (Risbud et al. , 1987; Stebbins et al. , 2000; Toplis et al. , 2000; Neuville et al. , 2004a, 2006, 2007, 2008a, 2010). L’Al est aussi présent en CN 6 (Al[6] ) le long du binaire SiO2 -Al2 O3 (Risbud et al. , 1987; Sato et al. , 1991). L’Al est en réalité un élément dit intermédiaire. Il est formateur de réseau en présence de compensateur de charge, mais s’il est excédentaire, pour M/Al < 1, il va avoir tendance à aller dans des coordinences plus élevées 26 2.2 Structure des verres et silicates fondus que 4. L’effet de l’Al en CN 5 ou 6 sur les propriétés rhéologiques et thermodynamiques est encore mal connu. Il semblerait que les Al[5] soient des espèces transitoires à haute température favorisant la diffusion des NBO et l’échange de liaisons T-O-T (avec T= Si, Al en CN 4) (Stebbins, 1991; Stebbins et al. , 1992, 2000; Neuville et al. , 2007, 2008a). À T g, l’augmentation de la concentration en Al[5] dans le domaine peralumineux 4 semble être reliée au déficit en cations compensateurs de charge. Sa présence augmente la connectivité du réseau, menant à une augmentation des T g dans le domaine peralumineux (Neuville et al. , 2010). On pourra noter pour terminer que le fer Fe3+ est lui aussi un élément intermédiaire. 2.2.4 Polymérisation et composition chimique L’introduction de modificateurs de réseau dans la silice pure augmente le rapport NBO/T et crée des espèces Qn portant des NBO. On dit alors que le système est dépolymérisé. Les espèces Qn ont pu être mises en évidence par les spectroscopies Raman et RMN (Mysen et al. , 1980b; Furukawa et al. , 1981; Mysen et al. , 1982; Murdoch et al. , 1985). La spectroscopie Raman permet d’observer qualitativement la présence des différentes espèces Qn , mais son pouvoir quantitatif est limité de par les sections efficaces Raman variables des différentes espèces Qn (Furukawa et al. , 1981). Mysen & Frantz (1993b) ont cependant montré qu’il était possible, pour les silicates vitreux, d’effectuer une calibration entre les spectroscopies Raman et RMN pour pouvoir quantifier la proportion des espèces Qn à partir des spectres Raman. Dans les silicates d’alcalins, la spectroscopie RMN a permis de quantifier directement leur concentration en fonction du rapport M2 O/SiO2 (avec M = Li, Na, K), comme le montre la figure 2.6 tirée de Maekawa & al. (1991b). On observe sur cette figure que l’ajout de cations modificateurs entraîne une transformation des espèces Qn en espèces Qn−1 . De plus, on remarque que, par exemple, la concentration en Q3 à 35 mol% M2 O augmente dans l’ordre Li < Na < K. Les concentrations des différentes espèces Qn pour des produits présentant le même rapport M2 O/SiO2 dépendent donc de la force de champs du cation M. Celle-ci influence l’efficacité du cation à modifier le réseau. Dans le cas des silicates d’alcalins, il semble que plus le cation est gros, plus il favorise la dépolymérisation du réseau. 2.2.5 Cas des éléments ambivalents : exemple du fer Le fer présente des propriétés particulières dans les silicates et aluminosilicates fondus et vitreux. C’est l’élément de transition le plus répandu et concentré dans les silicates liquides et vitreux, ainsi que dans les magmas et laves. Il affecte leurs propriétés et leurs structures de façon complexe en fonction de son état d’oxydation Fe3+ /Fe2+ . De ce fait, il a été extensivement étudié (surtout à l’aide de techniques spectroscopiques optiques et Mössbauer [voir par exemple Mysen et al. (1980, 1984); Montenero et al. (1986); Bingham et al. (1999)], mais aussi d’absorption de rayons X et Raman [voir par exemple Calas & Petiau (1983); Wilke et al. (2001); Magnien et al. (2004, 2008)]) et est utilisé comme un indicateur de l’état RedOX des verres et liquides silicatés. 4. On distingue dans le diagramme ternaire (M+ ,M2+ 0.5 )-Al2 O3 -SiO2 trois régions, ou « domaines » : lorsque le rapport (M+ ,M2+ 0.5 )/Al est supérieur à 1, on parle de domaine peralcalin ; lorqu’il est égal à 1, on parle de compositions tectosilicatés (tectosilicates vitreux ou fondus) ; et lorsqu’il est inférieur à 1, on distingue alors un troisième domaine dit peralumineux. 27 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études Figure 2.6: Distribution des espèces Qn en fonction de la composition chimique de verres de silicate de Na (carrés), Li (triangles) et K (ronds). Maekawa et al. (1991b). Dans les compositions naturelles, il est généralement admis que : – Le fer ferreux, Fe2+ , est présent majoritairement en coordinence 4 à 6 avec une plus forte proportion de cations en CN 6, et agit comme un modificateur de réseau ou un compensateur de charge ; – Le fer ferrique, Fe3+ , a un rôle de cation intermédiaire. Il peut être présent en coordinence 4 à 6 et jouera alors un rôle différent dans le réseau silicaté. Les précédentes études ont cependant montré que la coordinence 4 est majoritaire (voir revue de la thèse de Cochain, 2009). L’équilibre d’oxydoréduction entre le Fe3+ et le Fe2+ dans un silicate fondu peut être décrit d’après les deux demi-équations RedOX suivantes : F e3+ + e− ⇐⇒ F e2+ , (2.1) O2 + 4e− ⇐⇒ 2O2− . (2.2) En combinant les équations 2.1et 2.2, on peut réécrire : 4F eO + O2 ⇐⇒ 2F e2 O3 . (2.3) Pour un liquide de composition chimique donnée, la réaction 2.3 est contrôlée par la fugacité d’oxygène, la température et la pression (Fudali, 1965; Sack et al. , 1980; Kilinc et al. , 1983; Kress & Carmichael, 1988, 1991). Une augmentation de la température déplace l’équilibre RedOX vers les espèces réduites, puisqu’elle favorise la réaction endothermique d’après la loi de Van’t Hoff (Schreiber, 1986). Une augmentation de la f O2 favorise la stabilisation de l’espèce oxydée : on observe une relation linéaire entre le rapport RedOX et la fugacité d’oxygène à la puissance n/4 (Schreiber, 1986; Kress & Carmichael, 1988). Outre ces paramètres, la composition chimique du liquide influence la réaction 2.3 28 2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques en changeant notamment l’activité des ions O2− (basicité du verre ou liquide) et les coefficients d’activités des éléments multivalents. La force de champ ionique des cations modificateurs ou compensateurs influence elle aussi le rapport RedOX du fer. 2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques Comme nous venons de le voir, la structure des aluminosilicates et silicates fondus et vitreux varie en fonction de leur composition chimique. Ceci va influencer leurs propriétés thermodynamiques et rhéologiques. La viscosité est un paramètre très important, à la fois pour l’industrie et pour les sciences de la terre. Elle détermine la mobilité des silicates et aluminosilicates fondus, et infuence par exemple les vitesses de remontée des magmas ainsi que leur façon de dégazer, mais aussi la température de travail des silicates fondus dans le domaine industriel verrier. 2.3.1 Viscosité des silicates fondus i) Température et composition chimique La viscosité est définie comme étant la résistance qu’oppose un fluide à sa déformation sous l’action d’une contrainte (cisaillante ou normale) : η= σ , ε̇ (2.4) avec η la viscosité en Pa.s, σ la contrainte en Pa et ε̇ la vitesse de déformation. On peut aussi exprimer la viscosité en Poise (unité CGS), avec la correspondance 1 Pa.s = 10 Poises. Le système international étant le Pa.s, nous préférerons son utilisation dans la suite. Le premier facteur influençant fortement la viscosité d’un liquide est la température (Fig. 2.7). En effet, l’apport d’énergie thermique (énergie d’activation) permet de franchir les barrières énergétiques s’opposants aux mouvements atomiques. On peut utiliser une relation d’Arrhenius pour mieux comprendre ce phénomène : η = A exp(4Hη /RT ), (2.5) avec A un terme pré-exponentielle, 4Hη l’enthalpie d’activation, T la température en Kelvin et R la constante des gaz parfaits. L’équation 2.5 indique que la viscosité d’un liquide va dépendre de son enthalpie d’activation (du mouvement visqueux) et de sa température. Cette relation prévoit des variations linéaires de la viscosité en fonction de la température, si l’on associe à une composition chimique une seule enthalpie d’activation. Cette relation linéaire est généralement observée à haute température, pour des viscosités entre 100 et 105 Pa.s (Fig. 2.7). On observe sur la figure 2.7 que plus la teneur en Na2 O est élevée dans un silicate de Na, plus sa viscosité diminue. Ceci est en accord avec la structure du silicate devenant de plus en plus dépolymérisée au fur et à mesure de l’introduction de cations modificateurs de réseau Na+ . Sur une gamme de température étendue (de T g au dela du liquidus), on observe un comportement non arrhénien de la 29 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études Figure 2.7: Viscosité (log Pa.s) en fonction de la température (K−1 ) de silicates de sodium. Données à 60, 67 et 80 mol% SiO2 : Neuville (2006) ; données à 75 mol% SiO2 à basses températures : cette étude, et à hautes températures : Bockris et al. (1955). Les courbes sont des ajustements TVF des mesures (voir équation 2.6). viscosité (Fig. 2.7). L’énergie d’activation du mouvement visqueux de l’équation 2.5 varie donc avec la température. Ce comportement non-arrhénien est flagrant lorsque l’on regarde la figure 2.8. L’évolution de la température des liquides mène à des variations de viscosité de plusieurs ordres de grandeurs. De plus, la figure 2.8 montre des changements de viscosité très forts en fonction de la composition chimique du liquide. À température égale (e.g. ∼ 1400 K), plus de 10 ordres de grandeurs séparent la viscosité de la silice pure SiO2 de celle du disilicate de sodium Na2 O-2SiO2 (Fig. 2.8). L’introduction d’éléments modificateurs de réseau comme les cations alcalins ou alcalinoterreux mène à une forte diminution des enthalpies d’activation du mouvement visqueux et donc des viscosités. On remarque aussi sur la figure 2.8 que le caractère non-arrhénien de la viscosité dépend de la composition chimique du liquide. En effet, la silice présente un comportement très faiblement non-arrhénien alors que les disilicates (NS2) et trisilicates (NS3) de sodium fondus ont des énergies d’activation variant fortement avec la température et donc des comportements fortement non-arrhéniens. Pour interpoler les mesures de viscosité sur une plage étendue de température et prendre en compte le comportement non-arrhénien de leurs variations, on peut utiliser l’équation empirique de Tamman-Vogel-Fulcher (TVF). Elle relie la viscosité à la température de la façon suivante : log η = A + B , (T − T1 ) (2.6) avec A, B et T1 des paramètres ajustables (voir les courbes des figures 2.7 et 2.8 qui sont des ajustements TVF des mesures). Bien qu’elle soit empirique et n’apporte pas de réelle information quant à la thermodynamique ou la structure du réseau, le paramètre T1 est fortement sensible à la 30 2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques Figure 2.8: Log de la viscosité (en Poises, 10 Poises = 1 Pa.s) en fonction de la température réciproque (K−1 ) de quelques liquides silicaté et aluminosilicatés. Neuville et al. (2010). composition chimique. Il est similaire à la température de Kauzmann TK où l’entropie configurationnelle d’un silicate fondu serait nulle (voir Sipp et al. , 2001 et références citées). L’équation TVF permet de très bien reproduire les variations de viscosité des silicates et aluminosilicates fondus sur l’intervalle ∼ 0 - ∼ 13 log Pa.s. À des viscosités plus élevées ou plus basses, elle ne permet cependant pas de reproduire les données (Doremus, 2002). L’évolution de la viscosité des silicates fondus en fonction de leur composition chimique est correlée avec l’évolution de la distribution des espèces Qn , comme présentée sur la figure 2.6. De plus, pour une composition chimique constante, cette distribution est fonction de la température. On observe une dissociation des espèces Qn lorsque la température augmente d’après la relation (Stebbins, 1988; Mysen, 1990; McMillan et al. , 1992) : 2Qn ⇐⇒ Qn−1 + Qn+1 . (2.7) Une localisation des NBO et des BO semble donc favorisée par la température. Il faut toutefois prendre garde à ce formalisme. Il donne une vision relativement statique des phénomènes d’échanges de NBO et de liaisons Si-O-Si permettant le mouvement visqueux (Bockris et al. , 1955; Farnan & Stebbins, 1990; Doremus, 2002), or la durée de vie d’une espèce tétraédrique est de quelques microsecondes à haute température (Farnan & Stebbins, 1990). De plus, l’observation de Si[5] et Al[5] à haute température (Stebbins, 1991; Florian et al. , 2007; Neuville et al. , 2008b) indiquerait que ces espèces intermédiaires interviennent aussi dans le mouvement visqueux du réseau, favorisant les échanges de 31 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études Figure 2.9: Température de transition vitreuse (K), mesurée à partir des données de viscosité de tectosilicates d’alcalins et d’alcalino-terreux (M+ /Al et M2+ /2Al = 1) contenant 75 à 76 −2 mol% SiO2 , reportée en fonction de leur force de champ ionique Z/r2 (Å ). Ce dernier a été déterminé à partir des rayons ioniques de Whittaker & Muntus (1970) pour des coordinences CN de : K+ = 9-10, Na+ = 7, Li+ = 6, Ca2+ = 7 et Mg+ = 6 (valeurs de CN de Neuville et al. , 2004c; Cormier & Neuville, 2004; Brown Jr et al. , 1995). liaisons T-O-T. La présence de ces espèces serait importante surtout pour des compositions très polymérisées comme la silice ou l’albite 5 NaAlSi3 O8 fondue par exemple. L’observation d’un minimum de viscosité de Ca3 Al2 Si6 O18 fondu à environ 4 GPa, correlé avec une concentration maximale d’espèces Al[5] (Allwardt et al. , 2007) semble confirmer le comportement d’espèces transitoires des Al[5] . La formation de complexes intermédiaires, de plus ou moins grandes tailles selon la température et la composition chimique, serait alors un mécanisme permettant l’échange de liaisons et le mouvement visqueux du liquide (Farnan & Stebbins, 1990, voir aussi Richet, 2009a et références citées). D’après Neuville et al. (2008b), ce mécanisme serait particulièrement efficient dans les compositions très polymérisées (tectosilicates fondus), où l’Al[5] serait alors un élément clé du mouvement visqueux du réseau tétraédrique surcontraint. On remarque sur la figure 2.9 que, à une teneur en silice constante, la T g (et donc la viscosité de 1012 Pa.s) dépend fortement du cation modificateur de réseau. Le rapport Z/r2 de ces cations influence leur interaction avec le réseau silicaté, comme observé auparavant pour la distribution des espèces Qn (Fig. 2.6). La comparaison des viscosités des produits NaAlSi3 O8 et Na2 O-3SiO2 sur la figure 2.8 indique de plus que, à teneur en silice constante, la présence d’Al3+ va polymériser le réseau et augmenter la viscosité. Le changement de rôle du cation M (ici le Na+ ) de modificateur à compensateur de charge de l’Al3+ ainsi que la formation de liaisons Si-O-Al explique cette augmentation de viscosité. La distribution des espèces Qn va elle aussi être influencée par la présence d’Al3+ (Mysen & Frantz, 1994a; Mysen, 1995, 1999). 5. Dans la suite, le lecteur pourra lire « albite » écrit avec une majuscule lorsque nous parlerons du minéral, ou avec une minuscule lorsque nous parlerons de l’aluminosilicate fondu ou vitreux qui a la même composition chimique. 32 2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques ii) Éléments volatils et pression La présence d’éléments volatils comme l’eau ou le CO2 dans un silicate fondu modifie sa structure et ses propriétés rhéologiques. Les éléments volatils ont un intérêt géologique fort. En effet, un magma ou une lave contient avant son dégazage des volatils majeurs tels que H2 O et CO2 ou mineurs comme SO2 , H2 S, HF ou encore Cl. Or ces éléments volatils, et en particulier l’eau qui est présente en forte concentration dans les magmas, sont le moteur des éruptions volcaniques. La présence d’eau influence très fortement la T g et donc la viscosité des silicates fondus. L’ajout d’eau diminue celle-ci de plusieurs ordres de grandeur (Richet et al. , 1996; Whittington et al. , 2001, 2004, 2008, 2009). L’eau diminue de plus le volume molaire des verres, affectant ainsi leur densité (Richet et al. , 2000). Elle est présente dans les verres sous forme moléculaire (H2 Omol ) et de radicaux hydroxyls (OH) liés au réseau cationique du verre ou du silicate fondu (Stolper, 1982). L’ajout d’eau dans un silicate fondu va provoquer la rupture de liaisons Si-O-Si et Si-O-Al, dépolymérisant ainsi son réseau en formant des liaisons Si-OH ou Al-OH. On peut résumer son effet sur la silice avec la réaction qui suit (Moulson & Roberts, 1961) : SiO2 + H2 O ⇐⇒ Si − OH · · · OH − Si, (2.8) avec · · · une liaison hydrogène et − une liaison covalente. L’eau a donc un rôle de modificateur de réseau. Son effet est cependant complexe et fonction de la composition de base du silicate fondu : elle diminue beaucoup plus fortement la viscosité des compositions riches en silice (voir les T g des granite et rhyolite de la figure 2.10) que celle des compositions plus pauvres en silice, et plus riches en alcalins/alcalino-terreux et alumine (andésite et basalte de la figure 2.10). Son effet sur la viscosité est très fort lorsque sa concentration est inférieure à ∼1.5 pds%. Ceci se remarque sur la figure 2.10 où l’on observe une forte courbure des courbes de T g en dessous de 1.5 pds% H2 O, puis pour les verres de basalte et d’andésite contenant jusqu’à 3.5 pds% d’eau on remarque que la pente de la courbe diminue au dessus de ∼1.5 pds% H2 O. À des concentrations supérieures à ∼1.5 pds%, l’eau influence moins fortement la viscosité. Ceci provient du fait que, à faibles concentrations, l’eau est majoritairement présente sous forme OH, alors qu’à fortes concentrations les espèces H2 Omol sont majoritaires. Cette proportion change de plus avec la température : la présence d’OH est favorisée à haute température par rapport aux molécules H2 Omol (Nowak & Behrens, 1995; Sowerby & Keppler, 1999). Sur les silicates fondus de compositions complexes, contenant de l’alumine et des éléments alcalins/alcalinoterreux, l’effet de l’eau est plus complexe que le laisse entendre l’équation 2.8. Des résultats récents de RMN 1D et 2D des noyaux 1 H, 27 Al et 29 Si ont montré que les groupements OH peuvent s’associer aux éléments formateurs de réseau (Si,Al) et dépolymériser le réseau du silicate fondus, ou bien former des liaisons avec les cations modificateurs comme Ca2+ ou Mg2+ (Xue & Kanzaki, 2004, 2007, 2008). Dans ce dernier cas, les OH ne joueraient plus un rôle de modificateur, et favoriseraient même la polymérisation du réseau en complexant les cations modificateurs de réseau. Bien que complexe d’un point de vue structural, l’effet de l’eau sur la viscosité des silicates fondus commence à être bien contraint, grâce aux mesures effectuées sur une gamme étendue de compositions chimiques (voir par exemple Richet et al. , 1996; Holtz et al. , 1999; Whittington et al. , 2000, 2001; 33 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études Figure 2.10: T g de différents silicates fondus hydratés en fonction de leur teneur en eau. HPG : Haplogranite, Dingwell et al. (1996) ; Andesite, Richet et al. (1996) ; Rhyolite et Basalte, cette étude. Romano et al. , 2003; Giordano et al. , 2004a,b; Whittington et al. , 2004; Misiti et al. , 2006; Poe et al. , 2006; Whittington et al. , 2008; Giordano et al. , 2009; Whittington et al. , 2009; Misiti et al. , 2011). On pourra, pour une composition proche, utiliser ces données expérimentales pour estimer l’effet de l’eau sur le silicate fondu étudié si aucune mesure n’est disponible. Il faut cependant prêter attention à la qualité des données proposées, particulièrement proche de Tg où l’effet de l’eau est très fort. Certaines études ne proposent que deux à trois données de viscosité proche de T g mesurées par micropénétration, une technique donnant des erreurs plus fortes que l’écrasement utilisé à l’IPGP par exemple (σmicropénétration ≥ 0.1 log Pa.s > σf luage = 0.03 log Pa.s)(voir données de Misiti et al. , 2011 par exemple). On favorisera si possible l’utilisation de mesures couvrant 3 à 4 ordres de grandeurs, qui permettent d’obtenir une estimation précise des variations de la viscosité en fonction de la température et de la teneur en eau. En l’absence de mesures ou de données sur un silicate proche de la composition étudiée, les modèles de Hui et Zhang (2007) et Giordano et al. (2008) peuvent permettre de prendre en compte l’effet de l’eau. On pourra les utiliser en vérifiant au préalable, avec des données de la littérature par exemple, s’ils sont adéquats pour la gamme de composition étudiée. L’effet du CO2 a été moins étudié que celui de l’eau en raisons des difficultés expérimentales rencontrées pour synthétiser des échantillons ayant à la fois une taille suffisante (plusieurs centimètres) pour effectuer des mesures de viscosité et une teneur en CO2 homogène. Les quelques données existantes concernent des liquides d’albite, de sanidine et de mélilite sodique à haute pression et haute température (Brearley & Montana, 1989; White & Montana, 1990). Bourgue & Richet (2001) ont réussi à synthétiser des silicates de potassium contenant différentes proportions de CO2 dissous en les chauffant à différentes températures, dans le but d’éviter la décarbonation totale des produits. Comme 34 2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques 1873 K (a) (b) Figure 2.11: a) Viscosité d’un verre KS1.3 (56.9 mol% SiO2 , 43.1 K2 O) en fonction de la teneur en CO2 en poids% (Bourgue & Richet, 2001). b) Viscosité en log Poises en fonction de la pression en GPa de quelques aluminosilicates fondus. Données de Brearley et al. (1986). pour l’eau, il est possible de mesurer leur viscosité proche de Tg sans exsolution du CO2 . Les données montrent une diminution de la viscosité lors de l’augmentation de la teneur en CO2 (Fig. 2.11a). Cette effet est néanmoins beaucoup moins fort que celui de l’eau. Il est nécessaire de considérer que les magmas contiennent généralement une proportion inférieure à 0.1 pds% de CO2 dissous avant leur dégazage, alors qu’elles peuvent contenir jusqu’à 5 à 6 pds% d’eau. Celle-ci affecte beaucoup plus fortement les propriétés rhéologiques du magma. D’après Morizet et al. (2007), l’effet du CO2 peut donc être négligé en première approximation dans l’estimation de la viscosité d’un aluminosilicate fondu. Concernant les autres éléments volatils, peu de données expérimentales existent. Les études sur le fluor et le chlore montrent que leur impact sur la structure et la viscosité des silicates fondus est complexe et dépend de leur composition (Dingwell & Mysen, 1985; Giordano et al. , 2004a; Zimova & Webb, 2006, 2007). À l’heure actuelle, les données disponibles ne permettent pas encore de modéliser correctement leur influence sur les laves à l’heure actuelle. Ces éléments sont cependant présents en faibles proportions, sauf dans certains cas extrêmes (voir Giordano et al. , 2004a et références citées). On pourra donc, comme le CO2 , les négliger dans le calcul de la viscosité de la lave sans affecter les résultats finaux d’erreurs très importantes. Un autre facteur particulièrement important dans un contexte géologique est la pression, qui va évoluer de la source des magma à la surface. Il est donc nécessaire d’envisager l’effet que peut avoir la pression sur ses propriétés rhéologiques dans le cadre de la modélisation de la viscosité. Les données expérimentales obtenus sur des silicates fondus de compositions simples montrent une diminution de la viscosité lors de l’augmentation de pression (Fig. 2.11b). Cet effet est dépendant de la composition chimique du silicate fondu (Fig. 2.11b). L’effet de la pression est cependant à pondérer, puisque n’in- 35 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études fluençant significativement la viscosité qu’à partir de pressions supérieures à 1 GPa. Ceci correspond à une profondeur dans la croûte terrestre de plus de 10 Km. Dans le cas d’applications volcanologiques, on pourra donc prendre ou non en compte la pression en fonction de la profondeur des réservoirs magmatiques. Pour des profondeurs inférieures ou égales à 10 km, on négligera l’effet de la pression sur la viscosité. Par contre, la pression va surtout influencer indirectement la viscosité dans les édifices volcaniques par le biais de son impact sur la solubilité des gaz dissous dans les magmas. Il faudra donc plutôt étudier les relations entre pression, solubilité et concentration en éléments volatils et notamment en eau dans les magmas, et prendre en compte tout changement de la teneur en volatils afin de modéliser correctement les variations de leurs propriétés rhéologiques entre le réservoir magmatique et la surface. 2.3.2 Propriétés thermodynamiques En fonction de sa composition chimique, un silicate fondu ou vitreux présente des propriétés thermodynamiques différentes. Celles-ci dictent l’efficacité des transferts de chaleur et d’énergies, et reflètent macroscopiquement sa structure moléculaire. Leur étude a donc été un but important dans le domaine des verres et silicates fondus, mais aussi de la magmatologie. Les mesures calorimétriques sont par exemple la voie d’accès la plus directe aux propriétés que sont la capacité calorifique à pression constante et l’entropie d’un cristal, d’un verre ou d’un silicate fondu. La capacité calorifique à pression constante, Cp , est reliée à l’enthalpie H et l’entropie S par : Cp = (∂H/∂T )P , (2.9) Cp = T (∂S/∂T )P , (2.10) et ou encore : ˆ T H(T ) − H(T0 ) = Cp dT, (2.11) T0 et ˆ T S(T ) − S(T0 ) = (CP /T )dT. (2.12) T0 À pression constante, les calorimètres mesurent lors des expériences une quantité de chaleur H(T ) − H(T0 ) issue d’une variation de température T − T0 de l’échantillon. Différents types de calorimètres existent (voir thèse de Richet [1982] pour une description des différents appareils cités ci-dessous). Les calorimètres adiabatiques permettent de connaître les Cp avec des erreurs inférieures à 0.1% de la très basse température (quelques K) à 300 K, en mesurant l’élévation de la température de l’échantillon, T − T0 , provoquée par l’apport d’une énergie connue, H(T ) − H(T0 ). Le calorimètre est placé dans une enceinte, dont la température est modifiée en permanence pour être constamment égale à celle du calorimètre. Dans ces conditions, il n’y a donc pas d’échanges thermiques entre calorimètre et envi- 36 2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques ronnement. Les calorimètres DSC (Differential Scanning Calorimetry) permettent d’avoir des mesures entre environ 300 et 1000 K, avec des erreurs inférieures à 1%, en effectuant une analyse thermique différentielle. Enfin, les calorimètres de chutes mesurent les Cp de l’ambiante à plus de 2200 K avec des erreurs inférieures à 0.1%. On chauffe l’échantillon à une température T voulue, que l’on peut mesurer précisément, et on le fait chuter dans le calorimètre auquel il cède de la chaleur, H(T ) − H(T0 ), en s’équilibrant avec lui à la température T0 . Ces différentes techniques présentent chacunes leurs propres avantages et inconvénients (rapidité d’acquisition, facilité de mise en oeuvre versus précision...). Elles sont complémentaires et permettent au final de mesurer les Cp des silicates cristallisés, vitreux et fondus. La détermination des enthalpies de fusion 4Sf est nécessaire pour déterminer l’entropie de configuration d’un verre par exemple, à l’aide du cycle thermodynamique que nous verrons dans quelques lignes. Les 4Sf sont déterminées à partir des enthalpies 4H de solution des cristaux, mesurées dans un calorimètre de type Calvet par exemple (voir Richet et al. , 1990) permettant de connaître les variations de température d’un fluide causées par la dissolution de l’échantillon dans celui-ci. Pour les verres, les Cp (notés Cpg par la suite) sont en général des fonctions additives de la composition chimique de la forme (Stebbins et al. , 1984; Richet & Bottinga, 1986; Richet, 1987) : Cpg (T ) = X xi Cpi (T ), (2.13) i où xi et Cpi sont respectivement les fractions molaires et capacités calorifiques partielles molaires des oxydes i. Les valeurs proposées dans Richet (1987) permettent en particulier de reproduire les expériences avec une erreur inférieure à ∼ ±1%. L’équation Cpi (T ) = ai + bi T + di ci + 1/2 , 2 T T (2.14) où ai , bi , ci et di sont des valeurs partielles molaires pour les oxydes i permet de calculer les Cp partielles molaires et d’utiliser l’équation 2.13 pour calculer la capacité calorifique du verre à la température T . À T g, les capacités calorifiques isochores (Cv) des silicates vitreux tendent toutes vers une même limite : la limite de Dulong-Petit égale à 3R/g −at. avec R la constante des gaz parfaits, soit 24.9 J.g-at.−1 (Richet & Bottinga, 1986; Richet, 1987). Pour les silicates et aluminosilicates, Cp ' Cv, ce qui permet de calculer la Cpg d’un verre à T g à l’aide de cette limite avec une erreur de ±3% (Richet, 1987). La capacité calorifique d’un verre est vibrationnelle, id est elle représente la capacité des atomes du verre à transformer un apport d’énergie thermique en énergie cinétique (mouvement de vibration). La limite de Dulong-Petit est une limite harmonique pour les solides cristallins ou amorphes présentant un réseau moléculaire fort. Lorsque l’on passe la T g, cette limite harmonique est dépassée, et les atomes vont échantillonner d’autres configurations (voir figure 2.3, page 21). Il en résulte l’apparition d’un terme de configuration dans la Cp du liquide, engendrant un saut de Cp lors du passage du verre au silicate fondu à T g (Fig. 2.25). La capacité calorifique du liquide Cpl est donc fonction des termes vibratoires et configurationnels Cpvib et Cpconf : 37 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études (2.15) Cpl (T ) = Cpvib (T ) + Cpconf (T ). Comme Cpvib (T ) = Cpg (Tg ), Cpconf (T ) est donc égal à la différence ∆Cp entre le verre à T g et le liquide à T (Richet, 1984; Richet & Bottinga, 1986) : (2.16) Cpconf (T ) = ∆Cp = Cpl (T ) − Cpg (T g). Ceci présuppose que le saut des capacités calorifiques observé à T g entre le verre et le liquide ne provient que de l’apparition de Cpconf . Goldstein (1976) a proposé que le saut de Cp observé pouvait aussi contenir des contributions provenant de : -i) changements des fréquences de vibration, -ii) de changements de l’anharmonicité des vibrations, et -iii) du nombre de degrés de liberté de relaxation secondaire. Ces contributions devraient se refléter dans la dépendance de Cpvib en fonction de la l température, et donc de Cpg pour des verres ayant la même composition chimique mais des histoires thermiques différentes. Ceci n’est cependant pas expérimentalement observé. En effet, Richet et al. (1986) n’ont observé aucune différence de Cpg pour des verres de diopside, de composition (CaMg)SiO3 , ayant des températures fictives différentes, sauf à des températures inférieures à 40K où est observé le pic de Boson. Dans leur revue des propriétés thermodynamiques des silicates vitreux et fondus, Richet & Bottinga (1986) indiquent ainsi que des silicates vitreux de même composition mais ayant des T g différantes de plus de 100K (vitesses de trempes différentes) présentent des enthalpies mesurées égales à 1 ‰ près, soit dans la barre d’erreurs des mesures. Les Cpg sont donc égaux pour des verres ayant est des températures fictives différentes d’une centaine de degrés. Ceci semble impliquer que la Cpvib l constante et égale à Cpg (Tg ), bien que l’intervalle de températures fictives étudié par Richet & Bottinga (1986) soit restreint. Cpconf peut donc être estimée à partir de l’équation 2.16. Les variations de Cpl , et donc de Cpconf , peuvent dépendre linéairement 6 de la composition chimique et être indépendantes de la température, comme observé pour les silicates de Li, Na, Ca, Mg et Sr par exemple (Richet & Bottinga, 1985). Les déviations à l’additité des Cpl sont cependant observées en présence d’aluminium, mais aussi dans le cas des silicates de potassium (voir Richet & Bottinga, 1985; 1986). De plus, les Cpl des tectosilicates d’alcalins dépendent de la température (Richet & Bottinga, 1984; 1985). Les variations de Cpl peuvent donc être complexes en fonction de la composition chimique du liquide. Nous discuterons plus en détails dans la section 2.5 les Cpg et les Cpl des aluminosilicates d’alcalins. À l’aide des mesures (ou d’un modèle) des Cp d’ un verre, d’ un liquide et d’un cristal de même composition, il est possible de connaitre l’entropie de configuration S conf (Tg ) du liquide, égale à l’entropie résiduelle du verre Sg (0) à 0K, à l’aide de la relation suivante (Richet, 1984) : ˆ S conf (Tg ) = Sg (0) = ˆ Tf 0 ˆ Tg Cpc (T )dT + ∆Sf + 0 Cpl (T )dT + Tf Cpg (T )dT, (2.17) Tg avec Cpc (T ) la capacité calorifique de la phase cristalline à la température T , Tf sa température de fusion et ∆Sf son entropie de fusion. La connaissance de l’entropie de configuration à Tg permet de 6. On entend ici que la Cpl du liquide est une fonction additive de sa composition chimique, comme supposé dans le modèle de Richet & Bottinga (1985). 38 2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques calculer l’entropie de configuration du liquide à T : ˆ S conf (T ) = S conf T (Tg ) + Tg ∆Cp dT, T (2.18) en calculant ∆Cp à l’aide de l’équation 2.16. L’entropie de configuration d’un silicate vitreux va varier fortement en fonction de sa composition chimique, et reflète le « désordre » structural dans le verre : distribution des angles de liaisons et des distances interatomiques, mélange d’éléments chimiques différents, etc. En augmentant la température, elle va augmenter plus ou moins fortement, toujours en fonction de la composition chimique. La détermination de cette entropie de configuration nécessite donc de prime abord l’étude d’un cristal à fusion congruente. Une autre méthode est d’utiliser les mesures de viscosité et de capacité calorifique des verres et liquides pour estimer Sc (Richet & Bottinga, 1983; Richet, 1984). 2.3.3 Théorie d’Adam et Gibbs des processus de relaxation Adam & Gibbs (1965) ont proposé une théorie basée sur la cinétique moléculaire pour rendre compte des processus de relaxation dans les liquides. Cette théorie couple l’entropie d’un système et le temps, deux concepts fondamentaux en physique (Dyre et al. , 2009). Elle permet de relier directement viscosité et entropie des silicates fondus et vitreux (Richet, 1984). Considérons une petite région, un soussystème, dans un liquide de taille z (i.e. le nombre d’atomes ou molécules qu’elle contient). La théorie d’Adam & Gibbs (1965) est basée sur le calcul de la probabilité de réarrangement de ce sous-système en fonction de z et de la température T . Considérons N + , le nombre de sous-systèmes de taille z dans un état permettant leur réarrangement, N − ceux ne le pouvant pas, et Nt le nombre total de sous-systèmes dans le liquide (volume ou masse considéré). La probabilité WT qu’un réarrangement coopératif du liquide s’effectue est proportionnelle à N + /Nt , et égale à : WT = A exp[ −z4µ ], kB T (2.19) avec A une constante pré-exponentielle, kB la constante de Boltzmann, T la température et ∆µ la différence de potentiel chimique entre les particules dans les sous-systèmes N + pouvant se réarranger et celles dans les sous-systèmes N − ne le pouvant pas. Physiquement, ∆µ est la barrière de potentiel chimique s’opposant au réarrangement atomique. Adam et Gibbs ont ainsi considéré une population N + de sous-systèmes ayant des tailles z différentes. Numériquement, ceux appartenant à la population présentant la taille la plus petite z ∗ seront prédominants. La probabilité moyenne WT de réarrangement est alors : WT = ∞ X A[exp( z=z ∗ −∆µ )]. kB T (2.20) Numériquement, les valeurs associées à z * seront prédominantes, ce qui nous permet de simplifier l’expression précédente en : WT = A exp( −z ∗ ∆µ ). kB T (2.21) 39 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études Le réarrangement du liquide est donc essentiellement contrôlé par les régions présentant la plus petite taille critique z ∗ . L’entropie de configuration Sc de notre système global, composé de Nt sous-systèmes, est alors égale à : (2.22) Sc = Nt sc , où sc est l’entropie de configuration des sous-systèmes. Elle est égale au logarithme du nombre moyen 1/Nt de configurations disponibles Wc du système ayant une énergie interne moyenne donnée : sc = kB ln(Wc1/Nt ). (2.23) Si l’on considère une mole de liquide, on a alors la relation suivante : sc = kB ln(Wcz/NA ), (2.24) avec NA le nombre d’Avogadro. L’équation 2.21 présuppose que les sous-systèmes de taille critique z ∗ gouvernent le réarrangement moléculaire. Ces sous-systèmes possèdent une entropie de configuration dite critique s∗c . Elle est égale à : s∗c = kB ln(Wcz ∗ /N A ), (2.25) z∗ ) ln(Wc ). NA (2.26) que l’on peut réécrire comme s∗c = kB ( Cette équation implique qu’à température et pression constantes (i.e. pour Wc fixé), l’entropie de configuration s∗c d’un sous-système croit directement en fonction de sa taille. On remarque aussi que plus la température diminue, plus Wc décroit et donc s∗c aussi. Conjointement, z ∗ augmente. Théoriquement, si Wc → 1, alors s∗c → 0 et z ∗ → NA . Le système possède alors un seul sous-système, et l’on a alors Nt → 1. Dans cette configuration, aucun mouvement n’est alors possible et l’entropie de configuration macroscopique Sc est alors nulle (Bottinga & Richet, 1996). Adam et Gibbs arrivent ainsi finalement à formuler l’expression de l’entropie de configuration macroscopique d’une mole de liquide comme étant égale à : S conf = NA ∗ s . z∗ c (2.27) S conf est donc dirigée par les entropie et taille critiques des sous-systèmes s∗c et z ∗ . On peut exprimer cette taille critique en manipulant l’équation précédente pour obtenir : z∗ = NA ∗ s . Sc c (2.28) En injectant ceci dans l’équation 2.21, on peut alors écrire : τ = A exp( 40 −NA s∗c ∆µ ), kB T S conf (T ) (2.29) 2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques avec τ le temps de relaxation 7 . En posant 4µ comme étant maintenant la différence de potentiel chimique par mole et non plus par atome, on peut simplifier la précédente équation comme suit : τ = Aτ exp[ avec Be = 4µ.s∗c kB T Be ], conf S (T ) (2.30) . Or, d’après la théorie de Maxwell (1867), la viscosité est liée au temps de relaxation par le biais du module de cisaillement à fréquence infinie G∞ : (2.31) η = G∞ τ. En posant Ae = G∞ Aτ on peut donc utiliser l’équation 8 2.30 pour exprimer la viscosité (Richet, 1984) : η = Ae exp( T Be ). conf S (T ) (2.32) Le développement précédent illustre le lien entre propriétés de configuration d’un liquide et viscosité. Pour calculer la viscosité d’un silicate fondu, nous aurons donc besoin de connaitre par la suite les termes Ae , Be et Sc . Dans l’équation 2.32, Ae représente la viscosité à température infinie du liquide. Considérons une réaction chimique activée thermiquement, comme par exemple l’échange d’une liaison entre des tétraèdres ou la formation d’un complexe transitoire lors du mouvement visqueux d’un silicate fondu. Cette réaction chimique a des entropie et enthalpie d’activation ∆Sa et ∆Ha . D’après Toplis (1998), on peut écrire Ae comme étant une fonction de G∞ et ∆Sa : Ae = log G∞ − log ν − ∆Sa , 2.303R (2.33) avec ν la fréquence à laquelle les atomes participent à la réaction. G∞ peut être considéré comme indépendant de la composition chimique d’un silicate fondu (il en est de même pour ν), et égal à 1010±0.5 GPa (Dingwell & Webb, 1989, 1990; Toplis, 1998). De plus, ∆Sa a une valeur proche de 2.303R dans un silicate fondu (Toplis, 1998). Ae doit donc faiblement varier en fonction de la composition chimique (±2 d’après Toplis, 1998). Ceci est en accord avec les données de viscosité de silicates fondus ayant différentes compositions chimiques, qui semblent montrer que, à haute température, leurs viscosités tendent vers une valeur commune : -4.5 log Pa.s (Persikov, 1991; Giordano et al. , 2008). Be dans l’équation 2.32 est relié à la barrière d’énergie potentielle s’opposant au réarrangement des atomes : Be = ∆µ s∗c /kB . (2.34) Pour une composition chimique donnée, Be est indépendant de la température (Richet, 1984). Ceci implique que ∆µ et s∗c sont indépendants de la température. Les sous-systèmes permettant le mouvement visqueux d’un silicate fondu ont donc une entropie s∗c constante et indépendante de la température. De plus, la barrière de potentiel chimique s’opposant au mouvement de ces sous-systèmes est elle 7. C’est le temps nécessaire au système pour revenir à l’équilibre après une perturbation. 8. Cette équation sera nommée par la suite équation AG. 41 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études aussi indépendante de la température. Le mécanisme permettant le mouvement visqueux d’un silicate fondu a donc des propriétés relativement constantes. Seule la taille des sous-systèmes z ∗ dépend fortement de la température, influençant l’entropie de configuration d’après l’équation 2.27. Nous écrirons donc par la suite z ∗ comme une fonction de la température : z ∗ (T ). La composition chimique du silicate fondu va influencer fortement Be , et donc ∆µ et s∗c . Toplis (1998) émet l’hypothèse que ∆µ peut être considéré comme une fonction additive de la composition chimique, alors que s∗c ne doit surement pas suivre une loi linéaire. Peu de réelles modélisations de Be ont été menées à ce jour, et aucun modèle ne permet de connaitre ses variations en fonction de la composition chimique. En couplant les équations 2.32 et 2.18, on peut écrire la viscosité en fonction des capacités calorifiques des silicates fondus et vitreux et de l’entropie de configuration à T g : log10 (η) = Ae + Be T ( S conf (T g) + ´T ∆Cp Tg T dT . ) (2.35) Il est possible en utilisant les données de viscosité d’un silicate fondu de calculer Ae , Be et S conf (T g), qui sont alors considérés comme des paramètres ajustables. Ce calcul implique d’avoir des données de Cp pour le verre et le liquide, ou bien d’utiliser un modèle pour estimer les Cpg et Cpl . Les déterminations de l’entropie de configuration à T g d’un verre par le biais des données de viscosité et de l’équation 2.35 ou par le biais des mesures thermodynamiques et de l’utilisation du cycle thermodynamique (eq. 2.17) donnent des résultats très similaires (Neuville & Richet, 1991; Téqui et al. , 1991; Neuville, 1992; Bottinga et al. , 1995). 2.3.4 Entropie de configuration et autres théories des processus visqueux La théorie d’Adam et Gibbs présuppose que -i) l’énergie d’activation du mouvement visqueux est proportionnelle à z * , -ii) une région a au minimum deux configurations et son entropie est plus grande que kB ln 2, et -iii) les sous-systèmes sont indépendants et équivalents. Dyre et al. (?) ont critiqué ces points, et proposent qu’un modèle plus avancé est nécessaire pour résoudre certains problèmes posés par la théorie d’Adam et Gibbs. L’existence d’une entropie résiduelle dans les verres à 0 K peut aussi être remise en question, du fait de la violation apparente du troisième principe de la thermodynamique. Gupta et Mauro (2009) ont proposé que l’entropie de configuration des verres diminuait et devenait nulle à l’approche de 0 K. Il n’existe cependant pas de preuve de cette perte. D’après plusieurs études récentes (Gutzow & Schmelzer, 2009; Johari, 2010; Goldstein, 2011), l’existence d’une entropie résiduelle à 0 K dans les verres ne viole pas en sois le troisième principe de la thermodynamique mais le respecte d’une certaine manière, et de plus, cette entropie résiduelle est nécessaire pour expliquer les données thermodynamiques. La revue des données thermodynamiques et de viscosité effectuée par Richet (2009a) supporte l’existence de l’entropie résiduelle des verres, ainsi que la validité de la théorie d’Adam et Gibbs. Outre la théorie d’Adam et Gibbs, d’autres approchent ont été proposées pour expliquer le mouvement visqueux des silicates fondus, comme par exemple la théorie du volume libre (Cohen & Turnbull, 1959) et la théorie des modes couplés (MCT pour Mode Coupling Theory ; Gotze & Sjogren, 1992). La première est basée sur l’idée qu’un atome est confiné dans une cage définie par ses premiers voisins. 42 2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques Ces cages, ou cellules, sont considérées comme liquides ou solides, en fonction du paramètre de volume critique Vc . Vc est généralement approximé comme étant égal au volume atomique Vm . Le volume excédentaire par rapport à Vc est le volume libre, Vf . Lors d’un écoulement visqueux, l’échange de volume libre entre cellules liquides donne lieu à des fluctuations de volume cellulaire. Lorsque ces fluctuations sont plus grande que Vc , les atomes peuvent alors diffuser. La théorie MCT couple fluctuation de densité et relaxation (Gotze & Sjogren, 1992; Gotze, 2009). Le nombre densité des atomes ou molécules augmente avec la température. Lorsqu’il atteint une valeur critique, les atomes sont alors confinés dans leur cage de coordinence et ne peuvent plus diffusé. La transition vitreuse a lieu à ce moment là. Bottinga et al. (1995) ont revu les données de viscosité existantes à l’aide de ces trois théories, et concluent qu’il existe trois différents régimes de viscosité. Lorsque la viscosité est inférieure à 1 Pa.s, elle obéit à une loi puissance en accord avec les prédictions de la théorie MCT. Entre 1 et 1012 Pa.s, la théorie d’Adam et Gibbs reproduit le mieux les données, que ce soit en ajustant S conf (T g) ou en entrant la valeur calculée avec le cycle thermodynamique. Il semblerait que la théorie d’Adam et Gibbs soit aussi adaptée pour décrire les variations de viscosité au dessus de 1012 Pa, bien que le mécanisme d’écoulement visqueux ne puisse plus être décrit par la théorie d’Adam et Gibbs à une certaine température T en dessous de T g (Bottinga et al. , 1995). 2.3.5 Lien entre équations TVF, AG, fragilité des liquides et capacité calorifique de configuration L’équation TVF (eq. 2.6) peut être dérivée de l’équation d’Adam et Gibbs en posant l’hypothèse que Cpconf est égal à a/T , avec a une constante (Neuville & Richet, 1990). Cette hypothèse est cependant invalide pour les silicates et aluminosilicates. En effet, les Cpconf ne varient pas en fonction de la température dans les silicates de Na, Ca, Mg ou Sr par exemple (Richet & Bottinga, 1985). Angell (1991) a proposé une forme modifiée de l’équation TVF, égale à : η = ηo exp( DT1 ), T − T1 (2.36) où ηo , D et T1 sont des constantes. Cette équation a l’avantage de forcer les viscosités de différents liquides à partager un point commun à basse température (à T g en réalité, voir Angell, 1991). Le coefficient D est en réalité relié à la fragilité du liquide, qui est la tangente de la courbe de viscosité à T g dans la représentation réduite des viscosité en fonction de T g/T . Angell (1991; 1995) a ainsi reporté la viscosité de différents liquides dans cette représentation réduite, et a alors observé que les viscosités varient d’une manière particulière en fonction de la fragilité m du liquide. Plus celle-ci est élevée, plus les variations de la viscosité du liquide en fonction de la température sont non-arrhéniennes (Fig. 2.12). On distingue ainsi des liquides « fragiles » (glycerol, chlorobenzene...) et « forts » (SiO2 , GeO2 ). De plus, on remarque sur la figure 2.12 que les viscosités de tous les liquides convergent vers une valeur commune aux alentours de -4 log Poises (-3 log Pa.s). D’après Ojovan (2008), ceci provient du fait qu’à des températures extrèmes la viscosité de tous les liquides devient constante et elle serait alors typique de systèmes composés presque exclusivement de particules « libres ». La fragilité m des liquides peut être reliée à l’équation TVF d’après (voir Toplis et al. , 1997b et 43 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études références citées) : m= B , T g(1 − T1 /T g)2 (2.37) ainsi qu’aux propriétés thermodynamiques intervenant dans l’équation AG à partir de : m= Be Cpconf (T g) [1 + ]. S conf (T g) × T g S conf (T g) (2.38) En générale, plus le saut de Cp lors de la transition vitreuse est élevé, plus la fragilité des liquides est élevée. Figure 2.12: Diagramme représentant la viscosité en fonction de T g/T de différents liquides (Angell, 1995). Dans cette représentation, plus la courbe de viscosité d’un liquide dévie de la droite, plus sa fragilité est élevée. L’encart en haut représente la différence de Cp entre les liquides et les cristaux. 2.3.6 Modélisation des viscosités Les premiers modèles permettant de calculer la viscosité en fonction de la température et de la composition chimique d’un liquide silicaté contenant plusieurs oxydes ont été publiés par Bottinga & Weill (1972) et Shaw (1972). Le modèle de Bottinga & Weill (1972) part du principe que la viscosité d’un liquide qui varie de façon arrhénienne avec la température peut être calculée à l’aide de : 44 2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques ln η = X xi Di , (2.39) i avec xi la fraction molaire de l’espèce i et Di une constante lui étant associée. Il permet de calculer des viscosités comprises entre 1 et 106 Pa.s à des températures allant de 1200 à 1800°C, avec une erreur de ±0.75 log Pa.s (3σ). Le modèle de Shaw est relativement similaire au modèle de Bottinga et Weill. Il présuppose aussi que les variations de viscosité sont arrhéniennes, et varient linéairement en fonction de la composition chimique. La formulation du problème est cependant différente, puisque liée au calcul de l’énergie d’activation de la loi d’Arrhénius (voir équation 2.5). De plus, le modèle de Shaw prend en compte de l’effet de l’eau sur la viscosité des silicates fondus contrairement au modèle de Bottinga et Weill. Néanmoins, les résultats obtenus sont moins précis. Dans la continuité de ces deux modèles, on peut citer le travail plus récent de Persikov (1991). Son modèle propose de calculer la viscosité en fonction de l’énergie d’activation (variant en fonction de la composition chimique), de la température et de la pression. Il permet de prendre en compte l’effet de l’eau, sous sa forme moléculaire ou groupements hydroxyls. Ces modèles permettent de calculer la viscosité de silicates fondus à hautes températures, où les variations de viscosité sont généralement arrhéniennes (voir par exemple les données de Urbain et al. , 1982; Bockris et al. , 1955; Riebling, 1966). Leur relativement bon accord avec les expériences provient du fait que les effets compositionnels sont globalement linéaire à haute température sur de petits intervalles de variations chimiques, comme souligné par Bottinga et Weill (1972). Sur une gamme s’étendant de 1012 à 1 Pa.s, la viscosité d’un silicate fondu, outre l’exception discutée de la silice pure, ne suit cependant pas une loi arrhénienne. De plus, les effets de composition chimique deviennent fortement non-linéaires et complexes proche de la T g. Les modèles de Shaw (1972) ou de Bottinga et Weill (1972) ne sont donc pas adaptés pour décrire l’évolution de la viscosité sur des gammes étendues de températures et de composition chimique. En développant un modèle paramétrique des variations des paramètres B et T1 de l’équation TVF, Giordano et al. (2008) ont proposé un nouveau modèle de viscosité permettant de prendre en compte la composition chimique des silicates fondus et le caractère non-arrhénien des variations de la viscosité en fonction de la température. À haute température, ce modèle donne une bonne approximation des viscosités pour des liquides de composition complexe (Fig. 2.13). L’erreur 2σ attendue sur les prédictions est de ±0.70 log Pa.s. À basses températures, proche de la T g, les déviations du modèle aux mesures peuvent cependant être plus élevées (Fig. 2.13). Comme discuté auparavant, la non-linéarité des paramètres thermodynamiques et rhéologiques en fonction de la composition chimique proche de T g explique l’inaptitude de ce modèle à reproduire fidèlement les données dans l’intervalle 108 -1012 Pa.s. Mis à part le modèle de Giordano et al., on pourra citer le travail similaire de Hui & Zhang (2007), basé sur une modification de l’équation 2.6. Leur base de données contient 1451 mesures qu’ils reproduisent à l’aide de 37 paramètres. Celle de Giordano et al. contient plus de 1770 données, reproduites à l’aide de 17 paramètres. Le modèle de Hui & Zhang (2007) donnent de meilleurs résultats que celui de Giordano et al. (2008) sur les compositions qu’ils ont étudié, du fait d’un grand nombre de paramètres utilisés par leur modèle (Giordano et al. , 2008). L’erreur 2σ entre le jeu de données qu’ils ont ajusté et les prédictions de leur modèle est de 45 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études 14 Phonolite 12 10 Rhyolite Basalt 8 6 4 2 0 6 7 8 9 4 -1 10 /T, K 10 11 Figure 2.13: Viscosité en fonction de la température réciproque de trois silicates fondus différents. Rhyolite : Mt Dore ; Phonolite : Erebus et Basalte : Île de la Réunion (données de Villeneuve et al. , 2008). Les points sont des mesures effectuées à l’IPGP et les lignes pleines le modèle de Giordano et al. (2008). 0.61 log Pa.s, soit inférieure de 0.09 log Pa.s à celle du modèle de Giordano et al. (2008). Ces derniers ont cependant remarqué en comparant leur modèle et celui de Hui & Zhang (2007) que, sur un jeu de données plus étendues (plus de 1770 mesures, voir Giordano et al. , 2008), leur modèle donnait de meilleurs résultats. En effet, sur ce jeu de données, l’écart type σ entre les prédiction du modèle de Hui & Zhang (2007) et les mesures utilisées par Giordano et al. (2008) est de 0.52 log Pa.s, alors que celui du modèle de Giordano et al. (2008) est de 0.34. On préférera alors utiliser le modèle de Giordano et al. (2008), établis à partir d’un jeu de données plus important avec moins de paramètres. Ces deux modèles sont particulièrement adaptés au calcul des viscosités pour des silicates fondus d’intérêt géologique. Pour des compositions simples, à trois ou quatre oxydes, les résultats obtenus proches de la T g sont cependant affectés de plusieurs ordres de grandeur d’erreurs par rapport aux mesures expérimentales. Ceci montre que les modèles globaux ne peuvent reproduire les particularités des silicates fondus ayant des compositions chimiques simples, où de faibles changements de la chimie peuvent induire des déviations importantes de leurs propriétés rhéologiques. D’autres modèles ont été construits sur le principe de l’équation TVF (voir par exemple Fluegel, 2007) ou d’équations paramétriques similaires comme le modèle d’Avramov (2007; 2011 et références citées) par exemple. Bien que parfois présentés comme informatifs à propos de la structure des silicates fondus, ces modèles n’ont cependant aucun intérêt thermodynamique et ne relient que des variables à des paramètres de compositions chimiques. Un modèle de viscosité ayant une base physique se doit de relier les variations de viscosité des liquides à leurs paramètres thermodynamiques mesurés, comme les capacités calorifiques par exemple. La théorie d’Adam et Gibbs permet ceci, en reliant les variations d’entropie de configuration à T aux viscosités des liquides. Elle permet de relier viscosité et thermo- 46 2.4 Du silicate fondu simple au magma dynamique du système, temps et entropie. De plus, elle permet aussi de relier structure et propriétés rhéologiques, comme le montre l’étude de Toplis (2001b) qui a relié les variations des viscosités des silicates de sodium fondus aux variations de la taille z ∗ et de la barrière d’énergie ∆µ des sous-systèmes permettant le réarrangement visqueux en fonction de la température et de la composition chimique respectivement. Ceci est possible car la théorie d’Adam et Gibbs est duale. En effet, elle permet d’expliquer les variations de viscosité d’un liquide d’une manière macroscopique, de par les variations d’entropie et de capacité calorifique de configuration du liquide, ou d’une façon microscopique, via le réarrangement de sous-systèmes dans le liquide, séparés par des barrières de potentiels. En caractérisant mieux la structure et les propriétés (taille, barrière énergétique) des sous-systèmes permettant le réarrangement visqueux des silicates fondus, il semble donc possible de modéliser leur viscosité en fonction de leur structure et de leurs propriétés thermodynamique à partir de la théorie d’Adam et Gibbs. 2.4 Du silicate fondu simple au magma La viscosité apparente d’un magma va être fonction de la viscosité du silicate fondu intersticiel qu’il contient, et des effets des bulles et des cristaux sur cette dernière. De plus, la présence d’inclusions solides ou gazeuses en forte proportion peut induire un comportement non newtonien de la viscosité, qui va alors dépendre de la contrainte appliquée. On peut résumer ceci à l’aide de l’équation suivante : ηr = η0 (T, X, P ) + Kbulles + Kcristaux + Kσ , (2.40) avec ηr la viscosité « apparente » du magma ; η0 (T, X, P ) la viscosité du silicate fondu interstitiel en fonction de la température T , de sa composition chimique X (incluant la teneur en éléments volatils) et de la pression P ; Kbulles l’effet des bulles ; Kcristaux l’effet des cristaux et Kσ l’effet de la pression. Nous avons vu dans la partie précédente qu’avec des mesures de viscosité, ou à défaut avec un modèle global comme celui de Giordano et al. (2008), nous pouvons connaitre η0 . Les cristaux et bulles présents dans un magma sont à traiter comme des inclusions solides s’opposant ou facilitant le mouvement du fluide. Ces inclusions influente indirectement la viscosité du silicate fondu, donnant lieu à une viscosité observée « apparente » comme décrite par l’équation 2.40. Leur effet va être décrit brièvement dans la partie suivante. La présence de cristaux induit à toute température une augmentation de la viscosité apparente du silicate fondu (Fig. 2.14), qui est fonction de la quantité d’inclusions ajoutées. Les mesures effectuées sur des inclusions de forme sphérique (Mg3 Al2 Si3 O12 ) ou éllispsoïdale (Li2 Si2 O5 ) ne montrent pas une forte dépendance de la viscosité à la forme des inclusions d’après les mesures en compression de Lejeune (1994, Fig. 2.14). Cependant, les données récentes de Carrichi et al. (2007) acquises sur un haplogranite contenant des cristaux de quartz de tailles et de formes différentes (tabulaire, triangulaire, carré...) montrent que la forme des cristaux influence la façon dont varie la viscosité en fonction de la quantité d’inclusions ajoutées (voir aussi l’étude comparative de Costa et al. , 2009). L’effet de la présence des cristaux sur la viscosité apparente d’un magma peut être prise en compte à l’aide de l’équation d’Einstein-Roscoe : 47 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études Figure 2.14: Viscosité relative (η/η0 , avec η0 la viscosité du silicate fondu sans inclusions) en fonction de la proportion d’inclusions critallines ou gazeuses présente dans différents silicates fondus et fluides. Ca70.15 : CaAl2 Si2 O8 ; FV : émulsion à base de fongicide. ηo pour le Ca70.15 de ∼ 1011 Pa.s et pour le FV de ∼ 10−3 Pa.s. Les données reportées proviennent de Sibree (1934); Lejeune (1994); Lejeune & Richet (1995); Lejeune et al. (1999). ηr = η0 (1 − Rφ)−n , (2.41) avec ηr et η0 les viscosités apparentes et du silicate fondu homogène initial, R une constante correspondant à l’empilement compact maximum des solides, φ la fraction volumique solide et n une constante empirique égale à 2.5 dans le cas de sphères indéformables (Roscoe, 1952) . Les études sur les suspensions cristallines ont montré qu’à des teneurs inférieures à ∼30-40 vol% de cristaux, l’équation 2.41 permet d’estimer la viscosité relative du silicate fondu, qui est newtonienne (Pinkerton & Stevenson, 1992; Lejeune, 1994; Lejeune & Richet, 1995; Costa et al. , 2009). On pourra alors prendre φ = 0.6 et n = 2.5 comme valeurs à utiliser pour cette équation (Lejeune & Richet, 1995). La taille et la forme des particules peuvent cependant influencer le facteur φ, qui est de plus corrélé au facteur n (Lejeune & Richet, 1995; Caricchi et al. , 2007; Costa et al. , 2009). Lorsque l’on excède ∼30-40% de cristaux, les particules forment un réseau 3D interconnecté. Deux phénomènes semblent apparaître alors. Le premier intervient pour des contraintes très faibles, auxquelles la déformation serait nulle. Le magma possèderait alors un seuil de plasticité (Ryerson et al. , 1988; Nguyen & Boger, 1992; Pinkerton & Stevenson, 1992). L’existence d’un tel seuil peut cependant être discuté car il pourrait provenir d’un manque de sensibilité des appareils de mesures (Lejeune, 1994). Le deuxième effet est un fort accroissement de la viscosité qui n’est alors plus newtonienne (Lejeune & Richet, 1995; Caricchi et al. , 2007; Champallier et al. , 2008). Elle va dépendre de la contrainte appliquée de façon complexe (voir discussion de Costa et al. , 2009), et il est alors difficile de prédire la viscosité d’une suspension magmatique (Champallier et al. , 2008). De plus, la viscosité peut être dépendante d’une orientation préférentielle des cristaux (Champallier et al. , 2008). À des teneurs supérieurs à 50-60 vol%, les cristaux isolent progressivement des parties encore liquides, et forment une charpente cristalline continue. L’échantillon adopte alors un comportement semblable à 48 2.4 Du silicate fondu simple au magma Figure 2.15: Viscosité en log Poises d’un silicate fondu en fonction de la teneur en cristaux. De (1) à (3), les cristaux sont minoritaires et la viscosité est Newtonienne. Entre (3) et (4), les cristaux interagissent entre eux, formant un réseau tridimensionnel s’opposant au mouvement visqueux. Une forte augmentation de la viscosité est observé, celle-ci devenant de plus fonction de la contrainte appliquée. De (4) à (5), l’échantillon est majoritairement constitué de cristaux, quelques poches de liquides subsistent. Il semble alors se comporter comme un solide polycristallin. Lejeune & Richet (1995). celui d’un solide polycristallin, pouvant aller jusqu’à la rupture fragile (Lejeune, 1994). On peut donc distinguer trois domaines en fonction de la teneur en cristaux, comme présenté dans la figure 2.15. La présence de bulles créées pendant le dégazage d’un magma semble jouer de façon complexe sur sa viscosité. En effet, les bulles jouent un rôle différent à haute ou basse température. On observe sur la figure 2.14 que lorsque la viscosité du liquide est basse, la viscosité apparente de l’émulsion (liquide et bulles) augmente en fonction de la fraction de bulles (composition FV). À hautes viscosités, proche de la T g, les données de Lejeune et al. (1999) sur un aluminosilicate de calcium montrent que la viscosité apparente diminue lorsqu’on augmente la teneur en bulles dans le liquide. L’effet des bulles sur la viscosité d’un fluide dépend du nombre capillaire Ca, défini comme le rapport des forces tendant à déformer les bulles (forces appliquées sur l’échantillon) aux forces qui tendent à maintenir leur sphéricité (tensions de surface) : Ca = ε̇ηR/α, (2.42) avec ε̇ la vitesse de déformation, α la tension à l’interface liquide-vapeur, R le rayon de la bulle et 49 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études η la viscosité du liquide homogène (Spera et al. , 1988; Lejeune, 1994). Lorsque Ca > 1, les forces de déformation visqueuse l’emportent sur la tension de surface et on observe alors une diminution de la viscosité (Manga et al. , 1998; Lejeune et al. , 1999; Manga & Loewenberg, 2001). Expérimentalement, ceci correspond au domaine des hautes viscosités 108 -1012 Pa.s (Lejeune et al. , 1999). Les mesures effectuées à haute température dans l’intervalle 10-106 Pa.s confirment qu’à faibles viscosités, lorsque Ca < 1, les forces de surfaces s’opposent à la déformation des bulles et provoquent une augmentation de la viscosité de la suspension (voir par exemple Sibree, 1934; Bagdassarov & Dingwell, 1992; Stein & Spera, 1992). Toutefois, l’effet des bulles que ce soit à haute ou basse viscosité n’affecte que très peu la viscosité de la mousse magmatique : de l’ordre de 0.5 à 1 log Pa.s pour 50 vol% de bulles (Fig. 2.14 ; Lejeune et al. , 1999; Manga & Loewenberg, 2001). Il est donc négligeable à la vue des très fortes variations induites par la température, la composition chimique ou encore la fraction cristalline. Toutefois, la présence de bulles dans un magma implique plusieurs phénomènes affectant sa viscosité et sa mobilité qu’il faut prendre en compte : – le dégazage des éléments volatils, formant les bulles, mène à des variations de plusieurs ordres de grandeurs de la viscosité. Par exemple, la diminution de la concentration de volatile de 1.5 à 1% dans une rhyolite augmente sa viscosité d’environ 3 à 4 ordres de grandeurs (Dingwell et al. , 1996, voir aussi section 9.1) ; – la présence de bulles dans un magma cause une diminution de sa densité et de sa résistance mécanique de la mousse magmatique (Manga & Loewenberg, 2001) ; – les volatils présents dans les bulles peuvent excercer une surpression diminuant la résistance mécanique de la mousse magmatique. Ces phénomènes peuvent favoriser la fragmentation d’une colonne magmatique dans un conduit volcanique en diminuant sa résistance mécanique, et la présence de bulles peut ainsi jouer un rôle clé lors des éruptions pliniennes par exemple (Zhang, 1999; Papale, 1999). Pour résumer les points développés ci-dessus, nous pouvons dire que pour prendre en compte l’effet des cristaux et des bulles nous pourrons utiliser l’équation 2.41 avec des coefficients adaptés : -i) en fonction de la température et donc de l’effet variable des bulles ; et -ii) pour des teneurs en cristaux inférieures à environ 40 vol%. Il faudra de plus prendre en compte les changements de la composition chimique du silicate fondu résiduel induit par le phénomène de cristallisation fractionné. En effet, le liquide résiduel a tendance à s’enrichir en silice et en éléments alcalins. Comme nous le verrons au cours de cette thèse, ceci peut dans certains cas conduire à une augmentation non négligeable de sa viscosité (voir aussi Marsh, 2006). Si l’on associe à ce phénomène l’effet du dégazage des volatils, jusqu’à environ 10 ordres de grandeurs de viscosité à une température équivalente peuvent séparer le silicate fondu homogène initial de la lave cristallisée et éruptée. 50 2.5 État de l’art sur les aluminosilicates d’alcalins vitreux et fondus Au cours de cette thèse nous nous sommes principalement focalisés sur les propriétés structurales et rhéologiques des aluminosilicates d’alcalins fondus et vitreux. Ceux-ci présentent un intérêt très important pour l’industrie, qui les utilisent notamment comme base de fabrication des céramiques et vitrocéramiques (aluminosilicate de lithium), mais aussi pour les sciences de la terre. Nous présenterons dans cette partie tout d’abord leur intérêt pour les sciences de la terre, puis nous décrirons les connaissances actuelles que nous avons sur leur propriétés. 2.5.1 Importance volcanologique L’utilisation traditionnelle du diagramme de Harker (1909) (ou diagramme TAS, Total Alkali-Silica), où la proportion d’éléments alcalins Na2 O + K2 O est représentée en fonction de la teneur en silice SiO2 , montre que, lors de la cristallisation fractionnée, les magmas s’appauvrissent en éléments alcalinoterreux et fer et s’enrichissent en éléments alcalins et en silice. La figure 2.16 montre un exemple de ce diagramme, établi pour la série magmatique du volcan Erebus (Antarctique). On observe très bien sur cette figure l’enrichissement en silice et en éléments alcalins ayant lieu lors de la différenciation magmatique. Figure 2.16: Diagramme de Harker (1909, aussi appelé diagramme TAS) représentant la teneur en alcalins (Na2 O+K2 O) en fonction de la silice (SiO2 ) de la série magmatique du volcan Erebus, Antarctique. La flèche rouge montre l’évolution du magma de sa source à son extrusion dans le lac de lave. D’après Kelly et al. (2008a). Ceci peut conduire dans des cas extrêmes à des magmas contenant presque exclusivement SiO2 , Al2 O3 , Na2 O et K2 O. On aura alors des rhyolites alcalines ou des granites alcalins, très riches en silice, visqueux, et potentiellement très dangereux si le magma contient une proportion non négligeable de gaz. Ce scénario a donné lieu à l’éruption de 3.1 Ma B.P. du Mont-Dore (France). Celle-ci a émise une ignimbrite très riche en silice et éléments alcalins (tableau 2.1). Lors de cet évènement qui a formé une caldeira de 5 km de diamètre, un volume de 5 à 7 km3 de ponces rhyolitiques a été émis, couvrant une 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études Élément %pds SiO2 Al2 O3 Na2 O K2 O CaO MgO FeO TiO2 MnO GeO2 SrO P 2 O5 ZnO Total Vésuve AD 79 54.49(40) 19.31(25) 4.44(23) 8.55(16) 5.19(25) 1.75(09) 4.07(12) 0.54(10) 0.12(06) 0.01(02) 0.06(09) n.a. n.a. 98.55(51) Tambora 1815 57.63(97) 19.62(36) 6.49(1.05) 6.36(33) 3.12(30) 1.29(13) 4.47(32) 0.53(07) 0.16(11) n.a. n.a. 0.10(14) n.a. 99.78(n.d.) Krakatau 1883 68.87(66) 13.17(29) 5.03(44) 2.37(11) 1.68(06) 0.56(02) 2.31(13) 0.48(03) 0.13(04) n.a. n.a. n.a. n.a. 94.59(1.1) Pinatubo 1991 75.38(1.50) 12.68(45) 3.97(28) 3.01(16) 1.54(45) 0.49(37) 1.26(43) 0.11(08) n.a. n.a. n.a. n.a. n.a. 98.44(1.08) MtDore 3.1 Ma B.P. 76.74(20) 13.03(04) 3.43(04) 5.36(03) 0.41(01) 0.05(04) 0.89(07) 0.15(10) n.a. n.a. n.a. 0.03(00) 0.09(11) 100.18(06) Toba 74 ka B.P. 78.12 12.04 2.79 5.26 0.62 0.15 0.92 0.04 0.06 n.a. n.a. 0.01 n.a. 100 Table 2.1: Compositions chimiques des verres de quelques ponces volcaniques. Vésuve AD79 : composition de la roche totale des ponces grises, cette étude ; Tambora (Indonésie) : verre volcanique dans les dépôts pliniens de l’éruption de 1815, données de Sigurdsson & Carey (1989) ; Krakatau (Indonésie) : analyse d’une inclusion vitreuse dans les produits de l’éruption de 1883, données de Mandeville et al. (1996) ; Pinatubo (Indonésie) : analyse du verre d’un produit de l’éruption de 1991, donnée tirée de Pallister et al. (1996). MtDore (France) : verre des ponces de la Grande Nappe du Mont-Dore. Toba : analyse du verre des ponces rhyolitiques de l’éruption de 74 ka du Toba (Indonésie), donnée de Chesner (1998) (barres d’erreurs non fournies dans cet article). surface estimée de 100 km2 (Brousse & Lefèvre, 1966; Pastre & Cantagrel, 2001). D’autres cas plus ou moins récents d’éruptions explosives sont associés à l’émission de produits très différenciés comme la célèbre éruption plinienne de 79 AD du Vésuve (Carey & Sigurdsson, 1987; Santacroce et al. , 2008), les éruptions pliniennes de 1883 et 1815 du Krakatau et du Tambora (Indonésie, Sigurdsson & Carey, 1989; Mandeville et al. , 1996), l’éruption daté de 74 ka du super-volcan Toba, ou plus récemment l’éruption plinienne du Pinatubo (Indonésie) de 1991 dont les parties vitreuses, représentatives du liquide résiduel et donc de la chimie du silicate fondu interstitiel, présentent des taux élevés d’éléments alcalins et de silice (Tableau 2.1). Comme nous l’avons vu dans les sections précédentes, la composition chimique d’un silicate fondu affecte fortement ses propriétés rhéologiques. Celle d’un magma va donc fortement affecter sa mobilité, et de ce fait l’intensité éruptive Ie . Celle-ci représente la quantité de matière (en kg) expulsée au travers d’un conduit volcanique par seconde. Elle est proportionnelle à : Ie ∝ gπρm ∆ρr4 , 8η (2.43) avec g l’accélération de la gravité, ρm la densité du magma, ∆ρ la différence de densité entre le magma et les roches encaissantes, r le rayon du conduit et η la viscosité du magma (Wilson et al. , 1980). Cette formule n’est valide qu’en-dessous du niveau d’exsolution des gaz et donc de fragmentation pour une éruption plinienne, et ne prend de plus pas en compte le gradient de pression (voir Jaupart & 52 2.5 État de l’art sur les aluminosilicates d’alcalins vitreux et fondus Allègre, 1991 par exemple pour un développement plus complet à ce sujet). Elle permet cependant de comprendre le lien entre Ie et η (Wilson et al. , 1980; Carey & Sigurdsson, 1989). Une augmentation de la viscosité va diminuer l’intensité éruptive, or celle-ci influence la hauteur des colonnes pliniennes par exemple (Sparks, 1986). Cette influence provient des phénomènes de coalescences, d’expansion et de dégazage des fragments solides intervenant dans la colonne plinienne et qui contrôlent en partie la quantité de gaz présent dans le panache. Pour mieux illustrer notre propos, prenons l’exemple d’un magma aphyrique contenant 5 wt% d’eau dans un réservoir magmatique, et commençant sa remontée dans le conduit vers la surface. Celui-ci va dégazer ses volatils de par la diminution de pression induite par sa remontée. Admettons qu’à la profondeur critique zc il contient encore 1 wt% d’eau et environ 60 vol% de bulles. Si la viscosité du silicate fondu interstitiel est inférieure à 5 log Pa.s, la coalescence des bulles est possible (Gardner et al. , 1996). Le magma est alors perméable, et les gaz peuvent s’échapper de la phase liquide. Ceci est le cas des éruptions effusives à stromboliennes, où le magma déjà dégazé forme coulées et fontaines de lave en arrivant à la surface. Maintenant, considérons que ce magma a une viscosité de 8 log Pa.s. D’après Gardner et al. (1996), pour une viscosité comprise en 5 et 9 log Pa.s, la coalescence des bulles est inhibée. Le magma est alors imperméable. Lors de sa remontée, l’expansion des bulles se produit sans perte des gaz qu’elles contiennent. La fragmentation du magma intervient lorsque les contraintes exercées par les gaz contenus dans les bulles sur le silicate fondu excèdent sa résistance, ou/et lorsque les contraintes de cisaillement générées par la remontée du magma excèdent sa résistance (Gardner et al. , 1996; Papale, 1999; Zhang, 1999). Elle va donner lieu à l’expansion brutale des gaz, et à la formation d’une colonne plinienne qui sera expulsée par la bouche volcanique. D’après l’équation 2.43, l’intensité éruptive sera alors en partie fonction de la viscosité initiale du magma, qui peut donc influencer indirectement la hauteur du panache plinien formé (Sparks, 1986). Si après la fragmentation la viscosité des ponces est toujours inférieure à 9 log Pa.s, l’exsolution des gaz qu’elles renferment ainsi que la diminution de la pression pourra mener à leur expansion, voir à autoentretenir la teneur en gaz du panache. Toutefois si leur viscosité devient supérieure à 9 log Pa.s, leur expansion ne sera plus possible (Gardner et al. , 1996). De plus, l’exsolution des volatils est alors inhibée du fait de leurs coefficients de diffusivité devenant alors très faibles (Richet et al. , 1996). Dans le cas des éruptions pliniennes, la quantité de gaz contenue dans le panache par rapport à la fraction solide va influencer leur devenir : formation et entretien d’un panache soutenu par l’initiation d’une convection thermique à partir d’une altitude critique, ou effondrement du panache et formations d’écoulements gravitaires pyroclastiques (Sparks, 1978). La quantité de gaz dans le panache peut être influencée par une diminution de la teneur en eau du magma à la source (réservoir), ou par l’efficacité de la fragmentation initiale du magma. De plus, la quantité de gaz dans le panache peut être influencer par le phénomène de refragmentation des ponces dans le conduit volcanique. Ce phénomène se produit lors des chocs entre les ponces dans l’écoulement turbulent dans la partie haute du conduit, et favorise leur fracturation en morceaux plus petits et la libération des gaz qu’elles contenaient initialement dans leurs bulles (Jaupart & Kaminsky, 2006). Nous pouvons envisager que la T g du silicate fondu des ponces affecte ce dernier processus. En effet, plus la T g sera élevée (et donc plus le silicate fondu sera visqueux), plus elle sera rapidement atteinte après la fragmentation du magma, permettant alors aux fragments pyroclastiques d’adopter un comportement fragile favorisant leur refragmentation dans le 53 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études conduit. Bien que relativement simple, la précédente discussion illustre le rôle de la viscosité sur l’occurrence de la fragmentation d’une colonne magmatique et sur son efficacité, et sur l’intensité éruptive. Nous verrons notamment au chapitre 9 que les liens entre viscosité et intensité éruptive pourraient potentiellement expliquer lors des éruptions pliniennes l’occurence d’un panache plinien soutenu et la transition vers son effondrement et la formation de coulées pyroclastiques. On considère généralement que les teneurs en silice et volatils sont les paramètres les plus importants contrôlant la viscosité des silicates fondus. Les mesures de viscosité de Taylor et Rindone (1970) ou de Shelby (1978) ont cependant montré qu’entre un aluminosilicate fondu peralcalin et un tectosilicate fondu, la viscosité varie très fortement. Les modèles actuels prennent globalement en compte la proportion de sodium et potassium (voir Hui & Zhang, 2007), mais très peu de données existent sur les effets de mélange sodium-potassium dans les aluminosilicates fondus. Or, les magmas alcalins peuvent contenir jusqu’à 15 à 20 wt% de ces éléments (voir tableau 2.1 par exemple). De plus, très peu de données de viscosité sur des aluminosilicates fondus potassiques existent, ce qui ne permet pas de bien contraindre les modèles pour des compositions comme celle du Mont-Dore par exemple (voir figure 2.13 page 46). Une meilleure connaissance des aluminosilicates d’alcalins et de comportement rhéologique, notamment lors du mélange entre K et Na, peut permettre une amélioration des modèles éruptifs prenant en compte la viscosité des magmas et laves, et apporter quelques éléments de réponses à certaines questions succitées par l’observation des différents mécanismes éruptifs mettant en jeu des magmas alcalins. 2.5.2 Propriétés et structure des aluminosilicates d’alcalins Les propriétés thermodynamiques et rhéologiques diffèrent fortement entre les aluminosilicates d’alcalinoterreux et d’alcalins. Cette différence semble provenir d’un couplage M+,2+ -Al3+ dans les alu2+ minosilicates qui change selon la nature du cation M (M=Na+ , K+ , Ca2+ 0.5 , Mg0.5 ...) (Romano et al. , 2001). Les précédentes études d’aluminosilicates d’alcalins vitreux et fondus ont porté principalement sur les aluminosilicates de sodium qui sont faciles à synthétiser, contrairement aux aluminosilicates de potassium présentant des liquidus très élevés (Schairer & Bowen, 1955, 1956). En effet, concernant ces compositions potassiques peu de données structurales, rhéologiques et thermodynamiques existent. Dans cette partie une revue synthétique des principales connaissances de ces systèmes va être effectuée. Les détails seront abordés plus tard au moment opportun, lors de la présentation des résultats. i) Les aluminosilicates de sodium Les données de Taylor et Rindone (1970) montrent qu’en substituant Na2 O par Al2 O3 dans un silicate de sodium, la viscosité proche du T g augmente tout d’abord doucement, puis très fortement jusqu’à atteindre un maximum pour un rapport Al/(Al + N a) = 0.5 (Al/Na=1 sur la figure). La viscosité augmente ensuite doucement dans le domaine peralumineux, où Al/(Al + N a) > 0.5 (Fig. 2.17). On observe un comportement similaire dans les aluminosilicates de lithium (Fig. 2.17). La viscosité d’un aluminosilicate d’alcalin semble donc très fortement dépendante du rapport Al/(Al + M ), avec M l’élément alcalin considéré. 54 2.5 État de l’art sur les aluminosilicates d’alcalins vitreux et fondus (a) (b) Figure 2.17: a) Température (°C) correspondant à différentes viscosités (Poises, indiquées sur les courbes) en fonction du rapport Al/Na pour des aluminosilicates de sodium et de lithium contenant 75 mol% SiO2 (Taylor & Rindone, 1970) ; b) Température de transition vitreuse (°C) en fonction du rapport Al/Li à différentes teneurs en silice (mol%) (Shelby, 1978). À haute température et faible viscosité, les mesures montrent un maximum de la viscosité des aluminosilicates de sodium lorsque Al/(Al + N a) = 0.5 (Fig. 2.18, Riebling, 1966; Toplis et al. , 1997a). Dans le domaine peralcalin (Al/(Al + N a) < 0.5), les études de spectroscopie Raman ont montré que lors de l’ajout d’Al2 O3 dans un silicate de sodium les Q3 se transforment en Q2 et Q4 (Mysen, 1990; Mysen et al. , 2003; Mysen & Toplis, 2007). La RMN de l’17 O montre une diminution du nombre de liaisons Na-NBO et une augmentation du nombre de liaisons Na-BO (Lee & Stebbins, 2009). L’augmentation de la viscosité observée dans les figures 2.17 et 2.18 semble donc provenir d’une augmentation de la polymérisation du réseau. Dans le domaine peralcalin (Al/(Al + N a) < 0.5), les études de spectroscopie Raman ont montré que lors de l’ajout d’Al2 O3 dans un silicate de sodium les Q3 se transforment en Q2 et Q4 (Mysen, 1990; Mysen et al. , 2003; Mysen & Toplis, 2007). La RMN de l’17 O montre une diminution du nombre de liaisons Na-NBO et une augmentation du nombre de liaisons Na-BO (Lee & Stebbins, 2009). La croissance de la viscosité observée dans les figures 2.17 et 2.18 semble donc provenir d’une augmentation de la polymérisation du réseau. Les éléments alcalins dans les silicates fondus et vitreux agissent comme modificateurs de réseau, venant intéragir avec les BO et formant des NBO. En présence d’aluminium, nous avons vu que ces éléments vont aussi jouer un rôle de compensateur de charge. Dans le domaine peralcalin, une partie des 55 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études Figure 2.18: Viscosité (Poise) à 1700°C en fonction du rapport Al/(Al + N a) (mol%) à teneur en silice constante (indiquée sur les courbes). Riebling (1966). éléments M (avec M un alcalin, Na, K, Li...) va compenser le déficit de charge des tétraèdres [AlO4 ]− . L’excédent de cations M va interagir avec les liaisons Si-O-Si et former des liaisons Si-(NBO)-M. Les données de RMN de l’17 O de Lee et Stebbins (2009) confirment cette vision. Elles montrent que, dans le diagramme NAS, le Na interagit fortement avec les BO et les NBO, assurant ainsi un double rôle de compensateur de charge de l’Al et de modificateur de réseau. De plus, l’étude de Lee & Stebbins (2003a) de la RMN du 23 Na indique que la distance Na-NBO est plus courte que la distance Na-BO. Elle est en accord avec les autres données de volume molaire (Riebling, 1966), de XANES au seuil K du Na (Neuville et al. , 2004c) ou de RMN du 23 Na (George & Stebbins, 1996), qui montrent toutes un changement de coordinence du Na de 5-6 lorsqu’il est modificateur (Na-NBO) à 7-8 lorsqu’il est compensateur de charge de l’Al (Na-BO). Parallèlement à ceci, on observe la formation de liaisons Si-O-Al d’après la RMN de l’17 O (Lee & Stebbins, 2009). L’ajout d’aluminium dans un silicate de sodium provoque donc un changement de rôle du Na associé à une polymérisation du réseau, ceci conduisant à une augmentation des viscosités (Figs. 2.17 et 2.18). Cette idée semble pouvoir être aussi transposé aux aluminosilicates de lithium, puisqu’une même augmentation des viscosités est observée en fonction du rapport Al/Li à teneur en silice constante (Fig. 2.17). Bien que Shelby (1978) avait attribué ces variations à l’apparition d’aluminium en tant que modificateur de réseau dans le domaine peralcalin, les observations des T g sur les aluminosilicates de Li sont similaires à celles effectuées sur les aluminosilicates de Na. L’étude de la structure des aluminosilicates d’alcalin à l’aide de la spectroscopie Raman effectuée par Mysen (1990) montre que plus la teneur en Al2 O3 des silicates d’alcalin est élevée, plus la polymérisation du réseau augmente. D’après son étude, l’Al est un formateur de réseau dans les aluminosilicates de lithium contenant plus de 50 mol% SiO2 . Les données structurales (Mysen, 1990) et rhéologiques (Shelby, 1978) montrent un changement de rôle du lithium en fonction du rapport Al/(Al + Li). Il est modificateur dans les silicates et compensateur de charge de l’aluminium dans les tectosilicates lorsque Al/(Al + Li) = 0.5. 56 2.5 État de l’art sur les aluminosilicates d’alcalins vitreux et fondus Dans le domaine peralcalin des aluminosilicates de sodium, l’aluminium est principalement présent en coordinence 4, sous forme de tétraèdre AlO4 (Al[4] , Day & Rindone, 1962c; Riebling, 1966; Taylor & Rindone, 1970; McKeown et al. , 1984). Day et Rindone (1962c) ont proposé que sur le joint tectosilicate, tous les atomes d’aluminium sont en coordinence 4, alors qu’au-delà dans le domaine peralumineux une partie de l’aluminium irait dans un site présentant une plus grande coordinence, probablement 6 (octaèdre AlO6 ). Cette idée a été en partie confirmée par Riebling (1966) et Taylor et Rindone (1970), la formation d’Al en coordinence 5 ou 6 dans le domaine peralumineux étant en accord avec leurs observations. Lacy (1963) a proposé un autre modèle pour rendre compte des changements observés dans le domaine peralumineux. Il proposa que, lorsque Al/(Al + N a) > 0.5, tous les ions Al3+ sont en coordinence 4 et des oxygènes triclusters se forment. Ceux-ci sont des entités composés de deux tétraèdres SiO4 et un AlO4 reliés par un oxygène commun (Fig. 2.19). Figure 2.19: Schéma représentant un oxygène tricluster : deux tétraèdres SiO4 et un tétraèdre AlO4 reliés par un oxygène tri-coordonné. Toplis et al. (1997a). Plus récemment, Toplis et al. (1997a) ont étudié la viscosité d’aluminosilicate de sodium de part et d’autre du joint tectosilicate, confirmant le léger décalage du maximum de viscosité à haute température que l’on peut observer sur les données de Riebling (1966)(Fig. 2.18). En effet, il semble qu’à haute température, le maximum de viscosité ne soit pas observé exactement sur le joint tectosilicate où Al/(Al + N a) = 0.5, mais légèrement décalé dans le domaine peralumineux. Toplis et al. (1997a) ont proposé que ce léger décalage serait dû à la présence d’oxygènes triclusters dans les tectosilicates fondus. Ces structures favoriseraient l’échange d’atomes oxygène entre les tétraèdres et ainsi le processus d’échange de liaisons Si-O-Si et Si-O-Al lors du mouvement visqueux du liquide. D’après Toplis et al. (1997a), la potentielle présence de triclusters serait en accord avec l’observation en faible proportion de NBO (∼5 mol%) dans les tectosilicates de calcium observée à l’aide de la RMN de l’17 O par Stebbins et Xu (1997). Toutefois cette hypothèse des triclusters est difficile à vérifier expérimentalement. L’existence d’atomes d’oxygène triclusters n’a pas pu être mise en évidence sauf pour les aluminates de calcium grâce à la RMN (Iuga et al. , 2005). Une autre espèce pourrait aussi jouer un rôle d’espèce intermédiaire permettant le mouvement visqueux des compositions polymérisées : l’aluminium en coordinence 5 (Al[5] ). 57 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études Celui-ci a été mit en évidence expérimentalement dans le cas des aluminosilicates de calcium, de Lanthane ou encore d’Yttrium (Neuville et al. , 2004a,b, 2006, 2007; Florian et al. , 2007; Neuville et al. , 2008a, 2010). D’après Neuville et al. (2007), la présence d’Al[5] expliquerait les observations de viscosité sans avoir le besoin d’impliquer l’existence de triclusters, ces Al[5] jouant un rôle d’espèces transitoires permettant l’échange dynamique d’oxygènes et de liaisons Si-O-Al et favorisant ainsi le mouvement visqueux de réseaux très fortement polymérisés, comme ceux des compositions le long du joint tectosilicate SiO2 -NaAlO2 par exemple. Ces compositions sont constituées presque exclusivement d’espèces Q4 interconnectées (Riebling, 1966; Taylor & Brown, 1979b; Mysen et al. , 1980b, 1982; Seifert et al. , 1982; McMillan et al. , 1982; Neuville & Mysen, 1996; Lee & Stebbins, 2000, 2009), dans lesquelles se mélangent les atomes de Si et Al (Taylor & Brown, 1979b; Seifert et al. , 1982; Roy & Navrotsky, 1984; Neuville & Mysen, 1996). La spectroscopie Raman suggère l’existence de deux environnements d’espèces Q4 où s’effectuerait le mélange Si/Al (Seifert et al. , 1982; Mysen et al. , 1982). Ces deux environnements diffèreraient par leur angle moyen T-O-T, l’un étant plus petit d’environ 5° par rapport à l’autre (Seifert et al. , 1982; Neuville & Mysen, 1996). L’aluminium irait préférentiellement dans le site à petit angle, ceci pointant vers une distribution relativement ordonnée de Si et Al (Neuville & Mysen, 1996). Ce mélange Si-Al ordonné suggéré par la spectroscopie Raman est confirmé par les données de RMN du 29 Si de Lee et Stebbins (1999). Celles-ci montrent que la fraction de liaisons Al-O-Al le long du joint SiO2 -NaAlO2 est très faible, impliquant une organisation élevée de la distribution du Si et de l’Al dans le réseau. Les variations des entropies de configuration à T g entre les verres NaAlSiO4 et SiO2 montrent une courbe en cloche (Fig. 2.20) suggérant qu’un mélange particulier a lieu entre les deux pôles extrèmes. Toplis et al. (1997b) ont observé à partir de mesures de viscosité à hautes et basses températures de compositions entre SiO2 et NaAlSiO4 que les viscosités varient de façon non linéaires proche de T g et linéairement à haute température (voir aussi les données de Riebling [1966]). Leurs données, associées aux mesures de Cpl de Richet et Bottinga (1984), leurs ont permis de calculer des entropies de configuration montrant un comportement comparable à celles présentées sur la figure 2.20. D’après Toplis et al. (1997b), ces variations proviennent de contributions chimiques provenant du mélanges de différentes espèces tétraédriques, et topologiques provenant de l’arrangement du réseau d’oxygène. Le mélange topologique d’oxygènes liés différemment à Si et Al ou à deux atomes de Si (id est dans des liaisons Si-O-Al ou Si-O-Si) semble aussi suggéré d’après le modèle de Lee et Stebbins (1999). D’après ces auteurs, les variations d’entropies observées peuvent en effet être reproduites à l’aide d’un mélange idéal des liaisons Si-O-Si et Si-O-Al. Les données Raman de Neuville et Mysen (1996), acquises entre SiO2 et NaAlSiO4 , montrent que la courbe des proportions des deux sites Q4 en fonction de la proportion de SiO2 est similaire (courbe en cloche) à celle formée par les variations d’entropie de configuration à T g. D’après Neuville et Mysen (1996), ceci indique une influence de la répartion de différentes espèces Q4 sur l’entropie de configuration à T g des tectosilicates de sodium, comme suggéré par l’étude postérieure de Toplis et al. (1997b). Les entropies de configuration à T g de SiO2 et NaAlSiO4 sont de plus très proches (Fig. 2.20). Ces observations indiquent que, malgré la présence d’une faible proportion (<0.1%) de liaisons Al-O-Al dans le verre de NaAlSiO4 détectée à l’aide de la RMN de l’17 O (Lee & Stebbins, 2000, 2009), l’ordre 58 2.5 État de l’art sur les aluminosilicates d’alcalins vitreux et fondus Figure 2.20: S conf (T g) le long du joint SiO2 -NaAlO2 (rapport XAl/(Al+N a) = 0.5). Données de Richet (1984); Richet et al. (1990). entre Si et Al est très fort et les liaisons Al-O-Al sont fortement évitées. Les tectosilicates de sodium « respectent » ainsi la règle de Loewenstein (1954), stipulant que comme les liaisons Al-O-Al sont énergétiquement défavorables, elles sont évitées dans les réseaux aluminosilicatés. D’après les données et interprétations présentées dans les paragraphes précédents, l’entropie de configuration à T g des tectosilicates fondus semble controlée par le mélange d’oxygènes entre les liaisons Si-O-Si et Si-O-Al, et par le mélange d’espèces tétraédriques Q4 SiO4 et AlO4 . La dépendance de la capacité calorifique du liquide des tectosilicates fondus semble cependant indiquer que l’ordre Si-Al diminue avec la température (Richet et al. , 1990). La distribution des ions Al3+ dans le réseau de Q4 semble donc être dépendante de la température. On notera de plus que l’étude de Lee et Stebbins (2009) de compositions silicatées et aluminosilicatées sodiques, effectuée à l’aide de la RMN de l’17 O, montre que la fraction de liaisons Al-O-Al est très faible dans le domaine peralcalins, où l’ordre Si-Al semble particulièrement élevé. ii) Les aluminosilicates de potassium Les aluminosilicates de potassium ont été peu étudiés comparativement aux compositions sodiques. Ceci provient de leurs liquidii élevés, particulièrement pour les tectosilicates, rendant difficile leur synthèse. L’Orthose KAlSi3 O8 , l’équivalent potassique de l’Albite, a une fusion incongruente à 1150°C donnant de la Leucite, KAlSi2 O6 et du liquide de composition 57.8% Leucite et 42.2% Silice (Schairer & Bowen, 1955). Le liquidus de la Leucite est de 1686 ± 5 °C, ce qui est une limite haute des fours expérimentaux travaillant sous air (généralement 1700°C). Celui de la Kalsilite, KAlSiO4 , est de plus de 1740°C (Schairer & Bowen, 1955; Yazhenskikh et al. , 2011). Les données existantes sont par exemple des mesures de Cp (Richet, 1982; Richet & Bottinga, 1984), de viscosité (Kani, 1935; Urbain et al. , 1982; Romano et al. , 2001), de Raman (McMillan et al. , 1982; Mysen, 1990), d’analyse de la distribution radiale des rayons X (Taylor & Brown, 1979a) et de coefficients d’activité (Rammensee & Fraser, 1982, 1987). Elles concernent principalement les compositions proche de l’Orthose, qui sont synthétisables relativement facilement. Ces données vont 59 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études Figure 2.21: Viscosité (log Pa.s) en fonction de l’inverse de la température. Ab : albite fondue NaAlSi3 O8 ; Or : orthose fondue KAlSi3 O8 . Les courbes pour l’albite et l’orthose fondu ont été calculées avec l’équation d’Adam et Gibbs à partir des paramètres fournis dans Richet (1984). nous permettre d’avoir une première vision des propriétés et de la structure des aluminosilicates de potassium. À haute température, les viscosités de l’orthose et de l’albite fondus sont proches et tendent vers les mêmes valeurs (Urbain et al. , 1982). À basse température, elles divergent (Fig. 2.21). Les données de Romano et al. (2001) donnent des valeurs de 1175 et 1050 K pour les T g respectives de KAlSi3 O8 et NaAlSi3 O8 . Ces valeurs sont sous estimées de ∼25K par rapport aux valeurs de T g de viscosité données par Richet (1984), ou encore pour le NaAlSi3 O8 aux mesures de Taylor & Rindone (1970) (Fig. 2.21). Les mesures de Romano et al. (2001) sont donc affectées d’une erreur systématique à considérer lors de la comparaison de différents jeux de données. Romano et al. (2001) ont interprété les variations de viscosité des aluminosilicates de composition XAlSi3 O8 (avec X = Ca0.5 , Mg0.5 , Li, Na, K) comme étant dues à un effet combiné du champ de force du cation X et de la distribution (Si,Al) dans le réseau aluminosilicaté. Les effets chimiques étant particulièrement forts proche de T g, ceci expliquerait les entropies de configuration différentes des verres d’albite et d’orthose, respectivement égale à 9.1 ±2 et 7.1 ±2 J.mol−1 .K−1 . Les phénomènes de couplages Na-Al et K-Al différents, suggérés par les données de viscosité, peuvent induire une structure légèrement différente des aluminosilicates de sodium et potassium. Taylor & Brown (1979a) ont interprété les données de fonction de distribution radiale de rayons X, G(r), des verres KAlSi3 O8 et NaAlSi3 O8 sur la base d’une structure présentant un arrangement tétraédrique comme la tridymite. D’après leur analyse, il semble que les verres de tectosilicate de sodium et potassium soient constitués d’un arrangement de tétraèdres interconnectés formant des anneaux contenant majoritairement 6 tétraèdres (Taylor & Brown, 1979a). Cette structure est en accord avec les données 60 2.5 État de l’art sur les aluminosilicates d’alcalins vitreux et fondus Raman (McMillan et al. , 1982; Seifert et al. , 1982; Sharma et al. , 1985) et calorimétrique (Navrotsky et al. , 1982). Cependant l’analyse de Taylor & Brown (1979a) ne montre pas de différences majeures entre les verres d’albite et d’orthose. En revanche, d’après Rammensee & Fraser (1982), l’étude des coefficients d’activité effectuée par spectrométrie de masse Knudsen semble montrer que l’orthose fondue soit composée de deux sous-réseaux : un ressemblant à celui de la silice et l’autre de la leucite. Ceci pourrait notamment expliquer la fusion incongruente de l’Orthose cristalline (voir aussi discussion de Mysen, 1988). En utilisant la spectrométrie Raman, McMillan et al. (1982) ont aussi observé des différences entre les aluminosilicates de sodium et potassium qu’ils attribuent à un couplage M-Al (avec M=Na,K) différent. iii) Le modèle de Greaves : une piste pour la structure des aluminosilicates de potassium ? Les idées développées dans le paragraphe précédent suggèrent que la distribution des cations K+ , Al3+ et Si4+ n’est pas aléatoire, et que le réseau se structure pour accomoder la présence du K+ . Cette hypothèse pointe vers les résultats de Greaves et al. (1981), qui ont montré à l’aide de l’EXAFS du Na et du Si que l’ordre à courte distance du Na+ dans les verres silicatés était relativement bien établis, ceci impliquant une répartition non aléatoire des différents cations. Les études postérieures, spectroscopiques (EXAFS, RMN, diffraction des neutrons...) ou rhéologiques (viscosité et calorimétrie) ont montré que les distances cation-oxygène et la coordinence des cations sont bien définies (George & Stebbins, 1996, 1998; Cormier & Neuville, 2004; Cormier et al. , 2003; Neuville et al. , 2004c,a,b, 2006, 2007, 2008a; Neuville, 2006). D’autres travaux tendent de plus à pointer l’existence d’ordres à moyenne distance autour des cations modificateurs, impliquant une structuration du réseau silicaté ou aluminosilicaté des verres à moyenne distance (Greaves, 1985; Gaskell & Wallis, 1996; Meyer et al. , 2004; Kargl & Meyer, 2008; Frischat et al. , 2004; Greaves & Sen, 2007). D’après ces études, les cations ne sont pas distribués de façon aléatoire dans le réseau. Ceci implique une modification du modèle existant, afin de rendre compte des expériences menées. Greaves (1985), à l’aide de ses observations EXAFS effectuées sur différents verres silicatés contenant Na, Ca ou Mg mais aussi sur un verre de phosphate, a proposé ainsi le modèle du réseau aléatoire modifié (MRN, Modified Random Network). Ce modèle considère une structuration du verre en domaines enrichis en cations modificateurs et enrichis en formateurs (Fig. 2.22). On distingue ainsi des chenaux de percolation contenant les cations modificateurs. L’existence de telles structurations des atomes a notamment été observée récemment par microscopie à force atomique dans des silicates de sodium (AFM, Frischat et al. , 2004). Les études de dynamique moléculaire ab initio sur des silicates de sodium et de potassium mettent elles aussi en évidence l’existence de telles structures à l’état liquide (Fig. 2.22, Meyer et al. , 2004; Kargl & Meyer, 2008). L’existence de chenaux de percolation permettrait notamment d’expliquer la diffusion rapide et découplée du réseau des éléments modificateurs dans les verres et liquides à des températures proches de la Tg (Greaves & Sen, 2007). De plus, elle est en accord avec l’observation de zones de démixtion le long des joints binaires MO-SiO2 (avec M = Mg, Ca, Na), démixtion pouvant s’expliquer par l’immiscibilité entre les couples M-Q3 et les espèces Q4 . Le modèle MRN peut donc, s’il s’applique aux aluminosilicates, expliquer les observations effectuées sur les aluminosilicates de potassium. Il implique une répartition non aléatoire des différents cations 61 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études M O G (a) (b) Figure 2.22: (a) Réseau aléatoire modifiée d’un verre à « 2-dimensions ». Les liaisons covalentes sont en traits pleins et les liaisons ioniques en pointillés. M est un cation modificateur de réseau et G un formateur, dans un verre de formule M2 O3 (G2 O3 )2 . Greaves (1985). (b) Instantané provenant d’une modélisation ab initio effectuée par Meyer et al. (2004) d’un silicate de sodium liquide à 2000K. Bleue : Na+ ; Jaune : Si4+ ; Rouge : O2− . formateurs et modificateurs de réseau. Greaves et Ngai (1995) ont proposé une version « modifiée » du modèle MRN pour les tectosilicates vitreux : le modèle CCRN (Compensated Continuous Random Network), ou modèle aléatoire continu compensé, prédit que les cations compensateurs de charge sont aussi présents dans des chenaux. Cette répartition organisée des différents cations pourrait expliquer les résultats de Rammensee & Fraser (1982) suggérant l’existance de deux sous-réseaux dans le verre d’orthose KAlSi3 O8 . D’après Rammensee & Fraser (1982) et Mysen (1988), ces deux sous-réseaux pourraient être comparables chimiquement à de la leucite et de la silice. Leurs existences semblent en accord avec les observations de Shintani et Tanaka (2006), qui suggèrent que des structures montrant un ordre quasi-cristallin existent dans le liquide surfondu proche de T g et influencent fortement la dynamique et la thermodynamique du système. iv) Le mélange Na-K dans les aluminosilicates Le mélange entre Na et K dans les silicates fondus produit une diminution de leurs viscosités à des températures proches de leurs T g d’après les données de Poole (1949). En règle générale, le mélange d’éléments alcalins dans des silicates fondus et vitreux produit des déviations importantes de la linéarité de leurs propriétés (voir les revues d’Isard [1969] et Day [1976] pour plus de détails). Cet effet est appelé l’effet alcalin mixte. Il affecte entre autre la conductivité électrique et les coefficients de diffusion des éléments alcalins dans les verres silicatés. Le mélange de Na et K dans un silicate vitreux produit un maximum de résistivité lorsque le ratio Na/(K+Na) est égale à 0.5 (Isard, 1969). Plus généralement, en notant M et M’ deux éléments alcalins, lorsqu’ils sont mélangés et que M/(M+M’) = 0.5 on observe dans les verres et liquides un extremum (maximum ou minimum) de leurs propriétés (Poole, 1949; Isard, 1969; Day, 1976; Richet, 1984). L’effet alcalin mixte observé sur la viscosité des silicates de Na et K fondus par Poole (1949) a 62 2.5 État de l’art sur les aluminosilicates d’alcalins vitreux et fondus été modélisé par Richet (1984) : le minimum de viscosité lorsque K/(K+Na) = 0.5 correspond à un maximum d’entropie de configuration. L’entropie de configuration à Tg des silicates de Na et K peut être modélisée comme étant égale à la somme des pôles purs et d’un mélange thermodynamique idéal : S conf (T g) = X xi Siconf (T g) − nR(xi lnxi ), (2.44) avec xi la fraction molaire de K2 O et Na2 O, Siconf (T g) l’entropie de configuration des pôles purs, n le nombre d’atomes échangés (1 dans le cas des silicates de sodium et potassium) et R la constante des gaz parfaits. En injectant ce calcul dans l’équation 2.35, Richet (1984) a montré que l’on peut recalculer les viscosités des silicates fondus de Na et K (Fig. 2.23). Cette modélisation implique un mélange aléatoire de paires de cations Na-K dans les silicates alcalins fondus (Richet, 1984). Elle a été appliquée aux silicates et aluminosilicates de Ca et Mg avec succès, montrant ainsi que d’un point de vue thermodynamique et rhéologique, le Ca et Mg se distribuent de façon aléatoire dans ces compositions (Neuville & Richet, 1991; Neuville, 1992). Elle ne permet cependant pas de reproduire les données de viscosité et d’entropies de configuration entre les silicates de Na et Sr, et Na et Ca (Neuville, 2005, 2006). Les données de la RMN de l’17 O de Lee et al. (2003) et Lee & Stebbins (2003b) montrent de plus que la répartition entre Na et Ca dans les silicates semble s’effectuer de manière non aléatoire. Sur la base de ces résultats, la répartition des différents cations métalliques mélangés dans des silicates vitreux semble plus complexe qu’un simple mélange aléatoire. Dans ce sens, les données de diffusion de neutrons acquises par Kargl & Meyer (Kargl & Meyer, 2008) sur des silicates de Na et K récentes suggèrent que les cations Na+ et K+ ne se distribuent pas totalement aléatoirement dans le réseau silicaté. Dans les aluminosilicates de Na et K, le manque de données rhéologiques et structurales ne permet par de tirer de telles conclusions. Les données de Kani (1935) montrent une augmentation non linéaire entre NaAlSi3 O8 et KAlSi3 O8 des viscosités (Fig. 2.23b). Cette augmentation non linéaire des viscosités, ainsi que l’absence d’un minimum comme observé dans le cas des silicates (Fig. 2.23), tend à montrer une non idéalité du mélange K/Na dans les aluminosilicates. Les données de Kani (1935) sont cependant à considérer avec précaution : elles sont en très bon accord pour le NaAlSi3 O8 avec les données de Riebling (1966), Urbain et al. (1982) ou encore Toplis et al. (1997b) mais en total désaccord avec les mesures de Urbain et al. (1982) sur le KAlSi3 O8 , or celles-ci sont réputées pour leurs précisions et validités (Fig. 2.24). On notera que d’après les données de la figure 2.24, nous préfererons utiliser les données provenant de Urbain et al. (1982), Riebling (1966) et Toplis et al. (1997b; 1997a) pour estimer la viscosité à haute température des aluminosilicates fondus. L’idée d’un mélange non aléatoire de K et Na dans les aluminosilicates est aussi en accord avec les données de Rammensee et Fraser (1982) et avec le modèle de Greaves. En effet, une chenalisation différente du Na et du K pourrait mener à un mélange particulier de ces cations dans les aluminosilicates d’alcalins, où les couplages Na-Al et K-Al différents vont contrôler la répartition des éléments alcalins mélangés et ainsi jouer un rôle important sur la structure et les propriétés rhéologiques des aluminosilicates fondus (Romano et al. , 2001). 63 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études (a) (b) Figure 2.23: a) Viscosité en log Poises (10 Poises = 1 Pa.s) en fonction de la proportion de K2 Si3 O7 et Na2 Si3 O7 à différentes températures. Les points sont les mesures expérimentales de Bockris et al. (1955) à hautes températures, et de Poole (1949) à basses températures, les droites une interpolation linéaire entre les pôles purs et les courbes en pointillés sont les viscosités recalculées à l’aide d’un modèle idéal. Richet (1984). b) Viscosité (log Pa.s) en fonction de la proportion pondérale Ab/Or (NaAlSi3 O8 /KAlSi3 O8 ). Les différentes courbes représentent différentes températures. Les points sont des mesures, et les lignes des interpolations. D’après Kani (1935). 64 2.5 État de l’art sur les aluminosilicates d’alcalins vitreux et fondus Toplis et al., 1997 Urbain et al., 1982 Riebling, 1966 Kani, 1935 KAlSi3O8 NaAlSi3O8 (a) (b) Figure 2.24: Viscosité (log Pa.s) en fonction de la température (K−1 ) de a) l’albite fondue NaAlSi3 O8 et b) l’orthose fondue KAlSi3 O8 . Mesures de Kani (1935); Riebling (1966); Urbain et al. (1982); Stein & Spera (1992); Toplis et al. (1997b). Les erreurs sont inférieures à la taille des symboles. v) À propos des capacités calorifiques des aluminosilicates de sodium et potassium Nous avons jusqu’ici décrit principalement les variations des propriétés rhéologiques et structurales des aluminosilicates d’alcalins. Pour ajuster leur viscosité à l’aide de l’équation d’AG, et ainsi avoir une information sur leur entropie de configuration, nous aurons besoin par la suite de connaître les variations de Cpg et de Cpl en fonction de la composition chimique et de la température des verres et liquides. Ceci ne pose pas de problème concernant Cpg , qui varie de façon linéaire avec la composition chimique (Richet, 1987). La capacité calorifique des liquides varie cependant de façon plus complexe (Richet & Bottinga, 1985, 1986). Tout d’abord, la Cpl des silicates de sodium et de lithium varie de façon linéaire en fonction de la proportion de SiO2 , Na2 O et de Li2 O, et est indépendant de la température (Richet et al. , 1984; Richet & Bottinga, 1985). Ceci est aussi valide pour les aluminosilicates de sodium dans le domaine peralcalin (Richet, 1982; Tangemann & Lange, 1998). Tangemann & Lange (1998) ont ainsi proposé des Cpl partielles molaires pour le SiO2 , le Na2 O et l’Al2 O3 de respectivement 76.38 ±0.20, 112.35 ±0.42 et 153.16 ±0.42 J.mol−1 .K−1 . Ils permettent de recalculer la Cpl d’un silicate ou d’un aluminosilicate d’alcalin pour un rapport Al/(Al+N a) < 0.5 avec une erreur inférieur à 2%. Ce modèle permet de bien reproduire les données de 50 à plus de 75 mol% SiO2 de Richet(1982), Richet et al. (1984) et Tangemann & Lange (1998) . La capacité calorifique des aluminosilicates de sodium de compositions tectosilicates ou peralumineuses (Al/(Al + N a) ≥ 0.5) varie de façon plus complexe. Elle est dépendante de la température (Fig. 2.25 ; Richet, 1982; Richet & Bottinga, 1984). Cette dépendance semble provenir de l’aluminium, les données pouvant être modélisées en utilisant une Cpil partielle molaire pour Al2 O3 qui dépend de la température (Richet & Bottinga, 1985). 65 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études Figure 2.25: Cp (J/g atom.K) en fonction de la température (K) des compositions Ab : albite vitreuse et fondue (NaAlSi3 O8 ), Or : orthose vitreuse et fondue (KAlSi3 O8 ), Jad : jadéite vitreuse et fondue (NaAlSi2 O6 ), Ne : néphéline vitreuse et fondue (NaAlSiO4 ) et SiO2 : silice vitreuse et fondue. Données de Richet & Bottinga (1984) et Richet et al. (1990). Proche de T g, les Cpl varient presque linéairement de SiO2 à NaAlSiO4 (Fig. 2.20). À plus haute température, la Cpl varie en fonction de la température, de manière globalement proportionnelle à la quantité d’aluminium. Cette dépendance à la température en fonction de la proportion d’alumine est cependant non linéaire. En effet, on observe sur la figure 2.26 que la Cpl du liquide de néphéline (NaAlSiO4 , 50 mol% SiO2 ) fondue a une dépendance plus forte que celle de l’albite fondue (NaAlSi3 O8 , 75 mol% SiO2 ). Ceci serait facilement explicable de par sa plus forte concentration en alumine si les données de la jadéite fondue (NaAlSi2 O6 , 67 mol% SiO2 ) montraient un comportement intermédiaire, ce qui n’est pas le cas (Fig. 2.26). En effet, la Cpl de la jadéite fondue dépend plus faiblement de la température que les Cpl des deux autres compositions. De plus, dans le domaine peralumineux, on observe que le NA75.15 (75 mol% SiO2 , 15 mol%Al2 O3 , 10 mol% Na2 O) dépend plus fortement de la température que la néphéline fondue, alors qu’il contient beaucoup moins d’aluminium. La capacité calorifique des aluminosilicates de sodium fondus varie donc de façon complexe pour les compositions tectosilicates et peralcalines (Al/(Al + N a) ≥ 0.5). Peu de données existent sur les aluminosilicates de potassium. Les données disponibles sur les silicates de potassium montrent que leur Cpl dépendent de la température, et de plus ne varient pas linéairement en fonction de la teneur en silice (Richet & Bottinga, 1985). D’après Richet & Bottinga (1985), ceci pourrait provenir d’une dépendance de la Cpl partielle molaire de K2 O à la température et d’une interaction non idéale entre SiO2 et K2 O (voir aussi Richet & Bottinga, 1986). Concernant les aluminosilicates de potassium fondus, la Cpl de l’orthose fondue KAlSi3 O8 (Figs. 2.25 et 2.26), qui est dépendante de la température, tend à montrer que l’aluminium aurait aussi une Cpil dépendante de la température. De plus, il n’est pas exclu que des phénomènes de mélanges non idéaux entre SiO2 et K2 O affectent les Cpl des aluminosilicates de potassium fondus. 66 2.5 État de l’art sur les aluminosilicates d’alcalins vitreux et fondus NA75.15 Ne Ab Jad Or Figure 2.26: Rapport de la Cpl à T sur la Cpl à T g en fonction de T /T g. En bleu, Jad : NaAlSi2 O6 , 67 mol% SiO2 ; En rouge, Ab : NaAlSi3 O8 , 75 mol% SiO2 ; En noir, Ne : NaAlSiO4 , 50 mol% SiO2 ; En pointillés verts, NA75.15 : 75 mol% SiO2 , 15 mol% Al2 O3 , 10 mol% Na2 O ; En pointillés orange, Or : KAlSi3 O8 , 75 mol% SiO2 . Données de Richet & Bottinga (1984) et Richet et al. (1990). Toplis et al. (2001a) ont étudié les variations des Cpl et Cpg induitent par l’ajout d’éléments alcalins (Li, Na, K, Rb, Cs) et d’éléments alcalinoterreux (Mg, Ca, Sr, Ba) dans un haplogranite de composition initiale 78 pds% SiO2 , 12.5 pds% Al2 O3 , 4.6 pds% Na2 O et 4.2 pds% K2 O. Leurs données confirment les variations linéaires des Cpg des aluminosilicates d’alcalins en fonction de la composition chimique, P qui peuvent donc être calculées avec un modèle additif de la forme Cpg = xi Cpig . Le modèle de Richet (1987) est adéquat d’après eux pour calculer les Cpg des aluminosilicates d’alcalins. Ils ont de plus déterminé la Cpig de l’oxyde Li2 O comme étant égale à 63.5 + 0.00415/T − 1.97 × 106 /T 2 (J/K gfw). Pour les liquides, ils ont remarqué une augmentation non linéaire de la Cpconf [= Cpl (T ) − Cpg (T g)] en fonction de la proportion d’oxydes ajoutés dans l’haplogranite. Ces données suggèrent des variations non linéaires des Cpconf en fonction de la composition chimique des aluminosilicates d’alcalins contenant quatre ou cinq oxydes. Aucun modèle global n’existe donc à ce jour concernant le calcul des Cpl des aluminosilicates de sodium et potassium. D’autres mesures de Cpl semblent donc nécessaires concernant ces compositions. Les mesures de capacité calorifique récentes sont effectuées à l’aide de DSC et couvrent un très faible intervalle de température après la T g. Elles présentent une précision inférieure (∼1%) aux mesures effectuées par calorimétrie de chutes (∼0.2‰, Richet, 1982; Richet et al. , 1984; Richet & Bottinga, 1985; Richet, 1987; Richet et al. , 1990). Les mesures obtenues par DSC disponibles dans la littérature permettent donc de déterminer la Cpconf (T g) mais ne permettent pas de déterminer l’éventuelle dépendance de Cpl , et donc de Cpconf , à la température (voir par exemple les données et commentaires de Toplis, 2001a; Webb, 2008). D’après Toplis et al. (2001a), il faudrait en réalité chercher à modéliser les variations de Cpconf en fonction de la composition chimique. Cela permettrait notamment d’utiliser les mesures de DSC, car l’erreur de détermination de Cpconf est moindre (±0.3%) que celle de Cpl 67 2 Du verre au magma, état de l’art et méthodes d’études avec cette technique 9 . De plus, Toplis et al. (2001a) ont souligné le fait qu’il semble vain d’essayer d’attribuer des Cpil partielles molaires à différents oxydes. En effet, pour des liquides de compositions différentes et donc présentant des T g différents, les capacités partielles molaires des différents oxydes, Cpig (T g), vont être différentes lors de la transition vitreuse. Or, en considérant ceci, il apparaît que à une température donnée, un oxyde peut présenter soit une capacité calorifique partielle molaire liquide indépendante de la composition chimique, ou alors une capacité calorifique de configuration partielle molaire constante, mais pas les deux à la fois. Il semble donc que, plutôt qu’essayer d’établir un modèle des Cpl , il soit plus approprié d’essayer de modéliser les variations de Cpconf , qui est un paramètre fondamental dans le calcul de l’équation AG. 2.6 Conclusion de l’étude bibliographique L’étude bibliographique que nous venons d’effectuer a souligné plusieurs points importants. La structure, les propriétés rhéologiques et thermodynamiques des silicates et aluminosilicates fondus sont très dépendantes de leur composition chimique. De cet état de l’art, nous pouvons retenir les points fondamentaux suivant : – La proportion M/Al (avec M un élément alcalin comme Li, Na ou K) va déterminer la proportion d’alcalins en tant que modificateurs de réseau et de compensateurs de charges. Les données sur les aluminosilicates de Na et de Li indiquent que ces éléments jouent le double rôle de compensateur et de modificateur dans le domaine peralcalin, ou M/Al>1. Aucune donnée n’est encore disponible pour confirmer ce comportement dans les aluminosilicates de K, mais il semble à priori correct de lui attribuer aussi un double rôle de modificateur de réseau et de compensateur de charge. Les variations de la proportion M/Al induisent des changements des propriétés rhéologiques des aluminosilicates d’alcalins, ainsi que de leurs propriétés thermodynamiques. – Bien que peu de données existent, il semble que les aluminosilicates de potassium présentent une structure globalement équivalente aux compositions sodiques. Les tectosilicates d’alcalins seraient composés d’un arrangement tétraédrique tridimensionnel en anneaux. Il semble cependant exister des petites différences entre les compositions sodiques et potassiques. Celles-ci pourraient s’expliquer par des regroupements des atomes en deux sous-réseaux dans les compositions riches en potassium, l’un riche en K et Al et l’autre en Si. Ceci expliquerait la fusion incongruente de l’Orthose cristalline (Mysen, 1988), et impliquerait une structure des verres potassiques concordante avec le modèle de réseau aléatoire modifié de Greaves (Greaves et al. , 1981; Greaves, 1985). – Le mélange entre le Na et le K entre NaAlSi3 O8 et KAlSi3 O8 semble dévier de l’idéalité d’après les données de viscosité de Kani (1935) et de coefficients d’activité de Rammensee & Fraser (1982). Le manque de données ne permet cependant pas de bien connaître le comportement de Na et K lors du mélange, et ce particulièrement proche de la T g. Les propriétés rhéologiques des deux aluminosilicates fondus sodiques et potassiques semblent toutefois très différentes, et une substitution du sodium par le potassium induit une augmentation forte et non-linéaire de la viscosité d’après les données de Kani (1935). Si de tels variations sont confirmées, elles doivent être prises 9. Ceci s’explique par le fait que le calcul de la Cpconf à partir des Cpg et Cpl déterminées par DSC n’est pas affecté par l’erreur systématique de mesure, contrairement aux Cpl . 68 2.6 Conclusion de l’étude bibliographique en compte pour la modélisation des viscosités des magmas alcalins. Le manque de données rhéologiques, thermodynamiques et structurales sur les aluminosilicates de potassium, et de lithium, est cependant actuellement un obstacle à une meilleure compréhension des propriétés rhéologiques et thermodynamiques des aluminosilicates d’alcalins. Or, ces éléments sont très importants pour les compositions magmatiques évoluées, comme les phonolites par exemple où leur proportion peut atteindre une quinzaine de pourcents, ou encore dans les granites et les rhyolites où ils sont les principaux éléments modificateurs de réseau / compensateurs de charge. Nous avons de plus vu que la présence d’eau dans les magmas affecte fortement leur mobilité de plusieurs manières : – dissoute, elle favorise la dépolymérisation du réseau d’un aluminosilicate fondu en cassant les liaison Si-O-Si, et diminue ainsi fortement la viscosité. – son exsolution induit une forte augmentation de la viscosité, et cause de plus la formation de bulles qui affectent elles-aussi les propriétés rhéologiques et mécaniques des magmas. Il est donc fondamental de connaître à la fois la teneur en eau des magmas, de par l’analyse des inclusions vitreuses remontées à la surface dans les cristaux par exemple, mais aussi sa spéciation pour bien prendre en compte son rôle sur la mobilité des magmas. Or, à l’heure actuelle nous n’avons que peu d’informations quant aux relations entre l’eau et le réseau ionique d’un aluminosilicate fondu. Des variations des coefficients de diffusivité des éléments halogènes F et Cl en fonction du rapport K/Na ont déjà été mis en évidence par Balcone-Boissard et al. (2009) par exemple. On peut donc se poser la question de l’effet des éléments alcalins sur la solubilité et la spéciation de l’eau. Le rôle de l’eau est aussi important sur le dégazage des autres éléments volatils. En effet, sa présence dans le réseau d’un aluminosilicate fondu favorise la diffusion de certains autres éléments volatils, comme le F, le Cl, le CO2 , mais ralentit par exemple la diffusion du souffre (Baker et al. , 2005; Baker & Balcone-Boissard, 2009). La présence de l’eau dans les magmas a donc un effet sur le dégazage des autres éléments volatils, qui sont notamment utilisés comme traceurs des évolutions P/T/X dans les inclusions vitreuses (souffre, CO2 ... voir Putirka & Tepley III, 2008) et du style de dégazage lors des éruptions volcaniques (voir Villemant & Boudon, 1998; Balcone-Boissard et al. , 2008). À la vue de ces éléments, cette thèse a été focalisée sur trois grandes problématiques : -i) les propriétés rhéologiques et structurales des aluminosilicates d’alcalins ; -ii) la quantification de la concentration et de la spéciation de l’eau dans les aluminosilicates vitreux et fondus ; et -iii) la modélisation des viscosités des magmas dans des cas précis. 69 3 Méthodes expérimentales 3.1 Stratégie expérimentale 3.1.1 Choix des compositions étudiées Au cours de cette thèse, nous avons effectué une étude structurale et rhéologique systématique des deux diagrammes 1 Na2 O-Al2 O3 -SiO2 et K2 O-Al2 O3 -SiO2 , ainsi que du mélange entre le K et le Na dans les aluminosilicates. La figure 3.1 illustre les deux diagrammes Na2 O-Al2 O3 -SiO2 et K2 O-Al2 O3 SiO2 avec les compositions étudiées, et la figure 3.2 les différents verres mélangeant le sodium et le potassium à teneur constante en SiO2 et Al2 O3 . Nous avons de plus étudié quelques compositions dans le diagramme Li2 O-Al2 O3 -SiO2 (Fig. 3.3). Nos compositions vont des silicates purs aux aluminosilicates avec différentes proportions d’aluminium, et ce, à différentes teneurs en silice (de 50 à 90 mol % Figs. 3.1 et 3.3). Le système Na2 O-K2 O-Al2 O3 -SiO2 (NKAS) constitue la base des magmas haplo-andésitiques et haplo-granitiques. Les relations liquide-minéraux, d’un intérêt géologique crucial, ont été très étudié (voir par exemple les études de Schairer, 1950; Schairer & Bowen, 1955, 1956; Schairer & Yoder, 1960). Les liquidus des produits sont maintenant connus, bien que certaines compositions « extrêmes » posent des problèmes expérimentaux, comme par exemple la Kalsilite (KAlSiO4 ) ayant un point de fusion supérieur estimé proche de 1750°C (Fig. 3.1, Schairer & Bowen, 1955). Les compositions feldspatiques (Orthose/Albite) ont un rapport M/Al de 1 (avec M un élément alcalin). Ce sont des compositions sur les joints tectosilicates des diagrammes NAS et KAS. De par leur importance géologique, nous avons choisi d’étudier différentes compositions le long de ce joint tectosilicate sur les deux diagrammes, et d’effectuer les mélanges Na-K dans des compositions tectosilicatées. De faibles déviations du joint tectosilicate (id est du rapport M/Al = 1) peuvent produire des variations importantes de viscosité des aluminosilicates fondus (Riebling, 1966; Taylor & Rindone, 1970; Toplis et al. , 1997b,a). Nous avons donc synthétisé des produits le long du joint 3 (M/Al=3) des deux diagrammes, ainsi que des compositions à 75 mol% SiO2 présentant différents rapports Na/Al dans le diagramme NAS. Des données de viscosité, calorimétrie et spectroscopiques sont déjà disponibles pour les silicates d’alcalins (voir par exemple Poole, 1949; Bockris et al. , 1955; Richet et al. , 1984; Richet & Bottinga, 1985; Richet, 1987; Murdoch et al. , 1985; Maekawa et al. , 1991a,b; Mysen & Frantz, 1992, 1993a, 1994b; Neuville, 2006). Les compositions présentées dans les figures 3.1 et 5.2 couvrent l’essentiel du domaine vitrifiable des diagrammes NAS et KAS. Les données acquises sur ces produits vont nous permettre de mieux comprendre les effets des rapports Al/Si et M/Al sur les propriétés des aluminosilicates fondus peralcalins, peralumineux et tectosilicatés. Les mesures effectuées sur les mé1. Nous nommerons par la suite les diagrammes Na2 O-Al2 O3 -SiO2 , K2 O-Al2 O3 -SiO2 et Li2 O-Al2 O3 -SiO2 respectivement diagrammes NAS, KAS et LAS. 71 3 Méthodes expérimentales R=3 R=1 (a) R=3 R=1 (b) Figure 3.1: Diagrammes de phase des systèmes a) Na2 O-Al2 O3 -SiO2 (NAS) et b) K2 O-Al2 O3 -SiO2 (KAS) en fractions pondérales (Levin et al. , 1964). Les isocourbes représentent les températures de liquidus des phases minérales. R = M/Al, avec M = K ou Na. R = 3 : joint 3. R = 1 : joint 1, ou encore joint tectosilicate. Les compositions étudiées sont les points rouges. 72 3.1 Stratégie expérimentale Figure 3.2: Mélanges Na2 O-K2 O dans les compositions tectosilicatées étudiées. Figure 3.3: Diagramme de phase Li2 O-Al2 O3 -SiO2 en fractions pondérales (Eppler, 1963). Les verres étudiés sont les carrés rouges. Les isocourbes représentent les températures de liquidus des phases minérales. 73 3 Méthodes expérimentales langes Na-K à différentes teneurs en silice dans des compositions tectosilicatés nous apporteront quant à elles certains éléments de réponses concernant l’effet alcalin mixte dans les aluminosilicates d’alcalins et la nature du mélange Na-K. En complément des données sur les diagrammes KAS et NAS, ainsi que sur les mélanges NKAS, nous avons étudié des verres dans le diagramme LAS le long des joints Li/Al = 1 et Li/Al = 3 (Fig. 3.3). Les premiers résultats obtenus nous permettront d’avoir une perspective plus globale sur l’impact de la taille du cation alcalin sur les propriétés structurales et rhéologiques des aluminosilicates vitreux et fondus. Pour faire le lien entre ces compositions ternaires/quaternaires et les magmas naturelles, nous avons choisi certaines compositions naturelles riches en éléments alcalins. Comme nous l’avons vu lors de l’état de l’art, les laves de l’Erebus (Antarctique), du Vésuve (Italie) et du Mont Dore (France) sont très riches en sodium et potassium, et présentent chacunes des intérêts différents et pertinents. Nous avons donc choisis d’étudier ces produits à l’aide des méthodes expérimentales utilisées pour caractériser les propriétés des composition synthétiques. L’ensemble des résultats obtenus nous permettra de proposer une approche de l’étude rhéologique des laves permettant d’apporter des résultats quantitatifs à des fins d’applications directes, comme par exemple la modélisation des écoulements visqueux. 3.1.2 Choix des techniques analytiques utilisées Les techniques utilisées pour caractériser les propriétés des aluminosilicates fondus et vitreux doivent nous permettre d’avoir une approche à la fois structurale, rhéologique et thermodynamique. Nous avons donc choisi d’utiliser la viscosimétrie comme outil de caractérisation des propriétés rhéologiques proches de la T g, celle-ci permettant de plus une caractérisation des propriétés thermodynamiques par le biais de la théorie d’Adam et Gibbs (1965). Le lien entre structure et rhéologie des aluminosilicates fondus nous a conduit à utiliser principalement deux types d’outils structuraux : les spectroscopies Raman et RMN. La spectroscopie Raman est non-sélective et donne une vision globale du paysage moléculaire des verres et silicates fondus à courte et moyenne distance. Elle permet de connaître le type de liaisons, les espèces Qn ainsi que les différents anneaux de tétraèdres présents dans le verre étudié , la présence et la proportion d’anneaux de tétraèdres (Bell et al. , 1968, 1971; Sen & Thorpe, 1977; Galeener, 1979; Mysen et al. , 1980b; Sharma et al. , 1981; Galeener, 1982a,b; Seifert et al. , 1982; Galeener et al. , 1984; McKeown et al. , 1984; McMillan & Piriou, 1982; McMillan et al. , 1982; Mysen et al. , 1982; McMillan, 1984; Phillips, 1984; Sharma et al. , 1985; Mysen, 1990; McMillan et al. , 1992, 1994; Pasquarello & Car, 1998). Il est à noter que la spectroscopie Raman, outre son aspect qualitatif certain, est aussi un outil quantitatif qui permet l’étude et la quantification de l’état RedOx du fer dans les verres par exemple (Magnien et al. , 2006, 2008), ou encore l’étude des éléments volatils tels que l’eau que nous présenterons plus tard. La spectroscopie RMN est une sonde spécifique permettant d’étudier l’environnement à courte distance d’un atome en particulier, apportant ainsi des informations sur sa coordinence et ses interactions avec ses proches voisins. Cet outil a apporté de nombreuses réponses concernant la coordinence de l’aluminium et du sodium dans le diagramme NAS en fonction de la composition chimique par exemple (George & Stebbins, 1996; Lee & Stebbins, 2000, 2003a, 2009). Elle permet de quantifier la proportion 74 3.2 Synthèse des verres d’espèces Qn dans les silicates d’alcalins (Murdoch et al. , 1985; Maekawa et al. , 1991a; Stebbins et al. , 1992) mais aussi d’observer les différentes interactions entre les éléments grâce à des techniques de spectroscopie 2D (voir la revue de Massiot et al. , 2008 et références citées). L’étude des produits naturelles a également été réalisée à l’aide de mesures de viscosité et de la spectroscopie Raman. Nous avons caractérisé les compositions chimiques des verres des ponces, puis refondu celles-ci afin d’obtenir un silicate fondu ayant une composition proche de celle du magma parental à l’exception bien sûr de la teneur en volatils. Cette approche nous permet de quantifier les viscosités des différentes laves, et couplée à une modélisation des effets des cristaux, des bulles et des volatils, de proposer un modèle ad hoc de viscosité pour les volcans étudiés. Dans le cas du volcan Erebus, l’étude conjointe des informations apportées par les inclusions vitreuses et des relations entre les états RedOX du fer et du soufre dans les magmas permet d’apporter des informations quant aux conditions P/T /f O2 que le magma a rencontré (voir Oppenheimer et al. , 2011 et références citées). Dans le cadre d’une collaboration avec Clive Oppenheimer de l’université de Cambridge, nous avons effectué de la spectroscopie XANES au seuil K du fer in situ sur des phonolites de l’Erebus fondues à haute température. Nous présenterons aussi ces résultats dans cette thèse, qui mettront en avant l’intérêt des données expérimentales dans le cadre de la compréhension d’un édifice volcanique. 3.2 Synthèse des verres 3.2.1 Verres simples Les verres synthétiques ont été préparés à partir de poudres d’oxydes SiO2 , Al2 O3 , Na2 CO3 , K2 CO3 ultra-pures selon le protocole décrit dans Schairer & Bowen (1955; 1956) . Les poudres, hygroscopiques, ont été séchées préalablement durant une nuit à 1100°C pour l’Al2 O3 et le SiO2 ; et à 350°C pour le Na2 CO3 et le K2 CO3 . Après un refroidissement dans un dessiccateur, les poudres ont été pesées dans les proportions voulues dans un creuset en platine, sur une balance Sartorius de précision 0.1 mg. Les produits ont ensuite été mélangés une première fois dans un mortier mécanique en agate pendant une heure, dans de l’éthanol. Ensuite, après séchage des poudres, une première fusion lente a été effectuée afin de décarbonater les poudres de carbonates de sodium et potassium et de lier les alcalins à la silice et l’alumine pour éviter leur volatilisation précoce (Schairer & Bowen, 1955, 1956). Cette étape a été effectuée en montant la température de 500 à 1200 °C en 24 à 72 heures, la durée dépendant de la chimie (quantité de carbonates et viscosité) du produit. Ensuite, les produits ont été portés jusqu’à fusion complète, au dessus de leur température de liquidus. Ceci a notamment impliqué des températures de plus de 1693°C pour le verre de Leucite et de plus de 1720°C pour le verre de Kalsilite (Schairer & Bowen, 1955). Après la trempe du creuset dans de l’eau, les variations de poids ont été suivies par pesée, afin de déterminer si la décarbonatation était complète et si aucune perte d’alcalins ne s’est produite. Puis, le verre a été broyé à l’aide d’un mortier-pillon albich en acier. D’éventuelles limailles de fer, provenant du mortier-pillon albich, peuvent se trouver dans les fragments de quelques millimètres de verre après ce premier broyage. Un aimant a donc été passé dans ces fragments afin de retirer toute limaille et d’éviter la contamination du produit. Ensuite, les fragments de verre ont été placés dans le mortier en agate mécanique pendant une heure. La poudre obtenue a été refondue. Cette étape a été 75 3 Méthodes expérimentales répétée trois fois (quatre cycles broyages-fusion en tout), ceci afin d’assurer une homogénéité maximale de ces verres, qui à la vue de leur forte viscosité à haute température ne peuvent être homogénéisés par brassage à l’état liquide. Finalement, les verres ont été trempés de la haute température à une température environ 50° plus basse que leur Tg, où ils ont été recuits pendant 24 heures. Le recuit permet de relaxer les contraintes accumulées dans le verre pendant la trempe, et ainsi de le carotter pour obtenir les cylindres servant à effectuer les mesures de viscosité. Le tableau 3.1 référence la composition chimique et les noms des différents produits synthétisés et étudiés. Table 3.1: Noms, compositions chimiques nominales (no) et analysées (an) et densité des produits synthétisés. Les concentrations en Li2 O ont été déterminées à partir de la différence à 100 (voir texte). v : volatilisation lors des analyses à la microsonde. n.a. : non analysé. Voir sous-section 3.3.1 pour les conditions de mesures à la microsonde de la composition des verres. Produit NAK83.8.0 NAK83.8.2 NAK83.8.4 NAK83.8.6 NAK83.8.8 KA75.00 NA75.00 NA75.02 %SiO2 %Al2 O3 %K2 O %Na2 O %Li2 O no mol% 83.00 8.50 0.00 8.50 0.00 no pds% 78.16 13.58 0.00 8.26 0.00 an pds% 78.91 (29) 13.96(19) 0.00(3) 7.13(18) n.a. no mol% 83.00 8.50 2.12 6.38 0.00 no pds% 77.33 13.44 3.10 6.13 0.00 an pds% 77.82(58) 13.19(12) 3.01(12) 5.98(16) n.a. no mol% 83.00 8.50 4.25 4.25 0.00 no pds% 76.52 13.30 6.14 4.04 0.00 an pds% 76.81(19) 13.19(26) 5.99(15) 4.01(17) n.a. no mol% 83.00 8.50 6.38 2.12 0.00 no pds% 75.72 13.16 9.13 2.00 0.00 an pds% 76.10(21) 13.15(13) 8.68(9) 2.06(11) n.a. no mol% 83.00 8.50 8.50 0.00 0.00 no pds% 74.94 13.02 12.03 0.00 0.00 an pds% 75.11(68) 13.19(18) 11.59(17) 0.11(3) n.a. no mol% 75.00 0.00 25.00 0.00 0.00 no pds% 65.68 0.00 34.32 0.00 0.00 an pds% v - - v - no mol% 75.00 0.00 0.00 25.00 0.00 no pds% 74.41 0.00 0.00 25.59 0.00 an pds% v - - v - no mol% 75.00 2.00 0.00 23.00 0.00 no pds% 73.44 3.32 0.00 23.23 0.00 an pds% 74.92(51) 3.43(8) 0.04(4) 21.59(52) n.a. densité 2.317(5) 2.318(7) 2.317(4) 2.323(6) 2.313(7) 2.426(5) 2.430(4) 2.416(8) Suite à la prochaine page 76 3.2 Synthèse des verres Suite du Tableau 3.1 : Compositions étudiées Produit %SiO2 %Al2 O3 %K2 O %Na2 O %Li2 O no mol% 75.00 6.00 0.00 19.00 0.00 no pds% 71.58 9.72 0.00 18.70 0.00 an pds% 71.19(54) 10.29(32) 0.07(5) 17.94 n.a. no mol% 75.00 9.00 0.00 16.00 0.00 no pds% 70.24 14.30 0.00 15.46 0.00 an pds% 70.13(51) 14.63(10) 0.07(2) 15.16(33) n.a. NAK75.12.0 no mol% 75.00 12.50 0.00 12.50 0.00 (NA75.12) no pds% 68.74 19.44 0.00 11.82 0.00 NaAlSi3 O8 an pds% 68.71(46) 19.49(23) 0.00(1) 11.81(20) n.a. NAK75.12.2 no mol% 75.00 12.50 2.38 10.10 0.00 no pds% 67.94 19.22 3.38 9.45 0.00 an pds% 68.28(61) 19.23(30) 3.37(11) 9.11(28) n.a. no mol% 75.00 12.50 4.82 7.68 0.00 no pds% 67.15 18.99 6.77 7.09 0.00 an pds% 67.48(57) 18.91(12) 6.73(27) 6.87(8) n.a. no mol% 75.00 12.50 6.25 6.25 0.00 no pds% 66.69 18.86 8.71 5.73 0.00 an pds% 65.77(62) 18.57(47) 8.50(38) 5.55(29) n.a. no mol% 75.00 12.50 7.32 5.18 0.00 no pds% 66.35 18.77 10.15 4.73 0.00 an pds% 65.67(80) 18.15(61) 9.75(47) 4.50(13) n.a. no mol% 75.00 12.50 9.88 2.62 0.00 no pds% 65.56 18.54 13.54 2.36 0.00 an pds% 64.75(61) 18.17(30) 13.19(11) 2.37(28) n.a. NAK75.12.12 no mol% 75.00 12.50 12.50 0.00 0.00 KAlSi3 O8 no pds% 63.73 18.37 16.11 0.00 0.00 an pds% 64.84(66) 18.69(40) 16.39(48) 0.08(4) n.a. no mol% 75.00 16.00 0.00 9.00 0.00 no pds% 67.30 24.37 0.00 8.33 0.00 an pds% 67.38(52) 24.47(54) 0.04(2) 8.10(20) n.a. NAK67.16.0 no mol% 66.67 16.67 0.00 16.67 0.00 NaAlSi2 O6 no pds% 59.45 25.22 0.00 15.33 0.00 an pds% 59.41(45) 25.46(31) 0.02(2) 15.11(45) n.a. NAK67.16.16 no mol% 66.67 16.67 16.67 0.00 0.00 KAlSi2 O6 no pds% 55.06 23.36 21.58 0.00 0.00 an pds% 54.21(38) 23.62(18) 21.08(15) 0.10(2) n.a. NA75.06 NA75.09 NAK75.12.5 NAK75.12.6 NAK75.12.7 NAK75.12.10 NA75.16 densité 2.402(1) 2.393(3) 2.369(1) 2.374(3) 2.368(3) 2.371(3) 2.372(1) 2.370(4) 2.357(4) 2.375(4) 2.422(6) 2.401(5) Suite à la prochaine page 77 3 Méthodes expérimentales Suite du Tableau 3.1 : Compositions étudiées Produit %SiO2 %Al2 O3 %K2 O %Na2 O %Li2 O no mol% 58.00 21.00 0.00 21.00 0.00 no pds% 50.30 30.91 0.00 18.79 0.00 an pds% 49.96(93) 31.40(52) 0.00(2) 18.71(37) n.a. no mol% 58.00 21.00 5.25 15.8 0.00 no pds% 49.08 30.16 6.97 13.79 0.00 an pds% 49.24(26) 30.49(22) 6.25(5) 13.33(10) n.a. no mol% 58.00 21.00 10.50 10.50 0.00 no pds% 47.96 29.47 13.61 8.96 0.00 an pds% 48.13(46) 29.82(15) 12.33(12) 9.05(19) n.a. no mol% 58.00 21.00 15.80 5.25 0.00 no pds% 46.87 28.80 19.96 0.00 0.00 an pds% 47.87(41) 29.64(23) 17.71(13) 4.23(8) n.a. no mol% 58.00 21.00 21.00 0.00 0.00 no pds% 45.84 28.16 26.01 0.00 0.00 an pds% 46.41(54) 28.40(41) 24.94(52) 0.13(4) n.a. NAK50.25.0 no mol% 50.00 25.00 0.00 25.00 0.00 NaAlSiO4 no pds% 42.30 35.89 0.00 21.82 0.00 an pds% 41.59(40) 36.12(55) 0.04(4) 21.75(46) n.a. no mol% 50.00 25.00 6.25 18.80 0.00 no pds% 41.13 34.90 8.06 15.91 0.00 an pds% 40.46(40) 34.55(33) 7.84(26) 15.86(28) n.a. no mol% 50.00 25.00 12.50 12.50 0.00 no pds% 40.03 33.96 15.69 10.32 0.00 an pds% 40.29(20) 33.97(35) 15.45(29) 10.28(25) n.a. no mol% 50.00 25.00 18.80 6.25 0.00 no pds% 38.96 33.05 22.97 5.02 0.00 an pds% 38.80(36) 33.33(26) 22.99(22) 4.32(11) n.a. NAK50.25.25 no mol% 50.00 25.00 25.00 0.00 0.00 KAlSiO4 no pds% 37.99 32.23 29.78 0.00 0.00 an pds% 38.51(55) 32.20(43) 29.40(34) 0.10(5) n.a. no mol% 65.00 8.75 0.00 26.25 0.00 no pds% 60.79 13.89 0.00 25.32 0.00 an pds% 61.75(45) 13.67(24) 0.03(2) 24.56(73) n.a. no mol% 58.00 10.50 0.00 31.50 0.00 no pds% 53.55 16.45 0.00 30.00 0.00 an pds% 54.61(28) 16.42(18) 0.05(2) 28.92(37) n.a. NAK58.21.0 NAK58.21.5 NAK58.21.10 NAK58.21.15 NAK58.21.21 NAK50.25.6 NAK50.25.12 NAK50.25.18 NA65.09 NA58.10 densité 2.465(1) 2.462(3) 2.460(4) 2.452(2) 2.442(1) 2.494(2) 2.499(5) 2.494(4) 2.452(2) 2.463(6) 2.472(4) 2.502(5) Suite à la prochaine page 78 3.2 Synthèse des verres Suite du Tableau 3.1 : Compositions étudiées Produit %SiO2 %Al2 O3 %K2 O %Na2 O %Li2 O no mol% 90.00 5.00 5.00 0.00 0.00 no pds% 84.60 8.00 7.40 0.00 0.00 an pds% 83.74(24) 7.90(15) 7.26(13) 0.00(3) n.a. no mol% 80.00 5.00 15.00 0.00 0.00 no pds% 71.4 7.60 21.00 0.00 0.00 an pds% 74.85(44) 7.56(14) 15.12(22) 0.00(4) n.a. no mol% 72.00 7.00 21.00 0.00 0.00 no pds% 61.60 10.20 28.20 0.00 0.00 an pds% 61.41(28) 10.17(24) 27.42(33) 0.00(2) n.a. no mol% 65.00 8.75 26.25 0.00 0.00 no pds% 53.70 12.30 34.00 0.00 0.00 an pds% 53.32(55) 12.49(43) 31.68(28) 0.00(3) n.a. no mol% 77.00 5.75 0.00 0.00 17.25 no pds% 80.80 10.20 0.00 0.00 9.00 an pds% 82.17 10.68 0.00 0.00 7.15 LA75.12 no mol% 75.00 12.50 0.00 0.00 12.50 LiAlSi3 O8 no pds% 73.20 20.70 0.00 0.00 6.10 an pds% 74.50 20.74 0.00 0.00 5.77 no mol% 72.00 7.00 0.00 0.00 21.00 no pds% 76.30 12.60 0.00 0.00 11.10 an pds% 78.14 13.23 0.00 0.00 8.63 LA67.16 no mol% 67.00 16.50 0.00 0.00 16.50 LiAlSi2 O6 no pds% 64.90 27.10 0.00 0.00 8.00 an pds% 66.88 27.48 0.00 0.00 5.64 no mol% 60.00 10.00 0.00 0.00 30.00 no pds% 65.30 18.50 0.00 0.00 16.20 an pds% 67.46 18.78 0.00 0.00 13.76 LA50.25 no mol% 50.00 25.00 0.00 0.00 25.00 LiAlSiO4 no pds% 47.70 40.40 0.00 0.00 11.90 an pds% 48.88 40.44 0.00 0.00 10.67 KA90.05 KA80.05 KA72.07 KA65.09 LA77.05 LA72.07 LA60.10 densité n.a. 2.320 2.408 2.451 2.319 2.344 2.348 2.369 2.392 2.431 Fin du tableau 3.2.2 Verres naturels La fusion totale des produits pyroclastiques (ponces et bombes volcniques) des dépôts des volcans étudiés nous a permis d’obtenir des verres naturels, dont la composition chimique a l’intérêt d’être représentative de celle du magma parental dépourvu de bulles, volatils et cristaux. Ces produits sont nécessaires pour les mesures de viscosité. Avant d’être fondues, les bombes volcaniques de l’Erebus ont été cassées, puis environ 100 grammes de fragments ont été placés dans un creuset en platine. 79 3 Méthodes expérimentales Élément SiO2 Al2 O3 Na2 O K2 O CaO MgO FeO TiO2 MnO GeO2 SrO P 2 O5 ZnO Total densité Vésuve GP79 54.49(40) 19.31(25) 4.44(23) 8.55(16) 5.19(25) 1.75(09) 4.07(12) 0.54(10) 0.12(06) 0.01(02) 0.06(09) n.a. n.a. 98.55(51) 2.542(2) Vésuve GP79 P 54.60(89) 20.52(37) 5.37(1.14) 7.07(85) 4.38(1.05) 0.40(10) 3.32(58) 0.31(10) 0.11(3) 0.01(2) 0.10(10) n.a. n.a. 96.20(2.73) - MtDore MD 76.74(20) 13.03(04) 3.43(04) 5.36(03) 0.41(01) 0.05(04) 0.89(07) 0.15(10) n.a. n.a. n.a. 0.03(00) 0.09(11) 100.18(06) 2.328(5) MtDore P 74.40(69) 12.22(19) 4.08(53) 4.23(35) 0.35(1) 0.04(1) 0.68(0) 0.13(8) n.a. n.a. n.a. 0.02(0) 0.00(0) 96.16(76) - Erebus Ref 57.43(46) 19.84(24) 7.03(35) 4.63(16) 2.57(11) 0.89(5) 5.31(19) 0.96(13) 0.19(20) 0.01(1) 0.06(7) n.a. n.a. 98.95(68) 2.534(3) Table 3.2: Compositions chimiques (en pds%) mesurées à la microsonde SX50 au service CAMPARIS Paris 6 des produits naturels étudiés. Vésuve GP79 : verre obtenu à partir de la fusion des ponces grises du niveau Euf3 de l’éruption AD79 du Vésuve (Italie). Vésuve GP79 P : analyse du verre des ponces grises du niveau Euf3 de l’éruption AD79 du Vésuve (Italie). MtDore ref : verre obtenu à partir de la fusion de ponces de la Grande Nappe, échantillonnées à Farges (France). MtDore P : analyse du verre des ponces du site de Farge de la Grande Nappe de ponces du Mont Dore. Erebus Ref : verre obtenu à partir de la fusion d’un morceau de bombe volcanique de l’Erebus (Antarctique), échantillonné par Clive Oppenheimer. Concernant les ponces du Vésuve et du Mont Dore, elles ont au préalable été triées, afin de vérifié leur pureté (présence de terres, sable...) et de pouvoir les nettoyer. Après cette étape préliminaire, elles ont été placées dans un creuset en platine. Ensuite, afin de suivre la déshydratation de ces produits et d’avoir leur teneur en eau par perte au feu, un processus de fusion particulier a été adopté. Tout d’abord, les produits ont été portés à 200°C dans leur creuset de platine pendant une nuit, puis refroidis et pesés. Cette étape a été effectuée afin d’enlever l’eau adsorbée à la surface et dans la porosité ouverte des échantillons. Les produits ont ensuite été portés à 1200°C, puis trempés une première fois afin de mesurer leur perte de masse. Ils ont finalement été chauffés à 1550-1600°C pour obtenir un silicate fondu. L’adoption de températures élevées a été nécessaire pour fondre les oxydes de fer présents dans les ponces et laves. Le liquide silicaté obtenu a été trempé, et le verre en résultant pesé, pour déterminer la perte de masse entre 1200°C et la température de chauffe finale afin de vérifier si la déshydratation des produits était totale. Enfin, comme pour les verres de synthèse, nous avons effectué trois cycles de broyage-fusion pour obtenir des verres homogènes, avec une étape finale de recuit à ∼50° sous leur T g estimée à partir de données de la littérature sur des compositions similaires. Les verres obtenus ont été analysés à la microsonde SX50 (voir sous-section 3.3.1), les résultats sont fournis dans le tableau 3.2. 80 3.3 Caractérisation usuelle des verres : microsonde électronique et densité 3.3 Caractérisation usuelle des verres : microsonde électronique et densité 3.3.1 Microsonde électronique Les analyses des compositions chimiques des verres ont été effectuées à l’aide de la microsonde électronique SX50 du service Camparis (Jussieu, UMPMC-Paris 6). La microsonde est un outil courant en Science de la Terre, où elle permet d’obtenir la composition chimique des phases minérales et amorphes constituant les roches (Reed, 2005). Celle-ci nous a servi pour notamment vérifier qu’aucun écart important entre composition nominale et analysée n’existait, ceci pouvant révéler un biais dans la préparation de l’échantillon. La microsonde électronique est basée sur un principe maintenant bien connu : si la matière est soumise à un bombardement d’électrons, celui-ci va interagir avec les couches électroniques des atomes la constituants. La désexcitation des couches électroniques des atomes va se faire par émission de rayons X secondaires, dont la longueur d’onde est typique d’un élément en particulier (Reed, 2005). En captant ces rayons X à l’aide de spectromètres, on obtient un spectre avec différentes raies caractéristiques des éléments chimiques analysés. Leurs intensités indiquent la concentration chimique en pds% des éléments chimiques présents. La mesure effectuée est relative, la microsonde étant étalonnée avant toute analyse sur des solides standards de compositions connues. La microsonde permet d’effectuer des analyses ponctuelles, avec une précision de l’ordre de quelques micromètres carrés. Sa précision sur les concentrations chimiques mesurées est de l’ordre du % (Reed, 2005). Elle permet de plus de connaître par différence à 100 la teneur en volatils d’un verre volcanique. Sa précision va varier en fonction des conditions expérimentales (tension d’accélération, courant électronique, temps de comptage, élément mesuré, raie analysée, qualité de surface de l’échantillon...). Avant les analyses, nous avons préparé les échantillons en les moulant dans une bague de résine. Les verres sont ensuite portés à l’affleurement par abrasion et sont ensuite polis. Les bagues sont ensuite métallisées par un dépôt de graphite s’effectuant sous vide, afin de les rendre conductrice et d’éviter l’accumulation de charges dans les verres sous l’action du faisceau d’électrons. Lors des analyses, la composition chimique de chaque produit a été mesurée en 12 points au minimum sur plusieurs fragments de verre. Les compositions des verres synthétiques et naturels sont la moyenne de ces différentes mesures. Nous avons du porter une attention particulière pour les verres riches en sodium, celui-ci ayant la capacité de migrer sous le faisceau voir de se volatiliser. Pour contrer ce phénomène, nous avons essayé de défocaliser légèrement le faisceau, afin de réduire l’irradiation et l’échauffement de l’échantillon. Les mesures ont été effectuées sur des zones propres, sans rayures apparentes, et ce même pour les produits naturels comme les ponces où la vésicularité et l’étroitesse des parois vitreuses peuvent poser problème. Le courant employé a aussi été faible, ceci afin d’éviter les pertes sous faisceau (typiquement, I= 30nA, U=15 kV, avec un diamètre de 30 μm). Les proportions de Li2 O communiquées dans le tableau 3.1 ont été calculées à partir de la différence à 100 de l’analyse à la microsonde (aucune barre d’erreur n’est donc fournie). En effet, le Li est trop léger pour être détecté lors des mesures à la microsonde électronique. Nous n’avons de plus pas pu mesurer les compositions chimiques des verres NA75.00 et KA75.00. Pour le premier, nous avons observé une forte volatilisation du Na lors des tentatives de mesures. Le verre KA75.00 a, quant à lui, un comportement 81 3 Méthodes expérimentales fortement hygroscopique. Lors des analyses, ayant eu lieu environ 1 an après sa synthèse, et malgré la conservation de ce verre dans un dessicateur, nous avons observé la présence d’eau dans le verre qui avait de plus un état de surface (initialement polie sur la bague) très particulier. Les analyses obtenues n’ont pas donné de résultats concluant. 3.3.2 Densité i) densité des verres La densité des verres a été mesurée par la méthode d’Archimède en utilisant du toluène comme liquide d’immersion. Le toluène possède l’avantage d’être un solvant qui ne réagit pas avec les verres et de posséder un bon pouvoir mouillant. De plus, ses variations de densité avec la température sont connues et prises en compte dans le calcul des densités des verres. En effet, l’équation de dépendance de la densité du toluène ρt avec la température est la suivante : ρt = 0.8845 − 0.9159.10−3 .T + 0.368.10−6 .T 2 , (3.1) avec T en °C. En sachant que d’après le principe d’Archimède, pour un morceau de verre de densité ρv , ayant une masse ma dans l’air, et une masse mt lorsqu’il est totalement immergé dans le toluène, on a ρv /ρt = ma/(ma − mt). (3.2) ρv = ρt .ma /(ma − mt ). (3.3) On peut donc calculer ρv avec : Pour chaque composition, nous avons mesuré la masse d’une dizaine de fragments de verres à l’air libre et dans le toluène avec une balance de précision 1 × 10−5 g. Ceci nous a permis de calculer la densité avec l’équation 3.1. La mesure à chaque début d’expérience de la densité d’un saphir, dont la valeur est parfaitement connue et égale à 3.987, nous permet d’estimer l’erreur intrinsèque de cette méthode qui est de 0.001. La densité d’un verre est fonction de sa composition chimique et de sa structure, mais aussi de son histoire thermique (vitesse de trempe). On peut, afin de s’affranchir des effets de masse, calculer le volume molaire d’un verre, VM , en connaissant sa composition chimique et sa densité ρ : VM = X xi Mi /(100.ρ) (3.4) avec xi la fraction molaire de l’oxyde i, ayant une masse molaire Mi . Les propriétés de densité et volume molaire d’un verre reflètent les effets de rayon ionique et de masse des éléments constitutifs du réseau vitreux, mais elles peuvent aussi être affectées par la présence de fractures. 82 3.3 Caractérisation usuelle des verres : microsonde électronique et densité ii) Densité des produits volcaniques Les mesures de densité sur des ponces permettent de déterminer le volume de bulles qu’elles contiennent. On peut donc, s’il n’y a pas eu coalescence, avoir une estimation de la proportion de bulles présentes dans le magma au moment de sa fragmentation dans le cas d’un panache plinien par exemple. La densité apparente d’une scorie volcanique (ponce, bombe volcanique, lapilli...) est fonction de plusieurs paramètres : – volume de cristaux et leurs densités ; – volume de verre et sa densité ; – volume de bulles. Ces mesures permettent d’estimer les fractions de porosités ouverte et fermée, et donc d’avoir accès à une information quant à la perméabilité d’un magma. Celle-ci représente la connectivité des bulles, et va donc influencer le dégazage en système ouvert ou fermé du magma (en plus bien sûr des propriétés de l’encaissant, comme sa fracturation et sa perméabilité). Elle est donc un paramètre clé, notamment pour les éruptions pliniennes par exemple où elle va jouer un rôle sur le phénomène de fragmentation du magma (Gardner et al. , 1996). La mesure de la densité de fragment de ponces par immersion dans le toluène présente plusieurs spécificités. Tout d’abord, elle permet en effectuant des mesures dès l’immersion de celles-ci et ensuite au cours du temps de déterminer : – la densité apparente des ponces (lorsque celle-ci est bien sûr supérieure à celle du toluène) ; – la vitesse d’invasion de la porosité par le toluène ; – et la densité finale de la ponce, lorsque le toluène a envahi la porosité ouverte (i.e. connectée) de la ponce. Cette dernière valeur est fonction de la densité du verre, des minéraux éventuels et de la porosité fermée de la ponce. En combinant cette analyse avec des mesures de densité par pycnométrie effectuées sur des poudres (ponces broyées), ceci permet d’estimer les fractions de porosités ouvertes et fermées. Pour mesurer la densité des ponces dans le toluène, celles-ci ont été préalablement nettoyées à l’éthanol dans un bac à ultrason, et ensuite séchées. Dès leur introduction dans le toluène, une première mesure de leur masse est faite, permettant ainsi d’estimer la densité apparente. Puis, en laissant immerger les ponces durant quelques semaines dans le toluène, et en suivant l’évolution de leur densité au cours du temps, on observe qu’elle se stabilise, indiquant le remplissage total de la porosité ouverte par le toluène. On obtient ainsi la densité de la ponce avec sa porosité fermée. Pour avoir accès à la densité de la ponce sans la porosité, des mesures par pycnométrie ont été effectuées au laboratoire de Dynamique des Fluides Géologiques à St-Maur-des-Fossés. Les ponces ont été broyées et la poudre obtenue a été lavée à l’éthanol dans un bain à ultrason pour retirer toute trace de substance organique. 10 à 20 g de poudres ont été utilisés pour effectuer chaque mesure à l’aide d’un pycnomètre de volume connu, à une température de 23°C. La différence de masse entre le pycnomètre rempli d’eau (dont la densité est connue pour la température de 23°C), et du mélange eau/poudre nous permet d’estimer la densité de la poudre. 83 3 Méthodes expérimentales 3.4 Viscosité Les mesures de viscosité sur les liquides silicatés peuvent être effectuées par différentes méthodes selon le domaine de viscosité étudié (voir Neuville, 1992; Barton & Guillemet, 2005, pour plus de détails sur les techniques présentées ci-après). En effet, à basse viscosité (i.e. Pour η < 105 − 106 P a.s), on peut mesurer la viscosité à l’aide de cylindres coaxiaux (principe de cisaillement de Couette), ou par chute d’une bille (formule de Stokes, utilisée à haute pression et haute température). À haute viscosité (i.e. η > 106 P a.s), on pourra mesurer la viscosité par écrasement, par indentation, par étirement (vitesse d’allongement d’une baguette de verre) ou par flexion d’une barre prismatique. En général, la viscosité ne peut être mesurée de façon continue sur le domaine 100 − 1012 P a.s, et ceci à cause d’une part de changements sur une échelle logarithmique des vitesses de déformation imposant un changement de technique de mesure, et d’autre part d’une cristallisation du liquide intervenant dans le domaine η = 106 − 109 P a.s, et ce pour la plupart des silicates fondus étudiés. Nous avons à notre disposition deux appareils permettant de mesurer les basses et hautes viscosités au laboratoire de Géochimie et Cosmochimie : la machine à fluage et le dispositif de Couette (Neuville & Richet, 1991; Neuville, 1992, 2006). La machine à fluage (Fig. 3.4 ; Gent, 1960; Neuville & Richet, 1991; Neuville, 1992) permet d’effectuer des mesures absolues de viscosité de 108 à 1015 Pa.s dans le domaine de température 300 – 1000°C. Les mesures sont effectuées sur des cylindres de verre de diamètre compris entre 3 et 11 mm et de longueur comprise entre 4 et 22 mm. Les cylindres sont obtenus par carottage des verres recuits et des ponces avec des forêts diamantés. Les deux extrémités des éprouvettes sont polies, de façon à obtenir deux faces parallèles à ± 2 μm. Les éprouvettes sont placées entre deux pistons (Fig. 3.4b). Deux thermocouples Pt/Pt90 -Rh10 placés de part et d’autre de l’échantillon permettent de contrôler les gradients thermiques verticaux et horizontaux, devant être inférieurs à 0.5 K, soit une f.e.m. entre les deux thermocouples de moins de 3 μV. L’erreur intrinsèque de mesure des thermocouples est inférieure à 1 μV soit 0.1 K. Un barreau d’argent placé autour de l’échantillon peut être utilisé, permettant d’obtenir facilement un bon gradient thermique (inférieur à 0.2 K). Cependant l’utilisation de celui-ci est limitée par le liquidus de l’argent situé aux alentours de 962°C. Pour certains verres riches en silice que nous avons étudiés, nous avons travaillé sans barreau d’argent dans le domaine de température 870-1000°C. À ces températures, l’échantillon est chauffé principalement par radiation, et non par échange avec l’air dans le four comme c’est le cas à plus basses températures. Le gradient thermique est plus difficile à contrôler, du fait de sa très grande sensibilité à la position du four, mais un réglage fin de celle-ci nous permet d’assurer un gradient toujours inférieur à 0.5 K lors des mesures effectuées. Lors d’une mesure à température constante, une contrainte σv est appliquée à l’échantillon et le capteur de position permet de suivre sa déformation au micromètre près. En mesurant le raccourcissement au cours du temps, on peut calculer la viscosité qui est égale à : . η = σv/3ε , (3.5) . avec ε la vitesse de déformation et η la viscosité absolue en Pa.s ou en Poises, avec 1 Pa.s = 10 Poises. L’équation 3.5 est applicable pour un fluide newtonien se déformant de façon visqueuse. La relation entre la vitesse de déformation et la contrainte est alors linéaire. La machine de fluage sollicite 84 3.4 Viscosité Four 300-1000°C Pistons Crémaillère Bras de levier Flèche (a) (b) Figure 3.4: a) Schéma général de la machine de fluage et b) grossissement des deux pistons compressant l’éprouvette de verre dans la machine de fluage ; 1 et 2 : capteurs de position ; 3, 4 : thermocouples ; 12 : rondelle d’alumine ; 13 : feuille de platine ; 14 : barreau d’argent ; 15 : éprouvette. L’utilisateur fixe la température du four, puis applique une force F [flèche verte, figure a)] par l’intermédiaire des pistons en chargeant une masse définie sur la balance de droite. Celle-ci transmet la contrainte au piston du bas par l’intermédiaire du bras de levier, celui-ci étant monté sur une flèche. Une crémaillère permet de régler la hauteur et le centrage du four par rapport aux pistons. D’après Neuville (1992). l’éprouvette en compression uniaxiale et non en cisaillement pur. La déformation s’effectuant à volume constant, le coefficient de poisson est égal à 0.5 (Poirier, 1976). Le module de cisaillement μ est alors égal à E/3, avec E le module d’Young, ce qui explique la présence du terme 1/3 dans l’équation 3.5 (Neuville, 1992). Celle-ci implique que le rapport largeur sur diamètre augmente de façon constante (l’échantillon garde une forme cylindrique), et donc que les surfaces de l’échantillon en contact avec les feuilles de platine (Fig. 3.4b) augmentent suivant le même taux. Or ceci n’est plus vrai après 45 % de déformation, où l’échantillon prend la forme d’un barillet (largeur L au centre plus importante qu’aux extrémités). L’équation 3.5 n’est donc plus valable après 45 % de déformation. C’est pourquoi toutes nos mesures ont été effectuées jusqu’à 45 % de déformation. Pour obtenir une valeur de viscosité à une température donnée, nous avons effectué 6 à 9 mesures de la vitesse de déformation à 5 contraintes différentes, ceci afin de vérifier le caractère newtonien de la viscosité. Le calcul de la viscosité de l’éprouvette à une température T est une moyenne des 30 à 45 mesures effectuées. L’erreur de mesure est inférieure à 0.02 log, soit en température une erreur inférieure à 1 °C environ. La répétabilité de la mesure a pu être estimée à l’aide de mesures fréquentes effectuées sur un verre de référence : le NBS717. La figure 3.5 représente les mesures de viscosité effectuées sur ce verre au cours de cette thèse. Un très bon accord entre données de référence et mesures est observé ; de plus, aucune déviation n’a été observée au cours du temps. Ces mesures fréquentes du standard NBS717 permettent de s’assurer du bon fonctionnement du viscosimètre et de la chaîne de mesure de la température (thermocouples, soudure froide, voltmètres...). Un ajustement des données présentées 85 3 Méthodes expérimentales 12,5 12 11,5 11 10,5 10 9,5 9 11,5 12 104/T, K -1 12,5 Figure 3.5: Viscosité du verre de référence NBS717 en fonction de la température. Les points bleus représentent les mesures effectuées au cours de cette thèse ; les courbes pointillées rouge et bleu sont deux courbes de références données par le National Bureau of Standard. dans la figure 3.5 à l’aide de l’équation TVF nous a donné une erreur de reproductibilité de 0.02 log Pa.s. Ceci représente donc l’erreur totale (somme des erreurs point à point et systématique) effectuée sur les mesures de viscosité. Après les mesures, nous avons vérifié qu’aucune cristallisation n’ait eue lieu lors des expériences en regardant les échantillons sous la loupe binoculaire et en effectuant des spectres Raman. Les premières mesures ont été effectuées à des viscosités d’environ 10.5 à 11 log Pa.s, proche de la T g. Une attention particulière a été portée aux échantillons naturels, succeptibles de facilement cristalliser de par la présence de fer. Nous avons observé des phénomènes de cristallisation durant certaines mesures uniquement pour les échantillons de néphéline NAK50.25.0 et de la lave de l’Erebus. La cristallisation est survenue à une viscosité relativement basse (environ 9.5 log Pa.s) dans les deux cas, et s’est manifestée par une déviation immédiate des nouvelles mesures à celles effectuées auparavant à des températures plus basses. À plus hautes viscosités, aucune dépendance au temps de la viscosité n’a été observée, ceci pouvant marquer une cristallisation lente des échantillons (Neuville et al. , 1993). Toutes les données de viscosité reportées dans cette thèse sont celles d’échantillons non crystallisés. Suite à des problèmes de casse d’éléments chauffant à répétitions, et du déménagement de l’Institut de Physique du Globe de Paris en 2010 ayant engendré une attente de pièces jusqu’en janvier 2012, nous n’avons pas eu le temps de reconstruire le dispositif de Couette permettant la mesure des viscosités des produits à haute température avant la rédaction de cette thèse. Je ne présenterai donc pas ce dispositif dans cette section, et invite le lecteur à se référer à Neuville (1992) pour plus de détails concernant cette technique. 3.5 Le fil chauffant Pour réaliser des expériences Raman et XANES au seuil K du fer, nous avons utilisé un dispositif de four à fil chauffant, développé par Mysen et Frantz (1992). Ce dispositif utilise la résistivité d’un fil 86 3.5 Le fil chauffant (a) (b) Figure 3.6: a) Photographie du fil chauffant (au centre) monté sur sa platine durant une expérience Raman ; b) calibration de la température (°C) du fil au niveau du trou en fonction de l’intensité fournie (A) à l’aide du pyromètre (carrés rouges) et des points de fusion connus de sels fondus (carrés bleu). La courbe verte représente la calibration obtenue. métallique pour produire de la chaleur par effet Joule à partir d’un courant électrique (Fig. 3.6). Le fil fait 1 mm de diamètre et est en platine irridié Pt-Ir10. Sa longueur est d’environ 8 cm. La partie centrale est aplatie, et percée d’un trou de 200 à 500 µm de diamètre. Lors des expériences, de la poudre de verre a été placée initialement dans ce trou. Puis, selon la température, le trou contient la poudre ou un ménisque de silicate fondu. Les fils chauffant ont été calibrés à partir de plusieurs sels fondus dont les points de fusion sont connus, et aussi à l’aide d’un pyromètre (Fig. 3.6). Une alimentation électrique de marque XANTREX XPD500 stabilisée en courant continu (5 V ; 75 A) fournit un courant électrique au fil. L’intensité et la tension du courant sont mesurées par un multimètre KEITHLEY respectivement aux bornes d’un shunt (mesure d’un voltage aux bornes d’une résistance connue de 1 mOhms) et du fil chauffant. Ce dispositif permet d’atteindre des températures maximales d’environ 1973 K sous air avec une précision de ± 10 K avec les fils en Pt-Ir10. Il peut aussi être controlé à distance à l’aide d’un programme développé avec le logiciel Labview® . Ceci permet d’utiliser le dispositif sur les lignes de lumière des synchrotrons, où l’échantillon est situé dans une pièce séparée du poste de pilotage de la ligne. Les dernières évolutions du fil chauffant nous ont permis d’effectuer des expériences en fixant l’atmosphère autour du fil (Fig. 3.7). Une enceinte a été placée pour confiner le fil. Pour fixer l’atmosphère à différentes fugacités d’oxygène, des gaz O2 , N2 et Ar-H2 ont été utilisés. Ces gaz présentent respectivement des fugacités sur une échelle logarithmique de 0, -5.45 et environ -15. La température a été déterminée à l’aide des calibrations préétablies sous les différentes atmosphères, et contrôlée in situ à l’aide d’un pyromètre (Fig. 3.7). 87 3 Méthodes expérimentales Enceinte Fil Pyromètre Miroir Figure 3.7: Dispositif du fil chauffant entouré d’un enceinte, monté sur la ligne de lumière ODE au synchrotron SOLEIL (France). La mesure de température avec le pyromètre doit se faire de manière déportée, la fenêtre devant le fil étant en Kapton. Une fenêtre en silice sous l’enceinte permet ceci. Un gaz à la fugacité d’oxygène connue circule dans l’enceinte et fixe les conditions de f (O2 ) expérimentales. 3.6 La spectroscopie Raman La spectroscopie Raman est un outil qualitatif et quantitatif permettant d’obtenir à la fois des informations structurales, mais aussi chimiques sur la matière. Nous verrons dans cette section tout d’abord le principe de la spectrométrie Raman, puis son application à l’étude des matériaux amorphes. Nous décrirons pour l’exemple le spectre d’un verre libyen, puis verrons comment les spectres peuvent être traités afin d’obtenir des informations quantitatives. 3.6.1 Généralités La spectroscopie Raman est une spectroscopie vibrationnelle permettant d’observer les modes de vibrations de molécules polarisables par le biais de l’effet Raman. Celui-ci a été découvert en 1928 par Raman (Prix Nobel de Physique 1930). Lorsque de la matière est irradiée par une onde électromagnétique de fréquence νo , celle-ci va être réfléchie ou transmise par le matériau. Une petite partie de l’onde transmise va être absorbée, et une autre diffusée. Parmi la partie diffusée, on peut distinguer deux cas : les diffusion Rayleigh et Raman. Dans le cas de ces diffusions, l’onde électromagnétique incidente diffusée dans la matière va interagir avec les molécules en distordant (polarisant) les nuages d’électrons autour des noyaux atomiques pendant un court instant. Ceci créé un état d’excitation virtuel, de très courte durée de vie, du nuage électronique (Fig. 3.8). Cet état d’énergie peut être vu comme étant un « complexe » entre électrons et photons de très courte durée de vie (Smith & Dent, 2004). Comme il 88 3.6 La spectroscopie Raman n’est pas stable, l’énergie va être dissipée par la ré-émission d’un photon (le photon va se dissocier du « complexe » formé). Lors de la dissipation d’énergie, le nuage électronique peut se relaxer sans mouvement du (des) noyau(x) atomique(s) : il va retourner à l’état fondamental, et le photon réémis aura la même énergie que le photon incident. C’est la diffusion Rayleigh (Fig. 3.8). Si les noyaux atomiques commencent cependant à bouger lors de la formation du complexe, et ensuite pour assurer la relaxation du nuage électronique, leur grande masse par rapport aux électrons va impliquer un changement non négligeable de l’énergie du photon réémis. Si le photon incident cède de l’énergie à la molécule, celle-ci passe d’un état fondamental m à un état de plus haute énergie n. Le photon réémis aura une énergie moindre que celle du photon incident : c’est la diffusion Raman Stokes (Fig. 3.8). Dans le cas où la molécule se trouvait initialement dans un niveau excité n par rapport au niveau fondamental m, elle va céder de l’énergie au photon pour retourner à l’état fondamental m. Le photon réémis aura une énergie plus élevée que le photon incident : c’est la diffusion Raman anti-Stokes. D’après la statistique de Maxwell-Boltzmann, la plupart des molécules sont à l’état fondamental m à température ambiante. La diffusion Raman Stokes est donc beaucoup plus efficace que la diffusion Raman anti-Stokes. La diffusion Raman représente 1 pour 106 photons diffusés environ, soit 1 pour 109 photons incidents. Figure 3.8: Schéma des processus de diffusions Rayleigh et Raman. L’état de plus basse énergie est noté m, les autres étants des niveaux (vibrationnels et virtuels) de plus haute énergie. Les photons incidents interagissent avec les nuages d’électrons sans échanger d’énergie dans le cas de la diffusion Rayleigh. Dans le cas de la diffusion Raman, on distingue le cas Stokes (le photon apporte de l’énergie au nuage électronique) et anti-Stokes (le photon donne de l’énergie). Figure d’après Smith & Dent (2004). Bien que l’approche développée ci-dessus soit quelque peu simpliste, elle permet de comprendre le phénomène Raman à la fois d’un point de vue électromagnétique (changement de la polarisabilité de la molécule sous l’action du faisceau) et d’un point de vue particulaire (vibration des noyaux atomiques). Ces deux approches correspondent aux deux types de traitement proposés dans la littérature de l’effet Raman : les traitements mécaniques et quantiques. On peut en effet utiliser l’approximation harmonique pour calculer par exemple la fréquence vibratoire théorique d’une molécule diatomique. Considérons deux atomes a et b de masses respectives ma et mb , reliés par un ressort ayant une constante de force K. 89 3 Méthodes expérimentales L’énergie de cette molécule peut être divisée en énergies translationnelle, rotationnelle et vibrationnelle. En règle générale, nous avons pour une molécule composé de N atomes 3 degrés de liberté pour l’énergie translationnelle (trois axes à 90° les uns des autres), 3 degrés de liberté pour l’énergie rotationnelle, et donc 3N − 6 degrés de libertés pour l’énergie vibrationnelle. Dans le cas particulier de notre molécule diatomique, nous n’avons que deux degrés de liberté rotationnelle, et donc 3 × 2 − 5 = 1 degré de liberté vibrationnelle. En effet, cette molécule va vibrer de façon symétrique, id est les deux atomes vont se déplacer l’un par rapport à l’autre le long d’une ligne les reliant en sens opposé. Soit ma et mb la masse des atomes composant la molécule AB, et µ la masse réduite de cette dernière. Celle-ci est égale à : µ= ma mb , (ma + mb ) (3.6) et, d’après la loi de Hooke, la fréquence de vibration ν va être égale à s K 1 ν = πc , 2 µ (3.7) avec c la vitesse de la lumière. D’après l’équation 3.7, plus l’atome sera léger, plus sa fréquence de vibration sera élevée. Par exemple, et comme nous le verrons dans les chapitres suivants, la vibration d’étirement Si-O est comprise dans la gamme de nombre d’ondes 800 − 1300 cm−1 dans un verre silicaté, alors que celle de la liaison H-O est aux alentours de 3600 cm−1 (voir l’équation 3.10 pour la conversion nombre d’onde / fréquence). Pour des molécules polyatomiques, le calcul des fréquences de vibration est bien sûr plus compliqué. La loi de Hooke permet cependant une première approche simple mais efficace pour comprendre au premier ordre les spectres Raman de la matière amorphe. Pour traiter le cas des molécules polyatomiques, et notamment celui du tétraèdre SiO4 qui est la molécule fondamentale des verres silicatés et aluminosilicatés, quelques principes de bases vont être introduits ci-dessous. Tout d’abord, comme la spectrométrie Raman fait appel à une variation de la polarisabilité des molécules, seuls les modes vibrationnels symétriques sont actifs dans l’effet Raman dans le cas des molécules centrosymétriques comme le tétraèdre SiO4 . Les modes de vibrations asymétriques, engendrant un changement du moment dipolaire et non de la polarisabilité de ces molécules centrosymétriques, seront inactifs en Raman, et à contrario actifs en spectroscopie Infrarouge. Pour avoir une information sur les modes de vibrations des molécules polyatomiques possédant un centre de symétrie, la théorie des groupes peut être utilisée (pour plus de détails voir le chapitre 3 de Smith & Dent, 2004 et les références citées dedans). L’étude des modes actifs et inactifs en Raman et Infrarouge conduit par ailleurs à la règle d’exclusion mutuelle : une vibration dans une molécule possédant un centre de symétrie peut être active soit en spectroscopie Raman OU soit en spectroscopie Infrarouge, mais ne peut pas être active dans les deux cas. La spectroscopie Raman va être de plus relativement sensible au degré de dépolarisation (depolarisation ratio dans la littérature anglo-saxonne), qui peut être mesuré en effectuant des spectres en polarisation parallèle (VV) et perpendiculaire (VH) en utilisant un jeu de polariseur le long du trajet du laser (voir Long, 1977; Smith & Dent, 2004 pour plus de détails). En effet, certains modes vibrationnels ne sont pas totalement symétriques, et des variations d’intensité 90 3.6 La spectroscopie Raman sont alors observées en fonction du mode d’observation VV ou VH . Dans les verres silicatés, nous verrons plus tard que localement (id est dans une gamme de fréquence faible, ∼200 cm−1 ) les effets de polarisation ne jouent pas. Seules de grosses différences d’intensité au niveau de la partie 300-700 cm−1 , correspondant à des vibrations de torsion des liaisons intertétraédriques, sont observées. Lors de l’acquisition des spectres effectués pendant cette thèse, aucun polariseur/analyseur n’a été utilisé et tous les spectres présentés sont « dépolarisés ». Pour pouvoir comparer les spectres Raman entre eux, et qu’ils soient représentatifs de la densité d’état vibrationnel d’une molécule, nous verrons dans la partie suivante qu’une normalisation préalable a besoin d’être effectuée. Nous allons introduire ci-dessous quelques éléments pré-requis pour mieux comprendre cette normalisation. Pour ceci, nous allons utilisé la théorie de la diffusion de la lumière basée sur la mécanique quantique et le traitement électromagnétique de la lumière. Considérons une onde monochromatique incidente ayant un nombre d’onde ωo et arrivant avec une intensité Io dans un volume Vo d’un verre. L’intensité Raman résultant de l’irradiation de la matière est donnée par l’expression de Kramer Heisenberg Dirac (Smith & Dent, 2004) : I = CIo α2 ω4o , (3.8) où C représente un jeu de constante (vitesse de la lumière), α la polarisabilité des électrons de la molécule et ωo le nombre d’ondes de l’onde électromagnétique incidente, qui peut être relié à sa fréquence 2 νo et sa longueur d’onde λ d’après les relations suivantes : νo = c/λ, (3.9) ωo = νo /c = 1/λ. (3.10) D’après la relation 3.8, l’intensité d’une bande Raman va être fortement fonction de la longueur d’onde du laser. Nous voyons d’ores et déjà que pour comparer des spectres acquis avec des faisceaux laser ayant des longueurs d’onde différentes, l’utilisateur devra corriger I de la fréquence excitatrice. De plus, on observe ici que la polarisabilité de la molécule va jouer un rôle important : c’est un tenseur qui va être fonction des trois directions x, y, z de l’espace, mais aussi de la polarisation du faisceau laser incident (voir Long, 1977 et Smith & Dent, 2004 pour plus de détails). Pour un ensemble de N molécules orientées aléatoirement (donc pour le cas des silicates fondus et vitreux), lorsqu’un spectre est effectué à la température ambiante, la plupart des molécules seront proches de l’état fondamental (m dans la figure 3.8). Néanmoins, une petite partie peut être dans un état excité comme nous l’avons vu. D’après la mécanique quantique, une radiation lumineuse est émise (ou absorbée) par une molécule suite à une transition du système vers le haut ou le bas entre deux niveaux énergétiques discrets. La radiation est elle aussi traitée de façon discrète, puisque son énergie est quantifiée par les photons. 2. On remarquera que, dans beaucoup de publications traitant de la spectroscopie Raman, on parle directement de la fréquence d’une bande pour en réalité désigner son nombre d’ondes. Bien que ceci soit un abus de langage, cela n’a aucun impact sur le raisonnement car les nombres d’ondes et fréquences ne sont séparés que par le facteur de proportionalité 1/c. Il pourra donc arriver dans cette thèse que nous parlions de la fréquence d’une bande dans le texte, mais au sens strict nous devrions uniquement parler de son nombre d’ondes. 91 3 Méthodes expérimentales Considérons maintenant l’état vibrationnel fondamental vki = 0 à la température T de mesure d’un spectre. La plupart des molécules de l’ensemble N sera dans cet état. Néanmoins, d’autres molécules seront dans des états d’énergie supérieurs (vki = 1, 2, etc.). D’après l’approximation harmonique, les transitions de 0 → 1, de 1 → 2 et de 2 → 3 (etc.) donneront des vibrations au même nombre d’onde. Il résulte de ce fait que des spectres effectués à différentes températures n’échantillonneront pas la même population d’états vibrationnels. Il faudra donc tenir compte de ce phénomène à l’aide de la loi de distribution de Boltzmann. D’après Long (1977), on peut écrire pour ceci : N X (νik + 1)f (νik ) = N/(1– exp(−hcωk /kT )), i (3.11) avec ωk le nombre d’onde du k-th mode vibrationnel, f (vki ) la fraction de molécules dans l’état vki , h la constante de Planck, c la vitesse de la lumière, k la constante de Boltzmann et T la température en Kelvin. L’équation 3.11 traduit simplement le fait que les modes vibrationnels « échantillonnés » sont répartis en fonction d’une statistique de Maxwell-Boltzmann en fonction de la température. D’après les équations 3.11 et 3.8, il faut corriger le signal Raman des effets de températures et de fréquence excitatrice pour pouvoir comparer des spectres acquis dans des conditions T /ωo différentes, mais aussi pour pouvoir comparer ces spectres à la densité d’état vibrationnelle (Shuker & Gammon, 1970; Long, 1977; Galeener & Sen, 1978). Dans la littérature, plusieurs formes mathématiques de correction sont proposées (voir par exemple Shuker & Gammon, 1970; Galeener & Sen, 1978; Mysen et al. , 1982; Seifert et al. , 1982; McMillan et al. , 1994; Neuville & Mysen, 1996; Hehlen, 2010). Ces formes quelque peu différentes corrigent toujours le spectre du facteur d’occupation de Bose et de la fréquence excitatrice. En ce sens, on pourra corriger l’intensité d’un spectre Raman à l’aide de la correction introduite par Shuker et Gammon (1970) et Long (1977) et formalisée par Galeener et Sen (1978) (voir aussi Neuville & Mysen, 1996) : Irs = I × 19435.13 × ωk × (1– exp(−hcωk /kT )), (ωo − ωk )4 (3.12) avec 19435.1 cm−1 le nombre d’ondes ωo du laser vert incident de longueur d’ondes 514.532 nm, utilisé comme facteur d’adimentionnement, et I l’intensité Raman mesurée au nombre d’ondes ωk . Cette correction, attribuée à Long (1977) dans la littérature (voir par exemple Mysen et al. , 1982 ou Neuville & Mysen, 1996), pourra par la suite être appelée correction de Long et réfèrera à l’équation 3.12. Nous présenterons au cours des chapitres suivants préférentiellement les spectres non corrigés (spectres bruts) pour éviter toute dénaturalisation du signal brut, mais les déconvolutions et calculs d’aires seront effectués sur des spectres corrigés avec l’équation 3.12 et normalisés. En plus de sa dépendance à Io , l’intensité Raman mesurée I est fonction du nombre de molécules présentes dans le volume d’analyse (Long, 1977). La spectrométrie Raman peut donc être utilisée pour mesurer la concentration d’une molécule dans l’approximation qu’aucun effet intermoléculaire n’engendre une déviation de la linéarité entre l’intensité I émise par une population de molécules identiques N . Un spectre brut (non corrigé avec l’équation 3.12) peut donc servir à mesurer des concentrations par le biais de calibrations, mais il n’est néanmoins pas directement comparable à la densité d’état vibrationnel Raman. On préférera donc utiliser les spectres corrigés à l’aide de l’équation 92 3.6 La spectroscopie Raman 3.12 avant toute calibration dans le but de mesurer des concentrations. De plus, pour quantifier l’eau des verres aluminosilicatés par exemple, nous avons travaillé en utilisant une référence interne (id est une bande ou une région du spectre). L’élaboration de calibrations basées sur un référentiel interne semble permettre d’éviter tout effet relatif à la taille du volume sondé et à la densité du matériau, et donc de ne pas prendre en compte le nombre de molécules N lors du traitement spectral. Dans le cas où quelqu’un aurait besoin de travailler en absolu, l’introduction dans l’équation 3.12 de termes de volume sondé et de densité de la matière analysée permettra de prendre en compte le nombre de molécules N (voir par exemple Hehlen, 2010). 3.6.2 À propos des modes de vibration dans les silicates fondus et vitreux Les principales molécules donnant un signal Raman dans les verres silicatés ou aluminosilicatés sont les tétraèdres T O4 , avec T = Si, Al. Bien que l’introduction de cations alcalins ou alcalinoterreux perturbe l’organisation des unités T O4 , ce sont toujours leur signal qui va prédominer sur les spectres Raman des verres étudiés. Prenons un exemple assez simple : le verre libyen, essentiellement constitué de SiO2 (Barrat et al. , 1997). On distingue dans le spectre 3 Raman brut de ce verre plusieurs pics (Fig. 3.9). Sept pics (ou bandes) sont situés aux alentours de 65, 434, 490, 606, 797, 971, 1063 et 1191 cm−1 . Ils correspondent à des vibrations des liaisons Si-O-Si (intertétraédriques), et des liaisons Si-O (intratétraédriques) dans les tétraèdres SiO4 . La première bande est appelée couramment le pic Boson. Ce pic est propre à la matière amorphe et donc observable dans tous les verres (Malinovsky & Sokolov, 1986). On l’observe aussi grâce à la spectroscopie Hyper-Raman (Hehlen et al. , 2000) et à la diffusion de neutron (Bucheneau et al. , 1986). C’est un pic représentant une anomalie vibrationnelle à basse énergie dans les verres. Cette anomalie est aussi visible au niveau des capacités calorifiques à très basses températures (quelques K, de Ligny & Westrum, 1996; Champagnon et al. , 1998; Richet, 2009). D’après Hehlen et al. (2000; 2002 ; voir aussi Courtens et al. , 2001), ce pic ne résulte pas de modes vibrationnels acoustiques, mais provient de modes optiques impliquant une oscillation de rotation des tétraèdres SiO4 le long des arrangements tétraédriques du réseau (voir Fig. 3.9). Trois pics sont observés entre 400 et 700 cm−1 , et contribuent fortement au spectre Raman du verre libyen. Les bandes dans cette région spectrale sont attribuées dans le verre de silice à des vibrations d’anneaux contenant trois, quatre, cinq, six, et plus, tétraèdres présents dans le réseau silicaté (Fig. 3.9 ; Sharma et al. , 1981; McMillan & Piriou, 1982; Galeener, 1982a,b; Galeener et al. , 1984; Seifert et al. , 1982; Sharma et al. , 1985; McMillan et al. , 1992, 1994; Pasquarello & Car, 1998; Pasquarello, 2001; Rahmani et al. , 2003; Umari & Pasquarello, 2002). Dans la silice pure, trois pics près de 450, 495 and 606 cm−1 sont visibles (voir par exemple Galeener, 1982b). Le premier pic vers 450 cm−1 (parfois appelé bande R) est attribué à un mouvement prédominant des atomes d’oxygènes impliqués dans les liaisons Si-O-Si, dans des anneaux à cinq, six – ou plus – tétraèdres (Sharma et al. , 1981; McMillan et al. , 1994; Kalampounias et al. , 2006). La seconde bande, proche de 485-490 cm−1 , est appelée la bande D1 . Elle est formée par un mouvement de respiration des atomes d’oxygènes (i.e. des mouvements des atomes d’oxygènes dans le plan Si-O-Si) dans des anneaux non plans composés 3. On remarquera sur la figure 3.9 que l’abscisse du spectre Raman n’est pas la valeur absolue du nombre d’ondes ωk des photons diffusés Raman, mais une valeur relative par rapport au nombre d’ondes ωo du laser incident, soit ωk − ωo . Ceci explique le fait que l’on trouve dans la littérature les termes de « déplacement Raman » sur l’abscisse des spectres. 93 3 Méthodes expérimentales D1 2 104 1,5 104 D2 1 104 T2s A1 T2b 5000 0 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 Nombre d'onde, cm-1 Figure 3.9: Spectre Raman d’un verre libyen. Les modes A1 , F2 , et T2 sont des modes vibrationnels du tétraèdre SiO4 d’après la théorie des groupes. 94 3.6 La spectroscopie Raman de quatre tétraèdres (Sharma et al. , 1981; Galeener, 1982a,b; Pasquarello & Car, 1998; Umari & Pasquarello, 2002; Rahmani et al. , 2003). La troisième bande, proche de 606 cm−1 , est quant à elle appelée la bande D2 et est attribuée au même processus que la D1 mais intervenant dans des anneaux à trois tétraèdres (Fig. 3.9 ; Galeener, 1982a,b; Galeener et al. , 1984; Pasquarello & Car, 1998; Umari & Pasquarello, 2002; Rahmani et al. , 2003). Ces bandes sont observées aussi dans les aluminosilicates d’alcalins ou d’alcalino-terreux vitreux ou fondus et reflètent la présence d’anneaux de tétraèdres (Sharma et al. , 1985). L’intensité des bandes D1 et D2 relativement forte (Fig. 3.9) ne doit pas être attribué à une concentration forte de ces anneaux dans les verres. En effet, les vibrations des anneaux à trois et quatre tétraèdres sont relativement découplées du reste du réseau (Galeener, 1982a,b), ceci expliquant la grande intensité des bandes malgré des concentrations de moins de 1 % (Umari et al. , 2003). Les évolutions observées de la fréquence et de l’intensité de ces bandes lors de l’ajout de NaAlO2 par exemple sont reliées aux changements des angles et des constantes de forces des liaisons T-O-T ainsi que des distances T-O, ces effets étant induits par la présence d’aluminium en substitution du silicium dans les tétraèdres T O4 et d’éléments non formateur de réseau (Taylor & Brown, 1979a; Galeener et al. , 1984; Sharma et al. , 1985). On pourra de plus retenir comme indication que les vibrations vers 400 cm−1 traduisent des angles T-O-T plus ouverts (grands) que les bandes vers 500 et 600 cm−1 (Sen & Thorpe, 1977; Galeener, 1979). Dans le modèle de force centrale limite de Sen & Thorpe (1977), les bandes vers 500 cm−1 correspondent aux modes de vibrations ω1 des liaisons T-O-T d’un réseau de tétraèdres interconnectés TO2 . La fréquence de vibration, comme précédemment soulignée, va être dépendante de l’angle intertétraédrique mais aussi de la constante de force de la liaison T-O-T. Trois autres modes sont présents dans ce modèles : les modes ω2 , ω3 et ω4 . Le mode ω4 correspond à la bande observée au alentour de 1200 cm−1 sur la figure 3.9. C’est un mode de stretching purement symétrique A1 des tétraèdres TO4 (Sen & Thorpe, 1977; Galeener, 1979; Sarnthein et al. , 1997; Courtens et al. , 2001; Spiekermann et al. , 2012). Ce mode est très utilisé pour étudier les aluminosilicates et les silicates vitreux et fondus. En effet, ce mode est affecté par le nombre de BO que portent les tétraèdres TO2 (voir Furukawa et al. , 1981 et références citées). Dans la silice pure, cette bande représente par exemple la vibration des tétraèdres SiO2 en espèces Q4 . Elle est en réalité constitué de deux gaussiennes, qui pourraient représenter la contribution d’espèces Q4 dans deux environnements T-O-T présentant des angles intertétraédriques et des constantes de forces différentes (Seifert et al. , 1982; Neuville & Mysen, 1996). Rappelons que cette théorie de deux environnements Q4 interconnectés a été introduite par Vuckevitch (1972) pour expliquer les variations de certaines propriétés physiques de la silice en fonction de la température et de la pression. L’introduction de deux environnements interconnectés, présentant de petites différences d’angles T-O-T, pouvait alors expliquer la distribution d’angles T-O-T asymétrique mesurée dans le verre de silice à partir de la diffraction des rayons X par Mozzi & Warren (1969) par exemple, ou même l’observation de deux types de clusters différents dans le verre de silice par la microscopie électronique en transmission (Gaskell & Mistry, 1979 ; voir aussi la revue de Mysen, 1988). Bien que certaines études récentes par la RMN tendent à montrer que la distribution des angles T-O-T est plutôt symétrique dans la silice (voir par exemple Clark et al. , 2004, excluant ainsi la présence de deux environnements Q4 , la plupart des simulations et expériences sont en accord avec une distribution assez large et légèrement asymétrique 95 3 Méthodes expérimentales 100 80 Q4,II 60 40 T2b 20 Q4,I 0 900 1000 1100 1200 1300 Nombre d'ondes, cm-1 (a) 100 NS3 - NA75.00 80 60 Q3 40 Q4 II 20 Q2 T2s Q4 I 0 900 1000 1100 1200 Nombre d'ondes, cm-1 1300 (b) Figure 3.10: Région 850-1300 cm−1 des spectres Raman corrigés de Long et normalisés de a) un verre d’albite NaAlSi3 O8 et b) un verre de trisilicate de sodium (NA75.00, 75 mol % SiO2 , 25 mol % Na2 O). Le signal global (en noir) est reproduit à l’aide de la convolution des différents signaux A1 des espèces Qn et du signal T2s (voir texte). 96 3.6 La spectroscopie Raman de l’angle T-O-T moyen dans la silice, présentant un petit excès à petit angle (voir par exemple Yuan & Cormack, 2003; Tucker et al. , 2005; Malfait et al. , 2008). Dans les tectosilicates de sodium par exemple, on retrouve toujours la vibration de deux environnements Q4 (Fig. 3.10a). Le rapport des deux contributions Q4,I et Q4,II semble donner des informations quant à la structure du réseau et à ses propriétés (Seifert et al. , 1982; Neuville & Mysen, 1996). Lors de la dépolymérisation du réseau par l’ajout d’un modificateur de réseau par exemple, les études de Brawer & White (1975; 1977), Furukawa et al. (1981), Virgo et al . (1980) ou encore Mysen et al. (Mysen et al. , 1982) ont montré que la fréquence des modes A1 de vibration des unités Qn évolue en fonction de n. Les signaux des unités Q3 , Q2 , Q1 sont observés aux alentours de 1100, 970 et 910 cm−1 respectivement (Figure 3.10b ; Brawer & White, 1975, 1977; Virgo et al. , 1980; Furukawa et al. , 1981; Mysen et al. , 1982; McMillan, 1984). Ils se convoluent pour former une bande globale. L’étude de cette bande globale va donc nous apporter des informations très utiles quant à la distribution des espèces Qn dans un verre (Mysen et al. , 1982; Seifert et al. , 1982; McMillan, 1984; Neuville & Mysen, 1996; Mysen et al. , 2003; Neuville et al. , 2004a; Neuville, 2006; Neuville et al. , 2008a). Sur les figures 3.10a et 3.10b, on observe une bande présente aux alentours de 1000-1050 cm−1 . Celle-ci est observée vers 1060 cm−1 très clairement dans les verres de silice ou très riche en silice (Fig. 3.9). Elle est aussi présente dans les aluminosilicates, où par exemple sur le spectre du verre d’albite elle représente juste un épaulement vers 1000 cm−1 (Fig. 3.10a). Elle est aussi visible après la déconvolution du spectre sur les verres de silicate comme le montre la figure 3.10b. Cette bande a été parfois attribuée aux effets optiques transverses (TO) et longitudinaux (LO), qui sont observés en spectroscopie Infrarouge et Hyper-Raman. Cependant, les travaux de Denisov et al. (1984) ont montré que les effets TO/LO n’étaient pas actifs lorsque les silicates amorphes sont observés par la spectroscopie Raman normal. Cette bande a ensuite été attribuée à des vibrations d’étirement T-O où l’oxygène n’est pas pontant et est affecté par la présence d’un élément métallique (Na+ ou Ca2+ par exemple ; Fukumi et al. , 1990; McMillan et al. , 1992). Néanmoins, cette bande est observée dans de la silice très pure, et dans quasiment tous les verres aluminosilicatés quelque soient leurs compositions (Mysen et al. , 1982; McMillan, 1984; Neuville & Mysen, 1996). Il ne semble donc pas que la proposition faite auparavant ne convienne. Cela a donc amené Mysen et al. (Mysen et al. , 1982, 2003) par exemple à conclure que cette bande proviendrait d’une vibration d’oxygènes pontants du tétraèdre SiO4 , non affectée par l’état de polymérisation du tétraèdre (i.e. il pourrait être Q1 , Q2 , Q3 , Q4 sans que cela affecte outre mesure la vibration). Bien qu’étant plus adéquate au vu des données, cette hypothèse n’est pas satisfaisante ni significative en soit. Ceci nous a amené à considérer les vibrations possibles dans le tétraèdre SiO4 d’après la théorie des groupes. Dans ce cadre théorique, le tétraèdre correspond à une symétrie dite Td (Taraskin & Elliott, 1997; Dresselhaus et al. , 2010). Celle-ci comporte quatre modes différents de vibrations : un mode A1 (que nous avons relié à la bande à 1200 cm−1 précédemment, voir figures 3.9et 3.10a), un mode E, et deux modes T2 (voir Dresselhaus et al. , 2010; Spiekermann et al. , 2012). Sarnthein et al. (1997) ont démontré notamment que la partie haute fréquence de la densité d’état neutronique du verre de silice n’est pas affectée par un éventuel effet TO/LO. Or, celle-ci, qu’elle soit calculée ou mesurée (voir Sarnthein et al. , 1997; Taraskin & Elliott, 1997), présente deux pics à hautes énergies (hautes fréquences donc). Ces deux pics représentent le mode symétrique de vibration 97 3 Méthodes expérimentales d’étirement A1 et le mode asymétrique de vibration d’étirement T2 (que l’on nommera 4 par la suite T2s ; Sarnthein et al. , 1997; Taraskin & Elliott, 1997; Pasquarello et al. , 1998). Les fréquences des pics observés sur la densité d’états vibrationnelsVDOS ou sur les spectres de diffusions de neutron correspondent à celles observées en spectroscopie Raman. Si l’on regarde notamment les données de Taraskin et Elliott (1997), les deux pics sont à des fréquences proches de 32 et 36 THz, soit 1067 et 1200 cm−1 . De plus, si l’on compare les spectres (voir figure 8 de Courtens et al. , 2001) ceci est encore bien visible. Or, les deux modes A1 et T2s sont tous deux actifs en spectroscopie Raman (Dresselhaus et al. , 2010). Ceci nous amène donc à conclure que la bande vers 1060 cm−1 visible sur les spectres Raman des figures 3.9 , 3.10a et 3.10b représente la vibration T2s des tétraèdres TO4 , présente dans les VDOS observées par diffusion de neutron ou calculées par dynamique moléculaire. La présence de cette vibration à une fréquence relativement constante, aux alentours de 1000-1050 cm−1 , dans des verres contenant des unités Q2 , Q3 ou Q4 par exemple en différentes proportions indique que le mode de vibration T2s n’est que peu affecté par la présence d’oxygènes non pontants sur les TO4 . Ceci est confirmé par le travail récent de Spiekermann et al. (2012). En étudiant les modes vibratoires du tétraèdre SiO4 dans des silicates de magnésium à l’aide de la dynamique moléculaire ab initio, ces-derniers ont montré que les fréquences du mode vibratoire T2s (ν3 dans leur article) des unités Q2 , Q3 et Q4 sont très proches, et qu’une diminution de la fréquence d’une vingtaine de cm−1 est observée entre les unités Q2 et Q1 . L’espèce Q0 donne un signal T2s à la même fréquence que l’espèce Q1 . Leur étude montre en revanche un fort déplacement des fréquences des modes de vibrations A1 des unités Qn en fonction de leur nombre n de BO, confirmant ainsi les études effectuées depuis le milieu des années 70 (Brawer & White, 1975, 1977; Virgo et al. , 1980; Furukawa et al. , 1981; Mysen et al. , 1982; McMillan, 1984). Il est maintenant intéressant de regarder de plus près les calculs de Taraskin et Elliott (1997). En effet, ils mettent en évidence l’existence de deux modes triple dégénérés F (ou T selon la notation adopté ici). Le premier est le F2s (donc T2s d’après notre notation) dont nous venons de parler et le second est le mode F2b . D’après ce que nous avons vu, celui-ci correspond dans notre notation au deuxième mode de vibration T2 . C’est un mode de flexion (bending), que nous nommerons par la suite T2b . Ce mode intervient principalement à une fréquence proche de 23-24 THz, soit 760 à 800 cm−1 environ en nombre d’ondes, dans la VDOS (Taraskin & Elliott, 1997). Or, Sen & Thorpe (1977) ont attribué le mode triple dégénéré de bending T2b à la bande à 800 cm−1 observable sur le spectre Raman de la silice pure (nommé dans leur article mode F2 , voir aussi Galeener, 1979). Il semble donc que la bande observée à 797 cm−1 sur le spectre Raman du verre libyen (Fig. 3.9) est due au mode de vibration triple dégénéré T2b des tétraèdres SiO4 . Cette bande est aussi présente clairement dans les aluminosilicates et les silicates, et peut donc être attribuée dans ces produits au même mode de vibration des unités tétraédriques. Il est cependant intéressant de remarquer qu’elle présente un petit épaulement à une fréquence proche de 820 cm−1 qui n’est pas toujours relaté dans la littérature (Kalampounias et al. , 2006). Cet épaulement est observé sur le spectre Raman de la silice pure, mais aussi dans certains spectres Raman d’aluminosilicates, et reflète la présence de deux contributions au minimum intervenant dans la bande à 797 cm−1 (Seifert et al. , 1982). Ces deux contributions 4. Ce mode T2 est aussi nommé F2 dans certains papiers ou livres, comme par exemple Sen & Thorpe, 1977 ou Taraskin & Elliott, 1997. 98 3.6 La spectroscopie Raman pourraient correspondre aux espèces Q4,II et Q4,I discutées auparavant (Seifert et al. , 1982; Neuville & Mysen, 1996; Kalampounias et al. , 2006). 3.6.3 Acquisition et traitement des spectres i) Dispositif expérimental Les spectres Raman des produits étudiés ont été acquis avec un spectromètre T64000 de marque Jobin-Yvon® . Un laser Coherent® 70-C5Ar+ a été utilisé à une longueur d’onde de 514.532 nm pour exciter les échantillons. La puissance d’utilisation a été réglée selon les conditions expérimentales voulues : elle varie typiquement de 1 à 3 W. L’onde électromagnétique sortant du laser est ensuite filtrée par un LaserSpec III de SPECTROLAB pour avoir une longueur d’onde de 514.532 nm, puis passe par un premier trou confocal à ouverture fixe (Fig. 3.11a). Le faisceau est focalisé sur l’échantillon à travers l’objectif du microscope (x100 avec l’Olympus, ou x50 avec l’objectif Mitutoyo sur le système d’analyse déporté horizontal). L’intensité du faisceau sur l’échantillon est environ 15 fois inférieure à celle de sortie du laser : pour une puissance de 2W, l’échantillon reçoit une puissance d’environ 100 à 150 mW. Cette valeur peut être contrôlée en diminuant la puissance sortant du laser, ou en utilisant des filtres de densité placés sur le chemin du laser avant son passage dans le premier trou confocal (Fig. 3.11a). L’interaction avec l’échantillon va donner un signal Raman (faisceau rétrodiffusé) qui va être recueilli et dirigé vers le spectromètre par le biais de la lame séparatrice (Fig. 3.11a). Pour éviter tout phénomène de polarisation du faisceau entre le laser et le prémonochromateur (voir Smith & Dent, 2004), une lame demi-onde est placée entre la lame séparatrice et le second trou confocal. Celui-ci est à ouverture variable, et permet d’analyser une zone plus ou moins grande selon son réglage (Fig. 3.11a). Par exemple, avec une ouverture à 100 μm et en utilisant l’objectif x100 du microscope Olympus, la surface de la zone analysée est d’environ 1.2 μm2 (donnée constructeur). La taille du volume analysé va dépendre de la longueur d’onde du laser utilisé et du coefficient d’absorption de l’échantillon. Le faisceau rétrodiffusé est redirigé sur le prémonochromateur et le spectromètre par un jeu de miroirs et de fentes, permettant de le diffracter et de le re-focaliser sur le détecteur (Fig. 3.11b). Celui-ci est une caméra CCD (charge-coupled detector) de 1024 pixels refroidie à -138°C. Elle récupère le signal Raman et le convertit en un spectre I = f (ω). Tous les spectres Raman collectés au cours de cette thèse ont été acquis à l’aide du prémonochromateur, en mode triple soustractif. Ceci nous permet d’avoir un signal jusqu’en dessous de 20 cm−1 , et d’observer le pic Boson. Les conditions d’acquisition telles le temps, le nombre de répétitions et le recouvrement 5 des fenêtres spectrales ont été ajustées aux contraintes expérimentales (analyses rapides en température, ou lentes sur des verres à température ambiante par exemple) et à l’intensité du signal émis par la zone étudiée. L’ouverture du trou confocal a été réglée selon la taille de la zone analysée voulue. Le faisceau a été 5. Il n’est pas possible d’acquérir un spectre Raman en une seule fois. En effet, le détecteur CCD contient 1024 pixels, qui couvrent en mode triple soustractif une région spectrale d’environ 500 à 600 cm−1 (cette valeur est fonction de la gamme de nombres d’ondes étudiés). Pour acquérir un spectre de 20 à 1500 cm−1 , voire 3000 cm−1 , il faut donc déplacer les réseaux afin de sélectionner la fenêtre spectrale étudiée. Lors de ce processus, on choisit une zone de recouvrement entre la fenêtre qui vient d’être étudiée et celle qui va être acquise afin d’avoir un signal continu. Ceci permet aussi de corriger d’éventuels effets de décalage d’intensité (très faibles) entre les fenêtres étudiées. 99 3 Méthodes expérimentales (a) (b) Figure 3.11: a) Schéma du dispositif de focalisation du faisceau laser sur l’échantillon. b) Schéma du spectromètre Raman triple soustractif T64000 Jobin-Yvon® . 100 3.6 La spectroscopie Raman focalisé en profondeur à l’aide du microscope au maximum d’intensité Raman. Ceci correspond à une profondeur allant de 5 à 10 μm sous la surface (Behrens et al. , 2006; Le Losq et al. , 2012, voir chapitre 8). Lors des acquisitions effectuées sur des échantillons contenant du fer, l’absorption du laser par l’échantillon peut créer un échauffement local. Pour éviter ce phénomène, la puissance du laser a été réduite pour éviter tout endommagement de l’échantillon : la puissance reçue par l’échantillon était d’environ 10 à 20 mW. Dans le cas de l’acquisition de spectre de verre hydraté, et donc de la partie 2800-4000 cm−1 où les vibrations d’étirement des groupements OH sont observées, le recouvrement des fenêtres spectrales a été réglé à 550 pixels (soit un peu plus de la moitié du détecteur CCD), afin d’éviter tout effet de bord de fenêtre spectrale pouvant intervenir à haute fréquence. Lors de l’acquisition de la partie silicatée (20-1500 cm−1 ) uniquement, le recouvrement des fenêtres spectrale a été réglé à 300 pixels. Pour limiter au maximum tout phénomène de fluorescence dû à la présence de groupements OH adsorbés à la surface de l’échantillon et à l’état de celle-ci (Jeziorowski & Knözinger, 1977), tous les spectres Raman ont été acquis sur des cassures fraîches préalablement nettoyées à l’éthanol. ii) pré-traitement des spectres Une fois acquis, le spectre est récupéré dans un fichier deux colonnes [I ; nombre de coups]. Il peut alors directement être utilisé pour comparer par exemple le pic Boson (voir figure 3.9) avec d’autres spectres effectués dans les mêmes conditions d’acquisition (même puissance laser et même temps de comptage) ou normalisés. Pour effectuer d’autres comparaisons et déconvoluer les spectres, il est tout d’abord nécessaire de corriger le spectre des effets de température et de fréquence excitatrice à l’aide de l’équation 3.12. Les figures 3.12 et 3.12 montrent les spectres bruts et corrigés avec l’équation 3.12 d’un verre d’albite. Les spectres corrigés à l’aide de l’équation 3.12 ont ensuite besoin d’être normalisés pour pouvoir être comparés, ceci afin de s’affranchir de conditions d’acquisition différentes ou de la chimie différente des produits analysés. De plus, le fond spectral, qui est fonction de l’état de surface de l’échantillon (présence d’OH liés, structure de la surface...) et du dispositif d’acquisition, doit être soustrait du spectre (voir Figure 3.12). La façon dont le fond spectral est soustrait du spectre peut influencer fortement les résultats obtenus. Pour étudier une série de produits, il est nécessaire d’établir un protocole rigoureux, qui sera appliqué de la même façon à tous les spectres. Pour définir et soustraire le fond des spectres, l’algorithme GCV décrit dans Woltring (1986) a été implémenté en PASCAL. Il permet de modéliser le fond spectral en utilisant une fonction spline cubique. Il est difficile de définir exactement les zones représentant uniquement le fond spectral provenant de la fluorescence de l’échantillon à partir de l’observation d’un spectre Raman. En effet, une seconde contribution provient du chevauchement des modes de vibrations, dont la distribution gaussienne est large dans les verres. On remarque cependant que les spectres des verres d’aluminosilicates d’alcalins anhydres étudiés au cours de cette thèse présentent des zones dépourvues de signal entre 15 et 150 cm−1 , vers 850 et entre 1300 et 1500 cm−1 (Fig. 3.12). Nous avons donc contraint le spline cubique à passer par ces zones, comme montré sur la figure 3.13. L’algorithme GCV pondère les données des zones d’intérêt par les erreurs (avec un facteur de lissage définit par l’utilisateur) et calcule les tangentes dans les zones d’intérêt. Cela permet de contraindre 101 3 Méthodes expérimentales 2.5 104 1.2 Verre d'albite Verre d'albite 1 2 104 0.8 1.5 104 0.6 1 104 0.4 5000 0.2 0 0 0 500 1000 Nombre d'onde, 1500 cm-1 (a) 0 500 1000 Nombre d'onde, 1500 cm-1 (b) Figure 3.12: Spectre Raman brut (a) et corrigé avec l’équation 3.12 (b) d’un verre d’albite anhydre, acquis en 3×240 secondes, avec environ 120 mW de puissance incidente sur l’échantillon. Les erreurs de comptage sont représentées en rouge, et sont presque invisibles sur la figure (voir texte pour explications). la ligne de base. Celle-ci est soustraite ensuite du spectre pour obtenir le spectre final (Fig. 3.13). On obtient alors un spectre dont les intensités sont à normaliser. Pour se faire, il est possible de procéder de différentes manières. Comme les informations de déconvolution de la bande entre 850 et 1300 cm−1 sont regardées de façon relative, on peut alors normaliser l’intensité des spectres à la valeur maximum de la bande à 1100 cm−1 par exemple. Ceci donne l’avantage de manipuler des fractions par rapport à 1 (ou à 100 si l’on travail en %) lorsque les résultats sont interprétés. Ce type de normalisation est utile pour l’étude des différentes bandes des espèces Qn , mais n’est pas valable pour comparer les bandes de l’eau et les bandes silicatées dans le spectre Raman d’un verre hydraté par exemple. Nous verrons que dans ce cas nous avons eu recours à une normalisation à l’aire de la partie silicatée dans les paragraphes suivants. iii) Traitement permettant la quantification de l’eau Avant d’aborder la normalisation des spectres Raman des verres hydratés, il est nécessaire de revenir sur la définition du fond spectral. En effet, pour comparer des gammes spectrales étendues et notamment quantifier la proportion d’une molécule particulière (H2 O par exemple, ou CO2 ) dans des verres, le protocole décrit ci-dessus ne convient pas. Il ne prend pas en compte l’existence d’une petite zone situé vers 640-670 cm−1 séparant la bande à 500 cm−1 de la bande à 800 cm−1 (Fig. 3.14). Cette zone n’est pas strictement dépourvue de signal, puisqu’elle représente un minimum entre les bandes à 570 et vers 700-800 cm−1 se chevauchant. Néanmoins, d’après les tests menés au cours de cette thèse, il semble que ne pas prendre en compte cette zone amène à sous-estimer l’importance du fond spectral sous la bande à 500 cm−1 . La figure 3.14 montre de plus que les zones séparant les pics Raman changent de 102 3.6 La spectroscopie Raman 1.2 Verre d'albite 1 0.8 0.6 0.4 0.2 Fond spectral 0 0 500 1000 1500 Nombre d'onde, cm-1 1 0.8 0.6 0.4 0.2 0 0 500 1000 1500 Nombre d'onde, cm-1 Figure 3.13: Spectres Raman du verre d’albite (en noir) et fond spectral (ou aussi nommé ligne de base). Le fond spectral sur le spectre du haut est soustrait au spectre en noir pour obtenir le spectre du bas. Il est modélisé par un spline cubique (algorithme GCV de Woltring [1986]), contraint par les tangentes des zones 15-150, 850-870 et 1300-1500 cm−1 . Les données sont pondérées par les erreurs de comptage lors de l’ajustement du spline. 103 3 Méthodes expérimentales Intensité, u.a. V. haplogranite V. albite V. dacite V. andésite V. basalte 1 V. basalte 2 200 400 600 800 1000 Nombre d’onde, cm 1200 1400 -1 Figure 3.14: a) Spectres Raman de 6 verres (V.) différents d’haplogranite, d’albite, de dacite, d’andésite, et de basaltes (1 et 2) (voir Le Losq et al. , 2012 pour les compositions chimiques). Sur les spectres, on observe des zones situées vers 640-670 et 800-850 cm−1 dépourvues de signal séparant les pics Raman. Ces zones évoluent vers des fréquences plus basses en diminuant le taux de silice (i.e. en diminuant la polymérisation du produit, plus forte pour le verre rhyolitique que pour les verres basaltiques). D’après Le Losq et al. , 2012 ; voir chapitre 8. position lorsque la chimie du produit change. La zone vers 640 cm−1 semble avoir une importance forte pour les produits dépolymérisés par exemple. Il est donc nécessaire de la prendre en compte dans la soustraction du fond spectral si l’on veut comparer cette portion spectrale à la bande des OH, située vers 3600 cm−1 . La calibration présentée au chapitre 8 est basée sur le rapport Rw/s de l’aire Aw du pic de l’eau à 3600 cm−1 sur l’aire totale As des pics du réseau silicaté, calculée entre 15 et 1500 cm−1 . Behrens et al. (2006) ont montré que ce rapport est corrélé à la teneur en eau des verres. Leur protocole utilise un fond spectral défini uniquement entre le début et la fin de la zone silicatée, et ne prend pas en compte d’éventuels changements et évolutions dans la partie intermédiaire (vers 600-900 cm−1 ; Fig. 3.16a). Ceci les a mené à une calibration finale dépendante de la chimie du produit étudié. La prise en compte des zones intermédiaires séparant les pics Raman, situées vers 640-670 et 800-850 cm−1 , permet d’obtenir une calibration finale unique, indépendante de la chimie du produit étudié (Fig. 3.14 et 3.15 ; voir Le Losq & Neuville, 2010 et Le Losq et al. , 2012, chapitre 8). La figure 3.15 montre la prise en compte de ces zones à l’aide de la fonction spline cubique. Comme la position de ces zones se déplace légèrement lorsque la chimie du produit évolue (Fig. 3.14), ceci doit être pris en compte lors du calcul du fond spectral (Fig. 3.15). On observe un déplacement des zones vers de plus basses fréquences lorsque la polymérisation du produit diminue (i.e. lorsque la teneur en 104 3.6 La spectroscopie Raman 0,3 1 0,2 0,8 0,1 0,6 0,4 0 0 200 400 0,2 600 800 1000 1200 1400 Basalt β 0 0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 Wavenumber, cm-1 0,3 1 0,2 0,8 0,1 0,6 0 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 0,4 0,2 Andesite PU 0 0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 3000 3500 Wavenumber, cm-1 0,2 1 0,15 0,8 0,1 0,6 0,05 0 0 0,4 200 400 600 800 1000 1200 1400 Albite Abt 0,2 0 0 500 1000 1500 2000 2500 Wavenumber, cm-1 Figure 3.15: Spectres Raman de trois verres hydratés. Pour traiter ces spectres, le fond spectral est contraint à passer entre 15-150 cm−1 , vers 640 cm−1 , 850 cm−1 et entre 1300 et 1500 cm−1 . Le Losq et al. , 2012. 105 3 Méthodes expérimentales Intensité, u.a. Verre d'albite , 3.8 wt% H2O Fond spectral : Bleu: Behrens et al. (2006) Rouge: Le Losq et al. (2012) 0 200 400 600 800 1000 Nombre d’onde, cm 1200 1400 -1 (a) 1,2 Verre d’albite, 3.8 wt% H2O Fond spectral : Bleu : Behrens et al. (2006) Rouge : Le Losq et al. (2012) 1 0,8 0,6 0,4 0,2 0 0 500 1000 1500 2000 2500 Nombre d'onde, 3000 3500 4000 cm-1 (b) Figure 3.16: Spectre Raman corrigé avec l’équation 3.12 d’un verre d’albite hydraté. Deux façons de définir le fond spectral sont représentés. a) région silicaté 20-1500 cm−1 ; b) spectre complet. La large bande à 3600 cm−1 est la bande de vibration des OH dissous dans le verre. 106 3.6 La spectroscopie Raman silice diminue par exemple). Néanmoins, pour une même chimie, et quelque soit la teneurs en eau, les zones de contrainte choisies ne doivent pas être changées. De plus, nous n’avons jamais changé la zone initiale située entre 15 et 150 cm−1 , et les zones de contraintes au niveau de la bande de l’eau situées entre 2700-3100 et 3750-4000 cm−1 (Fig. 3.16b). Une fois le fond spectral soustrait du spectre en utilisant simplement If inal = Irs − If ondspectral , on normalise If inal par l’aire As de la partie silicatée, calculée par la méthode des trapèzes entre 15 et 1500 cm−1 . Nous avons normalisé les spectres en fixant As = 100 par convention, ceci permettant d’obtenir des spectres où les intensités varient entre 0.1 et 10, ce qui peut se révéler utile dans le but de les déconvoluer. L’aire Aw de la bande des vibrations OH, située entre 3000 et 4000 cm−1 , est elle-aussi calculée. Il est nécessaire de rappeler que le rapport Rw/s = Aw As peut être calculé sans normaliser les spectres, cette étape n’étant qu’un moyen de pouvoir comparer graphiquement des spectres présentant des intensités initiales différentes. Elle n’affecte pas la forme du spectre et les rapports d’aire entre les pics. L’étape de normalisation, ici utilisant un référentiel interne (les bandes silicatées), permet cependant de comparer des spectres acquis dans des conditions différentes et/ou sur des produits présentant des compositions chimiques différentes. Le rapport Rw/s peut ensuite être corrélé directement avec la teneur en eau des verres (voir chapitre 8 pour les résultats). La calibration développée est basée sur le rapport de deux régions spectrales. Le changement des conditions d’acquisitions comme le temps de pose, la puissance du laser ou encore le volume analysé doit théoriquement affecter ces deux régions de la même manière, si la réponse du détecteur CCD est linéaire en fonction de la fréquence. Nous avons vérifié ceci en faisant varier les conditions d’acquisitions. Aucune dépendance au temps, à la puissance incidente du laser, à l’ouverture du confocal, au diamètre de l’objectif d’observation ou au nombre d’acquisitions effectuées n’a été observée. Cela permet donc, pour un spectromètre donné, d’utiliser la calibration sur les spectres quelque soit les conditions d’acquisitions. Ceci est un avantage, car ces conditions sont à faire varier en fonction de la réponse spectrale des échantillons et de leur tolérance quant à la puissance laser excitatrice utilisée. iv) Méthode de déconvolution des spectres Une fois les spectres préalablement corrigés des effets de température, de fréquence excitatrice, du fond spectral et normalisés, nous venons voir qu’un simple rapport d’aire peut permettre de quantifier la proportion d’une molécule dans un verre. La bande de l’eau est un cas assez particulier, puisqu’elle ne se situe pas dans la même région spectrale que les autres modes de vibrations des molécules composant le verre. Ce n’est pas le cas pour le CO2 par exemple. Celui-ci, dissout sous forme de CO2− 3 dans les verres, donne une bande vers 1090 cm−1 (Verweij et al. , 1977), soit dans la région spectrale où les signaux des modes T2s et A1 de vibrations des unités T O4 sont observés (voir thèse de Bourgue, 2003). Un traitement particulier du spectre doit alors être adopté afin de déconvoluer les différents signaux présents dans la région spectrale étudiée. Ce traitement, la déconvolution, a été adopté afin d’observer la répartition des différentes espèces Qn dans les verres silicatés et aluminosilicatés étudiés, mais aussi d’étudier les différentes contributions construisant la large bande de vibration des groupements OH dissouts dans des aluminosilicates vitreux et fondus. 107 3 Méthodes expérimentales Dans les verres silicatés, il est généralement admis que les bandes vibrationnelles des molécules sont des gaussiennes (Mysen et al. , 1982; McMillan, 1984). Mysen et al. (1982) ont mis au point une procédure de déconvolution basée sur la décomposition du spectre (plus exactement d’une région spectrale) en une somme de gaussiennes dont les paramètres sont ajustés par la méthode des moindres carrés dans le but de reproduire le spectre expérimental. Le nombre de bandes présentes dans une région spectrale est déterminé par minimisation du χ2 . On estime que la solution la plus réaliste correspond à celle présentant un faible χ2 avec un minimum de bandes pour reproduire le signal. Un nombre initial de bandes est préalablement estimé par l’utilisateur à l’aide de la présence d’épaulements et d’inflexions, puis la minimisation du χ2 permet d’obtenir, en théorie, un nombre cohérent de bandes gaussiennes convoluées pour représenter le signal expérimental. Cette méthode simple est cependant parfois relativement difficile à mettre en œuvre. Un programme d’inversion par la méthode des moindres carrés robuste est en effet nécessaire pour déconvoluer les spectres, particulièrement dans le cas de problèmes complexes où de nombreuses contributions se chevauchent. La déconvolution des spectres Raman est un problème non linéaire d’inversion par moindres carrés. D’après Tarantola (2005), on peut traiter les problèmes non-linéaires en utilisant un algorithme quasi-newtonien itératif s’écrivant comme suit : −1 −1 −1 −1 −1 mn+1 = mn –µn (Gtn CD Gn + CM ) (Gtn CD (dn − dobs ) + CM (mn − mprior )), (3.13) avec dn les valeurs calculées à partir du modèle selon dn = g(mn ), g étant la fonction reliant l’espace des paramètres m à celui des observations d ; mn+1 , mn et mprior les paramètres ajustés aux étapes prior initiale, n courante et n + 1 future ; µn le paramètre de saut (fixé à 1 selon Tarantola, 2005) ; Gn la matrice des dérivées partielles de g : (Gn)iα = (∂g i /∂mα )mn ; CD la matrice de covariance des erreurs sur les données et CM la matrice de covariance des erreurs sur le modèle. Cet algorithme a donc besoin d’une matrice d’erreurs sur le modèle (incertitudes à priori sur les paramètres ajustés) pour fonctionner rigoureusement. Ceci pointe donc la non-viabilité mathématique de certaines méthodes d’ajustements par moindres carrés utilisées par certains logiciels pour déconvoluer des spectres Raman. Comme aucune des solutions existantes ne nous a satisfaite, j’ai implémenté l’algorithme 3.13 à l’aide du logiciel Matlab® . L’utilisateur définit la région d’intérêt, le nombre de gaussiennes désirées, puis définit les valeurs à priori (id est pour l’étape d’initialisation) de leur paramètres (intensité, largeur à mi-hauteur et fréquence) et de leurs incertitudes associées. L’incertitude des données doit aussi être entrée. Sur un spectre brut (sans aucune correction), celle-ci est une incertitude point à point de p comptage égale à : σ(I(ω)) = I(ω), avec I(ω) l’intensité mesurée à un nombre d’onde ω. Cette relation a été vérifiée sur le spectromètre T64000 : 95 % des valeurs sur un spectre brut sont comprises dans l’écart ±2σ. Pour obtenir l’erreur totale de la mesure, il est nécessaire de connaître, de plus, l’erreur systématique 6 . Celle-ci peut être considérée comme très faible sur le spectre brut, puisqu’aucun effet systématique n’est observé, mais n’est pas négligeable sur un spectre corrigé des effets de température et de fréquence excitatrice, et normalisé. En effet, la procédure de traitement des spectres (correction des effets de température et fréquence excitatrice, soustraction du fond spectral, normalisation...) peut ajouter des erreurs numériques à l’erreur de comptage. 6. L’erreur totale est la somme des erreurs systématiques et point à point. 108 3.6 La spectroscopie Raman Pour obtenir un traitement simple mais robuste sur la région d’intérêt, l’erreur point à point a été calculée sur le spectre brut et a subi la correction donnée par l’équation 3.12. Puis, le pourcentage d’erreur sur le spectre corrigé a été calculé pour pouvoir diffuser cette erreur sur le spectre final (spectre corrigé du fond spectral et normalisé). Ceci permet d’avoir l’erreur point à point sur le spectre final. Pour prendre en compte les effets d’erreurs systématiques, l’écart type des données par rapport à un modèle idéal (spectre lissé) a été évalué. L’erreur totale a été calculée comme étant la somme de l’erreur point à point et de l’écart type des données par rapport au modèle idéal sur le spectre final. On pourrait arguer que l’utilisation uniquement de l’écart type des données par rapport au modèle idéal pour estimer les erreurs sur le spectre permet de prendre en compte les erreurs point-à-point et systématiques. Ceci sous-estime cependant les erreurs des points à plus que 2σv de la « moyenne » (ici la valeur théorique idéale donnée par un lissage). Avec un bon modèle d’erreurs pour les données, et une bonne estimation des paramètres à priori et de leurs erreurs, l’algorithme quasi-newtonien (eq. 3.13) permet la déconvolution des spectres Raman de manière mathématiquement rigoureuse, tout en offrant à l’utilisateur la possibilité de tester différentes hypothèses. L’initialisation d’un modèle non linéaire de moindres carrés est l’une des étapes clé du processus d’inversion et de déconvolution. Dans le cas de problèmes complexes, plusieurs solutions partielles sont disponibles. Mathématiquement, l’algorithme minimise le χ2 en calculant le gradient et la direction de minimisation à l’aide de l’équation 3.13 dans le but de trouver le minimum local. Des solutions intermédiaires sont possibles du fait de l’existence de minima locaux du χ2 (Tarantola, 2005). L’initialisation du problème doit donc être effectuée avec attention, ce type d’algorithme n’étant pas capable de converger vers des solutions cohérentes s’il est initialisé trop loin de la solution finale (J. Roux, comm. pers.). Pratiquement, dans le cas des spectres Raman, ceci amène l’utilisateur à initialiser les paramètres des gaussiennes aux valeurs les plus probables selon le modèle qu’il envisage. Chaque épaulement, inflexion ou pic donne des informations pour estimer un nombre initial de bandes et leurs positions, fournissant ainsi des paramètres initiaux pour contraindre le modèle de déconvolution. L’intensité des bandes est sans doute certaines fois le paramètre le plus difficile à évaluer. Une fois les fréquences et largeurs à mi-hauteur bien estimées, c’est aussi l’un des moins critiques lors de l’inversion du spectre : une erreur sur l’intensité d’une bande a moins de répercussion sur l’inversion par moindres carrés qu’une mauvaise estimation de sa fréquence ou de sa largeur à mi-hauteur. Pour initialiser le modèle du spectre, on peut se référer aux conseils donnés dans Meier (2005) : – ne pas lisser les spectres avant la modélisation ; – la position initiale d’un pic comme nous l’avons signalé doit être proche de la solution finale ; – il est aussi préférable de sous-estimer la largeur à mi-hauteur initiale que de la surestimer (cela mène plus facilement l’algorithme vers la solution finale). Cette dernière remarque est aussi valable pour les intensités. Les données issues des déconvolutions sont ensuite utilisées de façon relatives, en étudiant les rapports des différentes aires des pics. La seule information absolue donnée par les déconvolution est la fréquence des bandes Raman. La matrice de covariance des valeurs ajustées a été calculée (Tarantola, 2005), permettant ainsi d’obtenir les erreurs sur les valeurs ajustées. La loi de propagation des erreurs données dans Brandt (1976) a ensuite été utilisée pour calculer les erreurs sur les aires et sur les rapports calculés : 109 3 Méthodes expérimentales v uX u n ∂yi ∆yi= t[ ( )2 (∆xj )2 ], ∂xj (3.14) j=1 P avec yi = nj=1 f (xj ) et ∆xj les erreurs sur xj . Déconvolution des bandes des espèces silicatés La déconvolution des bandes des espèces silicatés a été effectuée en estimant le nombre de bandes initiales et leurs fréquences à partir des pics et des épaulements visibles sur les spectres Raman. Nous avons ajusté le modèle d’inversion en fonction de ces estimations. Les largueurs à mi-hauteur ainsi que les intensités ont été initialisées à des valeurs faibles, d’après les recommendations de Meier (2005). Les contraintes adoptées pour les paramètres du modèle ont été typiquement de : ±30 cm−1 pour les fréquences, ±30 à 50 cm−1 pour les largueurs à mi-hauteur, et 100% de l’intensité spectrale maximale pour la hauteur. Dans certains cas, notamment lors du chevauchement des espèces Q4,I et Q4,II dans les verres silicatés ou peralcalins riches en sodium, l’incertitude sur la fréquence des bandes correspondant à des pics ou des épaulements distincts a été diminuée à des valeurs de 5 à 10 cm−1 . Ceci nous a permis de contraindre le modèle pour certains cas complexes et d’éviter tout chevauchement des différentes bandes. Si le résultat de la déconvolution n’était pas satisfaisant, le nombre de bandes a été réajusté en suivant le protocole de miminisation du χ2 défini par Mysen et al. (1982). Dans ce cas, nous avons ajouté une à une des bandes et suivi l’évolution du χ2 . Comme mentionné précédemment, nous avons alors considéré que le modèle le plus représentatif de la réalité spectrale était celui qui reproduisait le mieux le spectre (χ2 minimum) avec le moins de bandes possibles. Déconvolution de la bande de l’eau La déconvolution de la bande de l’eau présente sur les spectres des aluminosilicates fondus et vitreux hydratés est un cas assez particulier. La figure 3.17 montre le pic de l’eau sur le spectre Raman d’un verre d’albite hydraté. Peu d’informations quant à la présence de différentes contributions sont visibles sur ce spectre. La bande de l’eau ne montre à première vue qu’un épaulement vers 3400 cm−1 , suivi d’un maximum vers 3600 cm−1 et un petit épaulement vers 3630 cm−1 . En utilisant le χ2 pour déconvoluer la bande de l’eau, seules 3 à 4 bandes sont présentes dans l’enveloppe globale, comme décrit notamment dans Mysen et Virgo (1986a; 1986b). L’utilisation de 3, 4 ou 5 bandes ne donne cependant pas de résultats probants, et aboutie à de fortes différences en fonction de la composition chimique du verre étudié. Le recoupement de différentes informations (littérature, expériences à haute ou basse température, comparaison de minéraux/verres, voir chapitre 8) nous a apporté des indices permettant de construire un modèle structural, assumant la présence et les propriétés de différentes contributions dans l’enveloppe du spectre Raman. Si l’on regarde de plus près le spectre de la figure 3.17, on s’aperçoit en effet que plusieurs ruptures de pente semblent indiquer la présence d’au moins six bandes (Figure 3.17). Il est cependant difficile de déconvoluer le spectre avec ces six bandes, car il y a peu d’informations (comme des pics et épaulements marqués...) disponibles pour contraindre le modèle . Les différentes contributions sont mal individualisées, du fait 110 3.7 Spectroscopie RMN Figure 3.17: Partie 3000-3900 cm−1 d’un spectre Raman d’un verre d’albite hydraté. a) La bande observée provient des vibrations d’étirements des molécules O-H. Cette bande est relativement large (plus de 700 à 800 cm−1 ), et asymétrique. b) Les traits vert et orange représentent les zones où la pente est constante (i.e. ce sont les tangentes au milieu de la zone considérée), et les flèches rouges la présence probable d’une contribution. d’une répartition large et asymétrique des distances O-O et O-H dans les verres silicatés hydratés (voir chapitre 8). Le problème est donc sous-contraint, et beaucoup de solutions sont possibles et aboutissent au même résultat. Des informations complémentaires à celles apportées par le spectre sont donc nécessaires afin d’établir un modèle initial cohérent et proche de la solution finale. Les expériences effectuées à hautes températures et le recoupement des données de minéraux hydratés nous ont permis d’individualiser 8 bandes, attribuées au stretching de groupements O-H dans différents environnements (voir chapitre 8). Nous avons alors établi un modèle basé sur le principe que les fréquences des différentes contributions O-H ne varient pas avec la composition chimique. Par contre, celle-ci influence dans notre modèle leurs intensités. En contraignant la fréquence de ces bandes à ±15 cm−1 , nous avons pu déconvoluer tous les spectres des verres et aluminosilicates fondus étudiés. Les paramètres d’intensité et de largeur à mi-hauteur ont été difficiles à estimer. Pour confirmer les valeurs obtenues par la déconvolution des différents spectres, des tests de sensibilité ont été menés. 10 000 tirages aléatoires des paramètres initiaux de largeurs et d’intensités des gaussiennes ont été effectués à l’aide de la méthode de Monte-Carlo. Ces tests nous ont permis de confirmer les résultats obtenus à l’aide des expériences haute température, indiquant des largeurs à mi-hauteur comprises entre 30 et 50 cm−1 pour les contributions des OH liés au réseau vitreux (voir chapitre 8). 3.7 Spectroscopie RMN La spectroscopie RMN est un outil en plein développement en science des matériaux depuis les 20 dernières années. C’est une sonde spécifique, chimiquement sélective. Elle permet d’avoir des informa- 111 3 Méthodes expérimentales tions quant à la coordinence, les distances interatomiques et l’environnement proche de l’atome sondé. Couplée à d’autres techniques comme la spectroscopie Raman par exemple, elle permet d’apporter des informations cruciales sur la structure des matériaux. Nous avons utilisé la spectroscopie Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) pour caractériser l’environnement des cations Si4+ , Al3+ et Na+ dans des aluminosilicates vitreux et fondus. Les expériences de RMN de l’27 Al, du 23 Na et du 29 Si ont été réalisées par Pierre Florian au CEHMTI-CNRS à Orléans (France). Un bref rappel du principe de la RMN va être décrit ci-dessous, suivi d’une description des différentes techniques utilisées au court de cette thèse. 3.7.1 Principe La RMN est une sonde sélective, applicable à des atomes possédants un spin nucléaire non nul. Le spin nucléaire d’un noyau est une propriété quantique intrinsèque à celui-ci, c’est son moment angulaire intrinsèque (Greenberger et al. , 2009). Le noyau de l’atome d’hydrogène H+ , possédant un proton, présente un spin de 1/2. Ce spin peut être positif ou négatif, i.e. il peut avoir deux orientations différentes : + 12 ou - 12 . Les noyaux que nous étudierons par la suite possèdent donc un spin nucléaire non nul : 5 2 pour l’27 Al, 1 2 pour le 29 Si et l’oxygène nécessite un enrichissement en 3 2 17 O pour le car le 23 N a. 16 O Bien qu’étant très informative, la RMN de possède un spin nul. Cette remarque s’applique aussi concernant le K. La spectroscopie RMN consiste en l’observation des transitions entre les niveaux + 21 et - 12 . 1 mole de protons : 1023 noyaux Bo La somme des vecteurs : le moment magnétique macroscopique Mo Mo Figure 3.18: Schéma représentant la précession des moments magnétiques µ d’une population (1 mole) de noyaux d’hydrogène autour d’un champ magnétique Bo . La résultante de cette précession est l’apparition d’un moment magnétique Mo dans la même direction et le même sens que Bo . Blümich (2005). Pour illustrer simplement le principe de la RMN et comprendre les expériences que nous avons effectuées, on peut prendre le cas simple d’une population de protons H+ soumise à un champ magnétique Bo . Sous l’effet du champ magnétique, les moments magnétiques de spin µ des noyaux vont s’orienter dans les deux directions + ou - 1 2. La situation de spin + 12 est parallèle au champ magnétique Bo , c’est la plus stable. À contrario, la situation de spin - 12 est antiparallèle au champ, et est la moins stable. À une température T, la statistique de Maxwell-Boltzmann prédit que le nombre de spins à 112 3.7 Spectroscopie RMN Figure 3.19: Schéma des relaxations T1 et T2 de M vers Mo . Cabrol-Bass et al. (2011). l’état stable (+ 21 ) est prépondérant. Comme ils possèdent un moment magnétique non nul, les spins des noyaux sont soumis à une rotation sur eux-même. Les moments magnétiques µ ne s’alignent donc pas parfaitement selon la direction de Bo , mais entament un mouvement de précession autour de Bo . On peut résumer mathématiquement ceci comme suit : une particule avec un spin S a un moment magnétique µ orienté parallèlement à Bo ou anti-parallèlement. On observe la précession de µ autour de Bo, à la fréquence de Larmor ωo définie par ωo = µ.Bo ≡ γ | Bo |, ~ (3.15) avec ~ la constante de Planck réduite, et γ le rapport gyromagnétique connectant le champ magnétique à la fréquence de précession (Greenberger et al. , 2009). Comme nous regardons une population de protons, les moments magnétiques de spin µ forment deux cônes (Fig. 3.18). De plus, comme la population des spins est essentiellement orientée parallèlement au champ magnétique, on a alors un moment magnétique macroscopique Mo orienté parallèlement à la direction et de même sens que Bo (Fig. 3.18). En appliquant un autre champ magnétique B1 perpendiculairement à Bo et à Mo , la règle de Lorentz prédit que l’on va engendrer une force F qui va modifier voire inverser la direction de Mo . La technique classique de RMN consiste à produire une impulsion magnétique B1 en rotation à la fréquence de Larmor (on a besoin d’un champ rotatif à cause du mouvement de précession de µ) à l’aide d’un solénoïde pour perturber momentanément Mo pendant un temps bref. On peut ensuite observer la précession de l’aimantation M autour de Bo (dans le plan xy, voir partie droite de la figure 3.19) et obtenir la fréquence de raisonnance du noyau sondé par transformée de Fourier. On obtient alors un spectre RMN 1D. On pourra également observer le retour à l’équilibre (la relaxation) de Mo selon les axes z et xy pour obtenir les temps T1 et T2 de relaxations longitudinale et transversale (fig. 3.19). Il présente des raies situées à des déplacements chimiques particuliers. Ces déplacements chimiques sont la différence de fréquence de résonance par rapport à un standard, et sont calculés à l’aide de la formule suivante : 113 3 Méthodes expérimentales δ= νech − νref , νo (3.16) avec νech la fréquence de résonance de l’échantillon, νref la fréquence de résonance de la référence et νo la fréquence de Larmor. Comme la fréquence du spectromètre est environ 106 fois supérieure aux fréquences de résonances, on exprime en général δ en ppm (partie par million). Les différences de déplacement chimique pour un atome traduisent les différences de son environnement. En effet, les électrons gravitant autour de l’atome sondé forment un champ diamagnétique Be s’opposant à Bo . On dit qu’il y a effet d’écran. En fonction des liaisons formées et des électrons délocalisés, cet effet d’écran va varier, influençant ainsi la fréquence de résonance de l’atome. Son déplacement chimique va donc évoluer. Si l’on prend l’exemple de l’27 Al dans les verres, la référence utilisé lors de nos expérience est une solution aqueuse 1M de Al(NO3 )3 . Le déplacement chimique de l’Al en coordinence 4 est d’environ 60 ppm (sa fréquence de résonance est donc plus élevée que l’Al dans la référence). Lorsque sa coordinence augmente (5 ou 6 par exemple), le déplacement chimique va diminuer. On dit qu’il y a alors un blindage (le signal est blindé par l’environnement électronique). La RMN des solides ne peut pas être effectuée facilement sur un échantillon statique. En effet, dans les liquides, le mouvement Brownien rapide des molécules moyenne les orientations moléculaires, annihilant ainsi les éventuelles effets d’anisotropie de déplacement chimique, de couplage dipolaire, etc. Ceci n’est pas le cas dans les verres et solides. Comme dans les solides les mouvements de molécules sont beaucoup plus lent que la mesure RMN, le signal obtenu sur un échantillon statique est très influencé par les effets d’anisotropies. Pour moyenner ces effets à 0, on incline l’échantillon qui est compris dans un petit cylindre à un angle de θ=54.74°, tout en imprimant un mouvement de rotation au cylindre (Duer, 2004). On effectue alors de la RMN MAS (Magic Angle Spinning), permettant d’obtenir un signal isotropique moyenné, dépourvu de composantes liées aux effets d’anisotropie (Massiot et al. , 2008). Des expériences MAS multidimensionnelles peuvent être mises en place et utilisées pour mettre en présence les interactions dipolaires ou de couplage J, et ainsi mettre en place des expériences de corrélations permettant de séparer les différentes contributions d’un motif moléculaire (Massiot et al. , 2008). Nous avons effectué des expériences HMQC (Heteronuclear Multi-Quanta Correlation) sur l’27 Al et le 29 Si lors de cette thèse. Ces expériences permettent d’observer les corrélations entre les deux noyaux Si et Al. La figure 3.20 présente pour exemple une séquence d’impulsions utilisée au cours d’une expérience de RMN HMQC 27 Al/29 Si entre les impulsions t1 sur l’atome de 27 Al. 29 Si, : on effectue plusieurs scans en faisant varier le temps alors que la détection est effectuée sur le signal de l’atome Toute variation du signal enregistré en t2 en fonction des variations de t1 traduira donc une corrélation entre les deux atomes. Ceci permet au final de construire un spectre où l’on observera les corrélations entre les deux atomes. 3.7.2 Caractéristiques expérimentales Les expériences RMN sur l’27 Al et le 23 Na ont été réalisées sur un spectromètre Bruker Avance 750 (17.6 T) travaillant à une fréquence de l’27 Al de 195.5MHz et à une fréquence du Les déplacements chimiques des noyaux 114 27 Al et 23 Na 23 Na de 198.4 MHz. ont été référencés respectivement par rapport à 3.8 La spectroscopie XANES au seuil K du fer Préparation Évolution π/2 Mélange Détection π τ τ t2 27 Al π/2 29 Si π/2 t1 Découplage Figure 3.20: Séquence d’impulsions au cours d’une expérience de RMN HMQC 27 Al/29 Si. Comme en RMN 2D, le temps t1 sera incrémenté progressivement au cours de l’expérience. La période d’évolution est un écho de spin. On observera grâce à cette expérience le couplage des deux noyaux, donnant ainsi une information quant à l’ordre local de la matière. τ : délai ; π/2 et π : angles des impulsions ; t1 et t2 : respectivement les durées des périodes d’évolution et de détection. En effectuant plusieurs spectres avec des t1 différents et en enregistrant les signaux durant t2 , on peut observer ainsi les corrélations entre les deux noyaux. une solution aqueuse de Al(NO3 )3 et une solution de NaCl. La rotation à l’angle magique MAS a été effectuée à une fréquence de 30 kHz, les échantillons étant placés dans un rotor en zirconium de 2.5 mm de diamètre. 4000 et 2000 scans ont été accumulés pour respectivement l’27 Al et le 23 Na avec un temps de recyclage de 0.5s, avec une fenêtre spectrale de 1 MHz. Les décompositions effectuées des spectres 1D ont été effectuées avec le logiciel dmfit (Massiot et al. , 2002). Les expériences 29 Si NMR ont été effectuées sur un spectromètre Bruker Avance I 200 travaillant à une fréquence de 39.7 MHz. Les échantillons ont été placés dans des rotors en zirconium de 7 mm de diamètre et mis en rotation à une vitesse de 5 kHz. Entre 800 et 1100 scans ont été accumulés pour chaque composition avec ce spectromètre. 3.8 La spectroscopie XANES au seuil K du fer La spectroscopie XANES (X-ray Absorption Near the Edge Structure) est une technique d’analyse chimiquement sélective, c’est une sonde locale permettant d’étudier l’environnement à courte distance d’un élément dans verre par exemple, ou à longue distance dans un cristal. Cette spectroscopie a été développée récemment avec l’apparition de multiples lignes de lumières sur les synchrotrons. Les données obtenues permettent d’avoir des informations quant à la valence, la coordinence et l’ordre local de l’élément sondé, en fonction du seuil d’absorption électronique choisi. Les études menées sur le seuil K du fer dans les verres et liquides silicatés ont permis la détermination précise de son état RedOX et de sa coordinence dans ces matériaux cristallins et vitreux (Calas & Petiau, 1983; Mosbah et al. , 1999; Galoisy et al. , 2001; Wilke et al. , 2004; Berry et al. , 2003; Magnien et al. , 2004, 2008; Cochain, 2009; Wilke et al. , 2001; Cottrell et al. , 2009). 115 3 Méthodes expérimentales Échantillon Photons optiques Photons de fluorescene (IF, hν) Rayons X incidents (I0 , hν) Rayons X transmis (I, hν) Electrons photoéjectés Electrons Auger Figure 3.21: Illustration schématique d’une expérience mesurant l’absorption de rayons X d’énergie hν par un échantillon. Les autres processus pouvant subvenir lors de l’irradiation de l’échantillon sont aussi représentés. Hawthorne (1988). 3.8.1 Principe Lors du bombardement d’un échantillon par des rayons X de haute énergie, ceux-ci vont interagir avec les atomes de la matière possédant des orbitales électroniques ayant des énergies proches de celle des rayons X incidents. On observe qu’une partie des rayons X est transmise, et qu’apparait toute une gamme de rayonnements secondaires : photons de fluorescence ou optiques, électrons photoéjectés ou électrons d’Auger (Fig. 3.21). Lors de l’irradiation de l’échantillon, on observe que le photon X incident ayant une énergie E = hν (avec h est la constante de Planck) va interagir inélastiquement avec les orbitales électroniques de l’atome sondé. Il pourra potentiellement : – être absorbé par un électron de la couche K qui va être expulsé dans le continuum interatomique (effet photoélectrique, Fig. 3.22) ; – être diffusé inélastiquement, en donnant une partie de son énergie à un électron d’une orbitale atomique qui sera éjecté (effet Compton, fig. 3.22) ; – créer une paire électron-positron s’il possède une énergie suffisamment élevée, le positron s’annihilant ensuite avec un électron d’une orbitale atomique (Fig. 3.22). Dans le domaine d’énergie des rayons X, allant de 0.5 keV à 100 keV, l’absorption photoélectrique est l’effet majoritaire (Hawthorne, 1988). Le processus qui va donc nous intéresser en spectroscopie XANES est l’absorption des rayons X par la matière. Après irradiation par des rayons X, l’atome sondé va être ionisé (un électron manque sur la couche K par exemple dans le cas du fer). La transition d’un électron de la couche L ou voire M vers la couche K va permettre à l’atome de se relaxer. Ce processus va s’accompagner de l’émission d’un rayonnement de fluorescence (photons X) ou d’électrons Auger (Fig.3.21). Ce sont ces particules que l’on va chercher à observer avec des détecteurs de fluorescence en spectroscopies XRF ou Auger. Dans le cas de la spectroscopie d’absorption, un détecteur est placé 116 3.8 La spectroscopie XANES au seuil K du fer Electron éjecté Photon incident M L K (a) Effet photoélectrique Electron éjecté Photon éjecté avec une énergie différente M L Photon incident Photons éjectés Photon incident e- M e+ L K K (b) Effet Compton (c) Paire electron-positron Figure 3.22: Schémas des différentes interactions des rayons X de haute énergie avec les orbitales électroniques d’un atome derrière l’échantillon et va mesurer l’intensité du signal transmis (Fig. 3.21). Le spectre d’absorption représente alors la variation du coefficient d’absorption linéaire µ (cm−1 ) en fonction de l’énergie E. Ce coefficient relit l’intensité Io du rayonnement incident à celle du rayonnement transmis I selon la loi de Beer-Lambert : I = Io exp(−µ(E).x), (3.17) avec x l’épaisseur de l’échantillon. En connaissant Io et I, on peut estimer µ(E). Le rayonnement de fluorescence d’intensité If ou le rayonnement d’électrons Auger d’intensité Ie émis par un échantillon homogène infiniment épais peuvent aussi permettre d’estimer µ(E) en utilisant les formules : µ(E) = If . Io (3.18) µ(E) = Ie . Io (3.19) La fonction µ(E) présente de fortes discontinuités à des énergies particulières, qui sont appelées des seuils d’absorption (voir pour le fer la figure 3.23). Le seuil K du fer est situé à une énergie EK de 7112 eV. Lors de l’irradiation de la matière par les rayons X d’énergie EX , on peut distinguer plusieurs cas. Si EX < EK , les transitions électroniques sont très peu probables et le coefficient d’absorption décroit linéairement (Fig. 3.23). Lorsque EX ≈ EK , les transitions électroniques s’effectuent avec une très forte probabilité à partir de la couche K du fer, définie par l’énergie EK , vers les niveaux inoccupés ou le continuum interatomique. On a alors une forte discontinuité au niveau des rayons X que l’on nomme le seuil. Cette région s’étend sur 117 3 Méthodes expérimentales Seuil Avant-seuil 0,6 0,4 0,2 μ(E) 0 -0,2 -0,4 EXAFS XANES -0,6 -0,8 7 7,2 7,4 7,6 7,8 8 E (keV) Figure 3.23: Spectre d’absorption au seuil K du fer métal, situé à 7112 eV. Ruffoni & Pettifer (2006). quelques dizaines d’eV (de quelques eV avant le seuil jusqu’à 50 eV après) et est nommée XANES sur les spectres d’absorption. Les oscillations marquées dans la région XANES proviennent d’effets de diffusions multiples de photoélectrons, ceux-ci possédant une énergie cinétique faible et interagissant avec les premiers atomes voisins de l’atome sondé. Ces oscillations apportent des informations quant à l’arrangement de la première sphère de coordinence de l’atome sondé. Dans le cas du fer, elle va notamment permettre de connaître sa coordinence et sa valence. Puis lorsque EX augmente encore, on observe dans la région s’étendant de 50 eV jusqu’à 1000 eV après le seuil, appelée région EXAFS (Extended X-ray Absorption Fine Structure), des oscillations larges de µ(E) (Fig. 3.23). Ceci est dû à des transitions arrivant avec une plus faible probabilité et produisant l’éjection de photoélectrons possédant un excès d’énergie cinétique ∆E = EX − EK . L’onde électronique émise peut interférer avec celles réfléchies pas les atomes voisins, et les photoélectrons émis sont impliqués dans des phénomènes de diffusion simple avec les atomes voisins (Hawthorne, 1988). Cette zone est sensible aux distances interatomiques, au nombre et à la taille des voisins, ainsi qu’au désordre atomique. Elle fournit donc des informations quant à la nature des atomes environnants, aux distances interatomiques et à l’état d’ordre moléculaire du matériau. Dans la suite, nous serons principalement intéressés par la zone XANES des spectres effectués au seuil K du fer sur des laves (verres et liquides). On peut distinguer sur le spectre XANES au seuil K du fer d’un silicate amorphe plusieurs contributions (Fig. 3.24). Le prépic est visible vers 7114 eV, juste avant le seuil. On observe vers 7125 eV le pic principal, appelé la raie blanche. D’après les règles de sélection atomique, au seuil K de l’élément de transition la première transition autorisée est la transition 1s → 4p. C’est cette transition qui fournit la raie blanche. La transition 1s → 3d est quant à elle responsable du prépic. Celle-ci est en théorie interdite dans l’atome isolé (elle est par exemple absente dans le fer métal, Fig. 3.23). Dans les oxydes et silicates, les recouvrements des 118 3.8 La spectroscopie XANES au seuil K du fer Figure 3.24: Spectre XANES au seuil K du fer d’un verre d’aluminosilicate de calcium, magnésium P 3+ et fer présentant trois rapports RedOX F e / F e = 0.01, 0.54 et 0.87. Berry et al. (2003). orbitales atomiques de l’atome sondé et des atomes d’oxygène construisent des orbitales moléculaires et rendent possible la transition 1s → 3d. L’épaulement du seuil provient de la transition 1s → 4s, alors que le sommet du seuil provient de la transition 1s → 4p (Berry et al. , 2003). On observe lors de l’oxydation du fer un déplacement du seuil vers les hautes énergies, et un déplacement du prépic vers les plus hautes énergies aussi (Wilke et al. , 2001; Berry et al. , 2003). De plus, l’intensité du prépic va varier en fonction de l’état RedOX du fer, de par sa dépendance vis-à-vis de la charge et de la coordinence du fer (Fig. 3.24). Ce prépic est constitué de deux contributions à deux énergies particulières : vers 7112.9 eV et 7114.4 eV pour le Fe2+ et le Fe3+ respectivement. La position de ces deux contributions peut varier selon le traitement des spectres effectué, néanmoins les deux pics restent toujours écartés de 1.5 eV environ (Wilke et al. , 2001; Galoisy et al. , 2001, voir aussi thèse de Cochain, 2009). Comme nous le verrons un peu plus loin, leur extraction du spectre XANES et le rapport de leur aires permettent de calculer le rapport RedOX et la coordinence du fer dans les verres et silicates fondus. 3.8.2 Dispositif expérimental La réalisation d’expériences par absorption de rayons X nécessite l’utilisation de rayonnements intense. On obtient ces rayonnements sur les sources synchrotrons. Le rayonnement synchrotron est un rayonnement électromagnétique de haute brillance, obtenu par le biais du ralentissement (changement de direction) d’un faisceau d’électrons et positrons dans un anneau. Le pré-injecteur, ou linac, permet de créer et accélérer ce faisceau à partir d’un tube cathodique (Fig. 3.25). À la sortie du linac, le faisceau peut atteindre une énergie de 450 MeV avant d’être accélérer dans le booster à une vitesse proche de celle de la lumière jusqu’à ce que son énergie atteigne 6 à 8 GeV. Le faisceau est alors injecté dans l’anneau de stockage, constitué d’une trentaine de segments rectilignes. La trajectoire des électrons est contrôlée par différents éléments (aimants de courbure, de foca- 119 3 Méthodes expérimentales Aimant de Quadrupole courbure Anneau de stockage Booster Linac Onduleur Ligne de lumière Figure 3.25: Schéma du synchrotron SOLEIL. www.synchrotron-soleil.fr. lisation ou encore dispositifs d’insertion...). À chaque changement de direction, les électrons émettent un rayonnement X de freinage que l’on va récupérer dans les lignes de lumière. Celles-ci sont composés de miroirs et fentes permettant de focaliser le faisceau X dans un très petit volume spatial. Le synchrotron SOLEIL, sur lequel ont été effectuées les expériences, a une gamme spectrale de 1-50000 eV, une énergie nominale de 2.75 GeV, un courant maximum de 500 mA et un diamètre de 113 m. Ce synchrotron est un synchrotron dit de troisième génération. Il possède une brillance 10000 fois plus intense que la lumière du soleil. De plus, sur ce synchrotron, l’injection d’électrons/positrons se fait de manière continue, ce qui évite des diminutions d’intensité de faisceau au cours des expériences. Les lignes de lumière sont caractérisées par leur système de canalisation du faisceau X incident (monochromateur ou réseau), et par leur système de détection. Différents jeux de miroirs et des systèmes de fentes horizontales ou verticales permettent la focalisation du faisceau, ainsi que l’élimination des fréquences harmoniques. Les lignes de lumière diffèrent entre elle par leur brillance, liée à l’intensité du faisceau et à sa focalisation, et par leur équipement et systèmes de détection qui sont adaptés à leur besoin et but (diffraction, imagerie, absorption, fluorescence, infrarouge...). Sur une ligne d’EXAFS classique, après la focalisation du faisceau polychromatique à l’entrée de la ligne, les monochromateurs ou réseaux permettent de sélectionner, suivant la loi de Bragg, la fréquence du faisceau et ainsi d’obtenir un faisceau monochromatique pour l’étude de l’échantillon. Les monochromateurs représentent en général un assemblage de monocristaux de silicium taillés dans des plans réticulaires précis : Si(311), Si(220) ou Si(111). Ces différents monocristaux permettent d’obtenir différentes résolutions en énergie et intensité de flux : le Si(311) permet d’obtenir une très bonne résolution énergétique et un flux peu intense, le Si(111) les caractéristiques inverses, alors que le Si(220) est un compromis entre les deux. La combinaison de deux, voir parfois quatre, monocristaux plans et parallèles permet d’obtenir un faisceau monochromatique. À l’aide d’un système motorisé, on peut déplacer ces cristaux pour modifier l’angle d’incidence et ainsi l’énergie du faisceau monochromatique. 120 3.8 La spectroscopie XANES au seuil K du fer Ceci permet de balayer une gamme d’énergie voulue pour effectuer le spectre EXAFS. De plus, il est de sélectionner différents pas d’énergie et de régler le temps de comptage pour acquérir différentes zones du spectre EXAFS. Sur certaines lignes, il est possible de bouger le monochromateur en continu et d’acquérir le spectre à la volée : c’est le quick EXAFS (qEXAFS). Il permet de diminuer sensiblement le temps d’acquisition d’un spectre. Après focalisation du faisceau monochromatique sur l’échantillon, la mesure de l’intensité du faisceau incident Io et transmis I après le passage dans un échantillon d’épaisseur connue va permettre d’obtenir le coefficient d’absorption linéaire µ à l’aide de l’équation 3.17. On pourra aussi mesurer l’intensité des signaux de fluorescence ou d’électrons par rapport à Io et calculer µ à l’aide des équations 3.18 et 3.19. Nous avons effectué des expériences sur la ligne ODE du synchrotron SOLEIL avec un mode différent de l’EXAFS classique : la ligne ODE est une ligne en mode dispersif en énergie. L’utilisation d’un polychromateur courbé permet de réfléchir le faisceau polychromatique incident et de le focaliser sur l’échantillon. Le faisceau réfléchi présente au point de focalisation une gamme d’énergie donnée. L’ensemble du spectre EXAFS peut alors être obtenu en une seule acquisition, grâce à l’acquisition du faisceau transmis par le biais d’un détecteur résolu spacialement (détecteur courbe, caméra CCD 1242 × 64 pixels par exemple). Cette méthode permet d’effectuer des acquisitions en un temps très court. Elle est particulièrement adaptée à l’étude de cinétiques chimiques par exemple. Elle nécessite cependant une calibration postérieure du spectre en énergie. La ligne ODE a été utilisée dans ce mode dispersif, avec un monocristal Si(311). Le faisceau focalisé sur l’échantillon a une surface de 20 µm2 . Le temps d’acquisition et le nombre d’accumulations lors de l’acquisition d’un spectre ont été ajustés aux besoins expérimentaux. La résolution spectrale obtenue sur cette ligne est de 0.2 eV. Dans le but d’effectuer la calibration pixels-énergies, le spectre XANES d’une feuille de fer métallique a été effectué à plusieurs reprises, pour vérifier et prendre en compte les éventuelles déviations de réglage de la ligne (focalisation particulièrement) dans le temps, ou après un événement particulier (coupure de faisceau par exemple). 3.8.3 Traitement des données Le traitement des spectres XANES influence grandement les résultats obtenus, notamment les intensités et dans une moindre mesure les positions des bandes observées. Un protocole permettant de traiter les spectres au seuil K du fer dans les verres et silicates fondus, et d’en extraire le RedOX du fer et son environnement à l’aide du prépic, a été mis en place au court des thèses de Véronique Magnien (2005) et de Benjamin Cochain (2009). J’ai donc utilisé le protocole décrit dans Cochain (2009) pour traiter les spectres XANES. Ci-dessous une description de ce protocole est effectuée. Plus d’informations quant aux différents protocoles existants et à la méthodologie de mise en place d’un tel protocole sont disponibles dans les thèses de Magnien (2005) et Cochain (2009). La première étape de ce traitement dans le cas de spectres obtenus sur une ligne dispersive comme ODE est la calibration du spectre en énergie. En effet, à sa sortie le spectre est représenté en fonction des pixels de la caméra CCD. Pour réaliser la calibration des pixels en énergies, le logiciel DXAS Calibration® a été utilisé (Fig. 3.26). Nous avons comparé les spectres effectués sur les feuilles de fer à un spectre de référence, provenant de Ruffoni & Pettifer (2006). Le logiciel ajuste le spectre 121 3 Méthodes expérimentales Figure 3.26: Calibration pixels-énergies à l’aide du logiciel DXAS Calibration® , permettant de calculer la transformation polynomiale à appliquer pour aligner référence (en noir) et mesure expérimentale (en rouge) du fer métallique. expérimental à la référence en utilisant une transformation polynomial du type a + bx + cx2 . Ensuite, à l’aide d’une routine Matlab® , tous les spectres ont été convertis en énergie. Avec cette calibration, le premier point d’inflexion du seuil est placé à 7112 eV. Une fois l’étape de calibration effectuée, il faut normaliser les spectres. Pour ce faire, nous avons utilisé le logiciel ATHENA (Ravel & Newville, 2005). La région avant le seuil (avant 7090 eV) est ajustée à l’aide d’une fonction linéaire, et la région après le seuil est ajustée à l’aide d’une fonction quadratique (Fig. 3.27). La soustraction de ces deux polynomiales, extrapolées à l’énergie du premier point d’inflexion Eo du seuil, permet d’obtenir le spectre normalisé (Ravel & Newville, 2005). Cette étape corrige l’horizontalité du spectre, et permet de placer la zone avant seuil à une absorbance nul et la zone après seuil à une absorbance moyenne de 1. Eo est calculé à l’aide de la dérivée seconde du spectre. L’extraction du prépic et sa déconvolution ont été effectuées avec un programme implémenté par Jacques Roux sous Scilab. Les contributions du Fe2+ et du Fe3+ sont présentent dans le prépic à deux énergies différentes : 7112.9 et 7114.4 eV respectivement. Ces deux contributions peuvent être modéliser par deux fonctions pseudo-voigts (Galoisy et al. , 2001; Wilke et al. , 2001; Magnien et al. , 2004; Magnien, 2005; Magnien et al. , 2006, 2008; Cochain, 2009; Wilke et al. , 2004). L’étape importante avant toute déconvolution est la soustraction d’une ligne de base, permettant d’extraire le prépic du spectre. Farges et al. (2004) et Cochain (2009) ont montré que la fonction utilisée pour modéliser la ligne de base va influencer les résultats de la déconvolution du prépic (centroïde et aire). En effet, aucune fonction mathématique basée sur des considérations physiques n’est disponible pour ajuster la ligne de base (Farges et al. , 2004). Il est donc nécessaire de choisir une méthode de soustraction du fond et de s’y conforter pour traiter toutes les données (Cochain, 2009). Dans le cas de suivis cinétiques, il faut notamment une méthode permettant de prendre en compte les déplacements de la raie blanche intervenant lors du changement d’état RedOX du produit étudié. Dans ce but, nous avons utilisé la solution adopté dans Cochain (2009) utilisant une fonction exponentielle paramétrée : 122 3.8 La spectroscopie XANES au seuil K du fer (a) (b) Figure 3.27: Captures d’écran montrant la normalisation d’un spectre obtenu sur de la lave phonolitique de l’Erebus à 1200°C et f O2 = 3.5e − 6 à l’aide du logiciel ATHENA. (a) définition des pentes au niveau du prépic et dans la zone EXAFS lointaine après le seuil ; On notera que l’on essaye de garder dans la zone avant seuil les deux courbes parallèles ; (b) Spectre normalisé. 123 3 Méthodes expérimentales Figure 3.28: Prépics de spectres XANES au seuil K du fer pour un silicate vitreux àP température 3+ ambiante pour (a) un échantillon présentant un rapport RedOX de F e / F e de 0.28 et (b) de 0.92. (a) les points sont les données expérimentales, et les courbes pointillés représentent la ligne de base modélisée à l’aide de l’équation 3.20, les deux contributions ajustées, et le modèle global (courbe entre les points, somme des deux contributions et de la ligne de base) ; (b) les points rouges sont les données ajustées, la courbe rouge le modèle globale, et les courbes en pointillés noir représentent les deux contributions pseudo-voigt et la ligne de base du modèle. Cochain (2009). (3.20) y = a. exp(b(x − xo )), avec a, b et xo les paramètres ajustables (xo est en faite le point d’inflexion Eo de la raie blanche), x l’énergie et y la valeur de la ligne de base. Deux régions avant 7100 eV et après 7118 eV (i.e. avant et après le prépic) permettent de contraindre la fonction 3.20 (Fig. 3.28). Les deux contributions sont ensuite modélisées à l’aide de deux fonctions pseudo-voigt. L’équation d’une pseudo-voigt s’écrit comme la combinaison linéaire pondérée d’une fonction gaussienne et d’une fonction lorentzienne de même largueur à mi-hauteur : y = ζ. 1 1+ o 2 ( x−x w ) + (1 − ζ). exp(− ln(2).( x − xo 2 ) ), w (3.21) où xo est le centre du pic (en eV), w sa largueur à mi-hauteur et ζ le facteur de mélange gaussienlorentzien. Lors des déconvolutions, nous avons fixé les largueurs des deux pics comme étant identiques. En accord avec Galoisy et al. (2001), Wilke et al. (2001), Magnien (2005) et Cochain (2009), nous observons que w a une valeur proche de 1.5 eV. De plus, le facteur ζ a été fixé à 0.75, en accord avec Wilke et al. (2001) et Cochain (2009). Ceci permet d’obtenir la meilleur reproductibilité et d’augmenter la robustesse du processus de déconvolution. Après déconvolution, nous avons calculé l’aire de chaque prépic (intensité intégrée) et sa position (centroïde) pour pouvoir utiliser les diagrammes présentés dans la figure 3.29. Ces diagrammes ont été mis en place par Wilke et al. (2001) et modifié ultérieurement par Cochain (2009). Ils permettent la détermination du rapport RedOX et de la coordinence du fer. Nous avons aussi utilisé directement le rapport entre les aires des pics pour déterminer le RedOX du fer. Les deux méthodes sont en très bon accord pour les produits étudiés. 124 3.8 La spectroscopie XANES au seuil K du fer (a) (b) Figure 3.29: Diagrammes de Wilke et al. (2001) modifié par Cochain (2009). (a) Intensité intégrée représentée en fonction du centroïde des contributions. Cette figure, initialement mise en place par Wilke et al. (2001), a été modifiée par Cochain (2009) en calibrant la relation centroïde/intensité intégrée à l’aide de différents minéraux où la coordinence et l’état 2+/3+ du fer est connue. 1 : gillepsite ; 2 : grandidierite ; 3 : kirscheinite ; 4 : hedenbergite ; 5 : P orthoclase ; 6 : yoderite ; 7 : hématite ; 8 : épidote. (b) Relation entre 3+ le rapport F e / F e et le centroïde du prépic. Le décalage de 0.92 eV en énergie est du à une calibration différente des spectres en énergie adoptée par Wilke et al. (2001), alors que le décalage en intensité observé en (a) est du au processus de déconvolution différent utilisé. D’après Cochain (2009). 125 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus 4.1 Introduction Nous avons mené au cours de cette thèse une étude couplant données structurales et rhéologiques afin de comprendre quel est l’effet, à l’échelle nanométrique, de l’aluminium sur la structure des silicates de sodium vitreux et fondus, et in fine sur leur propriétés macroscopiques, comme la viscosité et l’entropie de configuration. Nous avons étudié une série de compositions contenant 75 mol% de SiO2 et présentant un rapport Al/(Al+Na) variant de 0 à 0.64 à l’aide de mesures de viscosité et des spectroscopies Raman et RMN. Ce travail a donné lieu à un article soumis à la revue Geochimica et Cosmochimica Acta. Il montre que la substitution du Na par l’Al produit une polymérisation du réseau et un changement de rôle du sodium, donnant lieu à une importante augmentation de la viscosité. L’article soumis constituera la section suivante. En complément de cette article, nous présenterons aussi les données RMN de l’27 Al et du 23 Na obtenues à haute température. Nous connecterons ensuite cette étude aux observations sur les autres compositions présentant des rapports Al/Si différents, sur les joints 1 et 3. En effet, le rapport Si/Al affecte la structure, les densités, les volumes molaires, les viscosités, les entropies de configuration et les capacités calorifiques des aluminosilicates vitreux et fondus. Nous verrons qu’un changement de ce rapport, combiné à une variation de la teneur en sodium, peut influencer fortement ces propriétés. Nous essayerons en conclusion d’adopter une vision globale permettant de comprendre propriétés et structures des silicates et aluminosilicates de sodium vitreux et fondus. 127 4.2 Effet de l’aluminium 4.2 Effet de l’aluminium 4.2.1 Role of Al3+ on rheology and nano-structural changes of sodium silicate and aluminosilicate glasses and melts. Charles Le Losq, Daniel R. Neuville, Pierre Florian, Grant Henderson et Dominique Massiot Manuscript soumis à la revue Géochimica et Cosmochimica Acta Résumé : Les alumonisilicates d’alcalins fondus sont des matériaux importants pour les domaines de recherche en science de la Terre et pour l’industrie verrière. L’aluminium influence les propriétés des verres et liquides, et ses effets dépendent fortement de sa concentration. Cet article présente une étude d’aluminosilicates fondus et vitreux compris dans le système Na2 O-Al2 O3 -SiO2 , contenant 75 mol% SiO2 et différents rapports Al/(Al+Na). La spectroscopie RMN MAS 1D du indiquent toutes les deux que le rôle du Na+ 23 Na et la spectroscopie Raman change en fonction de la proportion d’Al2 O3 . Dans les compositions pauvres en aluminium, les distances interatomiques Na-O sont plus courtes, et le Na, en coordinence ∼ 6, joue un rôle de modificateur de réseau. Lorsque l’on remplace Na par Al, la spectroscopie RMN MAS 1D du 23 Na et du 29 Si ainsi que la spectroscopie Raman montrent que les espèces Q3 se transforment en espèces Q4 , et que les distances Na-O augmentent, en accord avec une augmentation de la coordinence du Na+ . Ce dernier devient alors compensateur de charge de l’Al3+ , qui est incorporé en espèces Q4 dans les domaines les plus polymérisés du réseau (espèces Q4(4Si) ). Ces changements structuraux augmentent fortement la viscosité des aluminosilicates fondus, qui atteint un maximum lorsque Al/(Al+Na) = 0.5 (composition albite). En passant le joint tectosilicaté, où Al/(Al+Na) = 0.5, les spectres RMN 1D MAS de l’27 Al montrent que de l’Al[5] est présent dans les verres. Les T g et les fragilité plus élevées des aluminosilicates peralumineux fondus par rapport à celles des tectosilicates fondus indiquent que, proche de la T g, l’Al[5] favorise la connectivité du réseau, alors qu’à hautes températures, c’est une espèce transitoire permettant la diffusion des NBOs et BOs dans les liquides. Lorsque la température augmente, la formation d’Al[5] peut aussi permettre d’expliquer la dépendance à la température des capacités calorifiques des tectosilicates et aluminosilicates peralumineux fondus. 129 *Manuscript 1 Role of Al3+ on rheology and nano-structural changes of sodium silicate 2 and aluminosilicate glasses and melts. 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 Charles Le Losq1, Daniel R. Neuville1*, Pierre Florian2,3, Grant Henderson4 and Dominique Massiot2,3 1 Géochimie & Cosmochimie, CNRS-IPGP, Paris Sorbonne Cité, 1 rue Jussieu, 75005 Paris, neuville@ipgp.fr 2 CNRS, UPR3079 CEMHTI, 1D avenue de la Recherche Scientifique, 45071 Orléans cedex2, France 3 Université d'Orléans, Faculté des Sciences, Avenue du Parc Floral, BP 6749, 45067 Orléans cedex 2, France 4 Geology department, University of Toronto, 22 Russel Street, Toronto, ON, Canada. Abstract: Alkali aluminosilicate melts are material of prime importance for both the geology research field and the glass making industry. Aluminium greatly influences glasses and melts properties, and its effect strongly depends on its concentration. This paper present a study of Na 2O-Al2O3-SiO2 glasses and melts, containing 75 mol% SiO2 and different Al/(Al+Na) ratios. 23 Na 1D MAS NMR and + Raman spectroscopy both highlight the change of the role of Na with Al2O3 content. In aluminiumpoor composition, Na-O distances are short and Na is in coordinence ~6 and acts as a network modifier. When Al replaces Na, 29 Si and 23 Na 1D MAS NMR and Raman spectroscopies show that Q3 species transform in Q4 species, and that Na-O distances increase, in agreement with an increase of the Na coordination number. Then Na+ becomes charge compensators of Al3+. Interestingly, NMR results show that the latter are incorporated in Q4 species in the most polymerized domains of the glass network (Q4(4Si) species). These structural changes increase drastically the melt viscosity, which is maximum for Al/(Al+Na) = 0.5 (albite composition). When crossing the tectosilicate join, Al/(Al+Na)=0.5, 27 Al 1D MAS NMR spectra display that Al[5] is present in glasses. The higher Tg and the lower fragility of peraluminous melts compared to the tectosilicate albite melt indicate that, near the Tg, Al[5] enhances the network connectivity while at high temperature, it is a transient and dynamic specie allowing the diffusion of NBO and BO in melts. Formation of Al [5] when increasing the temperature can also account for the temperature dependent heat capacity of tectosilicate and peraluminous melts. 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 1. Introduction The structure and properties of glasses, melts and minerals in the ternary Na2O-Al2O3-SiO2 system are important for both geological and industrial processes. These three oxide components constitute more than 80% of haplo-andesitic and -granitic magmatic systems, and are used in the glass (window glass) and glass ceramic (analogue of LAS glass ceramic) industries. The Na2OAl2O3-SiO2 mineral phase diagram is well known (Shairer and Bowen, 1956), and the structure and properties of sodium silicate and aluminosilicate glasses and melts have been previously characterized using different tools: viscosity measurements (Riebling, 1966; Taylor and Rindone, 1970; Toplis et al. 1997a,b); heat capacity measurements (Richet and Bottinga, 1984; Navrotsky et al. 1982; Roy and Navrotsky, 1984; Tangemann and Lange, 1998; Webb, 2008); NMR spectroscopy (Maekawa et al., 1991a; George and Stebbins, 1996; Stebbins and Xue, 1997; Lee and Stebbins, 2003, 2009); Raman spectroscopy (Seifert et al., 1982; Mysen et Frantz 1994a; Neuville and Mysen, 1996); XANES at the Na K-edge (Neuville et al., 2004b) and X-ray radial distribution analysis (Taylor and Brown, 1979a,b). At high temperature and at constant SiO2 content, previous experiments have shown that viscosities increase when Al substitutes for Na (for the ratio Al/(Al+Na) = mol%Al203/(mol%Al203+mol%Na20) <0.5, in the peralkaline field), reach a maximum when Al/(Al+Na) is around 0.5 and decrease for Al/(Al+Na) higher than 0.5 (in the peraluminous field; Riebling, 1966; Toplis et al. 1997a,b). Near the glass transition temperature, viscosity variations still show a large increase when Al substitutes for Na for Al/(Al+Na) < 0.5. However, when Al/(Al+Na) ≥ 0.5 viscosities increase slightly (Taylor and Rindone, 1970). Several structural models have been proposed to interpret these observations. Day and Rindone (1962a,b,c) postulated that for Al/(Al+Na) ratios lower than – or equal to – 0.5, all Al2O3 ions are distributed in AlO4 species. This has been confirmed by several studies (Day and Rindone, 1962c; Taylor and Brown, 1979b; Seifert et al., 1982; McMillan et al., 1982; McKeown et al., 1984; Merzbacher and White, 1988; Zirl and Garofalini, 1990; Neuville and Mysen, 1996; Lee, 2004; Lee et al., 2006). Day and Rindone (1962a,b,c) also assumed that for a Al/(Al+Na) ratio > 0.5, i.e. with excess aluminum, Al3+ and Na+ ions will go into a higher coordination state, probably 6 and 9 respectively. Recent XANES measurements at the Na K-edge made on minerals and glasses, as well as 23 Na NMR observations have validated this statement (George and Stebbins, 1996; Neuville et al., 2004b). From other viscosity and density measurements, Riebling (1966) reached the same conclusions. In order to explain his observations, he suggested that some Al in five or six fold coordination may exist when Al/(Al+Na) > 0.5. On the other hand, Lacy (1963) proposed a different model. He assumed that, when Al/(Al+Na) > 0.5, all Al3+ ions are in a four-fold coordination state and three tetrahedra (2 SiO4 and 1 AlO4 tetrahedra) share only one oxygen atom to form “triclusters”. Toplis et al. (1997b) followed Lacy’s idea in order to explain the viscosity maximum observed at high temperature near the tectosilicate join. Unfortunately, oxygen “triclusters” have not been observed experimentally except in calcium aluminates (Iuga et al., 2005). In the present communication, we have studied the effect of the Al/(Al+Na) ratio, at constant SiO2 concentration, on the structure and properties of glasses and melts using viscosity measurements, NMR and Raman spectroscopy. We show that when Al substitutes for Na, it first results in an increase in the melt’s viscosity and polymerization. Observed structural changes are consistent with important thermodynamical and rheological changes depending on glass chemistry. 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 Finally, on the basis of spectroscopic observations, viscosity data and thermodynamic properties, we propose a general mechanism for the polymerization of silicate glasses and melts when alumina is added. 2) Experimental methods 2.1. Starting Materials Six samples (Table 1) were made by melting a mixture of Al2O3, Na2CO3 and SiO2 powders previously dried at 1100°C (SiO2 and Al2O3) and 350°C (Na2CO3), following the protocol already described in Schairer and Bowen (1956) and Neuville (2006). Approximately 100g of powders were crushed in an agate mortar in ethanol for 1 hour. After that, decarbonation was performed in a platinum crucible by slowly heating the sample up to 1100-1500°C in a electric muffle furnace. When decarbonation was achieved, the melt was quenched by dipping the bottom of the crucible into pure water. Four successive melting, quenching and grindings operations were made to prepare homogeneous glasses. Finally, samples were maintained a few hours at high temperature (1100-1500 °C depending on the viscosity of the sample) to obtain bubble-free samples required for viscosity measurements. Densities of all samples have been measured with the Archimedes method using toluene as the immersion liquid (Table 1). Chemical compositions have been measured using a Cameca SX50 electron microprobe (Table 1), with a 30 nA current, U=30kV, and 5s of counting. The values reported in Table 1 are the statistical mean of 10-20 individual measurements. Glasses are named NA75.XX, with XX the concentration in mol% of Al2O3. They contain 75 mol% SiO2 and the Na2O concentration is given by 100 – (75+XX) mol%. NA75.15 data come from the literature (see Table 1 caption). 2.2. High Viscosity Measurements Viscosity measurements on melts near their glass transition temperature have been performed in air using a creep apparatus (see Neuville et Richet, 1991 and Neuville, 2006 for further details). Samples used for measurements are small cylinders of approximately 5 mm diameter x 10 mm length. Their approximate weight is 0.5 g. The temperature gradient is the most critical part of such experiment and needs to be minimized. To limit these gradients, a silver cylinder was placed around the sample, creating a small chamber where the temperature is homogeneous. Furthermore, thermal gradients along the sample were checked using two Pt-PtRh10 thermocouples (ITS90 type S thermocouples). The temperature difference between the top and the bottom of samples was always less than 0.2 K during viscosity measurements. To measure samples viscosity at one temperature, we performed 20 to 40 measurements at different stresses (between 6.6 and 8.9 log Nm-2) to be sure that no non-Newtonian behaviour appeared; the reported viscosity value at a single temperature is the statistical mean of these measurements. Measurements carried out on the NBS 717 glass show that the viscosity uncertainty and reproducibility is less than 0.03 log units with this technique (see Neuville, 2006). 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 2.3 Raman Spectroscopy at Room Temperature Raman spectra were recorded using a T64000 Jobin-Yvon® triple Raman spectrometer equipped with a confocal system, a 1024 CCD (Charge-Couple Detector) cooled by liquid nitrogen and an Olympus® microscope. The optimal spatial resolution allowed by the confocal system is 1-2 μm2 with a x100 Olympus® objective, and the spectral resolution is 0.7 cm-1. A Coherent® laser 70-C5 Ar+, having a wavelength of 514.532 nm, was used as the excitation line. Samples were excited with a laser power of 200 to 250 mW. No laser-induced damage was observed. Spectra were acquired on freshly exposed surfaces (fresh breaks) between 15-20 and 1500 cm1 . Acquisition conditions such as time and repetition were adjusted to the signal emitted by the sample area. Typical values are 180 to 300 seconds and 3 repetitions. The analysed volume was adjusted close to the surface in the Raman optimum region, i.e on the first 10 µm of depth. All reported spectra are unpolarized. Before deconvolution, spectra were corrected for temperature and excitation line effects using a correction factor introduced by Long (1977) and given by Neuville and Mysen (1996): I = Iobs .[o3 [1-exp(-hc/kT)]  / (o-)4], (1) with h the Planck constant, h=6.626038.10-34 J.s, k the Boltzmann constant; k=1.38066.10-23 137 138 J.K-1, c the speed of light, c=2.9979.1010 m.s-1, T is the absolute temperature, o the wavenumber 139 of the incident laser light (in the present study the 514.532nm 70-C5Ar+ line, o =19435.1cm-1), 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 and  the measured Raman shift in cm-1. In order to perform deconvolution of the 850-1300 cm-1 spectral range, representative of the Qn species distribution (see below), this spectral range was normalized to its intensity maximum. Spectral deconvolution was performed using the quasi-Newton algorithm given by Tarantola (2005) implemented in Matlab® (Le Losq and Neuville, 2012). This iterative algorithm is based on the method of non-linear least square minimization. Inputs for the software are: – Raman spectra, i.e raman shifts, intensities and their associated errors. Data errors were estimated as sqrt(n) on raw spectra with n the counts per second, and corrected also by the Long equation. We have then input the total error in the algorithm, which is the sum of the corrected counting error and of the standard deviation between spectra data points and an ideal line. This last contribution to the total error has been determined on a linear spectral region, devoid of any features, in corrected and normalized spectra (in our case between 1300 and 1400 cm-1). We assume that by doing so, all errors from data collection and processing are taken into account. Before deconvolution of the 850-1300 cm-1 spectra region, intensities and their associated errors were normalized in order to obtained an intensity maximum of 100; – The model, which is a simple sum of Gaussian bands, and the estimations of the initial parameters values and of their uncertainties. Initial values of Raman shifts, FWMH and intensity of bands, and their associated uncertainties were the same for all spectra. The input uncertainties were: i) = 15 cm-1 for the Raman shifts; ii) = 20 cm-1 for FWMH (depending of the initial peak FWMH) and iii) 100 for intensity, in order to have no constrains on this parameter. The quasi-Newton algorithm takes into account parameter uncertainties and data errors in order to minimize the least square criterion and to converge to an optimal point. In order to check if the output solutions were the global minimum (best solution), and not just a local minimum (intermediate solution), several sensitivity tests of input parameters were performed. Initial 164 165 166 parameters were changed, by shifting their initial values in a 5-20 cm-1 range, and the deconvolution protocol was repeated several times. The software deconvolves spectra one after the other, allowing the highest degree of reproducibility to be achieved. 167 168 169 170 171 172 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 2.4 Nuclear Magnetic Resonance Spectroscopy at Room Temperature 27 Al and 23 Na NMR experiments were performed at the CEMHTI-CNRS Orléans on a high field NMR Bruker Avance III 750 (17.6 T) spectrometer working at a 23 Na frequency of 198.4 MHz. Chemical shifts for the 27 Al and 23 27 Al frequency of 195.5MHz and a Na are referenced to a 1M aqueous Al(NO3)3 or NaCl solution respectively. Magic Angle Spinning was performed at a speed of 30 kHz in aluminium free zirconia rotors of 2.5mm diameter. A small pulse angle (less than /18 for  /12 for 23 27 Al and Na) was used with a radio-frequency of 50 kHz to ensure the quantitative character of the spectra (Lippmaa et al., 1986). Four thousand (resp. 2000) scans were accumulated for (resp. 23 27 Al Na) with a recycling time of 0.5s (estimated spin-lattice relaxation times T1 of less than 100ms), using a spectral window of 1 MHz. The decomposition of the 1D spectra where obtained using the "dmfit" program (Massiot et al., 2002) which allows for retrieval of the mean isotropic chemical shift iso (which does not coincide with the position of the peak maximum), the distribution of isotropic chemical shift iso and the mean quadrupolar coupling constant, CQ within the framework of the Gaussian Isotropic Model (also called “Czjzek”, Le Caer et al., 1998). 29 Si NMR was performed on a Bruker Avance I 200 spectrometer operating at a frequency of 39.7 MHz. Samples were packed in 7mm diameter zirconia rotor and spun at a speed of 5 kHz. To avoid dead-time problems, a synchronized Hahn Echo sequence was used to record the spectra at a radio-frequency field of 25 kHz and an echo shift of 3 rotor periods. The spin-lattice relaxation time T1 being estimated (using a saturation-recovery experiment) between 250s for alumina-poor and 150s for alumina-rich samples, the recycle delay has been adjusted accordingly between 250s and 150s. Between 800 and 1100 scans were accumulated for each composition (i.e. 3 days of acquisition time). 190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200 201 202 203 204 205 3) Results 3.1 Viscosity The measurements performed on supercooled melts and in the liquid state are listed in Table 2 and plotted in figure 1a. They are in good agreement with previous measurements performed using the fibre elongation method (Taylor and Rindone, 1970) or micropenetration (Toplis et al. 1997a). Figure 1a shows that at a given temperature, the viscosity of the NA75.00 melt is the lowest compared to other compositions. When Al substitutes for Na, and for Al/(Al+Na) < 0.36 (NA75.00 to NA75.09 compositions), viscosity increases slightly while for Al/(Al+Na) between 0.36 and 0.5 (NA75.09 and NA75.12 compositions), viscosity increases drastically. For Al/(Al+Na) higher than 0.5, in the peraluminous field, the viscosity increases very slightly. This behaviour is also observed in the dependence of the glass transition temperature (Tg, which correspond to a viscosity of 12 log Pa.s) on the Al/(Al+Na) ratio (Fig. 1b). Tg increases non-linearly, with a clear transition occurring when Al/(Al+Na) is between 0.36 and 0.5 (NA75.09 and NA75.12 melts). In this range, Tg increases by 240° in less than 3 mol% of substituted Na. The Tg of the glass of Albite composition (NA75.12) is of 1085.7K, in good agreement with the calorimetric 206 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217 218 219 measurements of Richet and Bottinga (1984). When Al/(Al+Na) > 0.5, Tg increases very slowly, reaching 1102.4 K for the NA75.16 glass. The viscosity variations observed at low temperature are also visible at high temperature when looking at the data of Riebling (1966) and Toplis et al. (1997a,b; Fig. 2a). However, they are less pronounced in the high-temperature / low-viscosity range. Furthermore, the NA75.00 viscosity versus 1/T curve shows strongly non-arrhenian behaviour, while the viscosity curves of the tectosilicate (NA75.12) and peraluminous (NA75.15 and 16) melts display arrhenian behaviour (Fig 2a). The different non-arrhenian behaviours are linked to melt fragility: NA75.00, NA75.02, NA75.06 and NA75.09 melts are more fragile than tectosilicate NA75.12 and peraluminous NA75.15/NA75.16 melts (Fig. 2b, Angell, 1991). The NA75.00 is the most fragile. The NA75.12 melt is stronger than other peralkaline (Al/(Al+Na) < 0.5) and peraluminous (Al/(Al+Na) > 0.5) melts (Fig. 2b). Near the glass transition (viscosities between 109 and 1014 Pa.s), the relationship between log η and 1/T is not linear and can be fitted using a Tamman-Vogel-Flucher (TVF) equation: 220 221 222 223 224 225 226 log 𝜂 =  𝐴 +   ! (!!!! ) , (2) where A, B, T1 are adjustable parameters given in Table 3, T the temperature in K and η the viscosity in Pa.s. This equation was used in order to interpolate viscosity data to low temperature. However, it is an empirical fit of viscosity data and does not provide pieces of information about the thermodynamic state of the studied melt (Neuville and Richet, 1991). In order to model the whole range of temperature and to be able to extract thermodynamic information, one can use the Adam and Gibbs equation: !" 227 log 𝜂 =  𝐴 +   228 229 230 231 232 233 234 235 236 where Ae is a pre-exponential term, Be a constant proportional to the potential barrier 239 , (3) opposed to the cooperative rearrangement of the liquid structure, Sconf(T) the melt configurational entropy, η its viscosity in Pa.s and T its temperature in K (Richet, 1984; Neuville and Richet, 1991). This model is based on the Adam and Gibbs’ theory of relaxation processes (Adam and Gibbs, 1965). It assumes that matter transport in a viscous melt implies the cooperative rearrangement of subsystems having a configurational entropy Sc* and a size z*(T) at a temperature T, separated by a Gibbs free-energy barrier Δµ opposed to their movements. Considering one mole of particles in a melt, we can write the Be and Sconf(T) parameters of equation 3 as: 237 238 !! !"#$ (!) 𝐵𝑒 =   !!  !! ∗ !! , (4) and 𝑆 !"#$ 𝑇 =   𝒩! 𝑆∗ ! ∗ (!") ! +( 𝒩! !∗ ! − 𝒩! !∗ !" )𝑆! ∗ , (5) 240 with kB the Boltzmann constant and NA the Avogadro constant (Adam and Gibbs, 1965; Bottinga 241 242 243 and Richet, 1996). We deliberately wrote equation 5 in a developed form because it is linked from 244 245 a macroscopic point of view to the following equation (Richet, 1984): 𝑆 !"#$ (𝑇) = 𝑆 !"#$ (𝑇𝑔) + ! 𝐶𝑝!"#$ !" /𝑇𝑑𝑡 , (6) with 𝐶𝑝!"#$ 𝑇 = 𝐶𝑝! 𝑇 − 𝐶𝑝! (𝑇𝑔) . (7) Sconf(Tg) is the configurational entropy of the melt at Tg, and is equal to the residual entropy of 246 247 248 the corresponding glass at 0K, Cpl(T) is the heat capacity of the liquid at temperature T and 249 that Sconf(Tg) is linked to Sc* and z*(Tg), and 250 251 252 253 254 255 256 257 258 259 260 261 262 263 264 265 266 267 268 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280 281 282 283 284 285 286 287 temperature. Cpg(Tg) is the heat capacity of the glass at Tg. We thus directly see comparing equation 5 and 6 to the variation of z* depending on Be in equation 3 is not temperature dependent, implying through equation 4 that bothand Sc* have a negligible temperature dependence. This implies that the microscopic mechanism controlling viscous flow in a melt does not change with the temperature (Toplis, 1998), at least on the applicable viscosity range of Eq. 3 (10-1012 Pa.s, Bottinga et al., 1995). Only the melt composition strongly influences non-linearly Be, hence andSc*. Since Sc* influences Sconf(Tg) as shown by equation 5, this explains why viscosity variations near Tg strongly depend on melt chemistry. At high temperature, the z*(T) influence on Sconf(T) surpasses that of Sc*, and the configurational heat capacity of the melt will play a fundamental role on Sconf(T) and hence viscosity. From equations 5 and 6, it appears that the melt configurational entropy at Tg and hence the residual entropy of glass, reflects the configurational entropy of melt subsystems. Sconf(Tg) has two contributions: i) a topological part, which is mainly due to the various distributions of bond angles, interatomic distances and coordination numbers, and ii) a chemical part, induced by the mixing of different elements (Neuville and Richet, 1991). As a result, Sconf(Tg) reflects the melt configurational state, providing an image of its atomic disorder, and variations of Sconf(Tg) dependent on melt chemistry bring insights about the influence of chemical and structural changes on thermodynamic properties. By combining equations 3 and 6, one can calculate the Sconf(Tg), Ae and Be parameters if viscosity data and heat capacities values are available. Estimation of heat capacities are of great importance because small errors on Cpg and Cpl estimations can lead to strong deviations of the calculated Be and Sconf(Tg) parameters. The Cpg of the studied glasses were computed according to the model of Richet (1987), that considers Cpg as additive functions of the composition. For melts with Al/(Na+Al) < 0.5, liquid heat capacity, Cpl, is an additive function of the composition in the Na2O-Al2O3-SiO2 diagram (Tangemann and Lange, 1998) and is independent of temperature (Richet, 1982; Tangemann and Lange, 1998). A set of partial molar heat capacities has been determined by Tangemann and Lange (1998), allowing the calculation of Cpl following: Cpl = xNa x 112.4 + xAl x 153.2 + xSi x 74.5, (5) where xNa, xAl and xSi are the molar fraction of the oxides; this equation being valid for Al/(Na+Al) < 0.5. Equation 5 predicts values of 85.296 and 87.86 J.mol-1.K-1 for the NA75.00 and NA75.06 melts respectively, in good agreements with Richet’s (1982) measurements of 85.802 and 87.332 J.mol-1. Equation 5 is thus accurate to estimate the Cpl of peralkaline melts (Al/(Na+Al) < 0.5). However, it does not account for the temperature dependence of Cpl for tectosilicate and peraluminous (Al/(Na+Al) ≥ 0.5) melts (Richet, 1982; Richet and Bottinga, 1984, 1986). Indeed, it predicts a value of 90.47 J.mol.K-1 for the NA75.12 melt, which disagrees with the experimental T-dependent Cpl equal to 86.7 J.mol-1.K-1 at Tg (equation: 75.168 + 0.0107*T with T the temperature in K, Richet and Bottinga, 1984). Richet (1982) also reported a Cpl equal to 75.159 +0.006055*T J.mol-1.K-1 for the NA75.15 liquid. Therefore we used the values of Richet 288 289 290 291 292 293 294 295 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 (1982) and Richet and Bottinga (1984) to estimate the Cpl of NA75.12 and NA75.15 melts, and we performed an extrapolation of these values to the NA75.16 composition in order to have a good estimation of its Cpl. By doing these Cpl estimations, using both an accurate model for the peralkaline melts and data for the tectosilicate and peraluminous melts acquired using drop calorimetry, which is the most precise method to measure Cpl, we ensure that the Sconf(Tg) estimations are the best possible within the current database available for those melts. Cpg, Cpl, Ae, Be and Sconf(Tg) values are reported in Table 4. The Sconf(Tg) of the NA75.00 is 7.71 ±0.46 J.mol-1.K-1 (Fig. 1b). A strong increase of Sconf(Tg) at values close to 8.5-9 J.mol-1.K-1 is observed for NA75.06, NA75.09 and NA75.12 melts, whereas the peraluminous melts present lower Sconf(Tg), close to 5.8 J.mol-1.K-1 (Fig. 1b). The Be/Sconf(Tg) ratio is proportional to the height of the average potential energy barrier  to viscous flow multiplied by the size z* of the rearranging domains at Tg (Toplis, 1998). Looking at this ratio has the advantage to remove the Sc* dependence at both Be and Sconf(Tg) (equations 4 and 5), and thus provides a direct information on and/or z*. Upon substitution of Na2O by Al2O3, this ratio increases slightly from 9981 at Al/(Al+Na) = 0 up to 11126 at Al/(Al+Na) = 0.36. Between Al/(Al+Na) = 0.36 and 0.5 (i.e. between the NA75.09 and NA75.12 products), it increases strongly reaching a value of 15087 and forming a summit when Al/(Al+Na) = 0.5. For Al/(Al+Na) > 0.5, it decreases slightly reaching a value of 14781 for the NA75.16 product. 306 307 308 309 310 311 312 313 314 315 316 317 318 319 320 321 322 323 324 325 326 327 328 329 3.2 Raman Spectroscopy Spectroscopic investigations using Raman and NMR presented in this paper have been performed on glasses at room temperature. Despite slight differences, the structure of the glasses is mostly representative of that of their associated melts at Tg. Thus, the pieces of information on the glass structure given by Raman and NMR spectroscopies can be clearly related to the melt thermodynamic and rheological properties near Tg (Mysen et al., 1980; McMillan, 1984; Stebbins et al., 1992; Neuville and Mysen, 1996; Mysen, 1999; 2003; Mysen et al., 2003; Neuville, 2006; Massiot et al., 2008; Le Losq and Neuville, 2012). Preliminary note: In the following, we will distinguish Qn species as tetrahedrally coordinated cations with n Bridging Oxygens (BO) and 4-n Non-Bridging Oxygens (NBO). Raman spectroscopy does not distinguish Si or Al based tetrahedra, and the Raman signal of Q n species mixes both SiO4 and AlO4 contributions. NMR being an atom specific probe, discriminates SiO4 and AlO4 contributions. In the following, we will refer to Qn species for both Si and Al atoms, Qn(mAl) species will refer specifically to Si surrounded by n bridging oxygens, m being AlO4 tetrahedra. Similarly, Al based tetrahedra will be referred as Qn(pSi) species. Figure 3 displays uncorrected Raman spectra of NA75.XX glasses and table 5 lists the frequency of observed bands and shoulders. Raman spectra can be divided into four regions (noted respectively A, B, C and D in Figure 3): the Boson region A (20-250cm-1); the low frequency region B (250-700cm-1); the intermediate region C (700-850cm-1); and the high frequency region D (850-1300cm-1). The Raman spectrum of the NA75.00 glass displays one asymmetric band at 69 cm-1 with a slight shoulder at ~170 cm-1, a strong band at 539 cm-1 with an apparent shoulder 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 near 596 cm-1, an asymmetric band at 781 cm-1, a small peak at 948 cm-1 followed by a broad band at 1100 cm-1, in agreement with Mysen and Frantz’s observations (1992). Peak intensities and Raman shifts evolve during the substitution of Na2O by Al2O3 (Table 5). The spectrum of the NA75.12 glass (albite composition) displays one asymmetric band at 70 cm-1, a broad asymmetric band centred at 486 cm-1 which presents one apparent shoulder on its left side at ~455 cm -1, one band at 573 cm-1 with a shoulder on its right side at 590 cm-1, one band at 793 cm-1 with another shoulder near 813 cm-1, and a broad band at 1107 cm-1 with a shoulder on its left flank near 995 cm-1. A strong decrease of the region D compared to the region B is observed when the Al2O3 content increases (i.e. going from the NA75.00 to the NA75.16 glass). These observations are in agreement with previous results on the NAS system (Seifert et al., 1982; Neuville and Mysen, 1996; Mysen et al., 2003) as well as the CAS and MAS systems (Neuville et al., 2004a, 2006, 2008). 342 343 344 345 346 347 348 349 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 368 369 370 371 Boson region A (20-250 cm-1) The Boson peak, located near 70 cm-1, is a Raman signature of tetrahedral network glasses (Fig. 3). It has been ascribed to Raman scattering involving rotational motions of almost rigid tetrahedra (Buchenau et al., 1986; Hehlen et al., 2000, 2002) but remains controversial. Frequencies of the Boson peak of the NA75.00, NA75.02 and NA75.06 glasses are similar at 69 ±3 cm-1 (Table 5). The NA75.09 Boson peak frequency is ~80 cm-1, whereas for the NA75.12 glass it decreases in frequency to ~70 cm-1. Addition of more Al2O3 then increases the Boson peak frequency up to ~78 cm-1 for the NA75.16 glass. From these observations, it appears that the Boson peak frequency is constant upon Na2O substitution by Al2O3 up to 6 mol% Al2O3. At 9 mol% Al2O3, the frequency of the Boson peak is perturbed and moves towards higher frequencies but begins to shift back toward lower values by 12 mol% Al2O3. The shape of the Boson peak also exhibits a compositional dependence. In the NA75.00 spectrum, the high frequency side of the peak appears to exhibit a small shoulder near 170 cm -1. When the proportion of Al2O3 increases, this shoulder decreases in intensity and the asymmetry of the peak decreases (arrow a in Fig. 3). The behaviour of the Boson peak shape and frequency suggests a perturbation of the TO2 (where T=Al,Si) arrangement and connectivity within the T-O-T network upon the substitution of Na2O by Al2O3. In the case of silica glasses, the Boson peak intensity maximum increases and shifts to higher frequency with increasing distortion of the SiO4 tetrahedra (Hehlen et al., 2000, 2002). Neuville (2005, 2006) observed that upon glass depolymerisation (i.e. formation of Q n-1 species) occurring when MO (with M=Ca, Sr) replaces Na2O, the maximum intensity of the Boson peak increases and shifts toward higher frequency indicating increased distortion of the SiO4 tetrahedra. The global increase of the Boson peak frequency observed when Al2O3 replaces Na2O can suggest an increase of the distortion of the tetrahedra, correlated with the introduction of Al 2O3 in the tetrahedral network. Another interesting feature here is the disappearance of the shoulder near 170 cm-1 on Raman spectra upon substitution of Na2O by Al2O3 (arrow a in Fig. 3). The finer Boson peak of aluminium-rich NA75.12 and NA75.16 samples suggests a localisation of the “Boson” vibrational modes, and perhaps to a narrower distribution of T-O-T angles and hence an increase in 372 373 374 375 376 377 378 379 380 381 382 383 384 385 386 387 388 389 390 391 392 393 394 395 396 397 398 399 400 401 402 403 404 405 406 407 408 409 410 411 412 413 414 the degree of ordering within the tetrahedral network. The low frequency region B (250-700 cm-1) Strong changes are observed in this frequency region. Two bands are always visible, but their Raman shifts and intensities change with the Al/(Al+Na) ratio. The Raman shift of the NA75.00 main band is 538 cm-1. In the NA75.02 glass, this band is still present at the same Raman shift but its intensity is slightly lower, and it becomes broader with a shoulder appearing on its left side near 490 cm-1 (Fig. 3). With further increase of the Al/(Al+Na) ratio there are significant changes in this spectral region. In the NA75.06, NA75.09, NA75.12 and NA75.16 spectra, the main band is close to 490 cm-1. Its frequency is at 494 cm-1 for the NA75.06 glass, and decreases when Al/(Al+Na) increases reaching 482 cm-1 in the Raman spectrum of the NA75.12 glass (Fig. 3, Table 5). A shoulder is also visible near 455 cm-1 on the NA75.12 spectrum. The main band of the NA75.16 glass is centred at 455 cm-1, and displays a shoulder near 497 cm-1. A shoulder at 597cm-1 is also visible on the NA75.00 Raman spectrum (Fig. 3). When Al/(Al+Na) increases, this shoulder becomes broader. On the NA75.06, NA75.09 and NA75.12 spectra, it appears that two contributions near 570 and 590 cm-1 build the observed signal (Table 5). On the NA75.16 spectrum only one shoulder at 592 cm-1 is observed. Bands near 400-600 cm-1 in silicate and aluminosilicate networks are usually assigned to vibrations of three-, four-, five-, six- or higher-membered rings of tetrahedra present in silicate and aluminosilicate networks (Sharma et al., 1981; McMillan and Piriou, 1982; Galeener, 1982a,b; Seifert et al., 1982; Galeener et al., 1984; Sharma et al., 1985; McMillan et al., 1994; Pasquerello and Car, 1998; Pasquarello, 2001; Umari and Pasquarello, 2002; Umari et al., 2003; Rahmani et al., 2003). They reflect the inter-tetrahedral angle distribution and thus the ring arrangement. In pure silica, three peaks near 440 cm-1, 495 cm-1 and 606 cm-1 are visible in this frequency range (see spectra in Galeener, 1982a for example). The first peak near 440 cm-1 is ascribed to the predominant motions of oxygen atoms, involved in Si-O-Si bonds in five-, six or higher-membered rings (Sharma et al., 1981; McMillan et al., 1994; Kalampounias et al., 2006). The exact nature of the vibration, i.e stretching or bending for instance, seems to be uncertain but all studies point out the motion of oxygen in Si-O-Si linkages (McMillan et al., 1994). The second band, near 485-490 cm-1, is usually called the D1 band and is formed by breathing motions of oxygen atoms (i.e movements of oxygen perpendicular to the Si-O-Si plane) in regular, but slightly puckered, fourmembered rings (Sharma et al., 1981; Galeener, 1982b; Pasquarello and Car, 1998; Umari and Pasquarello, 2002; Umari et al., 2003; Rahmani et al., 2003). The third band, located near 606 cm1 , is usually called the D2 band and is ascribed to the breathing motion of oxygen atoms in planar three-membered rings (Galeener, 1982a,b; Galeener et al., 1984; Pasquarello and Car, 1998; Umari and Pasquarello, 2002; Umari et al., 2003; Rahmani et al., 2003). Spectral signals in the region B of the NA75.06, NA75.09, NA75.12 and NA75.16 glasses are similar (Fig. 3). They also present similar features observed in the Raman spectra of pure silica, allowing us to make some assumptions on ring statistics for alkali aluminosilicate glasses based on our knowledge of silica glass (Sharma et al., 1985). The band near ~490 is produced by the D1 a signal coming from four-membered rings, while the long tail at lower frequency arise from the stretching of O atoms in five, six -or higher- membered rings. Slight frequency shifts of bands come from different T-O-T mean bond angles, force constant and T-O distances, induced by the 415 416 417 418 419 420 421 422 423 424 425 426 427 428 429 430 431 432 433 434 435 436 437 438 439 440 441 442 443 444 445 446 447 448 449 450 451 452 453 454 455 456 457 presence of both aluminium and alkali atoms (Sen and Torpe, 1977; Taylor and Brown, 1979a; Galeener et al., 1984; Sharma et al., 1985). The D1 band indicates the presence of a slight proportion (~1%) of four-membered rings in those glasses (Galeener, 1982a,b). Observation of two contributions near 570 and 590 cm-1 suggests that three-membered rings are present in the glass network. The small frequency difference between them suggests that their line width is narrow. This is in agreement with the vibrational decoupling of three-membered rings from the rest of the network, which produces such narrow line widths (Galeener et al., 1984). The effect of the Si substitution by the Al in some rings can explain the presence of two contributions (Le Losq and Neuville, 2012): the substitution decreases the strength of bonds in the rings, and produces a shifts toward low wavenumbers of the D2 line. Comparison of NaAlSiO4 and SiO2 glasses’ Raman spectra shows that in the first, the D2 line is at 570 cm-1 whereas in the second, it is at 606 cm-1 (Galeener, 1982a,b; Neuville and Mysen, 1996). Therefore, the 590 cm-1 shoulder could be related to the presence of Si-O-Si-O-Si three-membered rings and the 570 cm-1 contribution to Si-O-Al-OSi three-membered rings. The long tail between ~250 and 480 cm-1 in the spectra of the NA75.06, NA75.09, NA75.12 and NA75.16 glasses indicates that they are composed of a three-dimensional arrangement of TO4 tetrahedra in five, six, seven -or higher-membered rings. The decrease of the D1 band and the increase of a contribution near 455 cm-1 also points to a decrease of the four-membered rings between the NA75.06 and NA75.16 glasses (Fig. 3). The increase of the 470-490 cm-1 contributions between the NA75.06 and the NA75.12 glasses also indicates an increase of the three-membered rings proportion when increasing the Al/(Al+Na) ratio. In the peraluminous NA75.16 glass, the predominance of the 455 cm-1 contribution compared to the D1 indicates that the proportion of four-membered rings decreases while that of higher-membered rings increases. Furthermore, the presence of only the 590 cm-1 component could indicate the relative predominance of Si-O-Si-O-Si three-membered rings. The aluminium-poor and silicate glasses, NA75.02 and NA75.00, present a very different Raman signal in the region B compared to the other glasses. The observed shoulder near 490 cm-1 on the NA75.02 Raman spectrum suggests that the 490 cm-1 D1 band observed in the aluminous-rich glasses (NA75.06, NA75.09, NA75.12, NA75.16) does not arise from a shift of the 540 cm-1 band, as already suggested by McMillan (1984). In the NA75.00 and NA75.02 glasses, Q3 units have been observed by previous studies (Maekawa et al., 1991; Mysen, 1999). Intertetrahedral bonds of such units give Raman signal near 530-540 cm-1, according to the works of Brawer and White (1975, 1977) and Furukawa et al. (1981) for instance. The decrease of this band between the NA75.02 and NA75.06 glasses Raman spectra thus indicates a decrease of Q3 units signal. Furthermore, it may point to a different organisation of the T-O-T arrangement in the NA75.00/NA75.02 glasses and in the NA75.06/09/12/16 glasses, the latter being composed of a three dimensional ring arrangement as observed in their mineral counterparts (Sharma et al., 1985). The intermediate frequency region C (700-870 cm-1) The Raman spectrum of the NA75.00 glass has a band located near 781cm-1. This peak shifts to higher frequency when replacing Na2O by Al2O3, reaching a value of 799 cm-1 for the NA75.16 glass. Furthermore, a shoulder near 810-820 cm-1 is visible in the spectra of the NA75.09, NA75.12 458 459 460 461 462 463 464 465 466 467 468 469 470 471 472 473 474 475 476 477 478 479 and NA75.16 samples (Table 5). The 800 cm-1 band is attributed to Si-O stretching involving oxygen motions in the Si-O-Si plane (McMillan et al., 1994) or to the motion of the Si atom in its oxygen cage (Mysen et al., 1982). Another attribution arises from the central force model of Sen and Torpe (1977), which links the 800 cm-1 band to the threefold –degenerate “rigid cage” vibrational mode of TO2 units (Galeener, 1979). The high frequency region D (870-1300 cm-1) In this frequency region, several changes occur during Na2O substitution. The NA75.00 Raman spectrum displays a small peak near 948 cm-1 and a band at 1098 cm-1 (Fig. 3). When Al/(Al+Na) increases up to 0.24 (NA75.06 glass), i.e. during Na2O substitution, the 1100 cm-1 band frequency decreases slightly down to 1089 cm-1. With further increases in the Al/(Al+Na) ratio, its frequency increases up to 1120 cm-1 at 16 mol% Al2O3 (NA75.16 glass). In addition, the small peak near 950 cm-1 is no longer visible when Al/(Al+Na) is higher than 0.24. The main band also becomes broader when increasing the Al/(Al+Na) ratio, and at Al/(Al+Na) ratios higher than 0.36 (i.e. for NA75.12 and NA75.16 glasses) a distinct shoulder near 1000 cm-1 appears. The NA75.12 and NA75.16 Raman spectra have this shoulder near 1000 cm-1, a band near 1100 cm-1 and another slight shoulder at higher frequency, near 1170-1190 cm-1. T-O stretching (T=Si,Al) is responsible for the broad band observed near 1100 cm-1 (Bell et al., 1968; Sen and Thorpe, 1977). Several studies have noted that different peaks are convoluted in this band and which arise from the T-O stretching in different Qn tetrahedral units (see McMillan [1984] and Mysen et al. [2003] and references therein). 480 481 482 483 484 485 486 487 488 489 490 491 492 493 494 495 496 497 498 499 Spectra deconvolution: Three to five Gaussian bands have been used to obtain the minimization of the misfit function (Tarantola, 2005) and to achieve a coherent description of the band behaviour in this spectral region as a function of the chemical composition of the glasses. Deconvolution of Raman spectra are shown in figure 4, and band parameters are listed in table 6. As peak areas do not represent the Qn species “real” concentrations (Mysen et al., 2003, and references therein), deconvolution provides qualitative information about the presence and relative contribution of the different Qn species. The spectra of NA75.00 glasses have been previously deconvolved using 4 to 5 bands located near 960, 1070, 1100, 1150 and 1200 cm-1 (Mysen, 1990; Mysen and Frantz, 1994a; Mysen, 1999; Mysen et al., 2003) when only three bands near 1000, 1100 and 1200 cm-1 were necessary to account for spectra of pure silica and Na tectosilicate - fully polymerized - glasses (Neuville and Mysen, 1996). Some questions remain pending the attribution of these bands, despite a global consensus in the literature. Firstly, it has to be said that no Transverse-Optic/Longitudinal Optic (TO-LO) effect occurs in the 850-1300 cm-1 normal Raman spectral region (Denisov et al., 1984). Bands expressed in this frequency range arise from only the expression of particular vibrational modes of the TO4 tetrahedra (Le Losq and Neuville, 2012). In the NA75.00 glass spectra, the 960 cm-1 band is assigned to Si-O- stretching in Q2 species (Brawer and White, 1975; Mysen et al., 1982; Seifert et al., 1982; McMillan, 1984; Mysen, 1999). The 1100 cm-1 band is ascribed to Si-O- 500 501 502 503 504 505 506 507 508 509 510 511 512 513 514 515 516 517 518 519 520 521 522 523 524 525 526 527 528 529 530 531 532 533 534 535 536 537 538 539 540 541 542 stretching occurring in Q3 units (Brawer and White, 1975, 1977; Virgo et al., 1980; McMillan, 1984). The case of the 1070 cm-1 band is more complicated. This band is also observed on Raman spectra of pure silica, alkali and alkaline-earth aluminosilicate and silicate glasses (Mysen et al., 1982; McMillan, 1984; Mysen, 1990; Neuville and Mysen, 1996; Neuville, 2005; 2006, Le Losq and Neuville, 2012). It has been attributed to vibrations involving bridging oxygen atoms in structural units which do not need to be fully polymerized (Mysen et al., 1982), or to vibrations of Si-O doublets associated with alkaline-earth or alkali metals (Fukumi et al., 1991; McMillan et al., 1992). However, this band is present all along the SiO2-NaAlSiO4 and the SiO2-MxO joins (with Mx: alkaline earth (x=1) or alkali (x=2) elements; Mysen et al., 1982; Seifert et al., 1982; McMillan, 1984; Neuville and Mysen, 1996; Neuville et al., 2004, 2006, 2008a). This indicates that the stretching of the Si-O pairs which causes this band is not really affected by the Qn distribution, despite frequency and intensity variations that are compositionally dependent. Therefore it arises from a Si-O stretching type which is different from the Si-O stretching of the Qn bands. The vibrational density of states of vitreous SiO2 presents also a two-band splitting at high frequency: one band is located neat 1060 cm-1 and the other near 1200 cm-1. Using a first-principle approach, Sarnthein et al. (1997) and Pasquarello et al. (1998) have ruled out the LO-TO splitting interpretation, and proposed that the two bands, observed both in the calculated vibrational density of states and in the measured neutron density of states, arise from two different vibrations of the tetrahedral subunits (i.e the Q units). The first band, at low-frequency, can be related to a stretching T2 vibrational mode of the SiO4 tetrahedron (Sarnthein et al., 1997; Taraskin and Elliott, 1997; Pasquarello et al., 1998). According to group theory, it corresponds to two oxygen atoms moving closer to the central Si atom while the two others oxygen atoms are moving away (Sarnthein et al., 1997; Dresselhaus, 2010). The second band, at higher frequency, corresponds to the A1 vibrational mode, which is an in-phase motion of the four oxygen atoms toward the central Si atom (Sarnthein et al., 1997; Taraskin and Elliott, 1997; Pasquarello et al., 1998; Dresselhaus, 2010). By comparing Raman spectra and the vibrational density of state (measured and calculated) of vitreous SiO2 (see spectra in Pasquarello and Car, 1998 for instance), it appears that frequencies of the two Raman bands (near 1060 and 1200 cm-1) are close to those of T2 and A1 bands. As the high-frequency part of the vibrational density of state and the normal Raman spectra of the SiO2 glass are both not affected by the LO-TO splitting effect (Sarnthein et al., 1997; Denisov et al., 1984), we suggest that the 1060 cm-1 band in Raman spectra of silica, silicate and aluminosilicate glasses can correspond to a stretching T2 vibrational mode of TO4 tetrahedra. Consequently, the other bands arise from the A1 vibrational modes of the different Qn units. Following the previous discussion, in the NA75.00 Raman spectrum we can attribute the band near 960 cm-1 to the A1 vibration of Q2 species, the band near 1100 cm-1 to the A1 vibration of Q3 species, and the band near 1050 cm-1 to a stretching T2 mode of TO4 tetrahedra. The A1 stretching mode of Q4 units give a Raman signal at frequencies comprised between 1100 and 1200 cm -1 (see for example Mysen et al., 1982 and references therein). In the NA75.00 Raman spectrum, one can account for Q4 vibrations using one band, located near 1150 cm-1 (see for instance Mysen et al., 2003). In the NA75.12 Raman spectrum, two bands located near 1100 and 1170 cm -1 have been used. This deconvolution pattern implies that the Q4 band present in the NA75.00 spectrum splits into two bands in the NA75.12 spectrum. According to previous studies, these two bands have 543 544 545 546 547 548 549 550 551 552 553 554 555 556 557 558 559 560 561 562 563 564 565 566 567 568 569 570 571 572 573 574 575 576 577 578 579 580 581 582 583 584 585 been assigned to the A1 vibrations of Q4 species in two environments presenting different T-O-T bond angles (Mysen et al., 1982; Seifert et al., 1982; Neuville and Mysen, 1996). However, it has to be said that these two bands are used as a mathematical solution to account for a slightly asymmetric distribution of the A1 vibrational mode of the Q4 tetrahedra in aluminosilicate glasses, hence maybe of their mean angle, but do not indicate a real bimodal distribution of the Q4 population and hence T-O-T angles. For practical purposes, we used two bands, named Q4,II (1100 cm-1) and Q4,I (1170 cm-1), to account for the Q4 signal in all spectra (Fig. 4). According to the Sen and Torpe (1977) model, the Q4,II band represents lower T-O-T angles than the Q4,I band, the angle difference being on the order of 3° for the NA75.12 glass (Le Losq and Neuville, 2012). Their frequency are very close in the NA75.00 spectrum, indicating a quite symmetric Q4 vibrational distribution, and increasing the Al/(Al+Na) ratio they separate and the intensity of the Q4,II band in particular increases (Fig. 4). In summary, when the ratio Al/(Al+Na) increases, several changes are observed (Figs. 4,5 and Table 5): -i) The frequency, intensity and area of the Q3 band decreases, disappearing when Al/(Al+Na) is higher than 0.36 (NA75.09 glass); -ii) The intensity, width and hence area of the Q4,II band drastically increase, and its frequency decreases; -iii) The intensity of the Q4,I band increases slightly, its full-width at half maximum (FWHM) slightly decreases, its frequency increases, but its area remains quite constant; -iv) The frequency, intensity, FWHM and area of the Q2 band increase slightly but the band disappears when Al/(Al+Na) is higher than 0.36 (NA75.09 glass); –v) The frequency of the T2 band decreases along with its FWHM and intensity firstly for Al/(Al+Na) lower than 0.5 (NA75.12 glass), but for Al/(Al+Na) comprised between 0.36 and 0.5, the intensity and FWHM increase; for Al/(Al+Na) higher than 0.5, there are no significant change in the FWHM and intensity. These observations indicates that increasing the Al/(Al+Na) produces a decrease in Q3 species proportion, while the Q4,II concentration increases and that of Q4,I remains constant. Thus the Na2O substitution by the Al2O3 produces an strong increase of the Q4,II band. This indicates that, in agreement with Si-O-Al angles smaller than those of Si-O-Si (Navrotsky et al., 1985 and references therein), the Al3+ is incorporated in Q4 units in the silicate network. This observation is in agreement with studies performed along the SiO2-NaAlO2 join which show a Si-Al mixing in a Q4 tetrahedral network with decreasing T-O-T angles upon the addition of NaAlO2 (Taylor and Brown, 1979b, Seifert et al., 1982; Neuville and Mysen, 1996). However, because only 12.5% of Al2O3 is incorporated in the network, this cannot explains by itself the strong area increase of the Q4,II band (Fig. 5). This band must record also the signal of Q4(mAl) silicon groups, i.e. SiO4 tetrahedra linked to m Al atoms through Si-O-Al bonds. Interestingly, this last remark suggests that the Q4,I band mainly records Q4(0Al) signal. Raman spectra suggest a polymerized structure of the NA75.12 and NA75.16 glasses, composed of Q4 species (Figs. 4,5). Previous NMR studies have shown the presence of a small amount of nonbridging oxygen in tectosilicate melts (Stebbins and Xu, 1997). Despite a higher sensitivity of Raman spectroscopy to the Q3 species signal than to that of Q4 species (Furukawa et al, 1981), we do not report such a signal here. Therefore, if present, the amount of NBOs is very low and cannot 586 587 588 589 590 591 592 593 594 595 596 597 598 599 600 601 602 603 604 605 606 607 608 609 610 611 612 613 614 615 616 617 618 619 620 621 622 623 624 625 626 627 be detected with Raman spectroscopy. The Q4,I/Q4,II distribution do no change in the peraluminous field (Fig. 5), despite an increase of peak frequency pointing to an slight increase of T-O-T angles. 3.3 NMR Spectroscopy Figures 6a,b,c present the 23 Na, 27 Al and 29 Si 1D MAS NMR spectra for the investigated NAS glasses. Values are reported in Table 6. In Fig. 6a, 27 Al 1D NMR spectra of NA75.00, NA75.02, NA75.06, NA75.09 and NA75.12 products are very similar, presenting mainly one contribution characterized by a mean isotropic chemical shift δiso ≈ 60.4 ppm and a mean quadrupolar coupling constant CQ increasing from 4.43 to 4.86 MHz, which is characteristic of the signal of four-fold coordinated Al3+ ions, Al[4]. In the NA75.16 spectrum, the first contribution broadens on its low ppm edge, and presents a markedly increased CQ of 6.11 MHz. A second, very broad, contribution appears near 30ppm. This later contribution is characteristic of the presence of five-fold coordinated Al3+ ions, Al[5], in the NA75.16 glass. To fully account for the observed spectrum, one has to add a third minor contribution of Al [6] at δiso = 19.1 ppm. A quantitative modelling of the spectrum yields Al[4]=75%, Al[5]=22% and Al[6]=3% (Table 6). For the 23 Na 1D NMR spectra, the δiso of the NA75.00 sodium peak is close to 0 ppm (Fig. 6b) and can be simulated assuming a Czjzek-based distribution of quadrupolar interaction: iso ~ 1.3 ppm and CQ ~ 2.8 MHz. When increasing the Al/(Al+Na) ratio, the peak shifts linearly to lower values, reaching -20 ppm at 16 mol% Al2O3 (NA75.16 glass), and broadens with an asymmetric tail developing on its left side. While for Al/(Al+Na) ratios of 0.08 (NA75.02) and 0.24 (NA75.06) the Czjzek-based distribution of quadrupolar interaction (iso ~ -1.2 and CQ of ~ 2.3 MHz / iso ~ -6.8 ppm and CQ of ~ 1.5MHz) satisfactorily account for the observed spectra, for higher values of Al/(Al+Na) the left asymmetry of the signal cannot be fitted with a single distribution. The position of the 23 Na band has been related to Na-O distances (Lee and Stebbins, 2003). The decrease of iso thus points to an increase of the mean Na-O distance. Lee and Stebbins (2003) comparing sodium aluminosilicate and silicate have pointed that Na-BO distances are greater than Na-NBO distances. Our Raman observations suggest a decrease of the Q3 proportion and hence of the NBO proportions when Al/(Al+Na) increases. It thus appears that the observed iso negative shift indicates that the higher Al/(Al+Na), the lower the iso, the lower the Na-NBO proportion and the higher the Na-BO concentration. Furthermore, Na-BO mean distance depend on the types of bridging oxygen atoms: Na-{Al-O-Al}, Na-{Si-O-Al}, and Na-{Si-O-Si} distances are respectively equal to 2.52 ±0.048, 2.65 ±0.10 and 2.81 ±0.10 Å (Lee and Stebbins, 2003 and references therein). The iso of Na-{Al-O-Al} is thus at higher chemical shift than that of Na-{Si-O-Al}, and therefore of that of Na-{Si-O-Si}. As a result, the asymmetry of the 23 Na 1D spectra of NA75.12 and NA75.16 distances suggests that Na atoms are surrounded by a different amount of Al and Si atoms. The Na environment thus appears to be slightly variable. 29 Si NMR spectroscopy allows observing two contributions: Q3 (iso = -90.9 ppm, 1/2 = 9.9 ppm, 65%) and Q4 (iso = -103.0 ppm, 1/2 = 13.5 ppm, 35%) in the 1D MAS NMR spectrum of the NA75.00 glass (Fig. 6c). These results are in good agreement with Maekawa et al. (1991b). This latter study also assumed the presence of an extra peak located at -78.0 ppm and accounting for 1% of the total intensity. Although not needed in our simulation, such a small intensity (<1%) peak could be buried in the noise in our spectrum. Upon substitution of Na2O by Al2O3, i.e. when 628 629 630 631 632 633 634 635 636 637 638 639 640 641 642 643 644 645 646 647 648 649 650 651 652 653 Al/(Al+Na) increases, the peaks progressively collapse into a broad line, shifting to lower ppm. For the NA75.16 glass, the peak can be fitted using a single line (iso = -99.9 ppm and 1/2 = 16.4 ppm). Simulation of the 29 Si spectra allows, in principle, quantifying the proportion of Qn units, and observing interactions between Si and Al in Qn species. Nevertheless, if purely Qn species are spectrally well separated by approx. 10 ppm (Magi et al., 1984; Engelhardt and Michel, 1987), the substitution of one Si by one Al atom in the second coordination sphere of the probed Si atom is known to produce a ~5.0 ppm shift of its initial signal (Lippmaa et al., 1981; Engelhardt and Michel, 1987). Hence as aluminium is added to NA75.00, Q4 and Q3 species are converted into Q4(mAl) and Q3(pAl) with m = 0 to 4 and p = 0 to 3, resulting in an increasing number of overlapping NMR lines. As a result, the NMR spectra become unresolved and it is not possible to extract the individual Qn(mAl) components solely on the basis of a simulation. In the NMR spectrum of the NA75.00 glass, the two partly overlapping contributions can be unambiguously ascribed to Q3(0Al) species [~-90.0ppm] and Q4(0Al) species [~-103 ppm] (Fig. 7). No signal from Q2(0Al) species is observed in the NMR spectra of the NA75.00 glass within detection limit. Upon substitution of Na2O by Al2O3, the collapsing of the two Q3(0Al) and Q4(0Al) initial lines is due to the introduction of Q4(mAl) species. For the decomposition of the NA75.02 NMR spectra, a new Q4(1Al) line appears (iso = -96.2 ppm, 1/2 = 6.8 ppm), and the fit gives Q3(0Al):Q4(1Al):Q4(0Al) in a 54:5:41 ratio (Fig. 7). At 6 and 9 mol% Al2O3 (NA75.06 and NA75.09), the Q3(0Al) contribution seems to be still present, decreasing with the Al/(Al+Na) ratio increase, and no obvious additional intensity can be observed on the left side of this peak (where Q3(pAl) would appear). On the other hand, the contribution of Q4(mAl) species rises, slightly shifts to a higher frequency and becomes broader, therefore indicating an increases of Q4(mAl) species proportion and also an increase of the Si-Al interactions (broadening and shifting of the peak results from the increase of m). In the NA75.12 and NA75.16 NMR spectra, the broad band is centred near -100 ppm, its asymmetric shape indicating the occurrence of only Q4(mAl) contributions. 654 655 4) Interpretation and Discussion 656 657 658 659 660 661 662 663 664 665 666 667 668 669 4.1 Peralkaline Region Upon substitution of Na2O by Al2O3, the proportion of Q3 species decreases while the proportion of Q4(mAl) species increase reaching close to 100% at Al/(Al+Na) = 0.5 (Fig. 8, Lee and Stebbins, 2009). 27 Al 1D MAS NMR spectra show that more than 98% of the Al atoms are four-fold coordinated by oxygen atoms taking part in an aluminosilicate tetrahedral network. The 23 Na 1D NMR spectra show an evolution of the average chemical shift, indicating an increasing Na-O average distance (Fig. 8). Previous NMR and XANES measurements have shown that in silicate glasses Na+ ions are six-fold coordinated while in tectosilicate glasses (Al/(Al+Na) = 0.5) they are seven to eight-fold coordinated (George and Stebbins, 1996; Lee and Stebbins, 2003; Neuville et al., 2004b, Neuville 2006). Thus the increasing Na-O mean distance may indicate a change of coordination of the Na+ ions. This is a clear experimental manifestation of the change of the structural role of Na+ ions from network modifier (shorter Na-NBO distances) to charge compensator of Al[4] (longer Na-BO distances). 670 671 672 673 674 675 676 677 678 679 680 681 682 683 684 685 686 687 688 689 690 691 692 693 694 695 696 697 698 699 700 701 702 703 704 705 706 707 708 709 710 711 712 It is important to note that the first mixed Al/Si species formed upon Al/Na substitution are Q4(1Al), while the proportion of Q3(0Al) species decreases (Figs. 5,7c). Aluminium is thus exclusively linked to Q4(mAl) silicon environments, residing in the more polymerized regions of a mixed Si-Al tetrahedral network. If we accept aluminium to be only linked to Q4(mAl) silicons, these domains are at least 1 nm in diameter. This increased network polymerization is also indicated by both the growth of a silica-like 500 cm-1 peak and the Q4,II band in the Raman spectra of Al-bearing glasses (Figs. 3,4,5), and by the observed increases of melts Tg and viscosity, and the decrease of melts fragility (Fig. 1,2). In addition to the observed Q3 and Q4 species, Raman spectroscopy also shows the presence of a minor amount of Q2 species in the peralkaline silicate NA75.00 and aluminosilicate NA75.06NA75.09 glasses, in agreement with Mysen and Frantz (1994a,b) and Mysen et al. (2003). T-O stretching modes of Q2 units have an enhanced Raman cross-section compared to more polymerized Q3 and Q4 species (Furukawa et al., 1981). The Q2 signal visible in the Raman spectra represents less than 4% of the total Qn signal (Figure 5) and potentially less than a few percent of the silicon species. Such an amount would be very difficult to observe in the 29 Si NMR spectra. 4.2 Crossing the Compensation Line When crossing the compensation line (Al/(Al+Na) = 0.5), we observed a large increase of Tg occurring between the NA75.09 and NA75.12 compositions (Fig. 1b). This major change corresponds to the complete transformation of silicon atoms in Q4 species (Raman and NMR, Figs. 7,8b), which also translates in the second momentum of shift, and the quadrupolar coupling constant of 27 29 Si spectrum, the isotropic 23 Na chemical Al (Fig. 8a). These nano-scale observations are directly connected to the macroscopic thermodynamic properties through the configurational entropy. This corresponds to a drastic increase of the Δμ Gibbs-free energy potential barrier opposed to the movements of rearranging subunits of constant size (Figs. 1b,8; equations 4 and 5). NBOs presence becoming negligible, subunits become more connected and less mobile, keeping their intrinsic entropy Sc*. It is remarkable to notice that the NA75.12 compensation line composition correspond to the less fragile liquid (Fig. 2b). 4.3 Peraluminous Field: the role of Al[5] In the peraluminous field, the Si-Al tetrahedral network is fully connected according to Raman results (Fig. 8b), the excess aluminum going to five-fold coordination as shown by NMR spectroscopy. The Tg increase by 16° from NA75.12 to NA75.16 but the melt fragility also increases (Fig. 2b). This highlights the question of the dual structural and dynamic role of Al[5] at low and high temperature. At the glass transition temperature The strong decrease of Sconf(Tg) combined with the very slight variations of Be/Sconf(Tg) in the peraluminous field indicate a strong decrease of the entropy of subunits Sc*, while Δμ and their size z* do not evolve (Fig. 8, Table 4). Therefore, formation of Al[5] in the peraluminous field produces a decrease of the system thermodynamical disorder at the Tg and inhibits slightly its ability to perform viscous flow. This results in an increase of melts Tg in the peraluminous field. At high temperature 713 714 715 716 717 718 719 720 721 722 723 724 725 726 727 728 729 730 731 732 733 734 735 736 737 738 739 740 741 742 743 744 745 746 747 748 749 750 751 752 753 754 Al[5] have been observed in various aluminosilicate glasses (Stebbins et al., 2000; Neuville et al., 2007, 2008a,b; Massiot et al., 2008; Stebbins, 2008). It appears that the proportion of Al[5] increases at high temperature in the studied NA75.12 and NA75.16 glasses (soon to be published), in agreement with previous findings at high-temperature for yttrium and lanthanum aluminosilicates (Florian et al., 2007) and calcium aluminosilicates (Côté et al., 1992; Kanehashi and Stebbins, 2007; Neuville et al., 2008b), and also in fast-quenched calcium aluminosilicate glasses (Stebbins et al., 2008). The proportion of Al[5] is higher in both the peraluminous glass and melt (NA75.16) than in the tectosilicate composition (NA75.12, Table 7 for glass values). The increase of fragility when going into the peraluminous field, and hence the lower high-temperature viscosity of peraluminous NA75.15 and NA75.16 melts compared to that of the NA75.12 melt, confirms that Al[5] is a dynamic, transient species which allows viscous flow in highly polymerized melts, in agreement with previous inferences of transient units proposed by Stebbins (1991), Stebbins et al. (2000) and Neuville et al. (2008a,b). The transient, dynamic character of Al[5] species at high temperature is also in agreement with the observed diminution of the NA75.12 albite melt viscosity upon pressure increases (Kushiro, 1978), which leads to the formation of Al[5] and Al[6] in aluminosilicates melts (Lee, 2004). In agreement with this idea, Allward et al. (2007) in a recent study have linked a maximum of the Al[5] concentration in an Ca3Al2Si2O18 melt to a minimum of its viscosity. Formation of Al[5] and Al[6] species when increasing temperature in highly tectosilicate and peraluminous melts can also account for their temperature-dependent heat capacities. The temperature independent Cpl of peralkaline Na aluminosilicate glasses (Al/(Al+Na) < 0.5; Tangemann and Lange, 1998) combined with the large proportion of Al in CN 4 in peralkaline melts even at high temperature indicates that the Cpl of Al[4] seems to be temperature independent. Al[5] and Al[6] species clearly do not present the same thermodynamic properties as Al[4] as indicated by the behaviour of Sconf(Tg) when crossing the tectosilicate join in this study, and also by the lower configurational entropy of Al [5] than that of Al[4] in calcium aluminosilicate glasses (Richet et al., 2009). Thus, increasing their proportion in tectosilicate and peraluminous melts when changing the temperature will change the partial molar Cpl of the total Al2O3, and hence the Cpl of the melt. 5) Final Conclusions Along the NA75.00-NA75.16 join, we observed several structural, thermodynamic and rheological changes using different instrumental methods. The NA75.00 silicate glass is composed of Si atoms in Q3 and Q4 species, with six-fold coordinated Na+ ions acting as network modifiers. Raman spectroscopy also suggests the presence of Q2 species, in a proportion lower than 1% as indicated by the absence of any 29 Si Q2 NMR signal. Both spectroscopies point to the transformation of Q3 species into Q4 species when Al2O3 substitutes for Na2O (i.e. when going from the NA75.00 to the NA75.16 composition). During the substitution, Al atoms are incorporated in four-fold coordination, connected to silicon atoms in Q4(mAl) species according to NMR and Raman spectra. A decrease of the 23 Na NMR chemical shift indicates that a change of the role of Na in the Si-Al network occurs during the substitution. In peralkaline melts Na atoms interact both with BO and NBOs, playing both network modifier and charge compensator roles. Increasing the proportion of Al2O3 and decreasing that of Na2O results in an increase of Na atoms connected to BO and charge- 755 756 757 758 759 760 761 762 763 764 765 766 767 768 769 770 771 772 773 774 775 776 777 778 779 780 781 782 783 784 785 786 787 788 789 790 791 792 793 794 795 796 797 balancing the Al[4]. This produces a slight increase of the network polymerization and hence potential energy barriers opposed to viscous flow. As a result, Tg and melt viscosities increase slightly. Just before crossing the tectosilicate join, the transformation of all Si atoms in Q2(mAl) and Q3(mAl) species to Q4(mAl) species results in the disappearance of most of the NBOs. This causes a strong increase of the Δμ Gibbs-free energy potential barrier opposed to viscous flow while the configurational entropy does not change, indicating that the size and intrinsic configurational entropy of flowing subunits do not change. Because of these structural and thermodynamical changes, the melts Tg and viscosity increase strongly. Going to the peraluminous field, formation of Al[5] is particularly promoted. Near Tg, these Al[5] species minimize the melt disorder and increase its Tg. At high temperature, they play the role of transient, dynamic units and allow the viscous flow of highly polymerized melts. The change of the Al[4]/Al[5] proportion upon temperature increase impact melt fragility and heat capacity. As inferred in earlier studies, transient species such as Al [5] and Si[5] can promote viscous flow. In the NA75.00 melt, NBOs and Si[5] species are the main transient species which ensure the system mobility. When an SiO4 tetrahedron with one NBO approach two other SiO4 tetrahedra, formation of a Si[5] specie allows to dynamically exchange the NBO (Fig. 9). Interestingly, an increase of the Si[5] proportion with the temperature can account for the non-arrhenian temperature dependence of this melt. Increasing the aluminium proportion at constant SiO2 content leads to a decrease in the number of Q3 species and hence NBOs proportions. However, before reaching a critical step which is situated between Al/(Al+Na) = 0.36 and 0.5, it appears that viscosity increases slightly and quite linearly. This can indicate that the viscosity of peralkaline melts is driven by exchange of Si-O bonds through Si[5] formation as shown in figure 9. The aluminium atoms in CN 4 being connected to the silicon Q4(mAl) species, they do not interact with NBOs and thus they seem to not participate greatly to the melt viscous process. Crossing the tectosilicate join, where Al/(Al+Na) = 0.5, this pattern changes. The very low presence of NBOs does not ensure easy exchange of T-O bonds, as indicated by the strong observed viscosity increase. Because of the charge-balancing needs of Al atoms, we can infer that alkali elements are close to AlO4 tetrahedra. During viscous flow at high temperature, Al[5] concentration increases because these species allow the dynamic exchange of the slight proportion of NBOs through the process presented in figure 9, and thus the melt viscous flow. This role is also indicated by the viscosity decrease of albite melt when increasing the pressure and hence the Al [5] and Al[6] concentration (Kushiro, 1978; Lee, 2004). However, according to the 17 O MAS NMR experiments of Lee (2004), the fraction of NBOs also decrease in the albite melt with the increase of the pressure. Thus an inconsistency appears here: viscosity of albite decreases with pressure increase while the NBOs fraction decreases. This observation can indicate that another mechanism of viscous flow involving Al[5] in highly polymerized melts occurs: Al[5] species maybe allow the diffusion of BOs. Indeed, Al[5] and Al[6] species in the Sillimanite and Andalusite minerals are linked by oxygen anions three-fold coordinated by (Si,Al) cations (O[3]), while Al[4] and Si[4] species are linked by two-fold coordinated oxygen anions (O[2]) in Sillimanite or in other minerals like Low or High Albite for instance. This highlights the possibility of O[3] oxygen to be carried by Al[5] species. It is interesting to note that an Al[5] specie bringing only O[2] anions will have a higher (2+) charge deficiency than an Al[4] tetrahedron (1+), while if Al[5] brings O[3] atoms, its charge deficiency 798 799 800 801 802 803 804 805 806 807 808 809 810 811 812 813 814 815 816 817 818 819 820 821 822 823 824 825 826 827 828 829 830 831 832 833 834 835 836 837 838 839 840 decreases, reaching 0.3+ if all O atoms are 3-fold coordinated. Consequently, we suggest that Al[5] and Al[6] species could also be dynamically linked to two other TO4 tetrahedra during exchange of Si-O-Al bonds, as presented in figure 9. Exchange of BO and of the few NBOs through the dynamic transformation of Al[4] into Al[5] species will ensure the mobility of highly polymerized systems. Finally, formation of Al[5] with increasing temperature also seems to account for the temperaturedependent heat capacities of alkali tectosilicate melts. Al[5] species are promoted in the peraluminous field, apparently because of the lack of charge compensating Na+ cations. We also have detected a small proportion of Al[6] on the NMR spectrum of the NA75.16 peraluminous glass. The presence of Al conf to decrease strongly their residual entropy (S [5] (Tg)), indicating that Al 27 Al 1D MAS species in glasses seems [5] species ensure a global minimization of the system entropy. Transformation of NBOs to BOs in the first coordination shell of an Al[5] as well as the presence of three-fold coordinated oxygen atoms, as shown in figure 9, can increase melt connectivity and near Tg its viscosity, in agreement with observations. Furthermore, the presence of three-fold coordinated O atoms can minimized electronic depletion around Al3+ ions, by apportioning oxygen electrical charge lacks on the other surrounding tetrahedra. Interestingly, this process can also explain why Al [5] units are observed in Na chargecompensator depleted glasses. The particular structural behaviour of Al[5] implies its localisation in the system, and hence a particular ordering of this last one in the glassy state. This ordering can be the source of the low configurational entropy of peraluminous glasses. It finally appears that in the oncoming rheologic and thermodynamic studies of aluminosilicate melts, the presence of Al[5] units need to be taken into account, particularly for heat capacity and entropy calculations. These units, by impacting melt mobility at high temperature and high pressure, maybe play a more crucial role than previously inferred from RT experiments at the depths of magma generation in the Earth interior. To conclude, we have mainly discuss about Al[5] species in the previous discussion, but it appears that more knowledge about the effects of Al[6] on melts structure and rheology are necessary, these species maybe playing a complementary role to Al[5] units. References Adam, G. and Gibbs, J. H. (1965) On the temperature dependence of cooperative relaxation properties in glass-forming liquids. The Journal of Chemical Physics 43, 139-146. Allwardt, J.R., Stebbins, J.F., Terasaki, H., Du, L.D, Frost D.J., Withers, A.C., Hirschmann, M.M., Suzuki A., and Ohtani E. 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NA75.00* NA75.02 NA75.06 NA75.09 NA75.12 NA75.15** 74.24 SiO2 75.18 (0.51) NA75.16 66.89 71.19 (0.54) 70.01 (0.51) 68.71(0.46) 67.91 (0.52) 24.29 Al2O3 0 3.40 (0.09) 10.29 (0.32) 21.40 1099 1100 1101 14.60 (0.10) 12.53(0.23) 22.98 (0.55) 15.139 Na2O 24.81 (0.52) 17.94 (0.23) (0.34) 12.49(0.20) 9.31 8.04 (0.20) K 2O 0 0.04 (0.04) 0.07 (0.05) 0.07 (0.02) 0.00(0.01) 0 0.04 (0.02) CaO 0 0.02 (0.02) 0.04 (0.03) 0.02 (0.02) 0.00(0.01) 0 0.01 (0.02) MgO 0 0.01 (0.01) 0.03 (0.03) 0.01 (0.01) 0.00(0.01) 0 0.01 (0.02) FeO 0 0.02 (0.03) 0.05 (0.03) 0.02 (0.02) 0.00(0.01) 0 0.02 (0.02) 99.19 100,01 99.99 99.41 Sum 99.99 (0.88) (0.30) 99.93 (0.50) (0.40) 100 (0.50) Al/(Al+Na) 0 0.08 0.24 0.36 0.50 0.60 0.64 d 2.430 2.415 2.402 2.374 2.369 2.374 1102 Table 2: Viscosity measurements performed with the creep apparatus on NA75.XX glasses. NA75.00 1103 1104 1105 1106 1107 1108 1109 NA75.02 NA75.06 NA75.09 NA75.12 T, K n, Pa.s T, K n, Pa.s T, K n, Pa.s T, K n, Pa.s T, K n, Pa.s 806.7 9.12 820.1 9.07 872.1 9.42 956.5 8.80 1243.1 8.91 801.1 9.31 814.2 9.23 860.9 9.74 940.2 9.21 1227.6 9.16 794.0 9.58 798.7 9.74 851.2 10.05 930.0 9.47 1212.8 9.41 785.3 9.86 791.9 9.99 846.4 10.20 919.6 9.72 1198.6 9.65 773.6 10.32 787.1 10.16 844.4 10.23 908.9 10.00 1186.3 9.89 764.9 10.69 780.8 10.41 841.5 10.36 901.4 10.21 1171.2 10.15 754.7 11.16 776.6 10.56 841.1 10.34 898.3 10.33 1155.3 10.45 743.8 11.66 771.7 10.75 836.5 10.54 894.1 10.47 1145.2 10.65 733.7 12.17 761.1 11.20 830.9 10.70 887.6 10.64 1133.9 10.88 746.7 11.86 820.2 11.11 877.0 10.98 1123.9 11.11 735.6 12.43 809.3 11.53 866.9 11.27 1114.1 11.32 803.5 11.73 856.9 11.65 1103.3 11.56 796.5 12.04 851.4 11.86 1093.2 11.81 788.7 12.34 845.0 12.08 1082.3 12.08 1072.2 12.37 1062.4 12.60 1110 1111 1112 1113 Table 3: Glass transition temperatures Tg, and A, B and T1 parameters for the TVF Eq. 1 estimated on the low-temperature viscosity data (Fig. 1 and Table 2). Uncertainties on Tg estimations are less than 0.2 K. NA75.00 NA75.02 NA75.06 NA75.09 NA75.12 NA75.15 NA75.16 1114 1115 Tg (K) 736.9 744.0 797.1 847.1 1085.7 1100.8 1102.4 A TVF -2.4585 -1.4730 -3.4234 -3.0428 -2.2034 -14.9827 -5.7498 B TVF 4077.1 3672.9 5734.3 6115.5 8080.5 29652.0 12054.8 T1 TVF 454.9 471.3 425.3 440.6 516.7 1.9 423.2 1116 1117 1118 1119 1120 1121 1122 1123 1124 1125 1126 Table 4: Cpg, Cpl and Adam and Gibbs parameters determined from viscosity data used in Fig. 2a. Cpg, Cpl, Be and Sconf(Tg) values are in J.mol-1.K-1. Ae is in log Pa.s. Cpg values are from the model of Richet (1987), except for the NA75.12 glass data come from Richet and Bottinga (1984). Cpl values for melts having an XAl/(Al+Na) ratio lower than 0.5 come from Tangemann and Lange (1998). For the NA75.12 and NA75.15 melts, data come from Richet (1982) and Richet and Bottinga (1984). The NA75.16 Cpl is an extrapolation of the NA75.12 and NA75.15 values. Errors are given in brackets at the 2σ confidence interval. σ in the Table is the standard deviation between calculated and measured viscosities. NA75.00 NA75.02 NA75.06 NA75.09 NA75.12 NA75.15 NA75.16 Cpg 71.96 72.71 75.10 77.03 80.12 82.61 82.90 Cpl 85.296 84.914 87.869 89.014 -1.565 -1.550 -1.508 -1.137 (0.115) (0.059) (0.032) (0.062) Ae 75.159 75.155 +0.0107xT* +0.0121xT* +0,0127*Tϕ -1.925 -1.557 -1.411 (0.239) (0.190) (0.111) 76976 75301 94996 96258 127800 87297 84646 (5006) (2783) (1795) (3576) (12660) (6116) (4023) Sconf(Tg) 7.71 (0.46) 7.47 (0.25) 8.82 (0.15) 8.65 (0.29) 8.47 (0.70) 5.85 (0.33) 5.73 (0.23) σ 0.03 0.02 0.01 0.02 0.04 0.02 0.02 Be 1127 1128 1129 1130 1131 75.168 1132 1133 1134 1135 Table 5: Raman shift of observed bands’ maxima (v) and shoulders (s) on raw spectra in cm-1. *: Some welldefined bands in particular spectra are only shoulder in another spectra, therefore we indicated them (in their “shoulder” shape) with a * in the table. Errors are given in brackets at the 2σ confidence interval. NA75.00 v1 1137 NA75.02 NA75.06 NA75.09 NA75.12 NA75.16 69.0 (3.5) 69.0 (1.5) 80.5 (1.5) 70.0 (1.5) 78.0 (1.6) v2 - - - - 455.0* (2.0) 455.0 (1.5) v3 538.4 (0.9) 538.2 (1.3) 493.9 (1.5) 495.9 (1.1) 482.5 (0.7) 497.0 (2.0) v4a - - 573.0 (2.0) 580.3 (2.0) 573.7 (1.0) - v4b 595.8 (1.2) 593.1 (2.0) v5 781.6 (0.7) 780.4 (1.4) 781.9 (0.9) 796.0 (1.5) 795.0 (1.5) 799.0 (1.5) s6 - - - 814.0 (3.0) 816.0 (3.0) 825.0 (3.0) v7 948.6 (1.2) 946.8 (1.4) 950.4 (1.2) - - - s8 - - - - 995.0 (5.0) 997.0 (5.0) v9 1136 69.0 (1.8) 594.0* (2.0) 600.0* (2.0) 590.2* (1.5) 592.0 (2) 1098.4 (1.5) 1095.1 (1.5) 1086.2 (1.0) 1090.0 (2.0) 1107.0 (3.0) 1120.0 (2.0) 1138 1139 1140 1141 Table 6: Raman shift (cm-1), Full-Width at Half Maximum Height (FWHM, cm-1) and Intensity (relative, the intensity maximum of the 1100 cm-1 band was normalized to 100 before deconvolution) of bands used for deconvolution of spectra. Errors are given in brackets at the 1σ confidence interval. NA75.00 NA75.02 NA75.06 NA75.09 NA75.12 958.5 (0.5) 960.7 (0.5) 960.4 (2.1) 969.7 (2.7) - NA75.16 Raman shift v5 - v6 a 1064.2 (1.2) 1056.8 (2.2) 1011.4 (2.7) 1002.4 (3.0) 997.77 (0.9) 1008.4 (2.6) v6 b 1098.7 ((0.3) 1092.6 (0.5) 1069.4 (0.6) 1052.4 (0.9) - - v6 c 1143 (0.9) 1130.6 (1.1) 1109.7 (0.7) 1100.5 (1.6) 1103 (1.1) 1115.3 (2.5) v6 d 1151.6 (1.8) 1160.7 (1.9) 1166.3 (1.7) 1169.2 (1.7) 1174.4 (1.6) 1186.8 (2.1) FWHM v5 62.1 (0.9) 62.6 (0.7) 67.0 (1.7) 72.4 (2.9) - - v6 a 79.5 (1.4) 80.6 (2.3) 65.5 (3.4) 57.8 (3.8) 91.8 (1.0) 96.6 (2.9) v6 b 53.8 (0.4) 57.8 (0.4) 69.1 (1.9) 63.9 (3.3) - - v6 c 54.8 (1.3) 64.7 (1.4) 75.7 (1.7) 88.3 (2.9) 117.2 (3.2) 120.4 (7.1) v6 d 88.8 (1.6) 78.6 (1.2) 73.4 (1.2) 77.9 (1.5) 72.5 (3.7) 72.9 (5.2) 4.18 (0.04) 4.62 (0.05) 7.3419 (0.51) 9.57 (1.05) - - Intensity v5 1142 1143 1144 1145 v6 a 25.55 (0.65) 21.972 (1.02) 12.894 (1.15) 11.37 (1.80) v6 b 73.36 (0.96) 69.32 (0.97) 58.17 (0.96) 35.185 (4.95) - 43.09 (1.03) 41.72 (2.46) v6 c 25.79 (1.38) 35.01 (1.71) 61.27 (1.36) 84.98 (2.29) 94.67 (0.91) 91.19 (3.16) v6 d 12.55 (0.95) 10.31 (0.87) 16.38 (1.12) 22.06 (1.58) 19.31 (3.16) 28.19 (6.16) - 1146 1147 Table 7: 27 Al mean NMR parameters retrieved from the simulation of the experimental spectra using a Czjzek model. Values in italic where not optimized during the fitting process. NA75.00 NA75.02 NA75.06 NA75.09 NA75.12 NA75.16 Al[4] - 60.4 60.4 60.3 60.4 60.1 [5] - - - - - 40.2 Al[6] - - - - - 19.1 Al[4] - 5.9 10.4 10.8 10.7 12.0 [5] - - - - - 15.0 Al[6] - - - - - 15.0 Al[4] - 4.43 4.55 4.60 4.86 6.11 Al [5] - - - - - 9.00 Al [6] - - - - - 9.00 Al[4] - 98 99 99 100 75 Al[5] - - - - - 22 [6] - - - - - 3 iso (ppm) Al iso (ppm) Al CQ (MHz) Population Al 1148 1149 1150 1151 1152 1153 1154 1155 1156 1157 1158 1159 1160 1161 1162 1163 1164 1165 1166 1167 1168 1169 1170 1171 1172 1173 1174 1175 1176 1177 1178 1179 1180 1181 1182 1183 1184 1185 1186 1187 1188 1189 1190 1191 1192 1193 1194 Fig. 1: a) Viscosity (log Pa.s) of NA75.XX products reported depending on the reciprocal temperature (K-1)(see Tables 1 and 2 for data and glass chemistry). NA75.15 and NA75.16 data came from Taylor and Rindone (1970), and others data are from this study. b) Glass transition temperature determined from viscosity curves (Tg is for η = 1012 Pa.s) and Sconf(Tg) reported as a function of the Al/(Al+Na) ratio (mol%Al2O3/(mol%Al2O3+mol%Na2O). Lines between points are guides for the eyes. When not represented, errors are smaller than symbol sizes. Fig. 2: a) Viscosity data of figure 1 at low temperature combined to the high temperature data from Bockris (1955, NA75.00 melt), Riebling (1966, NA75.06, NA75.09, NA75.16), Riebling (1966) and Urbain et al. (1982)(NA75.12) and Toplis et al., (1997b, NA75.15). HT viscosities of NA75.02 melt were determined using a linear interpolation between data of Bockris (1955) and Riebling (1966); Lines are TVF fits made on the entire temperature range; b) Viscosity of melts reported depending on Tg/T. This representation highlights the strong or fragile character of a melt according to Angell (1991). Errors are smaller than symbol sizes. Figure 3: Raw raman spectra of NA75.XX glasses. Arrows indicate some interesting evolutions discussed in the text. D1 and D2 refer to respectively the signal of four- and three-membered rings. Figure 4: Deconvolution of the 850-1300 cm-1 frequency range of Long-corrected Raman spectra of NA75.XX products. Bands near 950, 1100, 1150 and 1200 cm-1 in the NA75.00 Raman spectra are related to Q2, Q3, Q4,II and Q4,I tetrahedral units (see text for further explanations and attributions). The 1150 cm-1 is related to the stretching T2 vibrational mode of TO2 units. Figure 5: Raman relative areas of bands (1 is the sum of all areas) used to fit the region 4 (8501300 cm-1) of Long-corrected Raman spectra, reported as a function of the Al/(Al+Na) ratio. Dotted lines between points came from interpolation of data, in order to serve as eyeguides. Fig. 6: a) 1D c) 1D 29 27 Al NMR spectra of NA75.XX products. b) 1D 23 Na NMR spectra of NA75.XX products. Si NMR spectra of NA75.XX glasses. The peak close to -91ppm observed on the NA75.00 spectra indicates the occurrence of Q3(0Al) units, whereas the shoulder at -105 ppm indicates the presence of Q4(0Al) units. When Al/(Al+Na) increases, frequency and shape evolutions indicates the evolution of the structure toward a network which contains only Q4(mAl) species. Fig. 7: Deconvolution of the 29 Si NMR spectra shown in Fig. 6C, showing the two and three-sites simulations for NA75.00 and NA75.02 respectively (experimental spectra in black, simulation in red dashed lines, individual Q3(0Al), Q4(0Al) and Q4(1Al) component in green, purple and yellow continuous lines respectively). Vertical lines report the position of Q3(0Al), Q4(0Al) in the NA75.00 glass and the expected position of Q4(1Al). Fig. 8: a) δISO 23 coupling CQ of 27 Na (black circles), second momentum M2 of 29 Si (red triangles) and quadrupolar Al (blue square) represented as a function of the XAl/(Al+Na) ratio. b) Be/Sconf(Tg) (black squares) and Raman area ratio of Q4 (Q4,I+Q4,II) bands over ΣQn bands (red diamonds). When not visible, errors are smaller than symbol sizes. 1195 1196 1197 1198 1199 1200 1201 1202 1203 1204 1205 1206 1207 1208 1209 1210 Fig. 9: Exchange of NBOs (top) and BO (bottom) through the dynamic transformation of Al[4] into Al[5]. The arrow indicates the time t. In red, BO atoms; in orange, NBO atoms; in purple, Na+ ion; in pink, BO atoms surrounding an Al[5] or Si[5] unit; in blue, Si or Al atom. At the bottom, the exchange of BO implies the presence of three-fold coordinated oxygen atoms, as indicated by three black dotted lines. See text for explanations. Figure 1a Figure 1b Figure 2a Figure 2b . . . . . . .0 . Figure 3 Figure 4 Figure 5 Figure 6a x=2.0 x=6.0 x=9.0 x=16.0 x=12.5 50 100 27 0 Al frequency (ppm from Al(NO3)3 1M) -100 Figure 6b x=9.0 x=6.0 x=12.5 x=2.0 x=16.0 x=0.0 50 0 23 -50 Na frequency (ppm from NaCl 1M) Figure 6c 7500   7502   7506   7509   7512   7516   -60 -70 -80 -90 29Si -100 frequency (ppm) -110 -120 -130 Figure 7 NA7516 NA7512 NA7509 NA7506 Q4(0Al) Q3(0Al) Q4(1Al) NA7502 NA7500 Figure 8a Figure 8b Figure 9 Initial State t Final State Exchange of NBOs through Al or Si in CN 5 Exchange of BOs through Al or Si in CN 5 4.2 Effet de l’aluminium 4.2.2 Remarques complémentaires : RMN à haute température L’article présenté dans la sous-section précédente montre que le rapport Al/(Al+Na) affecte fortement propriétés et structures des aluminosilicates fondus et vitreux. Les données RMN acquises sur les verres nous ont montré que lorsque Al/(Na+Al) augmente : -i) les distances Na-O augmentent, en accord avec une augmentation de la coordinence du Na ; celui-ci devient compensateur de charge de l’Al ; -ii) l’Al est incorporé dans le réseau en CN 4 dans les régions les plus polymérisées du réseau aluminosilicaté ; -iii) et lorsque Al/(Al+Na) > 0.5, on observe une augmentation de la proportion de l’Al en CN 5. La présence d’[5] Al dans les verres peralumineux semble liée au déficit de cations Na+ pour compenser la charge des tétraèdres [AlO4 ]− . Ces compositions peralumineuses fondues ont une fragilité plus forte que les tectosilicates fondus, mais aussi des T g plus élevées. Ceci semble indiquer que l’Al[5] joue un rôle d’espèce transitoire à haute température, favorisant la mobilité du réseau, alors qu’à T g il semble favoriser la connectivité du réseau (Neuville et al. , 2008b). Nous avons de plus indiqué qu’une augmentation de la concentration de l’Al[5] à haute température, comme observé dans les aluminosilicates de Lanthane et d’Yttrium (Florian et al. , 2007) ou de calcium (Neuville et al. , 2008b), pourrait permettre la mobilité des réseaux fortement polymérisés. Ceci pourrait de plus expliquer la dépendance à la température de la capacité calorifique des aluminosilicates fondus présentant un rapport Al/(Al+Na) ≥ 0.5. Pour compléter cette étude, nous avons acquis des spectres RMN 1D statique de l’27 Al et du 23 Na de 20 à 1300°C sur les produits NA75.02, NA75.06, NA75.09, NA75.12 et NA75.16. Les expériences et traitements des spectres ont été effectués par Pierre Florian au CEHMTI-CNRS Orléans. Les études RMN précédentes, portant sur la structure des aluminosilicates et silicates de sodium en fonction de la température, ont montré que les cations Na+ sont mobiles à basse température dans les verres, produisant un affinement et un déplacement des raies RMN du 23 Na (Liu et al. , 1987; George & Stebbins, 1996). Les données acquises confirment ces précédents observations (Fig. 4.1). En combinant nos mesures avec celles effectuées par George & Stebbins (1996) à un champ magnétique différent (9.4T) sur les compositions NA75.06 et NA75.12, il nous a été possible de retrouver le vrai déplacement chimique isotropique (Fig. 4.3). On observe que celui-ci diminue jusqu’à 800-900°C, température à partir de laquelle les mesures effectuées sur les deux champs magnétiques différents se rencontrent. La légère pente de -0.24ppm/100°C, observée entre 300 et 900 °C, est comparable à celle de -0.52 ppm/100°C observée dans de l’Albite cristalline, et attribuée à la dilatation thermique (George & Stebbins, 1995). Ceci indique que le déplacement chimique du 23 Na est contrôlé par la dilatation thermique, et que son environnement moyen n’est pas affecté par la température. On remarque de plus que, à haute température, le déplacement chimique du Na diminue lors de l’ajout d’Al. Ceci confirme les observations effectuées dans les verres, montrant une augmentation des distances Na-O corrélée à une augmentation de la coordinence de Na. Comme l’environnement moyen du Na ne change pas avec la température, nous pouvons donc conclure que celle-ci n’affecte pas les proportions de Na en tant que modificateur ou compensateur de charge pour une composition donnée. Les spectres de l’27 Al des produits NA75.XX évoluent de deux façons différentes en fonction de la température. Pour les compositions ayant un rapport Al/(Al+Na) < 0.5, on observe que les raies s’affinent et deviennent Lorentziennes lorsque la température augmente, avec une FWHM d’approxima- 179 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus In Situ à 1200°C RT MAS 27 Al δcgMAS x=2.0 x=6.0 x=9.0 x=2.0 x=6.0 x=9.0 x=16.0 x=16.0 x=12.5 x=12.5 50 100 27 0 -100 100 50 27 Al frequency (ppm from Al(NO3)3 1M) 0 -50 Al frequency (ppm from Al(NO3)3 1M) 23 Na x=9.0 x=6.0 x=12.5 x=2.0 x=16.0 x=0.0 50 0 23 -50 50 0 23 Na frequency (ppm from NaCl 1M) Figure 4.1: Spectres RMN 1D MAS du 23 Na et du verres à 20°C et les liquides à 1200°C. 180 x=9.0 x=6.0 x=12.5 x=2.0 x=16.0 27 Al -50 Na frequency (ppm from NaCl 1M) des compositions NA75.x, effectués sur les 4.2 Effet de l’aluminium tivement 500 MHz dans les liquides, et leurs déplacements chimiques deviennent légèrement plus faibles (Fig. 4.1). Pour Al/(Al+Na) ≥ 0.5, les raies se déplacent vers des fréquences plus faibles à haute température, et restent larges et non Lorentziennes. Ceci est particulièrement visible sur le spectre RMN du NA75.16 (Fig. 4.1). Ces deux comportements sont aussi visibles lorsque l’on observe les déplacements chimiques des raies des spectres 27 Al RMN 1D MAS (Fig. 4.2). Pour Al/(Al+Na) < 0.5, δiso diminue légèrement de ∼60 ppm à 20 °C à 56 ppm à ∼900 °C, puis il est constant. Pour Al/(Al+Na) ≥ 0.5, id est pour les compositions NA75.12 et NA75.16, on observe une diminution faible de δiso lorsque la température augmente jusqu’à 1000°C environ, suivie d’une forte décroissance à plus hautes températures. On remarque pour le NA75.16 que cette décroissance semble moins forte entre 1200 et 1300 °C. Il serait cependant nécessaire d’effectuer des expériences à des températures supérieures à 1300°C pour observer si la courbe du NA75.12 atteint un plateau comme celle des produits présentant un rapport Al/(Al+Na) < 0.5, ou suit la même tendance que celle du NA75.16. Les spectres 27 Al RMN 1D MAS dans les verres NA75.02, NA75.06 et NA75.09 montrent que l’alu- minium est en CN 4, tout comme dans le verre NA75.12 (Fig. 4.1). Dans les liquides, les évolutions des δiso observées ainsi que la forme des raies de l’27 Al suggèrent que l’Al est très majoritairement en CN 4 (Figs. 4.1 et 4.2). La faible évolution du déplacement chimique vers des valeurs plus basses marque une légère augmentation des distances Al-O jusqu’au point de fusion où un régime constant est atteint. Pour le NA75.16, la forte diminution du δiso de l’27 Al marque la formation d’espèces Al[5] et Al[6] . L’absence de raies individualisées sur les spectres RMN de l’27 Al en température, ainsi que la faible largeur des raies par rapport aux spectres effectués à la température ambiante, indiquent que les espèces Al[4] -Al[5] -Al[6] sont en échange à des fréquences très supérieures à celles caractéristiques de leurs différences de positions, id est très supérieures à 10 kHz. La position de la raie de l’27 Al dans le liquide est donc le barycentre des positions individuelles des espèces Al[4] , Al[5] et Al[6] . L’évolution observée des δiso suggère que l’Al est très majoritairement en CN 4 dans les liquides NA75.02, NA75.06 et NA75.09 (Figs. 4.1 et 4.2). En revanche, l’évolution du δiso de la raie de l’27 Al sur le spectre du NA75.16 est forte. Dans l’hypothèse d’un rétrécissement extrème des raies par le mouvement, nous pouvons utiliser la position de la raie de l’27 Al pour estimer la proportion de chaque espèce d’après les relations : [4] [5] [6] obs Al Al Al δiso = δiso [Al[4] ] + δiso [Al[5] ] + δiso [Al[6] ] , (4.1) [Al[4] ] + [Al[5] ] + [Al[6] ] = 1 , (4.2) et obs le déplacement chimique observé, [Al[4] ], [Al[5] ], [Al[6] ] les concentrations des différentes avec δiso [4] [5] [6] Al , δ Al , δ Al espèces Al[4] /Al[5] /Al[6] , et δiso iso iso les Al[4] , δiso Al[5] δiso et Al[6] δiso leurs déplacements chimiques. Si nous postulons que sont égaux à ceux observés dans les verres et qu’ils n’évoluent pas avec la température, nous pouvons utiliser le déplacement chimique observé des raies pour calculer les concentrations[Al[4] ], [Al[5] ], [Al[6] ]. Nous avons cependant deux équations à trois inconnues. La proportion d’Al[6] est très faible dans le verre NA76.16 (∼ 3%), et nulle dans les autres compositions. 181 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus 65 27 Isotropic chemical shift, ppm Al 60 x=12.0 x=2.0 x=6.0 x=9.0 55 50 x=16.0 45 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1200 1400 Temperature, °C 5 23 Na Position, ppm 0 x=0.0 x=2.0 -5 x=6.0 -10 x=9.0 x=12.5 x=16.0 -15 -20 0 200 400 600 800 1000 Temperature, °C Figure 4.2: Positions (ppm) de la raie du 23 Na et déplacement chimique isotropique de la raie de l’27 Al sur les spectres RMN 1D MAS des verres NA75.x reportés en fonction de la température. Les erreurs sont inférieures à la taille des symboles. 182 4.2 Effet de l’aluminium Figure 4.3: Déplacement chimique corrigé (ppm, voir texte) de la raie du température. 23 Na en fonction de la Négligeons donc la présence d’Al[6] . Les positions moyennes des raies Al[4] et Al[5] sont d’environ 60.1 et 40.3 ppm dans le verre NA75.16. Avec ces valeurs, on obtient alors pour le NA75.16 une proportion d’Al[5] de 63% à 1300°C. En considérant que les proportions [Al[5] ] et [Al[6] ] augmentent conjointement dans les aluminosilicates (Neuville et al. , 2004a), il semble qu’à 1300°C la proportion de ces espèces représente entre 60% et 70% de la proportion totale de l’aluminium. Ces observations confirment donc que dans les aluminosilicates de Na présentant un rapport Al/(Al+Na) > 0.5, l’Al passe de CN 4 à CN 5 et 6 lors de l’augmentation de la température. Ce comportement est relié à une fragilité importante de ces compositions, comparativement aux tectosilicates de sodium, et à une capacité calorifique Cpl dépendante de la température. On remarque de plus que les densités des verres diminuent presque linéairement de Al/(Al+Na) = 0 à 0.5 (Fig. 4.4a), puis augmentent entre Al/(Al+Na) = 0.5 à 0.64 (NA75.12 et NA75.16 respectivement). Les volumes molaires Vm des verres NA75.00 à NA75.12 évoluent linéairement selon 24.942+5.4416× Al/(Al + N a), alors que le Vm du NA75.16 est légèrement inférieur à celui prédit par cette dernière relation (Fig. 4.4b). Il semble que ce changement soit lié à l’apparition d’Al[5] dans le verre NA75.16. On notera que Bottinga et al. (1983) dans leur modèle de calcul des densités des aluminosilicates liquides avaient introduit un terme dépendant de la composition chimique pour l’Al2 O3 , qu’ils expliquaient notamment comme pouvant provenir d’un changement de CN de l’Al. Richet & Bottinga (1985) ont 2 O3 introduit une CpAl partielle molaire dépendante de la température pour calculer les Cpl des alumil nosilicates. Dans le domaine peralcalin, les études de Tangemann et Lange (1998) ont montré que les Cpl sont indépendantes de la température dans le domaine, tout comme la densité des verres dans ce domaine ne dépend pas de la proportion d’Al2 O3 lorsque on la reporte en fonction du rapport Na/Si est constant (Doweidar, 1998). Ces remarques, combinées à nos observations, semblent indiquer que lorsque Al/(Al+Na) < 0.5, 183 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus (a) (b) Figure 4.4: a) Densités (g.cm3 ) et b) volumes molaires Vm (cm3 .mol−1 ) des verres NA75.00, NA75.02, NA75.06, NA75.09, NA75.12 et NA75.16 reportée en fonction du rapport Al/(Al+Na). La courbe pointillée sur la figure a) est une interpolation des mesures. La droite pleine sur la figure b) est un ajustement linéaire des données de Al/(Al+Na) = 0 à 0.5 ; en vert, Vm du NA75.16, déviant de la tendance linéaire. l’Al est présent majoritairement en CN 4 dans les verres et les liquides. En atteignant le joint 1 où Al/(Al+Na) = 0.5, l’Al est présent en CN 4 dans le verre et le liquide à T g. À haute température, la 2 O3 formation d’Al[5] pourrait expliquer la dépendance des Cpl à T . En effet, la CpAl dépendante de la l température pourrait résulter d’un changement de proportion entre les espèces Al[5] et Al[4] , possédant toutes deux des propriétés thermodynamiques différentes (Richet et al. , 2009b) et donc à priori des Cpil différentes. De plus, les interactions entre les espèces Al[4] et Al[5] permettraient d’assurer la mobilité d’un réseau fortement polymérisé en favorisant la diffusion des oxygènes. Lorsque Al/(Al+Na) > 0.5, l’Al[5] , mais aussi potentiellement l’Al[6] , devient une molécule importante dans le système aux états vitreux et liquides. Ces espèces semblent influencer les densités et les volumes molaires des verres, et augmenter leur T g. À haute température, elles favorisent l’échange de NBO et de BO et donc la mobilité des oxygènes et des formateurs de réseau. 184 4.3 Effet du rapport Si/Al L’article présenté dans la partie précédente souligne l’importance du rapport Na/Al sur les propriétés rhéologiques, structurales et thermodynamiques des aluminosilicates de sodium. Nous allons maintenant décrire les effets d’un changement du rapport Al/Si sur ces propriétés. Nous commencerons tout d’abord par le joint tectosilicate (Na/Al = 1), puis nous regarderons ensuite le joint 3 (Na/Al = 3). 4.3.1 Le joint tectosilicate (Na/Al=1) : résultats i) Viscosité et entropie Les mesures le long du joint 1 montrent une diminution non linéaire des viscosités proche de la T g lors de l’ajout de NaAlO2 dans SiO2 (Fig. 4.5). Figure 4.5: Viscosité (log Pa.s) en fonction de la température (K−1 ) le long du joint tectosilicate pour les verres NAK83.8.0, NAK75.12.0 (NA75.12, Albite), NAK67.16.0 (Jadéite) , NAK58.21.0 et NAK50.25.0 (Néphéline). Basses températures : cette étude ; hautes températures : valeurs de Riebling (1966). Les numéros indiquent la teneur en silice en mol%. Les lignes sont les ajustements Adam et Gibbs des données (voir tableau 4.1). Les erreurs sont inférieures à la taille des symboles. Voir annexes pour les données. La viscosité du NAK83.8.0 est la plus élevée. Les viscosités des NAK75.12.0 et NAK67.16.0 sont très proches et se croisent aux alentours de 10.8 log Pa.s. Ce croisement des courbes est remarquable : la Tg de la jadéite fondue NAK75.16.0 est supérieure à celui de l’albite fondue NAK75.12.0 (Figs. 4.5, 4.6). À haute température, la viscosité de la jadéite est cependant plus faible que celle de l’albite (Fig. 4.7). On observe très bien la non-linéarité de la variation des Tg en fonction de la proportion de silice dans la figure 4.6. Une très forte décroissance de 338 K du Tg est observée entre 100 et 83 mol% SiO2 . Il décroît encore légèrement jusqu’à 75 mol%SiO2 où il atteint 1085.7 K. Il augmente ensuite légèrement à 1092 K à 67 mol% SiO2 , et de 67 à 58 mol% SiO2 , il diminue jusqu’à atteindre 1073 K. Cette valeur est ensuite constante : à 50 mol% SiO2 , le T g est de 1073.8K. 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus SiO2 Na2O Al2O3 R=1 (a) (b) Figure 4.6: a) Température de transition vitreuse Tg (K) représentée en fonction de la teneur en silice le long du joint 1 (les variations entre 83 et 100 mol% SiO2 sont hypothétiques) ; b) Viscosité (log Pa.s) en fonction de T g/T . Les erreurs sont inférieures à la taille des symboles. Le T g de la silice a été calculé d’après les mesures de viscosité de Hetherington et al. (1964) et Urbain et al. (1982). Pour compléter ce jeu de données à basse température, nous pouvons regarder la littérature pour les données à haute température. Bien que couvrant un intervalle de température relativement étroit et qu’aucune mesure expérimentale ne soit réellement communiquée, les viscosités calculées à partir de l’étude de Riebling (1966) pour le NAK75.12.0 sont en très bon accord avec les autres études (voir section 2.5.2). Cette étude montre que, de 50 à 75 mol% SiO2 , les viscosités des tectosilicates fondus varient linéairement en fonction de la teneur en silice à haute température (Fig. 4.7). Comme l’étude de Riebling couvre (1966) une gamme de chimie étendue, allant du NAK50.25.0 au NAK75.12.0 (de 50 à 75 mol% SiO2 ), nous l’avons utilisé pour interpoler la viscosité à haute température de nos produits. Nous avons cependant fait une exception en combinant entre elles les valeurs données par Riebling (1966) et Urbain et al. (1982) pour les viscosités à haute température du NAK75.12.0 (albite fondue). En combinant les deux jeux de données (HT et BT), on observe donc que la diminution non-linéaire de la viscosité lors de l’ajout de NaAlO2 proche de la T g devient linéaire à haute température (Fig. 4.7). Ceci est en accord avec le croisement des courbes de viscosité du NAK75.12.0 et NAK67.16.0 vers 10.8 log Pa.s (Fig. 4.5). Ces observations confirment et soulignent que, proche de la T g, les effets de configuration sont très forts et diminuent en augmentant la température. On observe en reportant la viscosité en fonction de T g/T , représentation permettant d’estimer la fragilité d’un liquide au sens d’Angell (1991), que la composition la plus fragile est le NAK50.25.0 (Fig. 4.6b). La fragilité diminue ensuite lors de l’augmentation de la teneur en silice, le liquide le plus fort étant SiO2 . Les variations de la fragilité entre SiO2 et NAK50.25.0 indiquent que la substitution de Si par Al dans les tétraèdres TO4 , ainsi que l’ajout de Na en compensateur de charge, produit une 186 4.3 Effet du rapport Si/Al Figure 4.7: Viscosité (log Pa.s) à température constante en fonction de la teneur en silice (mol%) le long du joint 1. Les points sont des interpolations effectuées à l’aide des ajustements TVF. Les pointillés sont un lissage des données. Les variations entre 83 et 100 mol% SiO2 sont hypothétiques. augmentation de la fragilité des liquides. Ce comportement est relié aux variations de S conf (T g) et Cpconf (T g) en fonction de la composition chimique (Toplis et al. , 1997b). Table 4.1: Paramètres thermodynamiques et rhéologiques des tectosilicates de sodium fondus étudiés. Cpg : modèle de Richet (1987) ; Cpl : d’après les données de Richet & Bottinga (1984) en J.mol−1 .K−1 ; A, B, T1 : paramètres TVF pour les données basses températures ; Ae , Be , S conf (T g) : paramètres AG. σT V F et σAG sont respectivement la déviation du modèle TVF aux données basses température (fig. 4.5) et la déviation du modèle AG à aux données de viscosité à haute et basse températures (voir texte et fig. 4.5). Produit NAK83.8.0 NAK75.12.0 NAK67.16.0 NAK58.21.0 NAK50.25.0 Cpg (J.mol−1 .K−1 ) 78.76 81.75 85.26 88.58 91.88 aCpl - 75.168 80.923 84.266 86.141 bCpl - 0.0107 0.0104 0.0112 0.0130 T g (K) 1114.5 1085.7 1091.5 1072.8 1073.8 A -10.423 -2.203 -3.360 -3.526 0.291 B 25013.5 8080.5 8565.3 7491.7 3766.3 T1 -1.03 516.76 533.93 590.3 752.1 σT V F 0.02 0.01 0.02 0.01 0.02 Ae (log Pa.s) - -1.924(239) -3.564(290) -1.706(079) -2.123(143) Be (J.mol−1 .K−1 ) - 127800(12660) 144310(15140) 78960(2777) 81409(5266) S conf (T g) (J.mol−1 .K−1 ) - 8.47(0.70) 8.50(75) 5.37(16) 5.37(30) σAG - 0.04 0.03 0.01 0.03 187 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus La combinaison des données hautes et basses températures nous a permis de calculer les paramètres de l’équation AG et d’estimer les entropies de configurations à T g des tectosilicates de sodium fondus. Pour estimer la Cpg , le modèle de Richet (1987) donnant des estimations à une précision ≤ 1% a été utilisé. Nous aurions pu utiliser les mesures disponibles dans Richet & Bottinga (1984) par exemple. Néanmoins, pour garder la consistance des calculs entre les compositions où des mesures ne sont pas disponibles et celles où des mesures sont disponibles, nous utiliserons uniquement le modèle de Richet (1987) pour déterminer les Cpg . Pour la capacité calorifique des liquides, aucun modèle précis n’existe pour les compositions étudiées. Nous avons donc utilisé les mesures de Richet & Bottinga (1984) sur les liquides NaAlSi3 O8 (NAK75.12.0), NaAlSi2 O6 (NAK67.16.0) et de Richet et al. (1990) pour le NaAlSiO4 (NAK50.25.0). La capacité calorifique du NAK58.21.0 fondu a été estimée par interpolation des données des autres liquides. Nous avons essayé d’extrapoler les mesures de Cpl au NAK83.8.0, mais les résultats obtenus n’étant pas concluants et reproductibles, aucun paramètre AG n’est donc fourni pour ce produit. Le tableau 4.1 récapitule les résultats obtenus. À partir des mesures de viscosité, nous avons calculé des S conf (T g) de 5.37 ± 0.16 et 8.47 ± 0.70 J.mol−1 .K−1 pour le NAK50.25.0 et le NAK75.12.0 respectivement, proches de celles calculées à partir du cycle thermodynamique : 4.9 ± 2 et 9.2 ± 2 J.mol−1 .K−1 (Fig. 4.8 ; Richet, 1984 ; Richet et al. , 1990). Figure 4.8: Entropies de configuration à T g (J.mol−1 .K−1 ) déterminées à l’aide des mesures de viscosité (diamant vert) et du calcul du cycle thermodynamique complet (rond rouge) comme décrit dans Richet (1984). Données pour les calculs de Richet (1984); Richet & Bottinga (1984); Richet et al. (1990). Les valeurs comparables de l’entropie de configuration de la silice, égale à 5.1 ± 2 J.mol−1 .K−1 , et de la néphéline NaAlSiO4 (NAK50.25.0) ont amené Richet et al. (1990) à proposer que la structure du verre et liquide proche de la T g de NaAlSiO4 présentait un degré d’ordre aussi élevé que celle de la silice. Ce degré d’ordre élevé proviendrait de la répartition non-aléatoire de Si et Al dans les tétraèdres avec des liaisons Si-O-Al, les liaisons Al-O-Al étant énergiquement défavorables du point de vue de la 188 4.3 Effet du rapport Si/Al règle de Loewenstein (1954). Cette hypothèse est soutenue par les résultats de la RMN du 29 Si et de l’17 O de Lee & Stebbins (1999; 2000), qui montrent que la proportion de liaisons Al-O-Al est faible le long du joint tectosilicate. Lee & Stebbins (1999) ont ainsi proposé que l’entropie de configuration puisse être modélisée par un mélange des atomes d’oxygène entre des liaisons Si-O-Al et Si-O-Si. Ce mélange produirait le maximum d’entropie observé vers 75 mol% SiO2 sur la figure 4.8. Une autre hypothèse pouvant être soutenue est que le maximum d’entropie provient du mélange des espèces tétraédriques SiO4 et AlO4 (Neuville & Mysen, 1996; Toplis et al. , 1997b). Nous verrons au chapitre 7 que la combinaison de ces deux hypothèses peut permettre d’expliquer les variations d’entropie de configuration entre SiO2 et NaAlSiO4 . ii) densités et volumes molaires Nous venons de voir que les propriétés rhéologiques et thermodynamiques des tectosilicates de sodium fondus évoluent en fonction de la proportion de SiO2 . Ces évolutions impliquent de potentiels changements de la structure tectosilicates fondus et vitreux. Les premières informations à propos de cette structure que nous pouvons obtenir proviennent des mesures de densité, et des déterminations de volumes molaires des verres. Le long du joint 1 du diagramme NAS, la densité des verres augmente linéairement pour 100 ≥%mol SiO2 ≥ 67 (Fig. 4.9a). On remarque après qu’elle augmente toujours mais un peu plus faiblement, comme le suggère la flexion de la courbe observée entre 67 ≥%mol SiO2 ≥ 50. Il semble donc qu’un changement de comportement se produise aux alentours de 67 %mol SiO2 , au niveau de la leucite NAK67.16.0. Ce changement de comportement est aussi visible sur les volumes molaires des verres : entre 50 et 67 mol%SiO2 , le volume molaire des verres diminue à un taux de 0.04 mol.cm−3 /mol% SiO2 alors que de 67 à 100 mol% SiO2 il diminue de 0.02 mol.cm−3 /mol% SiO2 . (a) (b) Figure 4.9: Densités et volumes molaires des verres NAK83.8.0, NAK75.12.0, NAK67.16.0, NAK58.21.0 et NAK50.25.0, reportés en fonction de leur teneur en SiO2 (mol%). Les courbes pointillées sont des interpolations des mesures. Ces observations pourraient indiquer des processus de mélange entre Si, Al et Na différents de part et 189 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus d’autre de 67 mol% SiO2 . Doweidar (1998) a établi un modèle de calcul des densités des aluminosilicates de sodium à partir des proportions des différentes espèces Qn . Dans les verres tectosilicatés, l’aluminium est essentiellement en CN 4, comme nous l’avons vu pour l’albite vitreuse dans la section précédente. D’après son modèle, nous devrions avoir un mélange entre des espèces Q4 -Si[4] , Q4 -Al[4] et Na[7−8] présentant chacune un volume molaire défini. Les volumes molaires devraient donc dépendre idéalement linéairement du rapport NaAlO2 /SiO2 , ce qui n’est pas le cas ici. Une des espèces ioniques a donc un volume molaire dépendant de la composition chimique. Une première piste pour répondre à ce problème est l’étude de Lee & Stebbins (2003a). Ils ont effectué des expériences RMN sur l’23 Na dans des verres d’aluminosilicate de sodium le long du joint 1. Leurs observations montrent une augmentation de la distance Na-O lors de l’augmentation de la teneur en silice dans ces verres, augmentation induite par des distances Na-{Si-O-Si} plus grandes que les distances Na-{Al-O-Si}. Un changement du volume moyen autour de Na pourrait donc expliquer les observations effectuées, bien que cette hypothèse implique que ce changement soit non linéaire. Nous rediscuterons de cette hypothèse après avoir vu les résultats provenant de la spectroscopie Raman, qui vont nous apporter d’autres éléments de compréhension quant à la structure des verres. iii) Spectroscopie Raman Les spectres Raman des verres montrent une évolution du réseau T-O-T en fonction de la teneur en silice le long du joint 1 (Fig. 4.10a). Ils présentent tous le même aspect général : -i) le pic Boson est situé aux alentours de 70 cm−1 ; -ii) une bande large est située vers 480 cm−1 ; -iii) une bande fine vers 570 cm−1 ; -iv) une bande entre 750-800 cm−1 ; et -v) une bande large vers 1100 cm−1 . Des différences significatives sont cependant visibles en fonction de la composition chimique des verres. Le spectre du NAK83.8.0 présente un pic Boson à 65 cm−1 , un très faible épaulement vers 299 cm−1 , une bande à 455 cm−1 suivie d’un léger épaulement à 486 cm−1 , un pic construit par deux composantes à 568 et 595 cm−1 , une bande à 799 cm−1 présentant un léger épaulement vers 820 cm−1 , et une bande à 1131 cm−1 précédée d’un épaulement vers 1003 cm−1 . Ce spectre est relativement similaire à celui de la silice pure, et indique que la structure de ce verre est organisée en anneaux de tétraèdres (Sharma et al. , 1985) . Nous allons rappeler ci-dessous brièvement l’origine de chaque bande. Pour une discussion plus approfondie, j’invite le lecteur à consulter la partie 3.6.2 et l’article de la section 4.2. Les fréquences des bandes sont résumées dans le tableau 4.2. Le pic de Boson semble provenir d’oscillations rotationnelles des tétraèdres T O4 le long des chaines tétraédriques (Malinovsky & Sokolov, 1986; Hehlen et al. , 2000, 2002). Sa fréquence augmente en diminuant la teneur en silice le long du joint 1 (Figs. 4.10a et 4.11). Nous avons calculé son intensité relative en effectuant le rapport de l’intensité du pic Boson à son maximum sur l’intensité de l’inflexion suivant le pic (respectivement I et Io sur la figure 4.10a). Nous avons normalisé I par Io , car Io semble l’intensité la moins influencée par la composition chimique, représentant un minimum fort entre deux bandes. On remarquera cependant que si l’on compare I par rapport aux intensités des pics T-O-T à 500 cm−1 ou T-O à 1000-1100 cm−1 environ, l’intensité relative du pic Boson augmente toujours lorsque la teneur en SiO2 diminue. Cette observation semble aller à l’encontre des études précédentes qui montraient que plus la fragilité d’un liquide diminuait et plus son T g augmentait, plus la fréquence 190 4.3 Effet du rapport Si/Al Intensité normalisée, u.a. D1 I D2 IO T-O T-O-T NAK50.25.0 NAK58.21.0 NAK67.16.0 NAK75.12.0 NAK83.8.0 Nombre d’ondes, cm-1 (a) Intensité normalisée, a. u. b c de a 67 Nombre d’ondes, cm-1 (b) Figure 4.10: a) Spectres Raman bruts des verres des verres NAK83.8.0 (noir), NAK75.12.0 (rouge), NAK67.16.0 (bleu), NAK58.21.0 (vert) et NAK50.25.0 (violet). I : intensité du pic Boson à son maximum. I o : intensité Raman à l’inflexion vers 200 cm−1 . Voir texte pour les autres sigles. b) Grossissement de la partie 200-700 cm−1 . Voir texte pour les lettres. Les spectres ont été normalisés par rapport à l’intensité de la bande à 500 cm−1 . 191 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus Produit Boson ep1 T-O-T D1 D2 (1) D2 (2) T2b ep2 ep3 T-O NAK83.8.0 65(4) 299(10) 455(2) 486(2) 568(1) 595(2) 799(3) 820(4) 1003(5) 1131(1) NAK75.12.0 65(4) 299(10) 460(2) 483(1) 571(1) 588(2) 793(4) 813(3) 988(5) 1098(1) NAK67.16.0 72(3) 291(5) 460(2) 493(1) 571(1) 584(2) 684(3) 797(3) 985(5) 1075(2) NAK58.21.0 78(4) 291(5) 451(4) 491(1) 570(1) 582(2) 703(3) 778(4) 972(5) 1030(1) NAK50.25.0 81(3) 291(5) 445(4) 493(1) 570(1) 729(3) 775(4) 998(1) Table 4.2: Nombre d’ondes (cm−1 ) des bandes observées sur les spectres Raman bruts des verres NAK83.8.0, NAK75.12.0, NAK67.16.0, NAK58.21.0 et NAK50.25.0. ep : épaulements observés. T-O-T : bandes de vibrations des oxygènes le long des liaisons T-O-T des anneaux à 5, 6 – ou plus – tétraèdres. D1 : vibration des anneaux à 4 tétraèdres. D2 : vibration des anneaux à trois tétraèdres. T2b : mode de vibration de torsion T2b des tétraèdres TO4 . T-O : mode de vibrations d’étirement des liaisons T-O. et l’intensité du pic Boson augmentait (voir revue de Courtens et al. [2001] et références citées ainsi que Neuville [2006]). Nous observons ici un comportement inverse : augmentation de la fréquence et de l’intensité du pic Boson et augmentation de la fragilité. Les variations de fréquences et intensités du pic Boson en fonction de la composition chimique sont complexes et difficiles à interpréter (Hehlen et al. , 2002). (a) (b) Figure 4.11: Nombre d’ondes (cm−1 ) en fonction de la teneur en silice (mol%) le long du joint 1 (NaAlO2 -SiO2 ) du pic Boson (a) et des bandes observées (b, voir tableau 4.2). Si non visibles, les erreurs sont inférieures à la taille des symboles. Entre 200 et 700 cm−1 , on observe que l’intensité de l’épaulement vers 300 cm−1 augmente en diminuant la teneur en silice (a sur la figure 4.10b). La bande vers 450 cm−1 (b sur la figure 4.10b) 192 4.3 Effet du rapport Si/Al Figure 4.12: I − Io (unité arbitraire) en fonction de la teneur en silice (mol%). Io est prise comme l’intensité de référence. Les fréquences de I et Io ont été mesurées à partir de la dérivée seconde du spectre Raman. Les erreurs sont inférieures à la taille des symboles. devient moins visible et ne représente qu’un épaulement sur le spectre du NAK50.25.0, l’intensité maximale du pic étant située à 493 cm−1 (c sur la figure 4.10b) . Cette large bande entre 200 et 600 cm−1 provient des vibrations des liaisons T-O-T, les contributions en dessous de 480 cm−1 étant reliées à des anneaux à 5-6-7 - ou plus - tétraèdres, alors que le pic fin vers 490 cm−1 est relié aux vibrations d’oxygènes dans des anneaux à 4 tétraèdres (unités D1 ) (Bell et al. , 1968, 1971; Sen & Thorpe, 1977; Galeener, 1979; Galeener et al. , 1984; McMillan, 1984; Sharma et al. , 1985; Taraskin & Elliott, 1997; Courtens et al. , 2001). La bande vers 570 cm−1 provient des vibrations d’unités à trois anneaux tétraédriques D2 (Galeener, 1982a,b; Pasquarello & Car, 1998; Rahmani et al. , 2003). La contribution a dans la figure 4.10b semble, quant à elle, difficile à relier à des vibrations d’anneaux tétraédriques au premier abord. Nous discuterons de son origine plus tard dans cette thèse à la lumière des données du diagramme KAS (voir chapitre 6). La diminution de la teneur en silice, et donc l’augmentation de la concentration en NaAlO2 , induit une augmentation du signal de la bande D1 (flèche c sur la figure 4.10b) associée à une diminution du signal de la bande T-O-T (flèche b sur la figure 4.10b). Le pic des D2 est constitué de deux composantes à ∼570 et ∼590 cm−1 (marqueurs d et e, fig. 4.10b). On remarque que les intensités de ces deux composantes augmentent de 83 à 67 mol% SiO2 , avec une plus forte augmentation de la composante à 570 cm−1 . Entre 67 et 50 mol% SiO2 , la composante à 590 cm−1 s’efface, et seule reste la composante à 570 cm−1 . À plus hautes fréquences, on observe les bandes provenant des vibrations T2b vers 700-800 cm−1 et d’étirements des liaisons T-O vers 1000-1100 cm−1 des tétraèdres T O4 (voir McMillan, 1984 et références citées). Les fréquences des bandes T2b et T-O diminuent respectivement de 70 et 133 cm−1 lors de la diminution de la teneur en SiO2 de 83 à 50 mol% (Fig. 4.11). Ces variations à haute fréquence sont accompagnées par l’augmentation du nombre d’anneaux à 4 tétraèdres et une diminution du signal T-O-T. Ceci indique une diminution de l’angle intertétraédrique moyen T-O-T du réseau (Sen & Thorpe, 1977; Galeener, 1979). La présence de deux composantes dans la bande des D2 n’a jamais été discutée dans la littérature. D’après Galeener (1982a; 1982b), les anneaux à trois tétraèdres sont plans 193 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus de par des effets de minimisation d’énergie. La substitution Si-Al ne semble donc pas pouvoir affecter l’angle de ces anneaux, mais pourrait toutefois affecter la force des liaisons T-O-T. Si l’on considère la liaisons T-O-T comme un oscillateur rigide, un changement de sa constante de force engendre un déplacement de sa fréquence de vibration (Sen & Thorpe, 1977). Un tel changement peut être produit par la substitution de Si par l’Al dans les tétraèdres des anneaux D2 . Le pic à ∼590 cm−1 a une fréquence proche de celle du pic D2 du verre de silice, situé à ∼606 cm−1 . Il semble donc que deux contributions puissent être distinguées dans le pic D2 : une provenant des anneaux Si-O-Si-O-Si à ∼590 cm−1 et une vers 570 cm−1 des anneaux Si-O-Al-O-Si. Ces deux contribution sont facilement visibles malgré la faible différence de fréquence de 20 cm−1 les séparant. Ceci provient du fait de la nature vibrationnelle découplée des unités D2 , leur conférant une faible largueur (Galeener et al. , 1984). Cette attribution est cohérente avec la croissance du pic à 570 cm−1 lors de l’ajout de NaAlO2 : l’augmentation de la teneur en alumine semble augmenter plus fortement l’intensité du pic à 570 cm−1 , indiquant une plus forte proportion d’Al dans les unités D2 . Les deux contributions à ∼570 et ∼590 cm−1 seront nommées respectivement D2SiAlSi et D2SiSiSi par la suite. Pour étudier le signal des espèces Qn à haute fréquence, j’ai essayé de déconvoluer la région 8501300 cm−1 des spectres Raman des verres NAK le long du joint 1 en deux, trois et quatre bandes. Les déconvolutions en deux bandes ne donnent pas de résultats probants, ne permettant pas de représenter précisément le signal. Les déconvolutions en trois bandes permettent de représenter fidèlement le signal mesuré (Fig. 4.13, voir annexes pour les paramètres des bandes). L’ajout d’une quatrième bande n’est pas justifié, du fait d’une évolution trop faible de la qualité de l’ajustement des spectres. L’utilisation de trois bandes est en accord avec les résultats de Neuville & Mysen (1996), qui ont déconvolué les spectres de tectosilicates de sodium vitreux et fondus de la même manière. La première bande vers 1000 cm−1 est présente dans les spectres Raman des verres de silicates, aluminosilicates et de silice pure. Une analyse des études effectuées dans la littérature nous a permis d’exclure une origine provenant de modes optiques longitudinaux ou transverses (Denisov et al. , 1984). Les comparaisons des données provenant de modélisation et des données de neutron de l’état de densité vibrationnelle montrent aussi une bande à des fréquences similaires dans le verre de silice, provenant du mode de vibration d’étirement asymétrique T2s des liaisons Si-O au sein des tétraèdres SiO4 (Sarnthein et al. , 1997; Taraskin & Elliott, 1997). Nous avons montré dans la section 3.6.2 que la bande vers 1000 cm−1 des spectres Raman des aluminosilicates vitreux semble provenir d’un mode de vibration similaire des tétraèdres T O4 . Les deux bandes vers 1100 et 1170 cm−1 sont présentes dans le verre de silice (Mysen et al. , 1982; Seifert et al. , 1982; Neuville & Mysen, 1996), et leurs fréquences diminuent lors de l’ajout de NaAlO2 (Fig. 4.13). Elles proviennent donc des vibrations d’unités tétraèdriques complètement polymérisées Q4 . Les précédentes études ont montré que ces deux bandes sont associées au mode de vibration symétrique A1 des unités Q4 (Seifert et al. , 1982; Mysen et al. , 1982; Neuville & Mysen, 1996). L’utilisation de deux bandes pour représenter le mode de vibration des espèces Q4 induit une asymétrie de celui-ci, aussi observée dans la densité d’états vibrationnels VDOS de la silice modélisée ou obtenue à partir des données de neutron (Sarnthein et al. , 1997; Taraskin & Elliott, 1997). Cette asymmétrie suggère un environnement vibrationnel des tétraèdres Q4 non homogène, et pourrait provenir d’après Seifert et al. (1982) de différences d’angles T-O-T ou de constantes de force. Nous dénommerons par la suite Q4,II et Q4,I les deux bandes vers 1100 et 1170 cm−1 . La diminution de la fréquence de ces deux bandes 194 4.3 Effet du rapport Si/Al Figure 4.13: Déconvolution des spectres corrigés de Long des verres NAK50.25.0, NAK58.21.0, NAK67.16.0, NAK75.12.0 et NAK83.8.0 en trois bandes. La bande vers 950-100 cm−1 représente la vibration asymétrique d’étirement des liaisons T-O des unités tétraédriques (mode T2b , bande orange). Les deux bandes vers 1050-1100 (en vert, bande Q4,II ) et 1150-1200 cm−1 (en bleu, bande Q4,I ) rendent compte de la vibration symétrique des liaisons T-O au sein des unités Q4 . La fréquence des bandes (cm−1 ) en fonction de la concentration en SiO2 (mol%) est représentée dans la figure en bas à droite. 195 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus est en accord avec les observations effectuées précédemment : elle indique une diminution de l’angle moyen intertétraèdrique T-O-T lors de l’ajout de NaAlO2 . Ces déconvolutions montrent de plus que le signal n’est formé que par les vibrations d’unités Q4 . Nous pouvons donc considéré que les verres le long du joint 1 du diagramme NAS sont très polymérisés, constitués presque exclusivement d’unités Q4 bien qu’une faible proportion de NBO soit sans doute présente comme observée dans les tectosilicates de calcium (Stebbins & Xu, 1997). Ceci implique que l’aluminium est incorporé dans le réseau sous forme de tétraèdres AlO4 en unité Q4 , en accord avec les précédentes études (voir par exemple Taylor & Brown, 1979b; Seifert et al. , 1982; Neuville & Mysen, 1996; Neuville et al. , 2010) et les résultats que nous avons présenté dans la section 4.2. 4.3.2 Le joint tectosilicate (Na/Al=1) : discussion Entre les deux pôles NaAlSiO4 et SiO2 , le rapport d’aire des deux bandes Q4,II et Q4,I montre une évolution avec une forme de courbe en cloche et un maximum situé vers %mol SiO2 = 70 (Fig. 4.14). Figure 4.14: Rapports des aires des bandes Q4,I et Q4,II et entropies de configuration à T g (J.mol−1 .K−1 ) représentés en fonction de la teneur en silice (%mol) le long du joint P 4 4,II 1. Rapport Q / Q : carrés bleu évidés, cette étude ; carrés noirs pleins, Neuville & Mysen (1996). S conf (T g) : ronds rouges, calcul avec le cycle thermodynamique de Richet (1984) ; diamants rouges, détermination avec les courbes de viscosité, cette étude. Si non visibles, les erreurs sont inférieures à la taille des symboles. La forme des variations du rapport Q4,II / P Q4 est similaire à celle de S conf (T g) (Fig. 4.14, Neuville & Mysen, 1996). D’après Neuville & Mysen (1996), cette forme suggère un mélange de l’Al et du Si 196 4.3 Effet du rapport Si/Al dans deux environnements Q4 légèrement différents le long du joint 1. L’entropie de configuration à T g a une origine topologique (angles intertétraédriques différents, distances des liaisons T-O...) et une origine chimique (mélange des éléments chimiques). La spectroscopie Raman semble nous informer de l’impact topologique du mélange Si/Al sur S conf (T g) (Neuville & Mysen, 1996). En plus d’une contribution topologique, le mélange des ions O2− , entre les liaisons Si-O-Al et Si-O-Si, contribue lui aussi à S conf (T g) le long du joint 1 du diagramme NAS (Toplis et al. , 1997b; Lee & Stebbins, 1999). L’addition de ces deux contributions pourrait expliquer les variations de S conf (T g) observées entre NaAlSiO4 et SiO2 . D’après Seifert et al. (1982), les unités Q4,II ont des angles T-O-T légèrement plus faibles que les espèces Q4,I . L’aire de la bande Q4,II augmente lors de l’ajout de 0 à environ 25 mol% de NaAlO2 dans SiO2 (Fig. 4.14). Il semble donc que l’aluminium entre préférentiellement dans le site Q4,II lors de l’ajout de 0 à environ 25 mol% NaAlO2 dans SiO2 (Neuville & Mysen, 1996), en accord avec les angles Si-O-Al plus fermés que les angles Si-O-Si (Navrotsky et al. , 1985 et références citées). P Puis, la diminution du rapport Q4,II / Q4 entre 75 et 50 mol% SiO2 indique que l’Al entre alors aussi dans les unités Q4,I (Fig. 4.14). Il semble donc qu’un mélange non-aléatoire de Si et Al dans les unités Q4 se produise entre SiO2 et NaAlSiO4 . Ce mélange non-aléatoire influence la topologie P du réseau, comme le montre les variations du rapport Q4,II / Q4 . Ceci est aussi visible lorsque l’on observe la bande T2b des spectres Raman. Figure 4.15: Grossissement de la partie 640-1300 cm−1 des spectres Raman bruts des verres NAK50.25.0, NAK58.21.0, NAK67.16.0, NAK75.12.0 et NAK83.8.0. L’entropie de configuration est indiquée sur les spectres (en J.mol−1 .K−1 ), voir tableau 4.1 pour les erreurs. L’encart en haut à droite représente la viscosité en log Pa.s en fonction de la température réciproque. Les flèches rouges sur les spectres indiquent un changement brusque de fréquence intervenant entre les spectres à 75 et 58 mol% SiO2 . Cette bande change peu de 83 à 75 mol% SiO2 (Figs. 4.10a,4.15). On observe ensuite une diminution de sa fréquence assez forte (Figs. 4.11,4.15). Cette évolution donne une forme relativement plate à la 197 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus bande T2b dans le spectre du NAK67.16.16 (jadéite vitreuse). À plus basse teneur en silice, sa fréquence et sa forme sont relativement stables, si l’on observe par exemple les spectres Raman des verres NAK50.25.0 et NAK58.21.0. Nous avons effectué plusieurs tests sur le spectre du verre NAK67.16.0, la forme de cette bande nous semblant résulter à priori d’un défaut lors de l’acquisition du spectre Raman. Tous les spectres effectués montrent la même forme de bande, qui est aussi observable dans les données de Neuville & Mysen (1996) sur leur verre à 65 mol% SiO2 . La forme de cette bande à 67 mol% SiO2 indique que deux contributions majeures la constituent : une vers 800 cm−1 et une autre vers 720 cm−1 . De plus, pour rendre compte d’une telle forme spectrale, d’autres contributions doivent aussi intervenir. La convolution de tous les pics donne finalement le plateau observé. Le jeu de ces différentes contributions explique alors la diminution de la fréquence de la bande T2b lorsque %mol SiO2 diminue : les contributions à plus de 760 cm−1 diminuent alors que celles en dessous augmentent, leurs intensités étant presque égales vers 67 mol% SiO2 . Paralèllement aux évolutions de la bande T2b , on observe que les courbes de viscosité changent de pente à 67 mol% SiO2 . Nous avions de plus observé à cette teneur en silice des changements de pente dans les densités et volumes molaires des verres tectosilicatés. Ces corrélations indiquent que les propriétés structurales ne semblent pas gouvernées par les mêmes équilibres en dessous ou au dessus de 67 mol% SiO2 . D’après les interprétations que nous avons faites à partir des variations du rapport P Q4,II / Q4 , ces changements pourraient être reliés à l’hypothèse de la substitution de Si par Al dans le site Q4,II jusqu’à environ 67 mol%, puis dans le site Q4,I a des teneurs en silice plus faible. La substitution du Si par l’Al dans le site à « faible » angle T-O-T Q4,II de 100 à 67 mol% SiO2 induirait une augmentation moins rapide du volume molaire qu’une substitution dans le site à « grand » angle T-O-T Q4,I . Nous pouvons en effet imaginer intuitivement que plus l’angle T-O-T est important, plus le volume molaire va être important. Cette substitution organisée du Si par l’Al dans deux sites peut expliquer les variations de la bande T2b , des T g, des volumes molaires mais aussi des entropies de configuration. En effet, ces dernières n’évoluent pas entre 75 et 67 mol% SiO2 . On remarque alors que si S conf (T g) était majoritairement contrôlée par le mélange des oxygènes entre les différentes liaisons Si-O-Si et Si-O-Al, le maximum d’entropie de configuration aurait alors lieu pour un rapport de concentration entre les oxygènes distribués sur les deux types de liaisons [OSi−O−Si ]/[OSi−O−Al ] égal à 0.5, c’est à dire à 75 mol% SiO2 (Toplis et al. , 1997b; Lee & Stebbins, 1999). Si l’on regarde uniquement les données de calcul du cycle thermodynamique, ceci semble être bon (Fig. 4.8). L’entropie de configuration à T g du verre de jadéite calculée par Richet (1984) est cependant affectée d’une grande erreur (±2 J.mol−1 .K−1 ), car elle a été déterminée en regardant de petites différences entre de très grands nombres (mesures des Cp). Des entropies de configuration similaires entre l’albite et la jadéite fondue ont aussi été déterminées par Toplis et al. (1997b) (9.45 et 9.52 J.mol−1 .K−1 respectivement). Leurs valeurs sont plus élevées que les notres de 1 J.mol−1 .K−1 , mais elles ont été déterminées avec des jeux de mesures de viscosité différents. Leur étude et la notre nous permettent donc conclure, avec deux jeux de données différents, qu’il n’y apparemment pas de diminution de l’entropie de configuration entre 75 et 67 mol% SiO2 , dans la limite des barres d’erreurs de la détermination de S conf (T g) (soit environ ±0.5 à partir des données de viscosité). Cette similarité peut provenir du contrôle de la structure sur l’entropie de configuration. L’aluminium entrant de 100 à ∼67 mol% SiO2 préférentiellement dans le site Q4,II , il 198 4.3 Effet du rapport Si/Al induit un décalage du maximum d’entropie de configuration observé. Celle-ci n’a donc pas une forme parfaite en cloche, étant affectée par les effets d’un mélange non idéal entre Si et Al sur la structure du réseau. Le comportement particulier des atomes de Al pourrait provenir tout d’abord des angles Al-O-Si plus fermés, favorisant l’incorporation de l’Al dans le site Q4,II de 100 à 67 mol% SiO2 , puis de la règle de Loewenstein. En effet, l’aluminium rentrerait en dessous de 67 mol% de SiO2 dans le deuxième site, à grand angle, afin d’éviter de former des liaisons Al-O-Al dans l’environnement Q4,II . Cette interprétation est en accord avec la RMN du 29 Si : Lee et Stebbins (1999) ont notamment montré que le degré d’ordre Si-Al le long du joint 1 était fort dans les tectosilicates de sodium, du faite d’un très fort degré d’évitement de liaisons Al-O-Al. On remarquera que entre l’Albite et la Jadéite, un point eutectique des liquidus est observé dans le diagramme NAS (Schairer & Bowen, 1956). On notera de plus que le cristal de jadéite est impossible à synthétiser à partir du verre de Jadéite à la pression ambiante (Yoder, 1950a,b; Schairer & Bowen, 1956). L’existence d’une « zone de transition structurale » ne semble donc pas exclue entre NaAlSiO4 et NaAlSi3 O8 . L’existence d’une telle zone est supportée par le spectre Raman du verre de Jadéite NAK67.16.0, qui montre une transition du mode vibratoire T2b par exemple vers les basses fréquences entre les verres NAK75.12.0 et NAK58.21.0 (Fig. 4.15). Les données acquises nous amènent à conclure que le long du joint 1, entre NaAlSiO4 et SiO2 , l’arrangement entre Si et Al dans les espèces tétraédriques : – s’effectue dans deux sites Q4 présentant une réponse Raman différente. Le rapport de ces deux sites montre une distribution non aléatoire de Si et Al le long du joint 1 dans les deux sites. – Les variations de fréquences des bandes Raman montrent que l’introduction d’aluminium favorise une décroissance de l’angle intertétraédrique moyen, confirmant que les angles Si-O-Al sont plus fermés que les angles Si-O-Si. – On observe de plus une augmentation de l’intensité des bandes D1 et D2SiAlSi sur les spectres Raman lors de l’ajout de NaAlO2 à SiO2 . Ceci est en accord avec la diminution globale de l’angle intertétraédrique moyen, pouvant favoriser l’existence d’anneaux à quatre et trois tétraèdres alors plus favorables énergétiquement (Galeener et al. , 1984). – Le mélange non-qaléatoire entre Si et Al dans les espèces Q4 provient d’un respect de la règle de Loewenstein (1954), comme le montre les résultats RMN (Lee & Stebbins, 1999). Ce mélange non-aléatoire semble influencer directement les S conf (Tg ) des tectosilicates fondus. 199 4.3 Effet du rapport Si/Al 4.3.3 Le Joint 3 (Na/Al = 3) : résultats i) Viscosité et entropie Nous avons vu dans les parties précédentes les effets du rapport Na/Al à teneur en silice constante, ainsi que les effets du rapport Si/(Na+Al) le long du joint 1, sur les propriétés thermodynamiques, rhéologiques et structurales des aluminosilicates vitreux et fondus. Nous allons maintenant nous placer sur le joint 3. Nous avons déjà présenté les données sur le verre NA75.06 dans la section 4.2. Nous avions alors observé que ce verre présente un mélange entre des unités Q4 et Q3 , avec l’aluminium en Q4 présent dans les régions les plus polymérisées du réseau. Le sodium joue un double rôle de compensateur de charge et de modificateur de réseau dans cette composition. Nous allons maintenant observer les effets d’un changement du rapport Si/(Na3 AlO3 ) le long du joint 3. Sur ce joint, les mesures effectuées sur les produits NA75.06, NA65.09 et NA58.10 montrent que la viscosité diminue lors de la diminution de la teneur en silice (Fig. 4.16a). Par exemple, à 833 K, la viscosité diminue de 0.78 log Pa.s de 75 à 58 mol% de SiO2 . SiO2 Na2O R=3 Al2O3 (a) (b) Figure 4.16: a) Viscosité (log Pa.s) en fonction de la température (K−1 ) des produits NA75.06 (75 mol% SiO2 , orange), NA65.09 (65 mol% SiO2 , rose) et NA58.10 (58 mol% SiO2 , vert) le long du joint 3. En pointillés noirs et rouges sont représentés les viscosités de l’albite fondue et du NA75.00 (NS3) fondue. Les données à haute température proviennent d’une interpolation des valeurs données par Riebling (1966). Courbes : ajustements Adam et Gibbs. b) Température de transition vitreuse T g (K) en fonction de la teneur en silice (mol%) le long des joints 1 et 3. Les erreurs sont inférieures à la taille des symboles. Les variations à fortes teneurs en SiO2 , hors des mesures, sont hypothétiques. Ces évolutions de viscosité proche de la T g ne sont pas linéaires. La T g (soit la viscosité de 1012 Pa.s dans notre définition) augmente plus fortement entre 58 et 65 mol% SiO2 qu’entre 65 et 72 mol% SiO2 (Fig. 4.16b et tableau 4.3). Le tableau 4.3 récapitule les différents T g et les paramètres de l’ajustement TVF des données de viscosité le long du joint 3. L’interpolation des données de Riebling (1966) proches du joint 3 nous a permis d’estimer les viscosités à haute température des compositions NA65.09 et NA58.10. Cette interpolation est rendue 201 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus Produit NA75.06 NA65.09 NA58.10 Cpg Cpl (J.mol−1 .K−1 ) 75.10 87.87 78.14 92.05 80.13 95.24 T g (K) A B T1 σT V F 797.1 -3.423 5734.3 425.3 0.02 791.3 -1.966 4000.4 504.8 0.02 784.1 -2.426 4079.1 501,3 0.02 Ae (log Pa.s) Be (J.mol−1 .K−1 ) conf S (T g) (J.mol−1 .K−1 ) σAG -1.508(32) 94996(1795) 8.82(15) 0.01 -1.505(100) 86286(5128) 8.08(44) 0.04 -1.498(200) 83555(5000) 7.90(50) 0.03 (J.mol−1 .K−1 ) Table 4.3: Cpg et Cpl capacités calorifiques des verres et aluminosilicates fondus provenant respectivement des modèles de Richet (1987) et Tangemann & Lange (1998) ; Températures de transition vitreuse T g, paramètres A, B, T1 de l’ajustement TVF des viscosités à basses températures, et paramètres Ae , Be et S conf (T g) de l’équation AG ajustée sur l’ensemble des données de viscosité. σT V F et σAG sont les écarts types entre les mesures et les modèles TVF et AG respectivement. Figure 4.17: Entropies de configuration à T g déterminées à partir des mesures de viscosité sur le joint 1 (points noirs) et le joint 3 (points verts). La courbe en pointillés noirs représente le mélange entre les pôles NaAlSiO4 et SiO2 le long du joint 1. possible du fait de la nature linéaire des variations de viscosités à haute température en fonction de la composition chimique, surtout pour de petits intervalles. Les données de Riebling (1966) sont en effet très proches des notres, mais une interpolation est tout de même nécessaire pour minimiser les erreurs. Les valeurs interpolées nous ont permis d’estimer les entropies de configuration à T g des verres NA65.09 et NA58.10 (Tableau4.3). Les résultats montrent que l’entropie diminue légèrement et non linéairement lors de la diminution de la teneur en silice le long du joint 3 (Fig. 4.17). 202 4.3 Effet du rapport Si/Al ii) Densités et volumes molaires Parallèlement à ces variations de S conf (T g), on observe une augmentation d’environ 0.1 g.cm3 de la densité des verres entre le NA75.06 et NA58.10 (4.18a). On remarque aussi que la densité augmente plus fortement le long du joint 3 que le long du joint 1. (a) (b) Figure 4.18: Densité et volumes molaires des verres étudiés le long des joints 1 et 3 du diagramme NAS. Parallèlement à ceci, nous observons que le volume molaire des verres diminue de 100 à 65 mol% SiO2 sur le joint 3, et ensuite devient relativement constant voir augmente légèrement de 65 à 58 mol% SiO2 . Les variations de volume molaire sont donc complètement différentes le long des joints 1 et 3. Il faut rappeler que sur le joint 1, nous avons un atome d’Al pour un atome de Na, alors que sur le joint 3 nous avons 1 atome d’Al pour 3 atomes de Na. Les données présentées dans la section 4.2 nous ont permis de montrer que le Na en tant que modificateur avait un CN plus faible qu’en tant que compensateur de charge de l’Al. Il semble que ceci pourrait expliquer la diminution du volume molaire observée. Doweidar (1998) a proposé un modèle de densité basé sur le volume des espèces Qn dans le domaine peralcalin du diagramme NAS. On opposera cependant deux remarques importantes à l’encontre du modèle de Doweidar : il propose que l’effet sur la densité de l’aluminium ajouté dans les verres est contrecarré par une variation de la proportion du Si dans les espèces Qn , impliquant que l’Al entre indifféremment en espèces Q2 ou Q3 . Ceci ne semble pas être le cas, comme nous l’avons vu dans la section 4.2 et comme nous le verrons encore par la suite. Son modèle part aussi de la simplification que quand les Q2 sont présents, les Q4 n’existent plus. Ce n’est pas le cas comme vont nous le montrer les spectres Raman présentés ci-dessous. La quantité d’espèces Q4 n’est pas négligeable même à 58 mol% SiO2 . Malgré ces désaccords, nous retiendrons de son étude interessante que l’Al a peu d’effet sur les densités dans domaine peralcalins du diagramme NAS. En effet, les mesures montrent que les densités des compositions silicatés et peralcalines du diagramme NAS varient selon une seule tendance en fonction du rapport Na/Si. Ceci signifie que le volume molaire des verres augmente linéairement lors de l’ajout de Al dans le domaine peralcalin, et ce quelque soit la composition chimique. Ceci pourrait 203 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus indiquer que l’aluminium rentre dans le même environnement quelque soit la composition chimique du verre dans le domaine peralcalin. Intensité normalisée, u. a. iii) Spectroscopie Raman NA58.10 NA65.09 NA75.06 Nombre d’ondes, cm-1 (a) (b) Figure 4.19: a) Spectres Raman bruts des verres NA75.09, NA65.09 et NA58.10. Les spectres ont été normalisés par rapport à l’intensité de la bande à 500 cm−1 . b) Nombre d’ondes des bandes Raman observées en fonction de la teneur en silice (mol%) (voir tableau 4.4). Les erreurs sont inférieures à la taille des symboles. Les spectres Raman bruts des verres NA75.06, NA65.09 et NA58.10 sont assez différents en fonction de la teneur en silice (Fig. 4.19a). Le spectre du NA75.06 est composé d’un pic Boson à 80 cm−1 , d’une bande à 494 cm−1 assez étroite, d’un pic vers 573 cm−1 présentant un léger épaulement à 594 cm−1 , d’une bande à 781 cm−1 , d’un épaulement à 950 cm−1 suivi d’un pic à 1086 cm−1 . On remarque qu’en diminuant la teneur en silice, on observe une augmentation de l’intensité des bandes à 573 cm−1 et 950 cm−1 (Fig. 4.19a). Les fréquences de ces différentes bandes changent peu en fonction de la teneur en silice, sauf pour la bande vers 500 cm−1 (Fig. 4.19b). Sa fréquence augmente en effet lors de la diminution de la teneur en silice. Les bandes observées proviennent des différents modes de vibrations des tétraèdres T O4 présents dans le réseau aluminosilicaté. La bande à 500 cm−1 provient des vibrations des liaisons T-O-T intertétraédriques. Dans le spectre du NA75.06, cette bande provient majoritairement de la contribution des unités Q4 dans des anneaux à 4, 5 6, 7 – ou plus – tétraèdres (voir article Le Losq et al., section 4.2). La fréquence de la bande T-O-T augmente en diminuant la teneur en silice le long du joint 3. Elle atteint 520 cm−1 sur le spectre du verre NA58.10. On fera ici attention à ne pas l’attribuer directement à des anneaux à 4 tétraèdres (unités D1 ). En effet, la fréquence de vibration de ces anneaux ne peut évoluer aussi fortement d’après les travaux de Galeener (1982a; 1982b). Ces anneaux sont légèrement 204 4.3 Effet du rapport Si/Al Produit Boson T-O-T Pic 570 ep1 T2b ep2 T-O NA75.06 80(2) 494(2) 573(2) 594(2) 781(1) 950(2) 1086(1) NA65.09 75(2) 506(3) 570(2) 775(5) 945(3) 1078(1) NA58.10 77(3) 521(3) 565(1) 765(5) 943(3) 1063(1) Table 4.4: Nombre d’ondes (cm−1 ) des bandes observés sur les spectres Raman bruts des verres NA75.06, NA65.09 et NA58.10. distordus d’après ses calculs, et ce afin de minimiser leur énergie. Augmenter leur fréquence de vibration induirait de diminuer encore l’angle T-O-T en les distordant plus, et ceci les rendrait alors énergétiquement instables. Ceci explique que la fréquence de vibration des unités D1 est relativement constante (vers 490 cm−1 ) de SiO2 à NaAlSiO4 par exemple, et comme nous le verrons aussi entre SiO2 et KAlSiO4 . Le maximum fin de la bande T-O-T dans le verre NA75.06 vers 494 cm−1 peut indiquer la présence d’unités D1 dans ce verre, mais le déplacement vers des fréquences plus élevées de cette bande lors de la diminution de la teneur en silice indique l’apparition d’autres contributions. Les vibrations des oxygènes des espèces Q3 et Q2 peuvent donner des signaux vers environ 520 et 600 cm−1 d’après les études de Brawer & White (1977) ou encore Furukawa et al. (1981), or nous nous attendons d’après les travaux de Mysen (1990) et Mysen et al. (2003) à la présence de Q2 et Q3 dans les verres étudiés. Il semble donc que les bandes vers ∼520 et ∼570 cm−1 dans les verres NA65.09 et NA58.10 puissent provenir aussi des vibrations T-O-T impliquant les unités Q2 et Q3 , et ne proviennent pas des vibrations d’anneaux à trois tétraèdres comme dans les tectosilicates vitreux. Dans les verres NA75.06, NA65.09 et NA58.10, les différentes contributions des vibrations T-O-T reliant les unités Q2 , Q3 et Q4 , dont les concentrations dépendent de la composition des verres, déterminent la forme de la bande à 500 cm−1 . La bande vers 950 cm−1 observée sur les spectres Raman des verres NA65.09 et NA58.10 est assignée aux unités Q2 (Brawer & White, 1975, 1977; Furukawa et al. , 1981; McMillan, 1984). Les augmentations conjointes des intensités des deux bandes à 570 et 950 cm−1 semblent liées, et indiqueraient donc une augmentation de la concentration en espèces Q2 lors de la diminution de la teneur en silice le long du joint 3 du le diagramme NAS, en accord avec les résultats de Mysen & Frantz (1994c) pour des compositions similaires. Pour avoir plus d’informations sur la répartition des espèces Qn , nous avons déconvolué la région 850-1300 cm−1 des spectres Raman des verres NA75.06, NA65.09 et NA58.10. La déconvolution du NA75.06 a déjà été présentée dans la section 4.2. Nous avions déconvolué le spectre Raman de ce verre en 5 bandes (Fig. 4.20). La première bande à 950 cm−1 représente les vibrations d’étirements symétriques des liaisons T-O dans les tétraèdres TO4 d’après ce que nous venons de voir. La deuxième bande vers 1020 cm−1 provient des vibrations d’étirements asymétriques des liaisons T-O dans les tétraèdres TO4 d’après la discussion que nous avons eu dans les sections 4.2 et 4.3. Cette bande est en effet présente à une fréquence similaire dans les silicates, aluminosilicates vitreux ainsi que dans la silice pure. Sa fréquence et son intensité sont influencées par la chimie des verres, mais pas par la 205 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus distribution des espèces Qn . Ceci indique que toutes les différentes espèces Qn donnent un signal moyen produisant cette bande à une certaine fréquence. La bande à 1100 cm−1 provient des vibrations des espèces Q3 , alors que les bandes vers 1100 cm−1 et 1160 cm−1 sont les deux bandes Q4,II et Q4,I respectivement (Fig. 4.20). La présence de deux bandes Q4 peut être discutable dans ces compositions, bien qu’elles aient été utilisées ou sous-entendues dans d’autres travaux sur des compositions similaires (Mysen, 1990, 1996). Nous avons montré dans l’article présenté dans la section 4.2 qu’il n’est pas possible d’obtenir un modèle cohérent permettant de reproduire les spectres Raman des verres de NA75.00 à NA75.12 avec une seule bande pour les espèces Q4 . Pour garder la cohérence de notre méthode de déconvolution, nous sommes partis du modèle à 5 gaussiennes ayant permis de reproduire le spectre Raman du NA75.06 pour déconvoluer les spectres Raman des verres NA65.09 et NA58.10. Ce modèle permet de très bien reproduire le spectre du NA65.09. On observe une augmentation de l’intensité de la bande Q2 , comme nous l’avions supposé d’après l’observation des spectres, associée à une diminution de celle de la bande Q4,I (Fig. 4.20). L’introduction d’une sixième bande vers 900 cm−1 a été nécessaire pour déconvoluer le spectre du verre NA58.10. D’après sa fréquence, cette bande provient de la vibration d’étirement symétrique des espèces Q1 (Furukawa et al. , 1981; Mysen et al. , 1982; McMillan, 1984). L’intensité de la bande Q2 augmente encore dans le spectre du verre NA58.10, et des espèces Q1 apparaissent. L’apparition des Q1 à 58 mol% SiO2 est en accord avec les résultats de Maekawa et al. (1991a) sur les silicates de sodium montrant que ces unités se forment en dessous de 60 mol% SiO2 environ. On remarque de plus sur le spectre du verre NA58.10 que les unités Q4,I ont disparut. Cette bande est légèrement visible sur le spectre Raman déconvolué du verre NA58.10 car le modèle l’a ajusté (Fig. 4.20), mais son aire est en réalité presque nulle (Fig. 4.21a). En calculant les aires des différentes bandes, ces observations sont confirmées. On observe entre 75 et 65 mol% SiO2 une décroissance de l’aire de la bande des espèces Q4,II et Q4,I , alors que celle des Q3 est constante et celle des Q2 augmente (Fig. 4.21a). L’aire du pic T2s augmente aussi. Puis, entre 65 et 58 mol% SiO2 , on observe une diminution forte de la proportion d’espèces Q4,II et Q4,I , accompagnée d’une augmentation forte de l’aire des bandes Q3 . L’aire des bandes Q2 reste stable. Lors de la diminution de la teneur en silice de 75 à 65 mol% SiO2 , on observe une légère augmentation d’environ 10 cm−1 de la fréquence des bandes Q3 , Q4,II et Q4,I ainsi que de la bande T2s , alors que celle de la bande Q2 diminue légèrement (Fig. 4.19b). Puis, de 65 à 58 mol% on voit que les fréquences de toutes les bandes diminuent. Les aires Raman des espèces Qn ne donnent pas leurs concentrations réelles du faite des effets de sections efficaces (Furukawa et al. , 1981). Mysen (1990) a introduit une correction permettant de recalculer les proportions réelles (égales à celles mesurées par la RMN du 29 Si) d’espèces Qn . Cette correction a été utilisée dans beaucoup de ses travaux (voir par exemple Mysen [1990] ou encore Mysen et al. [2003]). Comme nous l’avons précisé lors des méthodes expérimentales, nous n’effectuerons pas une telle correction car il est tout d’abord nécessaire d’avoir des données RMN pour calculer un facteur correctif qui va dépendre de la chimie. Ensuite, le calcul du facteur correctif présuppose que les proportions d’espèces Qn calculées par la RMN sont exactes, or la déconvolution des spectres des aluminosilicates dans le domaine peralcalin est difficile car beaucoup de contributions Qn(mAl) interagissent dans la raie du 206 29 Si. 4.3 Effet du rapport Si/Al NA75.06 NA65.09 NA58.10 Figure 4.20: Déconvolution des spectres, corrigés de Long et normalisés à 100, des verres NA75.06, NA65.09 et NA58.10. Les différentes bandes sont annotés de leur attribution. Voir annexes pour les paramètres des bandes. 207 Aire relative des bandes Raman 4 Les aluminosilicates de sodium vitreux et fondus (a) (b) Figure 4.21: a) Aires relatives et b) nombre d’ondes (cm−1 ) des bandes Raman déconvoluées en fonction de la teneur en silice le long du joint 3. Les symboles représentent les valeurs données par la déconvolution, les courbes en pointillées une interpolation entre ces valeurs. Si non visibles, les erreurs sont plus petites que les symboles. On remarquera que les spectres effectués sont en accord avec les résultats de Mysen (1990) sur des aluminosilicates de sodium. Ces travaux ont montré qu’ajouter de l’aluminium à un silicate produisait une transformation des espèces Q3 en Q4 et Q2 comme observé entre les verres NA75.00 et NA75.12 dans la section 4.2. Un changement du rapport Al/(Al+Si) peut aussi produire une transformation des espèces Q2 en Q1 et Q3 (Mysen, 1999). Enfin, pour une composition chimique donnée, les proportions des différentes espèces Qn sont dépendantes de la température. Une augmentation de la température déplace les équilibres 2Qn ↔ Qn−1 + Qn+1 , (4.3) vers la droite (Stebbins, 1988; Mysen & Frantz, 1994c; Mysen et al. , 2003). Les proportions d’espèces Qn observées dans les verres dépendent de la composition chimique, et vont changer dans les liquides. Les observations que l’on fait sur les verres sont cependant représentatives du liquide à T g, car la concentration des différentes espèces Qn ne change pas en dessous de T g (Farnan & Stebbins, 1990; Mysen, 1995; Neuville & Mysen, 1996; Mysen, 1996, 1999). 4.3.4 Le Joint 3 (Na/Al = 3) : discussion La diminution de la teneur en silice le long du joint 3 est donc accompagnée d’une transformation des espèces Q4 en espèces Q3 , Q2 et Q1 (Fig. 4.22). Une dépolymérisation du réseau est observée. Ceci explique la diminution des viscosités observée le long du joint 3. La diminution de la Tg plus forte entre NA65.09 et NA58.10 que entre NA75.06 et NA65.09 semble liée à l’augmentation brusque de la concentration en espèces Q3 et à l’apparition des espèces Q1 . Le très faible signal des espèces Q4,II et le signal nul des espèces