Terrain
Numéro 55 (2010)
Transmettre
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David Berliner
Anthropologie et transmission*
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Référence électronique
David Berliner, « Anthropologie et transmission* », Terrain [En ligne], 55 | 2010, mis en ligne le 15 septembre
2010. URL : http://terrain.revues.org/index14035.html
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© Terrain
Terrain 55 | septembre 2010, pp. 4-19
Anthropologie
*
et transmission
DAVID BERLINER
Université libre de Bruxelles,
Laboratoire d’anthropologie des mondes contemporains
david.berliner@ulb.ac.be
S’il est une question aujourd’hui centrale dans les
propos des acteurs auxquels nous nous frottons
à travers nos expériences d’anthropologues, c’est
bien celle de la transmission. Transmettre, que
l’on entendra comme le processus consistant à
« faire passer quelque chose à quelqu’un » (Treps
2000 : 362) et qui contribue à la persistance,
souvent transformées, de représentations, de
pratiques, d’émotions et d’institutions dans le
présent (Olick & Robbins 1998), est en effet au
cœur des préoccupations de nos interlocuteurs,
principalement sous la forme de discours sur
la « crise de la transmission ». Combien de fois
n’ai-je pas été confronté sur mon terrain guinéen
(Berliner 2005a) ou, plus récemment, à l’Unesco,
à l’omniprésence de propos nostalgiques sur
la perte, l’oubli, la nécessité ou l’impossibilité
de transmettre ? De fait, partout à travers le
globe se lisent aujourd’hui sur les lèvres de nos
informateurs des discours « de crise1 » sur la disparition des sociétés (la leur ou celle des autres),
des formes de vie, des valeurs, des identités, des
racines, des langues et j’en passe. À entendre
nombre d’entre eux, transmettre est devenu
une valeur aussi bien individuelle que politique,
dont l’intention peut être l’afirmation de soi
* Je tiens à remercier chaleureusement Joël Noret,
Benjamin Rubbers, Laurent Legrain, Arnaud
Halloy et Anne-Laure Cromphout pour leurs
commentaires enthousiastes sur les ébauches
préliminaires de ce texte.
4
dans un contexte perçu comme mondialisé et
déracinant.
Loin d’être d’insigniiantes plaintes, ces
lamentos sur l’effacement du « soufle de l’air
dans lequel vivaient les hommes d’hier » (pour
reprendre la belle formule de Walter Benjamin)
et sur l’absence d’un rendez-vous intergénérationnel tant attendu nous invitent à réléchir
sur la manière dont transmission, crise de la
transmission, persistance et perte sont pensées
et vécues par nos multiples interlocuteurs dans le
tissu, aujourd’hui globalement interconnecté, de
leurs représentations et de leurs préoccupations
locales. Bien qu’un espace considérable reste à
défricher en ce domaine, certaines ethnographies ont commencé à nous faire méditer sur ce
besoin revendiqué et souvent politisé de racines
et de transmission, forme nostalgique qui est
maintenant en pleine expansion planétaire (Ivy
1995 ; Harris 1995 ; Metcalf 2002).
Dans ce recueil d’articles, il sera non seulement question des discours rélexifs des acteurs
et des collectifs sur les processus de passation,
mais aussi des modèles théoriques que nous,
anthropologues, sommes capables d’articuler
sur le transmettre. Les six textes réunis dans
1. « Cette crise générale qui s’est abattue sur
tout le monde moderne et qui atteint presque
toutes les branches de l’activité humaine »,
disait Hannah Arendt (1972 : 223).
Music Lesson #1, Colin Bootman, 2000.
(coll. personnelle, cliché Bridgeman Giraudon)
5
TransmeTTre
ce volume cherchent à décrire et à expliquer la
transmission et l’apprentissage de pratiques, de
représentations, d’émotions, en mettant en relief
les processus subtils qui y président dans divers
contextes de vie. Un autre déi consiste en effet,
pour le chercheur féru de transmission, à en
comprendre les mécanismes. Pour cette matière,
j’y reviendrai, on trouve une littérature riche,
au croisement de plusieurs disciplines (anthropologie, sociologie, psychologie…), mais trop
diffuse. Alors qu’existent des champs disciplinaires qui prennent le rite, la culture matérielle,
la mémoire, le sexe ou le transnationalisme pour
des objets respectables, la transmission et son
modus operandi sont rarement un point de départ,
un sujet d’étude « en lui-même et pour lui-même ».
Dans les pages à venir, je vais retracer l’histoire
d’amour discrète que ile l’anthropologie avec le
problème de la transmission et montrer que les
études sur le transmettre, loin de se référer à un
programme de recherche spéciique, constituent
surtout « une manière d’interroger le réel2 ».
Une question vieille
comme l’anthropologie
Comprise au sens très large de ces processus qui,
connectant les individus, contribuent à la perpétuation du culturel, la transmission est avant
tout un problème vieux comme l’anthropologie
que l’on retrouve dans les textes les plus datés
de notre discipline. Qu’il sufise de penser aux
survivances (survivals) d’Edward Burnett Tylor
qui, entouré il est vrai d’une épaisse fumée
évolutionniste, cherchait à penser la persistance
du passé dans le présent, le dificile travail de
l’ethnographie consistant, à l’en croire, à exposer
« les vestiges d’une vieille culture simpliste qui
se sont graduellement transmis en de néfastes
superstitions » (Tylor 1994: 410). Survivances
dont il fallait certes se débarrasser en vue de
l’avènement triomphal de la Raison, mais qui
témoignaient surtout de l’évidence même de
la « permanence de la culture » (ibid : 63). À cet
égard, il faut rappeler que l’ambition de Tylor
était de décrire la doctrine de l’animisme et de
2. Suivant la formule de Muriel Darmon (2007 : 6).
6
montrer « sa transmission dans l’évolution de
la pensée religieuse » (ibid : 326).
Quelques décennies plus tard, l’idée de
« passation », ce passé qui « passe » dans le
présent, se retrouve avec force dans la plupart
des déinitions classiques de la culture (tout particulièrement par l’école américaine), lesquelles
sont quasiment toujours associées à la question
de sa transmission et de son apprentissage.
Dans The Cultural Background of Personality paru
en 1945, Ralph Linton caractérise la culture
comme « la coniguration des comportements
appris et de leurs résultats, dont les éléments
composants sont partagés et transmis par les
membres d’une société donnée » (Linton 1945b :
32). Une perspective partagée par Alfred Louis
Kroeber et Clyde Kluckhohn, qui donnera lieu
à la célébrissime déinition d’après laquelle
« la culture consiste en formes et modèles de
comportement, explicites et implicites, acquis
et transmis par des symboles » (Kroeber &
Kluckhohn 1952 : 357). Dans les années 1950,
côté anglais et dans un style très différent, Alfred
Reginald Radcliffe-Brown (1952 : 5) suggère
que « c’est par l’existence de la culture et de
traditions culturelles que la vie sociale humaine
diffère fondamentalement de la vie sociale des
autres espèces animales », notamment par « la
transmission de manières acquises de penser, de
sentir et d’agir qui constitue le processus culturel,
trait spéciique de la vie sociale de l’homme ».
S’ensuivra, pour revenir à la lignée culturaliste
américaine, la formulation geertzienne bien
connue de la culture : « modèle de signiications
incarnées dans des symboles qui sont transmis
à travers l’histoire, un système de conceptions
héritées qui s’expriment symboliquement, et au
moyen desquelles les hommes communiquent,
perpétuent et développent leur connaissance
de la vie et leurs attitudes devant elle » (Geertz
1973 : 89). Et l’on pourrait multiplier les exemples
parmi les textes fondateurs, qui tous mettent
l’accent sur le fait que la culture se transmet
(non pas par des mécanismes biologiques, mais
bien par l’apprentissage et l’éducation), et que
la transmission contribue nécessairement à la
perpétuation du culturel.
Transmettre, c’est aussi l’exercice d’un pouvoir, comme en témoigne l’instruction coloniale. On retrouve ici l’idée de Walter
Benjamin d’après lequel « il n’est pas de témoignage de culture qui ne soit en même temps un témoignage de barbarie.
Cette barbarie inhérente aux biens culturels affecte également le processus par lequel ils ont été transmis de main en main »
(Benjamin 2000 : 433). École française en Algérie, moulins, 1860. (Cliché Archives Charmet / Bridgeman Giraudon)
Au regard de ce constat, le concept de « culture »
n’est pas isolé. Il en va de même pour la notion de
« tradition », une autre idée clé qui a occupé une
place de choix dans la panoplie conceptuelle de
générations d’anthropologues. Oui, la tradition
aussi se transmet. Dans son indépassable article
« Techniques du corps » , Marcel Mauss (1971 :
115) souligne le lien naturel entre tradition et
transmission (« Une fois créée, la tradition est
ce qui se transmet ») et afirme : « Il n’y a pas de
technique et pas de transmission, s’il n’y a pas
de tradition. C’est en quoi l’homme se distingue
avant tout des animaux : par la transmission
de ses techniques et très probablement par leur
transmission orale » (Mauss 1950 : 134), une idée
aujourd’hui contestée par les éthologues et les
primatologues. Plus récemment, Jean Pouillon
(1991 : 701) déinit une tradition comme « ce
qui d’un passé persiste dans le présent où elle
est transmise et demeure agissante et acceptée
par ceux qui la reçoivent et qui, à leur tour, au
il des générations, la transmettent ». D’aucuns
se risquent même à parler de « mémoire de la
tradition » (Becquelin & Molinié 1993), une
formule résolument redondante. Et quand bien
même certaines traditions peuvent être recréées et
ictives, elles n’impliquent pas moins la transmission d’éléments du passé dans le présent. Comme
le signale Eric J. Hobsbawm (1983 : 1), les traditions inventées « impliquent automatiquement
une continuité avec le passé. En fait, là où c’est
possible, elles tentent normalement d’établir une
continuité avec un passé historique approprié ».
Transmission quand tu nous tiens…
Enin, dans l’histoire de notre discipline, il est
un lignage en particulier qui s’est emparé très
sérieusement de la transmission culturelle. Je pense
à Melville Herskovits (1956), l’anthropologue
7
TransmeTTre
américain établi à Northwestern,
élève de Franz Boas qui avait développé, depuis le début des années
1930, un intérêt prononcé pour la
transmission culturelle telle qu’elle
se manifestait à travers les processus
d’« acculturation ». Bien qu’Herskovits se soit d’abord présenté comme
un penseur du dynamisme et du
contact des cultures, insistant sur
la nécessité de penser dans le même
mouvement stabilité et changement
culturels, on remarquera sa volonté
de montrer l’existence de continuités,
de « rétentions » entre l’Afrique et
les Amériques noires. Pour cela,
Stefania Capone (2005 : 27) nous
rappelle avec justesse que son Myth
of the Negro « était consacré à la
manière dont les Afro-américains
avaient préservé leur culture malgré
l’oppression et la discrimination
des Blancs », à ces africanismes
qui, bien qu’intégrés et adaptés
à leur nouveau milieu, avaient
été conservés outre-Atlantique.
Ce faisant, Herskovits augurera
du développement d’un champ de
recherche entier sur les survivances
africaines dans les Amériques, cette
mémoire des esclaves africains, héritage culturel transatlantique inscrit
dans le présent de leurs descendants
afro-américains brésiliens, cubains.
En prônant une posture épistémologique résolument historiciste, il
nous invite surtout à « prendre le
passé en compte dans l’étude de la
culture » (Linton 1945a : 145), ce
passé qui continue d’agir sur le présent des groupes et des individus.
Dans la même veine, Roger
Bastide, lecteur assidu de Maurice
Halbwachs et de Claude Lévi-Strauss,
témoignera de son intérêt pour ces
« centres de continuité et de conservation sociale » (Bastide 1970 : 87),
notamment « ces initiés qui, d’Afrique en Amérique, ont porté sous cette
forme de montages physiques, dans
l’intimité de leurs muscles, les dieux
et les ancêtres ethniques – de telle
8
façon qu’il sufisait, sur la nouvelle
terre, d’entendre à nouveau les leitmotivs musicaux des divinités que
l’on avait incarnées en leur chair,
pour que l’Afrique se réveille et
s’exprime à nouveau » (ibid. : 88).
Pour ces deux auteurs, « transmission », qui se rapporte aussi
à la circulation ou à la diffusion
géographique de traits culturels
par-delà l’Océan, rime toujours avec
permanence du passé dans le présent.
Car si la culture ou les traditions se
transmettent jusqu’à ce jour, cela
signiie également qu’elles résistent
à des changements sociétaux et à des
ruptures historiques, parfois traumatiques. Cette idée, on le verra, va
faire son chemin chez les anthropologues. Mais surtout, en essayant de
comprendre comment et pourquoi
certaines pratiques, certains rites
ou certaines idées ont été transmis
à travers les siècles (et d’autres pas),
Herskovits et Bastide ont tous deux
proposé des modèles pertinents
pour expliquer les phénomènes de
persistance culturelle.
Bref, à lire les textes fondateurs
de l’anthropologie, on ne manquera
pas d’être frappé par l’une des questions fondamentales qu’ils donnent
à penser : celle de la continuité, de
la perpétuation du culturel, de sa
transmission. Bien qu’elle n’ait pas
occupé une place centrale dans
les débats de notre discipline, la
question de la transmission est
néanmoins fondatrice du projet
anthropologique lui-même, « en
ce qu’elle représente l’instrument
par excellence de la continuité
sociale » (Choron-Baix 2000 : 357).
Penser l’état d’une coniguration
ou d’un ordre social ou culturel et,
corollairement, la persistance dans
le temps de cet ordre (ou de certaines
dimensions de cet ordre), du passé au
présent, « stabiliser le social », selon
la formule de Bruno Latour (2006), et
invoquer sa durabilité, sa solidité et,
dirais-je, sa transmissibilité (ou celle
de certains de ses traits) est en effet
inscrit au cœur même de notre
démarche. Avec raison, quelques-uns
voient dans l’anthropologie une
« science de la continuité » (Robbins
2007) qui prend pour objet ce qui
dure et se constitue en formations
stables, un point de vue déjà soutenu
en 1952 par Radcliffe-Brown pour
qui « l’un des problèmes théoriques
fondamentaux […] est celui de la
nature de la permanence sociale »
(Radcliffe-Brown 1952 : 10).
Qu’il sufise de penser à Pierre
Bourdieu (1972), à Fredrik Barth
(1987), à Marshall Salhins (1981),
à Jack Goody (1977) ou encore à
Philippe Descola (2005), dont les
théories respectives – l’habitus,
l’approche générative de la transmission culturelle, la mythopraxis, la
remémoration créatrice, les schèmes
de la pratique – igurent parmi les
plus emblématiques de l’anthropologie contemporaine. N’incarnent-ils
pas à l’envi cet impératif anthropologique qui commande de théoriser la persistance culturelle ?
Comment donc ne pas voir la
transmission comme l’impensé
de ces textes qui, tous, donnent à
réléchir sur la « présence du passé
dans le présent » ? Comme le résume
très justement Isac Chiva, « les
ethnologues sont préoccupés par
deux choses : comment les groupes
diffèrent entre eux et comment
ils assurent leur continuité avec
ces différences » (cité par Jeudy
1990 : 4).Je vais montrer maintenant
comment cette problématique
originelle continue de motiver nos
préoccupations anthropologiques
les plus actuelles.
Le culte de la persistance
Non contente de se révéler dans les
couches stratigraphiques les plus
anciennes de notre discipline, la
vieille question de la transmission est
anthropologie et transmission
Une kyrielle d’ouvrages et de recherches font aujourd’hui la place belle au thème de la persistance culturelle. Il s’agit de mettre en relief la capacité d’une
société ou d’une culture à se reproduire dans le temps, malgré des changements parfois radicaux. La Persistance de la mémoire, salvador Dali, 1931.
(Museum of Modern Art, cliché DACS / Bridgeman Giraudon)
aussi présente, sous-jacente dans la
plupart des débats anthropologiques
de notre temps. Plus encore, il semble
qu’aujourd’hui l’anthropologie soit en
proie à ce que j’appellerais un culte de
la persistance, un culte dont témoigne
avec force le premier sous-titre de
l’introduction du livre de Christian
Højbjerg, « Things Do Not Always Fall
Apart 3 » (Højbjerg 2007). En effet, la
persistance culturelle se retrouve
maintenant sous tous les noms, « les
resistance studies ou l’étude des modernités postcoloniales, de l’ethnicité,
du syncrétisme et de la résurgence
religieuse » (Højbjerg 2002 : 63) ainsi
que les études sur les mémoires qui,
mettant l’accent sur leur nature
3. « Tout ne part pas toujours en lambeaux »,
comme par exemple ces rites observés par
l’auteur en pays Loma (Guinée forestière) qui
ont subi des campagnes iconoclastes répétées,
lancées par le gouvernement des Indépendances
intrinsèquement « transmissible »,
gravitent autour du problème de la
transmission4 . Prenons, par exemple,
le texte Memories of the Slave Trade de
Rosalind Shaw (2002) relatif aux
mémoires contemporaines de l’esclavage chez les populations temne de
Sierra Leone. Pour résumer, l’auteure
cherche à montrer que la traite des
et qui, pourtant, se perpétuent jusqu’à ce jour.
Un phénomène de résilience religieuse que
Ramón Sarró et moi-même avons pu étudier
chez les Baga de la côte de Guinée (Berliner
2005a ; Sarró 2008).
4. La « mémoire » est devenue un concept
envahissant, parfois abusif, dans la sphère
des sciences sociales. Pour une critique de son
usage « fourre-tout », voir Berliner (2005b).
9
TransmeTTre
Dans Totem et Tabou, sigmund Freud demande : « Que vous reste-t-il de juif ? » Le thème de la transmission culturelle est récurrent
dans le monde juif, où les ruptures de l’histoire ont constitué autant de nécessités de fabriquer du transmettre et des racines.
Bar-Mitzwa Vortrag, moritz Oppenheim, 1882. (photo M. Goldman, cliché Musée d’art et d’histoire du judaïsme)
esclaves y a été oubliée en tant que réminiscence
explicite et verbalisée (de fait, qui peut se souvenir
de la traite atlantique ?), mais qu’elle a pourtant
été « mémorisée » implicitement par le truchement d’esprits, de paysages, de séances de divination, de la sorcellerie ou dans la vie politique
postcoloniale. Des traces du passé traumatique
de l’esclavagisme (des traces mnésiques) ont été
transmises, certes cachées et transformées jusqu’à
ce jour. L’auteure met en lumière le résultat de
cette transmission, qui est persistance culturelle
mais aussi persistance du trauma historique
dans la modernité. Dans les écrits de Shaw, mais
aussi dans ceux de Paul Stoller sur les séances de
possession Hauka (Stoller 1995) ou dans ceux de
Jennifer Cole (2001) relatifs aux rites sacriiciels de
10
Madagascar, « mémoire » est avant tout un synonyme de « mémoire de la société » : la capacité
d’une société ou d’une culture à se reproduire
dans le temps, d’une manière cohérente, sa
stabilité dans des mondes contemporains fragmentés, tout en préservant en son sein les traces
mnésiques des événements disruptifs du passé
(voir aussi Argenti & Schramm 2009). En d’autres
termes, parler ici de mémoire signiie que le passé
ne s’évapore pas : les anthropologues observent
la continuité de représentations – pratiques,
émotions et institutions – malgré des changements sociétaux parfois radicaux, qu’il s’agisse
de colonialismes, globalisations, créolisations,
migrations, urbanisations, industrialisations,
socialismes, etc.
anthropologie et transmission
Transmission dans des mondes en rupture,
continuité dans le changement, certes : on pensera évidemment ici à la notion de « structure of the
conjuncture » inventée par Marshall Sahlins (1981)
qui permet de penser comment les gens reproduisent leur culture tout en la transformant. Mais
aussi continuité dans l’oubli, le silence. Alors
que par-delà les vicissitudes de la modernité, des
souvenirs, des gestes, des paroles, des émotions
ou des institutions se transmettent – cela paraît
désormais incontestable – l’oubli, lui aussi, se
transmet comme le montre Janet Carsten (1995)
chez les Malais de l’île de Langkawi. Dans ce
cas, il est devenu une composante nécessaire à
la persistance de ces identités de migrants qui se
construisent non par l’intermédiaire de mémoires généalogiques élaborées, mais sur fond d’un
oubli indispensable des liens anciens pour créer
des relations de parenté entre nouveaux migrants.
De même, dans son texte superbe, Nicole
Lapierre explique comment les juifs de Plock
ont survécu à la Shoah entre parole impossible
et oubli intolérable : c’est précisément cet « entredeux douloureux, hanté » qui « seul se transmet »
(Lapierre 2001 : 31). Toujours est-il que ce sont
les questions de la permanence du culturel, de
sa ténacité, de sa transmissibilité qui constituent
les plaques tectoniques sur lesquelles s’articulent
de tels débats. Car les oublis, les ruptures, les
disjonctions, les traumas et les catastrophes sont
autant de prismes à travers lesquels les anthropologues contemporains, affamés de longue
durée (Harris 2004) et colmateurs de brèches
historiques, ne cessent de penser la persistance
des mondes sociaux et culturels dans les univers
contemporains tourmentés qu’ils analysent.
Et autant le dire clairement : mémoire, résurgence, résistance, réinvention, résilience, reproduction, patrimoine, persistance, syncrétisme,
habitus, mythopraxis, néo-traditionalisme…,
tous ces termes très en vogue aujourd’hui sont
liés et renvoient, sans surprise, à la question
de la transmission.
Enin, last but not least, ce culte de la persistance ne se donne pas uniquement à voir dans
un intérêt prononcé pour les mémoires, les
réinventions, les néo-traditionalismes… Avec
un style bien différent, les nouvelles approches
naturalistes qui investissent le champ des sciences cognitives (Bloch 1998, 2005 ; Boyer 1997,
Whitehouse 2004) ont, elles aussi, contribué à
revigorer les questionnements anthropologiques
sur les phénomènes de transmission culturelle.
Au croisement de l’anthropologie religieuse et
des dernières avancées dans le domaine de la
cognition, nombre de ces auteurs cherchent à
expliquer la façon dont l’architecture cognitive
humaine contribue à la génération, à la transmission et à la distribution des idées religieuses.
C’est dans ce nouveau champ disciplinaire,
hérité de la lointaine psychologie des religions,
que Pascal Boyer a montré pourquoi certaines
hypothèses religieuses seraient plus transmissibles que d’autres (Boyer 2001), tandis qu’Harvey
Whitehouse distingue deux types de transmission
religieuse, avec chacune ses propriétés cognitives
(Whitehouse 2004), et que Robert N. McCauley
et E. Thomas Lawson s’interrogent sur la réalité
de propriétés formelles du rite qui permettraient de mieux le transmettre (McCauley &
Lawson 2002). Alors, les héritiers de Dan
Sperber, penseur emblématique de la transmission culturelle par son approche épidémiologique
(Sperber 1996), seraient-ils eux aussi obnubilés
par la vieille question de la transmission ? Oui,
répond très justement Tanya Luhrmann, car
pour ces auteurs qui, la plupart, travaillent sur
les phénomènes religieux, « le problème de la
religion est celui de sa transmission » (Berliner
& Sarró 2007 : 98).
La transmission, entre grandes théories
et menus détails
Dans son acception la plus large, je l’ai dit, le
problème de la transmission est consubstantiel au
projet anthropologique et toujours déjà présent
dans les débats contemporains. Pourtant, si c’est
un truisme, pour nos ancêtres comme pour nos
contemporains, que la culture se transmet, on
sera étonné par le relatif désintérêt pour les
processus complexes et les modalités concrètes
du transmettre. Parlant de la passation des
savoirs, Carlo Severi (2007 : 330) remarque
avec justesse que « la forme du processus de
transmission des connaissances, d’habitude,
intéresse moins ». Dans l’introduction de La
Religion comme phénomène naturel, Boyer (1997 : 8)
s’étonne également : « Plus complexes encore,
et totalement incompris, sont les processus qui
étayent la transmission culturelle. » À cet égard,
on pourra assurément invoquer la marginalité
disciplinaire de l’anthropologie psychologique
11
TransmeTTre
et de l’anthropologie de l’éducation, toutes deux
d’inspiration américaine, mais aussi le manque
d’intérêt historique des anthropologues pour les
enfants que, de longue date, ils « n’aiment pas »
(Hirschfeld 2003). Peut-être ne se sentent-ils pas
très à l’aise sur ce terrain qu’ils pensent réservé
aux psychologues ? Mais encore, on pourrait se
demander si certaines traditions ethnologiques,
peu attentives aux évolutions historiques, ont
ignoré le transmettre parce qu’il était censé aller
de soi dans ces sociétés dites traditionnelles et
donc « hors du temps ».
Certes, Margaret Mead avait ouvert une
brèche avec son Growing Up in New Guinea (1930),
posant un regard nouveau sur les processus de
transmission par lesquels les enfants manus
deviennent des adultes socialisés. Dans un
article publié en 1956, Edward Bruner, l’un
des fondateurs de la « psychological anthropolog y »,
nous invitait à réléchir sur la culture « du
point de vue de la transmission culturelle, le
processus par lequel le contenu de la culture
est appris et communiqué aux membres de la
société » (Smelser & Smelser 1970 : 565). Qu’il
sufise aussi de penser aux textes cruciaux de
Jack Goody (1977) et de Ruth Finnegan (1977),
relatifs aux arts de la récitation (oral arts), qui
montrent combien les processus de transmission
ne fonctionnent jamais de façon identique,
mais impliquent toujours une invention et une
réappropriation de la part des orateurs.
Avec bien d’autres, tous ces auteurs ont planté
les graines d’une approche qui s’appellera, au
choix, « socialization », « education » ou encore
« learning studies » et se construira autour des
textes de Jean Lave (Lave & Wenger 1991), de
Solon Kimball (Kimball & Burnett 1972) et
d’Harry Wolcott (1982), principalement publiés
dans la revue plutôt marginale Anthropolog y and
Education Quarterly. Dans les années 1980, les
anthropologues redécouvrent l’existence sociale
des bambins (et l’apprentissage) et développent
un corpus considérable sur les cultures enfantines (Toren 2007). Côté francophone, depuis les
années 1970, on dispose aussi d’une littérature
ethnologique abondante sur la transmission
des savoirs naturalistes (Bromberger 1986),
des savoir-faire (Chevallier 1991), des savoirs
professionnels (Delbos & Jorion 2009), des
savoirs initiatiques ( Jamin 1977 ; Déléage 2009)
et de l’apprentissage musical (Cahiers… 1988).
Enin, chez les sociologues, il existe de nombreux
12
textes sur les phénomènes de socialisation, de
l’apprentissage des fumeurs de marihuana
(Becker 1953) aux théories de l’héritage familial
(Lahire 1998), en passant par le dressage du
corps des boxeurs (Wacquant 2002). Très riche,
cette littérature n’en demeure pas moins éparse
et forme une nébuleuse aux contours théoriques
souvent incertains. Pas de grand paradigme en
la matière, donc. Comme Lambros Comitas
et Janet Dolgin le soulignent avec justesse,
« la transmission culturelle, en tant qu’objet
d’étude anthropologique […], ne constitue pas,
à proprement parler, une école de recherche
théorique » (Comitas & Dolgin 1978 : 171).
Humaniser la transmission
Prenant appui sur ces fondations diffuses, les
contributions réunies ici entendent poursuivre l’effort d’intelligibilité du transmettre, en
complexiiant une vision parfois trop mécaniste et désincarnée. Tout d’abord, il s’agira de
prendre au sérieux les propos que les acteurs
et les collectifs tiennent sur les processus de
transmission. Bien que la portée analytique
du concept de transmission ait été maintes
fois critiquée (Lave & Wenger 1991 ; Lahire
1998 ; Ingold 2001), nous continuerons à l’utiliser
tant elle fait sens pour les acteurs eux-mêmes.
Dans tous les collectifs circulent et se stabilisent
des représentations relatives au transmettre : ce
qui doit être transmis, comment cela doit l’être et
avec quelle inalité. Cette dimension est souvent
ignorée par les théoriciens de la cognition qui,
en mettant l’accent sur la connaissance implicite
des acteurs (Boyer 1997), en viennent aussi
à minimiser les jeux d’inluences complexes
entre ce que ces derniers, de manière rélexive,
disent et pensent transmettre et ce qu’ils transmettent en réalité. L’article d’Arnaud Halloy
(voir pages 40-53) sur le culte Xangô à Recife
(au Brésil) nous invite à nous livrer à une herméneutique serrée des théories locales sur la
transmission religieuse, et à prendre en compte
le discours rélexif des acteurs sur les conditions
de la transmission (notamment son vocabulaire).
Halloy montre comment, au sein d’un même
ensemble rituel, des tensions peuvent surgir
entre modèles opposés du transmettre.
De tels problèmes d’ajustement entre différentes conceptions peuvent également se poser
anthropologie et transmission
On dispose d’une riche littérature ethnologique sur la transmission des savoirs naturalistes, des savoir-faire et des savoirs
professionnels, notamment viticoles, ainsi que sur l’apprentissage musical. Saint-Émilion, Gironde, rené Giton dit rené-Jacques,
vers 1935. (Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, cliché rmn) sans titre. (coll. personnelle)
dès lors qu’il est question de patrimonialisation.
Dans mon propre article (voir pages 90-105),
je décris à Luang Prabang (au Laos) une scène
complexe où se déploie une diversité de discours sur la transmission et sa possible crise.
Une situation qui révèle les conlits d’interprétation entre les discours et les pratiques
nostalgiques des experts de l’Unesco et ceux
des acteurs locaux, illustrant par là même la
relativité historique et culturelle de l’obligation
de transmettre. Jean-Louis Tornatore développe
cette idée en indiquant combien la question de la
transmission est omniprésente sur la scène patrimoniale, mobilisée par des collectifs, des États
et des instances globalisées (comme l’Unesco).
Elle porte dorénavant aussi bien sur des monuments et sur des lieux que sur le « vivant » (naturel
et culturel) que l’on cherche à protéger et à
transmettre aux générations futures.
Mais justement, comment approcher cette
réalité insaisissable qu’est la transmission ? Où
commence le transmettre ? Peut-on le décrire
en-train-de-se-produire ou n’en relatera-t-on
que les effets a posteriori ? Décrire les phénomènes
de transmission, c’est reconnaître que des
concepts, des pratiques et des émotions du passé
ne s’invitent pas d’eux-mêmes dans le présent,
dans l’esprit et dans le corps de nos interlocuteurs.
Et c’est se mettre en quête des longs processus
par lesquels ces objets circulent entre les générations et sont recyclés par les acteurs qui les
acquièrent. La métaphore unidirectionnelle de
la communication entre un « récepteur » et un
« receveur » trouve ici ses limites. Jean Lave nous
a appris à user du concept de transmission avec
prudence et à insister sur l’« agencéité » (agency)
de celui qui apprend, toujours interprète actif
de ce qui lui est transmis dans le cadre d’un
13
TransmeTTre
Désormais, transmettre est aussi l’affaire d’institutions, nationales et internationales, engagées dans la préservation de la transmission
elle-même. siège de l’Unesco, réunion du Collège des directeurs généraux adjoints, 2006. (photo M. Ravassard, cliché Unesco)
apprentissage « situé » (Lave & Wenger 1991).
Montrer le faire-passer, c’est en effet parvenir à
déployer une scène très complexe et à en traquer
les médiateurs (au sens de Bruno Latour) : les
acteurs, les institutions, les gestes, les interactions,
les lieux, les idéologies, les moments critiques, les
odeurs, les textes, les silences, les temps ordinaires,
les sons, les émotions, les objets et les technologies.
Dans la durée, l’anthropologue spécialiste de la
transmission cherche les médias, les contextes, les
types d’acteurs, les processus mentaux, les interactions et les matérialités par lesquels une telle
opération de passation est rendue possible. Il se
place du point de vue de l’effectuation même des
pratiques, dans le tissu concret des interactions
sociales et des faits de communication mais aussi
des processus cognitifs, et tente de déterminer
comment des manières d’agir, de sentir ou de
penser sont transmises et apprises.
14
Qui transmet quoi ? Dans quels réseaux
de transmission, formes d’organisation et
idéologies tel héritage s’est-il constitué ? En
résumé, comment on transmet et comment
on reçoit ? À partir de son ethnographie chez
les Darkhads de Mongolie, Laurent Legrain
entreprend de décrire une telle « chaîne de transmission » (voir pages 54-71). Pour expliquer la
naissance de l’amour du chant, il met en lumière
le dispositif socialisateur auquel participent
activement parents et enfants et par lequel
l’attention des enfants pour la musique devient,
petit à petit, sensibilité musicale, une sensibilité
qui porte certaines valeurs fondamentales de la
société mongole contemporaine.
Les enfants sont, de fait, des acteurs essentiels à prendre en compte dans l’analyse de
cette chaîne. Dans sa contribution de type
épidémiologique, Olivier Morin s’intéresse à
anthropologie et transmission
la stabilité de certaines traditions enfantines,
des populations pourtant très fréquemment
renouvelées, et se demande pourquoi les groupes
d’enfants sont tellement aptes à la transmission
culturelle, la plupart du temps sans l’aide directe
des adultes. Écartant les théories classiques
sur la mémoire et la idélité, Morin invoque la
notion de « prolifération » pour expliquer une
telle stabilité, soulignant combien certaines
traditions donnent l’envie de les reproduire et
sont ainsi faites pour proliférer.
Alors que le vif succès des théories de la
cognition dans notre discipline a contribué à
reformuler des questions fondamentales sur
la transmission (notamment en se demandant
pourquoi des concepts ou des actions sont formellement plus transmissibles que d’autres), il
ne faudrait pas non plus nous enfermer dans le
« tout-bio » et oblitérer les dimensions expérientielle, charnelle, sociale, interactive du transmettre.
La « transmission s’impose à nous […] par son
caractère processuel et médiatisé », écrit le
philosophe Régis Debray (1997 : 23). Et exposer
la chaîne de la transmission, c’est se donner
les moyens de retracer ce processus complexe
et ses médiations multiples. Une scène qui,
certes, fonctionne aussi de manière implicite,
« hors des prises de la conscience » des acteurs,
involontaire, « à l’abri même de l’explicitation »
(Bourdieu 1972 : 197). La transmission est
« protomémorielle ». À travers la langue, les
actions, les gestes, les émotions, elle « se fait
sans penser » et « agit les individus à leur insu »
(Candau 1998 : 115). Mais surtout, ce paysage est
mouvant, étant lui-même le résultat de processus
historiques compliqués.
Vlad Naumescu (voir page 72-89) nous
invite, dans son étude, à resituer la chaîne de
la transmission au sein même des mouvements
historiques qui lui confèrent son style. Prenant
pour exemple l’histoire traumatique des orthodoxes vieux-croyants de Roumanie, séparés de
l’Église orthodoxe russe au XVIIe siècle, l’auteur
nous rappelle l’impérative nécessité de localiser
le transmettre, ses discours et ses pratiques, dans
les ontologies temporelles qui lui sont propres
– ici un ensemble d’individus qui voient, dans la
crise de la transmission qui touche actuellement
leur communauté, une conirmation de leurs
croyances apocalyptiques.
Précisément : produit des aléas de l’histoire,
la transmission ne s’opère jamais de la même
Dans les années 1980, les anthropologues redécouvrent
l’existence des cultures enfantines et les processus
d’apprentissage. Ici, un groupe d’enfants réalise un « stupa de
sable », lors du nouvel an lao, pour honorer le Grand Génie des
eaux, avril 1995. (photo Ch. Langlois)
manière, et les phénomènes de passation sont
hétérogènes et créateurs. En ce domaine, les
ratages, les blocages, les réinterprétations et
les recréations sont légion. Comme l’écrit avec
justesse Catherine Choron-Baix, la transmission
agit telle une « dynamique subtile, traversée de
contradictions, entravée par les obstacles, les
interférences, les brouillages et autres ratages,
mais capable aussi d’engendrer de la création
ou de la recréation » (Choron-Baix 2000 : 359).
15
TransmeTTre
À l’instar de Dan sperber, des anthropologues ont investi le champ des sciences cognitives pour expliquer les phénomènes de
transmission culturelle et décrire leurs processus spéciiques. Les Vases communicants, Diego rivera, 1938.
(Centre Pompidou,cliché J.-Cl. Planchet / rmn)
Dans l’introduction de son Principe de la chimère,
reprenant une histoire de la tradition hébraïque
des Hassidim d’Europe orientale, Carlo Severi
nous livre un bel exemple de ces accidents de
la transmission. Tandis que le grand-père et
l’arrière-grand-père du narrateur étaient de
pieux hommes dotés d’un savoir judaïque
élaboré, et que son père était « un peu moins
religieux », le jeune homme, le petit-ils qui
raconte cette histoire, ne prie plus et ne
connaît même plus le lieu des prières, mais
continue pourtant de raconter cette histoire, sa « manière d’honorer Dieu » (Severi
2007 : 9). On comprend là, à mon sens, tout ce
16
que la transmission comme « question » peut
apporter à l’anthropologie. Située au cœur des
processus historiques, mais aussi à l’intersection de plusieurs disciplines (la sociologie, la
psychologie cognitive, la biologie ou encore
les études mémorielles), la transmission nous
invite à penser ces mécanismes complexes
qui lient les individus et rendent possible la
perpétuation du culturel. Surtout, en tant
que posture épistémologique, elle interroge
la manière de décrire le réel et nourrit les
prémices d’une rélexion sur la continuité des
sociétés humaines à l’épreuve des ruptures
de l’histoire. ■
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