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Emergency Egypt – L'état d'urgence en Egypte

Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis UFR Textes et Société Malika Danoy Cours : Crise, événement, exception Sujet du dossier de recherche : Emergency Egypt — L’état d’urgence en Egypte Leonard Thüer (ERASMUS) N* étudiant : 15606277 7 Cité Malesherbes, 75009 Paris leo.thueer@fu-berlin.de +33 7 68 25 89 06 rendu le 8 mai 2016 #1 I. Introduction Depuis l’invention du concept de «l’état d’urgence» les mesures d’exception sont un outil pour des régimes autocrates. Pourtant, ces pouvoirs ne sont pas exclusivement appliqués par des régimes dictatoriaux, mais aussi par des régimes démocratiques. Ceuxci prétendent garantir ainsi le maintien de l’État en réduisant les libertés de ses citoyens et en jouant sur le respect du principe de l’état de droit. Après un long processus de reformes et réorganisations, le printemps arabe a conduit à une nouvelle constitution égyptienne en 2014 prétendant de rendre l’état égyptien plus libérale et démocratique. Ce travail vise à analyser les perspectives d’un contrôle démocratique et d’un état de droit du point de vue des dispositions constitutionnelles concernant un état d’urgence. Est-ce que l’expérience d’à peu près quarante-quatre années d’état d’urgence a influencé les reformes constitutionnelle en Egypte ? Est-ce que des mécanismes de contrôle démocratique et réciproque étaient renforcés dans la constitution de 2014? D’abord, un paragraphe théorique est dédié aux concepts de l’état d’urgence et ses différents façonnements, ainsi qu’à celui de la démocratie, du contrôle réciproque et de l’état de droit. Ensuite, une vue d’ensemble et une analyse des réglementations de l’état d’urgence dans la Constitution égyptienne de 2014, ainsi que sa genèse, seront donné. #2 II. L’état d’urgence : l’état de droit et la démocratie en temps de crise La logique qui domine des discours sur les mesures d’exception est la suivante: dans une situation qui, présupposé, demande la préservation des principes de l’état de droit et de la démocratie, la vertu de la nécessité1 justifie que ces droits et valeurs soient (temporellement) limités. Pour expliquer le comportement d’un état pendant une crise qui menace l’existence de l’état, la double nature de l’état est nécessairement à considérer : l’état légal2, synonyme avec toutes lois régulant son comportement, n’est pas égal à l’état politique, qui résulte de la convergence des forces politique déterminant aussi des processus légales3.Des circonstances exceptionnelles comme une crise demande que l’état agisse plus efficacement que d’habitude. Déplacer le pouvoir législatif vers l’exécutif, accélérer les procédures juridiques et/ou réduire le contrôle démocratique sont les méthodes qui se proposent à un régime démocratique pour réagir à une telle situation. 4 Ceci semble paradoxal, comme si en visant à maintenir les principes de l’état de droit et de la démocratie, il fallait limiter ces principes. Pour survivre l’état d’urgence, des régimes démocratiques peuvent, en recourant aux principes en questions, imposer une limitation temporelle, régionale ou de contenu, au mieux étant imposé par un contrôle démocratique et étant proportionnel.5 Gross et Aoláin développent trois modèles différentes (accommodation model, law-forall-seasons, extra-legality model) 6 dont le dernier est relié à l’approche de Schmitt qui décrit l’état politique non restreint des normes légales pendant l’état d’urgence. Dans cette manière de penser la crise, tout qui est considéré comme nécessaire, est légitimé.7 Lazar, contrairement, proclame un rejet d’un tel exceptionnalisme et propose un «inside approach» qui prend en considération des normes morales et la responsabilité des 1 voir: Buzan; Waver; de Wilde (1998) : Security: A New Framework for Analysis, p. 46. Kelsen, Hans (1997) : Introduction to the problems of legal theory: a translation of the first edition of the Reine Rechtslehre or Pure theory of law, p.292. 2 3 voir : Schmitt, Carl (1985) : Political Theology: Four Chapters on the Concept of Sovereignty. Zwitter, Andrej (2012) : The Rule of Law in Times of Crisis. A Legal Theory on the State of Emergency in the Liberal Democracy, p. 108. 4 5 ibid. : p. 110 Gross; Fionnuala (2006) : Law in Times of Crisis: Emergency Powers in Theory and Practice. Cambridge University Press, p. 17ss. 6 7 voir : Schmitt, Carl (1985) : Political Theology: Four Chapters on the Concept of Sovereignty. #3 leaders politiques. Dans une démocratie libérale, toute action étatique hors de l’ordre légale ne servait jamais au maintien de l’état de droit, ni à la suprématie du droit.8 Ceci correspond avec l’«accommodation model» de Gross et Aoláin. En bref, les temps de crise et le concept de l’état urgence imposent aux souverains d’équilibrer entre l’atténuation de l’urgence et le maintien des principes démocratiques. Schmitt argumente en faveur d’un souverain qui, faisant face à l’urgence, est capable de prendre toutes mesure nécessaire, même hors de la loi. Ceci s’oppose à l’approche de Kelsen qui considère seulement le respect de ces limites de la loi comme nécessaire. Cette approche permet de demander pour la réglementation des mesures pendant un état d’urgence et démasque des régimes à la Schmitt étant des démocraties autoritaires.9 Dans ce sens, aussi l’«accommodation model» et Lazar demandent pour le maintien de ces principes de la démocratique et de l’état de droit par un contrôle réciproque. III. L’état d’urgence en Egypte Dans ce paragraphe un bref compte-rendu de l’histoire politique et constitutionnel de l’Egypte contemporain est suivi d’une analyse de la genèse de la Constitution de 2014. L’Egypt a vécu sous l’état d’urgence pendant presque 44 ans, instauré par le président Gamal Abdel Nasser (1954-70) pendant la guerre de six jours en 1967. Le successeur de Nasser, Anwar as-Saddat (1970-81), avait suspendu l’état d’urgence pendant 18 mois jusqu’à son assassinat, événement qui a poussé son successeur et ancien main-gauche Hosni Moubarak (1981-2011) de réinstaller un régime autoritaire marqué par la menace d’attentats et fondé sur des mesures d’exceptions. Depuis le coup d’état du 30 mars 2011 contre le régime Moubarak qui était encore fondé sur la Constitution de l’Egypte de 1956 (CE56), l’état d’urgence en Egypte se base sur la Déclaration constitutionnelle égyptienne (DC) de 2011 du Conseil suprême des Forces armées (CSFA). L’expiration automatique de l’état d’urgence, daté le 1er juin 2012, n’a pourtant pas servi à abolir l’esprit d’exceptionnalisme; par conséquent, le même juin 2012, un décret était 8 voir: Lazar, Nomi Claire (2009): States of Emergency in Liberal Democracies. Cambridge University Press. Kelsen, Hans (1997) : Introduction to the problems of legal theory: a translation of the first edition of the Reine Rechtslehre or Pure theory of law, p. 299. 9 #4 promulgué permettant aux forces armées la garde à vue des personnes pour garantir la sécurité jusqu’à l’instauration de la nouvelle constitution. 10 Aussi, le premier président des Frères musulmans, Mohamed Morsi (2012-13), promulguait un décret lui permettant des vastes pouvoirs, comme l’adaptation de toute mesure garantissant «la réalisation des objectifs de la révolution».11 Sous pression de la jurisprudence appelant le peuple à faire grève, Morsi s’est retiré de cette position et la nouvelle Constitution de l’Egypte était votée par référendum en décembre 2012 (CE12)12. Encore promulgué par Morsi, elle ne s’est maintenue que jusqu’au coup d’état militaire supporté par la population en juillet 2013. La reprise du pouvoir par les forces armées avait pour suite une présidence intérimaire qui a déclaré un état d’urgence – ayant pour but la répression des Frères musulmans13 – jusqu’à la ratification de la nouvelle Constitution de l’Egypte voté en janvier 2014 (CE14). Cette constitution a été mise à l’épreuve pour la première fois en octobre 2014 par la déclaration de l’état d’urgence pour trois mois dans la région du Sinaï, impliquant surtout des violences contre la population dans la région.14 Déjà avant la révolution du printemps arabe, Moubarak avait fait une promesse creuse en annonçant de mettre fin à l’état d’urgence. Tout au contraire, des réglementations constitutionnelles qui permettaient au président un maximum d’indépendance concernant la proclamation de l’état d’urgence étaient le résultat. La Chambre des représentants n’avait ainsi aucune légitimation pendant les quinze premiers jours d’un état d’urgence. La CE12 a restreint le pouvoir du président d’instaurer un état d’urgence par une limitation temporelle de 7 jours et a imposé un contrôle démocratique en déterminant qu’une prolongation puisse uniquement être voté par la Chambre des représentants. Si cette Chambre était dissous, la chambre haute la remplaçait dans cette fonction. Dans la 10 voir: http://www.al-monitor.com/pulse/politics/2012/06/the-state-of-emergency-is-return.html# 11 voir: http://english.ahram.org.eg/News/58947.aspx 12 voir: http://www.aljazeera.com/news/middleeast/2012/11/201211255459324484.html 13 voir: http://www.nytimes.com/2013/08/15/world/middleeast/egypt.html?pagewanted=all&_r=1 14 voir: http://www.theguardian.com/world/2014/nov/04/egypt-harsh-response-islamist- #5 CE14, la chambre haute était à son tour supprimé.15 Aussi en cas d’approbation des représentants, une limitation ultime de 6 mois, reconductible à un maximum de 12 mois, était établit, ce qui a surement renforcé un contrôle populaire par les parlements.16 Néanmoins, mettant l’accent sur la limitation temporelle, la CE12 ne satisfait pas entièrement les exigences d’un contrôle réciproque dans le cadre d’un état de droit. La CE14 a réduit la période intérimaire de 15 à 7 jours, mais déterminait pourtant que si l’état d’urgence était déclaré par le président, il entrait en vigueur sans aucun contrôle réciproque par la Chambre des représentants. Si, par exemple, la Chambre était dissolues pendant ces 7 jours, le président pourrait prendre toute mesure qu’il considère nécessaire pour résoudre la situation d’urgence jusqu’à l’élection d’une nouvelle Chambre des représentants. Cela est « hors-la-loi » selon l’approche de Schmitt qui détermine que ceux qui décident l’état d’urgence sont les souverain.17 De facto, un président pourrait alors, après avoir déclaré l’état d’urgence, interdire par décret aux représentants l’accès aux locaux parlementaires. Ceci nous rappelle l’article 48 de la Constitution de Weimar et la prise de pouvoir d’Hitler.18 Concernant la question de la prolongation, qui est d’une importance particulière après plus de 44 ans d’état d’urgence en Egypte, les deux Constitution qui ont suivi le printemps arabe ont apporté des améliorations en comparaison avec le régime de Moubarak. Pourtant, ils ont répondu au problème différemment: la CE12, ayant une approche d’une démocratie directe, a interdit toute extension d’état d’urgence sans referendum. Même si cela donne une légitimation populaire à la prolongation, il parait problématique de réaliser un referendum représentatif dans un temps de crise. Aussi, évidemment fondé sur la peur d’abus et non sur l’objectif des mesures effectives mais non-abusives, cette approche semble facile à critiquer. La CE14 a choisi une approche d’une démocratie indirecte, légitimée par deux tiers de la Chambre des représentants. Aussi, elle a réduit la limitation temporelle de la CE12 (relative 6 ou absolue 12 mois) à une limitation relative de 3 ou absolue de 6 mois. 15 voir: http://www.sis.gov.eg/En/Templates/Articles/tmpArticles.aspx?CatID=204 16 voir: http://www.egyptindependent.com/news/egypt-s-draft-constitution-translated Zwitter, Andrej (2012) : The Rule of Law in Times of Crisis. A Legal Theory on the State of Emergency in the Liberal Democracy, p. 13. 17 voir: http://www.jura.uni-wuerzburg.de/fileadmin/02160100/Elektronische_Texte/Verfassungstexte/ Die_Weimarer_Reichsverfassung.pdf 18 #6 De plus, l’Article 92 de la CE14 garanti que les « droits et les libertés inhérents à la personne des citoyens ne peuvent être ni suspendus ni réduits».19 Cela correspond à la mention de beaucoup de constitutions européennes. Au contraire, la loi d’urgence n*162 de 1958 – qui permet entre autre la dissolution de toute assemblée civile, la censure, la fermeture des magasins et entreprises, et l’emprisonnement sans procès mais avec une peine de travail forcé pour 6 mois et une amende d’environ 5000€ – est resté dans la CE14.20 Aussi, les articles 71 (censure en temps de guerre ou de mobilisation civile) et 156 (adoption des décrets ayant force de loi en cas d’urgence) paraissent dangereux et nécessairement à reformer. 21 Surtout ce dernier peut avoir un impact considérable sur l’état de droit, comme les circonstances d’un cas d’urgence ne sont pas précisées, ce qui permet au président d’agir sans aucun control étant donné que la Chambre des représentants ne peut pas être consultée pour une réunion de crise. Ces trois réglementations de la CE14 peuvent se présentés comme une surprise, étant donné l’expérience du peuple égyptien avec l’état d’urgence.22 Son expérience explique pourtant la stricte limitation temporelle, qui est également la preuve que les auteurs de la CE14 ont essayé d’intégrer un maximum de réglementations d’exception sans complètement rejeter la CE12. 19 voir: http://www.etudes-geopolitiques.com/sites/default/files/pdf/Texte_de_la_Constitution_2014.pdf 20 voir: http://constitutional-change.com/egypts-state-of-emergency-revisited/ 21 voir: http://www.egyptindependent.com/news/egypt-s-draft-constitution-translated 22 voir: https://revdh.revues.org/978 #7 IV. Conclusion En conclusion, la CE14 n’a pas entièrement rempli les attentes des principes de la démocratie et de l’état de droit. Force est ainsi de constater qu’elle n’a pas évoluée suffisamment en comparaison des structures anciennes. Évidemment, la possibilité des réformes favorisant un contrôle réciproque en question d’état d’urgence dépend de la constellation du gouvernement au pouvoir et de la nomination des juges. En fin de compte, l’instabilité politique en général, ainsi que l’organisation des mécanismes d’état d’urgence et la violence justifiée légalement continuent à préoccuper le peuple égyptien. Des cas comme la déclaration de l’état d’urgence en octobre 2014 pour la région du Sinaï doivent être observés attentivement et avec précaution. Concernant les droits de l’homme, les limitations imposées à l’état d’urgence doivent être considérées comme positives, mais surtout l’adoption des décrets ayant force de loi parait très menaçant à la progression d’un état démocratique. Pour des révisions ultérieures il est alors fortement conseillé de s’orienter vers les cadres théoriques présentés dans la partie II. de ce travail. Ceci pourrait impliquer par exemple un mandat automatique pour le Cours constitutionnelle ayant pour but de contrôler la légalité et la nécessité de déclarer l’état d’urgence, ainsi qu’une effacement de la période d’attente de la Chambre des représentants. Comme la plupart des constitutions considérées comme exemplaires et positives se révisent assez régulièrement, il parait hâtif d’espérer que l’Egypte arriverait à une constitution suffisante juste trois ans après une révolution qui a complètement changée le système politique. Des raisons pour un tel processus lent peuvent être soit la fierté d’une héritage historique-politique ou simplement le désir étatique de pouvoir surveiller le peuple; mais l’importance doit être attribuée au fait que l’Egypte a conclu avec succès le premier cycle des reformes constitutionnelles en imposant une telle qui préserve des libertés majeures et est compatible avec le droit international. Non seulement pour ceci le peuple et la presse égyptienne doivent demeurer observateur, comme se sont ces deux acteurs qui ont le rôle d’être la conscience d’un état démocratique et de rappeler qu’une constitution peut toujours être améliorée. #8 V. Références - Buzan, Barry; Waver, Ole; de Wilde, Jaap (1998) : Security: A New Framework for Analysis. Lynne Rienner Publishers. - Gross, Oren; Aoláin, Fionnuala (2006) : Law in Times of Crisis: Emergency Powers in Theory and Practice. Cambridge University Press. - Kelsen, Hans (1997) : Introduction to the problems of legal theory: a translation of the first edition of the Reine Rechtslehre or Pure theory of law. Oxford University Press, p. 289-320. - Lazar, Nomi Claire (2009): States of Emergency in Liberal Democracies. Cambridge University Press. - Schmitt, Carl (1985) : Political Theology: Four Chapters on the Concept of Sovereignty. MIT Press. - Zwitter, Andrej (2012) : The Rule of Law in Times of Crisis. A Legal Theory on the State of Emergency in the Liberal Democracy. Franz Steiner Verlag, Stuttgart. #9