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Le vernis vermillon de l'Antarctique chinois. Conference paper

"La République populaire de Chine (RPC) gère à présent un réseau de trois stations dans l'Antarctique et d’une dans l’Arctique. Chaque année, Pékin lance de nouvelles campagnes de recherches dans l'Antarctique chinois (中国南极洲). Très peu d'experts ont pris connaissance de l'histoire, des objectifs et des activités des organismes de la recherche polaire chinoise. Leurs cartes, mesures, données et rapports ont également largement échappé à l'attention internationale. Il conviendrait d'étudier ces résultats dans le cadre des obligations du Traité sur l'Antarctique, que la RPC a signé en 1983, mais je voudrais aller au delà de cet axe de recherche. A partir de l'examen critique fait par Klaus Dodd du travail accompli par le British Antarctic Survey, je propose une analyse de la production cartographique de la Chine qui permet une première évaluation des attentes de plusieurs publics cibles: les chercheurs chinois, le gouvernement national chinois, le public chinois, et la communauté scientifique internationale. Je tente en outre d'expliquer comment ces cartes s’interprètent à différents niveaux de lecture, et pour cela me base sur les concepts post-confucéens de race et de culture développés par B. R. Myers. Mon analyse du corpus iconographique chinois débouche une mise en forme théorique de l'interaction de la cartographie, du nationalisme et de la science avec le paysage antarctique"

22e Festival International de Géographie LA RÉUNION – MAYOTTE – TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES Maison de la Solidarité, 8 octobre 2011, 16h30-17h30 Le vernis vermillon de l’Antarctique chinois Philippe Forêt Institut d’Etudes Avancées de Nantes Département des Langues Orientales, Université de Stockholm pforet@bluewin.ch http://su-se.academia.edu/PhilippeForêt Introduction http://www.youtube.com/watch?v=ZC6xqxY8K9s Résumé de la communication La République populaire de Chine (RPC) gère à présent un réseau de trois stations dans l'Antarctique et d’une dans l’Arctique. Chaque année, Pékin lance de nouvelles campagnes de recherches dans l'Antarctique chinois (奩拳岱混娥). Très peu d'experts ont pris connaissance de l'histoire, des objectifs et des activités des organismes de la recherche polaire chinoise. Leurs cartes, mesures, données et rapports ont également largement échappé à l'attention internationale. Il conviendrait d'étudier ces résultats dans le cadre des obligations du Traité sur l'Antarctique, que la RPC a signé en 1983, mais je voudrais aller au delà de cet axe de recherche. A partir de l'examen critique fait par Klaus Dodd du travail accompli par le British Antarctic Survey, je propose une analyse de la production cartographique de la Chine qui permet une première évaluation des attentes de plusieurs publics cibles: les chercheurs chinois, le gouvernement national chinois, le public chinois, et la communauté scientifique internationale. Je tente en outre d'expliquer comment ces cartes s’interprètent à différents niveaux de lecture, et pour cela me base sur les concepts post-confucéens de race et de culture développés par B. R. Myers. Mon analyse du corpus iconographique chinois débouche une mise en forme théorique de l'interaction de la cartographie, du nationalisme et de la science avec le paysage antarctique. Les objectifs immédiats et au long terme de la communication Tout d’abord, il s’agit de décrire et d’analyser la documentation iconographique et les documents de propagande sur les bases polaires chinoises. Puis: - de réfléchir collectivement sur les notions chinoises de la nature et sur l’application de ces notions en dehors de la Chine, en milieu international, et dans un environnement a priori dépourvu d’un paysage culturel, - de mieux comprendre l’emprise géopolitique et paysagère de la Chine sur le monde moderne, avant de commencer à évaluer l’impact sur la planète des valeurs et des pratiques chinoises sur l’environnement. Comment et surtout pourquoi? Nous allons: - examiner la production par la Chine de représentations du paysage polaire depuis 1978 qui marque le début de l’ère Deng Xiaoping 確里沈 (1904-1997), - travailler sur des échelles et des registres différentes pour analyser du point de vue chinois la contribution chinoise à une histoire polaire de l’environnement, - tester les limites de la combinaison de deux méthodes d’approche: l’analyse de la géographie explicite définie par la propagande chinoise (cartes, photographies, films, articles de presse), et l’analyse de la géographie implicite des sites des bases scientifiques chinoises (métaphores, symboles, allusions, et codes esthétiques qui donnent un sens au lieu). Nous prendrons en exemple la base Grande Muraille 宇永嚮. Nous serions ainsi mieux à même: - de comprendre comment la Chine se définit et définit sa place dans l’Antarctique par l’intermédiaire de pratiques paysagères, - d’expliquer comment l’environnement d’aujourd’hui résulte aussi de la collision de la Chine avec un monde qu’elle cherche à remodeler à son image. Des concepts opératoires « L’emprunt paysager » jie jing 視竺, c’est à dire l’appel à des techniques de l’art du jardin traditionnel dans la composition des points de vue et des perspectives. Cet emprunt intègre l’arrière-plan du paysage aux cadres des scènes de premier plan et permet de jouer avec la distance. « Les cinq éléments » wu xing 匁林, c’est à dire un grille de lecture cosmologique de la topographie du paysage. L’observateur en déduit ainsi les qualités fastes ou néfastes d’un site. La géomancie ou fengshui 糾姫 suggère les mesures à prendre pour améliorer les rapports entre forces naturelles et habitat. « La mobilité du paysage », c’est à dire l’appropriation par la Chine d’un paysage exotique, le transfert d’un paysage domestique, et la création en dehors des frontières chinoises d’un spectacle qui célèbre l’édification d’un Etat, ainsi que le prestige, la continuité, l’unicité et la supériorité de la civilisation chinoise. « L’expansion paysagère de la Chine », c’est à dire: - le traitement et la mise en spectacle des paysages étrangers conçus comme étant une ressource dont il faut s’assurer le monopole, - la transformation de ces paysages en objets de consommation dont la valeur est assignée par le gouvernement chinois, - les expressions culturelles de l’élite chinoise pour rendre compte de son expérience de la nature outre-mer. Partie I Le contexte du programme polaire chinois L’émergence de la Chine en Antarctique - Antécédents historiques, juridiques et culturels - La coopération internationale dans les zones polaires - Les préoccupations domestiques de la Chine populaire - La science chinoise à l’épreuve de la géographie de l’Antarctique Le Système du Traité Antarctique (STA) Depuis un demi-siècle, l’Antarctique est régi par un traité qui résulte de la guerre froide. Exclue à l’origine de ce système juridique, la Chine populaire ne le rejoint qu’en 1983. Cinquième continent au monde par sa taille, l’Antarctique est riche en ressources naturelles qui sont protégées (ou « sanctuarisées ») par les accords actuels. La Chine entend cependant devenir rapidement l’élément directeur de la recherche en Antarctique pour, dans une seconde étape, en exploiter les ressources en dehors des contraintes diplomatiques internationales de ce « club de riches » qu’est le STA. Exemples de contraintes du Traité L’Article VII du Traité Antarctique confère aux signataires le droit d’inspecter les bases scientifiques des autres Etats-membres à tout moment et avec une complète liberté de mouvement. Les Etatsmembres ont élaboré des listes d’inspection très complètes. Cette procédure a pris de l’importance ces vingt dernières années depuis la ratification du Protocole sur l’environnement du Traité. Celui-ci met l’accent sur la responsabilité des nations et le rôle des bases dans la protection et la surveillance de l’environnement. En janvier 2010 par exemple l’Australie inspecte cinq sites en Antarctique oriental, dont la base chinoise de Zhongshan, en application des droits et des responsabilités que le Traité lui confère. La Chine remplit imparfaitement les obligations du Traité. En 25 ans, elle n’a rendu public que six des rapports annuels qu’elle doit fournir. Les informations que donne Pékin restent sommaires et minimisent la collaboration des scientifiques chinois et de leurs collègues étrangers. La cartographie de l’Antarctique chinois (1) Les buts politiques étant définis par Pékin et un programme scientifique monté, on identifie un site dans l’Antarctique pour mettre ce dernier en œuvre. Peu importe la qualité, l’originalité et le nombre des contributions scientifiques qui résultent du programme du moment que celui-ci est suivi. Peu importe aussi que la recherche chinoise ne fasse que copier les travaux des autres pays. Ou que le territoire étudié ait été déjà examiné par de nombreuses bases étrangères. A droite les cartographes chinois agissent comme s’ils ne disposent pas de cartes chiliennes de la péninsule Fildes 吃棄嚇票Δ浬. La cartographie de l’Antarctique chinois (2) Le but est de remplir ensuite le vide que les cartographes. Les toponymes chinois donnent un sens culturel au lieu tout en humanisant le paysage: « Nous avons réglé le problème de nomenclature des toponymes de l’Antarctique d’après les méthodes habituelles, et préparons une banque de données SIG chinoise de l’Antarctique. » (Summary of China's Antarctic Scientific Research. Report to SCAR, août 1994. Other Activities, Point 7). Le rapport ne discute pas la nature du problème ainsi résolu. Partie II Description: Les bases scientifiques du programme polaire chinois Le calendrier en quelques dates de la montée en puissance de la Chine - Création de l’Agence maritime nationale chinoise (AMNC) en 1966. - Base Grande Muraille / Chang Cheng (Ile du Roi George). Base permanente de l’Administration de l’Arctique et de l’Antarctique chinois (AAAC). Ouverte en 1985. - La Chine devient membre du Comité scientifique sur l’Antarctique en 1986. - Base Sun Yat-sen / Zhongshan (Collines Larsemann, littoral antarctique). Base permanente de l’Administration de l’Arctique et de l’Antarctique chinois. Ouverte en 1989. - Dragon des neiges / Xue long du Centre de recherche polaire de Chine de Shanghai (AAAC et AMNC). Vaisseau brise-glace et bâtiment de recherche avec sept laboratoires pour 250 chercheurs. Autonomie de 12.000 miles. Construit en 1993. - Première tentative d’atteindre le Dôme A en 1996. - Base Fleuve Jaune / Huang he (Ny Ålesund, archipel Svalbard, Norvège). Base permanente du Centre de recherche polaire de Chine. Ouverte en 2003. - Le Comité scientifique sur la recherche en Antarctique élit un vice-directeur chinois en 2005. - Base Kunlun (Dôme A, calotte antarctique). Base d’été de l’Administration de l’Arctique et de l’Antarctique chinois. Ouverte en 2009. Le réseau scientifique chinois aujourd’hui H X Ch K ======= Zh En face de la Terre de Feu et au milieu des territoires antarctiques chilien et argentin, la Chine La base Grande Muraille ou Chang cheng (Ch) est la plus ancienne base de la Chine en antarctique. Elle abrite jusqu’à 80 chercheurs. Elle est maintenant relativement délaissée au profit de la base Zhongshan (Zh) qui est située sur le continent à une latitude plus élevée. Certains toponymes de la base Chang cheng ont été repris pour désigner les alentours de la base Zhongshan dans les Montagnes Grove. En face des îles Kerguelen et au milieu du territoire antarctique australien, la Chine Les activités scientifiques des bases Chang cheng (Ch), Zhongshan (Zh) et Kunlun (K) se font dans un cadre international. C’est par exemple l’Australie qui rédige le rapport préliminaire sur l’impact de Kunlun sur l’environnement, à la demande du Comité de la protection de l’environnement du Traité antarctique. Des déclarations suivies d’effets « Les découvertes géographiques que font tous les pays sur l’Antarctique révèlent des ressources mystérieuses et abondantes qui sont d’une grande importance scientifique, politique et économique. » (Wei Wenliang, interview de janvier 2009) De nouvelles constructions agrandissent progressivement les bases Zhongshan et Kunlun. Les grandes compagnies chinoises sont conviées à participer à la réalisation des projets de l’Académie chinoise des sciences. Le nouveau bâtiment de physique de l’atmosphère (à gauche), de la base Zhongshan (à droite) (photos de 2010). En direction du pole sud « Cette photographie montre la base antarctique Zhongshan de la Chine. La 25ième expédition chinoise a quitté la base jeudi pour la calotte glaciaire la plus élevée du pole sud. Elle y établira la première base de recherche continentale qu’a le pays en Antarctique. La future station Kunlun (K) est la troisième base du pays dans l’Antarctique, après celles de Changcheng (Ch, Grande Muraille) et de Zhongshan (Zh, Sun Yat-sen). Elle se trouvera sur le Dôme Argus (Dôme A), le glacier le plus élevé du pole, à 4.093 m. d’altitude. » Source: Agence Xinhua, 18 décembre 2008. (Xinhua 療広褒蝋矧 est le nom de l’agence de presse officielle du gouvernement de la RPC.) En direction du pole nord La base Fleuve Jaune ou Huang he (H)n’a pour le moment qu’un rôle minime dans l’Arctique. La présence de cette base est liée aux stipulations du traité de Svalbard qui ouvre l’archipel aux implantations des autres pays. D’après l’agence Xinhua, les bases Huang he et Zhongshan collaborent dans l’étude des aurores boréales et de la haute atmosphère. A l’origine du monde chinois et de la base chinoise en Norvège « Le Fleuve Jaune est la mère de la nation chinoise. » Source: travelchinaguide.com Un lien direct existe entre la base Fleuve Jaune et le cœur de historique de la Chine. Prenant sa source dans les monts Kunlun 嘗拙農煎, au nord du plateau tibétain, le Fleuve Jaune 滏菰 est en effet considéré comme le berceau de la civilisation chinoise. De nombreuses capitales impériales se trouvent dans la vallée du fleuve. Un détour par l’histoire chinoise Le nom de la base Zhongshan rend hommage au « père du pays », le Dr. Sun Zhongshan 焄奩農 (焄儉楊 ou Sun Yat-sen en cantonais) qui devient le premier président de la République de Chine en 1912. C’est le fondateur du parti nationaliste. De nouveau président, il meurt en 1925 trois mois avant la ratification du traité de Svalbard par la Chine. Le nom de la base Kunlun renvoie à la longue chaîne des montagnes Kunlun. Il rend hommage au fondateur légendaire de la civilisation chinoise Huangdi 紘笠 ou l’Empereur Jaune. Ce dernier établit sa résidence au centre du monde, qui n’est autre que le sommet du Kunlun. Par ailleurs, pour que ses troupes avancent dans le brouillard, Huangdi fait fabriquer une statue gyroscope dont le bras indique toujours le sud. Les héros de la conquête de l’Antarctique chinois que célèbre la presse de Pékin Ci-dessus, Wei Wenliang, le directeur politique de l’Administration de l’Arctique et de l’Antarctique chinois. Il s’agit d’une photo-montage probablement d’origine australienne. A droite, Li Yuansheng, le chef de l’équipe de l’expédition au Dôme A (« XVe Chinare ») qui a assemblé la base Kunlun. La construction de Kunlun La base est construite en fonction de plans pluriannuels. Les deux premières étapes ont permis d’assembler par -50˙ les 17 containers des espaces de travail et de vie. Ceux-ci sont reliés à une aile technique où sont logés les groupes électrogènes, un appareil de traitement de l’eau, les ateliers de réparations, et les espaces de rangement. La plateforme de la structure comprend des terrasses extérieures pour les instruments d’observation. Le programme scientifique de Kunlun Il comprend la recherche astronomique et météorologique, mais aussi la recherche sur l’histoire du climat. Les forages prévus dans les trois kilomètres de glace sous la base permettront de reconstruire l’évolution du climat au cours des 1.500.000 années. Pékin souhaiterait démontrer que le réchauffement climatique actuel est un phénomène naturel qui n’a rien à voir avec la pollution aérienne créée par l’industrie chinoise. Des négociations internationales sur le climat seraient donc inutiles. Si la Chine y participe, c’est pour mieux les bloquer. Les symboles de Kunlun Le rouge et le jaune du bâtiment représentent bien sûr les couleurs du drapeau national — le rouge traditionnel de la race Han allié au jaune de la Chine impériale. A l’entrée de la base se dressent deux chaudrons tripodes. Pesant chacun deux tonnes, ces bronze sont censés être de facture « traditionnelle et commémorative ». La légende veut que neuf chaudrons similaires (屡刊: Jĭu Dĭng) furent coulés par le Yu le Grand 廻匳 lorsqu’il fonda la dynastie Xia 庸渦 (de -2205 à -1705). L’empereur mythique utilisa le métal offerts en tribut par les gouverneurs des neuf provinces de la Chine antique. Depuis 2006, le Musée national de la Chine montre les neuf chaudrons Xia à la plus grande joie des visiteurs. Partie III Analyse: Le paysage chinois des zones polaires Le paysage chinois des zones polaires - Méthodes, principes et concepts - Cas d’étude: la base Grande Muraille - Interprétation et généralisation Première étape On élimine les revendication des pays qui vous ont précédé sur le territoire en question, et l’on représente une aire qui donne l’impression d’être vide et illimitée. « Dans le monde actuel, l’Antarctique est le seul continent où il n’y ait aucune frontière. » (Chen Hongsheng, Beijing Informa, février 1985, cité par “Amistad en la exploración antárctica,” Boletín Antártica Chileno, 6-1, page 87) Cette déclaration ignore volontairement la position officielle de l’Australie ou du Chili. Les cartes montrent en effet un secteur chilien aux frontières internationales précises: du 53˙ ouest au 90˙ ouest, et du 60˙ sud jusqu’au pole. Seconde étape - On remplit l’espace de structures et de noms de lieu en fonction d’une conception pré-établie du site idéal, tout en tenant compte de la perception des contraintes physiques locales, - On cartographie et l’on documente l’espace rempli, - On confie aux médias pour diffusion la représentation du nouveau paysage bâti et cartographié. Principes et concepts: projection géographique et changement d’échelle La base doit être le microcosme de Pékin. Elle est dotée d’un paysage idéologique qui évoque directement celui de la capitale de la Chine populaire. Le Bâtiment B1 aux couleurs jaune et rouge est le modèle réduit de la Cité interdite. Il fait face à une place d’armes dont le mat et les sculptures commémoratives symbolisent les éléments caractéristiques de la place Tian’an men. Principes et concepts: rétro-projection historique et confusion dans le temps La base est aussi le microcosme de Hangzhou 舷姚, la capitale de la fabuleuse dynastie Song 頻渦 au XIIIe Siècle. Pour Marco Polo, Hangzhou est « la plus noble des villes et la meilleure au monde » parce que l’on y trouve « tant de plaisirs que l’on s’imagine être au paradis. » Tous les voyageurs accordent à Hangzhou un site exceptionnel: le Lac de l’ouest ou Xi hu 鑓坑 qu’encadrent des collines dont l’élégante beauté coupe le souffle. Le lac vient d’être inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Lecture occidentale du paysage résultant En 1987, le chef de la treizième expédition chilienne, Patricio Eberhard Burgos, décrit la base Grande Muraille en ces termes: « Sur le bord de la plage au sud de la péninsule Ardley, à environ 300 m. du rivage, on voit plusieurs bâtiments modestes (de poca consideración), et une zone à part avec des équipements météorologiques. Autour de la base, huit antennes de 30 m. de haut. Au sud de la zone bâtie, un autre espace pour dresser de plus petites antennes vertes et jaunes. » Sources cartographiques Zhongguo Nanji Changcheng zhan ditu. The Map of the Great Wall Station of China. Zhonghua Renmin Gongheguo, guojia Nanji kaocha weiyuanhui, ed. Beijing, Zhongguo ditu chubanshe, 1986. 1:1.000 (échelle approximative). Isla Rey Jorge-Península Fildes, Islas Shetland del Sur, XI Region de Magallanes y de la Antartica chilena, Republica de Chile, Carta topográfica No. 2 Basa Presidente Eduardo Frei Montalva. Instituto Geográfico Militar de Chile, 1996. 1:10.000 scale. Généralisation L’histoire méconnue de la toute récente expansion outre-mer de la Chine s’associe étroitement aux revendications chinoises d’un meilleur siège au « banquet des nations ». L’introduction en Antarctique du paysage chinois passe par la production et la consommation d’images paysagères qui, après censure du gouvernement, font partie de l’éducation patriotique de la population. La Chine est consciente des avantages qu’il y a à exporter ses valeurs paysagères dans des espaces géographiquement vierges ainsi que dans un environnement scientifique qui se veut international et consensuel. La mobilité outre-mer du paysage chinois ne dépend nullement de l’approbation de spectateurs étrangers ou de la compréhension de la dynamique culturelle qui lie nature et société en Chine. Conclusion Conclusion Les meilleurs outils de la télédétection et de la cartographie sont mis au service des ambitions de la seconde puissance au monde, de l’idéologie d’un Etat communiste, et d’une perception prémoderne de la nature chinoise. Les zones polaires se retrouvent ainsi métaphoriquement annexées par une conception très nationaliste de l’histoire chinoise. La lecture du paysage ainsi représenté et mis en spectacle met en évidence l’empreinte de la Chine populaire sur un environnement aussi éloigné physiquement de Pékin que possible. Pour découvrir l’Antarctique chinoise, la lecture de cartes doit combiner les métaphores de la géomancie, de l’histoire et de la modernité. Connotations, renvois, silences et contradictions jouent un rôle crucial dans la cohérence du nouveau paysage culturel des régions polaires. La production d’un paysage austral aux caractéristiques chinoises Sous la direction de Deng Xiaoping et de ses successeurs, le Parti développe depuis 1978 une politique de matérialisation des valeurs spatiales de l’élite chinoise dans le paysage antarctique. antarctique Ceci implique entre autre: - La mise en œuvre loin de la Chine de la campagne de réforme des « quatre modernisations » 蒜隅踊拐慌, - La construction d’infrastructures scientifiques et la prospection des ressources naturelles sur le rythme des plans nationaux, - La participation aux efforts des organisations internationales dans la mesure où ceux-ci servent les objectifs nationaux, - Le recyclage des éléments du patrimoine chinois comme Hangzhou, la Grande Muraille, Kunlun, l’Empereur Jaune ou le président Sun Yat-sen. Photographie aérienne de la base Grande Muraille et du Lac de l’Ouest Quelques références Anne-Marie Brady, « China’s Rise in Antarctica? », Asian Survey 50-4 (juillet-août 2010), pp. 759-785. Chen, Chunming, « Antarctic Surveying and Mapping Works of China and Recent Progress », Antarctic Geodesic Symposium, 1999. Klaus Dodds, Pink Ice: Britain and the South Atlantic Empire, IB Tauris, 2002. Philippe Forêt, « Mapping ”Ancient” Chinese Antarctica », BMFEA 73 (2001), pp. 192-213. Brian Reynolds Myers, The Cleanest Race: How North Koreans See Themselves and Why It Matters, Melville House, 2010. Wei-chin Lee, « China and Antarctica: So Far and Yet so Near », Asian Survey 30-6 (juin 1990), pp. 576-586. Wang Zuoye. « Science and State in Modern China », Isis 98-3 (sept. 2007), pp. 558-570. Yang, Jianxiang, « China Takes Bold Steps into Antarctic's Forbidding Interior », Science, New Series 306-5697 (29 oct. 2004), pp. 803-804. Liens utiles Administration de l’Arctique et de l’Antarctique chinois: www.chinare.gov.cn . China Science and Technology Newsletter, Ministère de la science et de la technologie, République populaire de Chine: http://www.most.gov.cn . Comité scientifique sur la recherche en Antarctique: www.scar.org . Conseil de direction des programmes nationaux en Antarctique: www.comnap.aq . Gateway Antarctica: http://www.anta.canterbury.ac.nz/ . Polarpol discussion list: http://lists.canterbury.ac.nz/mailman/listinfo/polarpol . Secrétariat du système du Traité antarctique (ATS): www.ats.org.ar . Merci de votre attention