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La protection du patrimoine culturel subaquatique

2016

Cet article analyse les règles que le droit international consacre à la protection du patrimoine culturel subaquatique. À cet effet, dans une première partie, il entreprend un survol général de la matière. Après une brève analyse de la notion de patrimoine culturel subaquatique et des menaces qui pèsent sur ce dernier, il examine les divers instruments internationaux qui portent sur cette question. Une attention particulière sera consacrée au droit de la mer et plus spécialement à l’analyse de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982. La deuxième partie est en revanche consacrée à la Convention de l'UNESCO de 2001 sur la protection du patrimoine culturel subaquatique.

Sous la direction de Abdoulaye Camara & Vincent Négri La protection du patrimoine archéologique Fondements sociaux et enjeux juridiques Collection Droit du patrimoine culturel et naturel © L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-08263-9 EAN : 9782343082639 SOMMAIRE Normativité du droit de l’archéologie : sur la notion de risque Vincent Négri Archéologie, mémoire et limites Patrimoine archéologique et identités multiples. Le cas de la Tunisie Taher Ghalia Archéologie et sociétés africaines Abdoulaye Camara Archéologie et interdits. Une analyse du point de vue de quelques sociétés rurales de Côte d’Ivoire (Afrique de l’Ouest) Kouakou Siméon Kouassi 11 25 33 51 Propriété, souveraineté et archéologie Droit de l’archéologie/ droit civil : quels ordres de relations, quelles influences ? 69 Marie Cornu La contribution du droit privé international et de fond à la protection d’objets archéologiques contre le pillage de fouilles. L’exemple du droit allemand 93 Christian Armbrüster Trafic illicite et restitution des objets archéologiques : aspects de droit international public 109 Manlio Frigo La protection internationale du patrimoine archéologique : questions de droit international privé 127 Marc-André Renold La protection du patrimoine culturel subaquatique 139 Vittorio Mainetti 9 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques Archéologie et territoire Du territoire de l’archéologue à l’archéologie des territoires Thierry Odiot Une gestion territoriale du patrimoine archéologique : amorces de planification en Wallonie et en France Philippe Vergain et Axelle Letor 10 209 221 Vittorio Mainetti, "La protection du patrimoine culturel subaquatique", in Abdoulaye Camara et Vincent Négri (éds.), La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques, Éditions l’Harmattan, Paris, 2016, ISBN : 978-2-343-08263-9, p.139-205. La protection du patrimoine culturel subaquatique VITTORIO MAINETTI♣ Docteur en droit international de l’Université de Milan et de l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève Introduction Les mers et les océans de notre planète renferment sous les vagues une partie importante du patrimoine historique de l’humanité. Depuis toujours, la mer a été un carrefour et un berceau de civilisations. Les restes que nous commençons à connaître aujourd’hui nous donnent des réponses quant à notre passé. Les épaves des navires, les sites submergés, les objets situés aux fonds des mers nous aident à retracer l’histoire des sociétés qui nous ont précédées. Des villes entières retrouvées sous la mer nous renseignent sur les modes de vie des civilisations anciennes ; des objets éparpillés sur les fonds marins nous permettent de retracer d’anciennes routes navales qui unissaient des peuples très éloignés ; des épaves semi-enterrées dans les fonds marins nous montrent les modèles d’ingénierie navale des siècles passés 1. La recherche archéologique nous permet donc d’élargir nos connaissances « en pénétrant le monde de la diversité de la culture humaine à travers les âges » 2. Cette ressource précieuse et non renouvelable, préservée pendant des siècles de l’action humaine par le milieu aquatique, se voit aujourd’hui gravement menacée de destruction par toute une série d’activités maritimes. Au cours des dernières décennies, le progrès technologique a permis d’accéder à ♣ vittorio.mainetti@graduateinstitute.ch. M.J. Aznar-Gómez, La protección internacional del patrimonio cultural subacuático, Valence, Tirant lo Blanch, 2004, p. 21. 2 Charte internationale sur la protection et la gestion du patrimoine culturel subaquatique, Icomos, Sofia, 9 octobre 1996. Introduction. 139 1 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques des profondeurs jusqu’à présent insoupçonnées et de nombreuses activités d’exploration et d’exploitation des océans sont ainsi devenues possibles. Ces possibilités élargies de travailler sous l’eau posent toutefois des problèmes quant à la sauvegarde du patrimoine culturel subaquatique. Si d’un côté elles ont ouvert de nouvelles voies pour la recherche archéologique, elles ont en même temps facilité l’accès au patrimoine culturel subaquatique à ceux qui se livrent à son exploitation commerciale pour en tirer des profits économiques. Malheureusement, la technologie s’est développée plus rapidement que la capacité d’appréciation du patrimoine culturel, fort souvent sacrifié à sa simple valeur commerciale. D’autres activités risquent également d’être potentiellement nuisibles à la préservation des ressources archéologiques sous-marines, notamment la conduite de travaux portuaires, l’exploitation des ressources naturelles dans les différentes zones maritimes, la construction d’îles artificielles, d’installation et d’ouvrages, la pose de câbles et pipelines, etc. Juridiquement, les vestiges subaquatiques sont encore « un territoire aux confins incertains » 3, revendiqués par une poignée de chercheurs spécialisés et par une véritable armée de plongeurs, amateurs ou professionnels, et de chasseurs de trésors sans scrupules œuvrant dans la clandestinité. Bien que leurs intérêts soient divergents, l’objet de leur attention est le même : les traces laissées par les diverses civilisations sous l’eau. Le conflit existant entre les divers opérateurs est un signe évident que cette matière n’est pas réglementée de manière satisfaisante, ni au niveau des législations nationales, ni à celui du droit international 4. Cela se manifeste dans une multiplicité de règles difficiles à coordonner. La matière a été effectivement comparée à un « labyrinthe normatif » ; un ensemble confus de normes très variées, qui doivent être coordonnées 5. L’élaboration de normes relatives à la protection du patrimoine culturel gisant au fond des mers est un objectif extrêmement complexe qui englobe un ensemble d’intérêts, nationaux et internationaux, publics et privés. Le régime en vigueur, tel que prévu par le droit de la mer, n’établit pas un niveau de protection suffisant qui permette de faire face aux menaces qui pèsent 3 J.Y. Blot, L’histoire engloutie ou l’archéologie sous-marine, Paris, Gallimard, 1995, p. 13. Un modèle de protection efficace ne peut pas se fonder exclusivement sur les législations internes, mais doit être supporté par des normes de droit international, qui en coordonnent l’action et en harmonisent les principes fondamentaux. Cf. L.V. Prott et P.J. O’Keefe, "International Legal Protection of Underwater Cultural Heritage", R.B.D.I., 14 (1978-79), p. 83-103. 5 A. Korthals Altes, "Submarine Antiquities : A Legal Labyrinth", Syr. J. Int’l L. & Com., 4 (1976), p. 77. 140 4 La protection du patrimoine culturel subaquatique sur ce patrimoine, d’où le besoin ressenti par l’Unesco de promouvoir l’élaboration d’une nouvelle convention internationale sur le sujet. Dans les pages qui suivent nous allons analyser les règles que le droit international consacre à la protection du patrimoine culturel subaquatique. À cet effet, dans une première partie nous essaierons d’effectuer une reconstruction générale de l’attention que le problème de la protection du patrimoine culturel subaquatique a reçue en droit international. Après une brève analyse de la notion de patrimoine culturel subaquatique et des menaces qui pèsent sur ce dernier, nous analyserons les divers instruments internationaux qui portent sur cette question, à l’exclusion de la Convention de l’Unesco de 2001 qui sera étudiée au chapitre suivant. Une attention toute particulière sera consacrée au droit de la mer et plus spécialement à l’analyse de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 (dorénavant CNUDM). La deuxième partie sera en revanche entièrement consacrée à l’analyse de la nouvelle Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique, adoptée en 2001 sous l’égide de l’Unesco. Comme nous le verrons, cette convention pose plusieurs problèmes de coordination avec le « nouveau droit de la mer » que nous essaierons, par conséquent, d’examiner. I. Le patrimoine culturel subaquatique et le droit international A. Le patrimoine culturel subaquatique : un nouveau défi pour le droit international de la culture Les mutations dans le régime de protection du patrimoine culturel subaquatique font partie des évolutions les plus récentes du droit international de la culture. Vu le développement tardif des activités subaquatiques, il n’est pas surprenant que le droit international traditionnel ait largement ignoré cette question. Le premier instrument international à s’être intéressé au sort du patrimoine culturel subaquatique est la Recommandation de New Delhi 6 adoptée en 1956 par la Conférence générale de l’Unesco, qui se réfère spécifi- 6 Recommandation définissant les principes internationaux à appliquer en matière de fouilles archéologiques (New Delhi, 5 décembre 1956). Selon Cassan (op. cit., p. 136), il s’agit d’un « texte fondateur » qui « opère [...] la transmutation de l’objet maritime en bien culturel ». Doté d’une « très remarquable vertu anticipatrice », cette recommandation « esquisse, pour l’avenir, trois séries de principes : [...] renforcer le contrôle de l’État sur son patrimoine archéologique, selon le critère de l’intérêt public des vestiges découverts, [...] favoriser l’efficacité et la rigueur scientifique de l’exploration, [...] [encourager] la coopération internationale en matière archéologique ». Ibidem. 141 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques quement aux produits des fouilles archéologiques effectuées sous l’eau 7. Cependant, c’est au niveau régional que le concept de patrimoine culturel subaquatique est apparu pour la première fois expressis verbis : dans la Recommandation relative au patrimoine culturel subaquatique, adoptée en 1978 par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe 8. Ce n’est toutefois qu’à partir des années 1980 que la communauté internationale a véritablement pris conscience des problèmes rencontrés par ce patrimoine, lors de la Troisième Conférence des Nations unies sur le droit de la mer. Les réponses données à cette occasion posent cependant de nombreux problèmes d’interprétation et demeurent lacunaires. Dans les années 1990, l’activité autour du patrimoine culturel subaquatique s’accélère : en 1994, l’International Law Association (ILA) présente un projet de convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique ; en 1996, l’Assemblée générale de l’Icomos (International Council on Monuments and Sites) adopte la Charte internationale sur la protection et la gestion du patrimoine culturel subaquatique 9. Enfin, entre 1998 et 2001, des négociations qui se déroulent au siège de l’Unesco à Paris se terminent par l’adoption, le 2 novembre 2001, de la Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique, quatrième instrument que cette institution ait consacré à la protection du patrimoine culturel et premier texte international portant entièrement sur le patrimoine culturel subaquatique. Cette Convention internationale représente une avancée considérable dans la matière qui nous intéresse. Pour cette raison, nous allons l’analyser de manière détaillée à la partie suivante. Pour l’instant, nous nous bornerons à constater qu’elle essaie d’organiser un régime complet de protection et de pallier les lacunes et incertitudes du cadre normatif préexistant. Sept ans après son adoption, la Convention est enfin entrée en vigueur 10, mais en 7 Selon l’article 1 de la Recommandation de 1956 : « À l’effet de la présente recommandation on entend par fouilles archéologiques toutes recherches tendant à la découverte d’objets de caractère archéologique, que ces recherches comportent un creusement du sol ou une exploration systématique de sa surface ou qu’elles soient effectuées sur le lit ou dans le sous-sol des eaux intérieures ou territoriales d’un État membre […] ». 8 La Recommandation 848 (1978) relative au patrimoine culturel subaquatique vise à protéger « tous les objets séjournant sous l’eau depuis plus de cent ans, mais avec la possibilité d’exclure de façon discrétionnaire les objets ou antiquités de moindre importance, une fois qu’ils auront été convenablement étudiés et enregistrés, et d’inclure des objets plus récents mais importants sur le plan historique ou artistique ». 9 Ces deux textes serviront de base pour l’élaboration de la Convention de l’Unesco de 2001. 10 Conformément à son article 27, la Convention est finalement entrée en vigueur le 2 janvier 2009, trois mois après le dépôt du vingtième instrument de ratification, acceptation, approbation ou adhésion. 142 La protection du patrimoine culturel subaquatique raison des profondes divergences lors de son élaboration, le nombre d’États parties risque de rester longtemps très limité. Le régime juridique du patrimoine culturel subaquatique se trouve par conséquent déterminé par plusieurs instruments internationaux susceptibles de s’appliquer. Nous tâcherons ici d’effectuer une reconstruction du cadre juridique applicable au patrimoine culturel subaquatique. À cette fin, nous examinerons les divers corps de règles du droit international susceptibles d’avoir une incidence sur le sort de ce patrimoine. Il s’agit notamment des conventions internationales consacrées en général à la protection des biens culturels ; du droit international de la mer ; des instruments de droit maritime, tout particulièrement ceux relatifs à l’assistance et à la récupération d’objets en mer ; des conventions relatives à la protection de l’environnement marin ; et de divers accords bilatéraux relatifs à des épaves spécifiques. Comme nous aurons l’occasion de l’observer, le cadre juridique complexe qui en résulte demeure toutefois fragmenté et lacunaire, voire contradictoire, ne fournissant pas de réponses claires et adéquates aux besoins de protection du patrimoine culturel subaquatique. Mais, avant d’entamer un tel examen, nous allons devoir nous pencher brièvement sur le concept de patrimoine culturel subaquatique pour montrer ses caractéristiques particulières (1) et dresser ensuite un tableau des problèmes soulevés par l’exercice d’activités sous-marines et des menaces qui pèsent sur le patrimoine culturel subaquatique (2). 1) Le patrimoine culturel subaquatique et ses caractéristiques La notion de patrimoine culturel subaquatique se rapporte à la partie du patrimoine culturel qui se trouve dans ou sous l’eau 11, le terme « subaquatique » devant être entendu dans le sens le plus large possible, de façon qu’il puisse s’appliquer aussi bien aux eaux maritimes qu’aux eaux douces. Selon l’article 1, paragraphe 1, lettre (a), de la Convention de 2001, la notion de patrimoine culturel subaquatique fait référence à « toutes les traces d’existence humaine présentant un caractère culturel, historique ou archéologique qui sont immergées, partiellement ou totalement, périodiquement ou en permanence, depuis 100 ans au moins ». Il s’agit d’un « bien culturel de dimension internationale [...] à la fois fini et non renouvelable » dont la partie la plus importante se trouve « en territoire international et résulte des communications et des échanges internationaux » 12. 11 Cf. Strati, The Protection, cit., p. 10. Introduction de la Charte internationale sur la protection et la gestion du patrimoine culturel subaquatique (Assemblée générale de l’Icomos – Sofia, 9 octobre 1996). 143 12 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques La plupart des auteurs divisent le patrimoine culturel subaquatique en deux grands ensembles : d’un côté, les épaves des navires et les objets isolés (les plus importants en termes de nombre, volume et variété) 13 et, de l’autre, les sites submergés. Si les épaves peuvent être considérées comme les « pièces maîtresses » du patrimoine culturel subaquatique, il ne faut pas oublier que celui-ci est constitué également par d’autres types de biens, tels que les sites submergés. Il s’agit de sites d’origine terrestre qui, à la suite de mouvements eustatiques de la croûte terrestre (notamment le phénomène du bradyséisme) 14 ont été engloutis par la mer 15. Ces sites comprennent, entre autres, les ruines de villes submergées 16, d’anciennes installations portuaires 17 et de vestiges préhistoriques 18. La valeur historique et archéologique du patrimoine culturel subaquatique constitue le premier atout de ce patrimoine, qui se présente comme une source essentielle pour la connaissance de l’histoire économique et sociale 19. Ce patrimoine possède en même temps une valeur artistique et peut avoir pour certains peuples une valeur spécifique, religieuse ou spirituelle, qui peut contribuer à la formation de leur identité culturelle. Pour toutes ces raisons, ce patrimoine acquiert une importance certaine dans le domaine de l’éducation. Or, le patrimoine culturel subaquatique peut également avoir 13 Strati, The Protection, cit., p. 12. Le bradyséisme est un phénomène de déformation lente de la croûte terrestre d’origine volcanique. 15 La submersion des vestiges archéologiques est souvent le produit de deux phénomènes indépendants : d’une part, le déplacement des plaques continentales (tectonique des plaques), et de l’autre, des changements climatiques qui causent la fonte des glaces aux pôles. Il a été calculé qu’à partir de la fin de l’Antiquité, le seul déplacement de la plaque continentale africaine contre la plaque eurasiatique aurait causé une élévation du niveau des eaux de la Méditerranée d’environ quatre mètres. Cf. Blot, op. cit., p. 78-81. 16 Il suffit de penser, à titre d’exemple, à la ville romaine de Baia, qui se trouve engloutie dans le Golfe de Naples à une profondeur de 9 à 16 mètres ; aux anciennes villes grecques de Phanagoria et de Halieis ; ou encore à la ville d’Apollonia en Libye. Voir Karagiannis, L’archéologie, cit., p. 9-11 ; Depasquale, La protection du patrimoine archéologique sous-marin de la Méditerranée en droit international, Mémoire de DEA, Universités de Paris I et II, 1998, p. 2. 17 Nous pouvons citer, à cet égard, le cas du port néronien d’Ostie (près de Rome) ou les vestiges du Phare d’Alexandrie (Égypte), qui ont fait l’objet dans les années 1990 d’une campagne internationale sous l’égide de l’Unesco ; ou encore les anciens ports de Césarée (Israël) et de Leptis Magna (Libye). On peut mentionner également d’autres types d’installations, telles que les pêcheries romaines (structures utilisées pour l’enlèvement de poissons) ou les vestiges de villas englouties qui sont particulièrement nombreux dans tous les pays de la Méditerranée. 18 Il s’agit notamment de grottes habitées pendant la préhistoire et qui se trouvent à l’heure actuelle submergées. Elles sont particulièrement nombreuses dans le sud de la France. On peut citer à titre d’exemple la grotte du corail à Villefranche-sur-mer (Alpes Maritimes) ou la grotte de Cosquer, découverte en 1985 par le plongeur Henri Cosquer dans les Calanques près de Marseille. Cf. Blot, op. cit., p. 80. 19 Strati, The Protection, cit., p. 14. 144 14 La protection du patrimoine culturel subaquatique une valeur économique considérable : non seulement les objets trouvés en mer possèdent-ils une grande valeur commerciale, ce qui en fait l’objet de convoitises de la part des collectionneurs et des antiquaires, mais par dessus tout à cause de la valeur que ce patrimoine peut avoir en tant que ressource pour le développement économique et social en raison du rôle qu’il peut jouer « dans la promotion des loisirs et du tourisme » 20. Du fait que le patrimoine culturel subaquatique touche autant de domaines différents, il résulte de possibles conflits d’intérêts entre plusieurs acteurs, tant au niveau national (entre propriétaires, archéologues, collectionneurs, chasseurs de trésors et l’État, par exemple) qu’international (État côtier, État du pavillon de l’épave ou du navire qui fait la découverte, État d’origine culturelle de la cargaison et communauté internationale, entre autres). 2) Les problèmes soulevés par l’exercice d’activités subaquatiques et les menaces qui pèsent sur le patrimoine culturel subaquatique Les menaces qui guettent le patrimoine culturel subaquatique sont relativement récentes. Jusqu’à notre époque, les sites sous-marins était largement inaccessibles et le milieu aquatique a ainsi permis une protection complète du patrimoine culturel subaquatique contre les activités de l’homme ou de la nature. Toutefois, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le développement de la technologie subaquatique a permis de travailler à de grandes profondeurs. Ce progrès, qui rend aujourd’hui possible l’exploitation des ressources naturelles des profondeurs océaniques, la pose de câbles, de pipe-lines ou d’oléoducs, a également encouragé la découverte de biens de nature archéologique et historique. Ainsi, à partir des années 1950, est née et s’est développée une nouvelle discipline scientifique, l’archéologique subaquatique 21. 20 Charte internationale sur la protection et la gestion du patrimoine culturel subaquatique (Assemblée générale de l’Icomos – Sofia, 9 octobre 1996), Introduction. 21 On se réfère généralement à 1942 comme date de naissance de l’archéologie subaquatique moderne. Il s’agit de la date de l’invention de l’aqualung, l’auto respirateur automatique mis au point par l’océanographe français Jacques-Yves Cousteau et l’ingénieur civil Émile Gagnan. Cette invention a été une véritable révolution. Pour la première fois, un plongeur pouvait se mouvoir librement sous l’eau. Cet outil précieux a permis de découvrir de nombreux sites archéologiques en Méditerranée et dans les lacs européens. Cf. Blot, op. cit., p. 44. Pour un aperçu général de l’archéologie subaquatique, voir : Unesco, Underwater Archaeology : A Nascent Discipline, Unesco, Paris 1972 ; J. P. Delgado (dir.), Encyclopedia of Underwater and Maritime Archaeology, New Haven/Londres, Yale University Press/British Museum Press, 1998 ; P.A. Gianfrotta et P. Pomey, L’archeologia subacquea. Storia, tecniche, scoperte e relitti, Milan, Mondadori, 1981 ; N. Pickford, Atlante dei tesori sommersi, Novara, De Agostani, 1995. 145 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques Malheureusement, l’archéologie subaquatique n’est pas la seule discipline à s’intéresser au patrimoine culturel subaquatique, qui se trouve aujourd’hui menacé par plusieurs activités humaines qui risquent de le mettre en danger 22. De nombreuses activités subaquatiques sont en elles-mêmes bénéfiques et souhaitables, mais elles peuvent entraîner des conséquences malheureuses pour le patrimoine culturel subaquatique si l’on n’en prévoit pas les effets. Le patrimoine en question peut être menacé par des travaux de construction qui altèrent les côtes et les fonds marins ou modifient les courants, les sédiments et les parcours des polluants. Le patrimoine culturel subaquatique peut être aussi menacé par l’exploitation sans discernement des ressources naturelles. De plus, les moyens d’accès inappropriés ou l’impact cumulatif de la collecte de « souvenirs » peuvent avoir un effet néfaste. Le patrimoine culturel subaquatique est également menacé par des activités qui ne profitent qu’à quelques-uns au détriment du plus grand nombre. L’exploitation commerciale du patrimoine culturel subaquatique par la vente ou la spéculation est fondamentalement incompatible avec la protection et la gestion de ce patrimoine. Selon M. Aznar Gómez, les menaces contre le patrimoine culturel subaquatique peuvent être regroupées autour de deux catégories principales : il existe des menaces « fortuites » et « non fortuites » 23. Le premier groupe comprend principalement les possibles répercussions de la pêche, de la conduite de travaux publics ou privés, des activités industrielles, de la pose de pipelines ou des recherches géologiques. La plupart de ces activités font l’objet de régulations à travers des codes de conduite ou des recommandations d’organismes internationaux. Mais les menaces les plus graves pour le patrimoine culturel subaquatique, que l’on peut classer dans la catégorie des menaces « non fortuites », proviennent de la « chasse aux trésors » et du pillage organisé d’objets archéologiques dans les fonds marins, exercés en raison des énormes bénéfices économiques que peut rapporter le commerce de biens culturels. Ces activités, nuisibles pour le patrimoine culturel subaquatique, sont encouragées 22 Sur ce point, voir L.C. Caflisch, "Submarine Antiquities and the International Law of the Sea", N.Y.I.L., 13 (1982), p. 4. On notera que le nombre impressionnant des sites découverts pose aussi le problème de leur gestion, protection et valorisation. Chaque découverte pose aux professionnels des problèmes sérieux de conservation. Une fois récupérés, les biens doivent être soumis à des traitements dont les coûts sont fort souvent exorbitants, pour éviter leur perte irréversible. Toute fouille sans conservation doit être regardée comme un vandalisme. Comme on l’a affirmé : « l’archéologie subaquatique n’est pas une simple pêche aux amphores ». Cf. Blot, op. cit., p. 46-47. 23 Aznar-Gómez, La protección, cit., p. 33-104. 146 La protection du patrimoine culturel subaquatique par l’application de la « salvage law » et de la « law of finds », propres au droit maritime des pays du common law 24. Il convient de noter que la notion de salvage exige qu’il y ait danger pour le navire, ce qui devrait nous conduire à l’exclure pour les épaves submergées depuis des années, voire des siècles 25. De plus, on doit se demander si l’épave peut encore être considérée comme un navire, étant donné qu’en devenant épave sa fonction principale a complètement changé 26. Naturellement, il faut constater que dans la plupart des cas, derrière la notion de salvage se cache un vrai intérêt commercial et économique 27. 24 L’essence de la « salvage law » repose sur la récompense que le sauveteur (salvor) reçoit pour risquer sa propre vie et ses biens afin de prêter assistance ou de sauver ceux d’autrui d’un danger. Le montant de la récompense dépend de la valeur du bien sauvé et du risque encouru par le sauveteur. Malgré des origines très anciennes (voir à titre d’exemple la Lex Rhodia de jactu chez le Romains – cf. D. Gaurier, Le droit maritime romain, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 97-116), cette institution du droit maritime est connue à notre époque seulement par les pays de tradition anglo-saxonne (common law), où se présente sous plusieurs variantes. Le droit international connaît sa propre notion de « salvage » (traduite en français par le terme d’« assistance »), à laquelle deux conventions internationales sont consacrées. Il s’agit de la Convention pour l’unification de certaines règles en matière d’assistance et de sauvetage maritimes (Bruxelles, 23 septembre 1910) et de la Convention internationale sur l’assistance (Londres le 28 avril 1989). Aux termes de l’article 1, lettre a, de cette dernière, « [o]pération d’assistance signifie tout acte ou activité entrepris pour assister un navire ou tout autre bien en danger dans des eaux navigables ou dans n’importe quelles autres eaux. » Quant à la law of finds, comme l’écrit Strati (The Protection, cit., p. 44), « it grants title to the first party to discover and reduce to possession objects, which have never been owned, or property which is long lost or abandoned ». Il s’agit en tout cas de notions qui n’ont pas d’équivalent dans les autres systèmes juridiques. En droit français, par exemple, comme dans la plupart des pays de tradition de droit civil, il n’existe pas de notion unique mais on a recours à plusieurs notions différentes, telles que l’assistance en mer, le sauvetage, l’enlèvement, le droit de récupérer les épaves, le droit de trésors, etc. Par ailleurs, entre les diverses législations des pays de common law, ces notions présentent quand même des différences notables. 25 Pour cela, plusieurs législations nationales qui connaissent l’application de la salvage law et de la law of finds, telles les législations britannique (Protection of Wrecks Act 1973, section 1) et américaine (Abandoned Shipwreck Act 1987, section 7), en excluent l’application pour les épaves historiques trouvées dans les eaux relevant de leur souveraineté. Le problème naturellement se pose pour les eaux internationales. Dans ce même esprit, la Convention internationale sur l’assistance de 1989 permet d’introduire une réserve à l’application à ces opérations de sauvetage « lorsqu’il s’agit d’un bien maritime culturel présentant un intérêt préhistorique, archéologique ou historique et qui se trouve au fond de la mer » (article 30, paragraphe 1, lettre d). 26 Voir G. Carducci, "The Expanding Protection of Underwater Cultural Heritage : the New Unesco Convention versus Existing International Law", dans G. Camarda et T. Scovazzi (dir.), The Protection of the Underwater Cultural Heritage – Legal Aspects, Milan, Giuffrè, 2002, p. 159. 27 À ce propos, Cassan (op. cit., p. 129) parle d’un « pillage de mieux en mieux organisé et de plus en plus systématisé […] une fouille intense et anarchique par des chasseurs de trésors qui ignorent tout autant les droits de propriété que les méthodes scientifiques de la recherche archéologique ». 147 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques B. La protection du patrimoine culturel subaquatique dans les instruments du droit international de la culture Nous avons déjà fait observer qu’un nombre croissant de textes internationaux sont consacrés à la protection internationale du patrimoine culturel. Toutefois, parmi les instruments adoptés sous l’égide de l’Unesco, à l’exception de la Recommandation de 1956, aucun ne fait explicitement référence au patrimoine culturel subaquatique. La plupart des auteurs considèrent néanmoins que les diverses conventions relatives à la protection du patrimoine culturel peuvent également être appliquées au patrimoine subaquatique 28. En effet, ces textes posent les bases générales du cadre normatif applicable à tous les biens culturels. Par conséquent, en principe, les biens culturels subaquatiques rentrent dans le champ d’application ratione materiæ de ces instruments. Il existe toutefois une limitation très importante, résultant de la théorie de la juridiction territoriale, qui circonscrit leur champ d’application spatial aux biens retrouvés dans les eaux relevant de la souveraineté des États parties, laissant ainsi sans protection tous les biens se trouvant dans les autres espaces marins. À cela s’ajoute une deuxième limitation qui découle des objectifs mêmes de ces instruments. Élaborés afin de protéger des biens « terrestres », ces derniers prévoient des mesures de protection qui ne semblent pas adaptées aux problèmes spécifiques de l’archéologie sous-marine et, par conséquent, ne fournissent pas un modèle satisfaisant de protection pour le patrimoine subaquatique 29. C. La protection du patrimoine culturel subaquatique dans le droit de la mer Le deuxième corps de règles susceptibles de s’appliquer au patrimoine culturel subaquatique est le droit de la mer. Il s’agit d’un ensemble complexe de normes, coutumières et conventionnelles, contenues principalement dans deux séries de textes que nous analyserons dans les pages suivantes : les quatre Conventions de Genève de 1958 (1) et la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 (ci-après : CNUDM) (2). 28 En ce sens, voir Strati, The Protection, cit., 69 ss. Voir également Aznar-Gómez, La protección, cit., p. 106-128 ; Karagiannis, L’archéologie, cit., p. 148 ss. ; L. Migliorino, Il recupero degli oggetti storici ed archeologici nel diritto internazionale, Milan, Giuffrè, 1984, p. 80-84. 29 Voir en ce sens R. Garabello, La Convenzione Unesco sulla protezione del patrimonio culturale subacqueo, Milan, Giuffrè, 2004, p. 32-33. 148 La protection du patrimoine culturel subaquatique 1) Les Conventions de Genève de 1958 On remarquera d’emblée qu’aucune des Conventions de Genève de 1958 ne fait mention du patrimoine culturel subaquatique et la doctrine considère qu’elles ne fournissent pas de base satisfaisante pour la protection du patrimoine culturel subaquatique 30. Les activités subaquatiques étaient à l’époque encore un fait exceptionnel ; il n’est donc pas surprenant que, lors de la codification de 1958, les États n’y aient pas prêté beaucoup d’attention. Cependant, il convient d’observer que plusieurs dispositions contenues dans ces conventions peuvent avoir, d’une manière indirecte, des conséquences sur les objets archéologiques 31. À ce propos, la Convention sur la mer territoriale et la zone contiguë consacre le principe de la souveraineté de l’État côtier sur sa mer territoriale. Son article premier dispose que : « La souveraineté de l’État s’étend, au-delà de son territoire et de ses eaux intérieures, à une zone de mer adjacente à ses côtes, désignée sous le nom de mer territoriale ». De l’exercice de la souveraineté découle le pouvoir de réglementer toutes les activités susceptibles d’avoir lieu dans ces espaces, y compris les activités archéologiques. Une limite à la souveraineté de l’État côtier résulte du droit de passage inoffensif des navires étrangers. On pourrait se demander à ce propos si ce droit peut inclure la recherche archéologique. À notre avis, la réponse à cette question ne peut qu’être négative. Ce serait notamment incompatible avec la définition du passage 32 et avec les conditions requises pour le stoppage et le mouillage 33. On ne peut donc considérer que le passage inoffensif inclut la possibilité de mener des recherches archéologiques. Une deuxième question qui se pose tient au fait que les États côtiers ont le droit de prescrire des conditions pour accéder à leurs ports. Cela est particulièrement important dans le domaine de l’archéologie sous-marine, étant donné que l’accès aux ports détermine, dans une large mesure, le succès d’une activité archéologique. Ainsi, en l’absence d’un régime de protection plus efficace, la formulations de conditions d’entrée dans les ports de l’État 30 Pour tous voir Strati, The Protection, cit., p. 105. Pour une analyse détaillée, nous nous permettons de renvoyer à V. Mainetti, "Considerazioni in tema di esercizio della sovranità archeologica da parte dello Stato costiero", dans Camarda / Scovazzi, op. cit., p. 217-244. 32 L’article 14, paragraphe 2 dispose que : « le passage est le fait de naviguer dans la mer territoriale, soit pour la traverser sans entrer dans les eaux intérieures, soit pour se rendre dans les eaux intérieures, soit pour prendre le large en venant de eaux intérieures ». 33 L’article 14, paragraphe 3 prévoit que le droit de passage inoffensif comprend le droit de stoppage et de mouillage, mais « seulement dans la mesure où l’arrêt ou le mouillage constituent des incidents ordinaires de la navigation ou s’imposent au navire en état de relâche forcée ou de détresse ». 149 31 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques côtier peut représenter une mesure indirecte permettant de régler l’accès aux sites archéologiques se trouvant au-delà de la juridiction étatique 34. Finalement, pour ce qui est de la zone contiguë, l’État côtier pourrait se servir de l’article 24, relatif aux pouvoirs de contrôle de l’État pour des questions douanières, fiscales, sanitaires ou d’immigration, pour empêcher que des navires étrangers essaient d’importer ou d’exporter des biens culturels subaquatiques de son territoire ou de sa mer territoriale, en violation de sa législation fiscale ou douanière. Toutefois, l’article 24 ne pourrait en aucune manière s’appliquer à des objets trouvés au-delà de la mer territoriale 35. Quant à la Convention sur la haute mer, la question la plus importante est de savoir si le principe de la liberté de la haute mer inclut la liberté de conduire des recherches archéologiques ou toute autre activité d’exploration, récupération ou exploitation d’objets archéologiques. À cet égard, il convient d’observer qu’en l’absence de règles interdisant ces activités et eu égard aux intérêts légitimes des autres États, ces dernières doivent être considérées comme un exercice légitime de la liberté des mers. Autrement dit, cela signifie la liberté de « pêcher » à loisir le patrimoine culturel subaquatique. Cela ne représente pas, à notre avis, un modèle idéal de protection. Finalement, la Convention sur le plateau continental, à l’article 2, paragraphe 1, reconnaît à l’État côtier « des droits souverains sur le plateau continental aux fins de l’exploration de celui-ci et de l’exploitation de ses ressources naturelles ». Se pose alors la question de savoir si les droits souverains énoncés dans cette disposition s’étendent aussi au patrimoine culturel subaquatique. Sur ce point une réponse négative s’impose. Au regard de la définition de l’article 2, paragraphe 4, et du contexte général de la Convention, le patrimoine culturel subaquatique ne saurait être considéré comme une « ressource naturelle ». Néanmoins, il convient de signaler qu’un paradoxe résulterait d’une interprétation littérale de ces dispositions. En effet, aux termes de ces dispositions, l’État côtier a le droit souverain et exclusif d’explorer son plateau continental, tandis que ses droits d’exploitation seraient limités à ses ressources naturelles. Si l’on applique cela au patrimoine subaquatique, il en résulterait que toute recherche archéologique sur le plateau continental ne peut être entreprise qu’avec le consentement de l’État côtier, alors que la récupération d’objets archéologiques 34 35 Strati, The Protection, cit., p. 113. Ibidem, p. 161. 150 La protection du patrimoine culturel subaquatique dans cette même zone serait en principe libre, étant donné que de tels objets ne peuvent pas être considérés comme « ressources naturelles » aux termes de l’article 2, paragraphe 4. Ce qui nous conduit à un résultat manifestement incohérent, voire absurde. Un navire étranger pourrait librement récupérer une épave, mais ne serait pas autorisé à la rechercher. Il s’agit d’une interprétation absurde qui doit être rejetée. Comme le remarque très justement le professeur Caflisch, si des États tiers ont le droit de récupérer du plateau continental des antiquités, ils ont a fortiori le droit de les découvrir 36. On pourrait aussi se demander si la recherche archéologique est comprise dans les termes de « recherche scientifique » de l’article 5, paragraphe 1 (dans ce cas, l’exploration et l’exploitation des ressources par l’État côtier ne devrait pas gêner cette recherche) 37 et de « recherches concernant le plateau continental entreprises sur place » de l’article 5, paragraphe 8 (pour lesquelles, le consentement de l’État côtier est nécessaire) 38. À ce propos, la doctrine semble s’accorder pour considérer qu’une telle interprétation serait contraire à l’esprit de la convention, qui limite les droits de l’État côtier sur son plateau continental à l’exploration et à l’exploitation des ressources naturelles 39. En conclusion, il convient d’observer que les Conventions de Genève de 1958 ne peuvent pas être considérées comme satisfaisantes aux fins de la protection du patrimoine culturel subaquatique. Comme le remarque à propos un auteur, la limite extérieure de la mer territoriale délimite l’espace marin à l’intérieur duquel les sites archéologiques peuvent être protégés, à la discrétion de l’État côtier. Au-delà de cette ligne, le seul principe applicable est celui de la liberté des mers, qui se traduit en un « free-for-all-system », lais36 Cf. Caflisch, “Submarine Antiquities”, cit., p. 13-14. Article 5, paragraphe 1 : « L’exploration du plateau continental de l’exploitation de ses ressources naturelles ne doivent pas avoir pour effet de gêner d’une manière injustifiable la navigation, la pêche ou la conservation des ressources biologiques de la mer, ni de gêner les recherches océanographiques fondamentales ou les autres recherches scientifiques effectuées avec l’intention d’en publier les résultats ». 38 Article 5, paragraphe 8 : « Le consentement de l’État riverain doit être obtenu pour toutes recherches touchant le plateau continental entreprises sur place. Toutefois, l’État riverain ne refusera normalement pas son consentement lorsque la demande sera présentée par une institution qualifiée, en vue de recherches de nature purement scientifique concernant les caractéristiques physiques ou biologiques du plateau continental, à condition que l’État riverain puisse, s’il le souhaite, participer à ces recherches ou s’y faire représenter, et qu’en tout cas les résultats en soient publiés. » 39 En ce sens, voir Strati, The Protection, cit., p. 255. Voir également Karagiannis, L’archéologie, cit., p. 341 et Migliorino, Il recupero, cit., p. 130. Il convient d’observer qu’une telle interprétation est en accord avec le commentaire au projet d’article 68 (l’actuel article 2 de la Convention sur le plateau continental) fourni par la Commission du droit international. Voir Annuaire de la Commission du droit international, 1956, p. 298. 151 37 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques sant à tout le monde la liberté d’explorer, récupérer et même détruire les biens archéologiques trouvés dans ces espaces 40. 2) La Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 Face au silence des Conventions de Genève de 1958, la CNUDM constitue un pas en avant vers la protection du patrimoine culturel subaquatique puisqu’elle incorpore deux articles (149 et 303) consacrés aux « objets archéologiques et historiques », ce qui indique la préoccupation naissante des États pour la conservation du patrimoine culturel subaquatique 41. Cependant, le régime qu’elle prévoit demeure plutôt vague et incomplet 42 ; voire, comme d’aucuns le prétendent, susceptible d’aller « à l’encontre de l’objectif même de la protection du patrimoine culturel sous-marin » 43. Il en est ainsi parce que les dispositions en question constituent le fruit d’un compromis péniblement obtenu entre des positions fondamentalement opposées. Il s’agissait en effet de concilier les points de vue antinomiques de ceux qui voulaient accorder plus de compétences aux États côtiers pour protéger le patrimoine culturel subaquatique au-delà de la mer territoriale et de ceux qui 40 Cf. Strati, The Protection, cit., p. 327. Les articles en question ont été l’objet d’analyses méticuleuses de la part de la doctrine, auxquelles nous devons renvoyer. Voir tout particulièrement : N. Ajello, "La ricerca archeologica nell’evoluzione del diritto del mare", dans V. Panuccio (dir.), Ritrovamenti e scoperte di opere d’arte, Milan, Giuffrè, 1989, pp. 102-173 ; A.C. Arend, "Archaeological and Historical Objects : the International Legal Implication of UNCLOS III", V.J.I.L., 22 (1982), p. 779-803 ; J.P. Beurier, "Pour un droit international de l’archéologie sous-marine", R.G.D.I.P., 93 (1989), p. 15-68 ; Caflisch, "Submarine Antiquities", cit., p. 3-32 ; M.C. Ciciriello, "Il patrimonio culturale subacqueo e l’ordinamento italiano", C.I., 53 (1998), p. 7298 ; Frigo, La protezione, cit., p. 159-169 ; M.-C. Giorgi, "Underwater Archaeological and Historical Objects", dans R.J. Dupuy et D. Vignes (dir.), A Handbook on the New Law of the Sea, La Haye, Nijhoff, 1991, p. 561-65 ; M. Hayashi, "Archaeological and Historical Objects under the United Nations Convention on the Law of the Sea", Marine Policy, 20 (1996), p. 291-296 ; Karagiannis, L’archéologie, cit., passim ; L. Migliorino, "Submarine Antiquities and the Law of the Sea", Marine Policy, 20 (1982), p. 1-5 ; Migliorino, Il recupero degli oggetti storici ed archeologici nel diritto internazionale, Milan, Giuffrè, 1984, p. 104 ; B.H. Oxman, "Marine Archaeology and the International Law of the Sea", Columbia V.L.A. Journal of Law and Arts, 12 (1988), p. 353-372 ; Prott / O’Keefe, International Legal Protection, cit., p. 85-102 ; N. Ronzitti, "Stato costiero, archeologia sottomarina e tutela del patrimonio storico sommerso", Il diritto marittimo, 91 (1984), p. 3-24 ; Roucounas, "Sub-Marine Archaeological Research", cit., p. 309-334 ; T. Scovazzi, “A Contradictory and Counterproductive Regime”, dans R. Garabello et T. Scovazzi (dir.), The Protection of Underwater Cultural Heritage, Before and After the 2001 Unesco Convention, Leyde/Boston, Martinus Nijhoff, 2003, p. 3-17 ; Strati, The Protection, cit., p. 103326 ; T. Treves, "Stato costiero e archeologia sottomarina", R.D.I., 76 (1993), p. 698-719. 42 Nous remarquerons en passant que la CNUDM ne se réfère pas même à la notion de patrimoine culturel subaquatique, mais emploie l’expression « objets archéologiques et historiques » qui, n’étant pas définie, est à l’origine de plusieurs problèmes d’interprétation. 43 Cf. T. Scovazzi, "Un remède aux problèmes posés par l’application de la salvage law au patrimoine culturel subaquatique", dans La mer et son droit : Mélanges offerts à L. Lucchini et J.P. Quéneudec, Paris, Pedone, 2003, p. 566. 152 41 La protection du patrimoine culturel subaquatique s’y refusaient, craignant que cela ne soit que le début de la « juridiction rampante » de ces États. a) L’article 303 L’article 303 de la CNUDM, sur les « objets archéologiques et historiques découverts en mer », s’inscrit dans la partie XVI, sur les dispositions générales. Il concerne tous les États et s’applique à toutes les zones marines. Selon cet article : « 1. Les États ont l’obligation de protéger les objets de caractère archéologique ou historique découverts en mer et coopèrent à cette fin. 2. Pour contrôler le commerce de ces objets, l’État côtier peut, en faisant application de l’article 33, considérer que leur enlèvement du fond de la mer dans la zone visée à cet article, sans son approbation, serait cause d’une infraction sur son territoire ou dans sa mer territoriale, aux lois et règlements de l’État côtier visés à ce même article. 3. Le présent article ne porte atteinte ni aux droits des propriétaires identifiables, au droit de récupérer des épaves et aux autres règles du droit maritime ni aux lois et pratiques en matière d’échanges culturels. 4. Le présent article est sans préjudice des autres accords internationaux et règles de droit international concernant la protection des objets de caractère archéologique ou historique. » On constate tout d’abord que l’article 303, paragraphe 1, impose une double obligation aux États, de protéger les objets archéologiques et historiques et de coopérer à cette fin. Malgré sa teneur vague et abstraite, on peut considérer cette disposition comme déclaratoire d’une norme coutumière préexistante qui impose aux États de respecter les biens culturels où qu’ils se trouvent et de coopérer entre eux à cette fin 44. Une telle obligation, en dépit de son caractère très général, n’est pas dépourvue de contenu ni de conséquences juridiques 45. Une obligation de protection implique au minimum un devoir de s’abstenir de tout acte susceptible d’endommager ou détruire le patrimoine subaquatique. De plus, il faudrait considérer cette obligation à la lumière des textes pertinents relatifs au patrimoine culturel. Ainsi, cette disposition nous apparaît sous une toute autre lumière, comme exigeant un programme positif de gestion. Bien que la CNUDM ne le spécifie pas, l’obligation de protéger les objets archéologiques et historiques semble inclure une série 44 45 Carducci, "The Expanding", cit., p. 138. Scovazzi, "A Contradictory", cit., p. 4. 153 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques d’activités, à savoir l’entretien des sites et des monuments connus, la conduite de fouilles archéologiques en conformité avec les critères scientifiques, la conservation et le catalogage du matériel éventuellement récupéré et la publication des résultats des recherches effectuées 46. Quant à l’obligation de coopérer, nous avons déjà eu l’occasion d’observer qu’il s’agit d’un des principes fondamentaux en matière de protection du patrimoine culturel. En l’espèce, il implique non seulement un devoir de concourir de bonne foi à la réalisation d’un objectif commun, mais de prendre également en compte les intérêts légitimes des autres États 47. Le deuxième paragraphe de l’article 303, qui doit être lu à la lumière de l’article 33, est en quelque sorte la disposition centrale de cet article 48 et constitue l’un des apports les plus importants de la CNUDM à la protection du patrimoine culturel subaquatique puisqu’il semble autoriser la création d’une sorte de « zone archéologique » (ou d’une zone contiguë quasi archéologique) 49, même si cela n’est possible que par le biais d’une fiction juridique. Cette disposition est le fruit d’un compromis entre positions complètement opposées 50, ce qui explique son libellé tortueux et ambigu. Il va sans dire que le résultat de ce compromis demeure fortement réducteur par rapport aux propositions originaires qui envisageaient des pouvoirs exclusifs pour l’État côtier en matière d’objets archéologiques et historiques sur le plateau continental 51. 46 En ce sens, voir P. O’Keefe et J.A.R. Nafziger, “The Draft Convention on the Protection of Underwater Cultural Heritage”, O.D.I.L., 25 (1994), p. 393. 47 Scovazzi, "A Contradictory", cit., p. 4. 48 Caflisch, "Submarine Antiquities", cit, p. 19. 49 Il convient de remarquer que l’expression « zone archéologique » a été employée pour la première fois par T. Treves (« La nona sessione della Conferenza del diritto del mare », R.D.I., 63 (1980), p. 423-463). Également parmi les premiers, Caflisch ("Submarine Antiquities", cit., p. 20) a parlé de « full-fledged archaeological zone ». 50 Il convient de signaler que le problème était que sous le manteau d’une meilleure protection des antiquités on cherchait en réalité à étendre les compétences de l’État côtier dans la zone économique exclusive et plus particulièrement à créer dans cette zone une compétence législative de l’État. La grande vertu de la solution envisagée est que les pouvoirs de l’État côtier en matière d’objets archéologiques et historiques restent limités à la zone contiguë et ne s’étendent au reste de la zone économique exclusive, ce qui explique l’accord avec les puissances maritimes, les États sans littoral et les États géographiquement désavantagés. 51 Voir à cet égard les propositions présentées à la Conférence par six États (Cap-Vert, Grèce, Italie, Malte, Portugal et Yougoslavie). Cf. Doc. A/CONF.62/C.2/Informal Meeting/43 + Rev.1, 2 et 3, respectivement du 16 et 21 août 1979 et 19 et 27 mars 1980. Les textes sont publiés dans Migliorino, Il recupero, cit., p. 201-204. 154 La protection du patrimoine culturel subaquatique L’article 303, paragraphe 2, vise les objets archéologiques qui se trouvent dans la zone contiguë, c’est-à-dire entre la limite extérieure de la mer territoriale et jusqu’à la limite des 24 milles marins. Selon cette disposition, l’enlèvement de ces objets dans cette zone peut être considéré par l’État côtier comme une « infraction sur son territoire ou dans sa mer territoriale, aux lois et règlements de l’État côtier » visés à l’article 33, c’est-à-dire une infraction aux lois et règlements « douaniers, fiscaux, sanitaires ou d’immigration » 52. Ainsi, même si ce raisonnement se base sur une fiction juridique, la plupart des auteurs considèrent que cet article autorise les États à établir une nouvelle zone fonctionnelle de 24 milles marins, la zone archéologique, qui pourrait même être établie indépendamment de la zone contiguë 53. Toutefois, si l’État côtier jouit de pouvoirs de contrôle sur l’enlèvement de tels objets, l’étendue et le contenu de ces pouvoirs n’est pas clair 54. Ce manque de clarté et de précision n’est pas le fruit du hasard : face Il convient de noter que les États ont fait preuve d’une grande prudence à cet égard. Jusqu’à présent très peu parmi eux se sont servis de cette possibilité. A titre d’exemple, nous signalons deux États méditerranéens : la France (loi n° 89-874 du 1er décembre 1989) et la Tunisie (lois n. 86-35 du 9 mai 1986 et n. 89-21 du 22 février 1989). Il convient toutefois de remarquer que les deux pays mentionnés n’ont pas parlé de « zone archéologique », mais tout simplement de zone contiguë. 52 Voir l’article 33, paragraphe 1, lettre a. Non sans ironie, le professeur Scovazzi s’exprime ainsi à propos de l’article 303, paragraphe 2 : « Under the UNCLOS logic, it is only as a consequence of the competences that it can already exercise in the fight against cigarette smugglers, clandestine immigrants and infectious patients that the coastal State can exercise some other competences for the protection of the underwater cultural heritage located within 12 n.m. from the shore! The wisdom of such a logic, that implies that underwater cultural heritage cannot be protected per se, is not fully convincing, to say the least ». Scovazzi, “A Contradictory”, cit., p. 5 53 La doctrine n’a pas perdu l’occasion de remarquer que les pouvoirs découlant de cette disposition, dont la nature est très différente par rapport aux fonctions exercées par l’État côtier dans la zone contiguë ex article 33, permettent de parler d’une nouvelle zone de juridiction : la zone archéologique. Voir en ce sens Caflisch, "Submarine Antiquities", cit., p. 332 ; S. Karagiannis, « Une nouvelle zone de juridiction : la zone archéologique maritime », Espaces et ressources maritimes, 4 (1990), p. 1-26 ; U. Leanza, Nuovi saggi di diritto del mare, Turin, Giappichelli, 1988, p. 35 ss. et p. 43 ss. ; U. Leanza, « Zona archeologica marina », dans Francioni / Del Vecchio / De Caterini, op. cit., p. 41-69 ; Migliorino, Il recupero, cit., p. 149 ss. ; Roucounas, « Sub-Marine Archaeological Research », cit., p. 309-334 ; Strati, The Protection, cit., p. 162 ss. ; Treves, « Stato costiero », cit., p. 704 ss. D’autres auteurs ont manifesté un avis contraire à l’idée d’une nouvelle zone de juridiction, la considérant comme le fruit d’une interprétation trop extensive et allant au-delà du sens ordinaire des termes de l’article. En ce sens, voir notamment Oxman, op. cit., p. 364 ; Arend, op. cit., p. 779-803. Plus récemment, voir J. Allain, “Maritime Wrecks : Where the lex ferenda of Underwater Cultural Heritage Collides with the lex lata of the Law of the Sea”, V.J.I.L., 28 (1998), p. 747-775. 54 Scovazzi, “Un remède”, cit., p. 566. On pourrait, par exemple, se demander quels seraient les droits de l’État côtier si ces objets n’étaient pas enlevés, mais détruits « par exemple, par une entreprise ayant obtenu une autorisation pour exploiter les ressources minérales du fond de la mer ». Ibidem. Selon Strati (The Protection, cit., p. 168) toutefois : « the recognition of more extended rights is possible [...]. The coastal State is, thus, by the operation of article 303(1) and by the recognition of its competence to control traffic in archaeological objects in substance authorised to extend its [heritage] laws to the area concerned for the purpose of protecting them ». 155 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques au groupe d’États qui désiraient avoir plus de compétences en ce qui concerne la protection du patrimoine culturel subaquatique dans cette zone, les grandes puissances maritimes craignaient que ces compétences soient utilisées pour élargir la juridiction de l’État côtier au-delà de sa mer territoriale. Le résultat est une disposition assez obscure et ambiguë, qui ne fait que refléter la « crainte d’une abstraction, telle que la juridiction rampante des États côtiers (horror jurisdictionis) » 55. Si le contenu du deuxième paragraphe est obscur, celui du paragraphe 3 est encore plus controversé et peut être lu comme allant à l’encontre de la protection du patrimoine culturel subaquatique. En effet, cette disposition semble assujettir l’obligation de protéger les objets archéologiques et historiques à l’application d’une catégorie bien différente de règles, à savoir les « droits des propriétaires identifiables, au droit de récupérer des épaves et aux autres règles du droit maritime, [et] aux lois et pratiques en matière d’échanges culturels ». Cette référence « au droit de récupérer des épaves et autres règles du droit maritime » est à plusieurs égards problématique. Tout d’abord, on se trouve devant une difficulté de traduction, la version anglaise parle de « law of salvage and other rules of admiralty ». Mais c’est surtout la question de fond qui pose problème. En effet, l’application de la « law of salvage » et de la « law of finds », très souvent motivée par le profit économique, porte dans la plupart des cas préjudice au patrimoine culturel subaquatique. Leur inclusion dans l’article 303 ne fait qu’aggraver les dangers d’activités nuisibles au patrimoine culturel subaquatique. Comme l’a très pertinemment écrit le professeur Scovazzi, cette obscure référence « au droit de récupérer des épaves et autres règles du droit maritime » court le risque de justifier l’application d’un « first-come-first-served or freedom-of-fishing approach which can only serve the interest of private commercial gain » 56. Une telle interprétation nous semble toutefois susceptible de mener à un résultat absurde. Même si le danger existe, nous croyons que cette disposition ne devrait pas être interprétée comme autorisant la conduite d’activités foncièrement incompatibles avec la protection du patrimoine culturel subaquatique et donc comme une négation de l’obligation contenue à l’article 303, paragraphe 1. 55 Scovazzi, “Un remède”, cit., p. 567. Scovazzi, « A Contradictory », cit., p. 8-9. Cet auteur poursuit en affirmant : « This worsens the already sad picture of Art. 303 of the UNCLOS. Does this provision, while apparently protecting the underwater cultural heritage, strengthen a regime which results in the destination of much of this heritage for commercial purposes ? Does Art. 303 give an overarching status to a body of rules that cannot provide any sensible tool for the protection of the heritage in question ? The doubt is far from being trivial ». 156 56 La protection du patrimoine culturel subaquatique Pour résoudre ce problème, Strati propose une interprétation de cette disposition à la lumière d’un critère temporel permettant de déterminer les objets sur lesquels la « salvage law » pourrait être appliquée ou exclue 57. En définitive, il faut reconnaître qu’il n’y a rien dans l’article 303 qui indique que l’on devrait privilégier les intérêts des compagnies de sauvetage commercial au lieu de l’intérêt général à la protection du patrimoine culturel subaquatique. Une telle interprétation serait contraire à l’esprit même du paragraphe premier de ce même article. Il serait à notre avis illogique de considérer cette référence à la « salvage law » comme un droit de récupérer librement les épaves historiques. Pour cela, l’emploi d’un critère temporel, comme l’ancienneté de cent ans, par exemple, pourrait avoir un double avantage, puisque permettrait, d’un côté, d’établir une limite raisonnable à l’application de la « salvage law » et, de l’autre, d’interpréter la notion « d’objets archéologiques et historiques », auxquels un régime de protection devrait s’appliquer. Il y aurait là une autre lecture possible de ce paragraphe qui a le mérite de ne pas remettre en question l’obligation générale de l’article 303, paragraphe 1. Finalement, la dernière disposition de l’article 303 fait référence aux « autres accords internationaux et règles de droit international concernant la protection des objets de caractère archéologique ou historique ». Elle établit par conséquent des liens entre cet article et d’autres accords, présents ou futurs, relatifs au patrimoine culturel subaquatique, rendant ainsi souhaitable l’élaboration de nouveaux instruments plus cohérents et efficaces dans ce domaine 58. b) L’article 149 Le second article de la CNUDM à faire référence aux objets archéologiques et historiques est l’article 149 qui s’applique aux fonds marins et leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale. Il se trouve dans la section II de la partie XI sur les « principes régissant la Zone ». Cet article se lit comme suit : « Tous les objets de caractère archéologique ou historique trouvés dans la Zone sont conservés ou cédés dans l’intérêt de l’humanité toute entière, compte tenu en particulier des droits préférentiels de l’État ou du pays 57 Strati, The Protection, cit., p. 173. Comme l’écrit Scovazzi (« Un remède », cit., p. 570) : « On peut trouver des perspectives de solution aux graves inconvénients de l’art. 303 dans son paragraphe 4 [...]. Le régime de protection du patrimoine culturel sous-marin résultant de la CNUDM est tellement insuffisant que même la Convention de Montego Bay envisage la possibilité de l’améliorer dans un proche avenir ». 157 58 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques d’origine, ou de l’État d’origine culturelle, ou encore de l’État d’origine historique ou archéologique ». On constate tout d’abord que les objets archéologiques et historiques trouvés dans la zone, malgré l’obligation générale de les conserver dans l’intérêt de l’humanité tout entière, ne sont pas considérés comme « patrimoine commun de l’humanité » au même titre que les ressources minérales trouvées dans la zone, et cela malgré les propositions avancées lors de la Conférence par la Grèce et la Turquie 59. L’Autorité des fonds marins internationaux n’est donc pas compétente pour agir en tant qu’administratrice de ces objets, ce qui est considéré comme un échec par plusieurs auteurs 60. Selon le professeur Caflisch, le texte de l’article 149 constitue la pire solution possible, car il implique le complet abandon de l’idée d’un patrimoine commun de l’humanité, laissé à la merci des États individuellement considérés. De plus, le contenu de cet article est très vague et ambigu. Le sens même des termes « conservés ou cédés » en devient assez obscur. Cette disposition n’indique pas de quelle manière cette « conservation ou cession » pourrait s’effectuer « dans l’intérêt de l’humanité tout entière » et n’indique pas non plus des mécanismes relatifs à son application. La référence aux « droits préférentiels de l’État ou du pays d’origine, ou de l’État d’origine culturelle, ou encore de l’État d’origine historique ou archéologique » pose également des problèmes d’interprétation. On pourrait effectivement se demander quelle est la différence entre l’« État ou du pays d’origine, ou de l’État d’origine culturelle, ou encore de l’État d’origine historique ou archéologique ». De plus, cet article ne prévoit aucun critère permettant de résoudre les conflits éventuels entre les États titulaires de ces « droits préférentiels ». c) Un régime de protection lacunaire Pour terminer cette analyse du droit de la mer, il convient maintenant de tracer un bilan sommaire du régime de protection du patrimoine culturel subaquatique offert par la CNUDM. Nous le ferons en effectuant un survol rapide des différentes zones maritimes établies par la CNUDM du point de vue de la protection du patrimoine culturel subaquatique. À ce propos, il 59 Voir les textes de ces propositions dans Migliorino, Il recupero, cit., p. 198-201. Cependant, Strati (The Protection, cit., p. 312) considère que : « [T]here is nothing in the 1982 Convention to prevent the Authority form undertaking protective measures in exercising its resource-jurisdiction in the Area. Such measures should not be regarded as an expansion of its competence over archaeological objects but as an application of the duty to protect archaeological and historical objects found at sea established by article 303(1) ». 158 60 La protection du patrimoine culturel subaquatique convient de remarquer que la subdivision des espaces marins en diverses zones fonctionnelles empêche toute reconstruction d’un régime unitaire pour le patrimoine culturel subaquatique. Il faudra ainsi apprécier la situation en distinguant entre : 1) les espaces relevant de la souveraineté de l’État côtier (eaux intérieures ; mer territoriale ; eaux archipélagiques) ; 2) les espaces où l’État côtier exerce des compétences (zone contiguë ; zone économique exclusive ; plateau continental) ; et enfin 3) les espaces au-delà de la juridiction étatique (la haute mer et la zone des fonds marins internationaux). En ce qui concerne la première catégorie d’espaces, l’État côtier dans l’exercice de sa souveraineté est le seul État compétent pour entreprendre ou autoriser des activités de recherche archéologique. Comme on l’a vu auparavant, le droit de passage inoffensif, qui doit être « continu et rapide » 61, ne peut pas être interprété comme autorisant l’exercice d’activités de recherche archéologique 62. La protection du patrimoine culturel subaquatique dépend donc de l’adoption de la part de l’État côtier d’une législation cohérente à ce sujet. Pour ce qui est de la deuxième catégorie d’espaces, nous avons remarqué que l’innovation la plus importante de la CNUDM est qu’elle autorise, moyennant une fiction juridique, l’établissement d’une zone archéologique pouvant s’étendre jusqu’à 24 milles marins, comme la zone contiguë. Toutefois, à partir de la limite extérieure de cette zone (ou bien de celle de la mer territoriale si cette zone n’a pas été établie), et jusqu’à la zone, la situation du patrimoine culturel subaquatique demeure indéterminée. L’absence de dispositions concernant le patrimoine culturel subaquatique découvert au-delà des vingt-quatre milles, sur le plateau continental ou dans la zone économique exclusive, est une des lacunes les plus graves de la CNUDM. Ce vide juridique peut constituer une véritable menace pour la protection de ce patrimoine, puisqu’il semble « évoquer l’idée abstraite de la liberté de la mer et de son corollaire "premier arrivé, mieux servi" » 63. En effet, vu que les objets archéologiques et historiques ne peuvent pas être considérés comme rentrant dans la définition de ressources naturelles, les droits attribués à l’État côtier sur son plateau continental n’incluent pas les activités archéologiques. Ainsi, à partir de la ligne des 24 milles marins et jusqu’à la zone, on se trouve en présence d’une « zone grise », où la 61 Article 18, paragraphe 2, de la CNUDM. Les mêmes conclusions valent mutatis mutandis pour le droit de passage en transit dans les détroits et pour le passage archipélagique dans les eaux archipélagiques. Voir les articles 39, 40, 53 et 54 de la CNUDM. 63 Scovazzi, “Un remède”, cit., p. 567. 159 62 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques CNUDM n’attribue des droits ni à l’État côtier, ni à l’État du pavillon. Les biens culturels trouvés dans ces espaces ne jouissent d’aucune protection et risquent, par conséquent, d’être soumis au régime traditionnel de la liberté de la haute mer, qui est à ce propos le plus insatisfaisant et dangereux des régimes 64. Il convient néanmoins d’observer qu’à l’intérieur de la zone économique exclusive, la CNUDM envisage la possibilité d’activités résiduelles, dont la compétence serait concurrente entre l’État côtier et les autres États. Tel est certainement le cas des interventions sur le patrimoine culturel subaquatique. En cas de conflit entre les intérêts de l’État côtier et ceux d’autres États à propos des activités archéologiques, il faudra chercher une solution « sur la base de l’équité et eu égard à toutes les circonstances pertinentes », comme prévoit l’article 59. Quant aux espaces au-delà de la juridiction étatique, par le biais de son article 149, la CNUDM se limite à prévoir une disposition assez générale et vague, aux termes de laquelle toute activité sur les objets archéologiques et historiques devrait être menée « dans l’intérêt de l’humanité tout entière » en tenant compte des « droits préférentiels » des États intéressés. Elle n’établit toutefois ni des mécanismes, ni des institutions pour l’application de ce principe. On observera que s’il est vrai que la CNUDM marque un tournant dans le domaine de la protection du patrimoine culturel subaquatique, tout d’abord par l’imposition de l’obligation de protéger le patrimoine culturel subaquatique et de coopérer à cette fin, ensuite par la possibilité qui est offerte aux États d’instituer une zone archéologique marine pouvant aller jusqu’aux 24 milles marins, le système créé est néanmoins incomplet et parfois contradictoire. Non seulement doit-on faire face à des concepts non définis (la notion d’objets archéologiques et historiques elle-même, ou bien celle des droits préférentiels de l’État ou pays d’origine, ou l’État d’origine culturelle…), mais surtout, la clause de l’article 303, paragraphe 3, concernant le « droit de récupérer les épaves et les autres règles de droit maritime » (law of salvage), fait planer des ombres inquiétantes sur le sort du patrimoine culturel subaquatique. Au vu des considérations rapides que nous venons d’esquisser, il semble possible d’affirmer l’insuffisance et l’inefficacité du régime de protection prévu par la CNUDM, si bien que l’on peut parler de règles de valeur sur- 64 Strati, The Protection, cit., p. 265. 160 La protection du patrimoine culturel subaquatique 65 tout rhétorique . Loin de prévoir un régime complet de protection, la CNUDM constitue plutôt un rappel au problème. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que cet instrument n’a jamais eu l’ambition de résoudre en quelques lignes les problèmes complexes que cette matière soulève. Comme pour d’autres activités maritimes, la Convention renvoie à d’autres accords internationaux, déjà conclus ou à conclure (article 303, paragraphe 4) 66. La conclusion de nouveaux accords en la matière se justifient du reste à la lumière de l’obligation de protection et de coopération prévue à l’article 303, paragraphe 1 67. D. Les démarches du Conseil de l’Europe Le Conseil de l’Europe a été la première organisation régionale à s’intéresser à la protection du patrimoine culturel subaquatique. Déjà en 1977, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe demanda à sa Commission de la culture et de l’éducation de préparer un rapport sur le sujet. Ce texte, connu sous le nom de Rapport Roper, fut publié en 1978 68. Il contient un examen approfondi de la nature et de l’importance scientifique de l’archéologie sous-marine, des divers problèmes concernant la protection du patrimoine culturel subaquatique, ainsi que des mesures législatives adoptées par les États membres du Conseil de l’Europe en la matière. Du point de vue juridique, il fixe une série de conditions minimales, nécessaires afin d’assurer une protection efficace. Après la publication du Rapport Roper, le Conseil de l’Europe entreprit plusieurs démarches et adopta divers instruments internationaux en vue de protéger le patrimoine culturel subaquatique, notamment la Recommandation 848 (1978), le Projet de convention européenne de 1985, la Convention de La Valette de 1992 et la Recommandation 1486 (2000). Ces instruments seront analysés ci-après. 65 En ce sens, voir : Ajello, op. cit., p. 170 ; Caflisch, « Submarine Antiquities », cit., p. 32 ; Frigo, La protezione, cit., p. 167 ; Migliorino, Il recupero, cit., p. 104 ; Strati, The Protection, cit., p. 314. A cet égard, Karagiannis (L’archéologie, cit, p. 619) parle même de « soft law ». 66 Sur ce point, voir Caflisch, « Submarine Antiquities », cit., p. 22 ; Migliorino, Il recupero, cit., p. 151. 67 Il convient également de mentionner que la CNUDM prévoit également la possibilité de conclure des accords régionaux spécifiques. L’article 123, relatif aux mers fermées ou semifermées, encourage les États riverains de tels bassins à coopérer dans « l’exécution des obligations qui sont leur en vertu de la Convention », parmi lesquelles on trouve la « protection des objets archéologiques et historiques découverts en mer ». 68 Cf. Conseil de l’Europe, Patrimoine culturel subaquatique – Rapport de la Commission de la Culture et de l’Education (Rapporteur M. John Roper), Doc. 4200-F, Strasbourg, 1978. 161 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques 1) La Recommandation 848 (1978) et le Projet de convention européenne de 1985 La Recommandation 848 (1978) relative au patrimoine culturel subaquatique 69 constitue le premier instrument spécifiquement consacré à ce sujet. Il va sans dire que ce texte n’a aucune valeur contraignante, s’agissant d’une simple recommandation. Cependant, c’est un document courageux et de grande importance, qui doit être regardé comme la première tentative d’établir des principes régionaux en la matière 70. Tout en reconnaissant la valeur du patrimoine culturel subaquatique 71, la Recommandation 848 (1978) se propose d’exercer une action positive aux niveaux national et européen. En ce qui concerne le premier niveau, cet instrument insiste sur la nécessité de réviser et d’actualiser les législations nationales existantes. À ce propos, l’Annexe contient une liste des « normes légales minimales » qui devraient être adoptées par les pays membres. Quant au niveau européen, le Comité des Ministres est invité à accomplir les démarches nécessaires en vue d’élaborer une convention ouverte à tous les États membres du Conseil de l’Europe ainsi qu’à tout État non membre riverain des mers européennes. Malheureusement, les souhaits exprimés par cette Recommandation n’ont pas été exaucés. Un projet de convention européenne sur la protection du patrimoine culturel subaquatique 72 a été effectivement adopté en 69 Recommandation n. 848 (1978) relative au patrimoine culturel subaquatique, adoptée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe - Strasbourg, le 4 octobre 1978. Pour le texte, voir Migliorino, Il recupero, cit., p. 207-209. 70 Pour une étude de ce texte, voir : Migliorino, Il recupero, cit., p. 78 ; Strati, The Protection, cit., p. 87 ; G. Vedovato, « La tutela de patrimonio archeologico subacqueo », Rivista di studi di politica internazionale, 60 (1993), p. 569-580. 71 Cet instrument contient une série d’éléments qui devraient apparaître dans une définition de patrimoine culturel subaquatique. Plus particulièrement, elle fait référence à « tous les objets séjournant sous l’eau depuis plus de cent ans, mais avec la possibilité d’exclure de façon discrétionnaire les objets ou antiquités de moindre importance, une fois qu’ils auront convenablement été étudiés et enregistrés, et d’inclure des objets plus récents mais importants sur le plan historique ou artistique ». 72 Le texte du projet est facilement consultable dans sa version préliminaire de 1984. Cf. Doc DIR/JUR(84)1 du 24 juin 1984. La version finale du Projet est au contraire soumise à des restrictions. Cette dernière version que nous avons consultée en langue anglaise est par ailleurs sensiblement différente à la précédente. Cf. Doc. CAHAQ(85)5 du 23 avril 1985. Pour une analyse approfondie du Projet, voir : J. Blake, « The Protection of the Underwater Cultural Heritage », I.C.L.Q., 45 (1996), p. 824-826 ; Depasquale, op. cit., p. 64-79 ; U. Leanza, « The Territorial Scope of the Draft European Convention on the Protection of the Underwater Cultural Heritage », dans Council of Europe, International Legal Protection of Cultural Property (Proceedings of the Thirteenth Colloquy on European Law - Delphi, 20-22 September 1983), Strasbourg, 1984, p. 127-130 ; Leanza, Zona archeologica, cit., p. 41-69 ; Migliorino, « In Situ Protection of the Underwater Cultural Heritage under International Treaties and National Legislation », I.J.M.C.L., 10 (1995), p. 483-495 ; Strati, The Protection, cit., passim. 162 La protection du patrimoine culturel subaquatique 1985 par un Comité ad hoc d’experts 73 et envoyé par la suite au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Cependant, ce texte n’a jamais été ouvert à la signature en raison d’un désaccord sur son champ d’application spatial 74. La portée géographique du projet de convention de 1985 (article 2) était, en effet, l’aspect le plus problématique de ce texte, car il s’agissait de déterminer l’étendue des compétences des États côtiers en matière de patrimoine culturel subaquatique, au-delà de la mer territoriale 75. Lors de sa rédaction, trois solutions furent proposées : 1) limiter cette compétence à la mer territoriale ; 2) l’étendre à la zone contiguë ; 3) l’étendre au plateau continental ou à la zone économique exclusive, ou en tout cas aux deux cents milles marins 76. La deuxième solution fut retenue, malgré le fait que ce choix était très restrictif par rapport à ce que proposait la Recommandation 848 (1978) 77. Par ailleurs, il convient d’observer que les États européens furent largement influencés dans leur décision par l’adoption de l’article 303, paragraphe 2, de la CNUDM qui représentait à leurs yeux une solution de compromis utile. L’article 2 du projet reflète presque parfaitement cette dernière disposition et, par conséquent, partage les mêmes difficultés d’interprétation, notamment celles liées à l’emploi d’une présomption 73 Le Comité ad hoc d’experts sur le patrimoine culturel subaquatique (le CAHAQ) était composé d’archéologues et de juristes et travailla à l’élaboration d’un Projet de convention de 1980 à 1985. Lors de sa sixième réunion, tenue à Strasbourg du 25 février au 1er mars 1985, le CAHAQ adopta son rapport final qui contenait un Projet de convention et un projet de rapport explicatif à cette convention. Cf. Council of Europe, Ad Hoc Committee of Experts on the Underwater Cultural Heritage (CAHAQ), Final Activity Report, Doc. CAHAQ(85)5, Strasbourg, le 23 avril 1985. 74 Le processus d’adoption du Projet fut bloqué par l’impossibilité d’obtenir l’unanimité en raison des objections turques aux dispositions contenues dans l’article 2, concernant le champ d’application spatial du Projet, et à cause des problèmes greco-turcs dans la mer Egée. Voir Blake, “The Protection”, cit., p. 824-825. Pour la position de la Turquie, voir le Minority Statement by Turkish Expert, in Doc. CAHAQ(85)5, cit., p. 33-34. Il faut remarquer que pour qu’un texte soit adopté par le Comité des Ministres, il suffirait une majorité des 2/3. Mais la pratique du Conseil de l’Europe veut que la décision d’ouvrir un projet à la signature soit prise à l’unanimité. Cf. Beurier, op. cit., p. 48. 75 Cf. Leanza, Nuovi saggi, cit., p. 35-36 ; Leanza, Le nouveau, cit., p. 313-314. 76 Cf. Gnagnarella et Di Fonzo, « La sfera di applicazione spaziale della Convenzione europea sulla protezione del patrimonio culturale subacqueo », rapport présenté au séminaire « La protezione del patrimonio culturale subacqueo nel Mediterraneo » (Anacapri, le 1er octobre 1994), p. 8 ; Leanza, « The Territorial », cit., p. 127. 77 Le paragraphe 6 (b) de la Recommandation 848 (1978) recommandait la négociation d’un accord prévoyant la création de zones nationales de protection culturelles de deux cents milles marins. Il est à noter que si la notion de zone de protection culturelle de deux cents milles avait été adoptée par les États membres du Conseil de l’Europe, le précédent ainsi créé aurait constitué « une base assez solide pour la généralisation d’une règle du droit international ». Cf. L.V. Prott et P.J. O’Keefe, « Le droit et l’archéologie subaquatique », dans Unesco, La sauvegarde du patrimoine culturel subaquatique, Paris, Unesco, 1984, p. 186. 163 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques pour fonder les pouvoirs de l’État côtier en matière de protection du patrimoine culturel subaquatique dans une zone de vingt-quatre milles 78. Le projet s’efforce de pallier les inconvénients d’un tel choix limitatif. L’article 17 prévoit que les États, dans l’exercice de leur compétence aux fins de l’exploration et de l’exploitation des ressources naturelles sur leur plateau continental, prennent les mesures appropriées en vue de protéger le patrimoine culturel subaquatique, conformément aux objectifs du projet 79. En outre, l’article 6, paragraphe 3, fait appel au principe de nationalité comme base de juridiction. À cette fin, chaque Partie est encouragée à « exiger de ses ressortissants qu’ils signalent à ses autorités compétentes toute découverte […] effectuée dans un lieu où aucun État n’exerce sa compétence ». Cependant, force est de constater qu’il s’agit d’une disposition facultative. Le projet de 1985 contient également d’autres nouveautés. En particulier, il a le mérite d’avoir donné une définition précise de la notion de patrimoine culturel subaquatique. L’article 1 considère comme « biens culturels subaquatiques » : « les vestiges et objets ou toutes autres traces d’une présence humaine situés entièrement ou en partie dans la mer, les lacs, les cours d’eau, ou dans des zones de marées ou toutes autres zones inondées périodiquement, ou récupérés dans un tel environnement, ou rejetés sur le rivage ». En vue de leur détermination concrète, il ajoute également un critère objectif d’âge, suivant lequel seuls sont protégés les biens ayant une ancienneté minimale de cent ans. Les Parties peuvent néanmoins « prévoir que de tels biens ayant moins de cent ans bénéficieront de la même protection ». En outre, pour la première fois le principe fondamental de la conservation in situ est proclamé, accompagné par l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires afin de préserver les biens éventuellement récupérés (article 5). Par ailleurs, la promotion de la recherche archéologique sousmarine constitue une autre priorité du projet. Les Parties, par conséquent, s’engagent à prévoir une formation adéquate pour les personnes concer78 Il est à observer que l’article 2 contient néanmoins une clarification importante par rapport à l’article 303, paragraphe 2, de la CNUDM, lorsqu’il affirme expressément que pour exercer ces pouvoirs, l’État côtier doit d’abord déclarer une zone contiguë. Sur ce point, voir Depasquale, op. cit., p. 69. 79 En ce qui concerne la pratique méditerranéenne, certains États ont adopté des mesures de ce type. À cet égard, voir la loi n. 468 du 10-12 novembre 1976 relative à la prospection, exploration et exploitation des hydrocarbures, adoptée par la Grèce ; la loi n. 5713 du 10 février 1953 sur les aires sous-marines, adoptée par Israël ; et la loi pétrolière libyenne du 21 avril 1995, adoptée par la Libye. Cf. U. Leanza et L. Sico (dir.), Mediterranean Continental Shelf, Dobbs Ferry-New York, 1988 ; M.L. Pecoraro, « Il regime giuridico della ricerca archeologica marina nell’ambito della ZEE », dans U. Leanza et L. Sico (dir.), Zona economica esclusiva e mare Mediterraneo, Naples, Editoriale Scientifica, 1989, p. 157 ss. 164 La protection du patrimoine culturel subaquatique nées, ainsi qu’à octroyer des autorisations, sur la base de considérations scientifiques, à la conduite d’opérations de recherche sous-marine « afin d’assurer que seules des personnes compétentes utilisant un équipement adéquat soient habilitées à effectuer ces opérations ». Le projet cherche également à mettre en œuvre une obligation générale de coopération dans le but de combattre les activités nuisibles au patrimoine culturel subaquatique, notamment le trafic illicite de biens culturels. À cet égard, les Parties s’engagent à fournir des preuves de toute exportation licite (article 12), à mettre en place un système de notification et d’échange d’informations pour faciliter la localisation de biens qui seraient illicitement déplacés (articles 13 ; 15 et 16), ainsi qu’à prendre « les mesures qui s’avèrent possibles » aux fins de la restitution à l’État d’origine des biens illicitement récupérés ou exportés (article 14) 80. En conclusion, nous pouvons affirmer que, malgré le caractère assoupli de certaines de ses dispositions par rapport aux propositions plus avancées de la Recommandation 848 (1978), le projet de convention européenne de 1985 a constitué un progrès non négligeable dans la recherche d’un régime cohérent de protection. Il faut également constater que sa non-ouverture à la signature a été une importante occasion manquée. L’effort accompli n’a néanmoins pas été inutile, car il a représenté une source d’inspiration pour la formulation de textes qui ont mené, presque vingt ans après, à l’adoption de la Convention de l’Unesco de 2001. 2) La Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée) (La Valette, le 16 janvier 1992) L’échec du processus d’adoption du projet de 1985 et la nécessité de faire face aux nouvelles menaces posées au patrimoine archéologique ont conduit le Conseil de l’Europe à réviser la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (Londres, le 6 mai 1969) 81 et à adopter la nouvelle Convention européenne pour la protection du patri80 Il convient de noter que l’article 14 ne prévoit pas une véritable obligation de restitution. Comme le souligne le projet de rapport explicatif, la formule qui a été adoptée est une solution de compromis. Cf. Doc. CAHAQ(85)5, cit., p. 31. Il est possible d’affirmer que, suivant cette disposition, les biens illicitement récupérés ou exportés seront restitués à l’État d’origine seulement lorsque la législation interne des Parties le permet et si cela représente une solution possible, compte tenu des circonstances. 81 S.T.E. n. 66. Entrée en vigueur le 20 novembre 1970, cette Convention a été ratifiée par 24 États. Cependant, 11 États l’ont dénoncée pour ratifier la Convention révisée de 1992. Pour le texte, voir à l’adresse internet http ://www.conventions.coe.int. Cf. Council of Europe, Compendium of basic texts of the Council of Europe in the field of cultural heritage, Strasbourg, 1998, p. 79-92. 165 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques moine archéologique (révisée) (La Valette, le 16 janvier 1992) 82. Ce dernier instrument est la consécration, sur le plan international, de plus de vingt ans de coopération européenne en matière de protection du patrimoine archéologique terrestre et établit un cadre renouvelé de coopération qui se voit élargi au patrimoine subaquatique 83. L’extension de la protection aux biens et aux sites subaquatiques représente un trait caractéristique de la Convention de La Valette de 1992, et c’est sous cette lumière que celle-ci doit être analysée 84. La nouveauté principale de cet instrument consiste en l’extension de son champ d’application ratione materiæ et ratione loci. Concernant le premier aspect, sont considérés comme éléments du patrimoine archéologique, aux fins de la Convention, « tous les vestiges, biens et autres traces de l’existence de l’humanité dans le passé » tels que « les structures, constructions, ensembles architecturaux, sites aménagés, témoins mobiliers, monuments d’autre nature, ainsi que leur contexte, […] situés dans le sol ou sous les eaux » (article 1). Il faut noter que cette disposition utilise, à la place du terme « biens », l’expression bien plus large « éléments » pour désigner l’objet de la protection. Comme le souligne le Rapport explicatif, « ce ne sont pas seulement les objets qui ont de l’importance. Tout témoignage, de quelque nature qu’il soit, capable d’éclairer le passé de l’humanité est important » 85. En outre, elle met l’accent sur l’exigence de protéger aussi le contexte où ces éléments se trouvent, car les objets, hors de leur contexte, perdent souvent toute valeur scientifique 86. Relativement au champ d’application ratione loci, la Convention de La Valette s’applique au patrimoine archéologique dont « l’implantation se situe 82 S.T.E. n. 143. Entrée en vigueur le 25 mai 1995, cette Convention compte désormais 28 États parties, dont 2 États non membres du Conseil de l’Europe. Il est pertinent de noter que la Convention est ouverte à la signature des seuls États membres du Conseil de l’Europe (article 14). Cependant d’autres États peuvent être invités à adhérer par le Comité des Ministres (article 15). Cette considération pourrait être importante pour la Méditerranée, si le Comité des Ministres décidait d’inviter à adhérer les États riverains de cette mer. Pour le texte de la Convention, cf. Council of Europe, Compendium, cit., p. 127-137. 83 À ce propos, il faut remarquer que le préambule de la Convention se réfère expressivement à la Recommandation 848 (1978). 84 En effet, cette Convention est inspirée à une conception d’unité substantielle entre archéologie terrestre et archéologie subaquatique. Cf. Vedovato, op. cit., p. 572-574. 85 Voir le commentaire à l’article 1, dans Protection du patrimoine archéologique. Rapport explicatif de la Convention révisée ouverte à la signature le 16 janvier 1992, Strasbourg, 1993, p. 6. 86 Cf. J.-F. Poli, « Commentaire de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée), Malte, 16 janvier 1992 », Actualité législative Dalloz, 1994, p. 176. 166 La protection du patrimoine culturel subaquatique dans tout espace relevant de la juridiction des Parties » 87. Cela signifie qu’elle n’est pas limitée à la seule mer territoriale mais qu’elle pourrait s’étendre à la zone contiguë, au plateau continental et à la zone économique exclusive 88. On notera que cette disposition a pour effet de ne pas déterminer avec précision le champ d’application spatial de la Convention, qui est laissé à la discrétion des Parties. Comme le signale le Rapport explicatif, les États membres du Conseil de l’Europe montrent à cet égard une attitude très variée. Quelques-uns restreignent leur juridiction sur les épaves à la mer territoriale, alors que d’autres l’étendent au plateau continental. La Convention révisée tient compte de ces différences « sans se prononcer pour l’une ou pour l’autre » solution 89, faisant ainsi preuve d’une grande flexibilité. Quant à ses dispositions matérielles, la Convention de La Valette prévoit un cadre juridique et institutionnel pour la coopération européenne en matière de patrimoine archéologique. En ce qui concerne le cadre juridique, il nous paraît important de mentionner une série des principes régissant la matière, notamment : la préservation in situ (article 4), la conservation intégrée (article 5) 90 et la coopération mutuelle (articles 6, 7 et 12). D’un point de vue plus concret, les États parties s’engagent à dresser un inventaire de leur patrimoine archéologique et à classer les monuments et les sites (article 2) ; à mettre en œuvre des procédures d’autorisation et de contrôle de fouilles ou d’autres activités archéologiques afin de prévenir toute fouille illicite ou entreprise de manière non scientifique (article 3) ; et, finalement, à mettre en œuvre des « mesures de protection physiques » (sic !) du patrimoine archéologique (article 4). La Convention prévoit également la possibilité de créer de zones de réserves archéologiques (article 2) ; l’adoption de mesures de prévention de la 87 Article 1, paragraphe 2, (iii). Voir Blake, « The Protection », cit., p. 828 ; Strati, The Protection, cit., p. 80 ss. Il faut d’ailleurs noter que les États de la Méditerranée se sont montrés plutôt réticents à établir des zones économiques exclusives. Toutefois, il faut signaler qu’il y a des exceptions. Par exemple, Malte, l’Algérie et le Maroc se sont dotés de zones de pêche ou de zones économiques exclusives. Ces dernières années, l’Espagne s’est notamment dotée d’une zone de protection de la pêche (ZPP) (Real Decreto 1315/1997). Sur ce point, voir V.L. GutierrezCastillo et E.M. Vázquez-Gómez, « La zone de protection de la pêche établie par l’Espagne en Méditerranée », Espaces et ressources maritimes, 13 (1999-2000), p. 207-231. 89 Cf. Rapport explicatif, cit., p. 6. 90 La notion de conservation intégrée se réfère à la prise en compte de divers intérêts manifestés à l’égard du patrimoine archéologique (intérêt scientifique, intérêt du public, etc.) et, plus particulièrement, aux politiques de planification, à la consultation systématique entre archéologues, urbanistes et aménageurs du territoire, à la nécessité d’études d’impact sur l’environnement et à la préférabilité de la conservation in situ des biens trouvés. Sur ce thème, voir Vedovato, op. cit., p. 575. 167 88 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques circulation illicite d’éléments du patrimoine archéologique (articles 10 et 11) ; et l’assistance technique et scientifique mutuelle (article 12). Quant à l’aspect institutionnel, la Convention prévoit la création d’un comité d’experts chargé de suivre son application. Après son entrée en vigueur, le Comité des Ministres a confié ce rôle au Comité Directeur du Patrimoine Culturel (CDPAT), qui est maintenant appelé à promouvoir la mise en œuvre de cette Convention et à fonctionner comme centre d’impulsion et de coordination des politiques du patrimoine archéologique en Europe. En conclusion, il est permis d’affirmer que la Convention de La Valette renferme plusieurs dispositions qui pourraient contribuer à la protection du patrimoine culturel subaquatique, si seulement elles étaient mises en œuvre par les Parties. En effet, l’inconvénient principal de ce texte est son langage très peu contraignant. Ses dispositions sont plutôt des lignes directrices que de véritables obligations 91. On ajoutera qu’il s’agit d’un instrument visant le patrimoine archéologique en général, orienté plutôt vers la réglementation de l’archéologie terrestre. Par conséquent, il ne tient pas compte des problèmes propres à l’archéologie subaquatique, qui pourraient être résolus seulement moyennant un texte consacré spécifiquement à cette matière 92. 3) La Recommandation 1486 (2000) Le Conseil de l’Europe est récemment revenu sur la question. Le 9 novembre 2000, à la suite d’un nouveau rapport de la Commission de la culture et de l’éducation (le Rapport O’Hara) 93, l’Assemblée parlementaire a adopté la Recommandation 1486 (2000), relative à la protection du patrimoine culturel maritime et fluvial 94. Il convient de remarquer d’emblée que le titre de cet instrument énonce un nouveau concept. Comme l’explique M. O’Hara dans son Rapport, d’une part, il reconnaît expressément l’importance des sites fluviaux. De l’autre, il admet que le patrimoine culturel maritime et fluvial comprend bien plus que les sites submergés. Il s’étend 91 Cf. Strati, The Protection, cit., p. 81. En cela la Convention de La Valette partage les mêmes difficultés que d’autres textes conventionnels adoptés par le Conseil de l’Europe en matière de protection des biens culturels. 92 Cf. Depasquale, op. cit., p. 61. 93 Cf. Conseil de l’Europe, Patrimoine culturel maritime et fluvial – Rapport de la Commission de la Culture et de l’Education (Rapporteur M. Edward O’Hara), Doc. 8867-F, Strasbourg, le 12 octobre 2000. 94 La Recommandation 1486 (2000) relative à la protection du patrimoine culturel maritime et fluvial, adoptée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Strasbourg, le 9 novembre 2000. Pour le texte, voir à l’adresse internet : http ://assembly.coe.int. 168 La protection du patrimoine culturel subaquatique aussi aux traditions, telles que les techniques de construction, les arts et la musique populaires 95. Quant au contenu de la Recommandation 1486 (2000), il est utile de signaler trois objectifs qui nous semblent importants pour l’action future de l’Organisation : 1) encourager les États membres à légiférer afin de protéger le patrimoine culturel subaquatique, notamment « contre les opérations commerciales et/ou de récupération non autorisées dans leurs eaux intérieures, mers territoriales, zones contiguës, les plateaux continentaux et les zones exclusives économiques » ; 2) associer le Conseil de l’Europe à l’élaboration de conventions internationales ou de tout autre instrument sur le patrimoine culturel subaquatique (notamment en collaboration avec l’Unesco) ; 3) encourager la coopération régionale entre les pays (membres ou non du Conseil de l’Europe) riverains des mers européennes, notamment par « la conclusion d’accords bilatéraux ou multilatéraux qui peuvent être plus rigoureux que des accords universels » 96. L’importance d’une telle coopération entre l’Europe et les autres pays de la Méditerranée a été dernièrement réaffirmée par le Conseil de l’Europe dans deux documents adoptés le 28 janvier 2003. Il s’agit de la Résolution 1313 (2003) et de la Recommandation 1590 (2003), consacrées à la coopération culturelle entre l’Europe et les pays du sud de la Méditerranée 97, par lesquelles l’Assemblée parlementaire recommande au Comité des Ministres de « considérer cette coopération comme une des priorités de l’Organisation » et de « développer des projets communs dans les domaines de l’archéologie et de la sauvegarde du patrimoine ». 95 Cf. Doc. 8867-F, cit., § 2. 4. Cf. Point 13 de la Recommandation 1486 (2000). 97 Résolution 1313 (2003) et Recommandation 1590 (2003), relatives à la coopération culturelle entre l’Europe et les pays du sud de la Méditerranée, adoptées par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe le 28 janvier 2003. Sur cette question, voir Conseil de l’Europe, Coopération culturelle entre l’Europe et les pays du sud de la Méditerranée – Rapport de la Commission de la Culture, de la Science et de l’Education (Rapporteur M. Lluís Maria de Puig), Doc. 9626-F, Strasbourg, le 8 novembre 2002. 169 96 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques E. Les moyens de protection offerts par les instruments relatifs à la protection de l’environnement marin (en particulier par la Convention de Barcelone) 1) Le Programme d’action sur les mers régionales Une des solutions proposées afin de protéger le patrimoine culturel subaquatique a été de l’associer à la sauvegarde du milieu marin 98. La protection conjointe des éléments naturels et culturels représente une solution très intéressante, surtout parce qu’elle a le mérite d’étendre au patrimoine culturel toute une série de mesures déjà instaurées pour protéger l’environnement 99. À ce propos, il convient de noter que plusieurs instruments adoptés dans le cadre du Programme des Nations unies pour les mers régionales 100 font référence à la possibilité de créer des « zones spécialement protégées » non seulement pour préserver l’environnement marin, mais également afin de sauvegarder des sites de valeur esthétique, historique, archéologique ou culturelle 101. 98 En ce sens, voir A. Blanco-Bazán, « The IMO Guidelines on Particular Sensitive Sea Areas (PSSAs). Their Possible Application to the Protection of the Underwater Cultural Heritage”, Marine Policy, 20 (1996), p. 343-349. Sur le débat actuel au niveau européen, voir : Blake, « The Protection », cit., p. 829-831. 99 La combinaison protection de la nature/protection de la culture peut donner lieu à des régimes de protection originaux. C’est le cas de la Convention de l’Unesco concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel (Paris, 16 novembre 1972). Le Conseil de l’Europe a également adopté un instrument qui combine la protection de la nature avec celle du patrimoine culturel. Il s’agit de la Convention européenne du paysage (Florence, le 20 octobre 2000) - STE n. 176, qui protège les paysages « dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations » (article 1). 100 Le Programme sur les mers régionales, lancé en 1974 par le Programmes des Nations unies sur l’environnement (PNUE) à la suite de la Conférence de Stockholm de 1972 sur l’environnement humain, couvre à l’heure actuelle dix-huit mers régionales. La plupart de ces programmes fonctionnent sur la base de programmes d’action, mais dans plusieurs régions des conventions spécifiques ont été adoptées. 101 La création d’aires spécialement a été recommandée aussi par l’OMI dans sa Résolution A.720(17) du 6 novembre 1991 sur les lignes directrices pour la désignation et l’identification des aires marines particulièrement sensibles. Parmi les critères énumérés pour justifier la désignation d’une PSSA, la Résolution A.720(17) fait référence à des motivations d’ordre social, culturel (§3.3.6), scientifique et éducatif (§3.3.7) et, à l’intérieur de cette dernière catégorie, à l’importance historique et/ou archéologique d’une aire (§3.3.7.4). Il faut toutefois observer que, bien que les lignes directrices énumèrent la valeur historique et archéologique parmi les critères qui justifient la création de PSSA, cette référence s’avère marginale. Le but principal de cet instrument est d’éviter les risques et les dommages au milieu marin. En effet, la protection du patrimoine culturel subaquatique ne rentre pas dans les objectifs majeurs de l’OMI. Par ailleurs, il est important de souligner que, lors de la révision des lignes directrices contenues dans la Résolution A.720(17) qui a été amendée par la Résolution A.885(21) du 25 novembre 1999 et par la Résolution A.927(22), aucune autre référence au patrimoine culturel subaquatique n’a été faite. Cela confirme que la protection de ce dernier est un objectif secondaire. 170 La protection du patrimoine culturel subaquatique Dans cette catégorie rentrent notamment la Convention sur la protection du Pacifique du Sud (Apia, 12 juin 1976) ; le Protocole sur la conservation et la gestion des zones marines et côtières du Pacifique du Sud-Est (Paipa, 21 septembre 1989) ; le Protocole à la Convention de Cartagena de Indias de 1987 relatif aux aires spécialement protégées et la vie sauvage des Caraïbes (Kingston, 18 janvier 1990). Mais le système le plus intéressant est celui établi dans le cadre de la mer Méditerranée par la Convention de Barcelone et ces protocoles additionnels. C’est sur lui que nous allons focaliser notre attention. 2) Le Système de Barcelone Dans le cadre de la Méditerranée, la coopération en matière d’environnement trouve ses racines dans le système de protection mis en place par la Convention de Barcelone de 1976 pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution et ses protocoles additionnels 102. Tous ces instruments forment ce qu’on appelle le « Système de Barcelone » 103. La Conven102 À l’origine de la Convention de Barcelone de 1976 on trouve le Plan d’action pour la Méditerranée (PAM), adopté par les États riverains de la Méditerranée le 4 février 1975, dans le cadre de la stratégie régionale du Programme de Nations unies pour l’environnement (PNUE). Cf. U. Leanza, « Le régime juridique international de la mer Méditerranée », R.C.A.D.I, 236 (1992-V), p. 384-385. 103 Pour le texte de la Convention et de ses Protocoles, voir : L. Boisson-de-Chazournes, R. Desgagné et C. Romano (dir.), Protection internationale de l’environnement : recueil d’instruments juridiques, Paris, Pedone, 1998. Pour les textes plus récents, voir à l’adresse internet : http ://www.unepmap.org. La doctrine relative au « Système de Barcelone » est assez vaste. Voir sur le sujet : A. Manos, « The Convention and Regional Co-operation for the Protection of the Mediterranean Sea Against Pollution », dans B. Vukas (dir.), Essays on the New Law of the Sea, Zagreb, Sveučilišana naklada Liber, 1985, p. 457-475 ; U. Leanza, « The Regional System of Protection of the Mediterranean Against Pollution », dans Leanza, Il regime, cit., p. 381-412 ; B. Vukas, « The Protection of the Mediterranen Sea Against Pollution », dans ibidem, p. 413-433 ; M. Dejeant-Pons, La Méditerranée en droit international de l’environnement, Paris, Economica, 1990 ; M. Dejeant-Pons, « Les Protocoles à la Convention de Barcelone du 16 février 1976 pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution », dans U. Leanza (dir.), Le Convenzioni internazionali sulla protezione del Mediterraneo contro l’inquinamento marino (Actes du Séminaire de Anacapri, 24-25 juin 1991), Naples, Editoriale Scientifica, 1992, p. 43-80 ; E. Raftopoulos, « The Barcelona Convention System for the Protection of the Mediterranean Sea against Pollution : An International Trust at Work », International Journal of Estuarine & Coastal Law, 7 (1992), p. 27-41 ; Leanza, Le régime juridique, cit., p. 378-411 ; V. Bou-Franch et M. Badenes-Casino, « La protección internacional de zonas y especies en la region Mediterrànea », Anuario de Derecho Internacional, 13 (1997), p. 33129 ; J. Juste-Ruiz, « L’évolution des conventions régionales protégeant l’environnement marin de l’Atlantique du Nord-Est et de la Méditerranée », dans J.-P. Beurier, A.-C. Kiss et S. Mahmoudi (dir.), New Technologies and the Law of the Marine Environment, Londres, Kluwer, 1999, p. 137-172 ; T. Scovazzi, « Regional Cooperation in the Field of the Environment », dans T. Scovazzi (dir.), Marine Specially Protected Areas, the General Aspects and the Mediterranean Regional System, La Haye, Nijhoff, 1999, p. 81-89 ; T. Scovazzi, « The Protection of the Marine Environment in the Mediterranean : Ideas Behind the Updating of the "Barcelona System" », dans G. Cataldi (dir.), La Méditerranée et le droit de la mer à l’aube du 21e siècle - Actes du 171 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques tion citée est un traité-cadre, qui est intégré et complété par une série de Protocoles additionnels concernant les problèmes spécifiques à l’environnement du bassin méditerranéen. Créé sous les auspices du Programme de Nations unies pour l’environnement (PNUE), le Système de Barcelone organise une préservation globale du milieu marin et suit en cela l’évolution politique internationale en matière de protection de l’environnement. En effet, le cadre juridique mis en place à Barcelone, développé par la suite au travers des Protocoles additionnels, ne se limite pas à la simple lutte contre la pollution, mais vise de manière plus générale la protection et la gestion du milieu marin de la Méditerranée 104. Le système de la Convention de Barcelone est caractérisé principalement par son évolution, dont chaque Protocole additionnel constitue une mise à jour et une intégration continue 105. À travers cette méthode, des questions et des solutions nouvelles, qui n’étaient pas envisagées dans le cadre de la Convention originaire, sont introduites, pourvu qu’elles répondent aux objectifs fondamentaux de cette dernière 106. Parmi les Protocoles additionnels, deux font spécifiquement référence au patrimoine culturel subaquatique et méritent par conséquent d’être analysés. Il s’agit du Protocole relatif aux aires spécialement protégées de la Méditerranée (Genève, 3 avril 1982) 107 et du Protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée (Barcelone, 10 juin 1995) 108. colloque inaugural de l’Association Internationale du Droit de la Mer (Naples, 22 et 23 mars 2001), Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 269-273. 104 Voir Dejeant-Pons, « Les Protocoles », cit., p. 42-43. 105 Une telle évolution continue est assurée par le biais de protocoles additionnels, d’amendements (à la convention principale ou aux protocoles additionnels), et d’accords locaux ou sous-régionaux. A ce propos, Raftopoulos (op. cit., p. 27) a affirmé que le Système de la Convention de Barcelone « constitutes an international trust ; the implementation of its public purpose requires a continuously evolving permanent structure ». Sur l’évolution du Système de Barcelone, voir Juste-Ruiz, « L’évolution », cit., p. 159-170. 106 Par ailleurs, il convient de remarquer que le nombre des Protocoles additionnels susceptibles d’être élaborés semble dès lors illimité. Cf. Dejeant-Pons, « Les Protocoles », cit., p. 45. Une telle possibilité découle de la nature de « Trust Duty » des obligations de protection et de coopération sur lesquels le système est fondé. Cf. Raftopoulos, op. cit., p. 32. 107 Le Protocole de 1982 est entré en vigueur le 23 mars 1986. Au 1er février 2003, il avait été ratifié par 21 Parties. Cf. le site internet : http ://www.unepmap. org/pdf/statusofsignatures.pdf. 108 Conformément à son article 32, le Protocole de 1995 est appelé à remplacer le Protocole de 1982, à partir de la date de son entrée en vigueur et dans les rapports entre les Parties aux deux instruments. Le Protocole de 1995 est entré en vigueur le 12 décembre 1999 et, au 1er février 2003, il avait été ratifié par 11 Parties. 172 La protection du patrimoine culturel subaquatique a) Le Protocole relatif aux aires spécialement protégées de la Méditerranée (Genève, 3 avril 1982) L’objectif du Protocole de 1982, comme l’affirme son préambule, est de contribuer à la protection et à l’amélioration non seulement de l’état des ressources et des sites naturels de la Méditerranée, mais aussi de l’état du patrimoine culturel de la région, notamment par la création d’aires spécialement protégées. En vertu de cet instrument, les Parties s’engagent à prendre « toutes les mesures appropriées en vue de protéger les aires marines importantes […] pour la sauvegarde de leur patrimoine culturel dans la région » (article 1, paragraphe 1). Les conditions pour la création de ces aires sont définies à l’article 3. Des aires spécialement protégées peuvent être créées dans le but de sauvegarder, entre autres, « des sites présentant une importance particulière en raison de leur intérêt scientifique, esthétique, historique, archéologique, culturel ou éducatif ». La possibilité de créer des aires spécialement protégées en présence de sites de valeur culturelle est sans doute très importante et constitue une extension des objectifs originaires envisagés par la Convention de Barcelone. Comme on l’a remarqué, le Protocole de Genève n’appartient pas à la catégorie des « conventions réglementaires » 109, mais se limite à suggérer une réglementation éventuelle à travers l’adoption d’un système d’interdictions et d’autorisations préalables, délivrées par les autorités nationales responsables. À ce propos, l’article 7 énumère les mesures que les États contractants pourraient inclure dans leurs réglementations relatives aux aires protégées 110. Parmi les mesures appropriées que les États peuvent adopter afin de sauvegarder les biens culturels, figurent : « i) la réglementation de toute activité archéologique et l’enlèvement de tout objet pouvant être considéré comme un bien archéologique ; j) la réglementation du commerce, de l’importation et de l’exportation […] d’objets archéologiques provenant des aires protégées et soumis à des mesures de protection. » En outre, les Parties sont encouragées à intensifier les activités de recherche scientifique (article 10). À cet égard, le Protocole contient une notion de 109 Selon Dejeant-Pons (« Les Protocoles », cit., p. 74), le Protocole n’interdit pas ou ne soumet pas à autorisation préalable l’exercice de certaines activités, mais il formule simplement le principe de leur interdiction et de leur réglementation. 110 La tâche de les transformer en règles contraignantes est donc confiée aux États Parties. Sur la nature des obligations incombant à l’État côtier en matière de protection du patrimoine subaquatique dans les espaces relevant de sa souveraineté, voir les considérations plus approfondies que nous avons développées dans une autre étude : Mainetti, « Considerazioni », cit., p. 217-244. 173 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques recherche scientifique plus large que celle envisagée par la CNUDM 111, car la recherche archéologique y est incluse 112. De plus, les Parties sont encouragées à mener des actions d’information du public sur la valeur des aires protégées et, dans le cas de sites culturels, sur leur importance archéologique (article 11). L’objectif principal de cette disposition est de sensibiliser et de responsabiliser le public vis-à-vis des mesures de protection. Cependant, il est à observer que la publication des résultats des recherches archéologiques peut avoir aussi des conséquences négatives du fait que les sites sous-marins ne peuvent pas être surveillés de la même manière que les sites terrestres et font souvent l’objet d’activités de pillage et de fouilles illicites. La divulgation des informations pouvant présenter des dangers pour la conservation in situ des biens archéologiques, devra donc avoir lieu cum grano salis et dans les conditions appropriées à chaque situation 113. Le Protocole de Genève est complété par d’autres dispositions. Parmi les plus importantes, il faut rappeler celles concernant la mise en place d’une obligation générale de coopération. À cette fin, les Parties s’engagent à établir « dans la mesure du possible, un programme de coopération afin de coordonner la création, la planification, la gestion et la conservation des aires protégées, en vue de constituer un réseau d’aires protégées dans la région de la mer Méditerranée » (article 12). En outre, elles doivent procéder à un échange régulier d’informations et des renseignements scientifiques et techniques (article 13) ainsi qu’« élaborer et mettre en œuvre des programmes d’assistance mutuelle » (article 15). Pour donner une évaluation d’ensemble de cet instrument, nous pouvons affirmer que, malgré la présence de plusieurs dispositions positives pour la protection du patrimoine culturel subaquatique, sa portée est très affaiblie en raison de son champ d’application spatiale qui est limité aux eaux territoriales des États Parties (article 2). En outre, le Protocole de Genève ne prévoit aucune mesure de protection directement applicable à l’intérieur des aires protégées, mais le statut juridique de celles-ci relève d’actions que les Parties peuvent adopter de façon discrétionnaire 114. 111 Voir la Partie XIII de la CNUDM. Sur la distinction entre les notions de recherche scientifique maritime et de recherche archéologique aux termes de la CNUDM, voir : Caflisch, « Submarine Antiquities », cit., p. 23 ; Migliorino, Il recupero, cit.. p. 132 et 157-158 ; Strati, The Protection, cit., p. 42-43 ; Treves, « Stato costiero », cit., p. 710. Contra, voir Castagné, op. cit., p. 172. 113 En ce sens, voir Roucounas, « Sub-Marine Archaeological Research », cit., p. 320 ; et aussi Depasquale, op. cit., p. 47. 114 Cf. Bou-Franch et Badenes-Casino, op. cit., p. 67. 174 112 La protection du patrimoine culturel subaquatique b) Le Protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée (Barcelone, 10 juin 1995) Ce sont précisément ces limites qui ont poussé les États riverains de la Méditerranée à adopter un nouveau protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique. Au fur et à mesure que les lacunes du Protocole de Genève devenaient évidentes, les Parties ont essayé d’y remédier. Ainsi, en 1985 un Centre d’activités régionales pour les aires spécialement protégées (CARASP) a été créé à Tunis 115. Le CARASP constitue le point de référence central pour la récolte et la diffusion des informations ainsi que pour l’assistance aux États Parties dans la sélection, création et gestion des aires protégées. Après 1992, les États riverains de la Méditerranée décidèrent d’entreprendre une révision profonde non seulement du Protocole de 1982, mais aussi de tout le système de Barcelone 116, afin d’y incorporer les nouveautés introduites par la Conférence de Rio de 1992 117 et plus particulièrement par la Convention sur la conservation de la diversité biologique (Rio de Janeiro, le 5 juin 1992). Finalement, le 10 juin 1995, après une série de réunions préparatoires, de nouveaux instruments politiques et juridiques pour la protection du milieu marin et le développement durable du bassin méditerranéen furent adoptés. D’une part, on amendait le texte de la Convention de Barcelone et, de l’autre, un nouveau Protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée fut adopté 118. Force est de constater que ce ne sont pas des motifs liés à la sauvegarde du patrimoine culturel subaquatique qui ont poussé les États à élaborer cet instrument, mais les problèmes relatifs à la préservation de l’environnement marin 119. Les considérations culturelles demeurent donc purement accessoires. Cependant, même si aucune nouvelle disposition visant l’archéologie subaquatique ne figure dans le texte, ce patrimoine bénéficie des améliorations du régime général des aires spécialement protégées apportées par le nouvel instrument. 115 Le RACSPA est entré officiellement en activité en 1987. En fait, le 10 juin 1995, jour de l’adoption du nouveau Protocole, ont été adoptés aussi les amendements à la Convention ainsi qu’à deux autres Protocoles. Voir Scovazzi, “Regional”, cit., p. 82-83. 117 Conférence de Nations unies sur l’environnement et le développement (Rio de Janeiro, 3-14 juin 1992). 118 Conformément à l’article 16 du Protocole, le texte de ce dernier a été intégré par trois Annexes, adoptées lors d’une réunion des plénipotentiaires qui s’est tenue à Monaco, le 24 novembre 1996. Ces annexes font partie intégrante du Protocole. 119 Depasquale, op. cit., p. 50-51. 175 116 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques Tout comme celui de 1982, le nouveau Protocole poursuit l’objectif de « protéger […] et améliorer l’état du patrimoine naturel et culturel méditerranéen en particulier par la création d’aires spécialement protégées » 120. À ce propos, l’article 3, paragraphe 1, établit une obligation générale pour les Parties de prendre les mesures nécessaires en vue de « protéger, préserver et gérer de manière durable et respectueuse de l’environnement les espaces ayant une valeur naturelle ou culturelle particulière, notamment par la création d’aires spécialement protégées » 121. La partie II du Protocole est consacrée à la création des aires spécialement protégées et prévoit à cet égard la distinction entre « aires spécialement protégées » (première section) et « aires spécialement protégées d’importance méditerranéenne » (ASPIM) (deuxième section). La première section inclut presque toutes les dispositions déjà établies par le Protocole de 1982. L’article 4 stipule que ces aires ont pour objectif de sauvegarder, inter alia : « d) les sites présentant une importance particulière en raison de leur intérêt scientifique, esthétique, culturel ou éducatif » 122. Il convient d’observer que cette disposition reprend dans son libellé l’article 3 du Protocole de 1982, à l’exception des attributs « archéologique » et « historique » qui ne figurent plus dans la nouvelle formulation. Néanmoins, cette disparition ne semble pas poser de problèmes majeurs. On serait même tenté d’argumenter qu’en réalité ces deux adjectifs étaient superflus, compte tenu de la présence du qualificatif « culturel » qui, par sa nature « omnivore » et inclusive, englobe « tous les aspects intellectuels, les comportements et les activités de la vie humaine en société, présente et passée » 123, auxquels l’histoire et l’archéologie s’attachent. Force est donc de constater que ces deux termes entrent dans la portée de cette expression 124. La grande nouveauté introduite par le Protocole de 1995 est l’adoption d’un champ d’application spatial plus vaste. Celui-ci n’est plus limité à la 120 Préambule, troisième alinéa. La création d’aires spécialement protégées n’est pas la seule manière pour protéger, préserver et gérer les espaces ayant une valeur naturelle et culturelle. Par exemple, en ce qui concerne notre matière, dans le cadre du Plan d’Action pour la Méditerranée (PAM), un programme d’études et de sauvegarde du patrimoine culturel a été mis en place. Il s’agit du Programme des 100 sites historiques. Voir PNUE, Rapport d’évolution du Programme des 100 sites, Athènes, 2001. 122 Cette disposition est analogue à celle de l’article 3 du Protocole de 1982. 123 Cf. Depasquale, op. cit., p. 53. 124 Cette solution ne semble pas partagée par Garabello (La Convenzione, cit., p. 38), qui considère au contraire que le nouveau Protocole de 1995 restreint les motivations qui peuvent entraîner la création d’une aire spécialement protégée. Selon cet auteur, aux termes de l’article 4 du Protocole, par « culturel » il faut entendre seulement un intérêt purement scientifique, ce qui nous éloignerait des motivations de protection archéologique. 176 121 La protection du patrimoine culturel subaquatique mer territoriale des États Parties mais peut s’étendre à tout espace maritime ou côtier relevant de leur souveraineté et de leur juridiction (article 5, paragraphe 1). Une autre modification positive introduite par le nouveau texte concerne le renforcement général du langage. Le Protocole de 1995 prévoit deux types de mesures de protection que les Parties devraient adopter afin de s’acquitter de leurs obligations. Il s’agit, d’un côté, de mesures de réglementation et d’interdiction de certaines activités susceptibles de porter atteinte à l’intégrité des aires protégées (article 6) 125 et, de l’autre, de mesures de planification, de gestion, de surveillance et de contrôle (article 7) 126. Enfin, dans la deuxième section de sa partie II, le Protocole de 1995 prévoit la création d’une catégorie spéciale : les « aires spécialement protégées d’importance méditerranéenne » (ASPIM). À cet égard, les Parties s’engagent à établir une liste de telles aires, dénommée « Liste des ASPIM » (article 8, paragraphe 1) 127. Si nous examinons cette disposition, nous constatons immédiatement que son but est « de promouvoir la coopération en matière de gestion et de conservation des aires naturelles et de protection des espèces menacées et de leurs habitats » et non pas de protéger le patrimoine culturel subaquatique. Cependant, selon la disposition suivante, peuvent figurer sur cette liste les sites qui, inter alia, présentent « un intérêt particulier sur les plans scientifique, esthétique, culturel ou éducatif » (article 8, paragraphe 2) 128. 125 L’article 6 du Protocole de 1995 suit de près l’article 7 du Protocole de 1982. Cependant, il faut remarquer que les références à la réglementation des activités archéologiques et au commerce d’objets archéologiques, qui existaient dans article 7, ont été remplacées par la disposition moins précise, mais certainement plus générale, de l’article 6 du nouveau Protocole. Cette disposition prévoit « la réglementation et si nécessaire l’interdiction de toute autre activité ou acte pouvant […] porter atteinte aux caractéristiques naturelles ou culturelles de l’aire spécialement protégée » (article 6, lettre h). 126 Il faut par ailleurs observer que l’article 7 du Protocole de 1995 fait référence à la notion de gestion intégrée des aires spécialement protégées. Cf. Bou-Franch et Badenes-Casino, op. cit., p. 79. 127 L’inscription sur la Liste est en outre réglée par l’Annexe I contenant les Critères communs pour le choix des aires maritimes et côtières protégées susceptibles d’être inscrites sur la Liste des ASPIM. 128 Il faut signaler, à cet égard, l’opinion contraire exprimée par Depasquale (op. cit., p. 5355), qui considère que la création d’ASPIM ne serait pas admissible en vue de protéger le patrimoine culturel subaquatique. Suivant cet auteur, l’expression « culturel » doit être interprétée ici à la lumière de l’objectif principal de l’article 8, à savoir la gestion et la conservation des aires naturelles et la protection des espèces menacées et de leurs habitats. Le seul aspect culturel qui pourrait donc être pris en compte est, d’après lui, « celui relatif à la préservation des traditions des gens qui habitent dans les zones côtières des États membres et qui gardent une relation très étroite avec la mer ». Cf. Ibidem, p. 54. À notre avis, une telle interprétation ne semble pas convaincante. A cet égard, nous croyons qu’il est nécessaire de prendre en considération les autres dispositions contenues dans le Protocole. Une attention 177 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques Les différences existantes entre les aires spécialement protégées et les ASPIM s’appuient non seulement sur l’importance de ces dernières pour la Méditerranée, mais touchent également leur localisation dans l’espace 129. Ce dernier aspect constitue l’une des nouveautés principales de cet instrument car il prévoit non seulement la possibilité de créer des ASPIM dans les espaces marins et côtiers soumis à la souveraineté ou à la juridiction des États Parties, mais aussi dans des zones situées partiellement ou entièrement en haute mer. À cet effet, conformément à l’article 9, paragraphe 1, des ASPIM peuvent être créées : « a) par la Partie concernée, si l’aire est située dans un espace déjà délimité sur lequel s’exerce sa souveraineté ou sa juridiction ; b) par deux ou plusieurs Parties voisines concernées, si l’aire est située en tout ou en partie en haute mer ; c) par les Parties voisines concernées, dans les zones où les limites de souveraineté ou juridiction nationales ne sont pas encore définies. » Cela dit, on notera que cette tendance « to go into the high seas » 130 donne lieu à des difficultés non négligeables. En effet, nous constatons que la création d’ASPIM au-delà des vingt-quatre milles pourrait se heurter à un obstacle majeur, lié aux limites de la compétence nationale en matière de patrimoine culturel subaquatique. Plus particulièrement, compte tenu du fait que le Protocole de 1995 devrait s’appliquer à la lumière du droit de la mer actuel 131, le régime applicable à ces espaces ne permet pas aux États côtiers l’exercice de compétences en matière de protection du patrimoine culturel subaquatique. En outre, une fois qu’une ASPIM a été insérée dans la Liste, les Parties s’engagent à reconnaître son importance particulière pour la région de la Méditerranée et conviennent de se conformer aux mesures applicables aux ASPIM et de ne pas autoriser ni d’entreprendre des activités qui pourraient particulière mérite notamment l’Annexe I, concernant les Critères communs pour le choix des aires maritimes et côtières protégées susceptibles d’être inscrites sur la Liste des ASPIM. Ces derniers non seulement rappellent que « la conservation du patrimoine naturel est l’objectif fondamental qui doit caractériser une ASPIM » mais aussi reconnaissent que « la poursuite d’autres objectifs tel que la conservation du patrimoine culturel […] est hautement souhaitable dans le cas des ASPIM et représente un facteur favorable à l’inscription d’un site sur la liste ». 129 Par ailleurs, il est pertinent de remarquer que tandis que les procédures de création des aires spécialement protégées relèvent de la compétence discrétionnaire de chaque État Partie, la création des ASPIM et leur inscription sur la Liste sont soigneusement réglées par les procédures de l’article 9 et de l’Annexe I. 130 Scovazzi, “Regional”, cit., p. 86. 131 Voir à ce propos l’article 2, paragraphe 2, du Protocole. 178 La protection du patrimoine culturel subaquatique aller à l’encontre des objectifs qui ont motivé sa création (article 8, paragraphe 3). Cette circonstance donne aux ASPIM et aux mesures adoptées pour leur protection un effet erga omnes, au moins vis-à-vis des Parties. Cependant, des problèmes se posent relativement aux États tiers. À cet égard, l’article 28 prévoit, d’un côté, que les Parties invitent les États tiers à coopérer à la mise en œuvre du Protocole et, de l’autre, qu’elles prennent des mesures appropriées en vue d’assurer que nul ne conduira des activités contraires aux principes et aux objectifs du Protocole. Il nous apparaît pourtant justifié de douter de l’opposabilité et des effets concrets de telles mesures à l’égard des tiers 132. Pour conclure, on notera que l’atout principal du Protocole de 1995, par rapport au Protocole précédent, réside manifestement dans l’extension de son champ d’application spatiale au-delà de la mer territoriale. Cela dit, il faut observer que le nouveau texte n’ajoute presque rien en matière de protection du patrimoine culturel subaquatique. Si l’on peut affirmer que le Protocole de 1995 a beaucoup fait pour améliorer le niveau de protection du patrimoine naturel, les considérations liées au patrimoine archéologique n’ont pas revêtu la même priorité. Il s’agit d’un instrument visant à protéger l’environnement et l’intérêt pour les aspects culturels s’avère marginal. Son but principal est d’éviter les risques et les dommages au milieu marin. Le patrimoine culturel subaquatique ne rentre pas dans ses soucis majeurs mais dans les objectifs purement accessoires. Finalement, il faut observer que cet instrument ne peut garantir que des résultats partiels. La création d’aires spécialement protégées peut s’avérer très utile à la conservation de certains sites subaquatiques, mais demeure une solution ad hoc et ne peut apporter en aucune manière les réponses nécessaires pour la solution des multiples problèmes soulevés par le patrimoine culturel subaquatique. F. Les accords bilatéraux L’insuffisance et les lacunes du cadre juridique général, ainsi que la nécessité d’établir une réglementation plus détaillée pour la protection d’épaves historiques retrouvées en mer, ont poussé certains États à la conclusion d’accords bilatéraux ou régionaux spécifiques. Ces derniers 132 Toute la question est de savoir si les dispositions mentionnées peuvent donner lieu à des régimes objectifs. Compte tenu des limites de la présente contribution, nous n’aborderons pas ce sujet ici. Nous renvoyons à la doctrine existante. Sur le sujet, voir : P. Picone, « Obblighi reciproci e obblighi erga omnes degli Stati nel campo della protezione internazionale dell’ambiente marino dall’inquinamento », dans V. Starace (dir.), Diritto internazionale e protezione dell’ambiente marino, Milan, Giuffrè,1983, p. 15-136 ; B. Simma, « Le traité Antarctique : crée-t-il un régime objectif ou non ? », dans F. Francioni et T. Scovazzi (dir.), International Law for Antartica, Milan, Giuffrè, 1987, p. 137-154. 179 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques constituent désormais un ensemble important d’instruments, sur lesquels il convient également de se pencher maintenant. 1) Accords de nature générale Une première catégorie d’accords est représentée par les traités qui ne se réfèrent pas une épave spécifique, mais aux épaves retrouvées dans une zone géographique particulière. Dans cette catégorie rentrent l’Accord conclu entre les Pays-Bas et l’Australie en 1972 (a) et l’Accord entre l’Australie et la Papouasie-Nouvelle Guinée de 1978 (b). a) L’Accord entre les Pays-Bas et l’Australie de 1972 L’Agreement between the Netherlands and Australia Concerning Old Dutch Shipwrecks, signé à La Haye le 6 novembre 1972 133, est le premier accord international jamais conclu entre deux États en matière d’épaves historiques. Son champ d’application vise les restes des navires de l’ancienne Compagnie des Indes Orientales (VOC) 134 « laying on or off the coasts of the State of Western Australia » 135. Par cet Accord, les Pays-Bas transfèrent à l’Australie tous les droits, titres et intérêts sur les navires de la VOC et sur leurs cargaisons (article 1). De son côté, l’Australie reconnaît l’intérêt historique et culturel des Pays-Bas à la conservation des épaves et des objets récupérés (article 4) 136. En raison de cet intérêt, l’Accord établit un Comité mixte, composé de représentants des deux pays, chargé de déterminer la disposition des biens récupérés. Les décision du Comité se feront suivant les principes contenus dans l’arrangement annexé à l’Accord 137. Ce dernier constitue un document très intéressant car il reconnaît non seulement l’importance du respect des principes archéologiques, mais également le principe de l’unité des collections. Pour cela, il dispose que la plupart des matériaux récupérés seront exposés dans le Western Australia Museum, mais prévoit également la possibilité de les expo133 Pour le texte, voir Migliorino, Il recupero, cit., p. 224-227. VOC = Vereeinigde Oost-Indische Compagnie. La Compagnie avait fait faillite en 1798 laissant le Gouvernement hollandais propriétaire de tous ses biens. Bien que l’Accord ne le spécifie pas, on considère que la zone de mer à laquelle l’Accord s’applique s’étend au plateau continental de l’Australie. En ce sens, voir Garabello, La Convenzione, cit, p. 40. 135 Article 1. Il s’agit des navires que la VOC employait pour le commerce des épices entre l’actuelle Indonésie et l’Europe au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, coulés au large des côtes australiennes. 136 L’article 4 parle à ce propos de « continuing interest » de nature historique et culturel des Pays-Bas sur les objets récupérés. 137 Arrangement setting out the guiding principles for the Committee to determine the disposition of materials from the shipwrecks of Dutch East India Company vessels off the coast of Western Australia. 180 134 La protection du patrimoine culturel subaquatique ser dans d’autres musées aux Pays-Bas et en Australie, voire d’en céder une partie aux Pays-Bas. Cet Accord nous paraît particulièrement significatif. En effet, non seulement s’agit-il du premier traité de ce genre, mais il prévoit une série de mesures et de principes particulièrement importants en matière de protection des épaves historiques. En ce sens, on peut le considérer à juste titre comme un instrument précurseur 138. Un de ses mérites les plus significatifs résulte de la pondération de divers intérêts en jeu et de la priorité qui est donnée à la protection des objets historiques, suivant les principes fondamentaux de l’archéologie. En outre, l’établissement d’un comité mixte donne à la coopération entre les deux États parties un caractère permanent. b) L’Accord entre l’Australie et la Papouasie-Nouvelle Guinée de 1978 Le 18 décembre 1978 l’Australie et la Papouasie-Nouvelle Guinée ont signé à Sydney le Treaty Concerning Sovereignty and Maritime Boundaries in the Area between the two Countries, including the Area Known as Torres Straits, and Related Matters 139. Il s’agit à notre connaissance du seul accord de délimitation maritime à inclure la réglementation d’objets archéologiques et historiques. L’article 8, paragraphe 1, de cet Accord prévoit que les épaves gisant sur le plateau continental d’une des parties relèvent de la juridiction de cet État. Toutefois, si une épave possède une valeur historique pour l’autre partie, les deux États s’engagent à entamer des consultations aux fins de trouver un accord (paragraphe 2). Cet Accord se signale pour un champ d’application assez vaste, non seulement ratione loci, à savoir l’entier plateau continental des deux États parties, mais également ratione materiæ, car il inclut toutes les épaves, à exclusion des épaves de navires de guerre coulés après l’entrée en vigueur de l’Accord. 2) Accords relatifs à des épaves spécifiques La deuxième catégorie d’accords bilatéraux est représentée par les traités conclus afin de protéger des épaves spécifiques. Nous signalons dans cette catégorie les cinq accords suivants. 138 Sur cet Accord, voir également C. Johnson, “The Agreement Between Australia and the Netherlands concerning Old Dutch Shipwrecks”, dans Camarda / Scovazzi, op. cit., p. 2129. 139 Pour le texte, ILM, 1979, p. 291. Sur cet Accord, voir Garabello, La Convenzione, cit, p. 42-43. 181 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques a) L’Accord relatif au navire Birkenhead Le HMS Birkenhead était un navire britannique coulé le 26 février 1852 au large de la Gansbaai, près du Cap, dans la mer territoriale de l’Afrique du Sud 140. Le bateau transportait une cargaison de trois tonnes d’or, ayant une valeur de £240.000 de l’époque. Lorsque l’épave fut retrouvée au début des années 1980, un différend surgit entre le Royaume-Uni et l’Afrique du Sud quant à la propriété du navire. En 1984, l’Afrique du Sud proclama le navire monument historique, tout en délivrant à une compagnie privée une concession pour la récupération de la précieuse cargaison. Cette intention se heurta à l’opposition du Royaume-Uni dont la pratique a toujours été celle du maintien des titres de propriété sur ses navires de guerre. Le différend fut finalement réglé sur la base d’un échange de notes conclu le 22 septembre 1989 141, qui vise trois questions principales : la réglementation de la récupération de l’épave ; la garantie du respect des restes humains ; et la répartition équitable entre les deux Gouvernements de la cargaison récupérée 142. Concernant la première question, le Royaume-Uni reconnaît les opérations de récupération effectuées par l’Afrique du Sud et s’engage à ne pas les entraver. Toutefois, ces opérations devront respecter les standards scientifiques et archéologiques. En outre, l’Afrique du Sud veillera à ce que les restes humains soient traités avec le respect qui leur est dû et ne soient pas portés à la surface. Quant au matériel récupéré, l’Accord fixe trois principes importants. En premier lieu, l’or sera équitablement partagé entre les deux pays ; en deuxième lieu, les objets récupérés ayant des liens particuliers avec les régiments ou les institutions britanniques seront restitués sans frais à ces institutions, étant entendu que les autres objets récupérés seront destinés aux musées sud-africains ; en troisième lieu, il sera permis aux historiens militaires anglais d’accéder temporairement à l’épave 143. 140 Le naufrage du HMS Birkenhead constitue un événement assez important dans l’histoire maritime. Il marque la première affirmation du principe « Women and Children First », suivant lequel durant les opérations de secours il faut donner la priorité aux femmes et aux enfants. 141 Exchange of Notes between South Africa and the United Kingdom concerning the Regulation of the Terms of Settlement of the Salvaging of the Wreck of HMS Birkenhead (Pretoria, 22 septembre 1989). Pour le texte, voir Camarda / Scovazzi, op. cit., p. 440-441. 142 Pour une analyse de cet Accord, voir M. Matera, « Due accordi relativi a navi di stato britanniche », dans Camarda / Scovazzi, op. cit., p. 63-67. 143 Il est intéressant de noter que l’Accord reconnaît ainsi la primauté de l’intérêt historique sur la valeur économique. 182 La protection du patrimoine culturel subaquatique b) L’Accord relatif à l’épave du CSS Alabama L’épave du navire confédéré CSS Alabama, à l’origine du célèbre arbitrage de 1872 entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, fut retrouvée en 1984 dans les eaux territoriales françaises, au large de Cherbourg, où le navire avait été coulé le 19 juin 1864 par la frégate unioniste USS Kearsarge 144. De cette découverte naquit un différend entre les États-Unis et la France à propos de la propriété de l’épave. Les premiers se considéraient les légitimes successeurs de la Confédération et de tous ses biens et donc comme propriétaires de l’Alabama. De son côté, le Gouvernement français revendiquait également la propriété de l’épave en raison de sa localisation dans sa mer territoriale. Une solution préliminaire à ce différend fut trouvée par le biais d’un échange de notes du 5 janvier 1988 145. L’ambassadeur de France à Washington notifiait l’intention de son Gouvernement de reconnaître la propriété de l’épave aux États-Unis. Le Département d’État américain, tout en reconnaissant l’intérêt de la France sur l’épave en raison de son emplacement, répondit que les deux États auraient dû nécessairement coopérer à la récupération de l’épave. Le 3 octobre 1989, les deux États concluaient l’Accord concernant l’épave du CSS Alabama 146. Cet instrument reconnaît tout d’abord, dans son préambule, l’importance archéologique et historique de l’épave et institue un Comité scientifique composé de deux représentants nommés par chacun des deux gouvernements, plus un nombre paritaire d’experts (article 1). Ce Comité est chargé d’examiner tout projet relatif à l’épave (article 2). En ligne générale, l’Accord interdit toutes activités qui seraient susceptibles d’endommager ou de détruire l’épave ou qui ne seraient pas approuvées d’un commun accord entre les parties (article 3). En outre, le ministère français de la Culture se voit reconnaître la compétence de délivrer les autorisations nécessaires pour toute intervention sur l’épave, conformément aux dispositions pertinentes de la législation française (article 4). À la France re144 La bataille entre la Kearsarge et l’Alabama fait l’objet d’une série de tableaux peints par Édouard Manet. L’artiste fut attiré par cet épisode extraordinaire qui se déroula en présence d’une foule venue exprès de Paris pour assister à l’évènement. Cf. T. Scovazzi, “La protezione del patrimonio culturale subacqueo, con particolare riguardo alle navi da guerra affondate”, dans Camarda / Scovazzi, op. cit., p. 52-53. 145 J.A. Roach, “France Concedes United States Has Title to CSS Alabama”, A.J.I.L., 84 (1991), p. 381. 146 Pour le texte, voir dans R.G.D.I.P., 93 (1989), p. 975. J.-P. Quéneudec, « Chronique du droit de la mer - Epaves de navires de guerre : l’Alabama », A.F.D.I., 37 (1990), p. 744 ; Garabello, La Convenzione, cit, p. 45-46 ; G. Acquaviva, « The case of the Alabama – Some Remarks on the Policy of the United States Towards Underwater Cultural Heritage », dans Camarda / Scovazzi, op. cit., p. 31-49. 183 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques vient également la compétence d’instituer autour de l’épave une zone de protection et d’adopter des mesures d’urgence en cas de risque pour sa conservation (article 3). Il faut signaler, enfin, que l’Accord reconnaît également à un État tiers la possibilité de participer aux opérations entreprises en raison de son lien historique avec l’épave, (article 8). Il s’agit du Royaume-Uni, État où le navire avait été construit. c) L’Accord relatif à l’épave du M/S Estonia L’Accord relatif à l’Estonia est un traité trilatéral conclu à Tallinn le 23 février 1995 entre la Finlande, l’Estonie et la Suède, auquel ont adhéré également le Danemark, la Lituanie, la Russie, le Royaume-Uni et la Pologne en vertu d’un Protocole additionnel du 23 avril 1996. Cet Accord ne vise pas une épave archéologique mais un navire, le M/S Estonia, battant pavillon estonien, qui coula en septembre 1994 au large des côtes finlandaises, sur le plateau continental de cet État, causant la mort de plus de 800 personnes. Bien que cette épave ne puisse pas être considérée comme un objet archéologique, la valeur émotionnelle liée à l’accident contribue à en faire l’objet d’intérêt historique, ou en tout cas d’un site qui mérite d’être protégé un tant que cimetière marin 147. L’objectif de cet Accord est donc précisément de garantir le respect des victimes et d’assurer que l’épave et la zone environnante soient considérées comme « final place of rest » (article 1). L’Accord prévoit aussi que l’épave ne sera par récupérée (article 3) et les États Parties s’engagent à adopter les mesures réglementaires nécessaires afin de réprimer toute activité qui puisse déranger l’épave, notamment la plongée ou toute atteinte de récupérer des restes humains ou des objets (article 4, paragraphe 1). d) L’Accord concernant les épaves des navires Erebus et Terror En date des 5 et 8 août 1997, le Royaume-Uni et le Canada ont conclu le Memorandum of Understanding Pertaining to the Shipwrecks HMS Erebus and HMS Terror 148. Cet Accord concerne les épaves de deux navires britanniques, le HMS Erebus et le HMS Terror, perdus en 1846 dans l’archipel arctique du 147 Sur cet Accord, voir J. Klabbers, « Les cimetières marins sont-ils établis comme des régimes objectifs ? A propos de l’Accord sur l’épave du M/S Estonia », Espaces et ressources maritimes, 11 (1997), p. 121-133 ; J. Klabbers, « On Maritime Cemeteries and Objective Régimes : The Case of M/S Estonia », http ://www.helsinki.fi/eci/Publications/Estonia.pdf ; et M. Jacobsson et J. Klabbers, « Rest in Peace ? New Developments Concerning the Wreck of the M/S Estonia », Nordic Journal of International Law, 69 (2000), p. 317-332. 148 Le texte est reproduit dans Camarda / Scovazzi, op. cit., p. 442-443. Sur cet Accord, voir Matera, op. cit., p. 67-71 et Garabello, La Convenzione, cit, p. 48-49. 184 La protection du patrimoine culturel subaquatique grand Nord canadien. Les deux navires avaient fait partie de la mission de Sir John Franklin, parti d’Angleterre à la découverte du passage du NordOuest, c’est-à-dire du passage maritime septentrional qui relie l’Atlantique au Pacifique. Les navires restèrent emprisonnés dans les glaces et Franklin lui-même mourut avec tout son équipage. Malgré les nombreuses recherches, les deux épaves n’ont toujours pas été retrouvées. L’Accord concerne l’exploration, la récupération éventuelle et la propriété des épaves. Les parties s’engagent à faire prévaloir des considérations d’ordre archéologique par rapport aux intérêts de nature économique ou commerciale liés aux épaves (paragraphe 1) ; leur récupération éventuelle devra par conséquent respecter les principes et les procédures de l’archéologie sous-marine. Quant à la propriété, l’Accord dispose que, tant que les épaves ne sont pas localisées, le Royaume-Uni ne renonce pas à la propriété, ni à l’immunité souveraine sur les navires, mais reconnaît au Canada la garde et le contrôle des épaves ainsi que le droit d’organiser des recherches, des fouilles et l’éventuelle récupération (paragraphe 2). Une fois les épaves localisées, le Royaume-Uni transférera la propriété des objets récupérés. L’Accord prévoit toutefois deux exceptions qui rappellent l’Accord relatif au Birkenhead : l’or sera divisé de manière équitable entre les parties et les objets de valeur pour la Marine britannique seront restitués au RoyaumeUni (paragraphe 4). Cet Accord est particulièrement intéressant puisqu’il donne priorité aux considérations liées à la conservation archéologique des biens par rapport à tout intérêt d’ordre économique ou national. e) L’Accord relatif à l’épave de La Belle En 1995, un archéologue de la Texas Historical Commission découvrait dans la baie de Matagorda au Texas l’épave de La Belle. Coulé en 1686, le navire faisait partie de l’expédition montée deux années auparavant par RenéRobert Cavelier de la Salle pour établir une colonie à l’embouchure du Mississippi, dans le territoire qu’il avait découvert quelques années auparavant et baptisé « Louisiane », en l’honneur de son roi, Louis XIV. Le Gouvernement français, qui ignorait complètement l’existence de l’épave et son emplacement, en revendiqua par la suite le titre en tant que navire militaire français. Il en résulta un différend avec le Gouvernement américain qui se termina par la conclusion d’un Accord le 31 mars 2003 149. 149 Il convient de remarquer que la conclusion de l’Accord a lieu après huit ans de négociations. 185 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques L’Accord, consistant en cinq articles seulement, vise à établir une coopération en matière de recherche, de protection et de mise en valeur de l’épave de La Belle 150. Il reconnaît notamment que l’épave appartient à la France, qui ne l’a jamais abandonnée (article 1), mais en même temps cette dernière ne souhaite pas le retour de l’épave sur son territoire (article 2, paragraphe 1). L’épave de La Belle restera ainsi sous la garde de la Texas Historical Commission pour une période de quatre-vingt-dix-neuf ans à compter de l’entrée en vigueur de l’Accord (article 2, paragraphe 2). L’Accord prévoit également que le musée de la Marine et la Texas Historical Commission négocient et concluent un arrangement administratif portant sur la conservation (y compris la sécurité, le conditionnement, la sauvegarde et la préservation), la recherche, la documentation et l’exposition de l’épave de La Belle (article 3, paragraphe 1). Un arrangement ultérieur devra intervenir pour régler les questions du traitement et de l’inhumation des restes humains éventuellement trouvés dans l’épave (article 3, paragraphe 3). Il convient enfin de souligner que l’Accord relatif à l’épave de La Belle n’est pas sans rappeler certains aspects de l’Accord que les deux États avaient conclu en 1989 à propos de l’Alabama. De manière tout à fait similaire, les deux États acceptent de laisser leurs épaves dans la mer territoriale de l’autre État et instaurent un mécanisme de coopération scientifique. II. Le régime de protection prévu par la Convention de l’Unesco de 2001 A. La Convention de l’Unesco de 2001 : aperçu général 1) Genèse de la Convention : une négociation difficile Un nouvel accord spécifiquement consacré à la protection du patrimoine culturel subaquatique existe désormais au niveau mondial : la Convention de l’Unesco de 2001. Cet instrument est le fruit de multiples efforts déployés par la communauté internationale afin d’aboutir à l’établissement d’un régime complet et cohérent de protection. Le chemin qui a mené à l’adoption de ce texte est, en effet, parsemé de projets avortés et de propositions échouées et l’on peut affirmer que sa gestation aura duré plusieurs années 151. 150 Voir le préambule de l’Accord. Sur l’historique et sur les diverses phases d’élaboration de la Convention, voir : E. Boesten, The Unesco Draft Convention on the Protection of the Underwater Cultural Heritage, an analysis and a commentary, La Haye, T.M.C. Asser Press, 2000 ; M.C. Ciciriello, « Il Progetto di Convenzione Unesco sul patrimonio culturale subacqueo : una nuova sfida al principio del186 151 La protection du patrimoine culturel subaquatique Il convient de remarquer d’emblée que la Convention prévoit une réglementation complète de l’ensemble des activités qui affectent le patrimoine culturel subaquatique. Comme nous l’avons remarqué, elle vient d’entrée en vigueur. Toutefois, le nombre d’États parties est toujours très bas et ne compte aucune puissance maritime, si bien qu’il faudra encore attendre pour qu’elle puisse déployer ses « effets bénéfiques » de protection sur le patrimoine culturel subaquatique. Bien que dépourvu (pour l’instant) de force obligatoire à l’égard de la plupart des États, cet instrument ne reste pas sans conséquences. Mis à part le fait que son adoption apporte déjà une réelle contribution à la formation de nouvelles normes coutumières, il convient plutôt de mettre l’accent sur les modalités de son adoption. Conformément au Règlement relatif aux Recommandations aux États membres et aux Conventions internationales prévues par l’article IV § 4 de l’Acte Constitutif de l’Unesco 152, la Convention de 2001 a été adoptée par une résolution de la Conférence générale de l’Unesco 153. Elle possède donc la valeur de résolution d’un organe intergouvernemental qui propose à ses destinataires (les États membres de l’Unesco) un comportement donné. Comme pour d’autres actes de ce type (émanant d’un organe qui a la même nature que l’Assemblée générale des la libertà dei mari ? », C.I., 55 (2000), p. 611-630 ; S. Dromgoole et N. Gaskell, « Draft Convention on the Protection of the Underwater Cultural Heritage 1998 », I.J.M.C.L., 14 (1999), p. 171-206 ; Leanza, Zona, cit., pp. 64-69 ; O’Keefe / Nafziger, op. cit., p. 391-418 ; A. Strati, Draft Convention on the Protection of Underwater Cultural Heritage : A Commentary prepared for Unesco, Doc.CLT-99/WS/8 (April 1999). Sur la Convention de l’Unesco de 2001 existe déjà une bonne littérature. Voir notamment : M. Aznar-Gómez, "La Convención sobre la protección del patrimonio cultural subacuático, de 2 de noviembre de 2001", R.E.D.I., 54 (2002), p. 475-481 ; Aznar-Gómez, La protección, cit., p. 212-337 ; P.J. O’Keefe, Shipwrecked Heritage : A Commentary on the Unesco Convention on Underwater Cultural Heritage, Leichester, 2002 ; T. Scovazzi, “The 2001 Unesco Convention on the Protection of the Underwater Cultural Heritage”, dans Camarda / Scovazzi, op. cit., p. 113-134 ; Carducci, « The Expanding », cit., p. 135-216 ; G. Carducci, « La Convenzione Unesco sul patrimonio culturale subacqueo », R.D.I., 85 (2002), p. 53-98, G. Carducci, « New Developments in the Law of the Sea : The Unesco Convention on the Protection of Underwater Cultural Heritage », A.J.I.L., 96 (2002), p. 419-434 ; Garabello, La Convenzione, cit., passim ; V. Mainetti, The 2001 Unesco Convention on the Protection of the Underwater Cultural Heritage : A Commentary, Travail présenté à l’IUHEI - Genève, juin 2002 ; M. Rau, « Kulturgüterschutz im Meer : eine erste Analyse der neuen Unesco-Konvention », Zeitschrift für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht, 61 (2001), p. 833-876 ; M. Rau, « The Unesco Convention on Underwater Cultural Heritage and the International Law of the Sea », Max Planck Yearbook of United Nations Law, 6 (2002), p. 387-472 ; C. Forrest, « A New International Regime for the Protection of Underwater Cultural Heritage », I.C.L.Q., 51 (2002), p. 511-554 ; L. Savadogo, « La Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique (2 novembre 2001) », R.G.D.I.P., 107 (2003), p. 31-71. 152 Dorénavant cité Règlement. Pour le texte, voir Unesco, Manuel de la Conférence générale, Paris, 2002, pp. 91-96. 153 Il s’agit de la Résolution 31 C/24, 2 novembre 2001. Par ailleurs, il faut remarquer que, conformément à l’article 12 du Règlement, la majorité requise pour adopter une convention internationale est des 2/3, alors que pour une recommandation la majorité simple suffit. 187 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques Nations unies), il est permis d’affirmer qu’à défaut de force obligatoire, elle n’en peut pas moins avoir une valeur normative 154. Les États membres de l’Unesco non seulement sont tenus de la prendre en considération de bonne foi, mais, selon la pratique de l’Organisation, sont même tenus de présenter des rapports spéciaux relativement à la suite qui lui ont donnée 155. Toutefois, la conséquence qui nous paraît la plus importante tient à son « effet permissif ». Comme pour les autres recommandations d’organes internationaux, les États membres sont en droit d’en faire application dans la mesure où sa validité formelle et matérielle n’est pas contestable. Leur conduite ne pourra pas être taxée d’illicite puisqu’« ils ne font que respecter la charte constitutive de l’organisation » 156. Finalement, en se fondant sur la Convention, les États membres seront même autorisés à écarter l’application d’une norme antérieure, « pour autant qu’ils ne portent pas atteinte aux droits acquis des autres États » 157. Il va sans dire que les États qui récusent la Convention (par exemple ceux qui ont voté contre son adoption ou se sont abstenus) pourront continuer à appliquer la norme antérieure. 2) La structure de la Convention La Convention est composée d’un préambule, de 35 articles et d’une Annexe. Suivant les thèmes traités par les diverses dispositions, on peut regrouper les 35 articles en six parties. Les articles 1 à 6 sont consacrés aux dispositions générales, aux définitions, aux objectifs et principes de la Convention, ainsi qu’à la relation qu’elle établit avec d’autres règles du droit international. La deuxième partie, comprenant les articles 7 à 13, traite du régime de protection du patrimoine culturel subaquatique dans les différentes zones maritimes. Le chapitre suivant est composé des articles 14 à 21 et porte sur la mise en œuvre de cette protection, les mesures de prévention et les sanctions. Les articles 22 à 24 établissent le cadre institutionnel. L’article 154 Comme l’a rappelé à juste titre la Cour internationale de justice dans son avis consultatif sur la « Licéité de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires », C.I.J. Recueil, 1996, p. 254, § 70. 155 Cette pratique est fondée sur l’article 16, paragraphe 1, du Règlement qui prévoit que les États membres présentent à la Conférence générale des rapports spéciaux relativement à la suite donnée par eux aux diverses conventions ou recommandations adoptées par la Conférence générale. Il convient de signaler que conformément au paragraphe suivant : « Un premier rapport spécial relatif à toute convention ou recommandation adoptée sera transmis deux mois au moins avant l’ouverture de la 1re session ordinaire de la Conférence générale qui suit celle où la convention ou la recommandation a été adoptée ». 156 Cf. N. Quoc Dinh, P. Dailler et A. Pellet, Droit international public, 6e édition, Paris, L.G.D.J., 1999, p. 377. 157 Ibidem. 188 La protection du patrimoine culturel subaquatique 25 forme à lui seul la partie consacrée au règlement des différends, et les articles 26 à 35 contiennent les clauses finales. L’Annexe contient 36 règles relatives aux interventions sur le patrimoine culturel subaquatique, divisées en 14 chapitres. Ces règles sont directement issues de la Charte de Sofia de 1996 de l’Icomos 158, bien qu’une comparaison entre les deux documents révèle qu’elles sont devenues beaucoup plus précises et détaillées et qu’elles incluent des éléments nouveaux, comme par exemple le souci de la protection de l’environnement (règle 29) 159. Ces règles reprennent tout d’abord les principes fondamentaux de la Convention et permettent ainsi d’expliciter et parfois même d’interpréter ses dispositions. Deuxièmement, elles présentent toute une série de pas à suivre lors de la conduite d’activités archéologiques, raison pour laquelle elles constituent un modèle ou l’esquisse de « règles-types » 160. Par là, l’Annexe remplit très explicitement « une fonction d’harmonisation et même d’uniformisation » 161. Aux fins de cette étude, nous analyserons tout d’abord les dispositions qui nous paraissent les plus importantes, afin de déterminer les principaux apports de celle-ci à la protection du patrimoine culturel subaquatique. Ensuite nous examinerons le régime de protection ratione loci en fonction des différentes zones maritimes. 3) Les apports de la Convention La première grande contribution de la Convention est de fournir une définition de la notion de patrimoine culturel subaquatique. L’article 1 dispose en effet que : « 1. (a) On entend par "patrimoine culturel subaquatique" toutes les traces d’existence humaine présentant un caractère culturel, historique ou archéologique qui sont immergées, partiellement ou totalement, périodiquement ou en permanence, depuis 100 ans au moins, et notamment : (i) les sites, structures, bâtiments, objets et restes humains, ainsi que leur contexte archéologique et naturel ; 158 Conçue comme un supplément à la Charte sur la protection et la gestion du patrimoine archéologique (Icomos 1990), la Charte internationale sur la protection et la gestion du patrimoine culturel subaquatique fut adoptée à Sofia en octobre 1996, par l’Assemblée générale de l’Icomos. Il s’agit d’un ensemble de principes pour la conduite d’une archéologie sous-marine responsable. Le texte de la Charte est disponible à l’adresse internet : http ://www.international.icomos.org/charters/underwater_f.htm (consulté pour la dernière fois le 16 décembre 2008). 159 Cassan, op. cit., p. 138. 160 Mainetti, The 2001 Unesco Convention, cit., p. 95. 161 Cassan, op. cit., p. 139. 189 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques (ii) les navires, aéronefs, autres véhicules ou toute partie de ceux-ci, avec leur cargaison ou autre contenu, ainsi que leur contexte archéologique et naturel ; et (iii) les objets de caractère préhistorique. (b) Les pipelines et les câbles, posés sur les fonds marins, ne sont pas considérés comme faisant partie du patrimoine culturel subaquatique. (c) Les installations autres que les pipelines ou câbles, placées sur les fonds marins et encore en usage, ne sont pas considérées comme faisant partie du patrimoine culturel subaquatique. » Cette définition, qui présente une liste non exhaustive, constitue un grand progrès si on la compare à l’expression d’« objets archéologiques et historiques » employée dans la CNUDM. On remarquera qu’en plus des « sites, structures, bâtiments, objets [...] », la Convention inclut dans la définition du patrimoine culturel subaquatique « leur contexte archéologique et culturel ». La définition fixe aussi un critère temporel de 100 ans. Cette limite est arbitraire mais elle répond à ce que O’Keefe appelle « administrative convenience » 162, permettant ainsi une « blank check protection ». Néanmoins, comme le remarque justement H. Cassan, il faut surtout insister sur la richesse de l’expression « toutes les traces d’existence humaine » par laquelle débute la définition. Il s’agit là de la nouveauté principale introduite par cette définition : « Par là même, s’esquisse ici une voie nouvelle dans l’identification du patrimoine culturel international. Car cette définition renvoie moins à l’objet matérialisé qu’à l’acte de création. Elle ne vise pas à préserver l’œuvre aboutie, mais à en déceler « la trace ». Elle appréhende donc la culture non pas dans sa dimension esthétique, mais dans sa densité « humaine ». Elle donne ainsi la plus belle et la plus riche signification au patrimoine culturel en le consacrant comme une victoire de l’humanité inspirée sur la matité du réel » 163. En deuxième lieu, la Convention consacre toute une série de principes qui s’appliquent aux activités ayant une « incidence » sur le patrimoine culturel subaquatique. Parmi les principes fondamentaux, il convient de citer le principe suivant lequel la conservation in situ doit être considérée comme l’« option prioritaire » 164. Selon Cassan, il s’agit d’assurer « un bouleverse162 P. O’Keefe, “The Buenos Aires Draft Convention on the Protection of the Underwater Cultural Heritage Prepared by the International Law Association : Its Relevance Seven Years On”, dans Camarda / Scovazzi, op. cit., p. 97. 163 Cassan, op. cit., p. 137-138. 164 Voir à cet égard l’article 2, paragraphe 5 et la Règle 1 de l’Annexe. 190 La protection du patrimoine culturel subaquatique ment a minima des sites [...], le but étant moins d’en extraire les objets que d’en comprendre le sens » 165. L’interdiction de l’exploitation commerciale (article 2, paragraphe 7) fait aussi partie de ce groupe de principes fondamentaux, elle est considérée comme « foncièrement incompatible avec la protection et la bonne gestion de ce patrimoine » (règle 2 de l’Annexe). Finalement, en vue de protéger et de conserver le patrimoine culturel subaquatique, les États ont l’obligation de coopérer (article 2, paragraphe 2). La Convention spécifie que ce devoir de coopération consiste tout d’abord dans le partage de l’information et l’assistance mutuelle entre les États (article 19 et règle 8). La Convention attribue aussi un rôle important à la sensibilisation du public (article 2, paragraphe 10, article 20 et règle 7) autant pour des questions d’éducation que pour assurer une meilleure protection du patrimoine culturel subaquatique 166. Troisièmement, la Convention institue un régime de protection du patrimoine culturel subaquatique pour chaque zone maritime, ce qui fera l’objet d’une analyse plus détaillée dans la deuxième partie du présent chapitre. Pour l’instant, nous nous bornerons à souligner que la Convention comble le vide normatif laissé par la CNUDM à propos du plateau continental et de la zone économique exclusive. De plus, elle étend à toutes les zones le principe contenu dans l’article 149 de la CNUDM, c’est-à-dire que la protection du patrimoine culturel subaquatique doit se faire dans l’intérêt de l’humanité toute entière (article 2, paragraphe 3). Le quatrième grand apport de la Convention est représenté par la « neutralisation » de la « salvage law ». Bien que la majorité des pays désiraient exclure son application (comme par ailleurs le prévoyait le projet de convention de l’ILA de 1994), cela n’a pas été possible en raison de l’opposition de certains États. Ainsi, l’article 4, intitulé « Relation avec le droit de l’assistance et le droit des trésors », présente le « crucial compromise » 167 finalement adopté : « Aucune activité concernant le patrimoine culturel subaquatique à laquelle la présente Convention s’applique n’est soumise au droit de l’assistance ni au droit des trésors, sauf si : (a) elle est autorisée par les services compétents, et (b) elle est pleinement conforme à la présente Convention, et 165 Cassan, op. cit., p. 139. Mainetti, The 2001 Unesco Convention, cit., p. 67. 167 G. Carducci, “The Crucial Compromise on Salvage Law and the Law of Finds”, dans Garabello / Scovazzi, op. cit., p. 193. 191 166 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques (c) elle assure que la protection maximale du patrimoine culturel subaquatique lors de toute opération de récupération soit garantie. » Cet article, qui doit être lu à la lumière de l’article 2, paragraphes 5 et 7, et les règles 1 et 2 de l’Annexe, établit trois conditions cumulatives pour que les activités liées à la « Salvage law » et à la « law of finds » soient autorisées. Si cela ne résulte pas dans l’exclusion de iure de ces activités, elle permet du moins d’en exclure tous les « effets indésirables » 168. Selon Carducci : « In a way, “spontaneous” salvage should shift to […] “contractual” salvage where the salvor’s intervention is previously asked and agreed between the parties » 169. Finalement, une autre contribution essentielle de la Convention tient aux règles de l’Annexe, qui selon l’article 33 font partie intégrante de la Convention. Elles traitent du descriptif du projet, des études préalables, des objectifs, méthodes et techniques, du financement ou de la durée du projet, etc. Elles établissent, somme toute, les standards applicables à toute activité portant sur le patrimoine culturel subaquatique, en faisant attention à toutes les mesures qui doivent être adoptées avant, pendant et après la conduite d’une telle activité 170. Les règles de l’Annexe sont appelées à jouer un rôle important en tant que modèle de principes à incorporer dans les législations nationales, que l’État soit partie ou non à la Convention. Tout État qui aurait une législation incomplète (ou qui n’aurait pas de législation du tout) peut s’inspirer de ces règles pour adopter une législation adéquate 171. 4) Les liens entre la Convention et la CNUDM Les liens entre la Convention et la CNUDM ont soulevé beaucoup de controverses pendant les négociations. En effet, deux vues différentes s’opposaient : d’un côté, ceux qui voulaient situer la Convention dans le cadre du droit de la mer et qui la voyaient comme un « appendice » à celleci 172 et, de l’autre côté, ceux qui la voyaient dans le cadre du patrimoine culturel et de la famille des conventions de l’Unesco. Finalement, l’article 3, 168 Scovazzi, “Un remède”, cit., p. 571. Carducci, “The Crucial Compromise”, cit., p. 199. 170 Mainetti, The 2001 Unesco Convention, cit., p. 95. 171 A.W. González, “Negotiating the Convention on Underwater Cultural Heritage : Myths and Reality”, dans Garabello / Scovazzi, op. cit., p. 86. 172 Comme le rappelle R. Garabello (« The Negotiating History of the Provisions of the Convention on the Protection of the Underwater Cultural Heritage », dans Garabello / Scovazzi, op. cit., p. 118) : « Norway gave such strong emphasis to the model of Straddling Stocks Agreement that Italy reacted stating that the Norwegian proposals could usefully be considered when a negotiation on the straddling underwater cultural heritage is opened! ». 192 169 La protection du patrimoine culturel subaquatique qui règle la « Relation entre la présente Convention et la Convention des Nations unies sur le droit de la mer », prescrit : « Aucune disposition de la présente Convention ne porte atteinte aux droits, à la juridiction et aux devoirs des États en vertu du droit international, y compris la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. La présente Convention est interprétée et appliquée dans le contexte de et en conformité avec les dispositions du droit international, y compris la Convention des Nations unies sur le droit de la mer ». Le cadre juridique dans lequel la Convention de 2001 s’inscrit n’est donc pas seulement celui de la CNUDM. L’article fait aussi référence aux « dispositions du droit international », ce qui inclut également les Conventions de l’Unesco mentionnées dans le préambule 173. À ce sujet, il convient de remarquer que la Convention de 2001 et la CNUDM sont deux instruments juridiquement autonomes, avec des objectifs et des champs d’application différents. Naturellement, la Convention de l’Unesco n’entend pas remettre en cause, ou carrément bouleverser, l’équilibre délicat du consensus obtenu en 1982, mais se soucie de le respecter et de le suivre de très près. Tout au plus, elle entend combler les lacunes et remédier aux faiblesses de la CNUDM, dans une matière qui n’avait pas retenu à l’époque une attention suffisante de la part de la communauté internationale. Le régime de protection qui en résulte constitue donc une sorte de lex specialis en matière de patrimoine culturel subaquatique, alors que la CNUDM demeure la lex generalis fondamentale pour le droit de la mer. La nécessité d’une telle lex specialis semble d’ailleurs déjà préconisée en 1982, lorsque l’article 303, paragraphe 4, affirme être « sans préjudice des autres accords internationaux et règles de droit international concernant la protection des objets de caractère archéologique ou historique » 174. La question des liens entre la Convention et la CNUDM se pose aussi à propos de l’article 25, qui établit un mécanisme obligatoire de règlement pacifique des différends 175. Cet article dispose qu’en cas de différend, les États doivent engager des négociations de bonne foi et si celles-ci n’aboutissent pas, ils peuvent soumettre ce différend à la médiation de l’Unesco (paragraphes 1 et 2). Si toutefois aucune médiation n’est entreprise ou si la média173 Mainetti, The 2001 Unesco Convention, cit., p. 33. Carducci, “The Expanding”, cit., p. 143. 175 La Convention de 2001 est la première convention culturelle prévoyant un mécanisme obligatoire de règlement des différends. Sur la question, voir Mainetti, The 2001 Unesco Convention, cit., p. 76. Plus en général sur les clauses de règlements de différends contenues dans les conventions adoptées au sein de l’Unesco, voir S. Von Schorlemer, « Le règlement des différends à l’Unesco », dans Yusuf, Élaboration, cit., p. 75-105. 193 174 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques tion ne permet pas d’aboutir à une solution du différend, « les dispositions relatives au règlement des différends énoncées dans la partie XV de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer s’appliquent mutatis mutandis à tout différend entre États parties à la présente Convention à propos de l’interprétation ou de l’application de celle-ci, que ces États soient ou non parties à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer » (paragraphe 3) 176. B. La protection du patrimoine culturel subaquatique dans les différentes zones maritimes Les articles 7 à 13 sont consacrés à la protection du patrimoine culturel subaquatique dans les différentes zones maritimes et déterminent le domaine d’application ratione loci de la Convention. La négociation de ces articles a été complexe, et à nouveau les discussions portaient sur les pouvoirs accordés à l’État côtier face à ceux de l’État du pavillon. À ce titre, il convient de rappeler que lors de la négociation, la grande majorité des délégations présentes étaient prêtes à étendre la juridiction de l’État côtier en matière de patrimoine culturel subaquatique sur le plateau continental et dans la zone économique exclusive. Toutefois, une turbulente minorité y était résolument opposée, craignant qu’une telle extension puisse altérer l’équilibre délicat obtenu en 1982. Par conséquent, les réunions d’experts ont essayé jusqu’à la fin de la négociation de faire des concessions. La situation a ainsi évolué à travers une stratification de propositions, contre-propositions, changements de dernière minute et « ambiguïtés constructives ». Cela peut probablement justifier l’extrême complexité et les tournures alambiquées de certaines dispositions 177. Nous examinerons donc le régime de protection du patrimoine culturel subaquatique dans chacune des différentes zones maritimes en essayant d’éclaircir au maximum ces dispositions. Cela nous servira pour présenter en même temps le régime prévu pour les épaves de navires et d’aéronefs d’État. 176 Cette référence à la partie XV de la CNUDM a posé quelques problèmes à certains États qui ont estimé pour cela de devoir voter contre l’adoption de la Convention de 2001. C’est précisément le cas de la Turquie et du Venezuela. Cependant, on soulignera que cette référence n’a pas pour effet de rendre applicable la CNUDM aux États qui n’en sont pas parties. L’article 25 emprunte simplement et fait siennes les dispositions pertinentes de la CNUDM relatives au règlement des différends. Voir Mainetti, The 2001 Unesco Convention, cit., p. 77. 177 Plus en détail, voir Mainetti, The 2001 Unesco Convention, cit., p. 40. 194 La protection du patrimoine culturel subaquatique 1) La protection du patrimoine culturel subaquatique dans les espaces marins relevant de la souveraineté de l’État côtier (eaux intérieures, mer territoriale, eaux archipélagiques) L’article 7 a pour objet le patrimoine culturel subaquatique dans les eaux intérieures, les eaux archipélagiques et la mer territoriale. Cet article rappelle tout d’abord que les États ont « le droit exclusif de réglementer et autoriser les interventions sur le patrimoine culturel subaquatique » dans ces zones (paragraphe 1). La limite de ce droit exclusif est le respect du droit de passage inoffensif et de transit, analysé dans les parties précédentes. La Convention impose tout de même à l’État côtier l’obligation de prescrire l’application des règles de l’Annexe pour toute activité concernant le patrimoine culturel subaquatique dans cette zone (paragraphe 2). Le dernier paragraphe de cet article est consacré aux navires et aéronefs d’État et indique que les États « devraient informer l’État du pavillon [...] et, s’il y a lieu, les autres États ayant un lien vérifiable, en particulier un lien culturel, historique ou archéologique, en cas de découverte de tels navires et aéronefs ». Ce régime, qui est prévu seulement pour la mer territoriale et les eaux archipélagiques, représente une solution de compromis. Les puissances maritimes auraient préféré l’expression « doit consulter », mais l’on voit que, finalement, avec le choix du conditionnel, l’État côtier est seulement incité à informer l’État du pavillon. 2) La protection du patrimoine culturel subaquatique dans les zones maritimes sui generis (zone contiguë, zone économique exclusive et plateau continental) a) La zone contiguë Pour ce qui est de la zone contiguë, l’article 8 dispose que les États (côtiers) 178 « peuvent réglementer et autoriser les interventions » sur le patrimoine culturel subaquatique dans cette zone. En le comparant à l’article 303, paragraphe 2, de la CNUDM, on constate que le niveau de protection est plus élevé, d’abord parce qu’il ne s’agit plus seulement des « enlèvements » d’objets archéologiques mais de « réglementer et autoriser » ces interventions 179. En deuxième lieu, dans l’exercice de leur pouvoir de régle178 L’horror jurisdictionis qui a caractérisé les négociations de la Convention ont fait en sorte que l’expression « État côtier » soit totalement bannie du texte, même là où il y en aurait eu besoin afin d’éviter des tournures particulièrement lourdes ou difficiles. 179 Il s’agit là d’une extension, par rapport à ce qui avait été reconnu par l’article 303, paragraphe 2, de la Convention de 1982. Comme le remarque à juste titre Carducci : « [T]his object recognized by the Convention, wider than the one recognized in 1982, is on line also with what appears to be potential customary law developments since the adoption of UNCLOS ». Cf. Carducci, “The Expanding”, cit., p. 192. 195 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques menter et autoriser, les États côtiers doivent prescrire l’application des règles de l’Annexe, ce qui fait que le régime « gagne en uniformité » 180. b) La zone économique exclusive et le plateau continental (ZEE) Les deux articles consacrés à la ZEE et au plateau continental prévoient deux régimes : un d’information (article 9), qui se décompose en deux étapes, déclaration et notification, et un de protection (article 10), qui s’organise autour de la figure de l’État coordonnateur. Ce même schéma sera utilisé pour la zone, comme on verra plus avant. L’article 9, relatif au régime de déclaration et notification, après avoir rappelé que les États ont le devoir de protéger le patrimoine culturel subaquatique dans leur ZEE et leur plateau continental (paragraphe 1), envisage deux situations pour la déclaration de découverte ou intervention sur le patrimoine culturel subaquatique. La première prévoit qu’un État, « lorsqu’un de ses nationaux ou un navire battant son pavillon » fait une découverte ou souhaite mener une intervention sur le patrimoine culturel subaquatique qui se trouve dans sa ZEE ou sur son plateau continental, exige que le national ou le capitaine du navire « lui déclare cette découverte ou cette intervention » (paragraphe 1, lettre a). La deuxième situation concerne les découvertes ou les interventions dans les ZEE ou sur les plateaux continentaux d’autres États parties. Dans ce cas, deux alternatives sont offertes aux États (paragraphe 1, lettre b) : « (i) les États parties exigent que le national ou le capitaine du navire leur déclare cette découverte ou intervention ainsi qu’à l’autre État partie ; (ii) ou le cas échéant, un État partie exige que le national ou le capitaine du navire lui déclare cette découverte ou intervention et assure la transmission rapide et efficace de ces déclarations à tous les autres États parties. » Au moment de ratifier la Convention, les États sont tenus de préciser la manière dont ils ont choisi de transmettre lesdites déclarations (paragraphe 2). On observera que, bien que présentées comme alternatives, il existe une différence substantielle entre les deux manières de déclaration prévues dans (i) et (ii). Et il s’agit là d’une différence qui introduit une ambiguïté relativement aux rôle et pouvoirs de l’État côtier sur le patrimoine culturel subaquatique trouvé dans sa ZEE et sur son plateau continental. Dans le premier cas, l’État côtier est informé directement, alors que dans le deuxième, non seulement l’information passe par l’État du pavillon du navire, mais cette information n’est pas envoyée prioritairement à l’État côtier, mais à 180 Ibidem, p. 193. 196 La protection du patrimoine culturel subaquatique tous les États parties à la Convention 181. En définitive, c’est comme si la Convention admettait la légitimité de deux approches divergentes. Par ailleurs, cette ambiguïté est renforcée par le langage même employé par le paragraphe 1. On notera que l’expression « État côtier » est soigneusement évitée, en lui préférant une tournure alambiquée qui permet plusieurs interprétations, et que si la lettre a du paragraphe 1, utilise l’adjectif possessif, « un de ses nationaux », la lettre b se limite à utiliser un article, « le national ». Avec le résultat que l’on peut autant faire référence à l’État côtier qu’à l’État du pavillon. Conscientes de cela, au cours de la négociation quelques délégations avaient proposé d’éliminer cette ambiguïté, mais la clarté de la disposition a dû être sacrifiée sur l’autel du compromis. On doit donc le considérer comme un autre exemple d’ambiguïté constructive pour arriver à un accord sur un « package » fait de concessions mutuelles. Dans un deuxième temps, les États doivent notifier les découvertes ou interventions au Directeur général de l’Unesco (paragraphe 3), qui en informe les autres États parties (paragraphe 4). Finalement, le dernier paragraphe établit que tout État partie qui aurait un « lien vérifiable, en particulier un lien culturel, historique ou archéologique » avec le patrimoine culturel subaquatique en question peut indiquer « qu’il souhaite être consulté » à propos de la protection de ce patrimoine (paragraphe 5). Le régime de protection du patrimoine culturel subaquatique dans la ZEE et sur le plateau continental figure à l’article 10. Tout d’abord, l’État côtier a le droit « d’interdire ou d’autoriser » toute activité liée au patrimoine culturel subaquatique « pour empêcher toute atteinte à ses droits souverains ou à sa juridiction tels qu’ils sont reconnus par le droit international, y compris la Convention des Nations unies sur le droit de la mer » (paragraphe 2). Ce droit d’autorisation ou d’interdiction, bien que destiné à empêcher des interférences avec les droits de l’État côtier, lui accorde des compétences supérieures à celles que l’on trouvait dans la CNUDM 182. Les paragraphes suivants (3 à 6) consacrent une nouvelle figure, celle de l’État coordonnateur, absente dans la CNUDM. L’État dans la ZEE ou sur 181 Sur ce point, voir Carducci, “The Expanding”, cit., p. 196-197. « [M]ore indirectly this rule is important also in relation to article 59 of UNCLOS : it reduces the cases where the alter could be claimed to apply to solve a “conflict” where no rights or jurisdiction are attributed – as are not on UCH – by UNCLOS to coastal State or to other States within the EEZ. More precisely, for States Parties to both UNCLOS and the Convention those sovereign rights or jurisdiction granted by the former to the coastal State –which do not expressly refer to UCH- will be a precondition under the latter of the coastal State’s right to prohibit or authorise activities directed at UCH and this right will be outside any “conflict” in the sense of article 59. » Voir Carducci, “The Expanding”, cit., p. 199. 197 182 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques le plateau continental duquel la découverte est faite agit en tant que coordonnateur (sauf s’il refuse), et mène des consultations avec les autres États intéressés qui ont un lien vérifiable avec le patrimoine culturel subaquatique en question. Ainsi il devra mettre en œuvre des mesures de protection, délivrer les autorisations nécessaires, faire, le cas échéant, des recherches préliminaires (paragraphe 5) et agir « au nom des États parties dans leur ensemble » (paragraphe 6). L’État coordinateur peut en outre « prendre toutes les mesures opportunes et/ou accorder toutes les autorisations nécessaires [...] au besoin, avant toute consultation, afin d’empêcher tout danger immédiat », comme par exemple le pillage du site (paragraphe 4). Finalement, le dernier paragraphe est consacré aux navires et aéronefs d’État trouvés sur le plateau continental ou la ZEE et dispose qu’« aucune intervention n’est menée sur un navire ou aéronef d’État sans l’accord de l’État du pavillon et la collaboration de l’État coordonnateur » (paragraphe 7). 3) La protection du patrimoine culturel subaquatique dans les zones au-delà de la compétence étatique (la haute mer et la zone) Le schéma de déclaration et de notification prévu pour le plateau continental et la ZEE est semblable à celui que l’article 11 établit pour la zone. Ce qui change, c’est en revanche le régime de protection prévu par l’article 12, qui dispose que les États intéressés choisiront un État coordonnateur qui agira « au bénéfice de l’ensemble de l’humanité » en accordant une attention spéciale aux « droits préférentiels des États d’origine culturelle, historique ou archéologique » (paragraphe 6). En outre, dans la zone, tous les États parties, et non seulement l’État coordonnateur, peuvent prendre les mesures nécessaires afin d’éviter tout danger immédiat, (paragraphe 3). Finalement, le paragraphe 7 indique que le consentement de l’État du pavillon est nécessaire pour toute intervention sur les épaves de navires ou aéronefs d’État. Sur un tout autre plan, la Convention prévoit une disposition relative à l’immunité souveraine des navires et aéronefs d’État (article 13). Nous avons pu observer que les épaves de navires et aéronefs d’États font l’objet de dispositions spécifiques au sein de la Convention, mais cette dernière évite soigneusement de se prononcer sur la question de leur immunité éventuelle, qui demeure un thème très controversé. L’immunité dont il est question ici n’est pas celle des épaves mais celle des navires et aéronefs d’État en service. L’article 13 dispose que ces navires et aéronefs « dans le cours normal de leurs opérations [...] ne sont pas tenus de déclarer les découvertes du 198 La protection du patrimoine culturel subaquatique patrimoine culturel subaquatique au titre des articles 9, 10, 11 et 12 » de la Convention, même si les États parties ont l’obligation de veiller « à ce que ces navires se conforment, dans la mesure du raisonnable et du possible » aux dispositions de ces articles 183. En conclusion, bien que la Convention de l’Unesco de 2001 laisse encore quelques questions ouvertes (par exemple, il n’y a pas de définition « d’État d’origine culturelle, historique ou archéologique », ou de « droits préférentiels »), elle peut être considérée comme un très bon outil de protection, à la fois complet, face au régime incomplet prévu dans la CNUDM 184, et efficace, face au développement des techniques permettant d’accéder plus facilement au patrimoine culturel subaquatique. Elle consacre toute une série de principes, comme celui de la conservation in situ ou l’interdiction de l’exploitation commerciale, essentiels pour la protection et la conservation de ce patrimoine. De plus, elle « comble » le vide normatif en la matière laissé par la CNUDM pour la ZEE et le plateau continental, et applique à toutes les zones maritimes le principe selon lequel le patrimoine culturel subaquatique doit être protégé dans l’intérêt de l’humanité. Les règles contenues dans l’Annexe constituent aussi un grand progrès, notamment en raison de leur degré de précision et du fait qu’elles régissent l’avant, le pendant, et l’après de toute intervention sur le patrimoine culturel subaquatique. Cette Convention, qui dans son article 6 encourage la conclusion de nouveaux accords bilatéraux, régionaux ou multilatéraux, pour une protection encore plus efficace du patrimoine culturel subaquatique, peut être considérée à la fois comme le « plus petit dénominateur commun » 185 et comme une base pour tout futur développement du droit international dans ce domaine. Conclusion À la lumière de notre analyse, il apparaît clairement qu’en dehors de la Convention de l’Unesco de 2001, le régime juridique relatif au patrimoine culturel subaquatique demeure lacunaire et sa protection problématique. 183 Il convient à ce propos de ne pas confondre ces « navires de guerre et autres navires gouvernementaux ou aéronefs militaires », envisagés à l’article 13, avec les « navires ou aéronefs d’État », envisagés aux articles 7, paragraphe 3, et 12, paragraphe 7. Dans le premier cas, il s’agit de navires ou aéronefs en activité qui, jouissant d’une immunité souveraine, suivant l’exemple de l’article 236 de la CNUDM, sont exemptés de l’obligation de déclarer les découvertes du patrimoine culturel subaquatique, tel que prévu par l’article 9. Dans le second, en revanche, on fait référence aux épaves qui répondent aux critères de la définition de patrimoine culturel subaquatique de l’article 1, paragraphe 8, tombant ainsi sous le régime de protection prévu par la Convention. Cf. Mainetti, The 2001 Unesco Convention, cit., p. 35. Voir également Carducci, « The Expanding », cit., p. 152. 184 Scovazzi, “A Contradictory”, cit., p. 11. 185 Aznar-Gómez, La protección, cit., p. 321. 199 La protection du patrimoine archéologique : fondements sociaux et enjeux juridiques Pour les États qui ne l’ont pas ratifiée, les seules règles applicables sont celles contenues dans la CNUDM 186, dans la Convention de La Valette de 1992 et dans les Protocoles additionnels à la Convention de Barcelone de 1976. Comme nous l’avons montré, l’efficacité de tous ces instruments, ainsi que de tout autre instrument applicable à la matière par analogie ou par le biais d’une interprétation extensive, demeure très limitée. C’est mû par ces inquiétudes que le Gouvernement italien a proposé un nouveau projet d’accord sur la protection du patrimoine culturel subaquatique dans la mer Méditerranée aux autres États riverains de ce bassin 187. L’objectif fondamental d’un tel accord serait d’encourager la ratification de la Convention de l’Unesco de 2001 et de prévoir un régime de protection encore plus avancé 188. Cette initiative est certainement très positive et pourra contribuer à élargir le cadre de coopération internationale dans la région et à définir un régime de protection mieux adapté aux caractères spécifiques de son patrimoine. Au cours de cette étude, nous avons analysé l’évolution de la protection du patrimoine culturel subaquatique au niveau du droit international. On a vu qu’au début cette protection s’inscrivait dans le cadre de la protection du patrimoine culturel en général. Dans le droit de la mer, cette protection était soit indirecte soit incomplète. Ainsi, les Conventions de Genève de 1958 étaient silencieuses quant au patrimoine culturel subaquatique. Dans ce sens, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer constitue un premier pas en avant, par l’inclusion de deux articles (149 et 303) consacrés aux objets archéologiques et par la possibilité offerte aux États de créer une zone archéologique. Cependant, le régime était à la fois lacunaire, puisque plusieurs zones restaient sans protection, et problématique, notamment pour ce qui était de l’application de la « salvage law ». Ainsi, il a été nécessaire d’élaborer un instrument juridique destiné à régir l’archéologie sous-marine, en tant que « regulated freedom », et à éviter la dé186 Par ailleurs, comme nous l’avons remarqué, dans le cadre de la Méditerranée, seul l’article 303 de la CNUDM semble être applicable. 187 Le texte du Projet a été présenté par le Gouvernement italien, le 5 avril 2003, lors du colloque de Syracuse sur « La coopération pour la protection du patrimoine culturel subaquatique dans la mer Méditerranée (3-5 avril 2003) ». Le texte du projet est publié dans Aznar-Gómez, La protección, cit., p. 537-549. Pour une analyse du Projet d’accord, voir Ibidem, p. 325-337 ; T. Scovazzi, « Un futuro accordo sulla protezione del patrimonio culturale sottomarino nel mediterraneo », dans T. Scovazzi (dir.), La protezione del patrimonio culturale sottomarino nel Mare Mediterraneo, Milan, Giuffrè, 2004, p. 157-169. 188 Ce serait en ce sens un Protocole additionnel à la Convention. La possibilité de conclure de nouveaux accords bilatéraux, régionaux ou autres accords multilatéraux en vue d’assurer une meilleure protection du patrimoine culturel subaquatique est expressément prévue à l’article 6 de la Convention. 200 La protection du patrimoine culturel subaquatique prédation du patrimoine culturel subaquatique 189. Les États s’y sont montrés de plus en plus intéressés et, après des années de négociations difficiles, la Convention de l’Unesco de 2001 a été adoptée. Cet instrument marque un tournant décisif dans ce domaine parce qu’il prévoit un haut niveau de protection et établit des règles précises quant à la mise en œuvre de fouilles archéologiques. De plus, il étend la protection du patrimoine culturel subaquatique à toutes les zones maritimes, améliorant ainsi les dispositions de la CNUDM, au bénéfice de l’humanité tout entière. Selon H. Cassan, « l’apport principal » de cette Convention est qu’elle transcende le clivage traditionnel entre droit international de la mer et droit international de la culture qui prévalait jusqu’alors » 190. En effet, comme l’explique cet auteur, dans cette dialectique entre l’objet et le lieu, la Convention de 2001 fait preuve d’un équilibre remarquable : d’un côté, pour ce qui est du concept, « le culturel prime le maritime », de l’autre, pour ce qui est du régime, « le maritime prime le culturel » 191. De plus, elle se signale par son caractère profondément novateur. À travers le rappel à la responsabilité des États « selon leurs capacités », la référence continue à l’intérêt de l’humanité tout entière (ce qui inclut les générations à venir), l’importance accordée à la sensibilisation du public et le souci de protéger l’environnement, la Convention de l’Unesco de 2001 incorpore les développements et les préoccupations les plus récents du droit international, dans toute leur complexité. Bibliographie N. AJELLO, « La ricerca archeologica nell’evoluzione del diritto del mare », dans PANUCCIO (dir.), Ritrovamenti e scoperte di opere d’arte, Milano, Giuffrè, 1989, p. 102-173.  J. ALLAIN, « Maritime Wrecks : Where the lex ferenda of Underwater Cultural Heritage Collides with the lex lata of the Law of the Sea », V.J.I.L., 38 (1998), p. 747-775.  A.C. AREND, « Archaeological and Historical Objects : the International Legal Implication of UNCLOS III », V.J.I.L., 22 (1982), p. 779803.  189 Cf. Strati, The Protection, cit., p. 223. 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