CREFECO
Stratégies pour une écoute efficace
28-30 octobre 2010
Stratégies pour une écoute efficace
Françoise Berdal-Masuy et Geneviève Briet
Institut des Langues vivantes
Université catholique de Louvain-la-Neuve
Belgique
Pour citer cet article : BERDAL-MASUY Françoise et Geneviève BRIET. 2011. « Stratégies pour une
écoute efficace », Dialogues et Cultures, n°59.
Introduction
Si la compréhension orale est première dans l’acquisition de la langue maternelle et
est considérée comme une compétence de base dans la conception occidentale de
l’enseignement-apprentissage des langues, elle n’en est pas moins souvent considérée
comme la compétence la plus difficile à acquérir par les apprenants. Pourtant, celle-ci
n’est pas l’objet d’un apprentissage spécifique et elle est peu présente dans les manuels et
dans les cours en comparaison de la compétence de lecture.
Si la compétence d’écoute est l’une des compétences à maitriser dans la langue
étrangère selon la conception occidentale du Cadre européen commun de référence
pour les langues (désormais CECR), qui privilégie l’approche par compétence, elle n’est
toutefois pas enseignée, au même titre que l’écrit, dans certaines parties du monde. Il est
ainsi possible d’apprendre le français uniquement par l’écrit, en compréhension et en
production, comme l’a vécu une étudiante au lycée américain de Sofia, avec un
professeur donnant des explications uniquement en anglais 1. Le contact oral avec la
langue est alors très ténu. Pour quelle raison cette compétence est-elle réduite à la portion
congrue dans les classes de français langue étrangère ?
Plusieurs explications sont possibles : le professeur natif pense que cette
compétence s’acquiert et se développe de façon spontanée par une activité d’écoute
régulière, le professeur non natif est dans une position d’insécurité relative car il n’a pas la
bouée de sauvetage d’un support écrit auquel il peut se référer.
Dans cet article, nous allons rappeler en quoi consiste le processus de
compréhension orale avant de proposer ensuite des stratégies d’apprentissage spécifiques
à cette compétence, selon les différents niveaux définis par le CECR et terminerons par une
réflexion sur la façon de motiver les apprenants pour les amener à développer cette
compétence, perçue comme complexe et peu aisément améliorable.
1. Qu’est-ce que comprendre ?
Le processus de compréhension orale est traditionnellement décrit selon deux
modèles, un modèle ascendant qui va de la forme vers le sens (le modèle sémasiologique)
et un modèle descendant qui va du sens vers la forme (modèle onomasiologique) (Gramo
et Holec 1990).
Dans leur livre « Apprends à apprendre les langues à l’école », les pédagogues
Vanderwalle et Verdonck (1999) privilégient le premier modèle. Ils envisagent l’écoute en
langue étrangère comme un processus instantané, mais complexe et non linéaire, qu’ils
décomposent en quatre étapes : la perception, la segmentation, l’interprétation et le
traitement de l’information. La mauvaise réalisation d’une de ces quatre étapes peut exiger
la répétition de l’ensemble de celles-ci.
1.1. Le modèle ascendant
Témoignage recueilli par Geneviève Briet, le 29 septembre 2010 auprès d’une étudiante à objectif
niveau B1 qui a appris le français écrit uniquement de 2004 à 2008.
1
Françoise Berdal-Masuy et Geneviève Briet – Université catholique de Louvain
1 / 12
CREFECO
Stratégies pour une écoute efficace
28-30 octobre 2010
1.1.1. La perception
Chaque langue structure les sons de façon différente ; c’est ainsi que le cri d’un
animal peut se traduire par des onomatopées très différentes en sonorité et en structure
syllabique. Le ronronnement du chat est ainsi dénommé « ronron, purr, schnurren, ronroneo,
gu lu, …. » Chaque langue s’inscrit également dans une étendue de fréquence qui lui est
propre et qui recoupe plus ou moins partiellement le registre de fréquence d’une autre
langue.
Graphique 1. Fréquence de sons (en Hertz) utilisés dans différentes langues (Vanderwalle et Verdonck 1999 : 46)
De la même façon que le violoniste doit beaucoup jouer et écouter les sons qu’il
produit sur son instrument pour trouver la bonne note et parvenir à la produire à nouveau,
l’apprenant en langue étrangère doit beaucoup écouter pour apprendre à « régler son
oreille » sur la bonne fréquence de la langue qu’il découvre. A ces caractéristiques
acoustiques s’ajoutent des éléments prosodiques – le rythme, l’accentuation et l’intonation –
qui découpent la langue de façon différente. Un locuteur d’une langue monosyllabique a
beaucoup de mal à distinguer les trois mots dans la chaine parlée « Il est étudiant » : le terme
« chaine » est révélateur, car il traduit bien l’enchainement de mots qui sont davantage ici
phonétiques que lexicaux. S’il est indispensable d’exercer l’oreille pour décoder les sons de la
langue, il est tout aussi important de pouvoir décrypter les sons et les bruits paralinguistiques
qui donnent des informations sur le sens : le sexe des personnes, leur âge, l’émotion qui se
dégage de leurs voix, le lieu - public ou privé - où se passe l’interaction, les actions menées
autour d’un objet constituent autant d’indices très précieux pour interpréter un texte sonore.
1.1.2. La segmentation
Suite à la discrimination d’éléments segmentaux (les sons) et suprasegmentaux (la
prosodie), vient l’identification des mots. Le cerveau compare les sons ou les regroupements
de sons entendus (qu’il a segmentés en syllabes) à ceux qu’il connait déjà pour identifier les
mots qui y correspondent. Cette étape s’appuie sur une connaissance préalable, celle des
mots (axe paradigmatique) et celle des combinaisons possibles de mots (axe
syntagmatique). Si cette connaissance est insuffisante2 ou si le transfert d’une langue à
l’autre n’est pas aisé, comme, par exemple, du français au bulgare par opposition au
passage du français au roumain, le décodage du texte parlé ne sera pas assez rapide ni
précis. Après ce repérage des mots et de leur combinaison syntaxique, vient l’étape de
compréhension.
1.1.3. L’interprétation
Le cerveau analyse alors les mots qu’il a reconnus à partir des différents contextes où
les mots ont été rencontrés. Si le thème sur lequel porte le texte sonore est familier de
l’auditeur, le vocabulaire sera reconnu plus aisément. De même, plus le vocabulaire de
l’apprenant sera riche et étendu, plus sa compréhension sera aisée et rapide. Enfin, certains
Ferroukhi (2009 : 278) constate dans son enquête auprès d’élèves algériens de 12-13 ans que ceux-ci
« ont un problème au niveau de la discrimination des nombres et des noms de nombres dont les sons
sont proches [...] »
2
Françoise Berdal-Masuy et Geneviève Briet – Université catholique de Louvain
2 / 12
CREFECO
Stratégies pour une écoute efficace
28-30 octobre 2010
types de textes comme le genre narratif sont plus faciles à comprendre que d’autres. A cette
étape d’analyse du contexte pour déterminer le sens du mot polysémique, vient le moment
de la « conceptualisation ».
1.1.4. Le traitement de l’information
Le cerveau analyse enfin le sens des différents mots qui se succèdent dans le texte
sonore pour en extraire une idée. De la même façon que procèdent les interprètes, il retient
les mots-clés, qui remplacent les paroles exactes du texte sonore et passent de la mémoire à
court terme dans la mémoire à long terme. C’est ainsi que l’auditeur peut restituer le propos
qui a été tenu en d’autres mots. Ainsi, la compréhension orale n’est pas un processus
uniquement linéaire, car pour construire du sens, il faut aller plus loin que la succession de
mots et appréhender l’énoncé dans sa globalité, en tenant compte du contexte et de la
situation.
Ce modèle a ses limites et ne doit pas être utilisé de manière exclusive. Pour un
résultat optimal, il peut être combiné avec le second modèle, de type ascendant.
1.2. Le modèle descendant
Le modèle descendant a été établi pour rendre compte de phénomènes que le
modèle ascendant ne pouvait expliquer comme, par exemple, le fait que les auditeurs ne
sont pas gênés pas les bruits qui remplacent certains sons dans les énoncés. Dans ce modèle,
l’auditeur construit le sens par anticipation, en formulant des hypothèses, qui sont confirmées
ou infirmées au fur et à mesure de l’écoute, ce que Vanderwalle et Verdonck (1999)
appellent avoir « un projet d’écoute »3.
L’auditeur anticipe la signification du message en se basant sur des connaissances
qu’il a sur la situation de communication, sur le producteur du message, sur la communauté
culturelle à laquelle le destinateur appartient, sur le type de discours utilisé, sur le code choisi,
sur la thématique traitée (Ferroukhi 2009 : 276). Au fur et à mesure de l’écoute, il repère des
informations et des indices linguistiques qui lui permettent de vérifier ses attentes. Selon le
résultat de cette vérification, l’auditeur reprend ou non la procédure à zéro.
Les deux processus (ascendant et descendant) peuvent être utilisés par les
apprenants lors de l’écoute d’un document ; « la fréquence à laquelle les auditeurs
utilisent un processus plutôt qu’un autre va dépendre de leurs connaissances de la langue,
du degré auquel le sujet leur est familier ou du but de l’écoute » (Rost 2002 cité par
Ferroukhi 2009 : 276). La compréhension orale peut donc être considérée comme un
processus d’interprétation interactif au cours de laquelle les auditeurs utilisent toutes leurs
compétences, à la fois « générales » et « communicatives » (selon la terminologie du
CECR).
1.3. Des apprenants inégaux devant l’écoute
Aux processus cognitifs décrits ci-dessus s’ajoutent des éléments de nature
linguistique, mais aussi affective, les apprenants ne sont en effet pas égaux dans les
activités d’écoute : tout dépend si la langue cible et la culture qui lui est associée est
proche de leur langue maternelle, de leur culture d’apprentissage, de leurs objectifs de
connaissance ou de compétence dans cette langue-cible4.
Ainsi, on peut se demander si le modèle onomasiologique (descendant, du sens vers
la forme) est universel ou est applicable uniquement pour les langues d’origine indoeuropéenne. Jean-Michel Robert (2009) souligne la difficulté de l’apprenant asiatique à se
fier aux mots-clés, car sa langue s’appuie beaucoup sur l’ordre des mots pour construire le
Le projet d ‘écoute consiste à définir la situation de communication (nombre de personnes, âges,
rôles ou métier de chacun, noms, humeur des personnages, relations entre eux, lieu et moment où se
déroule la conversation, le thème de la conversation) et à répondre à la série des sept questions (Qui ?
Quoi ? Quand ? où ? Comment ? Pourquoi ? Combien ?).
4 « [... ] le public asiatique [... ] a tendance à lire et à écrire plutôt qu’à écouter et parler et [... ] se fixe
souvent comme objectif un savoir linguistique et culturel (la civilisation) » (Robert 2009).
3
Françoise Berdal-Masuy et Geneviève Briet – Université catholique de Louvain
3 / 12
CREFECO
Stratégies pour une écoute efficace
28-30 octobre 2010
sens de l’énoncé. « Pour un Chinois, la méconnaissance d’un mot n’est pas seulement
sémantique, elle est aussi catégorielle, et la suite du texte ou du discours peut être perturbée.
D’où l’importance pour lui de construire le sens linéairement et non globalement » (Robert
2009 : 44). Mais une personne de langue maternelle asiatique peut adopter la technique des
mots-clés lorsqu’elle fait de l’interprétation, telle que procède la responsable du
département de français langue étrangère de l’Université de Hanoi, Mme NGUYEN Thi Cuc
Phuong, professeur de français mais aussi interprète5.
Ainsi, lorsqu’il écoute un document, l’apprenant peut être confronté à des problèmes
de différents ordres :
a) L’apprenant peut-il percevoir les sons de la langue ? Est-il sensible à un autre accent
qui le perturbe ? Le débit entendu est-il trop rapide ? L’articulation parait-elle peu
claire ?
b) L’apprenant connait-il des difficultés pour identifier les mots, pour décoder la chaine
sonore et pour découper celle-ci en syllabes pour arriver aux mots ? Connait-il
suffisamment de mots ?
c) L’apprenant a-t-il du mal à comprendre du fait de la place des mots dans la phrase ?
d) L’apprenant a-t-il l’impression de comprendre tout en étant incapable de retenir ce
qu’il a compris ? A-t-il des difficultés à transférer les mots importants dans la mémoire
à long terme ou à reformuler en d’autres paroles l’idée ou les idées exprimées par le
locuteur ? Lui est-il plus facile de répondre à un questionnaire à réponses fermées
(questions à choix multiple, vrai ou faux, appariement) qu’à des questions à réponses
courtes et ouvertes ? La place de l’information à rechercher dans le message a-t-elle
une influence ? L’apprenant est-il capable d’identifier la réponse lorsque celle-ci est
présentée de façon implicite ou indirecte, par une expression synonyme par exemple,
dans le questionnaire ? L’apprenant dispose-t-il des connaissances culturelles et
lexicales nécessaires pour comprendre l’énoncé ?
Pour aider les apprenants les plus faibles, il est donc vital de leur donner des
stratégies pour apprendre à écouter et améliorer ainsi leur compétence de
compréhension.
2. Quelles stratégies mettre en place ?
Selon le Cadre européen commun de référence (CECR), « est considéré comme
stratégie tout agencement organisé, finalisé et réglé d’opérations choisies par un individu
pour accomplir une tâche qu’il se donne ou qui se donne à lui » (p. 15). « Les stratégies sont
le moyen utilisé par l’usager d’une langue pour mobiliser et équilibrer ses ressources et pour
mettre en œuvre des aptitudes et des opérations afin de répondre aux exigences de la
communication en situation et d’exécuter la tâche avec succès et de la façon la plus
complète et la plus économique possible - en fonction de son but précis ».
Selon les référentiels qui accompagnent le CECR, les stratégies « ont un caractère
individuel (même si des stratégies peuvent être mises en œuvre par des individus différents)
et structuré (les stratégies sont des conduites « organisées , finalisées et réglées », même si
elles sont dans le temps mouvantes et évolutives). Elles sont adaptatives (en fonction de
tâches, de buts communicatifs, de visées d’apprentissage) et donc variables (Beacco et
Porquier 2007 : 171).
On peut distinguer les stratégies générales de compréhension, applicables à tous
types de publics, et les stratégies spécifiques aux différents niveaux définis par les CECR. Nous
nous concentrerons sur les premiers niveaux, enseignés le plus couramment : A1, A2 et B1.
2.1. Les stratégies générales de compréhension
Ce témoignage a été recueilli à Hanoi par Geneviève Briet au cours d’un entretien dans le cadre du
projet e-learning INNOFLE en juillet 2009.
5
Françoise Berdal-Masuy et Geneviève Briet – Université catholique de Louvain
4 / 12
CREFECO
Stratégies pour une écoute efficace
28-30 octobre 2010
Les auteurs des référentiels A1 et A2 6 pour le français proposent différentes stratégies
pour la compréhension. La première consiste à attirer l’attention de l’apprenant sur la
matière sonore en tant que telle (être attentif aux unités sonores qui se répètent, de façon
isolée ou non) et à la musique de la langue (les variations prosodiques). La deuxième focalise
l’attention de l’apprenant non plus sur l’aspect auditif, mais sur l’aspect visuel de la prise de
parole lorsque cette dimension est présente : les gestes, les mimiques, les regards, la posture.
La troisième vise à observer les productions et les interactions des locuteurs natifs dans des
situations que l’apprenant est susceptible de rencontrer. Celui-ci est invité dès lors à
« guetter » - éventuellement à susciter, à repérer et à mémoriser les énoncés ou les
expressions qu’il pourrait réutiliser dans des contextes similaires. Enfin, l’apprenant est
encouragé à écouter les productions des autres apprenants non natifs ainsi qu’à observer et
exploiter des documents « dialingues » comme, par exemple, les films sous-titrés.
Plusieurs stratégies sont communes à tous les niveaux, quel que soit le type et la
longueur du document choisi, et mises en œuvre à trois moments distincts : avant l’écoute,
durant l’écoute proprement dit et après l’écoute.
2.1.1. Les stratégies avant l’écoute
Lorsqu’on écoute un document audio ou vidéo, la première tâche de l’enseignant
consiste à créer une atmosphère détendue et propice à l’écoute : il peut faire silence et, par
exemple, faire passer une musique douce (toujours la même) qui annonce l’activité et invite
les étudiants à se recentrer pour être à l’écoute.
Pour inciter les apprenants à « entrer » dans l’écoute, il est important
de scénariser l’activité, de la contextualiser et d’impliquer les apprenants en leur donnant
une tâche à réaliser. On peut, par exemple, proposer une situation (réaliste) dans laquelle les
apprenants seraient amenés à entendre le type de document pour les mettre en
mouvement (exemple : en A1 : « Vous allez à Bordeaux chez un ami, vous êtes à la gare de
Paris, vous entendez une annonce, vous devez comprendre à quelle heure part votre train et
sur quel quai vous devez attendre »).
La première question qu’enseignant et apprenants se posent ensuite est « écouter
oui, mais pour faire quoi ? ». Carette (2001) distingue quatre intentions précises : écouter pour
s’informer (connaitre des faits, évènements, idées, etc.), pour apprendre (analyser, rendre
compte, etc.), se distraire (imaginer, avoir des émotions, du plaisir, etc.) ou pour agir (prendre
des notes, utiliser un appareil, cuisiner, faire un mouvement, réagir à des propos tenus, etc.)
Ensuite, un remue-méninges sur le thème permet d’anticiper le contenu du document
et de réactiver le vocabulaire vu sur le thème (et peut-être oublié) ou d’en découvrir du
nouveau par l’intervention du groupe et de l’enseignant. Lors de cette étape, il est important
de lire les listes de mots à haute voix et de s’assurer que les apprenants en connaissent bien
la prononciation pour en faciliter le repérage lors de l’écoute.
Enfin, avant l’écoute, il est vital de rappeler aux apprenants qu’il n’est pas nécessaire
de tout comprendre et qu’il est important de continuer à écouter même quand ils butent sur
des passages ils ne comprennent pas et les encourager à développer ainsi ce que Paul Cyr
nomme, de façon plus générale, « la tolérance à l’ambiguïté », soit le fait de « ne pas se
sentir gêné, mal à l’aise ou menacé face à des informations vagues, incomplètes,
fragmentaires, incertaines, inconsistantes, contraires ou apparemment contradictoires » (Cyr
1998).
2.1.2. Les stratégies pendant l’écoute
Lors de cette étape, il est important de signaler qu’à chaque intention d’écoute
correspond une modalité d’écoute précise (Ferroukhi 2009 : 277).
6
-
Une écoute en mode veille : ne pas réellement comprendre, mais être prêt à écouter
activement lorsqu’un élément du discours est jugé pertinent ;
-
Une écoute sélective : identifier les éléments nécessaires à la réalisation de l’activité
ou de la tâche, et ne pas entendre ce qui n’est pas pertinent ;
En septembre 2010, le référentiel B1 pour le français n’est pas encore sorti de presse.
Françoise Berdal-Masuy et Geneviève Briet – Université catholique de Louvain
5 / 12
CREFECO
Stratégies pour une écoute efficace
28-30 octobre 2010
-
Une écoute détaillée (ou intensive) : comprendre au sens étymologique, prendre tous
les éléments d’un extrait donné, d’une durée variable ;
-
Une écoute globale (ou extensive) : découvrir les éléments pertinents du discours
pour en dégager la signification générale ;
-
Une écoute réactive : utiliser ce qui est compris pour faire quelque chose (prendre
des notes, confectionner un plat, utiliser un appareil, etc.). Ce type d’écoute est plus
complexe, car il combine deux opérations mentales : celle de l’écoute en continu et
celle de l’action ou de l’interaction par rapport à cette écoute.
Ces différentes modalités seront mobilisées selon le type de document écouté et selon le but
poursuivi par l’écoute.
Lors de la première écoute, l’attention des apprenants est dirigée sur le type de
document (annonce, publicité, film, reportage, interview, micro-trottoir, bulletin
d’information, conférence, etc.), sur les indices prosodiques pour un document audio
(présence ou non de bruit, nombre de voix, voix féminines ou masculines, ton neutre /
émotionnellement marqué, poli/impoli, content / pas content, etc…) ou sur les indices
paralinguistiques pour un document vidéo (nombre de personnes, hommes ou femmes, lieux,
moments de la journée, période de l’année, gestes, mimiques, regard,…). C’est également
lors de cette écoute que l’on peut demander des informations sur la situation de
communication (Qui ? Quand ? Où ? Quoi ? Pourquoi ?)7, les hypothèses proposées étant
vérifiées et corrigées lors de la deuxième écoute.
La deuxième écoute porte sur des éléments de compréhension plus détaillée
(davantage exploitée au niveau intermédiaire). Elle peut se scinder en deux étapes : dans un
premier temps, on peut interroger les apprenants sur les mots qu’ils ont entendus ou non (les
paronymes phonétiques); cet exercice de discrimination auditive prépare les apprenants à
entrainer leur oreille à une perception auditive plus précise. Dans un second temps
seulement, l’enseignant introduit les questions portant sur une compréhension plus détaillée.
Pour éviter que l’exercice de compréhension de l’oral devienne un exercice de
compréhension de l’écrit, les questions devraient être idéalement formulées dans la langue
de l’apprenant, quand le public est homoglotte. Pour un public hétéroglotte, cela est
évidemment impossible. Il est donc important de lire les questions avec les apprenants pour
s’assurer qu’ils ont bien compris ce qui est demandé. Selon le niveau, cette étape prendra
plus ou moins de temps et se fera de manière plus ou moins encadrée par l’enseignant. Quoi
qu’il en soit, pour les réponses, afin d’éviter de passer par une formulation écrite (et faire de
la production écrite), il est préférable d’utiliser des questionnaires à réponse fermée où les
réponses sont déjà données et ne doivent pas être inventées et rédigées. S’il est essentiel de
ne pas vouloir faire TOUT comprendre, le niveau d’exigence s’élève au fur et à mesure que
l’on avance dans l’apprentissage (un apprenant de niveau B2 doit pouvoir comprendre de
nombreux détails et un apprenant de niveau C1 doit être capable de décrypter
l’implicite…). Pour cette étape, on peut suggérer de travailler par deux, les uns et les autres
captant des informations différentes et pouvant confronter leurs réponses Cette formule est
considérée comme plus motivante et efficace par les étudiants, ils s’entraident et n’ont pas
le sentiment d’être jugé par l’enseignant8.
On peut proposer une troisième (ou une quatrième) écoute, pour le plaisir. Les
apprenants ont bien travaillé le document et sont prêts à le redécouvrir sans la tension
provoquée par la volonté de « tout » comprendre.
Ces questions peuvent être organisées de façon claire au tableau et, à chaque écoute, les éléments
sont ajoutés mais en changeant de feutre ou de craie pour bien identifier les apports effectués.
8 Selon une enquête réalisée par Adrien Pham et Céline Gouverneur de l’Institut des langues vivantes
de l’Université catholique de Louvain, le fait de travailler à deux est considéré comme plus motivant
(57%) et plus efficace (48 %), principalement parce qu’ils s’entraident entre eux (69%) (enquête réalisée
en mai 2010 auprès de 373 étudiants en première année d’université en faculté des sciences
économiques, sociales et politiques).
7
Françoise Berdal-Masuy et Geneviève Briet – Université catholique de Louvain
6 / 12
CREFECO
Stratégies pour une écoute efficace
28-30 octobre 2010
2.1.3. Les stratégies après l’écoute
Après l’exploitation du document, l’apprenant est invité à s’interroger sur la validité
de ses hypothèses initiales ou sur la nécessité de les réexaminer. Il fait également le bilan afin
d’énoncer ce à quoi il veillera la prochaine fois pour améliorer sa performance (être plus
calme, se concentrer sur la mémorisation des mots découverts par le remue-méninges fait au
début, ne pas stresser s’il bute sur des passages qu’il ne comprend pas, etc.) Pour cette
activité, l’apprenant de niveau A1 et A2 peut s’exprimer dans sa langue maternelle ou en
anglais, s’il s’agit d’un groupe hétéroglotte.
Afin que l’exercice de compréhension ait tout son sens, les apprenants sont mis en
situation de réinvestir le thème soit par une production écrite, soit par une production orale.
On peut aussi simplement réactiver le vocabulaire vu par de petits jeux (dire par équipe le
plus de mots liés à un thème donné, faire deviner des mots par deux).
2.2. Les stratégies spécifiques par niveau
Selon le niveau, le type de document proposé peut varier et le type d’exploitation
proposé également.
2.2.1. Le niveau de découverte (utilisateur de niveau A1)
Au niveau A1, l’apprenant est capable de comprendre des mots familiers et des
expressions très courantes au sujet de lui-même, de sa famille et de l'environnement concret
et immédiat, si les gens parlent lentement et distinctement.
Les étudiants débutants complets ne vont pas programmer et planifier des stratégies
d’apprentissage, mais plutôt adapter leurs conduites à la situation de communication et les
développer ou les modifier en fonction de leur efficacité. Les stratégies sont la plupart du
temps spontanées et pas nécessairement conscientes. Les apprenants opèrent un transfert
des stratégies utilisées lors d’apprentissages antérieurs ou mettent en place des stratégies
originales liées à la situation de communication et au contexte d’apprentissage nouveaux.
Selon l’âge, la nationalité, le statut de l’apprenant, ces stratégies vont fortement varier d’un
individu à l’autre.
Apprendre à écouter au niveau A1 présente des caractéristiques qu’on ne retrouvera
plus jamais après, puisque que les apprenants découvrent pour la première fois la langue
française d’une façon intensive (Lauret 2007).
En classe, une première étape consiste à « observer » : l’enseignant plonge
l’apprenant dans la musique, les sons et le rythme du français, sans chercher à comprendre
ce qui est dit, sans avoir recours à la forme écrite, pendant les dix premiers heures de cours9. Il
fait écouter des documents audio et demande de caractériser la mélodie de la langue
(plutôt montante /descendante, variée / monotone, douce / brusque, avec de grandes
phrases mélodiques différentes / identiques). Les apprenants associent à cette mélodie un
instrument (orgue, violon ou percussions), un état physique (énergie ou fatigue), un élément
de la nature (chute d’eau, fleuve, tempête,…) pour mettre des mots et des images sur la
consistance prosodique de la langue française.
Une deuxième étape consiste à faire exprimer – dans la langue maternelle – ce que
les apprenants ressentent lorsqu’ils entendent les sons du français. Dès ce niveau, il nous
semble utile de mettre au jour les représentations liées à la langue-cible, car ce sont elles qui
vont faciliter ou non la prise de risques dans la langue-cible ; les mettre au jour, les formuler
permet d’en prendre conscience et, si nécessaire, distance pour les modifier en vue de
faciliter l’apprentissage. En effet, un apprenant a peu de chance de parvenir à bien
prononcer une langue dont il n’aime pas la prononciation. Il est donc important de partager
les points de vue en classe, en langue maternelle, avant même de s’engager dans un
entrainement pratique. L’objectif est de décrire et partager ses sentiments (esthétiques,
acoustiques, articulatoires) sur les caractéristiques phonétiques du français pour évoluer dans
Les propositions qui suivent ont été faites par Geneviève Briet lors d’une communication au
Département de français de l’ILV sur le thème « Carnet – contrat de prononciation » en septembre
2010, d’après l’ouvrage de Bertrand Lauret (2007).
9
Françoise Berdal-Masuy et Geneviève Briet – Université catholique de Louvain
7 / 12
CREFECO
Stratégies pour une écoute efficace
28-30 octobre 2010
ses préjugés et conceptualiser les traits phonétiques du français. Concrètement, l’enseignant
demande à chaque apprenant de dire quels sons du français lui semblent bizarres, ridicules,
fascinants, beaux, horribles, agréables, faciles ou impossibles à prononcer. Viennent
seulement les traditionnelles étapes de différenciation et de reconnaissance lors de
l’écoute, d’imitation et de contrôle phonétique lors de la production.
Ce travail de mise en lumière des représentations liées à la matière sonore du français
est fondamental avant l’écoute en tant que telle de documents audio ou vidéo. Au niveau
A1, les documents sont très courts et consistent en des phrases, des annonces, des messages
ou des petits dialogues, la plupart du temps construits, car il est très difficile de trouver des
documents authentiques adaptés à ce niveau10. L’objectif poursuivi est toujours de
comprendre une information chiffrée (un prix, une heure, une date, un numéro de
téléphone) ou d’identifier une personne, un lieu (ou un itinéraire), une situation ou une
attitude (poli /impoli, d’accord / pas d’accord) ou un sentiment à partir d’une intonation
(content / mécontent, triste / joyeux). La phase de préparation de l’écoute est ici
primordiale : il faut donner aux apprenants le bagage phonologique et lexical nécessaire à
la compréhension, tout en restant dans l’oral et le visuel. Cette étape est essentielle pour les
apprenants dont la langue première est très éloignée de la langue-cible (vietnamien, chinois,
coréen, japonais,…). Rappelons ici l’importance des images, des dessins, des photos au
niveau A1 dont l’usage – qui peut et doit être abusif - permet d’éviter de passer par un
support écrit. Ainsi, un document portant sur la compréhension d’un prix exige que l’écoute
et la compréhension des chiffres soit bien intégrée (à chaque chiffre correspond une suite
sonore), ce qui n’implique pas automatiquement que les apprenants puissent produire
oralement ces chiffres en français, mais bien qu’ils les reconnaissent. La même démarche se
fait pour les autres thèmes : le lexique de la description physique doit être connu, mais
uniquement à l’oral. L’enseignant doit se forcer à NE PAS écrire les mots au tableau lorsqu’il
travaille la compréhension orale et à utiliser des images à associer au mot prononcé. En effet,
l’écriture des mots français étant très différente de leur image sonore, il vaut mieux bien
différencier les deux apprentissages au niveau A1 et privilégier l’oral pour l’oral, avant de
passer à l’écrit.
Pour les niveaux débutants, on peut proposer différentes activités pour la
compréhension de l’oral. Des alternatives au questionnaire à réponse fermée proposé plus
haut lors de l’étape d’écoute consistent à faire repérer des bruits, des gestes ou des regards
significatifs ; mimer ; faire repérer les interactions et les unités sonores, faire classer dans des
rubriques telles que « je vois, je ne vois pas / j’entends, je n’entends pas) ; soumettre des mots
et demander s’ils relèvent du thème concerné ; cocher le dialogue qui correspond, associer
des phrases à des images (désigner ou choisir chaque fois l’image ou la photo
correspondante, cocher un tableau constitué d’images, numéroter des images ou les
montrer).
2.2.2. Le niveau de survie (utilisateur de niveau A2)
Au niveau A2 , l’élève est capable de comprendre des expressions et un vocabulaire
très fréquent relatifs à ce qui le concerne de très près (par exemple moi-même, ma famille,
les achats, l'environnement proche, le travail) et de saisir l'essentiel d'annonces et de
messages simples et clairs.
A la différence du niveau A1, les apprenants de niveau A2 vont pouvoir programmer
et planifier les stratégies mises en œuvre en réception. Selon le référentiel (Baecco et alli,
2008 : 207), lors de la planification, les apprenants de niveau A2 peuvent cadrer l’activité
(choisir un cadre cognitif, mettre en œuvre un schéma, créer des attentes) ; lors de
l’exécution, ils peuvent identifier des indices et en tirer une déduction ; lors de l’évaluation, ils
sont capables de vérifier des hypothèses en appariant les indices et le schéma précédents ;
enfin, lors de la remédiation, ils sont capables de réviser les hypothèses si nécessaire. « Les
opérations cognitives qui caractérisent la réception tournent autour d’hypothèses qui se
construisent au fur et à mesure à partir de schémas et d’indices pour aboutir à la
Signalons le travail remarquable réalisé par les conceptrices de TV5 Première classe, qui ont réussi à
proposer une série d’activités d’écoute à partir de documents authentiques tirés du site de TV5Monde.
10
Françoise Berdal-Masuy et Geneviève Briet – Université catholique de Louvain
8 / 12
CREFECO
Stratégies pour une écoute efficace
28-30 octobre 2010
(re)construction du message écrit ou oral (idem)». A ce niveau, les apprenants sont
capables de reconnaître des indices et de faire des déductions ; ils sont donc capables de
déduire du contexte le sens probable de mots inconnus et de mettre en place des stratégies
qui permettent la compréhension globale du document.
Au niveau A2, les types de documents proposés concernent la vie quotidienne
(informations personnelles et familiales, les achats, les lieux, le travail, les études). On peut
trouver des documents authentiques à ce niveau (voir notamment le site de TV5Monde).
L’objectif est de comprendre à la fois des expressions et du vocabulaire très fréquent en lien
avec des thèmes qui concernent de très près l’apprenant, ainsi que des annonces (dans les
gares, les magasins, les aéroports, les supermarchés, …), des instructions (au cinéma, pour un
rendez-vous,…), des messages simples et clairs. Le type de document proposé à l’écoute
sont des annonces, des instructions orales, l’essentiel d’une conversation entre natifs, des
émissions de radio et des enregistrements.
A ce niveau, l’apprenant aura déjà pris l’habitude d’utiliser les indices
extralinguistiques (visuel et sonore), de s’appuyer sur la situation d’énonciation (qui parle ?
où ? quand ?), de déduire un sentiment à partir d’une intonation et de reconstruire du sens à
partir d’éléments significatifs11.
On trouve à ce niveau les mêmes stratégies de réception qu’au niveau A1, mais aussi
de nouvelles à mettre en place. On retrouve l’attention portée au fond sonore et aux bruits
pour situer la scène (document audio) ainsi qu’au contexte visuel pour anticiper le contenu
du document (vidéo), l’écoute attentive des voix pour identifier les personnages (nombre,
âge, sexe) et leur ton (colère, surprise,…) et le repérage des dates, des heures, des chiffres.
Au niveau A2, on peut demander aux apprenants d’identifier le type de document sonore
(conversation, reportage, bulletin météo, informations, extrait de film, chanson,…), de
dessiner ce qu’ils ont vu ou entendu, d’écouter de façon globale pour savoir ce dont il est
question et ensuite faire des hypothèses sur ce qui n’a pas été compris, de repérer les sons et
de distinguer les mots. Les apprenants sont invités à repérer qui dit quoi, à anticiper une
réponse en repérant une question, à repérer si un énoncé est affirmatif ou négatif, à repérer
les mots-clés (ces derniers sont souvent répétés plusieurs fois et accentués parce qu’ils sont
importants) et à essayer de comprendre des mots inconnus en s’aidant de leur ressemblance
avec l’anglais ou une autre langue qu’ils connaissent. Rappelons que l’étape de travail sur
le réseau lexical du document (toujours à partir d’un support visuel, une photo, par exemple)
est incontournable lors de la pré-écoute, surtout pour les étudiants de culture orientale pour
qui l’accès au sens global pose d’énormes difficultés (Robert 2009).
2.2.3. Le niveau seuil (utilisateur de niveau B1)
Le CECR définit le niveau B1 de la façon suivante : un élève est capable de
comprendre les points essentiels quand un langage clair et standard est utilisé à propos de
choses familières dans le travail, à l’école, dans la vie quotidienne ; il peut également
comprendre l’essentiel de nombreuses émissions de radio ou de télévision sur l’actualité ou
sur des sujets qui l’intéressent à titre personnel ou professionnel si l’on parle d’une façon
relativement lente et distincte.
Au niveau B1, les documents sont plus longs et plus variés : il s’agit non seulement de
documents traitant de la vie quotidienne (dialogues, interviews, messages, annonces), mais
aussi de documents de type informatif (bulletin radio, reportage, cours, conférence,
présentation, mode d’emploi, publicité). Sont dès lors introduits les premiers écrits oralisés,
documents plus complexes à comprendre que des oraux dits « spontanés » (Kamber et
Skupien 2009). A ce niveau, les apprenants sont capables d’identifier non seulement les
personnes, la situation de communication, les attitudes et les sentiments, mais également le
les idées et les opinions exprimées (appréciation positive ou négative ; avis enthousiaste,
critique ou ironique). De plus, les apprenants ne se limitent plus à des documents dans le
Selon les propositions faites dans le cadre du stage bi-langue à l’Académie de Rennes (voir biblio).
Les auteurs ajoutent « s’appuyer sur des indices culturels », mais sans préciser. Nous pensons que cette
aptitude n’est pas encore tout à fait intégrée au niveau A2 et qu’elle doit continuer à faire l’objet d’un
apprentissage spécifique.
11
Françoise Berdal-Masuy et Geneviève Briet – Université catholique de Louvain
9 / 12
CREFECO
Stratégies pour une écoute efficace
28-30 octobre 2010
présent, mais ils sont capables de comprendre un récit (situé donc dans le passé) et
d’identifier les événements, les lieux où ils se sont produits, les personnes concernées.
Si aux niveaux A1 et A2, on privilégie la compréhension globale, on exploite
davantage au niveau B1 la compréhension des détails. De même, au niveau des activités de
compréhension, le recours à l’image est toujours bienvenu, mais il est nettement moins
sollicité que dans les niveaux précédents. L’apprenant sera plutôt confronté à de l’écrit et
sera amené, par exemple, à choisir entre quatre résumés du document celui qui y
correspond le plus fidèlement.
2.2.4. Les types d’activité
Selon le niveau, les types de document et d’activité varient. On proposera des
documents oraux spontanés (construits ou authentiques) aux niveaux A1 et A2, auxquels
on ajoutera les écrits oralisés (mais dits de façon lente et distincte) pour le niveau B1. De
même, la compréhension globale est privilégiée aux niveaux A1 et A2 (niveau
élémentaire), avec quelques questions de détails qui peuvent porter sur des chiffres simples
(âge, numéro de téléphone, code postal). Au niveau B1, on ajoute à cette compréhension
globale des questions portant sur la compréhension des détails. Tant au niveau
élémentaire qu’au niveau intermédiaire (niveau seuil), on peut proposer des exercices de
repérage ou de discrimination auditive (ou « compréhension superficielle » selon Kamber et
Skupien), première étape indispensable au bon déroulement des activités de
compréhension globale. Cette étape correspond à la question « Avez-vous entendu
(oui/non ?) » qui entraine l’apprenant à discriminer avant de comprendre.
Toutes ces stratégies se combinent entre elles et peuvent favoriser l’autonomie. « Les
auto-apprenants qui apprennent avec efficacité sont ceux qui utilisent au maximum toutes
les potentialités et rarement un type de ressources exclusivement » (Barbot 2000 :16).
Théoriquement efficaces, elles n’auront d’effet que si elles sont appliquées dans contexte
positif, qui suscite l’adhésion des apprenants et, de ce fait, les motive.
3. Comment motiver nos apprenants ?
La motivation peut se définir comme « des forces internes et/ou externes qui
produisent
le
déclenchement,
l’intensité
et
la
persistance
dans
l’action »
(Apprendreaapprendre.Com). Elle est donc fonction à la fois de l’apprenant en tant que tel
(ses perceptions « internes », celles qu’il a de lui-même et de ses capacités à exécuter une
activité), mais également du contexte de l’enseignement et des activités proposées. Selon
M. Lebrun, il existe un lien « mutuel et circulaire » entre, d’une part, l’apprentissage comme
dynamique interactive grâce à laquelle l’apprenant acquiert des savoirs et maitrise des
savoir-faire et, d’autre part, le développement personnel de l’étudiant amené à mettre en
place des savoir-être et à construire des savoir-devenir (Lebrun 2005 : 125). Les objectifs
d’apprentissage cognitif et de développement personnel sont donc intimement mêlés.
En contexte scolaire, la motivation repose sur les perceptions que l’apprenant a de
lui-même et de son environnement (Viau 1994, cité par Lebrun 2005).
Ces perceptions sont de trois ordres : elles ont trait à la valeur de l’activité en termes
d’utilité, à la propre compétence de l’apprenant à accomplir l’activité et au contrôle qu’il
peut exercer sur elle. C’est au niveau de ce dernier aspect que les stratégies
d’apprentissage jouent un rôle capital dans la mesure où leur application permet à
l’apprenant d’exercer un certain contrôle sur l’activité qu’on lui propose. La perception de la
tâche et de ses propres compétences à l’exercer est à l’origine de la motivation de
l’individu.
En effet, « la confiance que la personne place dans ses capacités à produire des
effets désirés influence ses aspiration, ses choix, sa vulnérabilité, son niveau d’effort et de
persévérance, sa résilience face à l’adversité » (Lebrun 2005 : 131). La prise en compte de la
dimension affective précède le développement cognitif de l’apprenant. Le plaisir pris à
travailler et à progresser est une condition sine qua non pour maintenir l’effort dans la durée.
Concrètement, comment insuffler cette motivation à nos apprenants ? Pour motiver
les apprenants, l’enseignant doit respecter les trois étapes d’une démarche d’apprentissage
Françoise Berdal-Masuy et Geneviève Briet – Université catholique de Louvain
10 / 12
CREFECO
Stratégies pour une écoute efficace
28-30 octobre 2010
pédagogiquement bien construite : la contextualisation de la problématique nouvelle,
ensuite, la prise de recul et la décontextualisation et, enfin, la recontextualisation qui
correspond au transfert des connaissances. De plus, le fait de donner des objectifs précis a
un réel impact sur la performance des apprenants.
Selon R. Viau (2000), une activité d’apprentissage motivante respecte les dix
conditions suivantes : elle est signifiante aux yeux de l’élève, elle est diversifiée et s’intègre
aux autres activités, elle représente un défi pour l’élève (être ni trop facile, ni trop difficile),
elle est authentique, elle exige un engagement cognitif de l’élève, elle responsabilise l’élève
en lui permettant de faire des choix (l’apprenant a le sentiment qu’il a un certain contrôle de
ses apprentissages), elle permet à l’élève d’interagir et de collaborer avec les autres, elle a
un caractère interdisciplinaire, elle comporte des consignes claires et, pour terminer, elle se
déroule sur une période de temps suffisante.
Pour motiver ses apprenants, l’enseignant doit tout d’abord croire en eux, tout en
insistant sur la persévérance et l’engagement nécessaires pour apprendre. Il est également
invité à proposer un parcours d’apprentissage diversifié, aux objectifs précis, qui fait sens et
responsabilise l’apprenant. La motivation n’est pas figée et peut évoluer en fonction de
facteurs internes et externes, en prendre conscience est faire un pas de plus vers
l’autonomisation de chacun.
Conclusion
Ecouter et comprendre un document en langue étrangère est une compétence
exigeante, tant pour l’enseignant que pour l’apprenant. Elle est pourtant essentielle pour
donner accès à tous aux situations de la vie quotidienne rencontrées dans la langue-cible.
Notre objectif est donc de proposer au formateur et à l’apprenant des stratégies d’écoute
qui pourront être utilisées et transférées tout au long de la vie et de donner ainsi à
l’apprenant de vraies chances de réussite pour une activité qui est tout sauf passive. Ces
stratégies d’apprentissage, à la fois générales et spécifiques à chaque niveau, sont un outil
précieux pour l’enseignant et pour l’apprenant, amené à devenir de plus en plus autonome
au fur et à mesure qu’il s’approprie ces stratégies.
Ces investigations dans le domaine des stratégies de compréhension de l’oral
révèlent toute l’importance de la mise en place de l’écoute et de la méthodologie à créer :
le processus, la formulation des consignes, l’élaboration des questionnaires, le choix du
support. Dans un contexte où l’accès aux documents sonores (audio et vidéo) est devenu
très accessible grâce aux nouvelles technologies, ne perdons pas de vue la nécessité de
poser un cadre d’écoute stable pour l’enseignant et pour l’apprenant, grâce auquel le
processus de compréhension prendra tout son sens.
Toutefois, toute stratégie et toute méthodologie, aussi bien pensées soient-elles, ne
font sens que si elles sont proposées dans un contexte dynamisant, signifiant et sécurisant
pour l’apprenant. Le passage du cognitif (la compréhension) au méta-cognitif (les stratégies
de compréhension) ne peut se faire qu’en passant par la dimension affective, qui prend
place - de façon explicite ou implicite - dans le dispositif pédagogique. Peut-être n’est-il pas
inutile de garder à l’esprit la boutade du pédagogue John Dewey selon laquelle « pour
apprendre le latin à John, il faut d’abord connaitre John ».
Bibliographie
Apprendre à apprendre, dossier en ligne consultable à l’adresse suivante : http://crl.univlille3/apprendre (consulté le 6 juillet 2010).
BEACCO, J.-Cl. et R. PORQUIER. 2007. Niveau A1 pour le français. Un référentiel. Paris : Didier.
BARBOT, M.-J. 2000. Les auto-apprentissages. Paris : Cle international.
BEACCO, J.-Cl., S. LEPAGE, R. PORQUIER, P. RIBA. 2008. Niveau A2 pour le français. Un
référentiel. Paris : Didier.
Françoise Berdal-Masuy et Geneviève Briet – Université catholique de Louvain
11 / 12
CREFECO
Stratégies pour une écoute efficace
28-30 octobre 2010
CARETTE, E. 2001. « Mieux apprendre à comprendre l’oral en langue étrangère » in
Français dans le Monde. Recherche et application. 128-132.
Le
CYR, P. 1998. Les stratégies d’apprentissage. Paris : Cle international.
http://www.francparler.org/fiches/comprehension_orale3.htm
FERROUKHI, K. 2009. « La compréhension orale et les stratégies d’écoute des élèves
apprenant le français en 2e année moyenne en Algérie » in Synergies, pp. 273-280.
GINIOUX, L. (Clg F. Villon et O. Tiertant, Clg A. Savary. « Stratégies de compréhension et
d’expression » in http://www.acrennes.fr/pedagogie/allemand/prodfinin/bilangue/strategies.pdf consulté le 24-09-2010
HARRIS V. (avec la collaboration de Alberto Gaspar, Barry Jones, Hafdís Ingvarsdóttir, Renate
Neuburg, Ildikó Pálos, Ilse Schindler), Centre européen pour les langues vivantes.. 2002. Aider
les apprenants à apprendre: à la recherche de stratégies d’enseignement et
d’apprentissage dans les classes de langues en Europe. Strasbourg : Éditions du Conseil de
l’Europe.
KAMBER, A. et C. SKUPIEN. 2009. « Les documents radiophoniques dans l’enseignement de la
compréhension orale » in Mélanges CRAPEL n°31 (n° spécial : Des documents authentiques
oraux aux corpus : questions d’apprentissage en didactique des langues).Disponible en
ligne à l’adresse suivante : http://revues.univnancy2.fr/melangesCrapel/article_melange.php3?id_article=328.
LAURET, B. 2007. Enseigner la prononciation du français : questions et outils. Paris : Hachette.
LEBRUN, M. 2005. Elearning pour enseigner et apprendre. Louvain-la-Neuve : BruylantAcademia.
LEBRUN, M. 2002. Théories et méthodes pédagogiques pour enseigner et apprendre. Quelle
place pour les TIC dans l’éducation ? Louvain-la-Neuve : De Boeck Université.
ROBERT, J.-M. 2009. Manière d’apprendre. Paris : Hachette.
VANDER WALLE, M. et A. VERDONCK. 1999. Apprends à apprendre les langues. Louvain-laNeuve : Van In.
VIAU, R. 1994. La motivation en contexte scolaire. St-Laurent (Qc): Éditions du Renouveau
pédagogique. À Bruxelles : Éditions de Deboeck (2003, 3e édition).
VIAU, R. 2000. « Des conditions à respecter pour susciter la motivation des élèves ».
Correspondances, volume 5, numéro 3.
Françoise Berdal-Masuy et Geneviève Briet – Université catholique de Louvain
12 / 12