ECOLO
Les verts en politique
3
Pascal Delwit – Jean-Michel De Waele
ECOLO
Les verts en
politique
En couverture : photo J. Guyaux
©
De Boeck et Larcier s.a. 1996
Département De Boek Université
Paris, Bruxelles
Toute reproduction d’un extrait quelconque de ce livre, par
quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie ou
microfilm, est strictement interdite
Printed in Belgium
ISSN 1370-0715
ISBN 2-8041-2146-1
D 1996/0074/197
Avant-propos
Jeune formation née dans le courant du mois de mars 1980,
Ecolo s’est depuis lors implanté dans le paysage politique belge.
Seize ans après sa naissance, l’heure était venue de tenter un
premier bilan de la vie et des perspectives des verts francophones.
Cet ouvrage ne constitue toutefois pas «l»’histoire d’Ecolo. Il se
veut une contribution à la compréhension de ce qu’a été Ecolo, de
ce qu’il est et, peut-être, de ce qu’il voudrait devenir.
Pour ce faire, nous avons eu accès à l’ensemble des sources
dont dispose le parti. A ce titre, nous avons pu vérifier qu’Ecolo a
le réel souci de la transparence. Nous avons effectué une enquête
auprès de l’ensemble de ses adhérents. Grâce à leur collaboration
massive, nous pouvons, pour la première fois, dresser un profil
sociologique et politique des membres écologistes en Belgique
francophone. Nous avons aussi pu compléter nos recherches par des
interviews auxquelles les dirigeants d’Ecolo se sont prêtés de bonne
grâce. Nous leur en sommes reconnaissants.
Nos remerciements les plus chaleureux vont à Andrea Rea,
Daniel Delwit et Lydie Pesesse qui nous ont considérablement aidés
dans le dépouillement du questionnaire et l’interprétation des
données.
P. D. et J.-M. D.
Chapitre 1
DE L'ECOLOGIE A
L'ECOLOGIE POLITIQUE
10
C'est en 1866 qu'est utilisé pour la première fois le terme
écologie, fusion de deux «racines grecques» : Oikos (maison) et
Logia (discours). Ernst Haeckel, qui en détient la paternité, le
définit de la sorte : «Par écologie, nous entendons la totalité de la
science des relations de l'organisme avec son environnement
comprenant au sens large toutes les conditions d'existence.»1
Etymologiquement, il s'agit donc de la science de l'habitat. Au
sens strict, l'écologie représente donc originellement une branche
de la biologie étudiant «les interactions entre les êtres vivants et
leur environnement.»2 Après les travaux pionniers de Linné, de
Buffon, de Lamarck et d'Hutton, les découvertes d'Humboldt, de
Wallace et de Darwin approfondissent la connaissance de
l'environnement — entendu dans son sens large — de l'être humain.
Le XIXe siècle, siècle de l'industrialisation et du scientisme,
voit le foisonnement d'études, de recherches, d'expéditions,
d'enquêtes qui concernent les rapports de l'humain avec l'ensemble
des êtres vivants qui l'entourent. En d'autres termes, l'étude des
écosystèmes ou de l'écosystème.3
1
Cité par J.-P. DELEAGE, Une histoire de l'écologie, Points-science,
Seuil, 1991, 330 p., p. 8.
2
D. SIMONNET, L'écologisme, Presses universitaires de France, 1994,
126 p., p. 4.
3
La notion d'écosystème a été avancée par Tansley : «La notion la
plus fondamentale est, me semble-t-il, la totalité du système (dans
le sens où l'on parle de système en physique) incluant non
seulement le complexe des organismes mais aussi le complexe de
tous les facteurs physiques formant ce que nous appelons le milieu
du biome, les facteurs de l'habitat au sens large (...). Les systèmes
ainsi formés sont du point de vue de l'écologiste les unités de base
de la nature à la surface de la terre (....) Ces écosystèmes, comme
nous pouvons les appeler, offrent la plus grande diversité de type et
de taille.»
Cité par J.-P. DELEAGE, op. cit., p. 120.
11
La politisation des questions d’environnement
Très vite, par-delà son statut de branche particulière de la
biologie4, l'écologie acquiert un statut qui franchit ses limites
originelles mais aussi la stricte approche scientifique pour rentrer
dans le domaine des débats sociaux et sociétaux.
Les propos et les suggestions de Malthus au XIXe siècle en sont
sans doute l'illustration la plus frappante. Le thème déterminant
dégagé par Malthus dans Essai sur le principe de la population
(1803) est la déconnexion entre l'évolution de la population
mondiale et celle des ressources. En effet, la première progresse
sur une base géométrique (2, 4, 8, 16, 32, 64, 128, 256, etc.) tandis
que la seconde évolue sur une base arithmétique (2, 4, 6, 8,10,
etc.). Cette dichotomie pose à — court — terme l'incompatibilité
entre la croissance de la population mondiale et celle des moyens
pour la nourrir. Malthus est un précurseur dans l'appréhension des
questions des relations de l'homme avec son environnement et est
un des premiers à poser en termes crûs la problématique de la
survie de l'espèce humaine. Mais on ne peut détacher son propos de
son positionnement politique et social, un élitisme affiché qu'il
intègre sans fard dans les solutions au problème qu'il a posé : «En
effet, dans un Etat ancien et déjà très peuplé, vouloir assister les
pauvres de manière à leur permettre de se marier aussi
précocement qu'ils le voudront et d'élever une nombreuse famille
aboutit à une impossibilité mathématique. (...) Le fait de répandre
ces connaissances parmi les pauvres aurait des effets encore plus
importants. La cause principale et permanente de la pauvreté n'a
que peu ou pas de rapports directs avec la forme du gouvernement
ou l'inégale division de la propriété ; les riches n'ont pas le pouvoir
de fournir aux pauvres du travail et du pain : en conséquence, les
pauvres n'ont nul droit à les demander. Telles sont les importantes
vérités qui découlent du principe de population : et si elles étaient
clairement expliquées, elles seraient à la portée même des plus
4
Depuis l'écologie «scientifique» a nécessité des adaptations dans les
sciences fondamentales ; notamment dans la recherche et
l'enseignement universitaires. Ce que rappelait, il y a peu, Roland
Wollast : «L'enseignement de l'écologie fait nécessairement sauter
le compartimentage traditionnel de l'enseignement des sciences
naturelles à l'Université.»
R.
WOLLAST,
«Universités.
Pluralité
des
sciences
de
l'environnement», La revue nouvelle, n° 10, octobre 1991, p. 62.
12
faibles intelligences.»5 Après Malthus, il faudra près d'un siècle
pour que les questions relatives à la nature, à ses rapports à la
population dominent les discussions politiques.
Ce n'est que plusieurs années après la fin de la seconde guerre
mondiale, que le débat sociétal sur les rapports de l'homme à son
environnement prend un envol décisif. En raison notamment de la
découverte d'une nouvelle source d'énergie redoutable : l'énergie
nucléaire.6 Le mois d'août 1945 a vu l'explosion de deux bombes
d'un type nouveau à Hiroshima et à Nagasaki. Des bombes dont la
dévastation est sans commune mesure avec les dégâts jusqu'alors
provoqués par un seul engin explosif. Le monde est entré dans l'ère
atomique. Le nucléaire, militaire dans un premier temps, civil par
la suite, interpelle dans des termes radicalement neufs les rapports
de l'homme à son environnement. Il «politisera» ces relations.
Comme l'explique André Gorz, l'un des chantres de l'écologie
politique, l'écologie s'occupera désormais des conditions «que
l'activité économique doit remplir et des limites externes qu'elle
doit respecter pour ne pas provoquer des effets contraires à ses
buts ou même incompatibles avec sa propre continuation.»7 Elle
devient, selon les termes de Gilles Billen, «une certaine démarche
globalisante pour décrire les milieux qui nous entourent.»8
Si la problématique nucléaire a occupé une part
prépondérante dans cette conscientisation, cette transformation
fut aussi rendue possible par la publication d'ouvrages pionniers,
qui mettent en exergue les problèmes environnementaux de plus
en plus importants qui se présentent pour le devenir de
l'humanité9 : Rachel Carson, Printemps silencieux10, Jean Dorst,
5
MALTHUS, Essai sur le principe de population, Seghers, 1963, 378
p., p. 376.
6
Pour Donald Worster, le débat écologique a pris son envol avec
l'explosion de la bombe atomique : «L'âge écologique a commencé
dans le désert du nouveau Mexique (...), le 19 juillet 1945, avec une
boule de feu aveuglante et un gros champignon de gaz radioactifs.»
D. WORSTER, Les pionniers de l'écologie. Une histoire des idées
écologiques, éditions Sang de la terre, 412 p., p. 365.
7
A. GORZ, Ecologie et politique, Points-politique, Seuil, 1978,
245 p., p. 22.
8
G. BILLEN, «Des écologues aux écologistes : un pas franchi», La
revue nouvelle, n °10, octobre 1978, p. 248.
9
G. BILLEN et F. TOUSSAINT, «Eveil et itinéraire de la conscience
écologique», La revue nouvelle, n° 10, octobre 1978.
10
R. CARSON, Printemps silencieux, Le livre de poche, 1968.
13
Avant que la nature ne meurt11, Barbara Ward et René Dubos, Nous
n'avons qu'une terre12, Barry Commoner, L'encerclement13,...
Autant de livres qui connaîtront des succès de librairie et qui,
parfois, seront à l'origine de réorientations des (non)politiques
menées dans les domaines concernés. Ces œuvres concourent
également à la formation de multiples organisations et associations
de protection de l'environnement.
Toutefois la mouvance écologiste ne prendra son véritable
envol qu'à la suite des premières catastrophes environnementales
majeures. Depuis la fin des années soixante, le catalogue des
sinistres environnementaux a considérablement crû sans même
évoquer les drames évités de justesse :
— Le 18 mars 1967, le pétrolier Torrey Canyon fait naufrage près
des côtes bretonnes. Plus de cent mille tonnes de pétrole
pollueront des dizaines de kilomètres de plages britanniques et
françaises.14
— Le 10 juillet 1976, une cuve explose dans une usine fabriquant
des herbicides dans la banlieue de Milan. Un nuage se forme sur la
petite ville de Seveso. Quelques jours plus tard, des milliers
d'animaux meurent, les habitants sont saisis de vomissements et de
troubles divers. Après enfin avoir pris au sérieux l'ampleur du
problème, on découvre que le nuage était composé de dioxine.
Dans l’improvisation, des mesures de décontamination tentent de
limiter les dégâts. Mais le mal est fait. En juillet 1977, un premier
bilan de la catastrophe est établi : «En un an, les naissances
d'enfants anormaux sont passées de 4 à 38, et les avortements ont
augmenté de 20%. (...) Les cas de maladies infectieuses ont triplé.
L'apparition d'une certaine forme d'acné chez les enfants a entraîné
à plusieurs reprises la fermeture des écoles. Plus de 80 000
animaux ont péri — dont beaucoup abattus préventivement. Les
dommages sont évalués à 121 milliards de lires.»15
11
J. DORST, Avant que la nature ne meurt, Delachaux et Niestlé,
1965.
12
B. WARD et R. DUBOS, Nous n’avons qu’une terre, Denoël, 1972,
357 p.
13
B. COMMOMER, L’encerclement, Seuil, 1972, 301 p.
14
J.-L. BENNHAMIAS et A. ROCHE, Des verts de toutes les couleurs.
Histoire et sociologie du mouvement Ecolo, Albin Michel, 1992,
209 p., p. 21.
15
EDMA, L'écologie, Le livre de Poche, 1980, 192 p., pp. 168-169.
14
— Le 16 mars 1978, le pétrolier Amoco-Cadiz fait naufrage sur les
côtes bretonnes. Pour la deuxième fois en dix ans, celles-ci sont
saccagées par le déversement de milliers de tonnes de pétrole.
— Le 29 mars 1979, un incident sérieux à la centrale nucléaire de
Three Mile Island en Pennsylvanie révèle au monde que
contrairement à ce que déclamaient avec autorité les patrons du
secteur de l'électricité, les centrales nucléaires n'étaient pas à
l'abri d'incidents plus ou moins graves. Une défection dans le
système de refroidissement du cœur d'un réacteur concourra à
l'irradiation de centaines de milliers de personnes. Il faudra trois
années de décontamination et un coût estimé à quatre cents
millions de dollars pour effacer les traces de l'«incident.»
— Le 7 mars 1980, c'est au tour du pétrolier Tano de s'échouer.
— Le 6 mars 1986, l’explosion de la centrale nucléaire de
Tchernobyl, en Union Soviétique, provoque un «nuage nucléaire.»
Une fois encore, les affirmations sur la sécurité des centrales sont
prises en défaut. Et de quelle façon ! Il y aura officiellement 32
morts, 237 irradiés, 135 OOO personnes évacuées, 2 millions
d'hectares de terres agricoles irradiées, 3 000 kilomètres carrés
définitivement contaminés autour de la centrale.16 Sans compter
les milliers de malformations attendues pour les nouveaux nés, les
dizaines de milliers de cancers précoces pronostiqués par plusieurs
experts.
La chronique des incidents «sans répercussion majeure sur
l'environnement» est par ailleurs une longue litanie. L’«accident»
du pétrolier Sea Empress le long des côtes du Pays de Galles vient
récemment de s’y ajouter.
Le 6 avril 1968, plusieurs scientifiques, certains hauts
fonctionnaires et quelques grands industriels créent un groupe de
rencontres informelles afin d'essayer de «renouer avec la
Renaissance, de retrouver l'élan, la ferveur, la curiosité, l'«oeil de
Lynx» pour scruter leur époque.»17 Le club de Rome est né. Son but
premier est de sensibiliser l'opinion mais surtout les élites
politiques et économiques sur une dimension fondamentale
jusqu'alors quasiment ignorée dans le fonctionnement des sociétés
et dans la prise de décision politique et économique : les effets des
choix accomplis sur l'environnement et la survie de la planète.
16
J.-M. CHAUVIER, URSS : une société en mouvement, éditions de
l'aube, 1988, 412 p., p. 263.
17
Halte à la croissance. Le club de Rome présenté par Janine
Delaunay. Rapport Meadows, Fayard, 1974, 309 p., p. 29.
15
En 1972, le club de Rome lance un véritable cri d'alarme sur
cette problématique en publiant un rapport, commandé au MIT, sur
les limites de la croissance : The Limits to Growth18. L'étude a été
conduite par Denis Meadows et son laboratoire au Massachussetts
Institute of Technology (MIT). Le rapport Meadows repose sur un
modèle dynamique de l'évolution mondiale dans une perspective à
long terme. Les travaux du MIT montrent une série
d'incompatibilités dans l'évolution de la planète :
— Incompatibilité entre la croissance exponentielle de la
population mondiale et l'évolution de la croissance économique et
agricole ;
— Incompatibilité entre développement industriel d'une population
en croissance exponentielle et les ressources non renouvelables :
«De ces exemples et de nombreux autres également valables pour
la quasi-totalité des ressources naturelles actuellement détectées,
nous pouvons conclure que : étant donné le taux actuel de
consommation des ressources naturelles et l'augmentation probable
de ce taux, la grande majorité des ressources naturelles non
renouvelables les plus importantes auront atteint des prix
prohibitifs avant qu'un siècle ne soit écoulé.»19 ;
— Incompatibilité entre croissance de la population et
développement industriel pour la qualité de la vie sur terre. La
pollution est nécessairement au rendez-vous : «La pollution étant
une fonction complexe de la population, de l'industrialisation et de
développements technologiques particuliers, il est difficile
d'évaluer avec précision comment va évoluer la courbe
exponentielle globale de la pollution. Nous pouvons supposer que si
les 7 milliards d'hommes de l'an 2 000 ont un PNB par tête aussi
élevé que celui des Américains de 1970, les contraintes imposées à
l'environnement par la pollution seront dix fois plus élevées
qu'aujourd'hui.»20
Autant de contradictions qui rapprochent chaque jour, selon
les auteurs du rapport, l'«écosystème mondial des limites ultimes
de sa croissance»21 et qui imposent un choix clair : «ou bien ne se
18
L'ouvrage est traduit en français sous le titre Halte à la croissance.
19
Halte à la croissance. Le club de Rome présenté par Janine
Delaunay. Rapport Meadows, op. cit., pp. 181-182.
20
Ibid., p. 196.
21
Ibid., p. 286.
16
soucier que de ses intérêts à court terme, et poursuivre l'expansion
exponentielle qui mène le système global jusqu'aux limites de la
terre et à l'effondrement final, ou bien définir l'objectif, s'engager
à y parvenir et commencer, progressivement, rigoureusement, la
transition vers l'état d'équilibre.»22
C'est aussi 1972 que se déroule, dans la capitale suédoise, la
première Conférence mondiale des Nations unies sur
l'environnement. La Conférence de Stockholm, qui se tient du 5 au
16 juin, sous le thème Only one Earth adopte cent et neuf
recommandations et vingt-six principes. Selon Dimitrios
Roussopoulos, elle «fut incontestablement le point culminant dans
la reconnaissance grandissante de l’importance du rôle des Etats
dans la gestion de la crise environnementale croissante.»23 Dans la
foulée de la Conférence de Stockholm est établi le programme des
Nations Unies pour l’environnement.
Au-delà des aspects «grandes messes» des conférences
internationales, d’aucuns y voient un levier important sur lequel
s'appuyer pour la conscientisation et l'action aux questions
environnementales : «Tout ceci montre que depuis la Conférence
de Stockholm, l'opinion publique est mieux armée qu'elle ne l'était
auparavant, si du moins l'on est capable d'utiliser politiquement les
résultats de ces travaux.»24
Les appréhensions qui se développent sur l'état de
l'environnement englobent le problème démographique. La
population mondiale est en croissance exponentielle. Comme le
rappelle Dominique Simonnet, «il a fallu près d'un million d'années
pour qu'un milliard d'êtres humains peuplent lentement la planète,
jusqu'en 1840, au début de l'ère industrielle. Et un siècle et demi
pour atteindre cinq milliards d'habitants.»25 La projection
«moyenne» des Nations Unies prévoit plus de huit milliards
d’habitants en 2025.
22
Ibid., p. 287.
23
D. I. ROUSSOPOULOS, L’écologie politique, éd. Écosociété, 1994,
144 p., p. 35.
24
R. SCHOONBRODT, «Oublier Stockholm ?», La revue nouvelle, n° 10,
octobre 1972, p. 223.
25
D. SIMONNET, op. cit., p. 18.
17
Evolution de la population mondiale
9000000
8000000
7000000
En millions
6000000
5000000
4000000
3000000
2000000
1000000
0
1955
1965
1975
1985
1995
2005
2015
2025
Année
Soulignons toutefois qu’il existe de fortes disparités
«régionales.» Les courbes d’évolution de la population sont très
différentes suivant les continents. L’exemple de l’Afrique, de
l’Europe et l’Amérique latine en témoigne.
Evolution des populations africaine, européenne et latino-américaine
1600000
1400000
1200000
En millions
1000000
800000
600000
400000
Afrique
Europe
200000
Amérique latine
0
1955
1965
1975
1985
1995
Année
2005
2015
2025
18
Se pose dès lors la question des limites de
l’approvisionnement : approvisionnement en nourriture et en
matières premières ; les deux étant liés. Outre les barrières
écologiques que signifierait une croissance forte de la production
agricole, la problématique énergétique est peut-être plus
complexe : «Si le monde entier utilisait les techniques agricoles
américaines sur
les superficies actuellement cultivées,
l'agriculture, à elle seule, épuiserait la totalité des réserves
connues de pétrole en l'espace de 29 ans. Le moyen de nourrir 8,
12, 16 milliards d'hommes reste à trouver. Il n'est pas sûr que cela
soit possible»26 pronostiquait, en 1974, André Gorz. Récemment, le
président du Worldwatch Institute de Washington, Lester R. Brown
n’abordait pas cette problématique sous la forme d’une question :
«Nous sommes parvenus à un tel point d’augmentation des besoins
humains que nous avons atteint les limites des ressources
disponibles pour les satisfaire. Cette collision avec les limites du
développement provoque une stabilisation majeure de nos
sociétés.»27
Part du nucléaire dans la production d’électricité dans le monde,
en Belgique et en France (En %)
Belgique
France
Monde
80
70
60
50
40
30
20
10
1992
1991
1990
1989
1988
1987
1986
1985
1984
1983
1982
1981
1980
1979
1978
1977
1976
1975
1974
1973
1972
1971
1970
0
26
A. GORZ, «Douze milliards d'hommes», 2 septembre 1974, in
A. GORZ, op. cit., p. 109.
27
Le Monde, 27 février 1996.
19
Si besoin en était, l'importance de la question énergétique est
révélée en 1973 lors du premier choc pétrolier. L’augmentation des
cours de «l’or blanc» et la révélation de la dépendance des
économies européenne et américaine entraîne une réorientation
stratégique dans la production d’énergie. La production
d’électricité à partir des centrales nucléaires prend son envol.
Toutes ces problématiques ont façonné l'entrée de l'écologie
en politique. Elle est manifestement devenue un objet «politisé»
au sens où le comprend l'analyse politologique : Un fait ou un objet
sont politisés lorsque les acteurs impliqués dans le fait ou la
relation à l'objet sont parvenus à faire prendre en considération
par les tenants du pouvoir politique la question dont ils sont
porteurs comme une question à réguler par le pouvoir politique28 si
tant est que cela fût possible. En effet, dans les défis posés par
l’écologie, Jean-Paul Deléage soulève une question philosophique
existentielle. En manipulant les autres espèces, l'espèce humaine
aurait accéléré le processus évolutif à un point tel que les termes
se seraient littéralement inversés : «au lieu de stimuler l'innovation
évolutive, ils entraînent des processus d'extinction en cascade. La
domination de l'homme sur la nature le rend désormais captif à
l'accélération de la technique.»29
Les questions d'écologie dans leur globalité suscitent l'intérêt
croissant d'organisations internationales. Le 19 décembre 1983, une
résolution de l'Assemblée générale des Nations unies crée la
Commission mondiale sur l'environnement et le développement
(CMED). Composée de vingt-deux membres, provenant de vingt et
un pays, choisis «selon un subtil équilibre»30, la Commission a en
charge la fourniture d'un rapport sur l'état de la planète, les
perspectives et des propositions pour y faire face. Fruit d'un
compromis entre les différentes approches, le rapport est présenté
en 1987 sous le nom de son animateur, madame Gro Brundtland, à
l'époque ancien premier ministre travailliste de Norvège, qui a
retrouvé son poste depuis.
28
Voir par exemple P. LECOMTE et B. DENNI, Sociologie du politique,
Presses universitaires de Grenoble, 1990, 242 p., pp. 12 et
suivantes.
29
J.-P. DELEAGE, «Ecologie et environnement. Entre science et
politique», Aménagement et nature, n° 116, 1995, p. 31.
30
B. CARTON, P. DELMOTTE, «Le rapport Brundtland : un bulletin de
santé à l'épreuve», La revue nouvelle, février 1990, n° 2, p. 18.
20
Sous le titre Our common future31, l'étude avance un nouveau
concept appelé à une médiatisation forte, «The sustainable
development», traduit en français par la croissance ou le
développement durables, qui font actuellement «fortune comme
référence de haute exigence», selon la formule de Sarah Deutsch
et Georges Thill.32 Le développement durable y est appréhendé à
partir de trois exigences centrales :
— qu'il s'inscrive dans un souci de justice ;
— qu'il soit écologiquement soutenable pour la planète ;
— qu'il soit à même d'être poursuivi par les générations futures.33
Une des questions prégnantes qui détermine l'approche de
l'écologie politique et ses options stratégiques consiste à savoir si le
mode de production basé sur l’économie de marché et le
développement durable sont compatibles. Question essentielle
dans l'appréhension du rapport Brundtland et des suites que l'on
peut y donner. Dans une contribution récente, James O'Connor a
prudemment nié cette prétention : «Je pense que les tentatives de
rationaliser les conditions de production — y compris du point de
vue de la rentabilité — sont faibles. Je vois bien que le capital et
les Etats de par le monde sont en train d'essayer de restructurer les
conditions de production, dans l'espoir de rendre le développement
capitaliste soutenable, par exemple en essayant de sauver
l’Amazonie pour le profit à long terme ; en planifiant l'exploitation
des forêts ; en imposant une sorte d'environnementalisme d'Etat au
tiers-monde ou encore en réhabilitant les cités et en restructurant
les systèmes de transport... Mais, sans entrer dans le détail de
chaque mesure, je ne crois pas à la réussite de la plupart de ces
tentatives. Le capitalisme est trop irrationnel et contradictoire, de
même que l'Etat capitaliste, et c'est encore plus vrai dans les pays
du Sud. Par contre, je veux bien croire à la possibilité d'une
certaine dose de capitalisme vert, mais je doute qu'elle atteigne
jamais un seuil qualitatif susceptible de remettre en cause ou de
menacer les structures de privilège et de pouvoir dont dépend le
capitalisme en général.»34 Le débat suscite néanmoins moult
31
Commission mondiale sur le développement et l’environnement,
Notre avenir à tous, un monde : aperçu de la commission mondiale
sur le développement et l’environnement, éd. du Fleuve Montréal,
1989, 432 p..
32
S. DEUTSCH, G. THILL, «L'environnement à l'heure de l'écologie», La
revue nouvelle, février 1990, n° 2, p. 4.
33
B. CARTON, P. DELMOTTE, op. cit., p. 22.
34
J. O'CONNOR, «Un développement soutenable du capitalisme est-il
possible ?», Ecologie politique, n° 1, janvier 1992, p. 67.
21
polémiques ravivées actuellement dans une première évaluation
des initiatives et des actions engendrées par les promesses et les
documents signés à la Conférence de Rio de 1992 (voir infra).
Le concept de développement durable fait école. A l'échelle
de la Communauté européenne, le Conseil des Chefs d'Etat et de
gouvernement adhère à son principe lors du sommet européen de
Dublin les 25 et 26 juin 1990 : «L'environnement naturel qui
constitue le système de maintien de la vie sur notre planète est
gravement atteint. L'atmosphère terrestre est sérieusement
menacée. La situation des ressources aquatiques, notamment des
mers et des océans, constitue un sujet d'inquiétude, les ressources
naturelles sont en voie de disparition et la diversité génétique se
réduit de plus en plus. La qualité de la vie, voire la poursuite de la
vie, ne pourra plus être assurée s'il n'est pas mis un terme à
l'évolution actuelle. En tant que Chefs d'Etat et de gouvernement
de la Communauté européenne nous reconnaissons la responsabilité
spécifique qui nous incombe en matière d'environnement tant
auprès de nos propres citoyens que dans un contexte plus large.
Nous nous engageons à intensifier nos efforts afin de protéger et de
valoriser l'environnement naturel de la Communauté et du monde
dont elle fait partie. Nous souhaitons que l'action entreprise par la
Communauté et ses Etats membres soit développée d'une manière
coordonnée et selon les principes du développement durable et du
recours aux mesures préventives.»35
Une nouvelle étape dans l'approche des questions
environnementales et ses rapports avec les problématiques
économiques et sociales est franchie avec la tenue du «sommet de
la terre», c'est-à-dire de la Conférence mondiale des Nations unies
pour l'environnement et le développement, en juin 1992 à Rio de
Janeiro au Brésil. Cette conférence médiatisera la problématique
des questions relatives à la protection de l'environnement comme
cela n'avait jamais été le cas auparavant. Après des débats
extrêmement difficiles, elle débouche sur l'agenda XXI, document
signé par cent septante-huit Etats.36
35
Annexe II des conclusions du Conseil européen, Dublin 25 et 26 juin
1990, Europe documents, n° 1632-1633, p. 11.
36
B. RIHOUX, «Les écotaxes-produits sur la scène politique belge»,
Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 1426, 1994, p. 8.
22
Depuis le sommet de Rio, la thématique de l'environnement
est clairement retombée. Elle ne revient que ponctuellement à
l'actualité soit en raison de catastrophes plus ou moins importantes
d'un point de vue écologique, soit en raison de campagnes menées
par des associations de protection de l'environnement au premier
rang desquelles on trouve l'association Greenpeace. Née au Canada
en 1970, Greenpeace37 s'est rapidement implantée aux Etats-Unis
puis progressivement en Europe. Consacrée à l'action directe d'un
petit noyau de militants professionnels pour la protection de
l'environnement, Greenpeace a fondé sa puissance sur l'écho de ses
initiatives spectaculaires — Canots contre super-pêcheurs de
baleines, contre navires déversant des fûts de déchets en mer,... —
et sur le financement que lui assurent des millions de
sympathisants.
Pendant l'année 1995, Greenpeace a, par exemple, mené
deux campagnes fortes d'un point de vue médiatiques. D'une part,
contre la volonté de la firme pétrolière Shell de couler une plateforme pétrolière. D'autre part, contre la reprise des essais
nucléaires décidée par le président français durant l'été.
L'émergence des nouveaux mouvements sociaux
Si la protection de l’environnement est une racine importante
de l’'écologie politique, il en existe aussi une autre : le
développement des «nouveaux mouvements sociaux» dans les
années septante.
Selon C. Mouffe, les «nouveaux mouvements sociaux» seraient
l'expression d'antagonismes qui ont émergé comme conséquence du
système hégémonique38 qui a été instauré dans les pays
occidentaux après la deuxième guerre mondiale.»39 Dans cette
perspective, les «nouveaux mouvements sociaux» rejettent
certains principes de fonctionnement de l'Etat néo-corporatiste :
un échange à l’échelle du processus décisionnel au seul niveau des
élites, un fonctionnement de type autoritaire et centralisé, des
37
EDMA, op. cit., p. 112.
38
Système hégémonique caractérisé comme «l'articulation entre un
certain type de procès de travail : le fordisme ; un certain type
d'Etat : l'Etat keynésien et de nouvelles formes culturelles pour
lesquelles nous proposerons le terme de «culture médiatique».»
39
C. MOUFFE, «Socialisme, démocratie et nouveaux mouvements
sociaux», in C. BUCI-GLUCKSMAN (sous la direction de), La gauche,
le pouvoir et le socialisme, PUF, p. 149.
23
associations partie prenante à la relation avec les institutions
étatiques (partis politiques, organisations patronales et syndicales),
un désintérêt pour les questions qui ne ressortissent pas aux
problèmes socio-économiques,...40 Daniel Gaxie souligne à juste
titre que les problématiques «hors des affrontements centrés sur
des questions socio-économiques ont toujours trouvé difficilement
leur place dans le «champ politique».»41
Dans cet essor, les événements de mai 1968 et les valeurs
charriées ont joué un rôle essentiel : réaction contre l’«ordre
culturel», contre la «hiérarchie des savoirs», contre le
centralisme42, égalitarisme mêlé d'individualisme, rejet des
organisations, de la technocratie, de la bureaucratie, utopie,
décentralisation.43 Autant d'éléments que l'on retrouvera, à des
titres divers, dans les «nouveaux mouvements sociaux» et les
mouvements écologistes naissants.44
L'émergence de ces mouvements a aussi été interprétée
comme la révolte de nouvelles catégories sociales éduquées — les
40
F. L. WILSON, Neo-corporatism and the rise of new social
Movements, in Challenging the political order. New social and
political order in Western democracies, Dalton & Kueler, 1990,
329 p., p. 70.
41
D. GAXIE, La démocratie représentative, Montchrestien-clé, 1993,
158 p., p. 126.
42
Y compris comme le centralisme des organisations syndicales : «Le
modèle organisationnel des vieux mouvements sociaux est souvent
identifié avec une structure centralisée, hiérarchique, comme dans
beaucoup de syndicats, de groupes de défense des droits et autres
associations économiques.»
R. J. DALTON, M. KUELER, W. BÜRKLIN, «The challenge of new
movements», in Challenging the political order. New social and
political order in Western democracies, Dalton & Kueler, 1990, 329
p., p. 13.
43
M. TOZZI, Militer autrement, Chronique sociale-Vie ouvrière, 1985,
159 p., p. 27.
44
Pour Pascal Ory, le combat sur le plateau du Larzac dans les années
septante incarnent l'intégration des valeurs de mai 1968 dans la
mouvance écologiste : «S'il fallait symboliser d'un nom et d'une date
l'intégration de la dimension régionale dans l'utopie issue de mai, ce
serait le Larzac en août 1973. Le week-end du 25-26 août 1973, au
moins 50 000 manifestants défilèrent pour protester contre
l'extension du champ militaire et la menace d'expropriation
suspendue sur cent-trois agriculteurs depuis octobre 1970.»
P. ORY (sous la direction de), Nouvelle histoire des idées politiques,
Hachette, 1987, 642 p., p. 554.
24
«nouvelles classes moyennes» — freinées dans leur mobilité et dans
leur ascension par la crise économique45 ou frustrées de ne pouvoir
accéder, par des méthodes conventionnelles, au processus
décisionnel.46
Une des caractéristiques des «nouveaux mouvements sociaux»
est qu'il est difficile d'isoler les différents combats et la diversité
des formes de lutte nouvelle. Il y a une approche holistique mise en
exergue par Alain Touraine et son équipe dans un travail pionnier
sur les «nouveaux mouvements sociaux» : «Plus clairement encore,
l'action anti-nucléaire n'est pas isolable d'un ensemble de
campagnes contestataires, comme celles des mouvements de
consommateurs, qui mettent en cause un pouvoir technocratique
et la mise en forme de la demande sociale par les appareils de
production et de gestion : appel à une conception de la santé, qui
ne soit pas commandée seulement par des appareils d'intervention
médicale ou hospitalière ; défense de la liberté d'information
contre le monopole d'émission de la radio et de la télévision
d'Etat ; lutte pour l'autonomie des régions et pour la démocratie
locale contre l'appareil administratif centralisateur et autoritaire ;
participation à la révolte des femmes contre une domination
masculine qui est celle de la puissance, de la guerre et de l'argent.
Sur tous ces terrains se mènent des luttes dont chacune déborde
son objet spécifique et possède donc une signification générale qui
est celle à la fois d'une mutation culturelle et d'une nouvelle
définition des conflits sociaux.»47
Le trait d'union originel de ces «nouveaux mouvements
sociaux» est leur anti-étatisme, qui sera revu par la suite. L'Etat
est voué aux gémonies. Accusé d'avoir cassé la «sphère autonome»,
certains idéologues écologistes des années septante évoqueront
même l'avènement d'un Etat total : «Le dépérissement de la
société civile au profit de l'Etat amorce aussi le dépérissement des
libertés fondamentales et l'instauration d'une société pan-étatiste,
plus ou moins militarisée : on a pris l'habitude d'appeler
«totalitaire» ce genre de sociétés parce que l'Etat y a totalement
45
Sur l'interprétation de l'émergence des nouveaux mouvements
sociaux, voir K. W. BRAND, «Cyclical aspects of new social
movements : waves of cultural criticism and mobilization cycles of
new middle class radicalism», in Challenging the political order.
New social and political order in Western democracies, Dalton &
Kueler, 1990, 329 p., p. 24.
46
F. L. WILSON, op. cit., p. 71.
47
A. TOURAINE, «Le sens d'une lutte», in A. TOURAINE, Z. HEGEDUS,
F. DUBET, M. WIEVIORKA, La prophétie anti-nucléaire, Seuil, 1980,
373 p., p. 301.
25
évincé la société civile et est devenu «Etat total.» Nous avons
virtuellement atteint ce stade.»48 Hypothèse audacieuse, dans la
mesure où un Etat total n'aurait certainement pas toléré la
publication d'un livre reprenant ces thèses.
Cette critique débouchera notamment de multiples remises
en cause, notamment de la formation, de l'éducation49 et de la
reproduction des savoirs, dont l'ouvrage de référence sera celui
d'Ivan Illich, Une société sans école.50
Il faut néanmoins rester prudent dans l’interprétation de ces
mouvements. D'abord, sur le caractère «neuf» des «nouveaux
mouvements sociaux.» Peut-on raisonnablement affirmer que le
féminisme est un combat récent alors que de nombreuses
associations se battent depuis des dizaines d'années, notamment
pour leurs droits politiques. Le pacifisme était un thème de débat
capital dans le mouvement socialiste à la charnière du dixneuvième et du vingtième siècle. La lutte pour le suffrage universel
visait à renverser des gouvernements autoritaires sans légitimité
populaire et démocratique,... En 1990, Max Kaase soulignait au
demeurant qu'il y avait en fait «beaucoup plus de continuité entre
les «vieux» et les «nouveaux» mouvements sociaux» que de
ruptures.51
Toutefois, il reste vrai que les événements de mai 1968 ont
permis de casser des tabous dans de nombreux domaines sociétaux
et que dans leur foulée, la décennie septante a vu fleurir des
réflexions, des actions et des engagements nouveaux dont une
bonne part a débouché sur la création de formations écologistes en
Europe.
Une synthèse difficile
48
A. GORZ, op. cit., p. 48.
49
Dans Ecologie et politique, André Gorz se situe dans ce fil : «La
fonction institutionnelle dévolue à l'école est de prolonger et de
corroborer — et non pas de contrecarrer ou de corriger — l'action
désintégratrice, infantilisante, déculturante de la société et de
l'Etat.»
Ibid., p. 45.
50
I. ILLICH, Une société sans école, Seuil, 1971, 220 p. Illich y appelle
à la «déscolarisation» : «Partout, non seulement l’éducation, mais
la société dans son ensemble, ont besoin d’être déscolarisées.»
(p.14).
51
M. KAASE, «Social Movements and Political Innovation», in
Challenging the political order. New social and political order in
Western democracies, Dalton & Kueler, 1990, 329 p., p. 105.
26
A partir d'une condamnation du productivisme et de la société
industrielle, l'identité de l'écologie recouvre donc des formes
diverses : critique radicale de la société s'appuyant sur les
«nouveaux mouvements sociaux», mais aussi refus, parfois
réactionnaire, du progrès. Ces deux tendances, ces deux approches
coexisteront un temps. Pierre Alphandéry, Pierre Bitoun et Yves
Dupont en dressait une prospective dans L'équivoque écologique :
« (...) il y a fort à parier que, tout en conservant à la fois son
caractère nébuleux et sa vitalité, l'écologie sera de plus en plus
écartelée entre l'attirance passéiste pour les sociétés de corps préindustrielles et le vertige futuriste d'une planète enfin advenue à
l'ère post-industrielle. Elle fera ainsi, et de plus en plus, l'objet de
critiques diamétralement opposées.»52
Dans les années septante, nombre d'observateurs et d'acteurs
verront dans un des pans des mouvements écologistes un espace de
recomposition de la gauche ou, plus exactement, d'une gauche.
Une gauche, dépassant le canevas social-démocrate d'un point de
vue politique et les conceptions théoriques marxistes. En effet, sur
un plan théorique, la pensée marxiste s'avère relativement
silencieuse dans le rapport des hommes à la nature.53 Jean-Paul
Deléage le rappelle : «L'interpellation écologique actualise la
critique du modèle de développement capitaliste et conduit
inévitablement à réévaluer la conception de la révolution avancée
par Marx et à la complexifier.»54
Ce qui rassemble les tenants de cette approche, parfois
qualifiée d'écosocialisme55, est la remise en cause radicale du
capitalisme et de son système hégémonique.56 La crise écologique
52
P. ALPHANDERY, P. BITOUN et Y. DUPONT, L'équivoque écologique,
La découverte/essais, 1991, 277 p., p. 272.
53
Voir J.-P. DELEAGE, D. HEMERY, «L'éconologie, critique de
l'économie», L'homme et la société, n° 91-92, 1989.
54
J.-P. DELEAGE, «Le rapport des sociétés à la nature : une question
de vie ou de mort», L'homme et la société, n° 91-92, 1989, p. 10.
55
Sur les sources de l'écosocialisme, voir F. DE ROOSE et P. VAN
PARIJS, La pensée écologiste, De Boeck-Université, 1991, 202 p.,
p. 59.
56
Tel que Mouffe l'a défini et qui lui permet d'y voir de nouvelles
perspectives pour une stratégie socialiste : «Ce qui est nouveau,
c'est la diffusion de la conflictualité sociale à d'autres domaines et
la politisation de tous les rapports sociaux. Une fois que l'on a
reconnu qu'il s'agit de résistances contre les formes de domination
qui sont la conséquence du développement du système
27
et la crise sociale ne seraient que les deux versants d'une même
pièce, d'un même système qu'il faut attaquer de tous les angles :
«Relever le défi que constitue aujourd'hui la crise écologique
suppose donc non pas une action spécifique, sectorielle, limitée
(du type de celles qui pratiquent les «ministères de
l'environnement et du cadre de vie» créés dans les différents Etats
occidentaux au cours de ces dernières années), mais une politique
au sens fort du terme : une pensée et une action visant à
réorienter et réorganiser les sociétés contemporaines tout
entières. En ce sens, les mouvements écologistes n'ont pas tort de
proclamer qu'ils sont porteurs d'une exigence radicale de
renouvellement de la politique. Et, à ce titre aussi, la crise
écologique concerne tout particulièrement la lutte de classe du
prolétariat, également animée d'un projet de refondation globale
de la société.»57
Cette perspective et cette vision seront cependant réfutées
par la plupart des écologistes et des partis verts, qui naissent à
l’aube des années quatre-vingts. Pour deux raisons essentielles.
Pour beaucoup d'entre eux, pour autant qu’il n’ait même jamais eu
une pertinence (voir infra), le clivage gauche-droite est dépassé.
Par ailleurs, si nombre d'écologistes dénoncent effectivement les
méfaits de la société capitaliste — de manière implicite ou parfois
explicitement —, leur critique dépasse largement le cadre de la
société capitaliste. C'est le productivisme qui est dénoncé. Dans la
société capitaliste, bien sûr, dont c'est un des traits d'identité mais
aussi dans les régimes socialistes, qui s'en glorifiaient.
Si l'écologie a un versant de gauche, mis en question, elle a
aussi un versant conservateur sinon réactionnaire. Celui-ci prendra
particulièrement la forme d'une exaltation du «bon vieux temps.»
Comme l'ont noté Claire Billen et Christian Dupont, le temps
historique est, dans cette perspective, divisé en deux grandes
étapes : avant et après la révolution industrielle.58
hégémonique d'après-guerre, on est en mesure de comprendre le
vaste potentiel anticapitaliste que de telles luttes représentent.
Dans la mesure où elles mettent en question un modèle de
développement productiviste et un Etat bureaucratique, elles
constituent sans conteste des revendications fondamentales pour
une stratégie socialiste.»
C. MOUFFE, op. cit., p. 151.
57
A. BIHR, «Ecologie et mouvement ouvrier», L'homme et la société,
n° 91-92, 1989, p. 58.
58
C. BILLEN et C. DUPONT, «Le bon vieux temps», La revue nouvelle,
n° 10, octobre 1978, p. 289.
28
Certains écologistes iront loin dans cette forme de
raisonnement en présentant la nature59 comme une «référence
immuable qu'il s'agit de restaurer dans son intégrité.»60 Ils poussent
parfois cette logique jusqu'à prôner l'édification d'un «droit de la
nature», donnant ainsi naissance à la «deep ecology»61 — l'écologie
profonde — qui a surtout fait des émules aux Etats-Unis et, dans
une moindre mesure, en Grande-Bretagne. Ces écologistes
«profonds» vénèrent Gaia.62
La «deep ecology» a focalisé les critiques envers l'écologie
politique et les partis écologistes. Certains auteurs ont assimilé les
différentes positions rencontrées sur l'échiquier de l'écologie
politique à ce versant particulier. Cette démarche intellectuelle a
été illustrée par Luc Ferry dans son ouvrage Le nouvel ordre
écologique63, dont le procédé n'est vraiment pas à son honneur.
La naissance des partis écologistes
La mouvance écologiste naît de l'émergence de mouvements
attentifs à la protection et à la sauvegarde de l'environnement.
Ceux-ci, dans la foulée du rapport du club de Rome en 1972,
remettent en cause le productivisme et la croissance. Mais elle est
aussi issue du fleurissement des «nouveaux mouvements sociaux»
qui se développent dans l'après mai-1968. Comment et pourquoi
cette mouvance a-t-elle débouché sur la création de partis
politiques ?
59
Dans l'ouvrage La prophétie anti-nucléaire, Michel Wieviorka
soulignait, en 1980, l'«historicité» nouvelle de certaines franges
écologistes, de même que certains courants passéistes parmi les
«naturalistes.»
M. WIEVIORKA, «La rupture», in A. TOURAINE, Z. HEGEDUS, F.
DUBET, M. WIEVIORKA, op. cit., p. 101.
60
A. CARTON et M. MOLITOR, «Ecologie et politique», La revue
nouvelle, n° 10, octobre 1978, p. 423.
61
F. DE ROOSE et P. VAN PARIJS, op. cit., p. 58.
62
Gaia, selon le scientifique anglais James Lovelock, incarne la terre.
Dans son optique, la terre est un organisme vivant qui trouve seul
son équilibre.
Voir D. SIMONNET, op. cit, p. 119.
63
L. FERRY, Le nouvel ordre écologique : l’arbre, l’animal et
l’homme, Grasset, 1992, 274 p.
29
La raison essentielle tient, selon nous, dans l'épuisement de
l'efficacité des «nouveaux mouvements sociaux» comme groupes de
pression. Ces associations ont atteint un seuil de militantisme, de
crédibilité et de rendement qu'ils ne pouvaient que difficilement
franchir. Peser «hors du jeu» sur la prise de décision a ses limites.
Plusieurs associations en prendront lentement acte. L'idée de se
présenter aux élections prend forme dans le deuxième lustre des
années septante. Très vite, la question de la constitution en parti
est avancée. La formation de partis écologistes s'opère avec
difficulté au début des années quatre-vingts. Mais partout en
Europe, le pas est franchi. Une nouvelle famille politique voit le
jour.
30
Chapitre 2
Les étapes d’Ecolo
31
A la suite de l'élection législative de novembre 1971, le
président de la fédération namuroise du Rassemblement wallon,
Pierre Waucquez, démissionne suite à sa cooptation au Sénat.
Nouveau président élu, Paul Lannoye est contesté et
immédiatement mis en cause. Cette crise interne à la fédération
namuroise du Rassemblement wallon entraîne le départ de Lannoye
et des personnes qui lui sont proches — notamment le sénateur
Paul Waucquez. Ces quelques personnalités fondent un nouveau
mouvement Démocratie nouvelle, dont les objectifs sont définis
dans le manifeste qu'ils publient en février 1973.1
Aux origines d’Ecolo
On y retrouve plusieurs thèmes qui formeront le canevas
identitaire de l'écologie politique, en particulier celui d'Ecolo. Le
«fédéralisme intégral» y est prôné comme mode de fonctionnement
de la société, en ce compris pour l'organisation elle-même.
Démocratie nouvelle veut éviter «les délégations de pouvoirs et
(...) garder à chaque membre du mouvement son autonomie et son
pouvoir de décision.»2 Sur le plan économique, la planification est
encouragée pour deux catégories de biens : les «biens
fondamentaux» et les «biens d'épanouissement», d'une part ; les
«biens superflus» et les «biens nocifs», d'autre part.
Démocratie nouvelle se présente à l'élection législative de
mars 1974 en alliance avec l'Union des progressistes (UDP).3 Elle
recueille 3 632 voix dans les arrondissements de Namur (2,1%) et de
Dinant-Philippeville (1,1%). L'examen des résultats obtenus dans les
1
P. MAHOUX et J. MODEN, «Le mouvement Ecolo», Courrier
hebdomadaire du CRISP, 22 juin 1984, p. 3.
2
Ibid., p. 4.
3
L'Union des progressistes agrège le parti communiste de Belgique et
des chrétiens de gauche indépendants. Elle sera surtout forte dans
les provinces namuroise et hennuyère.
32
cantons révèle les meilleurs résultats dans les cantons d'Andenne
(2,0%), de Fosses-La-Ville (2,3%) et de Namur (2,4%).
Résultats par canton en mars 1974
Arrondissement de Dinant-Philippeville
Voix
%
Beauraing
51
0,8
Ciney
96
0,8
Couvin
146
1,6
Dinant
167
1,2
Florennes
112
1,6
Gedinne
31
0,6
Philippeville
74
1,3
Rochefort
72
0,9
Arrondissement de Namur
Voix
%
Andenne
216 2,0
Eghezée
118 1,0
Fosses-La-Ville
638 2,3
Gembloux
278 1,3
Namur
1520 2,4
Il s'agit donc d'une organisation uniquement située dans la
province de Namur. Mais elle anticipe la formation et le contenu
des listes écologistes dans la deuxième moitié des années septante.
Les principaux responsables de Démocratie nouvelle seront d'actifs
participants aux listes écologistes formées en 1977, 1978 et 1979 et
à la constitution d'Ecolo. Retenons entre autres Paul Lannoye,
Georges Trussart, Gérard Lambert...
Lors de l'élection communale du 10 octobre 1976, Démocratie
nouvelle est à l'origine d'une nouvelle liste, Combat pour l'écologie
et l'autogestion, déposée à Namur. La liste recueille 63 089
suffrages, soit 1,9%.4
Si la scission Démocratie nouvelle de la fédération namuroise
du RW est une des sources d'Ecolo, on trouve un autre pendant de
l'émergence de la mouvance écologiste dans le foisonnement d'une
multitude d'organisations de protection de la nature et de
l'environnement. Comme nous l'avons vu, ces associations ont
parfois des buts et des ambitions plus larges dans le cadre du
développement «nouveaux mouvements sociaux»5 : combat contre
l'énergie nucléaire, pour les formes de médecine alternative, pour
la paix, pour le féminisme,...
A Bruxelles, à la suite des luttes pour l'aménagement du
quartier des marolles est établi, en 1969, l'atelier de recherche et
4
Le Soir, 10-11 octobre 1976.
5
Voir notamment le numéro spécial de La revue nouvelle : Les
«groupes de base.» Un phénomène politique ?, n° 9, septembre
1975.
33
d'action urbaine (ARAU). L'ARAU «a pour objet la lutte contre la
déshumanisation croissante des structures urbaines et la promotion
d'un cadre de vie qui développe la créativité collective. Il veut
rechercher un nouveau type d'organisation qui favorise la rencontre
des hommes dans la ville et qui oriente leurs relations vers la
démocratie.»6
L'association Inter-environnement, qui voit le jour en 1971, a
pour ambition d'agir comme groupe de pression sur les décisions
politiques en matière de protection de l'environnement et du
«cadre de vie.» La volonté d'intervenir dans les procédures
décisionnelles placera Inter-environnement dans une dynamique
complexe de contestation-intégration. Ce qui ne manquera pas
d'engendrer des tensions sur le but et le fonctionnement de
l'organisation. En 1978, Gérard Lambert n'hésitera pas à évoquer
sa — jeune — histoire comme celle de son «intégration progressive
dans l'appareil d'Etat.»7 Conclusion que nuancera voire contredira
René Schoonbrodt.8
De nos jours, Inter-environnement a clairement gagné en
crédibilité comme groupe de pression auprès des pouvoirs publics.
Cette crédibilité fut notamment accrue en termes d'expertise et
d'analyse avec la professionnalisation de l'association.9 En retour,
l'institutionnalisation progressive d'Inter-environnement a aussi
modifié sa nature et son attrait. Thérèse Snoy, actuelle présidente
d'Inter-environnement Wallonie, a ainsi remarqué que la militance
et le bénévolat à IEW sont plus rares aujourd'hui, notamment chez
6
H. CNUDDE, «L'atelier de recherche et d'action urbaine», La revue
nouvelle, n° 4, 1970, p. 387. Voir aussi l'interview de R.
SCHOONBRODT : «L'action urbaine : un exemple à Bruxelles,
l'ARAU», La revue nouvelle, n° 5-6, mai-juin 1971, p. 481 et
suivantes.
7
G. LAMBERT, «L'écologie est partout», La revue nouvelle, n° 10,
octobre 1978, p. 269.
8
René Schoonbrodt aborde cette problématique contestationintégration avec nettement plus de nuance sans nier pour autant les
dangers de «l'institutionnalisation.»
R. SCHOONBRODT, «Inter-environnement ou l'action contrainte», La
revue nouvelle, n° 10, octobre 1978.
9
Il y a aujourd'hui une quinzaine de permanents à Interenvironnement Wallonie qui permettent de faire face
«honorablement à l'énorme complexification des problèmes.»
T. SNOY, «Inter-environnement Wallonie. Du volontariat au
professionnalisme», Critique régionale, n° 20, p. 112.
34
les jeunes, car ces derniers semblent plus attirés par des
organisations «actives», contestataires et à l'écho médiatique
nettement plus important, telles Greenpeace.10 Il n'empêche
qu'Inter-environnement Wallonie a fédéré de plus en plus en
d'associations : 15 en 1974, 50 en 1980, 90 en 1990 et 116 en
1994.11
Le 12 mars 1976, naît l'ASBL Les amis de la terre, dont
plusieurs animateurs proviennent de Démocratie nouvelle. En
janvier 1977, Les Amis de la terre se dotent d'une charte qui,
comme le soulignent P. Mahoux et J. Moden, «porte la marque peu
douteuse des animateurs de Démocratie nouvelle et de Combat
pour l'écologie et l'autogestion.»12 La problématique de l'énergie,
et tout particulièrement de l'énergie nucléaire, est au centre des
préoccupations de cette nouvelle association. Elle condamne tout à
la fois le pari nucléaire et prône l'utilisation de sources
énergétiques alternatives. Dans le numéro spécial que La revue
nouvelle consacre, en 1976, à l'énergie nucléaire, Paul Lannoye en
dresse certains contours : «C'est un même effort de recherche qui
doit permettre la mise en œuvre rapide des techniques douces, la
priorité absolue devant être accordée aux énergies solaire et
éolienne. A cet égard, certains problèmes concrets pour lesquels
on peut espérer une solution doivent polariser l'attention :
1 - la ventilation de la consommation énergétique selon l'usage et
le secteur d'utilisation ainsi que la répartition géographique de
cette consommation,
2 - le stockage de la chaleur par voie chimique et par système à
changement de phase,
3 - le relevé des nappes aquifères au voisinage des agglomérations,
4 - le relevé des sites privilégiés du point de vue de la grandeur des
vents et de leur régularité.»13
Les Amis de la terre permettront à la jeune mouvance
écologiste de sortir progressivement de l'épicentre namurois en
créant des sections dans d'autres provinces wallonnes. Ainsi la
10
Ibid., p. 114.
11
B. RIHOUX, «Nieuwe sociale bewegingen in Franstalige België,
eenheid in Verscheidenheid ?», in S. HELLEMANS en M. HOOGHE
(eds), Van Mei'68 tot «hand in hand.» De geschiedenis van de
nieuwe sociale bewegingen in België. 1965-1995, Gavant, Leuven,
1995.
12
P. MAHOUX et J. MODEN, op. cit., p. 6.
13
P. LANNOYE, «Les énergies alternatives : un rôle marginal ?», La
revue nouvelle, n° 9, septembre 1976, p. 224.
35
section liégeoise est créée en mars 1977 sous les auspices de José
Daras, Théo Bruyère, Henri Hoffait et Raymond Yans, futurs
dirigeants liégeois d'Ecolo. C'est d’ailleurs dans les traces de la
constitution des sections locales des Amis de la terre que sont
déposées, à l'occasion des élections législatives de 1977, plusieurs
listes écologistes : Ecolog dans les arrondissements de BruxellesHal-Vilvorde et de Nivelles et Wallonie écologie dans huit
arrondissements provinciaux wallons. Ecolog obtient 11 555
suffrages (1% à l'échelle de l’arrondissement de Bruxelles-HalVilvorde et 2,3% dans l’arrondissement de Nivelles). WallonieEcologie est présente dans sept arrondissements. Elle obtient son
meilleur score dans le canton de Namur : 1743 voix, soit 2,9%.
Résultats de Wallonie-écologie par arrondissement
Voix
Charleroi
Mons
Soignies
Thuin
Huy-Waremme
Dinant-Philippeville
Namur
%
588
1953
896
861
777
809
3249
0,3
1,5
1,0
1,1
0,9
1,0
2,3
Créée pour la circonstance électorale de 1977, Wallonieécologie, après quelques mois d'hibernation, est remise sur pied
dès le 23 janvier 1978. Le 18 août 1978, elle adopte un programme.
Celui est fortement marqué par les axes programmatiques du
manifeste des Amis de la terre : fédéralisme intégral, référendum
d'initiative populaire, arrêt du programme nucléaire, promotion
des énergies non polluantes et renouvelables, protection des
espaces agricoles et forestiers,...14
Cette agrégation politique de la mouvance écologiste à partir
des Amis de la terre entraîne des conflits internes vifs en son sein.
Au bout du compte, une partie des militants — en particulier
bruxellois — plutôt favorables à l’action sur le terrain provoque une
scission. Deux groupes concurrents s'affrontent désormais : Les
Amis de la terre et le réseau libre des Amis de la terre.
Cet affrontement a des répercussions à l’occasion de l'élection
législative du 17 décembre 1978. Dans la mesure où, dans la région
bruxelloise, prédomine le réseau libre des Amis de la terre, la liste
Ecopol comprend de nombreux membres de cette organisation.
14
P. MAHOUX et J. MODEN, op. cit., p. 7.
36
L'autre liste écologiste présente dans la région bruxelloise, Ecolog,
n'a pas l'aval des Amis de la terre. En revanche, du côté wallon la
«tendance» des Amis de la terre prédomine mais les conflits
internes ont laissé des cicatrices. Il y a moins de listes qu'en 1977.
Wallonie écologie n'est présente que dans six arrondissements
administratifs : Nivelles, Charleroi, Liège, Neufchâteau-Virton,
Dinant-Philippeville et Namur.
La liste Ecolog recueille 8 364 suffrages, soit 1% dans
l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Ecopol récolte, pour sa
part, 3 924 voix, soit 0,5% dans le même arrondissement. Enfin
Wallonie-Ecologie engrange 21 224 voix, soit 1,23% à l'échelle
wallonne. Sans que ce résultat soit prodigieux, les scores obtenus
dans certains cantons wallons revêtent une certaine signification :
Wavre, 3,5% ; Liège, 2,6% ; Paliseul, 3,6% ; Walcourt, 3,0% ;
Andenne, 3,5% et surtout Namur, 5,2%.
Ces quelques éléments encourageants favoriseront la
poursuite d'un travail politique. Celui-ci trouve son prolongement
naturel dans la préparation d'une liste à la première élection au
suffrage universel pour le Parlement européen prévue pour juin
1979.
Dès le mois de février 1979, la plate-forme programmatique
de la liste est adoptée. Ses axes principaux sont la promotion d'une
Europe des régions, la démocratisation des Communautés
européennes et l'instauration des procédures référendaires, le
développement d'une économie européenne «écologique»,
l'établissement de relations égalitaires avec le tiers-monde, la
désescalade de l'armement nucléaire et le retrait de l'OTAN.15 Paul
Lannoye conduit la liste qui s'intitule Europe écologie. Y figurent
treize membres des Amis de la terre. Contrairement à la situation
qu'a connue Wallonie écologie aux élections législatives de 1977 et
1978, Europe écologie n'a pas la concurrence d'autres listes
écologistes.
Le résultat obtenu va au-delà des espérances puisque Europeécologie totalise 107 837 voix, soit environ 5% à l'échelle wallonne
et 3,3% dans l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Europeécologie recueille ses meilleurs résultats dans les provinces de
Namur (6,4%) et de Liège (5,9%). La percée est par contre moins
forte dans le Hainaut (3,5%) et dans la province du Luxembourg
(3,9%). Le résultat atteint s'inscrit dans une progression enregistrée
15
Ibid., p. 9.
37
par d'autres listes écologistes confectionnées pour l'élection
européenne.
Si Europe écologie n'a pas d'élus, ses artisans y voient un
formidable encouragement au développement de l'écologie
politique en Belgique francophone. Le jour même de l'élection, on
n'a pas fait pas mystère parmi les promoteurs de la liste : «Nous
avons tout lieu d'être optimiste pour la suite mais il va falloir que
nous nous organisions parce que nous représentons apparemment
un espoir pour une partie importante de la population et nous
n'avons pas le droit de la décevoir.»16 La liste Europe-écologie et,
plus largement certaines formations écologistes en Europe, a
dépassé un seuil de crédibilité électorale. L'écologie politique se
façonne désormais dans la vie politique de quelques Etats
européens. Cette émergence constitue un encouragement à aller
de l'avant et à étendre le champ de ses approches. Paul Lannoye ne
s'y trompe pas. Un mois après le scrutin européen, il annonce cette
évolution : «Plus fondamentalement sans doute, il s'agit de faire
connaître le projet écologique dans son intégralité, de prouver que
ce projet va bien au-delà de la lutte pour la protection de
l'environnement dans laquelle on essaie toujours de nous enfermer.
(...) Dans cette perspective, l'écologie qui implique de nouveaux
rapports de l'homme avec la nature, mais aussi de nouveaux
rapports sociaux apparaît bien comme la seule alternative
démocratique cohérente.»17
Même si l'impulsion des élections européennes a été forte, les
réticences à la création d'un parti restent multiples. Même parmi
les membres des Amis de la terre.18 Toutefois, chez les militants et
16
Le Soir, 12 juin 1979.
17
P. LANNOYE, «Que vont faire les écologistes ?», Le Soir, 11 juillet
1979.
18
Pierre André en donne un aperçu dans La revue nouvelle : «Les Amis
de la terre se veulent un mouvement d'écologie politique. Chaque
terme ici a son importance. Mouvement et non parti ni groupe de
pression, groupuscule ou club de réflexion, mais bien
rassemblement de militants écologistes disposant de moyens
d'analyse et d'action qui leur sont propres. Ecologie «politique» car
si elle ne proposait pas de nouveaux modèles de société elle
rentrerait dans la catégorie de l'environnementalisme dont nous
avons démontré plus haut les mécanismes. Adopté en février 1977,
le «manifeste des Amis de la terre-Belgique» consigne les grands
principes qui les animent et les guident. Ni bible, ni corps de
doctrine figé, il organise en projet politique la théorie et la
pratique écologiques articulées autour de trois thèmes essentiels :
l'écologie, l'autogestion et le fédéralisme intégral.»
38
les organisations de protection de la nature, de lutte contre
l'énergie nucléaire, de promotion du féminisme ou des énergies
douces, beaucoup s'interrogent sur les débouchés politiques de
leurs combats et sur une structuration globale de leur mouvement.
Le pas est en voie d'être franchi.
C'est lors de deux assemblées de militants écologistes au mois
de mars 1980 (Opheylissem, le 8 et Huy, le 23) qu'est mis sur les
fonts baptismaux le mouvement Ecolo. L'objectif principal est
«d'organiser une structure d'intervention permanente sur le mode
autogestionnaire et fédéraliste, afin de poser la revendication
écologique sur le plan politique en termes de gestion de société.»19
Ecolo se positionne surtout comme une formation totalement
neuve : neuve quant à son fonctionnement interne, neuve quant à
la manière d'envisager les débats, neuve enfin quant aux questions
qu'elle aborde. Ecolo veut tourner une page de l'histoire, celle qui
a opposé le monde du travail au monde du capital sur des enjeux
socio-économiques, la page qui a vu politiquement la gauche et la
droite se combattre. Ce n'est pas son histoire. Ce ne sont plus les
véritables enjeux. Ni à gauche, ni à droite. Ailleurs : «On nous
demande à quelles conditions Ecolo ne sera pas un parti comme les
autres ? Il y a une réponse de fond à cette question — insuffisante
peut-être — mais qui est déterminante : c'est qu'Ecolo est
l'interrogation politique qui pose les problèmes de notre
civilisation, se démarquant ainsi de l'héritage politique du siècle
passé dans lequel se mesurent tous les autres partis.»20
La création d'Ecolo n'a pas été acquise consensuellement.
Quelques semaines après la tenue des deux assemblées de
fondation, une série de mouvements se présentant comme des
«groupes écologistes de bases», lui dénient la légitimité d'incarner
l'écologie politique et dénonce son caractère opportuniste : «Des
représentants des groupes écologistes de base des régions de LiègeVisé, Bruxelles, Huy-Waremme, Verviers, Nivelles, Mons, Borinage,
Soignies, La Louvière (...) contestent la prétention d'Ecolo à une
quelconque représentativité des écologistes belges (...), dénoncent
l'adoption par ce mouvement d'une structure particratique qui
permet à quelques carriéristes politiciens d'envisager la réalisation
P. ANDRE, «Les Amis de la terre vus par un militant», La revue
nouvelle, n° 10, octobre 1978, p. 349.
19
La Libre Belgique, 23 avril 1980.
20
G. LAMBERT, J.-M. PIERLOT et J.-L. ROLAND, «Les écolos voient
l'avenir autrement», La revue nouvelle, n° 5-6, mai-juin 1982,
p. 544.
39
de leurs ambitions personnelles.21 «Pour Ecolo, il faudra attendre
les lendemains de l'élection législative de novembre 1981 pour se
voir reconnus comme seul représentant fondé de l'écologie
politique.
Mais à l’occasion de cette élection, plusieurs listes sont
présentées aux électeurs avec un label «vert.» A Bruxelles,
l'opposition à Ecolo est dirigée par Luc de Brabandere qui mène une
liste intitulée Ecolo-J. Elle aura un pendant dans certains
arrondissements wallons. En accord sur les principes défendus par
Ecolo, Ecolo-J est une réminiscence du conflit ayant opposé Les
Amis de la terre et du réseau libre des Amis de la terre qui s'est
focalisé sur des questions de personnes. Pour sa part, la tendance
libertaire est représentée sous l'autel de la liste Eco-Bruxelles dont
la démarcation envers Ecolo et Ecolo-J tient avant tout dans le
rejet du légalisme. La liste a en effet deux «origines» : les
membres de l'association CQFD (Cyclistes quotidiens follement
dynamiques) et les amis des militants des «cinq de Zeebrugge», à
savoir cinq sympathisants écologistes qui avaient saccagé le navire
Andrea Smith, chargé de déchets radioactifs dans le port de
Zeebrugge.22 Au demeurant, pour marquer leur différence, EcoBruxelles organise sa conférence de presse dans une maison
squattée dans le quartier des communautés européennes.23 Enfin,
une quatrième liste au label «vert» est déposée sous la houlette
d'André De Schrijver, proche des milieux d'extrême droite et aux
relents xénophobes marqués.24 Celle-ci porte le titre d'Ecolos.
Malgré la présence de plusieurs listes concurrentes, les
railleries de l'extrême-gauche25 et de la presse communiste26, et de
21
Le Soir, 29 avril 1980.
22
La Libre Belgique, 26 octobre 1981.
23
Le Soir, 1 et 2 novembre 1981.
24
Le Soir, 31 octobre 1981.
25
Dans le journal La Gauche (trotskiste), on peut lire : «Image de
marque oblige, le programme de la liste Ecolo est imprimé sur du
papier gris, visiblement du vieux papier recyclé. C'est très bien.
L'ennui, c'est que les idées qui s'y trouvent sont souvent, elles aussi,
de vieilles idées recyclées.
La Gauche, 5 novembre 1981.
26
Jean-Pierre Keimeul y fait des amalgames avec la vielle droite
française : «Disons-le sans acrimonie, les têtes de liste de ce
mouvement connaissent mieux les résidences secondaires de nos
campagnes que les corons ouvriers. Leur analyse politique et
économique rejoint parfois les discours du CVP ou plus exactement
40
maigres moyens27, Ecolo réalise une percée marquante lors du
scrutin législatif. Il obtient 135 129 suffrages. En Wallonie, son
score atteint 6,1% tandis que dans l'arrondissement de BruxellesHal-Vilvorde, il est de 2,5%. Qu'en est-il des listes écologistes
concurrentes ? Ecolo-J recueille 8 826 voix surtout dans
l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde, Eco-Bruxelles, 2 710 et
Ecolos 5 828, dont une bonne part dans le Brabant wallon. Si ces
trois listes ont pu porter un petit préjudice à Ecolo dans la région
bruxelloise, le total de leurs suffrages (17 364) témoigne que les
électeurs ont bien choisi Ecolo comme la formation écologiste
francophone «légitime.»
Ce résultat permet à Ecolo de conquérir ses premiers élus :
deux députés et trois sénateurs. Ecolo et Agalev sont de la sorte les
deux premières formations écologistes en Europe à remporter des
élus lors d'une élection nationale !
A la Chambre, Olivier Deleuze est élu dans l'arrondissement de
Bruxelles-Hal-Vilvorde et José Daras dans celui de Liège. Au Sénat,
Pierre Van Roye est élu dans l'arrondissement de Bruxelles-HalVilvorde, Simone Jortay-Lemaire dans celui de Charleroi-Thuin et
Alphonse Royen, dans celui de Verviers. Au surplus, Georges
Trussart sera coopté au Sénat sur une liste d'alliance PS-FDF-RPWEcolo.28 Ecolo recense ainsi six parlementaires à l'issue de ce
scrutin.
Le profil des élus écologistes détonne dans les assemblées
parlementaires. Olivier Deleuze a vingt-six ans. Ingénieur agronome
diplômé de l'université catholique de Louvain, il a accompli un
service civil à Inter-Environnement Bruxelles dont il deviendra viceprésident. Il militera aussi à l'ARAU et aux Amis de la Terre.29
Professeur de latin-grec, Alphonse Royen, qui a 43 ans au moment
de son élection, est parti enseigner en Afrique. Revenu en
Belgique, il adopte plusieurs enfants du tiers-monde et devient
d'une nouvelle droite française, qui s'inspirant du pétainisme des
années quarante, voit l'avenir dans le retour à l'agriculture, le
développement de l'artisanat et des petites entreprises.»
Le drapeau rouge, 8 octobre 1981.
27
Selon Ecolo, la campagne de 1981 a coûté un peu plus d'un millions
et demi qui ont été empruntés.
Le Soir, 10 novembre 1981.
28
Le Soir, 8 décembre 1981.
29
Le Soir, 12 novembre 1981.
41
ouvrier-forestier.30 Jeune enseignant liégeois (il a alors 33 ans),
José Daras est un «enfant de mai 1968.» Lecteur du journal
écologiste français La gueule ouverte (voir infra), il a suivi les
premiers jalons de l'écologie politique au travers du parcours de
René Dumont en France.31 Simone Jortay-Lemaire née en 1929 est,
pour sa part, conseillère conjugale. D'origine verviétoise, elle y a
créé en 1962 un des premiers centres sociaux pour les immigrés.
S'installant dans la région carolorégienne, elle milite pour le
planning familial et l'aide sociale contre le corporatisme médical.32
Agé de 56 ans, Pierre Van Roye est le doyen des élus. Employé, il a,
à l'instar d'Olivier Deleuze, milité aux Amis de la Terre et à InterEnvironnement Bruxelles où il a également occupé la viceprésidence.
L'entrée des députés et des sénateurs écologistes (Ecolo et
Agalev) au Parlement sera tonitruante. Olivier Deleuze et ses amis
se rendent en effet à vélo, sous une pluie battante, lors de la
première session le 27 novembre 1981. Ce jour-là, les
parlementaires écologistes volent la vedette aux responsables des
autres formations. Ce qui suscite amusements mais aussi ironie
paternaliste33 et râleries34. Le même jour, les députés écologistes
distribuent, au cours d'une suspension de séance, des petites fioles
d'«eau non radioactive» prélevée dans la Meuse, denrée qui risque,
selon eux «devenir rare dans quelques années.»35 Le ton est donné.
Le président de la Chambre, le libéral Jean Defraigne, aura
beaucoup de mal à s'accoutumer au non conformisme de certains
députés écologistes, qui transgressent les codes — ou peut-être les
canons ? — vestimentaires de «l'élite de la nation.»
30
Le Soir, 21-22 novembre 1981.
31
Le Soir, 24 novembre 1981.
32
Le Soir, 4 décembre 1981.
33
S'adressant à un journaliste, Guy Spitaels persifle : «Jacques, je
viens sur mon ânesse et j'aurai mon petit succès. Il pleut, c'est un
coup du sort pour ces jeunes gens. C'est excellent !»
Le Soir, 28-29 novembre 1981.
34
Le ministre régional bruxellois sortant, André Degroeve, peste de ne
pas voir son exploit sportif reconnu à sa juste valeur : «Je vois que
pour vos confrères photographes, il n'y a plus que le folklore qui
paie ! Personne ne parlera de moi, et pourtant je suis venu à pied
de mon bureau, et encore, sous la pluie.»
Le Soir, 28-29 novembre 1981.
35
Le Soir, 28-29 novembre 1981.
42
L'appréhension des institutions parlementaires par les
nouveaux élus écologistes révèle toutefois des sensibilités
différentes illustrées par les propos de José Daras et d’Olivier
Deleuze. Le député liégeois précise en effet d'emblée qu'il a choisi
d'inscrire son action politique dans le cadre des institutions : «La
tactique des radicaux italiens fait merveille dans leur pays, mais je
ne la crois pas exportable chez nous. Notre vie politique est déjà
suffisamment bloquée. Je nous imagine aller faire de l'obstruction,
en déposant des centaines d'amendements. Mieux vaut concentrer
nos forces sur les propositions réalistes, pas utopiques de notre
programme.»36 Le propos de Deleuze est autre : «Il va... falloir
être original... On peut imaginer des moyens les plus sérieux aux
plus burlesques, le but étant de se faire entendre... un peu à
l'image de ce que font les radicaux en Italie.»37
Le frère flamand : la naissance d'Agalev
Les origines du parti écologiste en communauté flamande,
Agalev, sont différentes de celles d'Ecolo. Il faut remonter au début
des années septante et à la mise sur pied dans la province d'Anvers
d'une association Anders Gaan Leven38 (AGL, vivre autrement). Ce
mouvement a été impulsé par Luc Versteylen, prêtre et enseignant
jésuite dans la banlieue d'Anvers.39 Le groupe fonde sa philosophie,
sa réflexion et son action autour de trois valeurs principales : la
solidarité, la sobriété et le silence.40
Lors des élections législatives de 1977, l'association AGL
décide de déposer une liste sous l'étiquette Agalev dans le canton
d'Anvers. Le résultat est alors marginal. Mais le fait d'avoir pu la
déposer contribuera à une certaine structuration. Il favorisera
36
Le Soir, 28-29 novembre 1981.
37
Cité par J. DARAS, «Le grand chantier», in J. DARAS, J. GEYSELS, H.
SIMONS, M. VOGELS, Le grand chantier. Réflexions d'écologistes,
Edition Luc Pire, 1994, 144 p., p. 81.
38
«Vivre autrement.»
39
B. RIHOUX, Emergence et développement des deux partis
écologistes belges, Institut e Ciències Politiques i Socials, working
paper, n° 77, 1993, 47 p., p. 6.
40
K. DESCHOUWER, «Belgium : The «Ecologists» and «Agalev»», in
F. MÜLLER-ROMMEL (Edited by), New Politics in Western Europe.
The rise and success of Green Parties and Alternative Lists,
Westview Press, 1989, 230 p., p. 40.
43
notamment le landelijke beraad (conseil national) à décider de
prendre à nouveau part aux élections législatives de 1978.41
A l'instar d'Ecolo, les élections européennes de 1979
permettent aux écologistes flamands de sortir de la marginalité
politique. Ils obtiennent à l'échelle du collège électoral
néerlandophone 2,3% des suffrages. Ce succès débouche cependant
sur des conséquences paradoxales dans la mesure où il accroît les
tensions entre le mouvement d'origine (AGL) et la structure
politique Agalev qui n'est alors toujours qu'un groupe de travail.
L'«explication finale» se déroulera suite à l'élection législative
de 1981, où la liste Agalev récolte 138 527 voix, soit 3,9% dans les
régions flamandes. A l'instar d'Ecolo, Agalev décroche aussi ses
premiers élus ! Dans ces conditions, les pressions pour la formation
d'un parti écologiste flamand sont plus fortes que jamais. Ce sera
chose faite à l'issue des journées des 27 et 28 mars 1982. Agalev
devient un parti politique à part entière.
Si le processus de création est parallèle à celui d'Ecolo,
l'origine et les sources d'inspiration d'Agalev sont très distinctes. Le
rapport au monde catholique, très puissant en Flandre, est à cet
égard tout à fait distinct d'Ecolo. Comme le soulignaient, en 1984,
Kris Deschouwer et Patrick-Edward Stouthuysen, «il existe une
affinité entre Agalev et des mouvements chrétiens progressistes.
(...) Le parti Agalev, et plus particulièrement, le «mouvement de
renaissance» dont il est issu, résulte d'un malaise vis-à-vis de
certaines institutions catholiques.»42
Les raisons qui ont permis à Ecolo en Communauté française
et germanophone, et à Agalev en Communauté flamande d'émerger
comme des partis écologistes avec un poids parlementaire et
politique certains sont diverses.
— D'une manière générale, à la suite des mobilisations des années
septante, on observe un frémissement électoral pour les partis
écologistes en constitution dans plusieurs pays européens. En 1983,
les Grünen allemands font à leur tour une entrée au parlement
fédéral, le Bundestag (voir infra).
41
B. RIHOUX, «Belgium : Greens in a divided society», in
D. RICHARDSON and C. ROOTES (Edited by), The Green challenge.
The development of Green Parties in Europe, Routledge, 1995,
268 p., p. 96.
42
K. DESCHOUWER et P.-E. STOUTHUYSEN, «L'électorat d'Agalev»,
Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 1061, 1984, p. 7.
44
— Le mode de scrutin belge basé sur une proportionnelle avec
apparentements provinciaux autorise l'arrivée de nouveaux groupes
ou partis sur l’échiquier politique. Bien plus que dans un système
majoritaire, le système proportionnel permet à de nouvelles
formations, qui ne sont pas marginales d'acquérir, à tout le moins
ponctuellement43, une base électorale et parlementaire.
— Il convient aussi d'analyser la percée d'Ecolo et d'Agalev à la
lumière du blocage que connaît la vie politique belge depuis le
milieu des années septante. En huit ans, les Belges ont été amenés
à se présenter aux urnes à six reprises : quatre élections
législatives chaque fois anticipées (1974, 1977, 1978 et 1981), une
élection communale (1976) et une élection européenne (1979). La
lassitude face à ce grippage du fonctionnement normal de la vie
politique a certainement profité à Ecolo et à Agalev.
— Il leur aura d'autant plus bénéficié qu'Ecolo et Agalev se
présentent aux électeurs avec des problématiques neuves, peu en
rapport avec les questions qui dominent le débat politique depuis
plusieurs années : le conflit linguistique sur fond d'échec du pacte
d'Egmont mais aussi sur fond d'une crise économique et sociale
dont on mesure de plus en plus l'ampleur.
— Par ailleurs, Ecolo, dont un trait d'identité est la défense du
fédéralisme sur le plan interne comme sur celui de la société,
profitera aussi partiellement du déclin du Rassemblement wallon.
Celui-ci s'est accéléré à la charnière des années septante et
quatre-vingt.
Evolution en Wallonie des résultats du Rassemblement wallon (en %)
1968
1971
1974
9,0 1977
21,0 1978
16,4 1981
7,0
9,2
4,7
— Enfin, rappelons que nous sommes dans une période où la
sensibilité à la dégradation de l'environnement s'est fortement
étendue.
Notamment
en
raison
des
catastrophes
environnementales qui ont frappé les imaginations (voir supra).
43
Les exemples sont nombreux d'une apparition parfois importante sur
l'échiquier politique d'une formation qui disparaît presque aussi vite
que son succès fut important. Nous songeons, pour la période
contemporaine, au rassemblement wallon ou l'Union démocratique
pour le respect du travail (UDRT).
45
La consolidation d'Ecolo
Durant l'année 1982, Ecolo s'efforce de gérer le succès de
1981, en tentant d'apprendre les subtilités de la vie et des
procédures parlementaires tout en conservant des activités et des
actions hors les enceintes de la Chambre et du Sénat. D'un point de
vue interne, il s'active principalement dans la perspective d'une
échéance capitale dans le cadre de son fonctionnement et de ses
propositions institutionnelles : les élections communales.
Ecolo s'y présente avec trois priorités programmatiques
essentielles tout en refusant toute alliance préélectorale44 :
— l'établissement du référendum d'initiative populaire à l'échelle
communale ;
— la reconnaissance de conseils de quartier et de villages (voir
infra) qui auraient un véritable pouvoir décisionnel sur les
questions concernant la ville ou le quartier ;
— la remise en cause du fonctionnement et des pouvoirs
«démesurés» des intercommunales.45 Dans l'optique de la
démocratie de base que prône Ecolo, la question des
intercommunales est essentielle. Au lendemain de son succès à
l'élection législative de 1981, les écologistes avaient déjà adressé
des critiques fortes au fonctionnement des intercommunales : la
manipulation de la gestion publique à des fins spéculatives par des
pouvoirs privés dans des intercommunales mixtes ; l'incompatibilité
entre les services que doivent assurer des intercommunales et la
présence au sein d'assemblées générales et de conseils
d'administration de plusieurs d'entre elles de représentants
d'intérêts privés ; la tendance aux prix surfaits dans la mesure où
les intercommunales ristourneraient «aux communes les bénéfices
prélevés sur les consommateurs.»46
Ces trois points sont d'ailleurs un prérequis pour toute liste de
rassemblement.47
44
Le Soir, 14 août 1982.
45
P. MAHOUX et J. MODEN, op. cit., p. 15.
46
Le Soir, 11 décembre 1981.
47
«Texte général pour les élections communal d'octobre 1982», Ecolo
info, n° 5, avril 1982, p. 6.
46
Après la percée de l'élection législative de 1981, Ecolo
«s'installe» en Communauté française lors de ces élections
communales. Il y recueille septante-cinq conseillers communaux.
En outre, il fait une entrée remarquée dans la majorité d'une des
plus grandes villes francophones du pays : Liège.48
La campagne communale a été très polarisée dans la ville de
Simenon. Deux pôles essaieront d'enlever la majorité absolue des
sièges. D'une part, une liste de rassemblement des progressistes
réunit le parti socialiste, le rassemblement populaire wallon et le
Rassemblement wallon sous le sigle RPSW. D'autre part, le PSC et le
PRL se présentent en cartel (Union pour Liège, UPL) pour faire
échec au RPSW. En définitive, ni l'un ni l'autre ne recueillent de
majorité absolue.
Résultat des élections communales à Liège en 1982
Voix
RPSW
UPL
Ecolo
PCB
PTB
AAT-AAJ
UDRT
RCL
VOTEZW
RAL
SZ
48 483
43 452
13 871
5 270
277
659
1 936
3 918
463
165
480
%
Sièges
40,75
36,52
11,66
4,43
0,23
0,55
1,63
3,29
0,39
0,14
0,4
23
21
6
1
C'est dans ce contexte qu'Ecolo sera approché tout à la fois
par le RPSW et par le cartel libéral-social-chrétien. Très
rapidement, les écologistes abandonnent la perspective d'un accord
avec les libéraux et les sociaux-chrétiens. Les discussions débutent
alors avec les représentants du RPSW. Ecolo défend prioritairement
la confection d'un programme de législature sur lequel, en réalité,
il ne rencontre que peu de réserve à sa grande surprise.49 Il est vrai
que pour le PS, le RW et le RPW, l'essentiel n'est pas là. Ecolo fait
son écolage politique.
48
J. BAUFAYS, M. HERMANS et P. VERJANS, «Les élections
communales à Liège : cartels, polarisation et les écologistes au
pouvoir», Res publica, 1983, 2-3.
49
P. MAHOUX et J. MODEN, op. cit., p. 64.
47
L'accord entre Ecolo et le RPSW est signé le 22 octobre 1982
et débouche sur un programme de gestion détaillé. Celui-ci prévoit
notamment des points clés en termes de participation politique des
citoyens hors le calendrier électoral : interpellation des habitants
aux séances du conseil communal, retransmission audiovisuelle des
séances du conseil, possibilité d'organisation de référendums
d'initiative populaire,... Le programme contient par surcroît un
élément essentiel aux yeux des écologistes : le désengagement du
nucléaire dans un délai maximum de cinq ans. Cet accord sera
accepté par trois quarts de l'assemblée des cent-vingt membres
présents de la locale liégeoise d'Ecolo.50
Ecolo est représenté au collège par trois échevins : Raymond
Yans (Premier échevin, échevin de l'Urbanisme, de l'aménagement
du territoire et des transports en commun), Brigitte Ernst
(échevine de la Jeunesse, des sports51, de la participation et des
relations avec les quartiers) et Théo Bruyère (échevin du Logement
et des bâtiments communaux).
Pendant les premières années d'existence, la vie et l'activité
d'Ecolo sont rythmées par un double mouvement. D'une part, une
certaine institutionnalisation de son action. Au Parlement mais
aussi dans tout ce qui concerne la vie politique. D'autre part, dans
la réaffirmation constante par Ecolo de sa vocation de mouvement,
c'est-à-dire d'association présente sur d'autres terrains que le
niveau institutionnel.
Les initiatives écologistes dans le domaine extraparlementaire sont percutantes, médiatiques et ont pour ambition
de frapper les imaginations.
— En avril 1982, les sénateurs Alphonse Royen et Georges Trussart
entament un jeûne pour exiger du gouvernement des mesures
50
Y. VANDERBEMPDEN, Ecolo : De l'action civique à l'action politique.
Analyse d'éléments historiques et de l'itinéraire de 16 élus de
Wallonie et de Bruxelles, mémoire de licence UCL, juin 1993, 180
p., p. 31.
51
Dans une interview au journal Vlan, Brigitte Ernst reconnaîtra, en
novembre 1984, «n'avoir jamais participé, avant d'être nommée
échevin, à la moindre manifestation sportive !»
Vlan, 12 novembre 1984.
48
concrètes concernant la résolution contre la faim dans le monde
adoptée par le Sénat à l'initiative des écologistes.52
— En janvier 1983, les écologistes parodient, dans le métro
bruxellois, les services offerts par les compagnies d'aviation à leurs
passagers. Ils y distribuent des pralines pour stigmatiser la politique
des prix de la société des transports intercommunaux bruxellois. En
effet, selon les calculs d'Ecolo, le prix du voyage en métro est
supérieur au kilomètre à celui pratiqué par les compagnies
d'aviation.
— A Uccle, commune de la région bruxelloise, le conseil communal
écologiste Alain Thys joue de la corne de brume et se fait exclure
par la police lors d'une séance du conseil communal.53
— En septembre 1984, plusieurs militants d'Ecolo bloquent pendant
une heure, à Hockay, le tour de Belgique tout terrain pour
protester contre les dégradations à la nature que cette compétition
occasionne.54
— Le 21 avril 1985, enfin, les parlementaires écologistes — Ecolo et
Agalev — franchissent de manière illégale l'enceinte de la base de
Florennes où doivent être «accueillis» les missiles de croisière
américains pour protester contre l'abandon de ses prérogatives par
la Chambre et le Sénat. Arrêtés, les parlementaires sont maintenus
en prison pendant deux jours. L'affaire fait grand bruit et
embarrasse le gouvernement libéral-social-chrétien. Tout le monde
dans la mouvance pacifiste n'a toutefois pas apprécié cette action
de «francs-tireurs.» Le comité national d'action pour la paix et le
développement (CNAPD) qui rassemble la nébuleuse des
organisations pacifistes ne cautionne pas cette action non
concertée : «Le CNAPD dénonce les actions entreprises en dehors
des concertations avec les composantes du mouvement de la paix,
alors que l'essentiel est de convaincre les populations du bienfondé des propositions du mouvement de la paix.»55
Trois ans après la création d'Ecolo, l'heure est à un premier
bilan de la présence d'Ecolo comme mouvement et comme parti sur
l'échiquier politique belge. Après la première percée de l'élection
législative de novembre 1981, après l’implantation réalisée dans la
foulée de l'élection communale de 1982 et alors qu'Ecolo est
52
Les deux sénateurs poursuivront leur grève de la faim «jusqu'à la
limite de leurs forces physiques mais sans se détruire.»
La Libre Belgique, 6 mai 1982.
53
Le même Alain Thys proposera de débaptiser l'avenue De Fré, ou
siégeait l'ambassade d'URSS, au profit de l'avenue Sakharov.
54
La Wallonie, 15 septembre 1984.
55
Le Soir, 22 avril 1985.
49
présent au Parlement depuis deux
enseignements tirés par ces expériences ?
ans,
quels
sont
les
Tel est l'objet principal de l'assemblée générale qu'Ecolo
organise à Marcinelle en avril 1983. Selon Paul Lannoye, secrétaire
fédéral et l'un des têtes pensantes du mouvement, Ecolo peut se
montrer satisfait du chemin parcouru pendant cet espace-temps
même si du travail reste encore à réaliser : «Le bilan est positif car
le monde politique a été obligé de prendre en compte une série de
thèmes que nous jugions prioritaires. (...) On a réconcilié une
partie de l’opinion publique avec la politique. Enfin, un élément
négatif est sans doute qu'avec neuf parlementaires (six
francophones et trois néerlandophones), nous ne pesons pas assez
dans les débats à la Chambre et au Sénat.»56
Les débats de l'Assemblée de Marcinelle découvrent plusieurs
bémols à ce satisfecit. Les écologistes ont découvert les difficultés
et les limites de l'action parlementaire, l'ingratitude du travail dans
les commissions de la Chambre et du Sénat, de même que les
rapports nouveaux aux associations et aux individus que leur
présence au Parlement a provoqués. «Le travail au Parlement était
apparu à la fois plus prenant et plus ingrat que prévu. Très vite, les
gens, les groupements, se sont adressés à nous parce que nous
étions au Parlement et pour nous demander de plus en plus d'y
travailler pour défendre leurs préoccupations. C'était vraiment la
découverte d'un continent inconnu. Enfin, le Parlement se révélait
ne pas être l'amplificateur espéré»57 rappelait récemment José
Daras.
En plus, il y a les interminables discussions avec des
partenaires éventuels et, surtout, une difficulté nouvelle mais qui
devient récurrente dans le mouvement : assurer un travail
parlementaire crédible et sérieux tout en maintenant une activité
et des actions extra-institutionnelles.58 Tâche redoutable s'il en est
pour un parti qui ne compte que quelques centaines d'adhérents et
moins de militants encore. La tension entre la dynamique du
«mouvement» et la logique du «parti» est parfois complexe à
assumer. Des dissensions se font jour et les déçus, de part et
d'autre, s'expriment.
56
La Libre Belgique, 30 avril 1983.
57
J. DARAS, «Le grand chantier», in J. DARAS, J. GEYSELS, H. SIMONS,
M. VOGELS, Le grand chantier. Réflexions d'écologistes, Ed. Luc
Pire, 1994, 144 p., p.84.
58
Le Soir, 2 mai 1983.
50
Au début de l'année 1984, Eric Picard, un des neuf secrétaires
fédéraux d'Ecolo démissionne. Il reproche le manque de réflexion
de l'organisation sur cette problématique et la gestion des
problèmes au jour le jour : «On ne s'est pas posé, ou on ne veut
pas, la question de savoir si nous devons effectivement participer
aux institutions toujours et partout, en accepter tous les vices,
cachés ou non. Nous n'avions pas de stratégie, ni de tactique à
mener au sein des diverses institutions politiques. Ce sont les
institutions qui nous ont dicté notre ordre du jour, nos thèmes de
réflexion. (...) Notre présence institutionnelle n'a apporté aucun
changement fondamental en direction de nos objectifs.»59
Au-delà du malaise politique sur la définition identitaire du
mouvement que met en exergue cette démission, cet exemple
révèle aussi l'hétérogénéité des motivations des adhérents originels
d'Ecolo. Les attentes, les envies, les choix de vie et de société sont
très dissemblables parmi les membres fondateurs du mouvement.
Leur parcours politique aussi. Ecolo aura à clarifier tout à la fois
son identité et à choisir entre des orientations stratégiques
discordantes. Cela ne se fera pas sans peine.
Si le monde des adhérents écologistes est hétéroclite, Ecolo
est aussi confronté à un autre problème important : l'instabilité de
ses élus, à tous les niveaux de pouvoirs. Un an après son élection,
le sénateur Royen remet son mandat. Au surplus, Ecolo est frappé
par un drame. La sénatrice Ecolo, M. Jortay-Lemaire, décède
accidentellement en septembre 1984. Dans les conseils
communaux, le problème se pose avec encore plus d'acuité. Les
situations sont diverses.
— La découverte du travail communal en a découragé quelquesuns.
— Les élus communaux d'Ecolo sont le plus souvent très jeunes ;
c'est-à-dire, les personnes dont la mobilité est la plus forte.
Plusieurs déménagements d'élus entraînent la vacance de fait ou de
droit des sièges.
— Les discussions internes dans l'organisation écologiste ont
également eu un impact sur le monde des élus communaux.
Plusieurs d'entre eux abandonnent la vie politique ou, de temps à
autre, changent de parti.
En 1985, Ecolo avait épuisé en plusieurs endroits ses réserves
en suppléants.
59
Ecolo info, n° 36, 31 mars 1984, p. 51.
51
Une progression arrêtée
Durant le premier semestre de l'année 1984, Ecolo s'active à la
préparation du deuxième scrutin européen au suffrage universel.
Dernier niveau où il n'a pas encore d'élus, les verts espèrent
décrocher un siège en juin. La liste est conduite par, l'ancien
secrétaire général d'Inter-environnement Wallonie, François
Roelants du Vivier.
Le 17 juin, le pari d'Ecolo est gagné. De 135 129 voix à
l'élection législative de 1981, il grimpe à 220 663 suffrages (9,4% à
l'échelle wallonne), enregistrant une progression spectaculaire dans
le Hainaut, où il n'est pas loin de tripler ses voix. Surtout, sa tête
de liste, François Roelants du Vivier, est élue.
Le succès d'Ecolo dans le collège francophone belge est
partagé du côté flamand, puisqu'Agalev recueille 246 712 voix (7,2%
dans la région flamande) et obtient aussi un député européen :
Paul Staes.
La victoire électorale de 1984 et le gain d'un siège de
parlementaire européen ont été accueillis avec satisfaction mais ils
n'ont pas effacé le trouble qui traverse Ecolo depuis plusieurs mois.
Au début de l'année 1985, Paul Lannoye en fait état sans
ambages : «Il me paraît, et de nombreux indices confirment cette
impression, qu'il est temps de provoquer un sursaut au sein d'Ecolo.
Le désenchantement actuel, le manque d’enthousiasme et même
une certaine grogne ambiante paraissent sans doute hors de propos
alors que notre popularité se confirme de jour en jour, et pourtant
les faits sont là.»60 Il propose un plan de relance politique articulé
autour de quatre points majeurs.
— L'organisation de campagnes d'envergure sur des thèmes tout à
fait spécifiques à Ecolo par rapport aux autres formations
politiques. Il songe en particulier à une action saillante contre
l'utilisation massive de pesticides dans l'agriculture de même qu'à
une campagne d'information d'envergure sur la problématique des
pluies acides.
— Fixer comme priorité d'assurer la présence d'Ecolo d'abord et
avant tout dans les débats politiques où les écologistes peuvent
marquer leur différence : c'est-à-dire principalement dans le
registre des questions relatives à la protection de l'environnement.
60
Ecolo info, 1er février 1985, n° 51, p. 49.
52
— Soutenir à tous les points de vue — politique mais également
financier — des initiatives d'autres mouvements ou associations en
accord avec les orientations philosophiques et politiques d'Ecolo,
tout particulier sur les questions qui concernent l'environnement.
— Enfin, corollaire des trois premières propositions, Paul Lannoye
suggère de «laisser tout le reste, c'est-à-dire ce qui ne nous permet
pas de faire la différence.»61
Le malaise est confirmé dans le rapport moral présenté par le
secrétariat fédéral au premier semestre de l'année. On peut
notamment y lire qu'Ecolo «(au niveau fédéral en tout cas) a
beaucoup plus souvent réagi que pris l'initiative. De plus, ses
réactions se font au coup par coup sans stratégie globale»62, thème
étonnamment proche de certains reproches adressés à la direction
du mouvement ces derniers mois.
C'est donc dans la voie d'un repositionnement politique,
stratégique et organisationnel qu'une première étape importante
dans la tentative de clarification de la dialectique entre les
dimensions «mouvement» et «parti» d'Ecolo a lieu lors des
assemblées générales de 1985. A l'issue de débats vifs mais
constructifs, est adoptée une déclaration dite de PeruwelzLouvain-La-Neuve.
Pour l'essentiel, la déclaration de Peruwelz-Louvain-La-Neuve
de 1985 réaffirme les deux faces de l'identité organisationnelle
d'Ecolo — parti et mouvement. Mais dans la logique dégagée par
Paul Lannoye au début de l'année 1985, elle insiste cependant
spécifiquement sur l'aspect mouvement : «Ecolo est un parti
politique. (...) Mais Ecolo ne veut pas privilégier le travail dans les
institutions, qu'il cherche d'ailleurs à désacraliser en confrontant à
la réalité les discours qui y sont tenus. Ecolo se veut surtout un
mouvement, en contact direct et permanent avec les multiples
associations qui forment le tissu de la mouvance écologiste.»63
Mais les dissensions n'en sont pas pour autant atténuées. Elles
vont, au contraire, s'amplifier. Le noyau dur de la contestation
provient principalement de la régionale de Bruxelles. Les opposants
aux choix majoritaires veulent marquer Ecolo plus à gauche que ne
le souhaite la direction. Plusieurs d'entre eux ont une sensibilité de
61
Ecolo info, 1er février 1985, n° 51, p. 50.
62
Ecolo info, dimanche 26 mai 1985.
63
Ecolo, Déclaration de Peruwelz- Louvain-La-Neuve exprimant les
principes fondamentaux du mouvement Ecolo rendue publique le
1er juillet 1985, 18 p., p. 16.
53
gauche, voire parfois d'extrême-gauche. Certains ont milité dans
des organisations d'extrême gauche proche de la mouvance
trotskiste (Pour le socialisme — PLS —, La ligue révolutionnaire des
travailleurs — LRT). Il ne s'agit que de quelques individus64 mais
c’est une composante qualitativement importante. Dès avant
l'assemblée générale de Floreffe, qui se tient en mai 1985, ils
enjoignent le mouvement à adopter un «programme de résistance à
la crise.»65
Le conflit entre le secrétariat fédéral et la régionale de
Bruxelles connaît un nouvel accès en septembre 1985. Lors de son
assemblée, le 4 septembre 1995, la régionale de Bruxelles a
confectionné des listes au Sénat et à la Chambre dans lesquelles
des places, supposées utiles, sont attribuées à des personnes très à
gauche. A la chambre, la proposition est la suivante : 1 Deleuze,
2 Collard, 3 Fauchet et 4 Winkel. Au Sénat, l'ordre est 1 Vaes,
2 Segers, 3 Van Roye. Saisi par quelques délégués bruxellois
mécontents de ce classement, le comité d'arbitrage fédéral annule
cette proposition en affirmant que la «désignation des candidats à
Bruxelles est entachée de suspicion.... et risque de compromettre
le consensus politique et la cohésion du mouvement.»66 Ce conflit
entre la régionale bruxelloise et les instances fédérales se réglera
difficilement. Le 13 septembre une nouvelle assemblée régionale
modifie, au terme de longs débats et à la suite d'une vingtaine de
votes67, la présentation des listes. A la Chambre, Olivier Deleuze
occupe toujours la deuxième place mais cette fois devant Xavier
Winkel. Collard est troisième tandis que Jean-Louis Fauchet qui
suscitait la méfiance des instances fédérales est rétrogradé en
quatrième place. Au Sénat, Jean-François Vaes emmène la liste
devant Carla Segers et Jean Donneux. Les problèmes de la liste
bruxelloise ne seront pas clos pour autant puisque le comité
d'arbitrage refusera la présence de Carla Segers-Goffi sur la liste ;
celle-ci ayant acquis la nationalité belge trop tard selon les
instances fédérales d'Ecolo.
64
Olivier Deleuze l’évalue à 10% de la régionale bruxelloise.
Entretien avec les auteurs, 23 janvier 1996.
65
La Libre Belgique, 12 mai 1985.
66
Le Soir, 12 septembre 1985.
67
Le Soir, 16 septembre 1985.
54
Ecolo part donc aux élections législatives d'octobre 1985 dans
le cadre d'une tension interne latente et explicite. Néanmoins, les
écologistes vont au scrutin confiants. Ils pensent les partis
écologistes en croissance et ils ont connu une progression notable
aux élections européennes. De plus, le travail de plusieurs de ses
parlementaires a été reconnu. Dans un classement des députés
francophones fondé sur le dépôt de propositions de lois,
d'amendements, la confection de rapports, de questions écrites ou
orales et d'interpellations, Olivier Deleuze et José Daras sont, par
exemple, respectivement répertoriés troisième et neuvième.68 Pour
leur part, Georges Trussart et Pierre Van Roye sont classés
quinzième et vingt-neuvième parmi les sénateurs francophones.
Le résultat des élections est très décevant pour les écologistes
francophones qui s'attendaient à une nouvelle percée. Il n'en est
rien. Le score obtenu est très en retrait du résultat de l'élection
européenne de 1984 : 152 843 suffrages soit 70 000 de moins qu'un
an auparavant. Le désappointement est d'autant plus vif qu'au Nord
du pays, Agalev a, lui, confirmé son résultat des élections
européennes (226 758 voix) et qu'Ecolo espérait une progression
notable par rapport à l'élection de 1981. Ce ne sont finalement que
15 000 voix supplémentaires que les verts ont pu gagner. Le
traumatisme est grand dans ses rangs.69
Ecolo a sans doute quelque peu pâti de l'arrivée —
éphémère — sur l'échiquier politique d'une nouvelle formation
politique. Né le 24 mars 1985, Solidarité et participation (SeP) se
présente, comme le nouveau relais politique du mouvement ouvrier
chrétien, après la participation du parti social-chrétien à la ligne
néo-libérale du gouvernement Martens-Gol. SeP a pris part à la
campagne de 1985 en mettant en exergue quatre «convictions» :
— l'idée qu'il existait une alternative, même «limitée», à la crise
économique et à la politique du gouvernement ;
— les points déterminants de l'alternative devaient s'établir tout à
la fois sur des questions de politique économique et sociale mais
aussi sur des problématiques institutionnelles telles le
68
Le Soir, 1 octobre 1985.
69
G. Dutry, F. Janssens, J.-M. Pierlot et C. Delbascourt parlent pour
leur part d'«électrochoc» : Les résultats de ces élections législatives
ont joué un rôle d'électrochoc pour Ecolo, qui précédemment avait
tendance à croire à une augmentation automatique de son
pourcentage dans les élections successives. Les résultats ont été
ressentis comme un succès relatif ou comme un échec relatif.»
Ecolo info, numéro spécial, 6 janvier 1986, p. 5.
55
développement et le dynamisme régionaux et d'élargissement de
l'espace démocratique ;
— l'absolue nécessité d'allier dans cette alternative l'approche des
problèmes intérieurs et les questions extérieures : le principe de
solidarité devant guider cette appréhension combinée ;
— le besoin de renouveler la société, de l'ouvrir au débat, d'y
valoriser la place des femmes et des jeunes afin de garantir son
caractère pluraliste et pluriel.70
Une fois encore dans l'histoire politique belge, la tentative
d'établir un parti politique incarnant la philosophie et les principes
du mouvement ouvrier chrétien a échoué. SeP n'a pas remporté le
succès qu'il escomptait. Il n'empêche que les éléments fondés sur le
christianisme social qu'il a mis à l'avant-plan de la campagne ont
séduit des catégories électorales susceptibles de voter pour Ecolo.
On peut notamment l'observer dans le Brabant wallon.
Ce résultat fut aussi le fruit d’une mauvaise campagne. Paul
Lannoye le rappelle : «On est allé aux élections fleur au fusil en
croyant qu’on allait gagner. Il n’en a rien été. Ces élections
avaient été très mal préparées. On était à l’époque dans un
bouillonnement interne qui était stimulant quelque part mais qui
était un peu destructeur. Tout était toujours remis en question.»71
A l'issue des élections, Ecolo recense cinq députés dont trois
nouveaux : Olivier Deleuze et Xavier Winkel (Bruxelles), José
Brisart (Soignies), Georges Dutry (Charleroi) et José Daras (Liège).
La moyenne d'âge des cinq députés est de 34 ans ! Au Sénat, Ecolo
a deux — nouveaux — élus directs : Jean-François Vaes (Bruxelles)
et Edgard Flandre (Charleroi-Thuin) auquel s’adjoindra Georges
Trussart, coopté sur une liste PSC-CVP-Ecolo-Agalev.
Ceux qui escomptaient une victoire pour relancer Ecolo et
diluer la contestation en sont pour leurs frais. Au contraire, l'échec
de 1985 alimentera et exacerbera la crise interne. Les explications
sont différentes de part et d'autre. Relevons toutefois un élément
de commentaire qui a souvent eu beaucoup de succès lors des
tassements électoraux d'Ecolo : le problème de la communication.
José Daras, par exemple, attribue — déjà ! — le résultat à un
problème de communication électorale : «Nous avons eu quelques
toutes-boîtes mal réussis avec des BD moches, un «look» peu
attirant. On a surtout mal ciblé nos investissements. Les gens se
préoccupent du chômage, de la violence, de la sécurité. Ils se
70
Le Soir, 24 septembre 1985.
71
Entretien avec les auteurs, 24 janvier 1996.
56
fichent, malheureusement sans doute, complètement de
l'agriculture biologique. Certains ont voulu rompre le coup au
professionnalisme. Dans un débat télévisé, nous avons été
lamentable.»72
A la fin de l'année 1985, une crise éclate au secrétariat
fédéral. Philippe Defeyt, Paul Lannoye et Michel Somville, trois
fortes personnalités du secrétariat fédéral, remettent leur mandat
à la disposition du parti à la suite de ce qu'ils ont perçu comme un
vote de méfiance : «La réunion du conseil de fédération du 29
novembre dernier a débouché sur une décision qui a entraîné un
certain nombre de secrétaires fédéraux à annoncer leur démission.
Il n'est pas niable que le secrétariat fédéral connaît actuellement
des problèmes de fonctionnement difficiles à gérer et que, par
ailleurs, le rôle qu'il est censé tenir ne semble pas clair pour tout le
monde (y compris à l'intérieur même du secrétariat fédéral) ce qui
accroît ces difficultés.»
Le vote négatif sur la base même du projet d'organigramme a
sans doute été la goutte qui fait déborder le vase, d'autant plus
aisément que :
«personne ne semble disposé à prendre le relais ;
les offres concrètes de collaboration ou de simple assistance sont
aussi rares que les critiques nombreuses.
En outre, le vote dont la question concluait une discussion où était
mise en cause «la philosophie même de l'organigramme», il a donc
été perçu par les soussignés comme un vote de méfiance. La
conséquence logique, de notre point de vue, était la remise de
notre mandat à la disposition de la prochaine assemblée.»73
Pendant l'année 1986, la crise interne ouverte connaît des
soubresauts multiples.
72
Le Soir, 4 avril 1986.
73
Ecolo info, 15 décembre 1985, n° 66.
57
Vers une «opposition constructive écologiste»
à la majorité PRL-PSC du gouvernement wallon ?
La première assemblée générale de 1986, le 23 février à
Louvain-La-Neuve, a été houleuse. Une motion signée par Paul
Lannoye, Michel Somville et Philippe Defeyt préconisait la
professionnalisation des postes de secrétaires fédéraux.
L'assemblée n'a pas suivi cette proposition, la motion est défaite
par septante-sept voix (53,8%) contre soixante-six (46,2%). Paul
Lannoye parle de «piètre bilan d'une journée.»74
Les délégués de la régionale bruxelloise sont voués aux
gémonies. Le poids de la régionales de Bruxelles est en effet très
important. Ainsi à l'Assemblée de Louvain-La-Neuve, sur les cent
quatre-vingts membres ayant participé à un moment ou à un autre
à l'assemblée, un seul venait de la régionale d'Arlon-MarcheBastogne, dix de Charleroi, six de Huy-Waremme, vingt-trois de
Namur, sept de Soignies, vingt-deux du Brabant wallon, huit de
Dinant-Philippeville, dix-neuf de Liège, quatre de NeufchâteauVirton, sept de Thuin, six d'Eupen-Malmédy, quatre de Mons et
cinquante-six de Bruxelles.75
Quelques réactions enregistrées à la suite de cette assemblée
attestent de l'ampleur de l'aigreur et du combat interne :
— Jean-Paul Chauvin : «Quant au fond, nous regrettons qu'une fois
de plus, nous ne sommes pas véritablement parvenus à vider l'ordre
du jour. En effet, une fois de plus, nous avons été «piratés» par des
interventions parasites, toujours les mêmes :... «Nous-pauvresfemmes-victimes-des-hommes-ces-abominables-machos»... ;
le
refrain toujours virulent, toujours gauchisant de quelques
omniprésents Bruxellois.»76
— François Gérard : «Moi, je crois que, si Ecolo veut éviter l'échec
qui finalement serait aussi bien l'échec du mouvement que celui du
parti, il est primordial de savoir ce que nous voulons (...). Si le
parti doit perdre 40 ou 50 membres, il vaut mieux que cela se fasse
très vite. Ces camarades seront toujours des amis, puisque
mouvement et parti doivent être intimement liés.»77
74
Ecolo info, n° 69, 8 mars 1986.
75
Ecolo info, numéro spécial, supplément au n° 70, 10 avril 1986.
76
Ecolo info, n° 70, 25 mars 1986, p. 9.
77
Ibid., p. 9.
58
— Georges Dutry : «Eh bien cette assemblée générale s'est révélée
particulièrement décevante. (...) En réalité, nous sommes devant
des choix décisifs et les participants à cette assemblée générale
ont refusé de sauter l'obstacle ! Ne cernaient-ils pas bien les
enjeux ? Ou pressentaient-ils trop bien les incidences des
orientations à prendre ? Pour ma part et de manière sommaire, je
dirais que nous avons à opter
. entre
un fonctionnement fait de trop de bricolage et un
fonctionnement plus professionnel et responsabilisé ;
. entre
des responsables fédéraux bénévoles et en difficulté
d'assurer la gestion politique quotidienne et un secrétariat fédéral
rémunéré partiellement, capable de jouer quotidiennement un rôle
politique essentiel ;
. entre un parti qui n'ose pas dire son nom et un parti «qui fait
autrement de la politique» sans renoncer à sa dimension de
mouvement et de militants ;
. entre une structure qui continue à tourner sur elle-même et une
structure qui aujourd'hui se tourne prioritairement vers l'extérieur ;
. entre un climat interne de suspicion et de contrôle et un climat
interne de confiance et de délégation.»78
— Jean-Louis Fauchet : «Le grand et vrai problème d'Ecolo, ce n'est
pas de choisir entre la professionnalisation ou la décentralisation.
Mais c'est de définir enfin un projet politique. (...) Paul Lannoye a
une explication différente de la crise du mouvement : pour lui,
c'est la faute aux communistes. Explication bien commode et bien
traditionnelle toujours avancée par les «pères fondateurs» et les
«leaders charismatiques» du monde entier lorsque leurs thèses à
eux ne sont plus acceptées comme paroles d'évangile. Il est vrai
que l'absence du débat convient très bien à Paul Lannoye, car il a
ainsi toute liberté de mener son projet stratégique à lui : celui qui,
au nom du «réalisme politique», enchaînera Ecolo dans le système
politicien traditionnel.»79
Outre les ressentiments que l'assemblée de Louvain-La-Neuve
a suscités de part et d'autre, la problématique d'un éventuel accord
d’opposition constructive d'Ecolo avec la majorité libérale-socialechrétienne en Wallonie provoque une autre poussée d'adrénaline.
78
Ibid., p. 10.
79
Ibid., p. 10.
59
La configuration de l’assemblée régionale wallonne est tout à
fait particulière. Le PSC et le PRL compte soixante des cent-vingt
sièges. Le sénateur Volksunie, Antoine Van Overstraeten,
apparenté dans l’arrondissement de Nivelles, a été interdit de
siéger ramenant le nombre de parlementaires wallons à cent dixneuf. Le parti socialiste compte cinquante-quatre élus et Ecolo
cinq. La base de la négociation est simple. Ecolo s’engage à
participer aux séances de l’assemblée, court-circuitant de la sorte
toute stratégie de paralysie que le parti socialiste menaçait de
pratiquer. Pour sa part, le PRL et le PSC feraient avancer un
certain
nombre
de
dossiers
sur
certaines
questions
environnementales. Le 28 février 1986, le conseil de fédération
d'Ecolo est saisi de la question, en débat et précise les axes de la
négociation : «Des contacts ont été pris avec la pseudo-majorité
PSC-PRL, notre stratégie étant d'essayer de réaliser un accord
précis et limité dans le temps. Il s'agit de tenter de faire passer
certaines de nos propositions en échange d'une présence lors de
votes jugés importants par la pseudo-majorité et «neutres» par
nous.»80
Un peu plus de trois semaines plus tard, le conseil de
fédération doit prendre position sur l'aboutissement des tractations
qui se sont réalisées avec les négociateurs libéraux et sociauxchrétiens. Dès le début de la réunion du 21 mars 1986, les
problèmes explosent. D'abord sur les conditions formelles de la
discussion. En effet, le point n'est pas inscrit à l'ordre du jour et le
projet d'accord est distribué en séance. Intervient donc en
préambule un vote pour savoir si le conseil fédéral peut considérer
que le point est à l'ordre du jour. Dix-huit membres présents se
prononcent favorablement, dix défavorablement et une abstention
est enregistrée.81
Une deuxième question préalable rencontre un aval plus
large. Elle porte sur le rôle des délégués bruxellois au conseil
fédéral dans la discussion et les choix. Dans la mesure où il s'agit
d'un projet d'accord portant sur une participation éventuelle
«extérieure» à la majorité de la région wallonne, les représentants
de la capitale ont-ils la possibilité et le droit de participer à la
décision ? Le vote ramène vingt-sept voix pour accorder aux
80
Procès-verbal du conseil de fédération, Ecolo info, n° 70, 25 mars
1986, p. 7.
81
La décision du conseil de fédération du 21 mars 1986 sera d'ailleurs
cassée par le comité d'arbitrage car le point ne figurait pas à l'ordre
du jour.
Ecolo info, n° 73, 5 juin 1986.
60
mandataires bruxellois leur participation au débat et au choix. On
ne dénombre que deux voix «contre.»
Enfin, il y a une troisième problématique préliminaire à
traiter. Compte tenu que le projet d'accord est déposé en séance,
le conseil de fédération a-t-il à se prononcer le jour même ou
reporter la décision à une séance ultérieure ? Dix-sept délégués se
prononcent pour un vote le jour même, neuf souhaitent le rapport
de la délibération et deux s'abstiennent.
Le principal adversaire à la l’opposition constructive de
l'extérieur est le Bruxellois Olivier Deleuze. D'emblée, il a annoncé
la mise en balance de son mandat de député en précisant bien qu'il
le «remettrait» au mouvement, le cas échéant. Parmi les
personnalités wallonnes du mouvement, José Daras est le plus
sceptique. Selon ses propres termes son attitude est passée «de la
réticence à l’opposition» au moment où la question allait
«provoquer un cataclysme interne» : «Au dernier conseil de
fédération qui a traité du sujet, j’étais opposé. J’ai dit qu’il fallait
arrêter. Car en plus je sentais bien une incompréhension à notre
proposition chez les libéraux.»82
Au terme de plusieurs heures de discussions ardues, le
principe de l'accord est voté par vingt voix «pour», quatre «contre»
et cinq abstentions. La limitation de l'arrangement politique avec
le PSC et le PRL à neuf mois est, quant à elle, adoptée à
l'unanimité moins deux abstentions. Olivier Deleuze tire
immédiatement la conclusion du vote et démissionne de son
mandat de député.83
L'annonce de ce vote et la préparation de l'assemblée
générale de mai qui doit débattre de la ligne politique et de
l'orientation stratégique d'Ecolo vont porter à son paroxysme la
82
Entretien avec les auteurs, 5 février 1996.
83
Il s'en explique publiquement dans La dernière heure du 24 mars
1986 : «Je n'admets pas qu'Ecolo abandonne son rôle de mouvement
radical et antiproductiviste au profit d'une alliance avec les forces
conservatrices. Le conseil de fédération a en effet adopté, vendredi
soir, un projet d'accord avec le PSC et le PRL en vue d'associer le
quorum permettant à l'exécutif de la région wallonne d'agir. (...)
J'estime qu'Ecolo y perd son âme et, plus tard, son existence, je ne
supporte ni humainement, ni politiquement d'être député d'un parti
qui fait de la sorte reculer l'écologie politique radicale.»
La dernière heure, 24 mars 1986.
61
crise intérieure et provoquer de nombreux départs.84 D’autant
qu’au bout du compte cet accord entre Ecolo, le PSC et le PRL
capotera.
Une nouvelle identité pour Ecolo :
la motion de Neufchâteau-Virton
Secrétaire fédérale liégeoise, en opposition avec le projet
d'un accord avec le PRL et le PSC, Myriam Keenes démissionne. Elle
se dit écœurée par ce qu'elle qualifie comme des «manœuvres» de
Paul Lannoye et ses amis en vue de l'assemblée fédérale de
Neufchâteau-Virton du 11 mai 1986. Cette démission dévoile une
acrimonie sans précédent, de part et d'autre, dans le mouvement.
Sa lettre se présente comme un véritable réquisitoire à
l'endroit de quelques dirigeants historiques d'Ecolo : Martine
Dardenne, Philippe Bonhomme, Philippe Defeyt, Paul Lannoye et
Jean-Luc Roland.85 La réaction acerbe de Jean-Luc Roland est à la
84
Jean-Marie Pierlot, qui démissionne à la suite du vote 21 mars 1986,
résume les ambiguïtés du programme social d'Ecolo qui conduit à sa
démarche : «L'humanisme chrétien qui sous-tend l'idéologie sociale
d'Ecolo donne à chaque individu la chance de trouver son salut dans
l'autonomie. (...) On reconnaîtra sans peine les caractéristiques de
l'idéologie dominante, qui prétend parler au nom de l'universel,
alors qu'elle représente les intérêts dominants.»
85
Plusieurs en extraits en témoignent : «Depuis leur installation, ces
trois secrétaires fédéraux (Frédéric Janssens, Myriam Kennes et
Jean-Pierre Viseur, PD et JMD) ont dû subir un isolationnisme
systématique, des manœuvres évidentes de division, des propos
aussi peu conviviaux que possible, tant à leur égard qu'à l'égard de
plusieurs collaborateurs dévoués, écœurés et finalement
démissionnaires. Plusieurs militants chevronnés qui avaient jusqu'ici
montré beaucoup de bonne volonté et inspiré confiance se sont
révélés d'habiles artificiers occupant leur énergie au fins d'activer
des luttes fratricides. Paul Lannoye notamment se refusait tout
d'abord à venir discuter des négociations au CRW en présence
d'Olivier Deleuze et de Jean-François Vaes. (...) Par un Liégeois bien
intentionné, m'informant sur le ton de «ma cocotte, vous allez en
prendre plein la gueule, à la méthode bruxelloise...», j'apprends
que ce réunit à Namur à notamment, dans le secret, à l'initiative de
Paul et quelques autres «anciens» un groupe qui s'organise en
stratégie parallèle et se charge d'examiner comment réagir aux
résultats de l'AG du 23 février et préparer celle du 11 mai. (...) 21
mars. Conseil de fédération funeste que l'on sait. Que représentent
encore certains délégués ? L'avis rigoureux de leur régionale ou
celui des artificiers de la citadelle ? Alors que nous espérions
l'élection des deux secrétaires fédéraux manquants, celle-ci est
62
hauteur de la dénonciation : «Myriam, de son côté, a été tout à fait
absente du secrétariat fédéral précédent. Elle a choisi pourtant de
se représenter. Elle a été élue et devait donc assurer la transition,
ce qu'elle était bien incapable de faire. Toute la hargne qu'elle a
pu exprimer à l'égard de Paul Lannoye dans sa lettre de démission,
provient du fait qu'elle espérait qu'il fasse cette transition. Mais
Paul a refusé, mettant Myriam devant ses responsabilités.»86 Et,
Myriam Keenes de répondre une nouvelle fois.87
Outre les démissions, la décision prise par le conseil de
fédération du 21 mars 1986 entraîne surtout une levée de boucliers
à la régionale de Bruxelles — la plus importante d'Ecolo. Celle-ci
vote deux motions qui apparaissent comme autant de menaces.
La première résolution adoptée réaffirme l'impérieuse
nécessité de rediscuter lors d'une assemblée fédérale tant la forme
que le fond des décisions prises lors du conseil de fédération du 21
mars 1986 : «La régionale de Bruxelles demande à l'assemblée
fédérale de débattre et de se prononcer sur le projet d'accord
Ecolo-PSC-PRL, nonobstant le fait qu'il soit signé ou pas et sur la
procédure interne qui a abouti à son adoption au sein d'Ecolo.»88
Cinquante-trois participants de l'assemblée régionale ont voté
«pour», un «contre» et douze se sont abstenus.
Un deuxième texte est encore plus dur envers la direction du
mouvement et surtout encore plus comminatoire : «Au cas où
l'assemblée fédérale du 11-5-1986 ne désavoue pas le projet
d'accord Ecolo-PSC-PRL et la procédure interne qui a abouti à son
adoption au sein d'Ecolo, la régionale de Bruxelles réexaminera sa
position à l'égard du mouvement fédéral d'Ecolo. Elle envisagera
notamment la possibilité de créer une confédération unissant, sur
un pied d'égalité, Agalev-Ecolo Wallonie, Ecolo-Bruxelles.»89 Il
importe toutefois de noter que l'approbation de cette résolution
s'est avérée nettement moins consensuelle que pour la première
reportée parce que les demandes de candidature ne sont parvenues
que tardivement avec la grève des postes... Bizarre scrupule quand
on sait que les mêmes délégués votent en séance tenante un accord
politique de cinq p. qui vient tout juste de leur être distribué, qui
provoque des remous et la démission du député Deleuze...»
Ecolo info, n° 71, 25 avril 1986.
86
Ecolo info, n° 72, 30 avril 1986.
87
Ecolo info, n° 74, 30 juin 1986.
88
Ecolo info, n° 73, 5 juin 1986.
89
Ecolo info, n° 73, 5 juin 1986.
63
motion. Seuls, vingt-sept participants ont voté «pour», vingt-six
l'ont rejetée tandis que douze se sont abstenus.
C'est dans ce contexte électrique qu'est appelée à se tenir une
assemblée fédérale capitale. La réunion programmée pour le 11
mai 1986 doit en effet doter Ecolo d'une ligne politique et
identitaire nouvelle.
Quatre motions sont en compétition. La première est
présentée sous la houlette de Paul Lannoye. La motion des amis de
Paul Lannoye s’articule en douze points. Quels en sont les points
clés ? Ecolo y est avant tout présenté comme une force de
proposition plutôt que d’opposition : «Ecolo s’imposera comme une
force de proposition, animée plus par le souci de montrer la
cohérence de son projet que par celui d’exacerber les conflits et
les problèmes de toutes sortes.» La motion réaffirme le caractère
supposé périmé du débat gauche-droite et refuse la vocation qui
pourrait être attribuée aux verts «d’être la bonne conscience de la
«gauche».» Signifiant l’importance trop grande consacrée aux
débats internes, le texte en appelle à un équilibre «entre la
nécessité d’étaler dans le temps un débat interne dans un souci de
démocratie et celle d’intervenir dans l’actualité avant qu’il ne soit
trop tard» ; interventions qui porteront prioritairement «là où le
projet écologiste est le plus clairement illustré.» La motion en
appelle à une synergie avec les associations et les groupes de
citoyens et non à une concurrence ; critique à peine voilée envers
l’initiative des parlementaires écologistes à la base de Florennes.
Ecolo doit assurer sa crédibilité et son efficacité dans les
institutions et doit donc rejeter les sirènes «basistes» antiinstitutionnelles. Pour Paul Lannoye et ses amis, la conquête du
pouvoir est appréhendée comme un objectif valable : «Il est donc
acquis qu’une telle participation peut être un objectif valable,
fonction des circonstances et du type d’institution concernée.»
Rappelant le fondement fédéraliste du parti de même que le
principe d la démocratie participative, la motion fait référence à
des effets pervers : découragement des initiatives, confusion,
blocage des décisions, purisme statutaire... Face aux risques
«d’une paralysie croissante», elle en appelle à un fonctionnement
basé «à la fois sur la démocratie représentative et la démocratie
directe, la part de chacune étant clairement définie» : la
démocratie représentative pour les tâches quotidiennes du
mouvement et la démocratie directe pour les grandes options
prises en assemblées générales.
La motion d’opposition à ce texte est signée par Anne Deville,
Dominique Istaz, Patrice Deramaix, Edith Piret, Pierre Walhain,
Léon Gosselin, Pierre Vandewattyne, Louis Wyckmans, Jean
64
Donneux, Bruno Carton, Marc Hansen Catherine Ronse et Michel
Installe. Pour les signataires de ce textes — l’aile gauche de la
régionale de Bruxelles —, le travail doit d’abord être œuvre de
terrain. L’action dans les institutions n’est pas inutile mais
apparaît secondaire. Les signataires du texte renversent aussi la
prétention de la motion Lannoye selon laquelle la participation au
pouvoir peut être un objectif «valable». Pour eux, «dans les
conditions actuelles», participer au pouvoir ne peut être un
objectif valable : «Nous refuserons donc tout «pouvoir» — toujours
factice dans ces conditions — qui résulterait uniquement de
combinaisons politiciennes et toute alliance avec des forces dont le
programme est sur des points essentiels contraire au nôtre.» Ecolo
est donc avant tout une force d’opposition.
Les signataires de cette motion prennent aussi le contre-pied
de la motion Lannoye sur la démocratie participative et sur le
débat interne. Pour eux, l’approfondissement des discussions
intérieures enrichit les actions externes : «Sous peine de paralysie
croissante, il faut se montrer lucide quant à la valeur de certains
de nos présupposés pour recréer une structure démocratique : en
particulier il faut se rendre compte que la richesse du débat
politique interne ne diminue pas notre capacité d’intervention vers
l’extérieur. Au contraire, le sentiment de progresser dans
l’élaboration du projet stratégique écologiste ne peut
qu’encourager les militants à participer activement sur le terrain
et dans les institutions, à lutter sur les thèmes prioritaires.»90 Entre
ceux deux motions, deux autres textes sont présentés. L’un par
Henri Simons, l’autre par la régionale de Liège.
Au total, deux cent septante-deux délégués prendront part
aux travaux.
Répartition régionale des délégués présents
Arlon-Marche-Bastogne
Charleroi
Huy-Waremme
Namur
Soignies
Brabant wallon
Dinant-Philippeville
Liège
Neufchâteau-Virton
Thuin
Bruxelles
90
Délégués
8
15
6
36
7
21
8
45
11
5
71
Ecolo info, n °72, 30 avril 1986, pp. 15-16.
En % des délégués
2,94
5,51
2,2
13,23
2,57
7,72
2,94
16,54
4,04
1,83
26,1
65
Eupen
Mons
Picardie
Verviers
6
12
10
11
2,2
4,41
3,67
4,04
Lors de chaque tour de scrutin, le texte qui obtient le moins
de suffrages est écarté. Dès le premier tour, on note le très faible
écart en voix entre les différentes motions. La première résolution
a certes obtenu près de 40,82% des suffrages mais elle semble avoir
peu de marges. Le texte de l’aile gauche, qui n'a recueilli que
vingt-neuf voix, est donc éliminé.
Résultats du vote sur les motions au premier tour
Voix
motion 1
motion 2
motion 3
motion 4
blancs et nuls
Votants
109
53
76
29
1
268
% compte tenu des
blancs et nuls
40,67
19,77
28,35
10,82
0,37
% compte non tenu
blancs et nuls
40,82
19,85
28,46
10,86
Le deuxième tour départage les deuxième (Simons) et
troisième (Liège) textes. La motion d’Henri Simons recueille
cinquante-neuf voix pour nonante-trois suffrages au texte de la
régionale liégeoise.
Résultats du vote sur les motions au deuxième tour
Voix
motion 1
motion 2
motion 3
blancs et nuls
Votants
112
59
93
2
266
% compte tenu des
blancs et nuls
42,1
22,18
34,96
0,75
% compte non tenu
blancs et nuls
42,42
22,34
35,22
Le dernier tour témoigne de la division du mouvement. La
première motion l'emporte avec 50,79% des voix. Encore, convientil de remarquer que sur les deux-cent septante et un suffrages, dixneuf sont des blancs et nuls ce qui fragilise plus encore cette très
courte victoire dans la mesure où, en définitive, moins de la moitié
(47,23%) des délégués ont positivement voté pour ce texte.
66
Résultats du vote sur les motions au dernier tour
Voix
motion 1
motion 2
blancs et nuls
votants
128
124
19
271
% compte tenu des
blancs et nuls
47,23
45,75
7,01
% compte non tenu
blancs et nuls
50,79
49,2
Dans la foulée de l'assemblée fédérale, un nouveau secrétariat
fédéral est constitué. Il est composé de cinq membres : Daniel
Comblin, Martine Dardenne, Paul Lannoye, Jacky Morael et JeanClaude Sadoine.
L'assemblée de Neufchâteau-Virton est un moment essentiel
de l'existence d'Ecolo. Elle lui a permis de se doter d'un texte de
référence quant à sa ligne politique et son orientation stratégique
après cinq années d'existence. L'assentiment, même avec une
courte majorité, donné au texte rédigé par Paul Lannoye, les
assurances que ses promoteurs sauront prodiguer aux opposants
«modérés» seront un des éléments qui permettra à Ecolo de
rebondir politiquement à partir de 1987. Mais avant de retrouver la
sérénité interne, Ecolo devra assumer les conséquences des choix
effectués le 11 mai et sera confronté aux derniers avatars d'une
lutte fratricide qui finira presque pas l'emporter.
Des lendemains qui chantent
C'est bien évidemment principalement à la régionale de
Bruxelles que les conclusions de l'assemblée de Neufchâteau-Virton
apparaissent le moins acceptables ; ce qui était d’ailleurs un des
buts de la motion.91 La réaction au vote du 11 mai s'effectue en
deux étapes.
Dans un premier temps, une majorité de membres de la
régionale revendique désormais une «indépendance» accrue sur sa
ligne et sur ses actions. Elle proclame sa spécificité mais ne
91
«La clarification de Neufchâteau-Virton visait clairement à mettre
en difficulté une série de Bruxellois. C’était très clair. C’est vouloir
repriser la stratégie d’Ecolo sur un non alignement par rapport à la
gauche qu’eux refusaient. C’était très clair» nous a précisé Paul
Lannoye.
Entretien avec les auteurs, 5 février 1996.
Henri Simons, pour sa part, parle de «coup de force» à propos de
Neufchâteau-Virton.
Entretien avec les auteurs, 26 janvier 1996.
67
souhaite pas couper les ponts avec le conseil de fédération et le
secrétariat fédéral. Tel est le sens de la motion votée, en
assemblée régionale, le 28 juin 1986 :
«1. La majorité des membres présents de la régionale de Bruxelles
confirme ne pas approuver certaines orientations de stratégie
politique nouvelle adoptées par la majorité du mouvement qui a
soutenu la motion de Neufchâteau-Virton (...). Dans la mesure où
l'autonomie des régionales et des divergences de vue sur les
orientations politiques doivent être gérées plus positivement, la
majorité des membres se prononce pour une négociation à
l'intérieur avec les autres composantes du mouvement fédéral (...).
La négociation demandée porte au moins sur trois points :
. la
place des régionales au sein des organes de décision,
d'animation et d'information du mouvement-parti Ecolo ;
. les moyens de garantir à la régionale de Bruxelles l'autonomie de
sa gestion financière ;
. la nature des décision qui doivent être prises en accord à la fois
par le fédéral et par la régionale de Bruxelles.»92 Trois
«négociateurs» sont désignés par la régionale pour tenter de
conclure cette médiation avec les instances fédérales : Paul
Galand, Henri Simons et Denis Leduc. Cette volonté de
temporisation débouchera notamment quelques mois plus tard sur
l'élection d'une nouvelle équipe au secrétariat fédéral plus
équilibrée d'un point de vue politique et géographique. Le 16
décembre 1986, les cinq secrétaires fédéraux élus sont Henri
Simons (Bruxelles), Jacky Morael (Liège), Martine Dardenne
(Dinant), Daniel Comblin (Neufchâteau) et Paul Lannoye (Namur).
Cette position à la fois ferme et pondérée ne sera pas suivie
par l'aile la plus «dure» de la régionale. Nombreux parmi le courant
le plus à gauche quittent le parti. Ils démissionnent ou ne
reprendront plus leur carte. Quelques-uns créeront une structure
partisane concurrente : VEGA (les Verts pour une gauche
alternative). VEGA se présente comme une formation écologiste et
radicalement à gauche : «Les verts pour une gauche alternative
sont un mouvement engagé dans le combat social et écologiste.
Tout comme la destruction de la nature, l'asservissement des êtres
humains est le produit de sociétés fondées sur la domination de
l'argent et du productivisme. A la différence du parti Ecolo, les
Verts pour une gauche alternative se placent résolument à gauche,
si cela signifie être avec ceux qui sont dominés et dépendants dans
92
Ecolo info, n° 76, 15 septembre 1986.
68
le monde d'aujourd'hui.»93 Les verts pour une gauche alternative ne
parviendront jamais ni à agréger les déçus d'Ecolo, ni à rivaliser
électoralement avec Ecolo. Son seul «succès» fut obtenu dans la
commune d'Uccle lors de l'élection communale de 1988 où, sur la
base d'une confusion de sigles94, il parvint à décrocher un conseiller
communal. Lors de la première élection régionale bruxelloise, en
1989, Ecolo fera interdire par la justice le dépôt de la liste VEGA
sous le sigle VERTS. Elle se présentera sous le logo Vers-GA et
recueillera 2558 suffrages, soit 0,6%.
Dans le contexte des départs enregistrés à la régionale de
Bruxelles et dans d'autres fédérations aussi (voir infra), le
suppléant d'Olivier Deleuze à la Chambre, Jacques Preumont
tentera de catalyser les mécontents des décisions majoritaires
prises lors de l'assemblée de Neufchâteau-Virton.
Jacques Preumont est rapidement exclu par Ecolo, en raison
notamment du non-respect du contrat de réciprocité qui lie les
parlementaires du mouvement au parti.95 Contrairement à Olivier
Deleuze, Preumont conservera son mandat — et les rémunérations
afférentes. Devant l'échec de sa tentative d'agréger les déçus
d'Ecolo, il démissionnera de son mandat de député, en octobre
1987. Le poste échoira à Henri Simons.96
Pour Ecolo, les méandres de la crise interne ne sont pas
cependant pas — encore — terminés. Le 12 janvier 1987, épuisé par
le rythme et les blocages de la vie politique et par les luttes
internes à Ecolo, le député Georges Dutry démissionne de son
93
VEGA, Bulletin de liaison, n° 2, décembre-janvier 1990, p. 1.
94
Ecolo avait, exceptionnellement, ouvert sa liste à des personnalités
indépendantes et aux représentants du parti communiste. Cette
liste fut déposée sous le label V.E.R.T.S. VEGA, pour sa part, déposa
sa liste avec l'étiquette VERTS. Les deux listes furent acceptées
telles qu'elles. Chacune recueillit un conseiller communal.
95
Son exclusion est signifiée le 19 septembre 1986. Ecolo le menacera
même d'aller en justice : «Le secrétariat fédéral (...) a décidé
- de désavouer publiquement Jacques Preumont dans l'exercice de
son mandat, celui-ci s'étant personnellement placé en dehors du
mouvement.
- d'exiger de Jacques Preumont qu'il remette son mandat
conformément aux engagements qu'il a souscrits.
- de se réserver en outre toute possibilité de faire valoir les droits
du mouvement en justice.»
Ecolo info, n° 77, 25 octobre 1986.
96
Henri Simons qui avait été élu secrétaire fédéral sera remplacé par
Pierre Jonckheer.
69
mandat.97 Deux semaines plus tard, François Roelants du Vivier,
unique parlementaire européen d'Ecolo, quitte le parti en
conservant son mandat. Il justifie sa démission par ce qu'il
considère comme la paralysie d'Ecolo : «Chers amis, je m'étais
promis le moment de la mi-législature au Parlement européen pour
faire le point de mon expérience comme mandataire politique
affilié au parti Ecolo, à la lumière du programme que nous avons
adopté en 1984 pour les élections européennes. L'évolution actuelle
du mouvement et ses derniers soubresauts liés au départ du député
Georges Dutry — deuxième départ volontaire d'un député en un
an — ne fait hélas que confirmer mon analyse : Ecolo n'a plus la
capacité, ni la volonté, ni l'enthousiasme nécessaires pour répondre
aux préoccupations de son électorat. (...) Entre la paralysie et
l'action, j'ai résolu de choisir, par respect pour l'électeur. J’ai donc
décidé de siéger dorénavant comme écologiste indépendant au
Parlement européen.»98 Toutefois, d'autres motivations semblent
avoir joué dans cette résiliation. François Roelants du Vivier avait
effectivement fait l'objet, le 16 janvier 1987, d'une résolution du
comité d'arbitrage sur des questions matérielles : d'une part, sur
ses rétrocessions au parti et d'autre part, sur des travaux pour
lesquels il aurait été rémunéré comme expert sans signaler à Ecolo
cette source de revenu.99
En ce début d'année 1987, après l'année d'existence la plus
difficile qu'il ait connue, Ecolo apparaît totalement exsangue.
Exsangue, d'abord, dans l'optique militante. Ecolo n’a pas
seulement perdu «cinquante à soixante adhérents à Bruxelles»,
97
«J'en ai marre de l'action politique et de son petit monde, de son
cynisme et de ses mesquineries ; l'esprit, le fonctionnement et les
moyens d'Ecolo ont eu raison de mon engagement et de ma
pugnacité ; cette profonde insatisfaction me pousse à faire autre
chose, de plus concret et qui me rende plus disponible à mes
enfants, ma famille, mes amis.
Cet engagement est aujourd'hui — à mes yeux et dans mes tripes —
en totale contradiction avec les préoccupations écologiques qui
m'animent.»
Ecolo info, n° 79, 28 février 1987.
98
Ecolo info, n° 79, 28 février 1987, p. 10.
99
Le comité d'arbitrage «invite François Roelants du Vivier à dresser
un décompte exact et précis de toutes les sommes qu'il perçoit dans
le cadre de son mandat parlementaire» et «qu'il est impératif qu'à
bref délai soit négocié entre le secrétariat fédéral et FRV le mode
de fixation des frais fixes et extraordinaires de ce dernier.»
Ecolo info, n° 79, 28 février 1987, p. 13.
70
mais plusieurs centaines de membres dans toutes les régionales
(voir infra). Chargé avec Gaston Robillard et Pierre Van Roye, de
réaliser un audit du mouvement, Olivier Bribosia est tout à fait
explicite dans son rapport : «Tout est lié. Le manque de moyens
financiers est aussi dû aux manques de moyens humains, lui-même
dépendant de notre lourdeur. Alors que l'organisation Ecolo est
capable de gérer plusieurs milliers de membres, elle a montré
qu'elle pouvait surtout en épuiser quelques centaines ! Ainsi seuls
25% des membres inscrits en 1983 l'étaient encore en 1985 ! (...)
Quant à l'aspect financier, on peut parler de misérabilisme. Le plus
grave est sans aucun doute notre dépendance absolue à l'égard des
institutions parlementaires qui est une cause de vulnérabilité : si
nous ratons une élection, on risque bien de ne plus parler de
nous.»100
Exsangue ensuite d’un point de vue financier. Olivier Bribosia
y fait clairement référence dans son exposé. Les résultats mitigés
de l'élection législative de 1985 et l’hémorragie d'adhérents sont
autant de sources de tracas financiers. Mais bien plus graves sont
les problèmes avec le départ de parlementaires. A ce titre, le
compte rendu de l'audit, terminé à l’automne 1986, est en fait
dépassé. La démission de François Roelants du Vivier et l'exclusion
de Jacques Preumont sont des coups très durs pour les finances
d'Ecolo. Le parti se voit obligé de geler toutes les dépenses
prévues.
Au début de l'année 1987, les sondages sont au plus bas.101 On
peut croire Ecolo proche de la disparition. Il n'en est rien. Malgré
toutes les difficultés qu'ils ont traversées, les écologistes feront la
preuve que leur existence comme force et formation politiques
n'est pas qu'un épiphénomène conjoncturel rapidement digéré par
les partis politiques implantés depuis longtemps sur l'échiquier
politique. Ecolo rebondit.
Il bénéficiera de deux données circonstancielles importantes
qui favoriseront cette «renaissance»102.
— La première est le retour à l'avant-plan des questions
environnementales. L’explosion de la centrale nucléaire soviétique
100
Ecolo info, numéro spécial, supplément au numéro 77 d'octobre
1986, p. 10.
101
Au plus bas, Ecolo sera pointé à 2,9%.
Pourquoi pas ?, 25 juin 1987.
102
Début juillet, De Standard publie une enquête d'opinion dans
laquelle Ecolo est pointé à 9,4% en Wallonie.
De Standaard, 8 juillet 1987.
71
de Tchernobyl (1986) a révélé au monde «occidental» les risques
encourus en cas d'accident nucléaire sur le territoire de la centrale
certes mais bien au-delà également. Les «nuages nucléaires» ne
distinguent pas les frontières. La prise de conscience
environnementale connaît un fort regain. Les enquêtes de
l'eurobaromètre en témoignent.103
Attitudes à l'égard des centrales nucléaires dans la Communauté européenne
100%
90%
80%
70%
60%
risque acceptable
Sans intérêt
Risque inacceptable
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1978
1982
1984
1986
Dans les centres d'intérêt des Européens, l'environnement
devient ou redevient une problématique capitale.
Le secrétariat fédéral ne cache d'ailleurs pas cet élément :
«L'accident de Tchernobyl nous a permis de revenir sur un de nos
dossiers de prédilection et de (re)présenter au public nos
oppositions à ce sujet sans doute en termes plus nettement
originaux et concrets que par le passé (circonstances
obligent !).»104
103
Commission des Communautés européennes, Eurobaromètre, n° 28,
décembre 1987, p. 75.
104
Ecolo info, numéro spécial supplément au n° 77, octobre 1986, p.
13.
72
Pourcentage de personnes ayant cité l'environnement comme
centre d'intérêt et classement dans les centres d'intérêts
évoqués à la fin de l'année 1986105
Belgique
Danemark
Allemagne
France
Irlande
Italie
Luxembourg
Pays-Bas
Royaume-Uni
Grèce
Espagne
Portugal
Communauté européenne
44
42
44
41
27
54
60
48
48
47
42
32
46
2
1
1
2
5
2
1
2
1
2
2
2
— Le deuxième élément est l'éclatement de la crise politique en
Belgique. La coalition sociale-chrétienne-libérale éclate sur la
problématique fouronnaise. Face à l’impasse qui oppose thèses
francophone et flamande — particulièrement dans le monde social
chrétien — sur les principes, en matière de connaissances
linguistiques, et sur la personne de José Happart, Wilfried Martens
présente sa démission au roi le 15 octobre 1987, qui est acceptée
quatre jours plus tard.106 Les électeurs devront se rendre aux urnes
anticipativement.
Dans ces conditions, le départ d'un nouvel élu — le sénateur
Edgard Flandre — n'a eu qu'un impact limité. Edgard Flandre
s'estime brimé par le secrétariat fédéral, qu'il accuse de dictature :
«Ecolo est une belle pomme verte. Mais la pomme est véreuse.
Aujourd'hui, le mouvement est paralysé par des hommes qui y ont
installé une dictature centrale sous un couvert démocratique.»107
Edgard Flandre s'était signalé par une opposition farouche à la
dépénalisation de l'avortement, attitude contraire à la position
qu'Ecolo avait adoptée en ce domaine (voir infra).
Le résultat d’Ecolo aux élections législatives de 1987 doit
s’apprécier au regard de son conflit et de sa situation internes
durant l’année 1986. Ecolo ne progresse guère par rapport à 1985.
Il perd même ses deux mandats de député dans le Hainaut. Sont
réélus, José Daras (Liège) et Xavier Winkel (Bruxelles) tandis
105
Commission des Communautés européennes, Eurobaromètre, n° 26,
décembre 1986, p. 41.
106
X. MABILLE, «La crise gouvernementale», Courrier hebdomadaire du
CRISP, n° 1176, 1987, pp. 1176 et suivantes.
107
La Libre Belgique, 17 septembre 1987.
73
qu’Henri Simons (Bruxelles) est élu pour la première fois. Ecolo
conserve ses deux sénateurs élus directement : Jean-François Vaes
(Bruxelles) et Denise Nélis (Charleroi-Thuin). Pour sa part, Paul
Lannoye (Namur) sera coopté. On ne peut donc parler de succès
mais Ecolo a aussi fait la démonstration inverse : il ne s’est pas
écroulé ni dans ses résultats, ni dans l’obtention d’élus. C’est à
partir de cette «stabilisation» que les verts enregistrer trois
progressions spectaculaires : aux élections communales de 1988, à
l’élection européenne de 1989 et à l’élection législative de 1991.
Deux victoires éclatantes : 1989 et 1991
Pour Ecolo, les élections communales de 1988 seront
l’occasion d’un redéploiement politique. Le mouvement étend sa
couverture en termes de présence, de résultats électoraux et de
conseillers communaux élus (voir infra). Si les verts ont été éjectés
de la majorité communale à Liège, ils entrent dans le collège
échevinal de Bruxelles-ville en coalition avec le PSC, le CVP, le PS
et la Volksunie.
Mais Ecolo doit encore manger son pain blanc. Dans l’optique
d’une progression généralisée des partis écologistes en Europe (voir
infra), Ecolo réalise lors de l’élection européenne de 1989 son
meilleur score historique : 371 053 voix. Ce qui lui permet
d’atteindre 15,3% dans le Hainaut, 16,3% dans la province de Liège,
13,5% dans celle du Luxembourg et 15,9% dans celle de Namur où il
supplante même le PRL. A l’échelle de l’arrondissement de
Bruxelles-Hal-Vilvorde, il recueille 10,6%. Grâce à cette progression
spectaculaire, Ecolo décroche deux députés européens : Paul
Lannoye et Brigitte Ernst.
Par ailleurs, le score de la liste Ecolo au premier scrutin direct
pour élire les conseillers régionaux bruxellois est à l’avenant :
10,2% et 8 élus : Alain Adriaens, Philippe Debry, Annick de Ville,
Michel Duponcelle, André Drouart, Paul Galand, Evelyne
Huytebroeck, Marie Nagy.
Deux ans plus tard, Ecolo confirme sa progression marquante
lors de l’élection législative de novembre 1991. Les verts sont
toujours au-dessus du cap des 300 000 suffrages : 312 370 suffrages.
Sa moisson en élus est remarquable. Au Sénat, José Daras (Liège),
Germain Dufour (Liège), Jacques Liesenborghs (Nivelles), Jan
Meesters (Charleroi-Thuin), Jean-Paul Snappe (Tournai-AthMouscron) et Jean-François Vaes (Bruxelles) sont élus directement.
Il convient d’y adjoindre Martine Dardenne, Pierre Jonckheer et
Denise Nélis comme sénateurs provinciaux. A la Chambre, Ecolo
obtient dix députés : José Brisart (Soignies), Marcel Cheron
(Nivelles), Philippe Dallons (Charleroi), Philippe Defeyt (Namur),
74
René Dejonckheere (Tournai-Ath-Mouscron), Thierry Detienne
(Liège), Jacky Morael (Liège), Henri Simons (Bruxelles), Jean-Pierre
Viseur (Mons) et Xavier Winkel (Bruxelles).
Au-delà de ses seuls résultats électoraux, Ecolo élargit aussi
son audience et sa présence à divers échelons de la société. La
présence d'écologistes est désormais acceptée. Le sénateur
bruxellois Jean-François Vaes fait, par exemple son entrée, comme
coopté, au conseil d'administration de l'Université libre de
Bruxelles en janvier 1992. Deux ans plus tard, la tradition est
perpétuée avec la cooptation d'Henri Simons, alors député et,
depuis les élections communales de 1994, échevin à la ville de
Bruxelles.
Le temps où Ecolo était présenté comme le «parti des petits
oiseaux» et où les écologistes apparaissaient comme de doux
rêveurs semble révolu. Lors de la célébration de leur dixième
anniversaire en 1990, le co-président du PRL, Daniel Ducarme,
égratignait d'ailleurs cette image : «Je peux vous assurer que les
premiers élus Ecolo ont bouleversé les habitudes et changé
l'ambiance du Parlement. Mais qu'on ne s'y trompe pas : avec leurs
airs de petits anges, les Ecolos sont sans doute ceux qui maîtrisent
le mieux les règles du jeu parlementaire. Et ils en profitent.»108
Maîtrise des règles du jeu parlementaire ? Certes. Maîtrise des
règles du jeu politique de la négociation ? A voir. Ecolo fera en
effet preuve d'une naïveté certaine lors de la négociation de la
dernière (?) étape de la réforme de l'Etat à laquelle il participa
(voir infra).
Malgré cette considération nouvelle et en dépit de
l'élargissement de son audience et de son assise, Ecolo reste un
parti fragile et conscient de cette fragilité. Si son «personnel
politique» au niveau fédéral est désormais consistant et encadré,
Ecolo a toujours des problèmes de stabilité de ses adhérents et de
ses élus communaux. Deux après les élections communales de 1988,
plusieurs sièges de conseillers communaux n'étaient plus occupés
de fait ou de droit. A Molenbeek, grande commune de la région
bruxelloise, il ne reste plus d'élus à la fin décembre 1990 après le
déménagement de Denis Leduc. De même, suite à la démission
d'Odette Collard à Forest, commune de la région bruxelloise, et au
désistement de ses deux suppléants, un des deux sièges n'est plus
occupé. A Flémalle, dans la province liégeoise, Ecolo se retrouve
108
Le Soir, 26 septembre 1990.
75
également sans conseillers communaux. Par ailleurs, l'évanescence
de certains élus — à Saint-Josse notamment — est blâmée.109
Le problème est bien connu des responsables du mouvement
qui tentent d'y remédier. «En fait, nous n'avons pas suffisamment
de militants désireux de s'engager. On essaie de prendre ce
problème à bras le corps», précise Jacky Morael en septembre
1992.110 Dans une rubrique du journal interne Ecolo-info intitulée
La parole aux militants, cette problématique est aussi soulevée par
des cadres locaux ou régionaux.111
La participation d'Ecolo à la réforme de l'Etat
Après leur succès électoral de 1991 et compte tenu de la
nécessité d’obtenir une majorité des deux-tiers pour réaliser la
réforme de l’Etat, Ecolo et Agalev sont approchés par les
formations socialistes et sociales chrétiennes.
Dès le départ, les verts précisent leurs conditions. Nouveau
secrétaire fédéral, Vincent Decroly dresse le contexte dans lequel
Ecolo pense sa participation : «La majorité gouvernementale a
besoin des Ecolos pour atteindre les deux-tiers au Parlement. Au
menu des négociations, nous placerons l'éco-fiscalité. Nous
exigerons au moins l'augmentation des taxes sur les carburants,
avec éventuellement des exceptions pour le mazout de chauffage
et le carburant des transports en commun.»112
109
Le Soir, 13 janvier 1991.
110
Le Soir, 19 septembre 1992.
111
Fin 1990, le secrétaire régional de Dinant-Philippeville, Paul
Jacques signalait les problèmes de recrutement et de militance : «A
titre d'exemple, je pose comme objectif que chacune des
communes de Dinant-Philippeville ait au moins un conseiller Ecolo
au 1-1-95. Si cette croissance politique ne s'accompagne pas d'un
recrutement et d'une formation, nous allons vers une crise des
cadres et du militantisme. Cela me paraît être un enjeu dont on
parle trop peu et cela m'angoisse.»
Ecolo info, n° 7, décembre 1990.
Même son de cloche chez Xavier Winkel, responsable de la régionale
de Bruxelles : «Tant mieux si les délégués deviennent
parlementaires, mais il faut recruter et élargir le mouvement. (...)
Le Cf devrait aussi faire des propositions pour augmenter la
participation des femmes et des jeunes aussi bien en conseil que
dans le mouvement.»
Ecolo info, n° 1, février 1991, p. 13.
112
La Cité, 3 mars 1992.
76
Dès le début donc, Ecolo place au centre de ses
revendications la problématique de la taxation des produits
polluants et des produits non réutilisables. Dans ce cadre, il avance
la proposition d'une contribution sur le CO2, qui s’inscrirait dans les
obligations que le gouvernement belge avait contractées. Le 29 mai
1991, le Conseil des ministres s'était en effet s'engager à réduire en
Belgique les émissions de gaz carbonique à l'horizon de l'an deux
mil de cinq pour-cent par rapport aux émanations de 1990.113
Position qu’il avait rappelée lors du «Sommet de la terre» à Rio en
1992.
Dans la nuit du 28 au 29 septembre 1992, un accord («accord
de la Saint-Michel») intervient entre les quatre partis membres du
gouvernement (PS, SP, PSC et CVP) sur la nouvelle structure
fédérale de l'Etat belge. Le projet est alors soumis aux
délibérations d'Ecolo, d'Agalev et de la Volksunie, partenaires qui
ont accepté le principe d’un soutien de l’extérieur et ont été
partie prenant aux délibérations.
Le 7 octobre 1992, Ecolo conditionne son vote au caractère
réellement effectif de ses demandes originales. En particulier :
— le caractère «régional complet» de la région de Bruxellescapitale ;
— l'octroi d'un statut équivalent des autres institutions à
l'Assemblée de la Communauté germanophone ;
— un refinancement «structurel, immédiat, suffisant et lisible du
non-marchand, régional et communautaire.»114
C'est dans ce contexte qu'est débattu le volet «financement»
de la réforme de l'Etat. Le 31 octobre à l'aube, les deux partis
socialistes, les deux formations sociales chrétiennes, Ecolo, Agalev
et la Volksunie concluent un accord qui amende la conclusion de la
Saint-Michel sur le canevas institutionnel et financier de la réforme
de l'Etat : l'accord de la Saint-Quentin. Par ailleurs, le même jour,
le parti socialiste, le parti social-chrétien et Ecolo «concluent un
accord intrafrancophone relatif au réaménagement des
compétences communautaires.»115
Sur le plan institutionnel Ecolo a surtout insisté sur la
présence à l'exécutif de la Communauté française d'un ministre
n'exerçant
aucune
responsabilité
régionale.
Mais
c’est
113
B. RIHOUX, «Les écotaxes-produits sur la scène politique belge»,
Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 1426, 1994, p. 20.
114
Ecolo info, n° 8, octobre 1992, p. 5.
115
B. RIHOUX, «Les écotaxes, produits sur la scène politique belge. II»,
Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 1427-1428, 1994, p. 14.
77
principalement sur la question du refinancement des entités
fédérées que les représentants d'Ecolo ont bataillé ferme. Même si
le résultat est très en deçà de ses espérances, Ecolo est parvenu à
augmenter le refinancement de la Communauté française par le
pouvoir fédéral en liant les dotations directement à l'évolution du
PNB. L'impact est important dans la période 1993-1999 comme
l'atteste la comparaison des financements prévus suivant que l'on
se situe dans le canevas «Saint-Michel» ou «Saint-Quentin.»
Coût net budgétaire fédéral du lien au PNB
(en milliards de FB)116
Saint-Michel
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Saint-Quentin
1,9
4,1
4,7
5,0
14,1
24,4
35,9
37,8
39,9
41,9
4,5
5,4
6,9
8,8
15,5
23,4
34,6
36,5
38,5
40,6
Si les négociateurs d'Ecolo ont donné leur aval au compromis
trouvé, celui-ci est cependant conditionné à la ratification par les
instances fédérales du parti. Le vote ne se fera pas sans problème.
Dans les jours qui suivent l'accord et qui précèdent le conseil de
fédération, trois régionales rejettent la conclusion de la SaintQuentin : Namur, Thuin et Huy-Waremme. D'autres expriment des
réserves.
La discussion au conseil de fédération du 4 novembre 1992, en
présence de plus de deux cents personnes, fut laborieuse. Il fallut
plusieurs heures de débats pour qu'un vote majoritaire puisse se
dégager. Vingt-sept membres votèrent «pour», sept «contre» et
trois s'abstinrent. Mais les scrutins sur les trois volets politiques
révélèrent des scores différents :
— sur la nouvelle structure institutionnelle : trente et un «oui»,
trois «non» et quatre abstentions ;
— sur la négociation entre francophones : vingt-cinq «oui», six
«non» et six abstentions ;
— enfin sur le refinancement de la Communauté française tel que
stipulé dans l'accord : vingt-trois «oui» et treize abstentions.117
116
Le Soir, 2 novembre 1992.
78
Jusqu'au bout du processus, Ecolo liera son vote au Parlement
à l'accord concernant le dossier des écotaxes et à la concrétisation
législative du compromis du 16 juillet 1992. Au bout du compte,
c'est dans la nuit du 8 au 9 décembre 1992, que la négociation sur
le dossier des écotaxes aboutit à un accord. Il «prévoit six
catégories de produits à taxer (produits jetables, papier et carton,
emballages de boisson, piles, emballages industriels, pesticides à
usage privé) et un calendrier de mise en œuvre.»118
L'encre à peine séchée, Ecolo aura à affronter une campagne
orchestrée par le monde patronal contre l'établissement des
écotaxes. Dans plusieurs cas, certaines sections syndicales
emboîteront le pas au monde des entreprises.119 Durant cette
période, les phrases, les titres et les actions chocs ne manquent
pas à l’encontre des verts : la «dictature de l'écologie» (Spa
monopole) ; Le 14 décembre 1992 la direction de Solvay mobilise
son personnel pour manifester contre les écotaxes, le 16 janvier
1993, quatre mille personnes manifestent à Bruxelles contre les
écotaxes sur le PVC.
Comme le rappelle Isabelle Durant, «c’était la première fois
qu’Ecolo se posait comme acteur régulateur de l’entreprise. Sur un
sujet comme celui-là, c’était hautement périlleux.» Effectivement.
Cette campagne refroidira les ardeurs des responsables socialistes
et sociaux-chrétiens. Ceux-ci mettront plusieurs bémols au fond de
l'accord sur les écotaxes. Néanmoins, le 15 janvier 1993, un terrain
d'entente est trouvé entre les sept formations partie prenante à la
négociation sur les modalités d'application des écotaxes. Le dossier
sur la réforme de l'Etat et toutes les questions afférentes va dès
lors son chemin au Parlement pour être adopté.
117
Le Soir, 6 novembre 1992.
118
E. LENTZEN et P. BLAISE, «La mise en œuvre des priorités du
gouvernement Dehaene. 1. La réforme des institutions», Courrier
hebdomadaire du CRISP, n° 1403-1404, 1993, p. 47.
119
S'il est logique et légitime que les organisations syndicales se
préoccupent des répercussions en termes d'emplois, de conditions
de travail ou d'acquis sociaux, d'accords politiques,... il est en
revanche beaucoup plus curieux que certaines sections syndicales
aient cru bon de manifester à l'appel du monde des employeurs, qui
le cas échant, n'hésita pas à affréter des moyens de transports
spéciaux. Les intérêts communs étaient pour le moins ténus. Surtout
en matière d'emplois. Le cas de l'entreprise Solvay est, à cet égard,
symbolique et pathétique.
79
Le concours d'Ecolo à la dernière réforme de l'Etat a suscité à
la fois de la curiosité et certaines réserves en son sein. Pas dans le
principe d'une forme de participation au pouvoir. Ecolo avait déjà
accepté cette perspective — en pratique à l'échelle communale et
théoriquement dans différentes assemblées fédérales. C'est bien
plutôt la problématique qui entraîne les verts dans une négociation
«gouvernementale.» S’il est vrai que les écologistes se sont
toujours montrés de fidèles défenseurs du fédéralisme (voir infra),
ce n'est pas précisément sur cette question qu'Ecolo axe ses
priorités dans les années nonante. Pierre Jonckheer n'en fait pas
mystère : «Le fait que la première participation politique
d'importance des Verts ait été d'ordre institutionnel reste pour
beaucoup d'entre nous un sujet d'étonnement !»120
On aurait certainement pu s'attendre à un soutien de
«l'extérieur» sur des sujets relatifs à la protection de
l'environnement, à la défense des services publics, voire à la
protection des acquis sociaux. Néanmoins le fait est là. Ecolo a
contribué à clore le processus de fédéralisation de l'Etat belge. Ce
faisant, il a concouru à donner une chance à un fédéralisme d'union
de se déployer en Belgique. Il a aussi été un des ardents défenseurs
du refinancement de la Communauté française — même très
incomplet. Enfin, il a tenté d'introduire des formes de dissuasion
envers le gaspillage en termes d’emballages, en introduisant la
formule des écotaxes sur certains produits non recyclés ou non
réutilisés particulièrement nocifs. Ce dernier volet est
indiscutablement celui qu'Ecolo a pu mener le moins loin. Les
lobbies patronaux ont mis en branle une campagne tout aussi
énergique auprès de l'opinion publique qu'efficace à l'égard du
monde politique. Aujourd'hui l'essentiel du dossier des écotaxes a
été laissé en rade. Faute aussi de mouvement social défendant ce
dossier. Jacky Morael souligne cette carence : «Dans le processus
de dialogue de Communauté à Communauté, ce qui nous a
probablement manqué c’est l’existence d’un mouvement à côté de
cette négociation. Ecolo n’a pas réussi à exister à côté de cette
négociation.»121
120
P. JONCKHEER, «Fédéralisme, la participation des écologistes», in
Confrontations, Luc Pire, Collection politique, 1995, 287 p., p. 205.
121
Entretien avec les auteurs.
80
Sur ce plan, Ecolo a indiscutablement fait preuve d'une
certaine naïveté et d'un certain optimisme. Ignorer les rapports de
force coûte. Au bout du compte, en dépit de toutes les critiques
qu'il a dû affronter et d'une certaine forme de virginité qu'il y a
perdue, il n'est pas sûr que l'expérience soit négative pour les
verts. Dans tout le processus, Ecolo a fait montre de responsabilité
associée à une certaine fermeté. Il a brisé l'image de «parti des
«non à tout».»122 Il a mis en lumière l’existence d’alternatives
pratiques dans de nombreuses circonstances au gaspillage et à
l'utilisation de produits dangereux dans les circuits industriels.
Il faut évaluer cette participation de l’extérieur d’un point de
vue interne. Malgré l'expression de plusieurs reproches (voir infra
et supra), cette expérience fut rarement dénigrée. Au contraire,
en dépit des méandres de la participation et du nonaboutissement123 du dossier des écotaxes.124 Elle est le plus souvent
jugée relativement positivement ; même si elle a clairement laissé
des traces dans le parti et si elle a révélé des problèmes de
fonctionnement interne et posé une question de principe : la
consultation des citoyens.
La participation des citoyens au processus décisionnel est un
des leitmotiv des écologistes. Ecolo a-t-il «fait de la politique
autrement» en ces circonstances ? Dans l'ouvrage Confrontations,
Jacques Bauduin dénonce l'absence de débat démocratique lors de
l'adoption de la nouvelle constitution, critiquant implicitement et
explicitement l'attitude de la direction d'Ecolo en la circonstance :
«La transformation de l'Etat unitaire en Etat fédéral s'est faite en
122
Le Soir, 6 novembre 1992.
123
Dans une interview au Vif-L'Express, Paul Lannoye dans le cadre de
trouble internes — critiquait le processus, mais une fois encore plus
sur la forme et les étapes de la négociation que sur le fond : «Nous
avons fait preuve d'ingénuité en faisant confiance au premier
ministre. La politique est changeante : les choses auxquelles ont
tient, il faut faire en sorte de les obtenir tout de suite.»
Le Vif-L'Express, 17-23 novembre 1995.
124
Outre, les responsables que nous avons déjà cités relevons encore
les propos d'Henri Goldman et Alain Adriaens : «Ils (les écologistes)
ont significativement influencé l'élaboration de la structure
institutionnelle du pays qui est devenue proche de ce qu'ils avaient
toujours souhaité et ils ont pu engranger le vote d'une loi sur le
écotaxes, ce qui est une grande première et une grande victoire
dans la perspective d'une fiscalité favorable à l'environnement.»
H. GOLDMAN et A. ADRIAENS, «Belgique : L'écologie politique sans
complexes», Ecologie politique, n° 11-12, 1994-1995, p. 30.
81
court-circuitant les populations concernées, appelées tout au plus,
lors de scrutins législatifs où ces enjeux étaient noyés, à influer
très indirectement sur le cours des choses. Une nouvelle
constitution a été adoptée en dehors d'un espace proprement
politique ouvert à une délibération des citoyens.»125 Dans la mesure
où Ecolo fut partie prenante à cette décision, la faute lui en
incombe aussi. D'autant qu'Ecolo a fait de la démocratisation des
procédures décisionnelles, de la participation populaire la plus
large aux choix accomplis une de ses revendications majeures dont
une des modalités était d'ailleurs l'organisation de consultations
référendaires (voir infra). Il n'en a rien été ici. Certes les
interlocuteurs écologistes de la négociation ont formellement fait
la proposition d'organiser un référendum.126 Mais ils ne l'ont pas
présentée comme un préalable.
Un autre volet des critiques sur les formes du choix concerne
la prise de décision interne à l'organisation. Les négociateurs
d'Ecolo ont été, à certains moments, confrontés à une logique
temporelle et politique contradictoire. D'une part, progresser sur
les dossiers débattus. D'autre part, consulter tout à la fois les
instances fédérales et locales du mouvement sur l'état
d'avancement des discussions, sur ce qui pouvait ou ne pouvait pas
être toléré. Situation difficile pour un parti dont les membres sont
très sourcilleux sur cette dimension. Sur cet aspect également, la
participation à la réforme de l'Etat, au dossier des écotaxes et à
celui du refinancement de la Communauté française a servi de
catalyseur à une réflexion sur la situation interne d'Ecolo. En
particulier sur son fonctionnement.
Des structures nouvelles
En cette fin d’année 1992, l'organisation interne d'Ecolo
semble inadaptée à une évolution de fait. La victoire électorale de
1991 a donné un mouvement des moyens sans précédent : plus de
parlementaires aux différents échelons, plus de permanents, plus
de moyens, plus d’adhérents. Face à cet accroissement du cadre et
125
J. BAUDUIN, «Vous avez dit post-libéral ?», in Confrontations, Luc
Pire, Collection politique, 1995, 287 p., p. 89.
126
Dans Le Soir du 1 décembre 1992, le secrétaire fédéral Daniel
Burnotte rappelle la position favorable d'Ecolo en la matière : «Pour
les accords de la Saint-Quentin, Ecolo est favorable à une
ratification par la population (et à sa demande) dans toutes les
Communautés et les Régions, afin que toutes les composantes
puissent s'exprimer.»
82
des ressources, le fonctionnement paraît, à certains égards,
anachronique.
Ce problème n’est d’ailleurs pas nouveau. Une première
tentative de réformes statutaires avait échoué lors d'une assemblée
fédérale tenue à Tournai le 10 mai 1992. Elle prévoyait, entre
autres, de ramener à trois le nombre de secrétaires fédéraux et de
les rémunérer. L’assemblée générale n’avait pu dégager une
majorité des deux-tiers sur les propositions de modifications
statutaires. Une nouvelle équipe de secrétaires fédéraux avait été
élue : Anne-Marie Lateur (Namur), Roland Libois (Huy-Waremme),
Daniel Burnotte (Brabant wallon), Vincent Decroly (Bruxelles). Elle
sera complétée en juin par Gérard Lambert (Bruxelles).
Cet échec d'une proposition pas toujours bien expliquée
attestait, si besoin en était, de la vigilance forte des militants
d'Ecolo contre toute perception d'un accaparement du pouvoir aux
mains d'un petit groupe. Les problèmes ont cependant persisté
comme l'a montré le processus de discussion de la réforme de l'Etat
et comme l'illustrèrent aussi les tensions fortes au secrétariat
fédéral. Daniel Burnotte, Vincent Decroly et Gérard Lambert
étaient rémunérés. Anne-Marie Begaux-Latteur et Roland Libois
étaient, en revanche, bénévoles, ce qui provoquait plusieurs
déséquilibres. Face à cette difficulté difficilement résolvable,
Roland Libois démissionnera : «C'est une illusion que de croire que
quelques bénévoles, toujours en train de courir derrière la
charrette puissent garantir quelque démocratie que ce soit.»127
Mais il existe aussi des problèmes de personnes et de choix
politiques. Les conflits opposent principalement Gérard Lambert à
Vincent Decroly et Daniel Burnotte sur le rôle du secrétariat
fédéral dans l'organigramme des compétences d'Ecolo. Vidé des
personnalités marquantes du mouvement, suite notamment au
départ de Jacky Morael et de Marcel Cheron, le secrétariat fédéral
pèse peu face aux groupes parlementaires et à leurs ténors.
Elément que souligne d'ailleurs Henri Simons : «Le problème du
secrétariat fédéral, c'est que les gens qui ont la «légalité» d'être
les co-présidents du parti devraient aussi en avoir la légitimité. Le
secrétaire fédéral devrait avoir le même statut que le
parlementaire, la même durée de mandat, les mêmes moyens
d'action, le même salaire. Des gens d'envergure auront alors envie
d'aller au secrétariat fédéral. Aujourd'hui, les cinq secrétaires
127
Le Soir, 7 juin 1993.
83
fédéraux sont suspendus au fil des deux ans de mandat. Cela n'a
pas de sens.»128
Cela en a d'autant moins que le secrétariat fédéral est par
ailleurs paralysé par des dissensions. Cette situation ne pouvait
perdurer. Surtout après les problèmes évoqués dans le processus de
participation à la dernière phase de la fédéralisation en Belgique.
L'Initiative d’une réflexion interne revient au Namurois Michel
Somville. Un processus de réflexion sur la structure interne d’Ecolo
est lancé au printemps 1993. Le 19 mai 1993, le conseil de
fédération du mouvement lance ainsi un débat intérieur sur les
«stratégies, les structures et le fonctionnement» du parti.
La mission d'impulsion est naturellement confiée à Michel
Somville auquel s’adjoint Pierre Jonckheer. Tous deux
accompliront un tour des fédérations et s'entretiendront avec de
nombreux adhérents. A l'issue de cette phase de consultations et
d'entretiens multiples, Michel Somville et Pierre Jonckheer
présentent un rapport préliminaire en septembre 1993. Quels en
sont les axes ?
La première idée ressortant du document préparatoire est le
retard pris par Ecolo en termes idéologiques eu égard à sa dernière
grande discussion doctrinale, à savoir celle de Neufchâteau-Virton.
Or, comme le soulignent Somville et Jonckheer, le «monde a
changé» et Ecolo aussi. Les verts ont depuis enregistré une
progression électorale marquante (1987, 1989 et 1991) sans qu'une
adaptation parallèle des structures, des buts et des réflexions du
mouvement soit opérée.
Autant d'éléments qui accentueraient la croissance de
dysfonctionnements intérieurs et donc l'impérieux besoin de
modifications fonctionnelles : «Ces derniers mois, cette nécessité
d'adaptation a refait surface avec acuité. Pour les habitués du
secrétariat fédéral du vendredi soir, il était loisible de constater la
difficulté pour les secrétaires fédéraux de remplir leurs tâches, de
vérifier les dysfonctionnements importants dans l'administration et
les services centraux d'Ecolo et, sur un autre plan, de noter pour la
centième fois le nombre insuffisant de militants et la faiblesse de
certaines régionales et locales, voire leur absence.»129
128
Le Soir, 2 juillet 1993.
129
Ecolo en situation, Ecolo info, n° 8, septembre 1993, p. 15.
84
Ces dysfonctionnements auraient connu leur point d'orgue
pendant la période de négociation sur la réforme de l'Etat. Pour les
deux rapporteurs, la stratégie d'Ecolo durant cette initiative
capitale n'a jamais été véritablement débattue. Ce qui aurait accru
un malaise profond dû notamment «à l'absence de direction
politique fondée sur des priorités politiques claires et débattues
démocratiquement à l'intérieur du parti de telle sorte que chacun
puisse comprendre où l'on va et pourquoi.»130 A la suite de cette
situation, Pierre Jonckheer et Michel Somville s'inquiètent de la
présence importante de forces centrifuges au sein d'Ecolo et des
rapports complexes entre le niveau fédéral, les fédérations et les
locales.
Quels sont, face à ce constat, les lignes dégagées par les deux
responsables du rapport ? Cinq axes majeurs sont mis en exergue.
— Premièrement, il s’agit d'assumer vraiment la dimension «parti»
d'Ecolo. En ce, il serait nécessaire d'accepter le caractère dépassé
de certains préceptes du document de Péruwelz131 qui, comme
nous l'avons vu, avait spécialement insisté sur la dimension
«mouvement» d'Ecolo.
— Ensuite, il convient d’organiser régulièrement des forums
d'écologistes afin de développer et d'approfondir les débats, les
réflexions sur l’actualité de l'écologie en politique. En d'autres
termes, d'ouvrir le cadre de la discussion — et peut-être des
choix — à l'ensemble de la mouvance écologiste dans et hors Ecolo.
— Michel Somville et Pierre Jonckheer appellent aussi Ecolo à
préciser ses choix politiques, ses alliances électorales et, le cas
échéant, gouvernementales. Rappelant la position de NeufchâteauVirton selon laquelle Ecolo «n'est pas la bonne conscience de la
gauche» (voir supra), ils constatent toutefois qu'«il est aujourd'hui
difficile de trouver beaucoup d'affinités avec les libéraux»132 et
soulignent, par ailleurs, en termes d'évocation au pouvoir, qu'il faut
«considérer et accepter que le compromis est une vertu
démocratique.»133 Le compromis avec d'autres ; voilà bien une
130
Ibid., p. 16.
131
«Péruwelz cite pêle-mêle pour nommer la mouvance écologiste les
associations de protection de l'environnement, les ONG de
coopération au développement, les pacifistes, les mouvements
communautaires et autogestionnaires, les nouvelles coopératives...
Vu de 1993, la description est datée, «belle époque» pour les
nostalgiques.»
Ibid., p. 21.
132
Ibid., p. 25.
133
Ibid., p. 26.
85
notion difficile pour Ecolo. Lorsqu'il évoque la perspective d'une
participation au pouvoir, Jacky Morael souligne toute la difficulté
pour un parti comme Ecolo d'intégrer cette dimension : «Depuis
1986 et la crise très grave qui a agité Ecolo, nous nous sommes fait
un devoir de ne plus jamais dénoncer quelque chose sans nous
obliger à présenter une alternative. (...) Le défi à relever pour
ceux qui, demain à Ecolo devront prendre des responsabilités, c'est
apprendre à perdre. L'enjeu ne sera pas «que va-t-on pouvoir
réaliser ?» mais «que va-t-on devoir abandonner ?».»134
— Pour ce qui a trait au fonctionnement intérieur d'Ecolo, les deux
rapporteurs
préconisent
de
nouvelles
avancées.
Tout
particulièrement, l'acceptation d'une «démocratie déléguée» en ce
qui concerne la prise de décision conditionnée à l'élargissement
maximal à l'ensemble des membres des activités et de la confection
des choix et des orientations d'Ecolo.
Cette «démocratie déléguée» en matière de décision
quotidienne reviendrait au secrétariat fédéral. Celui-ci travaillerait
sur la base des positions définies par les assemblées générales et
par le conseil de fédération. Dans cette optique, Pierre Jonckheer
et Michel Somville proposent de ramener le nombre de secrétaires
fédéraux à trois, qui seraient rémunérés par le parti. Leur mandat
couvrirait quatre ans et serait renouvelable.135
Parallèlement et en complément du rapport du groupe de
travail Somville-Jonckheer, Ecolo a aussi lancé une analyse de
l'«état de santé» des groupes locaux d'Ecolo. Réalisé sous la
houlette de Jean Thiel et de Bernard Westphael, les conclusions
dégagées par l'examen de la vie locale d'Ecolo montrent la
persistance de zones importantes de faiblesse en termes
d'existence et d'implantation.
En effet, sur les deux cent quatre-vingt-cinq communes de la
Communauté française, les deux responsables d'Ecolo136
dénombrent:
— quarante locales qui fonctionneraient «correctement»137 ;
134
Le Soir, 19 septembre 1992.
135
Ibid., p. 37.
136
Ecolo info, n ° 3, avril 1993, p. 8.
137
C'est-à-dire des groupes qui réunissent au moins cinq membres
effectifs, qui sont reconnus par les régionales et qui organisent des
activités.
86
— soixante-cinq groupes en gestation, pour lesquels les rapporteurs
estiment qu'on peut raisonnablement «espérer un véritable
décollage à moyen terme» ;
— enfin trente-huit sections qui poseraient «de sérieux
problèmes.»138
De ce tableau il importe de noter que les groupes locaux
fonctionnant normalement ne représentent que 14,2% des
communes de la Communauté française. En outre relevons surtout
que dans cent quarante-deux communes (50%), il n'existe alors pas
de groupe local d'Ecolo.
Au rayon des régionales sans difficultés, on mentionnera
surtout celles de Bruxelles, du Brabant wallon, de Liège et de
Namur. En revanche, les problèmes d'implantation semblent
spécialement aigus dans la province du Luxembourg mais, de
manière plus importante encore, dans celle du Hainaut. Charleroi,
principale ville de Wallonie, est à cet égard symbolique. La
présence d'adhérents d'Ecolo y est marginale. Réalité qui justifie
les conclusions peu enthousiasmantes mais lucides des deux
rapporteurs :
«— Ecolo n'a que très faiblement renforcé son implantation locale
depuis 1988 ;
— dans certains endroits stratégiques, notre présence est soit nulle,
soit inconsistante (Charleroi-ville, première ville de Wallonie, en
étant l'exemple le plus frappant) ;
— que la croissance de nos membres reste largement insuffisante
pour renforcer nos groupes locaux, mais aussi pour renouveler nos
«cadres» ;
— que nous ne sommes donc pas aujourd'hui, en mesure de
répondre correctement aux espoirs qui sont placés en nous au
niveau communal ;
— que les moyens d'information, de formation à la gestion de la
chose publique ont été soit insuffisants, soit inopérants;
— que l'encadrement politique des groupes locaux reste considéré
par beaucoup comme étant dérisoire ;
— que nos mandataires locaux ne se sentent pas suffisamment
valorisés dans leur travail au sein d'Ecolo.»139
138
Soit un absentéisme récurrent aux assemblées régionales, soit en
raison de conflits internes ou d'une démotivation.
139
Ecolo info, n °3, avril 1993, p. 9.
87
Des modifications notables seront mises en œuvre à la suite
des travaux réalisés par ces deux commissions interne. En termes
de structures, l'essentiel des suggestions dégagées par Pierre
Jonckheer et Michel Somville sera retenu lors de l'assemblée
générale de Huy-Burdinne en janvier 1994 (voir infra) au cours de
laquelle le secrétariat fédéral est réduit à trois personnalités se
présentant en équipe.
L'équipe qui se présentera quatre mois plus tard suscitera
certaines réticences. Des trois personnes — Isabelle Durant
(Bruxelles), Danny Josse (Mons) et Jacky Morael (Liège) —, seul
Jacky Morael était connu hors du mouvement, ce qui a fait craindre
à d'aucuns une dérive présidentialiste. «Il est inévitable que Jacky
va dominer le secrétariat fédéral de façon outrancière» annonce,
par exemple, Paul Lannoye.140 Il y aura même un essai — sans
suite — de postposer l'élection. L'équipe candidate recueillera 102
voix contre 42 et 23 abstentions. Le vote individuel sur chacun des
personnes ramène 129 voix pour Morael, 106 pour Josse et 105 pour
Durant.
D'autre part, Ecolo préparera soigneusement les élections
communales de 1994 afin de consolider et développer le nombre de
ses locales et leur «qualité.» Enfin, la direction du parti accroîtra
ses efforts de formation, notamment à travers l'organisation des
rencontres écologiques d’été.
Dans la foulée de la réforme de l'Etat et des réflexions sur les
modifications statutaires, les verts du Sud et du Nord du pays
renforceront leur coopération. Au bureau de coordination EcoloAgalev, qui avait été créé à la fin de l'année 1989, succédera un
bureau fédéral Ecolo-Agalev composé de cinq représentants
d'Ecolo141 et de cinq représentants d'Agalev142, élus pour quatre
ans.
Ecolo et Agalev assignent trois objectifs prioritaires à la
nouvelle structure :
— premièrement, parfaire, aux échelons fédéral, régionaux et
communautaire, toutes les formes de collaboration imaginable
entre les parlementaires des deux partis ;
140
Le Soir, 25 avril 1994.
141
Dans les cinq représentants Ecolo, il doit y avoir au moins un
Bruxellois, un Germanophone et, au moins, deux Wallons.
142
Dans la délégation d'Agalev, il doit y avoir au moins un Bruxellois et
trois représentants de la région flamande.
88
— deuxièmement, améliorer l'information, les aides réciproques et
les éventuelles collaborations entre les différents organes d'Ecolo
et d'Agalev mais aussi entre leurs deux services de formation ;
— troisièmement, tenter d'établir des prises de position communes
et, en cas de divergence au niveau fédéral, chercher autant que
faire se peut les conciliations possibles.143
Cette consolidation de la collaboration de partis d'une même
famille politique au Nord et au Sud du pays, parallèlement au
processus de fédéralisation de l'Etat, est un acte symbolique et
concret très significatif. La volonté commune de réflexion et
d'action débouchera notamment, au printemps 1995, sur la tenue
d'assises communes sur les questions relatives à la sécurité sociale.
Trois défaites électorales : 1994 et 1995
Si l’élection européenne de 1989 et l’élection législative de
1991 avaient été deux succès éclatants pour Ecolo, il connaîtra en
revanche trois désillusions consécutives en ce milieu d’année 1990.
A l’occasion de l’élection européenne de 1994, Ecolo ne remporte
que 231 052 voix ce qui lui fait perdre un de ses deux sièges de
député européen. Ce premier revers est suivi quelque mois plus
tard par une piètre performance aux élections communales de
septembre 1994. Si Ecolo a étendu la couverture de ses listes, ses
résultats stagnent par rapport à 1988 (voir infra). A l’issue du
scrutin, il n’est partie prenante que dans huit coalitions
municipales.
Lors de l’élection législative anticipée de mai 1995, Ecolo a
connu une nouvelle défaite. Il fait nettement moins bien qu’en
1991 mais son score est également en retrait par rapport aux
élections européennes de juin 1994. Il passe sous la barre des
200 000 suffrages : 194 267. Soulignons toutefois que son
pourcentage reste à un degré de crédibilité et que sa «force de
frappe» parlementaire demeure non négligeable, en dépit de la
non-réélection de Philippe Defeyt dans l’arrondissement de NamurDinant-Philippeville.
A la Chambre, Ecolo recense six députés : Philippe Dallons
(Charleroi-Thuin), Vincent Decroly (Bruxelles), Olivier Deleuze
(Bruxelles), Thierry Detienne (Liège), Martine Schrüttringer (HuyWaremme) et Jean-Pierre Viseur (Mons-Soignies). Au Sénat, Ecolo
récolte deux élus directs : Martine Dardenne et Pierre Jonckheer. A
la région bruxelloise, Ecolo conserve sept élus : Alain Adriaens,
143
Ecolo info, n° 1 bis, supplément, décembre 1993.
89
Philippe Debry, André Drouart, Paul Galand, Evelyne Huytebroeck,
Marie Nagy et Mostafa Ouezekhti. Enfin à la région wallonne Ecolo a
obtenu huit députés régionaux wallons : Bernard Baille (Thuin),
Marcel Cheron (Nivelles), José Daras (Liège), Xavier Desgain
(Charleroi), Daniel Marchant (Namur), Nicole Maréchal (Liège),
Danny Smeets (Verviers) et Jean-Pol Snappe (Tournai-AthMouscron).
Les explications de ces trois revers sont multiples.
Dans les trois cas, nombre de dirigeants d’Ecolo ont, une
énième fois, abordé la qualité de la «communication» de leurs
campagnes. Eternelle dimension mise à l’avant-plan lors des revers
électoraux, ces trois défaites ne peuvent s’expliquer par une
communication défaillante. On peut d’ailleurs se demander si la
communication lors des élections de 1989 et de 1991 était
exceptionnellement meilleure que celle des élections de 1994 et
1995 ?
Ecolo a certainement payé sa participation de l’extérieur au
processus de réforme de l’Etat. Si en 1989 et en 1991, il avait
capté des électeurs d’horizons différents, il semble avoir perdu un
électorat de type «protestataire» (voir infra) en 1994 et en 1995.
Ses résultats dans la province du Hainaut l’attestent. Il a en outre
été doublement perdant dans le dossier des écotaxes. Il a subi une
campagne de la part des milieux patronaux sur un dossier qu’il
portait et qui n’a pas abouti. Sa crédibilité en a été affectée.
Du côté francophone, le thème de la campagne axé sur la
sécurité sociale a favorisé une polarisation qui a permis au PS de
limiter les dégâts. Les positions adoptées lors du congrès commun
Ecolo-Agalev (voir infra) n’ont certainement pas été un atout pour
Ecolo. La campagne contre les «conservateurs» (le pilier socialiste)
était peu rassurante et certainement pas de nature à s’ouvrir à de
nouveaux électeurs de cette mouvance.
Le rapport à la nébuleuse des organisations qui ont pour
vocation et ambition la protection de l'environnement et
l'amélioration de la qualité de la vie est aussi remis en question.
Ecolo et Agalev se sont toujours affirmés comme les relais
politiques de ces associations. Or, s'il y a parfois des liens
privilégiés entre Agalev et Ecolo d'une part, et les mouvements
s'occupant de l'environnement, ces derniers refusent le plus
souvent la perspective de connivence privilégiée. Cette attitude se
comprend d'un double point de vue.
90
Dans la mesure où ces groupements se comportent en groupes
de pression sur les choix effectués, leurs interlocuteurs prioritaires
ne sauraient être des partis dans l'opposition aux principaux
échelons de décision. Infléchir le processus décisionnel suppose de
s'adresser aux décideurs politiques et donc en premier lieu, aux
responsables et aux partis politiques en charge du pouvoir. Cet
élément avait déjà été mis en exergue par la recherche de Pascal
Lagassé sur les partis écologistes en Belgique : «Pour les ASBL à
préoccupations environnementales, tous les partis politiques
doivent être considérés comme égaux, ce qui implique qu'Ecolo et
Agalev doivent être perçus comme des partis politiques semblables
aux autres, d'autant plus que des partis comme la Volksunie ou le
SP semblent aussi très ouverts à l'environnement. Dans l'optique de
ces ASBL, il faut donc se démarquer très clairement des partis verts
pour leur éviter une identification qui équivaudrait à une
marginalisation.»144
Deuxièmement, soulignons que ces associations sont le plus
souvent pluralistes. S'il y a bien souvent des adhérents d'Ecolo en
Communauté française ou d'Agalev en région flamande, il existe
aussi une grande partie de membres et de militants qui sont soit
membres d'autres partis politiques, soit sans étiquette particulière.
Ces derniers ne conçoivent pas de relais politique privilégié avec
qui que se soit.
Enfin, Ecolo est aussi confronté à une intégration progressive
de certaines questions environnementales par certains politiques
des familles traditionnelles, ce qui a rendu ses axes de campagne
d’autant plus difficiles. Comment faire la différence ? Il s’agit là
d’une question importante pour l’avenir.
Les actions et les réactions des autres partis
politiques face au développement d'Ecolo
Lorsqu'Ecolo avait fait son entrée à la Chambre et au Sénat à
la suite de l'élection législative de novembre 1981, les familles
politiques établies dans le système politique belge — socialiste,
sociale chrétienne et libérale — avaient accueilli ce dernier venu
avec condescendance et paternalisme. Beaucoup y voyaient une
manifestation conjoncturelle appelée à se résorber rapidement.
Cependant, avec la consolidation — lente — d'Ecolo et d'Agalev —
plus rapide —, la plupart des partis prendront au sérieux cette
144
P. LAGASSE, Ecolo et Agalev et leur impact sur les partis politiques
et les groupes environnementaux, département de science politique
de l'Université de Montréal, avril 1989, p. 114.
91
nouvelle famille politique. Ils adopteront à son égard plusieurs
stratégies.
Analysant les formes d'actions et de réactions des partis
«établis» face à l'émergence et à l'installation de nouvelles
formations, Guillaume Sainteny a isolé quatre attitudes classiques :
— l'exclusion du champ politique et sociétal de la thématique ayant
permis à «l'intrus» de pénétrer ou de tenter de pénétrer le système
et la vie politiques ;
— la récupération du thème porteur145 ;
— l'exclusion du champ politique de «l'intrus» ;
— la récupération de «l'intrus» une fois qu'il a pénétré dans le
champ.146
Ces quatre stratégies seront inégalement mises en œuvre par
le PS, le PSC, le PRL et le FDF. Dans la récupération électorale de
la thématique environnementale, on assistera en Belgique à la mise
en avant de «candidature vitrines.»147 Anne Vincent, présentatrice
fétiche de l'émission Le jardin extraordinaire sera pressentie sur
les listes du parti socialiste. Edgard Kesteloot, commentateur de la
même émission, sera présent sur la liste du PRL dès les élections
européennes de 1989. François Roelants du Vivier, ancien député
européen Ecolo, est la caution verte du FDF à l'élection européenne
de 1989.148
145
Concernant la problématique de l'environnement, Guillaume
Sainteny montre que très souvent, cette récupération passe
«l'élaboration de programmes en la matière et la nomination d'un
responsable chargé de suivre ces question au sein du parti.»
G. SAINTENY, «Le parti socialiste face à l'écologisme. De l'exclusion
d'un enjeu aux tentatives de subordination d'un intrus», Revue
française de science politique, juin 1994, n° 3, p. 430.
146
Ibid., p. 424.
147
Ibid., p. 450.
148
Il est actuellement conseiller régional bruxellois.
92
En Belgique, la récupération de «l'intrus» a pris des formes
différentes :
— négociations — le plus souvent sans suite — pour la formation de
coalition aux niveaux communal, régionaux, communautaire et
fédéral ;
— récupération de responsables politiques écologistes. Ecolo a été
relativement épargné par des débauchages personnels. Si Michel
Duponcelle, conseiller régional bruxellois Ecolo sortant était
présent sur la liste socialiste en mai 1995, on ne peut pas
véritablement évoquer une «récupération» dans le chef d'un
individu relativement peu connu et peu mis en avant sur la liste
socialiste. Toute autre fut la situation d'Agalev en 1994 et en 1995.
En effet, Leo Cox et Paul Staes, deux des personnalités historiques
d'Agalev ont rallié les rangs du CVP à l'automne 1994149, rejoint en
mars 1995 par le sénateur Alex De Boeck.150 Ludo Dierickx
également considéré comme une des figures marquantes d'Agalev a
quant à lui rejoint les rangs du SP, en désaccord avec la teneur des
conclusions du congrès commun Ecolo-Agalev sur la sécurité
sociale.151
Néanmoins, ce «ver(t)nissage» des autres partis s'est heurté à
beaucoup d'obstacles.
— Dans le cadre d'un système pilarisé, les nouvelles questions et les
nouveaux enjeux émergent laborieusement et sont digérés avec
difficulté. Elles sont fréquemment contradictoires avec les intérêts
d'un certain nombre de groupes sociaux qui ont des relais dans les
organisations du pilier. Si l'on perçoit facilement le rejet du monde
patronal — PME et grandes entreprises confondues —, les réserves
envers les problématiques environnementales — entendues dans
leur sens large — dépassent ces seules catégories. Les réticences
ont été et sont toujours nombreuses dans le monde syndical. En
1978 déjà, Albert Bastenier soulignait la circonspection qui serait
vraisemblablement de mise dans de larges pans des catégories
sociales défavorisées : «Il est assez facile d'imaginer que ce ne sont
pas ceux qui commencent à entrer dans la consommation de masse
et qui ont le sentiment d'enfin sortir de l'exclusion économique qui
admettront le plus facilement que l'on critique la «société
d'abondance» au moment où ils y entrent. Ces classes-là sont assez
naturellement attachées à la continuation de la société
149
M. VOGELS, Sur les remous à Agalev, Le Soir, 31 octobre1 novembre 1994.
150
Le Soir, 16 mars 1995.
151
Le Soir, 5 mars 1995.
93
industrielle, même si elles admettent la nécessité de certains
ravalements de façade.»152
La mise en place de ces stratégies par les autres formations at-elle été payante ? Ayant analysé la situation en France, Guillaume
Sainteny estime que cette récupération «semble n'aboutir qu'à des
effets limités.»153 Ces agissements ont souvent pour effet
d'accroître la légitimité de la problématique que l'on essaie de
récupérer et donc de l'interlocuteur qui en est le principal
porteur : «En mettant l'accent de manière intempestive et
précipitée sur l'importance des questions d'environnement, les
partis établis, au lieu de récupérer ces thèmes à leur profit, et
avec eux, les électeurs qui y sont sensibles, ont pu contribuer à
légitimer ces questions puis, indirectement, l'intrus qui les a posées
en premier.»154
Au-delà de l'appréhension des réactions mises en œuvre par
les partis politiques pour réduire l'impact et la progression d'Ecolo
et d'Agalev, observons que la plupart des partis ont réellement
nettement mieux pris en compte les problématiques de
l'environnement dans leur perception du devenir sociétal.155
Une situation de fait qui, en retour, pose de vrais problèmes
aux partis écologistes. Il y est fait explicitement référence après la
performance en demi-teinte lors des élections communales de
1994 : «Les partis traditionnels ont désormais digéré — «mais à leur
sauce !» — les nombreux thèmes verts. Et paradoxalement, si nous
avons atteint l'objectif de «contagion culturelle», ce facteur a
brouillé l'image d'Ecolo.»156 Ces derniers visent alors à minimiser
l'authenticité et l'ampleur de ces révisions : «Les options politiques
n'ont pas encore conduit à remettre en cause des habitudes
fondamentales des populations occidentales ou des intérêts
économiques solidement établis. Jusqu'à ce jour, les principaux
succès obtenus sur le front de la protection de l'environnement
152
A. BASTENIER, «L'heure des mouvements écologistes», La revue
nouvelle, n° 10, octobre 1978, p. 316.
153
G. SAINTENY, op. cit., p. 455.
154
Ibid., p. 458.
155
Dans le chef du parti socialiste, notamment. Voir par exemple sa
réflexion sur le développement durable, supplément à Socialisme,
n° 244, juillet-août 1994, 16 p. et N. GOUZEE, «L’écologie, message
de modestie, de diversité ou de pluralisme», in Confrontations, Luc
Pire, Collection politique, 1995, 287 p.
156
Interview de J. MORAEL, Le Soir, 28 octobre 1994.
94
(lessives sans phosphates, suppression progressive des CFC,...) l'ont
été sur des problèmes bien circonscrits, avec un «agent nocif»
clairement identifié, dont les industries protectrices produisent
également les principaux substituts connus sans remettre en cause
les habitudes quotidiennes et sensibles des électeursconsommateurs.»157 Les écologistes soulignent de la sorte
l'importance de la différence du degré d'appréhension et l'urgence
de mesures énergiques. Ils insistent en ce sur l'importance des
temporalités en matière d'environnement et d'écologie.
En effet, celles-ci ont ceci de spécifique que les «processus
biophysiques» sont hors de portée du comportement des hommes le
long d'une vie humaine.158 La réversibilité d'une dégradation grave
à l'environnement peut prendre plusieurs siècles sinon plusieurs
millénaires. Or, la généralisation de l'industrialisation à l'échelle
planétaire
et
donc
corollairement
la
dégradation
de
l'environnement posent des problèmes immenses dont les solutions
ne peuvent être pensées en termes de réparations.
Une crise maîtrisée
Depuis l'échec des élections législatives et régionales du 21
mai 1995, Ecolo est entré dans un processus de remise en cause
dans lequel s'est développée une crise interne. Soulignons
néanmoins qu'un malaise existait dans le mouvement avant même
le mauvais score de 1995. Il en allait d'ailleurs de même au sein
d'Agalev. Dans Le grand chantier, José Daras et Henri Simons pour
Ecolo, Mieke Vogels et Jos Geysels, pour Agalev, plaidaient pour
l'approfondissement des nouvelles problématiques abordées ces
dernières années — en particulier le terrain social — mais aussi pour
l'ouverture des deux partis à de nouveaux adhérents. En d’autres
termes également, pour un fonctionnement interne repensé : «Si
les écologistes veulent être le moteur d'une réelle opposition, s'ils
veulent être l'alternative au libéralisme et au fascisme, il est
urgent qu'ils revoient leur propre structure et qu'ils se débarrassent
du cadre étriqué d'une démocratie de base mal comprise. Il
également que la soif de pureté de certains, qui les amène parfois
à distinguer, sur la base de critères plutôt vagues, les vrais des faux
écologistes, ne soit pas un obstacle à l'esprit d'ouverture
157
PH. DEFEYT, «Ecologie et économie : un mariage de raisons», La
revue nouvelle, février 1990, n° 2, p. 50.
158
J.-P. DELEAGE, D. HEMERY, «De l'éco-histoire à l'écologie-monde»,
L'homme et la société, n° 91-92, 1989, pp. 14-15.
95
indispensable pour élargir notre mouvement et lancer une
dynamique nouvelle.»159
Au lendemain des élections, dans une première réflexion, le
secrétariat fédéral appelait le parti à poursuivre, à développer et à
clarifier les choix et les orientations d'Ecolo des dernières années.
A savoir une appréhension parallèle des problématiques
environnementales et des questions sociales. Isabelle Durant,
Danny Josse et Jacky Morael conjuraient la base et les responsables
du parti à ne pas procéder à un repli politique par rapport aux
avancées accomplies les années précédentes : «Connaissant nos
forces et nos faiblesses, l'axe écologique-social, emploienvironnement, est l'une des clés majeures de notre
développement comme force politique. Personne ne pouvant
prédire quel sera le thème fort des élections de 1999, ni les
questions que nous aurons d'ici là à nous imposer, il faut être prêts
à tout, pertinents et crédibles sur tout. En d'autres termes, nous
devons consacrer ces quatre ans à conforter notre crédibilité sur
les dossiers sociaux, et à convaincre qu'il est nécessaire d'apporter
une solution commune aux deux (c'est toute une stratégie
spécifique qui est ici à mettre en œuvre, tant pour diffuser notre
programme auprès de relais avertis que pour vulgariser auprès du
grand public). Tout repli sur un soi-disant front «environnemental»
serait non seulement une rupture avec toute l'histoire de l'écologie
politique, mais constituerait à l'évidence un véritable suicide
électoral et politique.»160
A la veille des vacances d’été, Ecolo a lancé un processus de
réflexion devant conduire à une définition de son identité et de sa
stratégie politiques pour la nouvelle législature : «Ecolo cap 2 000.
Les adhérents ont été invités à s’exprimer sur le devenir d’Ecolo,
sur son fonctionnement, sur ses priorités. A l’issue de la première
étape de ce processus, il est clairement apparu que premières
lignes sinon de fracture, à tout le moins de perceptions et
d’orientations stratégiques régnaient dans le parti. L’assemblée
générale de La Louvière, en octobre 1995, étalera la confrontation
interne. Deux visions s’affrontèrent sur la ligne et sur la stratégie
politiques.
159
J. DARAS, J. GEYSELS, H. SIMONS, M. VOGELS, «Manifeste pour une
politique écologiste», in J. DARAS, J. GEYSELS, H. SIMONS, M.
VOGELS, op. cit., p. 144.
160
Résultats électoraux, 1994-1995. Le rapport du secrétariat fédéral
au comité de fédération, Ecolo-Bruxelles, n° 4, juin 1995, p. 7.
96
La première est une remise en cause du positionnement et des
axes des travail d’Ecolo des années nonante. Elle s’incarne dans
une résolution signée par cent-cinquante adhérents. Les principales
personnalités qui la portent sont Paul Lannoye, Philippe Defeyt,
Pierre Jonckheer, Martine Dardenne et Roland Libois. Comme le
précise le préambule, les signataires proposent un «nouveau départ
(...) après une remise en cause sereine de la ligne politique, de la
stratégie, des pratiques tant internes qu’externes, de la
communication et des choix organisationnels et budgétaires.»161
Bref de tout. Pour les tenants de cette remise en cause, la ligne
politique suivie les dernières années «n’a pas permis d’identifier
Ecolo comme porteur d’une alternative globale claire et crédible» ;
qu’en outre, une «culture de pouvoir» s’est substituée à une
«culture de projet» qui aurait fait l’originalité historique d’Ecolo.
Dans l’esprit des défenseurs de cette approche, il revient à Ecolo
de rappeler la raison d’être «historique» d’Ecolo : la remise en
cause fondamentale du «type de développement industrialiste et
productiviste qui domine le monde.» Celle-ci passe par une
démarche politique prioritaire : la promotion du concept qui
identifie ce combat, l’éco-développement.
D’un point de vue pratique, cela suppose une réorientation
claire. D’abord un bémol aux avancées sur les questions sociales
opérées les années précédentes au profit de campagnes basées sur
l’éco-développement. Plusieurs propositions concrètes en
témoignent :
— la programmation de campagnes portant sur des thèmes qui
relèvent de la qualité de la vie et mûrement choisis par le conseil
de fédération pour leur aptitude à faire comprendre la logique de
l’éco-développement.»
— la mise sur pied d’un service éco-consommation interne au CEFE
qui (...) publierait régulièrement un dossier comparatif relatif à un
produit politiquement significatif.»
— la création d’un «observatoire du bien-être» publiant un rapport
annuel sur le «niveau de vie, les conditions de vie et la qualité de
la vie en Belgique, Wallonie et Bruxelles.»
161
Ecolo info, n° 6, septembre 1995, p. 29.
97
A l’échelle du mouvement, les critiques sont parfois dures. La
résolution estime indispensable «un changement de ton et de
style» tant dans la communication que dans le comportement
visant à «restaurer un climat d’écoute à l’égard d’Ecolo et de
l’écologie politique.» Surtout, les signataires en appellent à
chasser la «violence verbale» qui sévirait dans certaines
réunions.162 Enfin, signalons que le débat autour de cette motion
visait aussi le personnel politique du secrétariat fédéral. Dans la
motion, les critiques sont implicites.163 Lors de l’Assemblée,
plusieurs intervenants ont explicité cette remise en cause
soulevant notamment la question du devenir des secrétaires
fédéraux en cas d’adoption de la motion.
Aucune motion n’a été confectionnée par les partisans d’un
approfondissement de l’ouverture d’Ecolo à de nouvelles questions.
En particulier, tout le terreau social. Seul le Montois, Jean-François
Hogne, avait rédigé un texte sur cette problématique. Il y
appréhendait le «manque d’ancrage populaire d’Ecolo» et
développait surtout son argumentation sur les dimensions
«communication» et «implantation sociétale» d’Ecolo.
Les discussions de l’Assemblée générale de La Louvière le 29
octobre 1995 s’en trouvèrent clairement déséquilibrées. Le débat
tourna très vite entre partisans et opposants de la remise en cause
de la ligne politique. De la ligne politique et du secrétariat fédéral,
ce qui a polarisé la discussion. Une ligne de partage s’est ainsi
installée. Dans cette division, la motion de Jean-François Hogne a
fait office de contre-feu à la résolution de Paul Lannoye et
consorts. Elle a traversé tout le débat, au corps défendant de
certaines intervenants. Les votes intervenus n’ont pas départagé
les deux camps. Après un premier vote chahuté sur les différentes
motions, la motion de Jean-François Hogne recueillit, celles de
Paul Lannoye et consorts, une troisième motion et il y eut
162
Si l’Assemblée de La Louvière a effectivement montré, à certains
moments, quelques dérives à ce sujet il convient de remarquer
qu’elles émanaient avant tout des tenants de cette motion.
163
Elle en appelle notamment à «restaurer (il n’y en avait donc plus,
PD et JMDW) la qualité du débat interne au sein du conseil de
fédération et du secrétariat fédéral élargi par l’adoption de règles
de fonctionnement garantissant l’information préalable des
participants (ce n’était donc pas fait, PD et JMDW) et limitant
strictement le recours aux procédures d’urgence. L’autonomie du
Bureau du conseil de fédération à l’égard du secrétariat fédéral doit
être totale et garantie (elle ne l’était donc pas, PD et JMDW).»
98
abstentions. Le deuxième vote devait départager les deux
principales résolutions. Chacune obtint 188 voix.
D'aucuns ont évoqué, à propos de ce débat, une réminiscence
opposant d'un côté les tenants du «fondamentalisme» et, de
l'autre, les partisans du «réalisme.» Cette lecture ne nous paraît
pas pertinente. On ne trouve pas dans les signataires et les propos
de la motion Lannoye, Dardenne et consorts d’opposants au
principe de la participation au pouvoir.164 Il n'y a pas plus d'adeptes
de la participation au pouvoir à tous crins parmi les adhérents qui
se sont rangés sous la motion de Jean-François Hogne.
Les perspectives et les stratégies des deux groupes divergent.
Pour Paul Lannoye, Martine Dardenne, Philippe Defeyt et les
cosignataires de leur résolution, la voie prise par le parti depuis le
début des années nonante s’écarte trop du fondement premier de
l’écologie politique. Il s’agit donc d’une position plus
environnementale sans que l’on puisse la présenter comme une
propension purement environnementaliste. C’est dans ce contexte
que doit être comprise la prééminence donnée au projet de l’écodéveloppement dont les contours ne sont d’ailleurs pas d’une
limpidité exemplaire. D’un point de vue stratégique, l’ouverture
récente du parti à la fois à de nouvelles catégories d’adhérents, à
un dialogue plus marqué avec les organisations syndicales doit être
sinon arrêtée à tout le moins limitée. L'attaque anti-syndicale de
Paul Lannoye constitue aussi une critique envers l'ouverture d'Ecolo
au monde syndical depuis deux ans : «Moi, je suis convaincu que les
grands appareils ne sont pas des interlocuteurs valables pour Ecolo.
Les syndicats, ce sont des compagnies d'assurances. Nous n'avons
rien à retirer de contacts privilégiés et réguliers avec eux. Nous
allons simplement leur servir d'aiguillon. La FGTB, par exemple, va
aller trouver le PS à propos de dossiers concrets et lui dire :
«Attention, Ecolo a des idées intéressantes là-dessus ! «En
athlétisme, le type qui court les premiers kilomètres avant de
passer la main au suivant, tout frais, qui gagnera la course, on
l'appelle le «lièvre.» Je ne veux pas jouer ce jeu-là.»165
C’est aussi de ce point de vue crispé à l’égard des ouvertures
pensées qu’il faut saisir le rejet fort exprimé dans les motivations
de leur résolution de la proposition des Etats généraux de
164
N'est-ce pas Paul Lannoye qui déclarait en novembre 1991 : «Si des
gens votent pour nous, c'est parce qu'ils veulent que nous arrivions
au pouvoir. Non ?»
Le Soir, 13 novembre 1991.
165
Le Vif-L'Express, 17-23 novembre 1995.
99
l’écologie politique présentée comme un projet «incompatible»
avec la teneur de la motion Lannoye, Dardenne et consorts.
L’horizon des Etats généraux est exhibé comme le cheval de Troie
d’une énigmatique «petite gauche» : «L’ouverture vers tous ceux
qui
tendanciellement
s’inscrivent
dans
une
logique
d’écodéveloppement est essentielle mais l’entrisme est nocif. Car
c’est bien de cela qu’il s’agit. Qui viendrait à des états généraux ?
Plus que certainement cette petite gauche habituée à pondre ses
œufs dans les nids les plus ouverts, en l’occurrence les structures
d’Ecolo.»
Mais la disposition négative envers les Etats généraux tenait
d’une autre appréhension : la montée d’une nouvelle génération de
membres dans le parti et leur volonté d’y prendre des
responsabilités. Le conflit de personnes, à peine voilé, qu’a révélé
cette crise interne marque aussi un conflit de générations. La
percée d’une jeune relève n’est pas appréciée par tout le monde.
Un des problèmes nous semble être le manque de référence
historique d'Ecolo. Le manque de pensée et d’action interpelle
constamment son identité. Il y a peu, Henri Goldman et Alain
Adriaens, deux responsables de la régionale bruxelloise d'Ecolo (à
l'aile «gauche» du parti) inscrivaient Ecolo «dans la longue histoire
de l'émancipation humaine et des luttes contre l'oppression»
autorisant les écologistes, selon eux, à se revendiquer à bon droit
de l'histoire de la révolution française, des conquêtes sociales, du
droit de grève et du suffrage universel.166 Cette position est peutêtre largement partagée mais Ecolo ne porte pas cette histoire. Il
n’y fait pas référence. La révolution française n’est pas célébrée
ou fêtée. Ecolo ne s’y réfère pas. Et ce manque pose problème
dans la définition contemporaine des buts, des fonctions et des
perspectives d’Ecolo et plus globalement des partis verts en
Europe.
L’assemblée de La Louvière a été un moment de polarisation
intense dans le parti. Outre les divergences, cette phase
d’exacerbation a été le fruit d’une dynamique d’assemblée qui
incarnait l’expression aussi d’un ressentiment envers trois défaites
électorales. Passée cette circonstance, les tenants des deux thèses
se sont vus pour imaginer une motion de synthèse. Le document de
synthèse publié par le secrétariat fédéral le 11 décembre 1995 y
fait explicitement référence : «Nombreux ont été les participants
de l’assemblée générale de La Louvière à exprimer que les deux
textes en présence ne devaient pas être incompatibles, ce qui s’est
166
H. GOLDMAN et A. ADRIAENS, op. cit., pp. 24-25.
100
traduit par une quasi-unanimité en fin d’assemblée pour soutenir la
tentative d’une synthèse.»167 Pendant deux mois, les principaux
responsables s’y sont attelés et y sont parvenus sur l’essentiel.
L’assemblée de Louvain-La-Neuve a témoigné de la
«réconciliation par consentement mutuel» selon les termes
indiqués à l’écran à l’issue du vote sur la résolution générale. Une
résolution de synthèse a en effet été adoptée par 303 voix contre 1
et 11 abstentions.
La clarification a-t-elle eu lieu ? Contrairement à l’optique qui
a prévalu à Neufchâteau-Virton, le texte voté éclaircit peu. Pour
Henri Simons, «La motion de Louvain-la-Neuve est une motion qui
fait plus de mal que de bien.»168 Seuls, les quelques votes qui
devaient départager des positions qui n’avaient pas trouvé de
compromis ont montré l’assise de la ligne politique appliquée par
le secrétariat fédéral et l’ont conforté. Mais à partir de ce texte,
plusieurs interprétations sont possibles. Et donc plusieurs pratiques
aussi. Paul Lannoye ne s’y est pas trompé en évoquant une semaine
plus tard les risques persistants d’une dérive présidentialiste.
Néanmoins, les responsables des deux sensibilités se sont
rapprochés. Il y a eu peu de déchirures personnelles. Et le
mouvement est sorti rasséréné de ce débat. En témoigne le vote
large (204 voix contre 36 et 17 abstentions) pour les Etats généraux
de l’écologie politique qui avaient pourtant suscité des réactions
très négatives parmi les signataires de la première motion de La
Louvière.
Ecolo et le positionnement politique
Dès sa création, le trait d'identité que les dirigeants
écologistes ont voulu conférer à Ecolo est de n'être «ni à gauche, ni
à droite.» Cette intention a perduré. Néanmoins, dès le début, ce
(non)positionnement a suscité nombre d'interrogations, de
discussions et de conflits internes. C'est qu'en effet, Ecolo a très
tôt été placé à la gauche du spectre politique. Commentant sa
conférence de presse de présentation, le journal Le Soir s'y
employait d'emblée : «Il faut en effet y voir la volonté de ce qui
n'était jusqu'il y a peu qu'un mouvement disparate de devenir un
parti bien structuré prétendre occuper dans la gauche du monde
politique de Wallonie et de Bruxelles, une place significative digne
167
I. DURANT, D. JOSSE, J. MORAEL, Cap 2 000 quels clivages, quelle
synthèse ?, 11 décembre 1995, p. 4.
168
Entretien avec les auteurs.
101
d'un rameau plein de sève.»169 Le placement à la gauche de
l'échiquier politique se fit d'autant plus facilement au départ que
l'interview de plusieurs responsables laissent planer le doute sur
l'indéterminé «ni gauche, ni droite.» Paul Lannoye parle ainsi d'une
proximité avec les socialistes. Et la réponse délivrée aux lecteurs
de La Libre Belgique s'inscrit dans cette perspective : «Si la droite,
comme le définit le dictionnaire est bien l'incarnation des forces
conservatrices, le mouvement Ecolo ne peut en être. Il l'a d'ailleurs
toujours affirmé. Si la gauche est vraiment l'incarnation des forces
progressistes, nous en sommes (nous soulignons, P.D. et J.-M. D.)
même si certains partis utilisent abusivement une étiquette qui ne
correspond pas à la réalité de leurs pratiques.»170
Les discussions sur le positionnement gauche-droite ont
toujours existé — à tout le moins à l'état latent171 — dans et autour
d'Ecolo. Il remonte à la surface occasionnellement dans la cadre
des discussions sur l'identité du mouvement et dans les problèmes
posé par la question des alliances éventuelles.172. Nous avons pu
l'observer dans le cadre des débats du groupe Somville-Jonckheer.
La question s'est également posée lors de l'assemblée générale de
Huy-Burdinne en janvier 1994 au cours de laquelle Ecolo a tenté de
se doter de références historiques. Le débat s'est poursuivi dans le
contexte des résultats mitigés obtenus lors des élections
européennes, communales (1994) et législatives (1995). Il a
récemment été prolongé par les contributions d'Henri Goldman et
de Jacky Morael dans la revue Les cahiers marxistes.
169
Le Soir, 24 avril 1980.
170
La Libre Belgique, 26 octobre 1981.
171
Il fallait une bonne dose d'optimisme à José Daras pour considérer,
en 1994, que les écologistes belges ressentaient le débat gauchedroite comme «académique et stérile.»
J. DARAS, «Le grand chantier», in J. DARAS, J. GEYSELS, H. SIMONS,
M. VOGELS, op. cit., p. 80.
172
Dans sa contribution aux cahiers marxistes, Henri Goldman relate la
tentative, et son échec, de doter, lors d'une assemblée générale à
Huy en janvier 1994, les statuts d'Ecolo d'un préambule où seraient
précisés sa généalogie. Des points de référence comme les sociétés
pré-industrielles ou encore l'explosion de la bombe atomique à
Hiroshima comme «catastrophe fondatrice» n'ont pu être retenus.
H. GOLDMAN, «Nous, écologistes et progressistes. Pour un
positionnement stratégique plus clair de l'écologie politique»,
Cahiers marxistes, mai 1995, n° 198, p. 8.
102
Ancien secrétaire régional bruxellois, Henri Goldman incarne
l'aile favorable à un positionnement à gauche. Partant de la
constatation, que «dans quasiment tous les cas, les alliances
(électorales ou de gouvernement) passées en Europe par les verts
le sont au sein de coalitions progressistes»173, que l'identité d'Ecolo
couvre à la fois la dénonciation du productivisme de «gauche» et
de «droite» mais aussi des valeurs et des combats anti-capitalistes
dont la gauche a été porteuse, Goldman en conclut que «sauf
circonstances exceptionnelles, la place d'Ecolo est au sein (voire au
cœur) d'un pôle progressiste à construire et nulle part ailleurs.»174
La réponse du porte-parole d'Ecolo, Jacky Morael, dans le
même numéro des cahiers marxistes retourne le problème de la
définition d'identité. Ce ne serait pas tant à Ecolo à se déterminer
par rapport à des valeurs de gauche — égalitarisme, changement,
interventionnisme d'Etat, internationalisme, pacifisme — ou par
rapport à des valeurs de droite — intérêts particuliers, élitisme,
conservatisme, laisser-faire, nationalisme, militarisme —, qu' à la
gauche contemporaine de ses référer à ses valeurs supposées. Pour
Morael, il ne faut pas de doute «qu'à s'en tenir à s'en tenir à cette
liste, les attitudes politiques (pas l'identité, P. D., J.-M. D.)
rejoignent sans ambiguïté les positions adoptées jadis, par la
gauche classique-historique.»175 Mais qu'en est-il de la gauche
contemporaine ? Evolution, adaptation ou dérive, s'interroge
angéliquement Morael.176
Passant outre à la filiation d'Ecolo ou du PS par rapport aux
valeurs de gauche ou de droite «historiques», le secrétaire fédéral
met en évidence ce qui lui semble neuf et hors de la problématique
gauche-droite.
— Une relation à la science et au progrès, qui mettrait en doute
«l'illusion d'un progrès continu, linéaire, ininterrompu.»177
173
Tout en soulignant qu'à Ecolo, «personne ne doute que ces alliances
soient naturelles et légitimes.»
Ibid., p. 10.
174
Ibid., pp. 20-21.
175
J. MORAEL, «Je t'aime, moi non plus... Pour un positionnement plus
clair des gauches face à leur société», Cahiers marxistes, mai 1995,
n° 198, p. 25.
176
Sa réponse l'est moins. Pour la gauche contemporaine, «les constats
en cette matière sont cruels.»
177
Ibid., p. 27.
103
— Une dénonciation du «mythe» de la croissance économique, qui
serait porteuse de toutes les vertus, notamment en ce qui concerne
l'emploi et le bien-être.
— Un rapport nouveau et équilibré à la nature. Celui-ci supposerait
une appréhension qui ne la considérerait pas comme inépuisable.
— Un rapport à la démocratie dans lequel au volet «représentation»
s’adjoindrait un nouveau volet, la dimension «participation.»
Considérant tout à la fois les relations aux valeurs historiques
de gauche et ce qui est présenté comme neuf dans l'émergence de
l'écologie politique, la position originelle d'Ecolo, «ni gauche, ni
droite», est confirmée comme trait d'identité original du
mouvement, comme une attitude au-delà des clivages
historiques.178 Non comme un «positionnement centriste» mais
comme
la
perception
écologiste
d'une
vie
politique
«multidimensionnelle.»
178
Même si Morael souligne par ailleurs que «la vocation écologiste à la
transformation sociale et l'attachement à certaines valeurs centrées
sur l'humain placent les verts dans une proximité incontestable avec
l'histoire de la gauche.»
Ibid., p. 34.
104
105
Chapitre 3
L’autre «Europe verte»
106
107
La croissance d’Ecolo et d’Agalev en Belgique se sont
accomplis parallèlement à celui d’autres formations écologistes en
Europe (voir infra). Comment expliquer ce développement
parallèle ?
Post-matérialisme et nouveaux partis
R. Inglehart fut l'un des premiers à tenter de théoriser
l'émerger des «nouveaux mouvements sociaux» et de nouvelles
valeurs au cours de la décennie septante dans son célèbre ouvrage
The Silent Revolution.1 Il y proposa, en particulier, une révision
profonde de la théorie classique des clivages de proposée par
Seymour M. Lispet et Stein Rokkan dans leur fameuse contribution
Cleavage Structures, Party Systems and Voter Alignments.2
Inglehart y suggère la percée de valeurs «post-matérialistes»
en confrontation aux valeurs «matérialistes.» Au début des années
nonante, il redéfinissait d’ailleurs cette hypothèse : «Notre intérêt
central ici est l'impact des valeurs matérialistes et postmatérialistes sur les priorités : la tendance à donner la priorité à
l'économie et à la sécurité physique (valeurs matérialistes) et la
tendance à donner la priorité au développement personnel et à la
qualité de la vie (valeurs post-matérialistes). L'hypothèse d'un
changement dans les générations des valeurs matérialistes vers les
valeurs post-matérialistes est basée sur deux concepts clés. Le
premier est que les gens accordent plus de valeur aux choses qui
sont relativement rares mais le deuxième est que, dans une large
mesure, le canevas de valeurs d'une personne reflète les conditions
de sa socialisation et de son éducation avant l'âge adulte.»3
1
R. INGLEHART, The silent revolution : changing values and political
styles among Western publics, Princeton University Press, 1977,
482 p.
2
S. M. LIPSET, S. ROKKAN, «Cleavages Structures, Party systems and
voter alignments», in S. M. LIPSET, S. ROKKAN (eds), Party systems
and voter alignments : corss-national perspectives, Free Press,
1967, 554 p.
3
R. INGLEHART, The silent revolution op. cit., p. 47.
108
Pour sa part, Herbert Kitschelt identifie l'émergence de trois
types de nouveaux partis dans la période contemporaine4 :
— les partis ethno-linguistiques ;
— les partis de la «nouvelle droite» ;
— les partis de la «nouvelle gauche», dans lesquels il classe les
formations écologistes. En effet, sous cette étiquette, il rassemble
«une série de partis de la nouvelle gauche ou partis socialistes de
gauche qui ont fait leur apparition en Scandinavie, en France, en
Suisse, en Italie et aux Pays-Bas dans les années 1960, mais aussi un
groupe de partis plus récents qui ont adopté le label «vert» ou
«écologiste» et que l'on peut trouver dans à peu près toutes les
démocraties européennes.»5
Quelles sont leurs caractéristiques et conditions de leur
succès selon Kitschelt ?
— Une propension à un «libertarisme de gauche», supposant une
modification anti-autoritaire des conceptions socialistes d'une
société égalitaire ;
— s'épanouir dans un pays riche, car ce serait les seuls pays où ils
peuvent être forts ! Néanmoins, il ne s'agit pas d'une condition
suffisante. Les partis écologistes et de la nouvelle gauche ont
historiquement pu prendre leur envol dans les pays «riches» où les
syndicats et les partis sociaux-démocrates «n'ont pas été sensibles
aux idées de la gauche libertaire.»6 A partir de cette appréciation,
Kitschelt formule l'hypothèse que les pays dans lesquels les partis
de gauche participent régulièrement au pouvoir seront rétifs à
l'émergence des revendications de la «nouvelle gauche» et que s'y
développement donc ces nouveaux partis. Hypothèse aussi
développée par Ferdinand Müller Rommel : les partis socialistes
n'auraient pu prendre — suffisamment — en considération les
«nouvelles demandes» dans la mesure où, dans le courant des
années septante, beaucoup sont au pouvoir notamment dans les
pays du nord de l'Europe.7 Confronté à des difficultés économiques
montantes et à des pressions importantes des organisations
4
H. KITSCHELT, «La gauche libertaire et les écologistes français»,
Revue française de science politique, 1990, vol. 40, n° 3, p. 339.
5
Ibid., p. 339.
6
Ibid., p. 344.
7
Sur la ligne de démarcation nord-sud dans le monde socialiste
européen, les tendances électorales et les participations au
pouvoir, nous renvoyons le lecteur à P. DELWIT, Les partis
socialistes et l'intégration européenne (France, Grande-Bretagne,
Belgique), Editions de l'Université de Bruxelles, 1995, 304 p.
109
syndicales8, la famille sociale-démocrate européenne aurait été
incapable de satisfaire ces nouvelles revendications.9
Kitschelt minimise cependant l'importance de la dimension
institutionnelle, notamment les modes de scrutin.10 Or, il s’agit
d’une donnée fondamentale non pas à l’émergence des partis
écologistes mais à leur stabilisation ou à leur consolidation dans le
paysage politique de leur pays. Les Grünen (voir infra), Ecolo et
Agalev l’attestent dans le cadre du système proportionnel. Dans
l’optique inversée, le parti écologiste britannique et les verts
français (voir infra), aussi dans le cadre d’un scrutin majoritaire.
Thomas Poguntke, l'un des principaux analystes des partis
écologistes européens, rejoindra les «fondamentaux» des
hypothèses de Kitschelt. A partir d'une analyse des partis verts
européens sur base d'éléments centraux de la «New Politics» —
auto-détermination, démocratie directe, féminisme, nouvelle
forme d'individualisme, soutien aux pays du tiers-monde,
désarmement unilatéral,... —, il établira un tableau d'importance
de ces problématiques dans l'identité et la pratique des partis
écologistes européens. Tableau dont il déduit des conclusions
similaires à Kitschelt. Seuls le VGÖ autrichien et le GPS suisse ne
répondraient aux classifications de la «New Politics.»11
L’évolution des valeurs post-matérielles a été associée à un
phénomène générationnel. Les promoteurs et porteurs de ses
valeurs seraient les enfants de mai 1968. Nonna Mayer et Pascal
Perrineau y font explicitement référence en 1992 : Le
postmatérialisme est clairement un phénomène générationnel,
appelé à se développer dans les années à venir. (...) Les postmatérialistes sont à la fois plus politisés, plus à gauche
8
Voir par exemple F. SCHARPF, La social-démocratie européenne
face à la crise, Economica, 1990, 331 p.
9
F. MÜLLER-ROMMEL, «Green Parties and Alternative Lists under
Cross National Perspective», in F. MÜLLER-ROMMEL (edited by),
New Politics in Western Europe. The rise and success of Green and
Alternative Lists, Westview Press, 1989, 230 p., pp. 6-7.
10
Il le souligne expressément : «J'ai négligé ici le rôle des lois
électorales comme déterminants de la formation des partis.»
Ibid., p. 346.
11
T. POGUNTKE, «The «new politics dimension» in European Green
Parties », in F. MÜLLER-ROMMEL (edited by), op. cit., pp. 186-187.
110
Résultats des partis verts en Europe
(en pourcentages et en sièges)
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
Allemagne
Die Grünen
1,5
5,6
8,3
5,1
0
27
42
6
Autriche
VGÖ
1,9
ALÖ
1,9
0
0
Die Grune Alternative
4,8
4,8
8
10
Finlande
Vihrevät
1,3
4
6,8
2
4
10
France
Verts
1,1
1,2
0,4
0
0
0
Génération Ecologie
Irlande
Green Party
0,2
0,4
1,5
0
1
Italie
Verdi
2,5
13
Luxembourg
Alternative verte
4,2
3,7
0
2
Les écologistes pour le Nord
1,1
Gauche verte
3,7
4
2
Pays-Bas
Groen Links
4
6
Suède
Miljöpartit de Gröna
1,7
1,5
5,5
3,4
0
0
21
0
Suisse
Verts
Alternative verte
1,8
5
4
9
0,4
2,7
1
1992
111
(autoplacement sur un axe gauche-droite), moins dépendants des
partis traditionnels et plus enclins à des formes non
conventionnelles d'action politique telles que le boycott, la grève,
la manifestation, etc. L'adhésion à ces valeurs est, dans les douze
pays de la Communauté européenne, le facteur de loin le plus
prédictif de la participation (réelle ou potentielle) aux
mouvements écologistes, antinucléaires et pacifistes.»12 Les valeurs
post-matérielles étant appelées à se développer et étant associées
politiquement aux partis écologistes, des hypothèses d’un
développement régulier de ces partis ont circulé à la fin des années
quatre-vingt. Hypothèse alors d’autant plus plausible que les partis
écologistes ont enregistré une série de victoires électorales
marquantes à la charnière des deux décennies.
Cette approche est aujourd’hui «revisitée.» La stagnation des
résultats électoraux des partis verts, l’ampleur de la crise
économique, les succès de formations d’extrême droite
contredisent son caractère optimiste et prédictif. Les partis
écologistes sont en réflexion sur le devenir ; leurs observateurs
aussi.
Grünen et verts : des évolutions divergentes
Si Ecolo et Agalev ont été les deux premières formations
écologistes à recueillir des élus à l’occasion d’un scrutin législatif,
leur naissance et leur progression se sont faites dans un contexte
d’émergence parallèle d’autres partis écologistes. L’établissement
et l’installation de partis verts dans les différents paysages
politiques d’Europe recouvrent des réalités très dissemblables. Les
exemples des Grünen allemands et des verts français en
témoignent.
L’émergence de la nébuleuse écologiste en Allemagne
embrasse des mouvements très divers : groupements féministes,
homosexuels, organisations d’extrême gauche, mouvement de
squatters, associations environnementales,... Plus que dans tout
autre pays, ce monde d’associations représente un véritable
mouvement social, une contre-culture dans le paysage politique
allemand. C’est dans la deuxième moitié des années septante que
s’opérera l’agrégation des différents mouvements sociaux dans un
combat commun qui prendra petit à petit, aussi, la forme de
participations aux élections. Les Grünen émergeront de cette
structuration. En janvier 1978, la fête du «mouvement de toutes
12
N. MAYER et P. PERRINEAU, Les comportements politiques, Armand
Colin, 1992, 157 p., p. 129.
112
les couleurs» à Berlin rassemble plusieurs des mouvements
disparates qui seront à leur origine : l'APÖ (opposition
extraparlementaire), le Weiberrat (conseil des femmes
célibataires), les Uhngemeinschaften (communautés d'habitation)
urbaines et rurales, les Kïnderladen (boutiques d'enfants), les
groupes homosexuels, des groupes de squatters, le collectif des
patients de psychiatrie d'Heidelberg, des groupes de travailleurs
sociaux dans les prisons, les tenants du droit à l'avortement et les
mouvements féministes, les Bürgerinitiativen (initiatives de
citoyens), les opposants au nucléaire (à Whyl, à Brockdorf, à Kalkar
et à Gorleben 1979),...13. Beaucoup plus que dans d'autres pays, les
verts allemands ont été perçus comme porte-parole semi-officiel
des nouveaux mouvements sociaux.14
En ce ils répondent certainement le mieux aux deux critères
suggérés par John Galtung pour caractériser les mouvements
écologistes :
— les mouvements écologistes seraient des organisations
«parapluies» d'agrégation d'une multitude de petites associations
centrées sur des problèmes différents ;
— les mouvements écologistes différeraient des autres mouvements
sociaux par leur approche holistique, niant la perspective de
résoudre problème après problème mais avançant au contraire
l'idée d'une approche globale.15
C'est en 1980, que ces «nouveaux mouvements sociaux» et ces
associations de protection de l'environnement se rassemblent en
une formation politique, les Grünen. Leur première percée se
réalise à l’occasion d’élections régionales, dans les Landër. A
l’échelle nationale, les Grünen font une entrée remarquée au
Bundestag en réussissant à franchir le seuil des 5% nécessaires pour
obtenir des élus lors des élections législatives de 1983, au cours
desquelles ils récoltent vingt-huit députés.
13
K. SCLÜPMANN, « KITSCHELT, «La gauche libertaire et les
écologistes français», « KITSCHELT, «La gauche libertaire et les
écologistes français», «Verdure et nature : l'opposition «verte» en
Allemagne fédérale», L'Homme et la société, n° 91-92, 1989,
p. 112.
14
F. L. WILSON, op. cit., p. 80.
15
J. GALTUNG, «The Green Movement : A socio-historical
exploration», International Sociology, March 1986, Vol 1, n° 1,
p. 76.
113
Ce succès est confirmé à l’occasion de l'élection européenne
de juin 1984. Les verts allemands obtiennent sept élus. Mais
l’importance des Grünen dans le paysage politique allemand
prendra une dimension supplémentaire deux ans plus tard. Pour la
première fois, ils sont parties prenantes à la gestion d’un land :
celui de Hesse, en alliance avec le parti social-démocrate allemand
(SPD). La participation au pouvoir, dans son principe et
pratiquement, a été l’objet de longues discussions qui opposèrent
les «fondamentalistes» et les «réalistes.» Aujourd’hui, la
participation à la gestion de länder et de municipalités est devenue
régulière et la perspective d’une participation au niveau national
est crédible.
Participation des Grünen à des gouvernements régionaux16
Land
Hesse
Hesse
Berlin
Brandebourg
Basse-Saxe
Brême
Saxe-Anhalt
Années
Ministres
1985-1987
1
1991-...
2
1989-1990
3
1990-1994
1
1990-1994
2
1991-1995
2
1994-...
1
Partenaires
SPD
SPD
SPD
SPD-FDP
SPD
SPD-FDP
SPD
Dans leur histoire, les Grünen ont cependant connu une
déroute politique électorale lors des «élections de la réunification»
en 1990. Hostiles au rythme imposé par le Chancelier Kohl, les
verts descendirent sous le seuil des 5 % nécessaires pour l’obtention
d’élus. Seul, leur partenaire des nouveaux Länder d’ex-RDA,
Bundis 90, eut des députés.
Les élections législatives de 1994 ont permis aux Grünen
d'effacer cette déconvenue.17 Au-delà de leur performance
électorale, la situation dans le contexte du système politique
allemand actuel — notamment l’hypothèque qui pèse sur le devenir
des libéraux, le FDP — conduit actuellement à des évolutions
inimaginables jusqu'alors : une forme de rapprochement avec la
CDU. Ce nouveau voisinage politique a, par exemple, débouché en
novembre 1994 sur l'élection d'un président du Bundestag vert,
16
D. BOY, V. J. LE SEIGNEUR, A. ROCHE, L'écologie au pouvoir,
Presses de sciences po, 1995, 278 p., p. 244.
17
Il y a même une forme de vase communicant puisque les résultats
des Grünen dans les cinq nouveaux Länder sont très médiocres. Saxe
4,8% ; Saxe-Anhalt 3,6% ; Brandebourg 2,9% ; Mecklenburg 3,6% ;
Thuringe 4,9%.
114
Antje Vollmer, élu avec les voix de la CDU.18 L’avenir semble donc
ouvert pour les Grünen.
En France, deux associations importantes de protection de
l'environnement et de la nature naissent à la fin des années
soixante : la fédération française des sociétés de protection de la
nature qui est depuis lors devenue France-Nature19 et l'association
des journalistes et écrivains pour la protection de la nature.20 Mais
c'est principalement dans les années septante que la mouvance
écologiste se développe. En 1972, Pierre Fournier fonde La gueule
ouverte21 qui deviendra le «journal phare des militants
écologistes.»22 Les premiers numéros se seraient vendus à plus de
septante mille exemplaires.23
L'écologie politique fait surtout une entrée médiatique
importante lors de la campagne présidentielle d'avril 1974 avec la
candidature de René Dumont. Celui-ci obtient 337 000 voix au
premier tour, soit 1,3%. Il appellera à voter pour François
Mitterrand au deuxième tour.
Cette percée politique et médiatique retombe vite. René
Dumont avait fait campagne avec la volonté «d'écologiser les partis
politiques (...) et de politiser les écologistes.»24 La nébuleuse
écologiste française refuse une structuration interne sérieuse et le
Mouvement écologique25, mis sur pied en 1974 dans le cadre de la
campagne de René Dumont, devient vite une coquille vide. En
1978, les candidats écologistes subissent un revers à l'élection
18
M. JESINGHAUSEN, «German Election to the German Bundestag on
16 October 1994 : Green Pragmatists in Conservative Embrace or a
new era for German Parliamentary Democracy ?», Environmental
Politics, vol. 4, Spring 1995, pp. 112-113.
19
Rassemblant huit cent mille adhérents dans cent septante
associations fédérées.
20
J. CHARLIER, «Naissance et avatars de l'écologie politique»,
Aménagement et nature, n° 116, 1995, p. 86.
21
Dont le sous-titre était : le journal qui annonce la fin du monde.
22
D. SIMONNET, op. cit., p. 96.
23
J.-L. BENNHAMIAS et A. ROCHE, op. cit., p. 27.
24
C. JOURNES, «Les idées politiques du mouvement écologique»,
Revue française de science politique, 1979, voL. 9, n° 2, pp. 242243.
25
G. SAINTENY, Les Verts, Presses universitaires de France, 1992,
126 p., p. 15.
115
législative. Echec démontrait, selon Zsussa Hegedus et Alain
Touraine, «l'incapacité du courant anti-nucléaire à s'organiser en
force politique.»26 «L’incapacité du courant anti-nucléaire à
s'organiser en force politique.»27 Il faut dire que les tenants de
l’écologie politique s’affrontaient fermes. En 1977, les différents
groupes des Amis de la terre s’étaient fédérés et avaient créé le
réseau des amis de la terre (RAT, octobre 1977), structure
concurrente du mouvement écologique.28 Le RAT ne sera pas partie
prenante à la liste des écologistes aux élections européennes de
1979 au nom de l’ambition de «préserver la spécificité
d'intervention de l'écologie politique dans la société civile et au
niveau des mouvements sociaux.»29
Le Mouvement écologique présente une liste lors des élections
européennes de juin 1979. Dirigée par Solange Fernex, la liste
Europe-écologie récolte 4,4%. Sans être négligeable, ce sore ne
permet pas aux écologistes français d'obtenir d'élus30 et ne pas
avoir accès au financement public31, ce qui oblitérera les capacités
de propagande du mouvement pendant plusieurs années, contraint
de rembourser les dettes contractées. Pourtant dans la foulée de la
campagne électorale, une nouvelle tentative de structuration
s'esquissa. Les responsables d'Europe-écologie organisent des
assises de l'écologie les 24 et 25 novembre 1979. Ils mettent sous
les fonds baptismaux le Mouvement d'écologie politique (MEP) dont
la création sera condamnée par les Amis de la terre, hostiles à la
mise sur pied d'un parti32, ce qui amenuiser la teneur de
l’initiative.
Il faut attendre l'élection présidentielle de 1981 pour que soit
à nouveau posée la question de la structuration d'un parti
écologiste français. Le 26 avril 1981, Brice Lalonde, qui provient du
réseau des Amis de la terre récolte 3,9% des suffrages. Dans la
26
Z. HEGEDUS, A. TOURAINE, «La lutte anti-nucléaire», in
A. TOURAINE, Z. HEGEDUS, F. DUBET, M. WIEVIORKA, op. cit.,
p. 50.
27
Ibid., p. 50.
28
J.-L. BENNHAMIAS et A. ROCHE, op. cit., p. 44.
29
C. JOURNES, op. cit., p. 244.
30
Lors des élections européennes en France, un seuil de 5% est
nécessaire à atteindre pour obtenir des élus.
31
J.-L. BENNHAMIAS et A. ROCHE, op. cit., p. 57.
32
G. SAINTENY, Les Verts, Presses universitaires de France, 1992,
126 p., p. 18.
116
foulée le MEP appelle à la création d'une formation politique. De
fait, en novembre 1982, le MEP se transforme en parti politique :
Les verts-parti écologiste qui deviennent un an plus tard Les verts
avant d’agréger, enfin tous les écologistes en janvier 1994 et
devenir Les Verts, confédération écologiste-parti écologiste (Les
verts-CP). Mais électoralement le poids écologiste apparaît
toujours aussi faible. 33
L'établissement d'une formation écologiste ne réglera pas les
multiples débats internes au monde de l’écologie politique en
France. Les Verts-CP ne parviendront jamais à s'accorder sur une
stratégie politique ; en particulier, sur la politique des alliances.
Or, celle-ci est capitale en France dans le cadre du scrutin
uninominal à deux tours. Lors des élections législatives de 1986, les
verts obtiennent un résultat lamentable dans le cadre du seul
scrutin proportionnel à un tour sous la cinquième république.
L'accession à la tête du parti d'Antoine Waechter à l'issue de
l'assemblée générale de novembre 1986 marque une défaite pour
les promoteurs d'une alliance — au moins électorale — avec les
partis de gauche.34 Avec Antoine Waechter, les Verts se recentrent
sur l'environnementalisme et refusent toute alliance.35 C'est sur
cette ligne qu'Antoine Waechter se présente à l'élection
présidentielle de 1988 et récolte 3,8%. Ce résultat est à peu près
identique à celui de Brice Lalonde sept ans plus tôt mais il apparaît
néanmoins comme une bonne surprise pour les Verts. Ceux-ci
connaîtront une période euphorique entre 1989 et 1992.
En effet, lors des élections européennes de juin 1989, ils
obtiennent 10,6% et neuf élus. La même année, aux élections
municipales, 1 400 conseillers municipaux avec une étiquette
écologiste sont élus (six cents sont membres des verts). De 1988 à
1989, les verts passent de 1 700 à 4 400 adhérents.36 Ce succès
33
Lors des élections municipales de 1983, seuls sept cent cinquantesept conseillers écologistes sont élus alors que le nombre de
communes en France est extrêmement important.
B. PRENDIVILLE, «France : les verts», in F. MÜLLER-ROMMEL (edited
by), op. cit., p. 90.
34
La direction sortante (Yves Cochet, Didier Anger, Jean Brière, Guy
Marimot) fut désavouée par 68% des mandats.
35
Le titre de sa motion co-signée avec Andrée Buchmann est
révélateur : «L'écologie n'est pas à marier.»
J.-L. BENNHAMIAS et A. ROCHE, op. cit., pp. 77-78.
36
P. ALPHANDERY, P. BITOUN et Y. DUPONT, op. cit., pp. 92-93.
117
suscite des convoitises. Il entraîne notamment la mise sur pied d'un
parti concurrent Génération écologie piloté par Brice Lalonde,
ministre de l'Environnement du gouvernement Rocard.
Aussi lors des élections régionales de 1992, deux formations
écologistes se disputent une victoire annoncée. Le succès est
effectivement au rendez-vous des urnes mais très également
partagé entre Les Verts et Génération Ecologie. Il est complété par
l'accession à la présidence de la région Nord-Pas-de-Calais, de
Marie-Christine Blandin dans le cadre d'une alliance avec le PS et le
PCF.
Face à ce succès partagé, les directions des deux mouvements
tenteront d'établir une stratégie à l'horizon des élections
législatives de mars 1993. Après moult discussions, l'Entente des
écologistes est mise sur pied pour ces élections. Mais le message
des écologistes se brouille et le contexte n’est plus aussi favorable.
Les déclarations de Waechter sont aussitôt contredites par celles
de Brice Lalonde et inversement. Alors qu'un sondage leur avait
prédit jusqu'à 19% — devant le PS —37, Les Verts et Génération
Ecologie tombent de haut au soir du scrutin.
Cet échec provoqua une énième crise chez les verts lors de
l'assemblée générale de novembre 1993. Antoine Waechter fut mis
en minorité et ne récolta que 34,7 % des mandats pour 62,3% à la
motion portée par Dominique Voynet.38 La situation actuelle est
très confuse. Il y a peu, on ne comptait pas moins de quinze
formations écologistes39 dont les trois principales étaient le
mouvement écologiste indépendant (MEI) dirigé par Antoine
Waechter, Les Verts dont la porte-parole est Dominique Voynet et
Génération écologie, dirigé par Brice Lalonde. Le piètre résultat de
Dominique Voynet aux élections présidentielles de 1995 n’est pas
de nature à éclaircir le paysage de l’écologie politique en France.
La percée très différenciée des Grünen allemands et des
écologistes français a beaucoup d'explications.
37
B. PRENDIVILLE, «The «entente écologiste» and the French
Legislative Elections of March 1993», Environmental Politics,
Autumn 1993, n° 3, p. 481.
38
A. COLE, «La descente aux enfers ? The French Greens General
Assembly in Lille, 11-13 November 1993», Environmental Politics,
Summer 1994, n° 2, p. 322.
39
D. BOY, V. J. LE SEIGNEUR, A. ROCHE, op. cit., p. 16.
118
— Les Grünen opèrent dans et face à un Etat relativement faible,
dont les pouvoirs sont limités par celui des länder et de la chambre
où ils sont représentés, le Bundesrat. En revanche, l'Etat français
est fort. Dans le modèle républicain, beaucoup l'identifient à l'Etat
neutre au-dessus des conflits, porteur du progrès de la société.
Dans cette optique, en dépit de la longue bataille contre
l'implantation des centrales nucléaires, l'Etat a pu dans les années
septante choisir, sans créer de crise politique majeure, la voie du
nucléaire contre mode de production principal de l’électricité en
France.40
— La relation des Grünen et des verts à l'identité des partis
socialistes de leur pays est très différente. En France, à la fin des
années septante et au début des années quatre-vingts, les
écologistes se trouvent face à une formation au discours radical
(«Changer la vie»). Le PS a intégré une partie du discours et des
acteurs de mai 1968 et attire des franges importantes des classes
moyennes en expansion. Pour les écologistes, l'espace politique
apparaît relativement restreint. En Allemagne, la mouvance
écologiste des années septante fait face à une coalition socialedémocrate-libérale sous la houlette du Chancelier Helmut Schmidt,
classé à l'aile droite du parti. Ce qui ouvre l'espace beaucoup plus
qu'en France. Par ailleurs, comme le rappelle Guillaume Sainteny,
«la décision du chancelier social-démocrate, Helmut Schmidt,
d'autoriser le déploiement de nouveaux missiles intermédiaires
américains en RFA fournit une nouvelle question, un nouveau
clivage aisément mobilisable par les Grünen.»41 Le changement
d'alliance des libéraux en 1982, confirmé après l'élection législative
de 1983, ne modifiera pas radicalement cette situation.
— Il importe aussi de souligner les différences des systèmes
électoraux. En Allemagne, les électeurs possèdent deux voix. Une
voix pour la désignation de députés au scrutin uninominal à un
tour. Une voix pour choisir des députés au scrutin de liste
proportionnel. L’élection des députés du scrutin proportionnel est
réalisée sur base des résultats, bien sûr, et dans une optique de
«compensation» par rapport au scrutin uninominal à un tour.
Toutefois, pour obtenir des élus à la proportionnelle, il faut soit
avoir trois élus directs au scrutin uninominal, soit passer le seuil de
5% au scrutin proportionnel. Si l'un de ces obstacles est franchi, le
système électoral allemand est l'un des plus justes dans le degré de
proportionnalité (rapport du pourcentage obtenu en voix sur le
pourcentage obtenu en sièges). Ce type de scrutin est favorable
40
F. L. WILSON, op. cit., p. 81.
41
G. SAINTENY, L'écologisme en Allemagne et en France : deux modes
différents de construction d'un nouvel acteur politique, Institut de
Ciècies Politiques i Socials, Working Paper n° 78, 1993, 28 p., p. 6.
119
aux partis moyens. En France, par contre, il s'agit d'un mode de
scrutin uninominal à deux tours. Si un parti n'a pas remporté la
majorité absolue au premier tour dans la circonscription, un
deuxième tour est organisé où la majorité relative suffit. Dans ce
système, la politique d'alliance est déterminante. Il défavorise
clairement les petits partis et les partis moyens. Cependant,
certains d'entre eux peuvent en jouir à condition d'établir une
politique d'alliance — électorale — cohérente, ce que les verts se
sont toujours refusés à faire. Jens Albert souligne cet élément
comme une composante importante favorisant l'émergence sur la
scène politique des Grünen : «La question est bien sûr de savoir
pourquoi les verts sont si forts en Allemagne. Notre hypothèse dans
la foulée du travail de Stein Rokkan semble évidente sinon triviale :
Au plus bas est le seuil institutionnel de représentation, au plus
élevées sont les chances que se forment des partis écologistes.»42
— Autre différence, soulignée par John Galtung, les fortes réactions
suscitées en France envers les verts par les indéniables éléments de
puritanisme dans le mouvement écologiste. Composante faible en
Allemagne.43
Vers une «famille politique» européenne
La structuration européenne des partis écologistes s’avérera
très laborieuse. Dans les années septante, il y eut certaines
rencontres européennes d’organisations écologistes : Strasbourg,
juillet 1974 ; Bruxelles, octobre 1974 ;...
Dans la phase de préparation des élections européennes de
juin 1979, une structure est établie entre différents partis
écologistes : la coordination européenne des partis verts et
radicaux. Le fait qu’aucune formation écologiste n’ait obtenu
d’élus à ce scrutin ne permettra pas on développement. Par
ailleurs, les approches envers le contenu politique d’une famille
politique écologiste diffèrent sensiblement. Aux Grünen qui
souhaitent y associer des partis qui considèrent comme
alternatifs — radicaux italiens, Démocratie prolétarienne (Italie),
Groen progressief akkord (Pays-Bas)... — s’opposent les tenants
d’une famille politique centrée sur des partis écologistes. Dès lors,
la coordination est presque inexistante : «Entre 1980 et 1983, elle
se réunit au mieux deux par an et ne rassemble que des partis
écologistes et radicaux membres de la CEE. Les débats sont
42
J. ALBER, «Modernization, cleavage structure and the rise of green
parties and lists in Europe», in F. MÜLLER-ROMMEL(edited by), op.
cit., p. 208.
43
J. GALTUNG, op. cit., p. 87.
120
houleux, les radicaux italiens refusent d'adopter des textes
globalisants, les Allemands ne sont jamais mandatés. Les Français
sont divisés entre leurs représentants membres des amis de la terre
et du mouvement d'écologie politique (MEP)»44 rappellent Jean-Luc
Bennahmias et Agnès Roche.
Une nouvelle étape est franchie à Liège, en mars 1984, lors du
premier congrès des verts européens. La conférence de Liège
publie une déclaration commune dans la perspective des élections
européennes. Neuf formations sont présentes aux assises de Liège :
Ecolo, Agalev, les Grünen, les Verts, The Ecology Party (GrandeBretagne), The Green Alliance (Irlande), De Groenen (Pays-Bas), le
Miljöpartiet (Suède) et l’Austrian Alternative List.45 Mais ce n'est
qu'en novembre 1985, que les statuts de cette coordination des
Verts européens seront adoptés.46
A l'échelle du Parlement européen, les choses ne sont pas
moins difficiles tant les cultures politiques sont différentes. A
l'issue des élections de 1984, les élus écologistes, belges hollandais
et allemands étaient à même de former un groupe au Parlement
européen. Toutefois, les Grünen souhaitaient l'élargissement du
groupe parlementaire à des partis à la gauche des partis socialistes
ou aux partis radicaux. C'est dans ces conditions qu'est mis sur les
fonts baptismaux le groupe Arc-en-ciel.47 Mais le groupe Arc-en-ciel
est constitué de trois entités distinctes.
— Le GRAEL (Green-Alternative European Link) composé des sept
députés Grünen, des deux membres de Groen Links des Pays-Bas,
du député du parti d'extrême gauche italien Democrazia
proletaria, du député basque d’Euskadiko Eskerra et du député
d'Agalev.
— L'alliance libre européenne composée du député Ecolo, des deux
députés Volksunie et d'un député du parti sarde.48
44
J-L. BENNAHAMIAS et A. ROCHE, op. cit., p. 91
45
Ibid., p. 91.
46
S. BOWLER, D. M. FARRELLE, «The Greens at the European level»,
Environmental Politics, Spring 1992, vol 1, n° 1, p. 135.
47
E. G. FRANKLAND and D. SCHOONMAKER, Between Protest and
power. The Germand Green Party in Germany, Westview Press,
1992, 252 p., p. 206.
48
K. H. BUCK, «Europe : The «Greens» and the «Rainbow Group» in
the European Parliament», in F. MÜLLER-ROMMEL (edited by), op.
cit., p. 169.
121
— Enfin, le troisième sous-groupe était composé des élus danois de
liste anti-Communauté européenne.
En tant que tel, le groupe Arc-en-ciel n'aura qu'une faible
activité commune. La situation s’éclaircira à la suite de l'élection
européenne de 1989. La volonté d’élargir aux partis radicaux ou
d'extrême gauche s’érode. Y fait progressivement place
l'affirmation d’une identité européenne de la famille écologiste. Un
groupe des verts européens est formé. Il compte trente membres :
huit députés des Grünen, huit parlementaires des verts français,
deux élus Ecolo, un élu Agalev, les deux députés de Groen Links
(Pays Bas), le député du parti portugais Os Verdes, élu sur une liste
d’alliance avec le parti communiste, le député du parti de gauche
espagnol Izquierda de Los Pueblos, enfin, sept députés italiens
provenant de quatre formations politiques.
En juillet 1990, le groupe vert du Parlement européen
organise à Strasbourg une rencontre européenne de parlementaires
écologistes qui rassemble environ cent-vingt députés des pays
membres de la Communauté européenne mais également des
nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale.49
Après cinq congrès de la coordination des verts européens
(Liège, mars 1984 ; Douvres, mars 1985 ; Stockholm, août 1987 ;
Anvers, avril 1988 et Paris, 1989), l’établissement d’une structure
supranationale claire des partis écologistes a lieu à Helsinki, le 20
juin 1993. La fédération européenne des partis verts y voit le jour.
Vingt-trois partis signent l’acte de naissance : Die Grüne
Alternative (Autriche), Agalev, Ecolo, De Gronne (Danemark), Los
Verdes (Espagne), Verts estoniens, Vihreä Liitto (Finlande), Les
verts (France),Comhaontas Glas (Irlande), De Groenen (Pays-Bas),
Federazione dei Liste Verdi (Italie), Déi Gréng Alternative
(Luxembourg), Groen Links (Pays-Bas), Os Verdes (Portugal)
Alternattiva Demokratika (malte), Die grünen(Allemagne), The
Green Party (Grande-Bretagne), Miljöpartiet de Gröna (Suède), le
parti écologiste suisse, Georgian Greens, Miljöpartiet de Gronne
(Norvège), The Green Party of Bulgaria et Glei (Luxembourg).
La dimension «intégration» reste cependant limitée. Trois
devoirs et objectifs sont assignés à la fédération :
— «assurer une coopération étroite et permanente entre les partis
membres afin d’accomplir une politique commune décidée par le
congrès,
49
J.-L. BENNAHAMIAS et A. ROCHE, op. cit., p. 97.
122
— stimuler et organiser des activités à l’échelle européenne sous la
supervision du Conseil et du Comité,
— se consacrer à une approche ouverte, active, constructive et
critique du processus d’intégration européenne en cours jusqu’au
processus de coopération mondiale.»50
50
Statuts de la fédération européenne des partis verts, 1993, pp. 1-2.
123
Chapitre 4
L'évolution des structures
d'un mouvement-parti
124
125
«Le succès d'Ecolo, c'est aussi la recherche (jamais achevée,
rarement interrompue) d'un mouvement que le militant peut
constamment enrichir, amender, renouveler, dans ses thèmes
politiques comme dans ses modes d'action.» C'est en ces termes
que Gérard Lambert, Jean-Marie Pierlot et Jean-Luc Roland
présentaient, au lendemain de l'élection législative de novembre
1981, le fonctionnement et les ambitions organisationnelles d'une
formation politique en construction, encore peu connue de
l'opinion.1
Les changements statutaires
A l'instar de tous les autres partis écologistes européens, Ecolo
a dès ses origines voulu se distinguer des structures partisanes
classiques d'Europe occidentale ; en particulier de toutes les
formes de délégation de pouvoir à un petit noyau de responsables.
Dans le chef des écologistes, il y a toujours eu un rejet des
structures lourdes, un combat contre la bureaucratisation du parti,
une méfiance envers la professionnalisation d'une petite élite. A
l'inverse, les verts ont promu sans relâche le principe de la
démocratie directe. Dans cette optique, Ecolo a toujours désiré
confier le maximum de pouvoir aux échelons de base, en se
fondant, dans une optique fédéraliste, sur le principe de la
subsidiarité.
Remarquons cependant que plusieurs de ses ambitions en la
matière ont dû être revues. Ecolo a dû s'adapter à plusieurs
évolutions et à des éléments de fait qu'il avait parfois sous-estimé.
— Il a dû gérer sa croissance en termes d'augmentation du nombre
de ses adhérents, du total des suffrages qu'il recueille et de
l'accroissement de ses élus aux échelons communaux, régionaux,
1
G. LAMBERT, J.-M. PIERLOT et J.-L. ROLAND, «Les écolos voient
l'avenir autrement», La revue nouvelle, n° 5-6, mai-juin 1982,
p. 546.
126
communautaire, fédéral et européen. Un parti ne fonctionne pas
de façon identique avec trois cents ou avec trois mille membres ;
avec deux députés et quatre sénateurs ou avec sept députés, trois
sénateurs, sept conseillers régionaux wallons, sept conseillers
régionaux bruxellois et un député européen.
— Ecolo a aussi rapidement éprouvé la difficulté, sinon
l'impossibilité, de faire de la politique au jour le jour avec une
structure principalement basée sur le bénévolat.
— Les verts ont par ailleurs été confrontés à de multiples
sollicitations de l'environnement extérieur dès lors qu’ils obtinrent
leurs premiers élus.
— Enfin, Ecolo a aussi été confronté à de nombreux conflits de
compétence. Désaccords entre personnes et tiraillements entre
instances : groupes parlementaires, conseil de fédération,
secrétariat fédéral, régionales, locales, etc.
Il n’est pas étonnant dans ces conditions que les statuts
originaux aient été revus pas moins de dix-huit fois. Certes,
plusieurs modifications n'ont concerné que des points relativement
mineurs ou techniques. De même, plusieurs principes de base, tels
le fédéralisme intégral, le non-cumul des mandats ou la volonté
d’organiser une rotation des élus ont perduré dans le temps. Il
n'empêche, il y a incontestablement des changements substantiels
entre le fonctionnement contemporain d'Ecolo et celui qui
prévalait dans les dispositions statutaires de 1980.
Dans le temps, la structure de base est restée identique : il
s'agit de la locale dont le fondement est l'implantation et le travail
politique sur le lieu d'habitation. Pour être reconnue par une
fédération, une «locale» doit au moins comporter cinq membres et
il lui faut adopter un règlement d'ordre intérieur.
Le deuxième échelon organisationnel est la régionale. Ecolo
en compte quinze. Leur espace de compétence géographique
recoupe la division des arrondissements électoraux : Arlon-MarcheBastogne, Brabant wallon, Bruxelles, Charleroi, DinantPhilippeville, Eupen, Huy-Waremme, Liège, Mons, Namur,
Neufchâteau-Virton, Picardie, Soignies, Thuin, Verviers. Chaque
régionale élit un secrétariat régional.
Au niveau des instances fédérales, Ecolo a connu plusieurs
remaniements. La dernière révision statutaire importante date de
l'assemblée générale de Huy-Burdinne, en janvier 1994. Celle-ci
s'est réalisée dans le prolongement des conclusions du groupe de
travail animé par Pierre Jonckheer et Michel Somville. Depuis cette
127
date, l'organigramme des compétences d'Ecolo se présente de la
manière suivante.
1 - L'organe souverain du mouvement est l'Assemblée générale du
parti. Tous les membres du mouvement peuvent y prendre part.
L’assemblée générale a pour objet «d'approuver les comptes
fédéraux, de donner décharge au secrétariat fédéral de sa gestion,
de définir, après étude et discussion dans les groupes de base, les
options fondamentales et de les traduire en programme politique,
d'élaborer les objectifs et la stratégie du mouvement.»2
Il y a au moins une assemblée générale par an. Mais, une
assemblée extraordinaire peut être convoquée à la demande de
10% des adhérents, sur requête de trois régionales, ou sur la
sollicitation du conseil de fédération du mouvement.
2 - Le conseil de fédération représente l'organe politique d'Ecolo. Il
assure les choix politiques entre la tenue de deux assemblées
générales. Le conseil de fédération est composé de représentants
des régionales. Chaque groupe régional délègue deux mandataires
choisis en son sein. Au surplus, chacune des régionales a droit à un
délégué supplémentaire par tranche de de cent adhérents.
Outre les délégués régionaux, le conseil de fédération coopte
également un certain nombre de membres. Néanmoins, la
représentation des cooptés au sein du conseil de fédération ne
peut dépasser 25% du nombre de délégués, soit 20% de l'ensemble
du conseil. Notons que les parlementaires, qu'ils soient régionaux,
communautaires, fédéraux ou européens, ne peuvent siéger au
conseil de fédération avec voix délibérative. Enfin, signalons que le
secrétariat fédéral assiste aux réunions du conseil de fédération
avec voix consultative.
Le conseil de fédération élit en son sein un bureau. Il a pour
missions essentielles l'animation du conseil, la tenue de son
secrétariat, le développement de la circulation des informations
internes entre les régionales pour «tout débat utile au conseil.» Il
est aussi chargé, en collaboration avec le secrétariat fédéral, de
préparer les décisions du conseil et de vérifier leur suivi. Par
ailleurs, au moins un des membres du conseil de fédération
participe aux réunions du secrétariat fédéral avec voix
consultative.
2
Ecolo, Statuts du mouvement Ecolo, dernière révision : 23 avril
1994, 25 p., p. 5.
128
3 - Le secrétariat fédéral est l'organe qui a «une compétence
générale d'initiative en matière de politique externe et interne.»3
Il se réunit chaque semaine — dans la pratique, le vendredi soir.
Lors de cette réunion hebdomadaire, il aborde les questions
d'actualité politique importantes et les décisions qu'il a prises en
conséquence. Outre les secrétaires fédéraux et un délégué du
conseil de fédération, tous les chefs de groupe parlementaire sont
invités à y prendre part.4 Soulignons au demeurant que ses réunions
sont ouvertes.
Le secrétariat fédéral est composé de trois personnes. Depuis
la réforme statutaire de janvier 1994, elles se présentent en
équipe. Celle-ci est élue par l'assemblée générale à la majorité
absolue. Mais ce vote doit être confirmé pour chacun des membres
individuellement. Ceux-ci doivent aussi recueillir une majorité
absolue des suffrages. Les secrétaires fédéraux appartiennent
nécessairement à trois régionales différentes. Au moins un des trois
sera membre de la régionale de Bruxelles et il faut que les deux
genres soient représentés. Depuis l'assemblée générale d'avril 1994,
les trois secrétaires fédéraux élus sont Isabelle Durant (Bruxelles),
Jacky Morael (Liège) et Danny Josse (Mons). Les secrétaires
fédéraux sont désormais temps plein et rémunérés. Leur mandat
dure quatre ans et est renouvelable une fois.
Outre cet organigramme, Ecolo a créé de nombreuses
commissions de travail sur des problématiques multiples. Celles-ci
alimentent la réflexion et les prises de position politique du parti.
A la fin de l'année 1995, Ecolo comptait onze commissions :
agriculture, culture-médias, enseignement, environnement,
immigration-citoyenneté, Nord-Sud, relations internationales,
santé,
sécurité-paix-désarmement,
socio-économique
et
transports-déplacements. Ces commissions sont d’ailleurs souvent
subdivisées en groupes de travail.
3
Ibid., p. 10.
4
Actuellement : Paul Lannoye (Parlement européen), Pierre
Jonckheer (Sénat), Marie Nagy (région bruxelloise), José Daras
(région wallonne), Marcel Cheron (Communauté française) et Olivier
Deleuze (Chambre).
129
Des moyens accrus
D'un point de vue financier, les règles ont relativement peu
évolué contrairement... aux moyens. Le temps de l'élection
législative de 1981 où Ecolo fonctionnait sur la base du bénévolat
en faisant un emprunt d'un million et demi de francs est révolu.
Avec l’obtention d'élus, leur augmentation dans le temps et le
financement public des partis, Ecolo a enregistré des rentrées
nouvelles, qui lui ont ouvert des possibilités inédites en termes de
fonctionnement et de service de recherche : le centre d’études et
de formation en écologie (CEFE).
Pour bien saisir la nature de cette évolution, notons que le
budget de 1989 avoisinait trente millions5, que le budget
prévisionnel de 1991 était de cinquante millions6, que celui de 1992
se situait aux alentours de nonante-sept millions7 alors que celui de
1993 était de cent et cinq millions.8
Ecolo a, néanmoins, toujours prôné une relative sobriété
durant les campagnes électorales. Même dans les «années folles»
de la décennie quatre-vingts, les écologistes francophones et
néerlandophones ont refusé de pratiquer des campagnes
d'affichage massives (notamment par la non-utilisation de
panneaux publicitaires de 20m2).
Si les moyens d'Ecolo ses sont sensiblement accrus, c'est en
raison de deux éléments déterminants : l'évolution du nombre de
ses élus et l'augmentation du financement public. Chaque élu signe
un contrat de réciprocité avec le parti. Ce contrat prévoit
notamment que le mandataire rétrocède une partie de ses
indemnités de parlementaire à Ecolo. La croissance sensible du
nombre de ses élus, notamment dans la période 1989-1994, lui a
ainsi permis d'obtenir des recettes supplémentaires. A contrario, la
perte du deuxième député européen à l'élection de juin 1994 et le
résultat mitigé de l'élection législative de 1995 oblitéreront les
marges qu'Ecolo avait connues jusqu'alors.
Depuis le début des années nonante, les subventions publiques
aux formations politiques se sont accrues en corollaire de lois de
restriction de financement privé des partis politiques. Cette
5
Ecolo info, n° 4, avril 1990.
6
Ecolo info, n° 1, février 1991.
7
Ecolo info, n° 4, juin 1992.
8
Ecolo info, n° 2, mars 1993.
130
élévation du financement public des partis conjuguée à la
progression des voix recueillies par Ecolo entre 1987 et 1994 lui a
également fourni des rentrées supplémentaires substantielles.
Il existe assurément d'autres sources de recettes (cotisations9,
dons,...) mais celles-ci apparaissent marginales dans les ressources
d'Ecolo par rapport aux deux premières. Voir tableau à titre
d’exemple.10
Répartition des rentrées pour l’année 1993
En francs belges
Indemnités parlementaires
Dotation aux partis
Subsides aux groupes parlementaires
Aides individuelles
Subsides européens
Ressources internes
(dont cotisations)
Ressources externes
20
36
26
6
12
718 726
865 365
055 994
099 394
949 375
880 286
(199 800)
3 923 075
% des recettes
19,3
34,1
24,2
5,7
12,0
0,8
(0,2)
3,6
Grâce à cette augmentation de ses moyens, Ecolo a vu son
cadre de permanents croître notablement — élus, assistants
parlementaires, secrétaires régionaux rémunérés, secrétaires
fédéraux, travailleurs CEFE. Celui-ci atteint aujourd'hui environ
quatre-vingts personnes. Cette évolution a (re)mis à l'ordre du jour
la problématique de la professionnalisation du parti et derechef
une diminution de son caractère démocratique. Récemment,
Benoît Rihoux défendait l'hypothèse selon laquelle le processus de
professionnalisation
s'était
«accompagné
d'un
processus
d'oligarchisation de facto tant chez Agalev que chez Ecolo.»11 Nous
serions tentés de défendre l'hypothèse inverse.
Nombre d'auteurs et d'acteurs, se fondant sur les travaux
pionniers de Robert Michiels sur le principe de la «loi d'airain de
l'oligarchie»12 assimilent croissance et professionnalisation d'un
9
Ecolo touche, au niveau fédéral, cent francs de cotisation annuelle
soit, pour l'année 1994, deux cent quarante mille francs.
10
Ecolo info, n° 6, avril 1994.
11
B. RIHOUX, Emergence et développement des deux partis
écologistes belges, Institut e Ciències Politiques i Socials, working
paper, n° 77, 1993, 47 p., p. 17.
12
Pour Michels, avec
automatiquement un
déterminante serait la
tête des formations
l’organisation et la structuration naît
phénomène d’oligarchie, dont la racine
nécessité de responsables «techniciens» à la
politiques : «Or, abstraction faite de la
131
parti et tendance à l'oligarchie. Les partis de masse — en
particulier les partis de type social-démocrate — ont souvent été
en point de mire de ces observations. S'il ne fait aucun doute qu'il y
existe des phénomènes d'oligarchie, rien ne prouve inversement
que cette situation ne prédomine pas dans les autres catégories de
partis. Il nous semble, par exemple, difficile de prétendre au
fonctionnement démocratique historique et contemporain des
partis de cadres.
Pour ce qui a trait aux partis écologistes, la prudence s'impose
par rapport à des conclusions hâtives qui s'inscrivent parfois dans le
dénigrement du rôle des partis, des hommes et des femmes
politiques. N'est-ce pas la croissance d'Ecolo en nombre d'adhérents
(voir infra), de résultats électoraux et de moyens qui a entraîné le
processus de professionnalisation ? A-t-on véritablement observé un
processus d'oligarchisation dans Ecolo ? Rien n'est moins sûr.
Durant, les cinq premières années d'existence d'Ecolo, les
assemblées générales ne rassemblaient que quelques dizaines de
personnes. Aujourd’hui, elles en rassemblent plusieurs centaines.
Lors de la très importante assemblée de Neufchâteau-Virton, en
1986, deux cent septante-deux adhérents ont pris part aux travaux.
A l'occasion des assemblées de la Louvière et de Louvain-la-Neuve,
c'est près du double d'adhérents qui ont participé aux travaux et
donc aux choix ! De même, peut-on assurer qu'une direction
bénévole, dans l'impossibilité humaine et matérielle, d'assumer
correctement ses fonctions et des décisions, génère un
fonctionnement plus démocratique qu'un secrétariat fédéral
rémunéré, ayant les moyens de leurs fonctions mais régulièrement
redevable de ses propositions ? Il n'y a pas de réponse aisée et
définitive à ces questions tout comme il n'y a pas de solution
irrévocable aux questions de fonctionnement démocratique de
toute organisation. Les tensions sont fréquentes et logiques, et la
recherche de solutions meilleures perpétuelle.
Une autre dimension de ce problème est le problème de la
rotation. La question n’est pas simple. Les constats se rejoignent :
«C’est un des problèmes qu’Ecolo gère très mal» (J. Morael). «Il
tendance des chefs à s'organiser et à se coaliser, abstraction faite
aussi de leur reconnaissance par les masses immobiles et passives,
nous pouvons dire dans cette conclusion que la principale cause des
phénomènes oligarchiques se manifestant au sein des partis
démocratiques consiste dans ce fait que les chefs sont
techniquement indispensables.»
R. MICHELS, Les partis politiques. Essai sur les tendances
oligarchiques des démocraties, Flammarion, 1971, 309 p., pp. 295296.
132
reste à l’intérieur d’Ecolo à imaginer, et c’est peut-être une des
failles
à
imaginer
une
mobilité
interne
plus
grande» (J. Liesenborghs). Dans le principe, il est tout à fait
salutaire qu’une personne n’entre pas «dans» un mandat pour la
vie et puisse se retirer après une ou deux législatures.
Pratiquement, ce n’est pas facile à organiser surtout pour une
formation qui n’est pas un «parti de gouvernement.» Les
reclassements après une carrière politique ne sont pas évidents.
Ceux qui sont évoqués à Ecolo sont perçus comme exceptionnels :
Jean-François Vaes à l’administration de la région bruxelloise et
Jacques Liesenborghs dans l’enseignement. Pour Ecolo, cette
question a pris une tournure nouvelle avec les tassements
électoraux. En l’espèce, la question de la rotation est dépassée. Se
pose le problème en cas de non-réélection ; l’exemple
emblématique étant Philippe Defeyt. Le principe de la rotation et
la question des reclassements politiques, qui ont quelque peu agité
l’assemblée de Louvain-La-Neuve (janvier 1996)13 vont devoir être
examinés de front dans les années qui viennent. Il y a en effet une
nouvelle génération d’adhérents qui aspirent à prendre des
responsabilités et un nombre d’élus qui ont entamé leur deuxième
mandat. Autant d’éléments qui nécessiteront une «gestion»
humaine complexe. Le cas des élus régionaux bruxellois sera à cet
égard révélateur.
Des adhérents plus nombreux
Ecolo n’a jamais été un parti de «masse» dans le sens
classique que la science politique confère à ce terme.14 Toutefois,
le temps de la petite centaine de participants à la fondation du
parti en mars 1980 est également révolu. Ecolo s’est consolidé
lentement, avec certains à-coups. Il a de la sorte pu franchir des
étapes en termes d’adhésion.
13
Sur proposition de Vincent Decroly, l’assemblée générale a
réaffirmé la «valeur du principe dit «de rotation»» par 159 voix
contre 107 et 20 abstentions.
14
C’est Maurice Duverger qui, dans son ouvrage pionnier sur les partis
politiques, le premier distingua les «partis de cadre» des «partis de
masse.» Outre leur grand nombre d’adhérents, les partis de masse
ont pour vocation d’encadrer les membres du parti, remplissant
tout à la fois une fonction de socialisation et de contre-société au
pouvoir dominant. Les formations sociales-démocrates sont, selon
Maurice Duverger, les «exemples types» de ces partis.
M. DUVERGER, Les partis politiques, Points seuils essai, 1992,
566 p., p. 44.
133
Les progressions se réalisent principalement en liaison avec la
tenue des élections, notamment communales. Dans les premières
années Ecolo s’est ouvert grâce à l’élection législative de 1981 et à
l’élection communale de 1982. Il connaît ensuite une période de
stagnation et même de régression entre 1985 et 1988. Entre ces
deux dates, il passe de 959 adhérents à 891, en ayant chuté à 617
en 1987. Ce sévère recul s’explique avant tout par la crise interne
dans laquelle Ecolo s’est débattu en 1985 et, plus encore, en 1986.
La perte de plus de 35% des effectifs en deux ans confirme que les
départs et démissions ont très largement dépassé la seule aile
gauchiste de la régionale de Bruxelles, qui n’agrégeait que
quelques personnes. Il y a bien eu une clarification, qui était
nécessaire. Tous ceux qui ne se sont pas reconnus ont déserté le
parti. En retour, elle a le redéploiement du parti sur le plan
politique et organisationnel. Ce dont atteste la progression
«spectaculaire» entre 1988 et 1989 : plus 500 adhérents,
permettant à Ecolo de franchir durablement le cap des 1 000
membres.
Ecolo franchira un nouveau seuil dans la foulée de sa victoire
électorale de 1991 en approchant en 1992 (1 876) et 1993 (1 934) le
cap des 2 000 adhérents. Il l’atteindra en 1994 dans le contexte de
la préparation des élections communales en totalisant 2 347
membres ; chiffre qu’il a confirmé en 1995 puisqu’il recensait au
31 décembre 1995, 2 488 inscrits.
Evolution du nombre de membres à Ecolo (1984-1995)
2500
2000
1500
1000
500
0
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
134
La progression d’adhérents enregistrée par Ecolo depuis seize
ans a bien sûr touché toutes ses régionales. Néanmoins, on peut
observer des zones de faiblesse relativement marquées. Comme
nous l’avions déjà évoqué sur la base des rapports internes d’Ecolo,
l’axe Charleroi-Mons se révèle pauvrement doté en termes de
membres. En effet, la régionale de Charleroi qui couvre entre
autres la plus grande ville wallonne ne compte, à la fin de l’année
1995, qu’une petite centaine de membres ; celle de Soignies
également. Quant à la régionale de Mons-Borinage, elle totalise
environ 130 adhérents. Proportionnellement, les 400 membres de la
régionale du Brabant wallon font figure de bastion. A travers ces
deux exemples, on soulignera les contrastes entre implantation
locale et performances électorales. Le Brabant wallon incarne une
situation où la bonne pénétration locale est corollaire d’excellents
résultats électoraux. En revanche, la situation à Charleroi met en
parallèle une présence sur le terrain fugace et des scores
électoraux raisonnables. Mais cela met aussi en relief les causes du
tassement électoral différencié d’Ecolo aux élections européennes
et communales de 1994 (voir infra et supra) et législatives de 1995.
Evolution du nombre d’adhérents dans
les régionales (1984-1995)
1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995
Arlon-Marche-Bastogne
22
32
25
15
29
36
30
53
57
70
51
91
Brabant wallon
95
91
92
70
83
188
173
176
212
259
339
402
Bruxelles
183
179
188
140
194
268
254
262
325
321
337
417
Charleroi
33
50
43
29
55
70
63
66
95
93
122
97
Dinant-Philippeville
38
44
43
28
35
54
57
113
114
112
123
108
Eupen
27
27
22
23
17
25
33
43
45
46
48
55
Huy-Waremme
16
19
19
9
24
37
23
28
39
82
129
132
137
154
134
94
139
182
181
193
264
231
249
271
Mons-Borinage
39
44
34
15
20
80
64
80
103
108
134
131
Namur
67
75
67
60
67
118
82
107
151
158
207
234
Neufchâteau-Virton
14
85
26
30
36
30
33
19
7
48
42
35
Picardie
53
68
47
15
72
112
25
30
169
134
191
167
Soignies
17
20
22
15
39
70
77
66
88
84
93
104
Thuin
14
18
27
27
14
44
29
33
40
78
122
70
Verviers
53
53
47
47
67
89
88
91
103
110
160
174
Liège
En fonction de ces zones de force et de faiblesse et de la
population couverte par les régionales, il est intéressant
d’examiner la part respective des régionales dans le total des
membres et leur évolution.
135
Constatons d’emblée qu’à la seule exception de 1994,
Bruxelles a toujours été la première régionale du parti en termes
d’adhérents. Elle a rassemblé plus d’un cinquième des adhérents à
plusieurs reprises. Durant les premières années de la décennie
nonante, son poids s’est érodé. Non à cause d’un tassement de ses
effectifs mais en raison d’un élargissement de la couverture
militante d’Ecolo. Le phénomène touche d’ailleurs aussi la
régionale liégeoise. La régionale du Brabant wallon a enregistré
une croissance régulière de son poids. Elle est passée de 11,75% en
1984 à 16,16% en 1995.
Evolution comparée du poids des fédérations (en %)
1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995
Arlon-Marche-Bastogne
2,72
3,33
Brabant wallon
11,75
9,48
2,99
2,43
3,25
2,56
11 11,34
9,32
13,4 14,27 12,94
Bruxelles
22,64 18,66 22,49 22,69 21,77
2,47
3,9
3,04
3,62
2,17
3,65
11,3 13,39 14,44 16,16
19,1 20,96 19,26 17,32
16,6 14,36 16,76
Charleroi
4,08
5,21
5,14
4,7
6,17
4,99
5,2
4,85
5,06
4,81
5,2
3,89
Dinant-Philippeville
4,71
4,59
5,14
4,54
3,93
3,84
4,7
8,31
6,08
5,79
5,24
4,34
Eupen
3,34
2,81
2,63
3,72
1,91
1,78
2,72
3,16
2,4
2,38
2,05
2,21
Huy-Waremme
1,98
1,98
2,22
1,45
2,69
2,64
1,89
2,06
2,08
4,24
5,5
5,3
Liège
16,95 16,06 16,03 15,23
15,6 12,97 14,93 14,19 14,07 11,94 10,61 10,89
Mons-Borinage
4,82
4,59
4,07
2,43
2,24
5,7
5,28
5,88
5,49
5,58
5,71
5,26
Namur
8,29
7,82
8,01
9,72
7,52
8,41
6,76
7,86
8,04
8,17
8,82
9,41
Neufchâteau-Virton
1,73
8,86
3,11
4,86
4,04
2,14
2,72
1,4
3,73
2,48
1,79
1,41
Picardie
6,56
7,09
5,62
2,43
8,08
7,98
2,06
2,21
9
6,93
8,14
6,71
Soignies
2,1
2,08
2,63
2,43
4,38
4,99
6,35
4,85
4,69
4,34
3,96
4,18
Thuin
1,73
1,87
3,22
4,38
1,57
3,14
2,39
2,42
2,13
4,03
5,2
2,81
Verviers
6,56
5,53
5,62
7,62
7,52
6,34
7,26
6,69
5,49
5,69
6,82
6,99
Ecolo totalise donc deux mille cinq cents adhérents à l’heure
actuelle. Toutes sensibilités confondues, les responsables régionaux
et fédéraux du parti sont conscients tout à la fois de l’évolution
positive ces huit dernières années mais aussi de l’étroitesse de la
base militante d’Ecolo. Plusieurs localités ne connaissent qu’une
présence politique épisodique de la section locale sans même
parler du nombre non négligeable de communes où les verts n’ont
pas de section locale. De nouveaux caps sont ainsi à franchir dans
le nombre des adhérents et dans leur fidélisation. La projection de
toute augmentation significative se heurte cependant à des limites
objectives.
Nous songeons notamment à l'évolution sociologique de nos
sociétés. Le profil des adhérents — et plus encore des militants —
des organisations politiques n'est pas aléatoire. Il l'est encore moins
pour un parti qui n'est pas une formation traditionnellement partie
prenante au pouvoir. Les militants sont généralement des
136
travailleurs au statut socio-professionnel relativement stable et au
niveau socio-culturel plus élevé que la moyenne.15 Or, si le niveau
de formation des citoyens de nos sociétés a tendance à s'élever, la
stabilité des positions professionnelles a, en revanche, tendance à
sérieusement s'effriter. Ce qui, par ricochet, pose des problèmes
de constance de militance et de recrutement de nouveaux
d'adhérents. Cet enjeu est de taille pour la stabilisation du
«personnel politique» d'Ecolo, notamment au niveau des conseils
communaux où nous avons pu observer les difficultés rencontrées
dans la permanence de la présence et de l'action politiques.
Il convient en outre de constater que la «militance» est en
crise dans nos sociétés. Le militantisme écologiste est souvent
décrit comme spécifique. Dans leur étude sur les motivations des
militants des nouveaux mouvements sociaux, Dalton, Kueler et
Bürklin mettent en cause les théories d'intérêt individuel et de
rétributions matérielles : «Les principes de base de beaucoup
d'entre eux concernent le bien collectif — la protection de la
qualité de l'environnement, la défense du statut de la femme, la
baisse des conflits internationaux —, tout cela est directement
contradictoire avec les théories de «choix rationnel» et les logiques
d'action auto-intéressées.»16 Pour Inglehart17, cet élément serait
d'autant plus important dans l'analyse du militantisme écologiste
que la défense de valeurs et d'une idée du bien collectif liée à un
comportement politique actif s'accroîtrait avec l'élévation du degré
d'éducation. Les études sur le comportement politique confirment
cette hypothèse. Mais elles le nuancent à la lumière de la
«politisation» des individus, ce qui permet notamment de
comprendre le militantisme communiste.
Néanmoins, le nombre d'adhésions aux organisations
sociales — partis politiques, syndicats, monde associatif — tend à
stagner sinon à diminuer. Jacques Liesenborghs le souligne : «On
vit dans un contexte social où la militance est en très net recul.»18
15
Dans le cas français, Michel Tozzi relevait ainsi que «la majorité des
militants sont des hommes à statut protégé, salaire moyen, horaire
autour de 39 heures.»
M. TOZZI, Militer autrement, Chronique sociale-Vie ouvrière, 1985,
159 p., p. 147.
16
R. J. DALTON, M. KUELER, W. BÜRKLIN, op. cit., p. 8.
17
R. INGLEHART, «Values, Ideology and Cognitive mobilization in New
Social Movements», in R. J. DALTON, M. KUELER, W. BÜRKLIN, op.
cit., p. 44.
18
Entretien avec les auteurs, 6 février 1996.
137
Les causes les plus couramment avancées pour expliquer cette
évolution sont la crise contemporaine des utopies — sources de
vocations militantes —, et la montée du libéralisme dans les
sociétés développées. Autant d’éléments affectant les joies de la
militance identifiées comme une de ses attractions fortes selon
Guillaume Sainteny : «Enfin, il faut inclure dans les rétributions
symboliques toutes les satisfactions psychologiques tirées du
militantisme : plaisir des discussions, atmosphère de solidarité et
de camaraderie, identification à un groupe, univers de références
communes, atmosphère de réunions, substitut à l'isolement,
rencontres sentimentales, intégration à une micro-société,
sentiment d'être un artisan de l'Histoire et/ou d'être en accord
avec soi-même, apport d'une justification de l'ordre des choses, de
la certitude d'une vérité du parti d'appartenance contre celle de
l'adversaire, offre d'un système de représentation qui permet
l'espoir d'un avenir différent.»19
De fait, il y a des obstacles au recrutement pour tout
groupement sociétal. Cela vaut bien évidemment pour Ecolo aussi.
D'autant qu'Ecolo, comme quasiment tous les partis écologistes, a
de faibles possibilités en termes de rétributions matérielles.20 Le
nombre de permanents est trop étroit pour assurer des promesses à
de nombreuses personnes. D'autre part, Ecolo n'est pas capable — si
tant est qu'il en eut la volonté — de fournir des «postes dans
l’appareil d'Etat» dans la mesure où ses participations au pouvoir
sont statistiquement peu probables. Au surplus, dans le cadre de la
«pillarisation» belge, l'adhésion à Ecolo se révèle parfois un
handicap pour certaines carrières professionnelles, par exemple
dans la fonction publique.
Un dernier élément doit être souligné dans les limites à
l’adhésion aux verts. L'engagement à Ecolo — et le plus
généralement dans toute autre formation écologiste — implique un
degré minimal de participation. Il existe dans le message politique
écologiste une prétention à la participation régulière des citoyens
aux choix de société. Message qui vaut mutatis mutandis pour son
fonctionnement interne et qui implique un investissement temporel
parfois important, perspective qui n'est pas toujours aisée à
réaliser ou voulue.
19
G. SAINTENY, «La rétribution du militantisme écologiste», Revue
française de sociologie, 1995, vol. 36, n° 3, p. 477.
20
Ibid., p. 482.
138
139
Chapitre 5
Ecolo et les élections
140
141
Les élections communales
Au niveau communal, Ecolo a étendu son implantation
progressivement. En 1982, la couverture par Ecolo des communes
wallonnes et bruxelloises atteint 32,74%. Ecolo recense, à la suite
de cette élection 79 conseillers communaux. En 1988, la
progression est modeste. Le taux de couverture1 se situe à 37,72%.
En revanche, le nombre d’élus communaux se monte à cent-vingttrois. Lors de la dernière élection communale, Ecolo a fait un
effort particulier puisque le taux de couverture a dépassé les 50% :
54,45%. A l’issue de cette élection, le nombre de conseillers
communaux est de 184 mais en plusieurs endroits, Ecolo a perdu
des sièges par rapport à 1988. Ecolo participe désormais au pouvoir
dans huit communes : Bruxelles, Ottignies-Louvain-La-Neuve,
Rixensart, Ecaussinnes, Oupeye, Schaerbeek, Pont-à-Celles et
Welkenraedt.
Ces chiffres globaux doivent être analysés à la lumière des
diversités locales.
Dans la région bruxelloise, Ecolo était déjà à même de se
présenter dans seize des dix-neuf communes de la région en 1982.
Il obtient alors vingt-huit sièges de conseillers communaux et au
moins un dans chaque commune où il était présent. Il recueille par
ailleurs plus d’un siège dans dix des seize communes. En 1988,
Ecolo est absent de la seule commune d’Evere. Il passe de vingthuit à trente-six élus. Et il a plus d’un siège dans onze communes
sur dix-huit. En 1994, enfin, il y a une liste d’Ecolo dans toutes les
communes bruxelloises. Le nombre de conseillers communaux passe
à quarante-cinq. Il a plus d’un siège dans douze des dix-neuf
communes. Soulignons néanmoins qu’il enregistre une perte d’un
siège dans trois communes.
1
Nombre de communes où Ecolo dépose une liste sur le nombre total
de communes.
142
Résultats d’Ecolo aux élections communales
dans la région bruxelloise
Anderlecht
Auderghem
Berchem
Bruxelles
Etterbeek
Evere
Forest
Ganshoren
Ixelles
Jette
Koekelberg
Molenbeek
Saint-Gilles
Saint-Josse
Schaerbeek
Uccle
Watermael-Boitsfort
Woluwe SaintLambert
Woluwe Saint-Pierre
1982
1982 1982
Voix
%
Sièges
3 204
6,3
2
1 171 6,02
1
1988
Voix
4 947
1 173
774
4 454
1 642
2
2
1
3
1
1
647
066
225
527
984
694
983
421
854
745
456
7,16
7,91
9,32
6,32
12,01
5,87
6,45
6,79
8,75
4,21
9,41
2
1
3
2
2
2
1
1
4
1
2
1994 1994 1994
Voix
%
Sièges
3 563
8,4
4
777
7,0
1
777
7,0
1
4 106
7,6
3
1 617
9,0
2
1 032
6,1
1
1 773
8,4
2
910
7,4
1
3 944 12,9
5
1 544
7,0
2
649
8,3
1
2 151
8,0
3
1 246
9,2
3
468
8,4
2
3 971
9,9
5
3 516
9,2
3
1 638 11,3
3
1
2
1 650
1 518
5,99
7,08
1
2
1 958
1 309
3 735
1 446
5,75
6,32
2
1
1 915
953
2 877
1 592
693
2 050
1 471
7,34
6,65
7,45
6,23
7,85
6,33
8,94
2
1
3
2
1
2
3
1
1
3
1
2 891
2 986
1 589
5,9
6,72
5,32
1 589
1 716
5,32
7,38
1
1988
1988
%
Sièges
10,87
5
6,52
1
6,54
1
7,61
3
8,01
2
7,8
6,6
Dans le Brabant wallon, Ecolo a pu déposer une liste dans huit
des vingt-sept communes en 1982. Il recueille à cette occasion dix
sièges. Il n’a pu obtenir d’élus dans deux localités. En revanche, il
gagne plus d’un siège dans trois communes sur huit. En 1988, Ecolo
est présent dans onze communes et récolte 16 conseillers
communaux. Il n’y a plus qu’une seule entité où il n’a pas d’élu.
Dans cinq communes, il recueille plus d’un conseiller communal. En
1994, sa couverture s’étend fortement puisqu’il a déposé une liste
dans 21 des 27 communes du Brabant wallon. Son nombre d’élus
passe à trente-quatre. Il ne gagne pas de conseillers dans cinq
localités. Par contre, il obtient plus d’un siège dans onze
communes et il n’en perd aucun par rapport à 1988.
Résultats d’Ecolo aux élections communales
dans le Brabant wallon
Braine-L'Alleud
Braine-Le Château
Chaumont-Gistoux
Court Saint-Etienne
Genappe
Grez-Doiceau
Jodoigne
Lasne
Mont Saint-Guibert
Nivelles
Orp-Jauche
Ottignies LouvainLN
1982 1982 1982 1988
Voix
%
Sièges Voix
1 608 8,58
2 2 004
461
391 9,06
1
669
393 8,64
1
511
803
451 7,54
458
767
5,51
1 580 14,82
1988 1988 1994
%
Sièges Voix
10,31
2 2 986
9,05
1
670
13,63
2
931
10,86
1
607
10,07
1
782
7,19
1
765
372
437
494
1 181 8,15
1 1 332
411
3 1 372 12,03
2 2 155
1994
1994
%
Sièges
14,40
4
12,50
2
16,40
2
12,30
2
9,30
1
11,00
2
5,20
5,80
14,10
2
8,90
2
8,60
1
16,10
4
2
1
143
Perwez
Ramilies
Rebecq
Rixensart
Tubize
Villers-La Ville
Walhain
Waterloo
Wavre
92
1 187
1 029
9,41
6,53
2,87
2 1 996 15,74
1 1 712 10,09
233
436
473
3 1 987
524
494
356
1 703
2 1 983
5,20
12,90
8,20
15,30
4,50
8,80
9,70
11,20
10,90
1
1
4
1
3
2
Ces résultats ne sont pas aussi brillants dans le Hainaut. En
1982, Ecolo ne fut capable que de déposer une liste dans dix-sept
des soixante-neuf communes hennuyères. Il y conquit 9 sièges. Il
n’y a pas d’élus dans 12 localités. Seules trois communes ont plus
d’un conseiller Ecolo. En 1988, Ecolo est présent dans vingt-huit
communes et recense vingt-huit conseillers communaux. Il n’a pas
de sièges dans treize d’entre elles. Par contre, il a plus d’un
conseiller dans neuf localités. Aux élections communales de 1994,
Ecolo a pu déposer 40 listes et obtenir 37 conseillers communaux.
Dans 18 communes, il n’a pas d’élus mais dans neuf d’entre elles, il
a plus d’un conseiller. Il convient de constater que par rapport au
score de 1988, il a perdu sept sièges.
Résultats d’Ecolo aux élections communales dans le Hainaut
Ath
Beloeil
Bernissart
Frasnes-Lez-Anvaing
Charleroi
Châtelet
Courcelles
Fontaine l'Evêque
Gerpinnes
Les Bons-Villiers
Manage
Pont à Celles
Seneffe
Boussu
Colfontaine
Dour
Frameries
Hensies
Honnelles
Lens
Mons
Quaregnon
Quévy
Quiévrain
Saint-Ghislain
Comines-Warneton
Mouscron
Braine Le Comte
Ecaussinnes
La Louvière
1982 1982 1982 1988 1988 1988 1994
Voix
%
Sièges Voix
%
Sièges Voix
516 3,04
246
2,7
285 3,11
494
436 5,89
363 4,89
595
7047 6,03
2 8500 7,59
3 6833
1826 9,58
2 1407
1224
560
437 5,98
495
420
707
583 5,91
979 9,95
2
866
598 9,87
1
392
1582
662 5,79
435
632
132 3,41
302
106 3,16
181
109
4,3
4455 8,77
3 5242 10,56
4 5034
711 7,02
1
832
345
79 3,61
225
989 7,64
1
859
738
2001 6,31
1 2478 7,83
2 4613
896 8,26
1
883
480 7,49
385 6,18
668
2347 6,09
2 3257 8,64
3 2523
1994
%
7,80
8,10
6,30
7,70
7,60
6,20
6,50
8,00
6,10
8,50
6,10
14,60
1994
Sièges
1
1
2
2
1
1
1
3
4,40
5,00
7,80
5,60
10,10
8,60
6,90
5,70
6,60
8,10
15,10
7,90
10,50
6,70
4
1
1
1
5
1
2
2
144
Lessines
Silly
Soignies
Anderlues
Binche
Chimay
Ham sur Heure-Nalines
Lobbes
Momignies
Morlanwelz
Thuin
Antoing
Estaimpuis
Leuze en Hainaut
Peruwelz
Tournai
594
5,12
533
284
1387
4,77
6,56
9,69
1577
362
667
8,37
5,75
8,27
2
105
3,33
522
5,92
678
429
7,38
8,39
232
420
2252
2,68
4,25
5,34
307
536
2783
3,48
5,32
6,59
1
547
368
1159
434
1394
825
807
124
4,90
7,90
7,90
6,90
7,60
13,50
9,40
3,50
1
619
565
6,70
5,90
2
398
341
437
3386
7,40
3,90
4,40
8,01
2
1
1
1
2
1
1
2
En province de Liège, Ecolo a été présent dans 32 des 84
entités en 1982. Il conquiert à cette occasion vingt-trois sièges. Il
n’a pas d’élus dans 21 communes. Mais dans cinq d’entre elles, il a
plus d’un conseiller. Sa couverture ne s’est pas étendue en 1988
puisqu’il n’a déposé de listes que dans 33 communes. Il obtient 33
élus mais il n’a pas de conseiller dans seize entités. En revanche, il
a plus d’un élu dans dix communes. Lors des dernières élections
communales, Ecolo a pu être présent dans quarante-quatre
communes et récolter un total de cinquante-sept conseillers
communaux. Si par rapport à 1988, il a perdu trois sièges, il a plus
d’un siège dans seize localités. Et, il n’y a que quatorze communes
où il n’ait pas d’élus.
Résultats d’Ecolo aux élections communales
dans la province de Liège
1982
Voix
Amay
Anthisnes
Burdinne
Engis
Ferrières
Hamoir
Héron
Huy
Nandrin
Verlaine
Villers le Bouillet
Wanze
Ans
Aywaille
Bassenge
Blégny
Chaudfontaine
Comblain au Pont
Esneux
Flémalle
Fléron
91
1982 1982
%
Sièges
1988
Voix
1988 1988
%
Sièges
1994 1994
Voix
%
955 11,60
242 9,60
76 4,40
959 27,50
256 9,60
1994
Sièges
2
4
4,16
157
2,22
348
307
6,38
5,82
750 5,77
334 10,4
1032 12,91
1
2
453
223
99
3,86
8,11
5,04
436
1731
345
173
408
652
509
1070
1741
5,69
10,79
5,77
3,25
5,53
4,82
15,64
13,16
10,53
133 5,01
848 7,30
384 12,30
2
2
2
2
304
490
1294
565
9,20
6,30
8,20
9,40
426 5,70
706 5,30
291 8,60
1029 12,80
1341 8,70
665 7,30
1
1
1
2
1
1
3
2
1
145
Grace Hollogne
Herstal
Juprelle
Liège
Oupeye
Saint-Nicolas
Seraing
Sprimont
Trooz
Visé
Amblève
Baelen
Dison
Eupen
La Calamine
Lierneux
Limbourg
Lontzen
Malmédy
Pepinster
Plombières
Raeren
Saint Vith
Spa
Stoumont
Theux
Thimister Clermont
Verviers
Welkenraedt
Faimes
Fexhe le haut Clocher
Hannut
Lincent
Saint Georges sur
Meuse
Waremme
1080
1 594
9,67
8,35
2
2
1354 12,30
1 279 6,90
3
2
6 12 177
1 1 106
11,3
7,73
6 11 119 11,10
1
936 6,60
948 9,50
4 3 049 9,50
1
855 12,30
500 11,01
667 7,01
5
1
2
3
2
1
1
1 378 6,82
219 4,94
13 871 11,66
1027 7,32
1
3 544 10,42
519 8,19
4
1
544
166
5,75
5,27
863 10,46
537 5,35
331 7,37
136 7,18
194 5,45
173 7,74
296 4,39
400 7,07
236 4,87
266 7,48
213
3,8
271 4,33
3 565 10,77
629 9,43
586
2
1
5,99
626 7,72
874 8,26
595 12,59
170 8,56
370 10,59
1
1
2
441
267
7,56
5,39
1
200
3,41
227 12,96
456 7,22
3 558 11,06
330 6,69
78 3,99
230
2,79
419
4,99
4
2 614
8,47
74
3,93
258
443
6,12
5,07
1
1
2
512
660
1 482
539
154
955
23,80
8,10
14,10
11,80
7,20
29,40
3
1
3
2
541
378
9,30
7,60
1
379
5,80
530 8,01
258 8,90
2 021 6,60
523 10,01
235 11,50
379
109
4,40
5,60
532
6,01
C’est dans la province du Luxembourg que la présence des
verts est la plus faible. En 1982, Ecolo n’a pu assurer sa
participation que dans 5 des 44 communes luxembourgeoises sans
obtenir un seul conseiller communal. La situation est à peine
meilleure en 1988. Les verts sont présents dans six localités et
n’ont pu conquérir qu’un siège à Arlon. En 1994, Ecolo avait des
listes dans dix communes du Luxembourg mais sa moisson en élus
était toujours aussi faible : un seul.
4
1
2
1
146
Résultats d’Ecolo aux élections communales
dans la province du Luxembourg
Messancy
Bastogne
Bertogne
Saint Ode
Vielsam
Durbuy
Marche en Famenne
Bertrix
Saint-Hubert
Virton
1982 1982 1982 1988 1988 1988 1994
Voix
%
Sièges Voix
%
Sièges Voix
95
2,6
150 2,03
263
76
68
192 4,19
196 4,26
209
175 2,96
389
549 5,79
568
270 5,41
158 3,16
188
334
1994
%
1994
Sièges
3,3
4,3
4,4
4,5
6,3
5,7
4,8
5
Enfin qu’en est-il dans la province de Namur ? En 1982, Ecolo
a une liste dans quatorze des trente-huit communes namuroises. Il
recueille neuf conseillers communaux. Il n’a pas d’élu dans dix
localités et il n’en a plus d’un que dans la seule ville de Namur. En
1988, les verts ne sont présents que dans onze communes,
n’obtenant que neuf sièges. Il n’y a toujours qu’à Namur qu’il a
plus d’un conseiller. En 1994, Ecolo couvre la moitié des entités (19
sur 38) et gagne 11 sièges. Il n’a toujours pas d’élus dans onze
communes et par rapport à 1988, il a perdu deux sièges.
Résultats d’Ecolo aux élections communales
dans la province de Namur
Beauraing
Ciney
Hamois
Rochefort
Somme-Leuze
Andenne
Assesse
Eghezée
Fernelmont
Floreffe
Gembloux
Jemeppe sur Sambre
La Buyère
Namur
Profondville
Sambreville
Sombreffe
Cerfontaine
Couvin
Florennes
Philippeville
Viroinval
Walcourt
1982 1982 1982 1988 1988 1988 1994
Voix
%
Sièges Voix
%
Sièges Voix
246 4,80
258
721
112 3,16
160
325 4,55
651 8,76
1
557
150
844 6,12
1
831 5,84
1 259
427
241 3,18
478 6,06
673
333 9,16
1
270 6,84
302 7,19
328
867 7,35
1
711 5,81
932
474 4,32
793 7,17
1
597
306 6,69
341
7 578 12,34
6 8 062 12,92
5 6 874
307 5,43
1102 7,02
1
808
268 6,34
83
156 1,87
330
183
144 3,78
306 7,83
257
826 8,23
1
709
1994
1994
%
Sièges
4,90
7,80
1
4,00
7,30
1
6,10
8,60
2
11,50
1
8,10
1
7,40
7,10
5,30
7,00
10,70
1
5
5,10
2,90
4,70
3,60
6,80
6,70
1
147
Les élections nationales
Dans le temps, on peut diviser le parcours électoral en trois
grandes étapes. La phase d’implantation et de stabilisation
correspond aux années 1981 à 1987, le moment des victoires
marque les succès de 1989 et de 1991. Enfin, le tassement
contemporain vise surtout les élections de 1994 et de 1995. Dans
ces trois étapes, Ecolo a pris part à cinq élections législatives
(1981, 1985, 1987, 1991 et 1995) et trois élections européennes
(1984, 1989 et 1994). Le point commun aux trois temps est
qu’Ecolo y a systématiquement obtenu de meilleurs résultats à
l’occasion des élections européennes qu’au cours des élections
législatives.
Résultats d’Ecolo en Wallonie et dans
l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde
Wallonie
Bruxelles-Hal-Vilvorde
16
14
12
10
8
6
4
2
0
1981
1984
1985
1987
1989
1991
1994
1995
La phase d’implantation et de stabilisation couvre quatre
échéances : les élections législatives de 1981, 1985 et 1987 de
même que l’élection européenne de 1984.
En 1981, Ecolo se présente dans tous les arrondissements
administratifs et réalise ses meilleures performances dans les
148
cantons de Wavre (8,3%), de Mons (6,8%), de Mouscron (8,2%)
d’Aywaille (7,5%), de Liège (7,4%), de Spa (7,4%), de Verviers
(7,4%), d’Arlon (10,3%) et de Namur (9,8%). Ses scores bruxellois ne
sont pas encore probants en raison de la concurrence d’autres
listes écologistes. Par ailleurs, sa pénétration dans les cantons
hennuyers s’avère plus laborieuse. En 1984, débarrassée de toute
autre liste verte, le résultat à Bruxelles a nettement progressé dans
le cadre d’un accroissement général qui permet à Ecolo de
conquérir un élu européen. Par rapport au score de 1984, les
résultats de 1985 et de 1987 sont en régression et se situent
légèrement au-dessus des pourcentages obtenus en 1981. On
remarque que cette petite augmentation est d’abord liée à une
montée des voix écologistes dans le Hainaut.
L’élection européenne de 1989 atteste d’une croissance forte.
C’est la meilleure élection nationale dans l’histoire des verts. Ecolo
atteint 20% et plus dans les cantons de Nivelles (21%), de Wavre
(20,6%), de Comines-Warneton (24,1%), de Tournai (20,9%)d’Eupen
(22,9%), de Saint-Vith (20,5%) et de Namur (22,0%). Même s’il s’est
quelque peu tassé pour l’élection législative de 1991, les scores
sont toujours très élevés avec certaines pointes dans le Hainaut :
canton de Mons, 18,1% ; canton de La Louvière, 17,1% ; canton de
Mouscron, 20% ; canton de Tournai, 16,4%.
Les élections européenne de 1994 et législative de 1995, en
deux temps, attestent d’un tassement voire d’une chute sérieuse
par rapport aux résultats de 1989 et de 1991. Celle-ci se révèle
particulièrement forte dans les cantons hennuyers alors que les
verts résistent bien dans le Brabant wallon et dans la région
bruxelloise. De 1991 à 1995, Ecolo perd 5,7% dans le canton de
Charleroi, 6,8% dans le canton de Boussu, 8% dans le canton de
Mons, 6,9% dans le canton de Binche, 6,9% dans le canton de
Merbes-le-Château, 7,4% dans le canton de Thuin. Dans les cantons
liégeois, luxembourgeois et namurois, les dommages sont
nettement plus limités.
149
Résultats par arrondissement par canton de 1981 à 1995
Arrondissement de Bruxelles
1981
1984
1985
1987
1989 1991 1994 1995
BRUXELLES
2,5
6,8
4,3
4,3
10,6
7,1
8,3
6,5
Bruxelles
3,4
9,0
6,1
6,3
14,6
10,0
11,9
9,3
Anderlecht
2,9
7,8
4,9
5,3
12,5
7,6
10,7
8,5
Asse
0,3
0,7
0,4
0,5
0,9
0,6
1,7
1,1
Hal
1,1
2,8
1,8
1,7
3,9
2,7
4,1
3,1
Ixelles
3,2
9,9
6,4
6,1
15,2
10,9
15,2
13,1
Lennik
0,6
1,3
0,8
0,8
1,9
1,3
1,2
0,7
Meise
1,1
2,7
1,6
1,6
4,0
2,5
2,6
1,9
Molenbeek
2,8
8,4
5,0
5,3
13,1
8,0
10,2
8,1
Saint-Gilles
4,1
11,7
8,6
6,3
14,9
14,1
16,2
14,4
Saint-Josse
2,9
8,2
5,1
5,1
13,9
9,1
13,0
9,4
Schaerbeek
2,8
7,6
4,8
5,2
13,5
9,3
14,1
11,4
Uccle
3,7
9,1
5,8
5,6
13,8
9,9
12,6
10,3
Vilvorde
0,8
1,8
1,4
1,2
2,9
1,9
2,2
1,6
5,2
3,7
Zaventem
Arrondissement de Nivelles
1981
1984
1985 1987
1989 1991 1994 1995
NIVELLES
7,2
10,9
6,8
7,5
19,6
14,5
15,3
13,1
Genappe
6,1
10,9
6,1
8,1
19,6
14,6
15,6
13,4
Jodoigne
4,8
6,6
4,0
4,5
13,4
9,0
11,3
9,5
Nivelles
7,3
11,1
7,0
7,5
21,0
14,4
14,8
12,0
Perwez
6,4
18,3
6,2
6,6
16,3
12,7
14,7
13,5
Wavre
8,3
12,4
7,6
8,7
20,6
16,8
17,1
15,1
Arrondissement de Charleroi
1981
1984 1985
1987
1989 1991 1994 1995
CHARLEROI
4,5
10,0
7,1
6,2
16,1
13,5
13,4
8,1
Charleroi
4,5
10,8
7,8
6,6
16,7
14,1
11,5
8,4
Châtelet
4,3
8,1
5,9
4,9
15,0
12,0
10,1
7,5
Fontaine-l’Evêque
4,8
9,7
7,5
6,6
15,2
12,8
11,5
8,0
Seneffe
4,4
10,3
6,2
6,3
16,7
14,4
12,1
9,5
Arrondissement de Mons
1981
1984
1985 1987
1989 1991 1994 1995
MONS
5,4
10,6
7,0
6,2
13,2
15,2
11,2
8,7
Boussu
5,3
9,6
6,5
6,2
13,5
16,2
10,7
9,4
Dour
4,0
8,3
5,1
5,1
13,8
12,4
10,0
6,7
Frameries
4,4
9,4
6,0
4,6
9,6
10,7
8,0
6,1
Lens
4,6
9,1
5,6
5,1
11,9
12,0
11,7
8,9
Mons
6,8
13,3
8,9
7,5
14,0
18,1
13,2
10,1
150
Arrondissement de Soignies
1981
1984
1985
1987
1989
1991 1994 1995
SOIGNIES
5,0
9,2
6,5
7,2
15,7
16,0
12,3
8,5
Enghien
5,5
9,5
6,0
8,3
15,8
13,3
12,6
9,7
La Louvière
4,6
9,5
6,8
6,9
14,9
17,1
11,4
7,5
Le Roeulx
3,7
7,1
5,4
6,4
14,1
15,6
11,6
8,1
Lessines
3,9
8,6
6,4
6,7
13,6
16,1
10,8
7,8
Soignies
5,9
9,4
6,5
7,5
17,4
15,3
13,8
9,4
Arrondissement de Thuin
1981
1984
1985
1987
1989
1991 1994 1995
THUIN
4,5
8,7
6,7
6,3
14,9
14,1
10,9
7,9
Beaumont
4,0
6,9
5,0
4,4
12,6
9,6
11,2
6,5
Binche
4,0
8,8
7,3
7,0
14,8
14,8
9,4
7,9
Chimay
5,6
7,0
5,0
4,9
16,3
10,1
9,9
6,5
Merbes-Le-Château
3,9
8,7
6,3
5,7
13,4
14,1
10,3
7,2
Thuin
5,5
10,1
7,5
6,9
16,2
16,7
12,5
9,3
Arrondissement de Tournai-Ath-Mouscron
1981 1984 1985 1987 1989 1991 1994 1995
TOURNAI-ATH-MOUSCRON
5,2
8,6
5,7
6,1
16,9
14,6
12,9
10,1
Antoing
3,2
5,7
3,7
4,4
16,1
12,7
11,0
8,8
Ath
3,8
7,0
4,5
4,4
12,5
11,3
10,0
8,1
Beloeil
4,2
7,0
4,6
5,1
14,7
13,5
10,1
8,8
Celles
3,9
5,3
4,4
4,4
13,5
11,7
9,7
9,4
Chièvres
3,8
6,2
4,1
4,3
10,0
10,4
8,7
7,4
Comines-Warneton
4,2
9,5
5,2
5,8
24,1
17,0
15,2
11,5
Estaimpuis
4,6
6,9
4,7
4,7
15,2
12,0
14,3
9,1
Flobecq
3,1
7,0
4,0
4,4
11,1
9,0
9,2
6,4
Frasnes-Lez-Anvaing
4,6
8,0
5,0
5,7
12,9
10,4
8,7
11,5
Leuze-en-Hainaut
4,7
7,2
4,6
5,4
15,1
10,9
10,0
6,2
Mouscron
8,2
12,0
8,6
9,1
19,1
20,0
17,5
13,3
Peruwelz
3,9
7,1
4,5
4,5
14,4
12,2
11,1
7,7
Tournai
5,8
10,0
6,7
7,0
20,9
16,4
14,0
11,3
Arrondissement de Huy-Waremme
1981
1984
1985
1987
1989
1991 1994 1995
HUY-WAREMME
4,9
6,8
4,7
5,1
11,9
10,0
11,6
10,2
Ferrières
6,5
6,0
5,0
5,2
15,5
11,2
14,5
10,8
Héron
5,3
6,6
4,7
3,7
9,4
7,9
11,1
8,8
Hannut
3,8
5,6
3,2
5,7
9,8
8,8
9,9
7,9
Huy
5,5
7,2
5,9
6,4
12,0
10,6
12,6
11,8
Nandrin
5,8
7,8
5,5
6,5
14,7
13,4
13,3
12,8
Verlaine
4,8
7,1
4,5
4,9
11,3
9,6
11,3
10,8
Waremme
4,3
6,3
3,7
3,4
11,5
8,2
10,3
8,1
151
Arrondissement de Liège
1981
1984
1985
1987
1989
1991 1994 1995
LIEGE
6,7
9,3
5,9
6,3
16,7
12,3
12,5
11,2
Aywaille
7,5
9,8
6,2
7,3
17,8
13,7
14,1
12,4
Bassenge
5,8
8,2
5,1
5,3
14,1
10,2
11,1
9,5
Dalhem
5,3
6,8
5,4
5,2
14,9
10,7
11,3
9,1
Fléron
6,6
8,1
5,2
5,6
15,7
10,5
11,8
10,0
Grâce-Hollogne
5,7
8,8
5,1
5,6
15,2
11,7
11,9
10,6
Herstal
6,6
9,6
6,1
6,3
15,4
10,3
10,1
9,1
Liège
7,4
10,1
6,6
7,1
18,2
13,9
14,1
13,0
Saint-Nicolas
6,3
8,5
5,1
5,6
17,2
11,7
11,2
9,6
Seraing
6,4
10,6
6,9
6,6
17,2
13,2
12,1
11,5
Arrondissement de Verviers
1981
1984
VERVIERS
5,9
10,0
5,3
5,9
17,2
13,7
8,4
11,4
Aubel
5,2
8,6
5,0
5,9
11,9
10,4
12,1
10,5
Dison
6,1
8,6
4,4
4,1
13,0
8,7
7,8
7,7
Eupen
5,2
15,4
7,7
9,2
22,9
23,4
15,6
17,8
Herve
5,5
7,3
3,5
4,2
13,8
9,2
10,5
10,1
Limbourg
6,1
9,2
5,0
5,5
15,3
11,5
13,5
12,9
Malmédy
5,3
9,2
4,2
4,9
18,5
11,2
11,6
8,6
Saint-Vith
2,4
11,8
5,9
7,1
20,5
21,9
14,1
12,0
Spa
7,4
8,9
5,4
5,1
16,7
11,5
12,2
10,3
Stavelot
5,4
6,5
4,2
5,9
15,7
10,8
12,4
9,9
Verviers
7,4
9,9
5,3
5,3
16,9
11,5
10,4
10,2
1981
ARLON-MARCHE BASTOGNE
1985 1987
1984 1985
1989 1991 1994 1995
1987 1989 1991 1994 1995
6,5
7,3
4,8
6,3
13,9
12,3
13,0
9,8
10,3
10,4
6,8
9,5
19,4
17,8
17,4
10,4
Bastogne
3,8
3,9
2,7
3,7
8,9
9,1
8,7
7,9
Durbuy
4,6
6,9
4,2
5,4
12,7
12,2
12,4
11,1
Erezée
4,5
6,4
4,0
4,9
10,2
8,6
10,8
8,7
Fauvillers
5,6
5,1
3,9
5,7
11,3
11,5
13,3
7,9
Houffalize
3,0
4,3
2,2
3,3
8,7
7,5
7,9
6,9
La Roche-en-Ardenne
4,9
5,7
3,3
5,1
11,1
9,1
10,9
9,4
Marche-en-Famenne
7,4
7,9
4,9
5,2
13,3
9,7
12,3
10,4
Messancy
7,5
10,3
6,1
8,9
18,6
16,3
16,2
10,8
Nassogne
7,6
6,2
5,0
4,6
11,0
11,2
13,6
13,2
Sainte-Ode
3,6
2,8
2,8
3,5
8,2
7,4
9,1
6,2
Vielsam
3,9
5,8
4,7
5,0
12,2
10,9
11,6
9,6
Arlon
152
Arrondissement de Neufchâteau-Virton
1981
1984
1985
1987
1989
1991 1994 1995
NEUFCHATEAU-VIRTON
5,5
7,0
4,8
5,5
13,0
10,6
11,7
8,6
Bouillon
5,3
5,6
4,8
4,3
11,9
7,2
9,6
6,8
Etalle
5,3
9,0
4,1
5,6
13,7
10,7
12,7
10,5
Florenville
6,0
7,0
4,9
5,5
13,4
11,2
12,6
8,3
Neufchâteau
5,7
6,2
4,9
5,7
12,1
9,4
11,4
7,6
Paliseul
6,3
7,4
4,5
4,6
13,4
7,9
10,6
8,2
Saing-Hubert
4,9
5,7
5,4
4,8
9,9
8,5
10,3
8,9
Virton
5,8
7,6
5,2
6,7
16,0
15,5
13,6
9,2
Wellin
4,3
5,4
4,9
5,4
9,3
10,0
9,7
8,2
Arrondissement de Dinant-Philippeville
1981
1984 1985
1987 1989 1991 1994 1995
DINANT-PHILIPEVILLE
5,6
7,5
5,4
5,5
12,2
11,5
11,4
10,1
Beauraing
5,2
6,9
5,3
6,0
9,6
11,7
10,4
7,4
Ciney
6,3
8,2
4,6
5,2
12,0
10,7
14,3
11,5
Couvin
5,1
7,1
6,0
4,7
11,3
9,0
8,6
7,6
Dinant
5,2
8,7
5,2
5,5
14,5
12,3
12,9
8,5
Florennes
5,1
7,3
4,7
4,9
11,1
9,8
9,5
8,3
Gedinne
4,5
5,8
4,0
4,3
8,0
8,3
9,5
7,4
Philippeville
5,0
5,7
4,5
4,4
10,3
10,1
8,9
7,5
Rochefort
7,0
6,6
7,5
8,1
13,0
14,8
13,5
10,1
Walcourt
7,0
8,3
7,0
7,2
15,9
16,2
12,6
12,4
1981
1984
1985
1987
1989
1991 1994 1995
NAMUR
7,9
11,7
8,0
8,7
18,1
15,2
14,5
12,7
Andenne
7,2
8,9
6,4
7,3
13,6
13,5
12,7
10,2
Eghezée
6,7
10,0
6,3
6,9
15,1
12,6
13,6
9,9
Fosses-la-Ville
5,9
11,0
7,1
8,1
16,8
13,6
13,8
11,0
Gembloux sur-Orneau
6,5
10,1
7,5
7,4
15,9
14,0
11,9
11,1
Namur
9,8
14,2
9,4
10,4
22,0
17,6
18,0
15,6
L'électorat d'Ecolo
Que peut-on dégager des analyses électorales concernant
Ecolo ? A l'image de ce qui est observé pour d'autres partis
écologistes européens, un des discriminants fondamentaux du vote
pour Ecolo est l'âge. Au plus on est jeune, au plus on a tendance à
voter Ecolo. Inversement, plus on monte dans les catégories d'âge,
moins le vote écologiste est présent.
Les croisements réalisés par le point d'appui interuniversitaire
d'étude de l'opinion publique du vote et de l'âge en Wallonie lors de
l'élection législative de 1991 l'illustrent tout à fait. Ecolo recueille
153
ainsi 26,1% des voix parmi les jeunes de 18 à 24 ans et 23,0% parmi
les adultes âgés de 25 à 44 ans. En revanche, ils ne sont plus que
15,4% chez les 45-54 ans, 7,7% chez les 55-64 ans et 9,4% parmi les
personnes ayant 65 ans et plus.
Croisement de l'âge et du vote déclaré2
18-24
25-34
35-44
45-54
55-64
+ 65ans Total
PRL
21,5
17,2
16,3
16,3
16,0
15,6
17,1
PSC
21,7
25,7
23,6
27,9
32,6
32,3
26,7
PS
30,6
34,1
36,8
40,4
43,6
42,7
37,6
Ecolo
26,1
23,0
23,3
15,4
7,7
9,4
18,6
157
261
258
208
181
96
1 162
Personnes interrogées
Nous l'avons dit, la jeunesse de l'électorat écologiste a été
mise en évidence dans d'autres pays.
— En Allemagne, la catégorie des jeunes entre dix-huit et trentecinq ans représentait 61% des électeurs des Grünen pour les
élections au Bundestag en 1983. Ce total est même grimpé à 69%
lors des élections législatives de 1987.3 Aux élections fédérales de
1990, 66% des électeurs écologistes avaient moins de 40 ans et
25,9% étaient âgés entre 40 et 59 ans. Enfin, seuls 8,1% des
électeurs avaient 60 ans et plus.4
— Dans ses études du cas français, Guillaume Sainteny relève des
conclusions similaires : «Dès les années soixante-dix, l'électorat
écologiste se caractérise prioritairement par sa jeunesse, son très
haut niveau d'instruction, son appartenance aux couches moyennes
(et notamment aux fractions du secteur non directement
2
B. RIHOUX, «Profil, enjeux environnementaux et motivation de
vote : analyse comparée de l'électorat Ecolo avec les électorats
PRL, PSC et PS en Wallonie», in A.-P. FROGNIER, A.-M. AISH-VAN
VAERENBERGH (eds), Elections, la fêlure ? Enquête sur le
comportement électoral des Wallons et des Francophones, De
Boeck-Université, 1994, p. 100.
3
K. SCHLÜPMANN, «Verdure et nature : l'opposition «verte» en
Allemagne fédérale», L'Homme et la société, 1989, n° 91-92,
p. 112.
4
E. G. FRANKLAND and D. SCHOONMAKER, Between protest and
power. The Green Party in Germany, Westview Press, 1992, 257 p.,
p. 223.
154
productif : art, enseignement, santé, travail social, étudiants,...)
et ses revenus, également moyens, voire aisés.»5
Sociographie comparée et évolution des caractéristiques
de l'électorat écologiste en France
Hommes
femmes
18
25
35
50
65
à 24 ans
à 34 ans
à 49 ans
à 64 ans
ans et plus
Européennes 1989 législatives 1978
49
48
51
42
15
31
29
17
8
27
25
25
15
7
Agriculteur
Artisan, commerçant, industriel
Cadre, profession intellectuelle
Profession intermédiaire
Employé
Ouvrier
inactif, retraité
2
4
8
18
18
10
37
4
5
12
21
12
9
38
Primaire
Secondaire
Technique ou commercial
Supérieur
22
23
21
34
14
22
30
34
Moins de 3 000f
De 3 001 à 5 000
De 5 001 à 7 500
De 7 501 à 10 000
De 10 001 à 15 000
De 15 001 à 20 000
Plus de 20 000
Sans réponse
6
8
19
19
22
9
9
8
Catholique pratiquant régulier
Catholique pratiquant occasionnel
Catholique non pratiquant
Autre religion
Sans religion
7
14
56
3
20
Outre sa jeunesse, l'électorat d'Ecolo se caractérise également
par une sensibilité relative aux questions de l'environnement
5
G. SAINTENY, Les verts, Presses universitaires de France, 1992, 126
p., p. 82.
155
nettement plus forte que dans l'électorat des autres partis. C'est
très marquant à l'examen de la question des cinq domaines
politiques les plus importants. Dans l'électorat d'Ecolo, 67,6% des
sondés pointent l'environnement, pour 29,9% parmi les électeurs
socialistes, 29,7% parmi les électeurs du PSC et 33,3% dans
l'électorat libéral.
L'environnement cité parmi les cinq domaines
politiques les plus importants6
Vote déclaré
PS
PSC
PRL
Ecolo
NON
OUI
70,1
70,3
66,7
32,4
29,9
29,7
33,3
67,6
L'électorat d'Ecolo traverse-t-il statistiquement les trois
clivages historiques (laïc-clérical, bourgeois-prolétaire, flamandfrancophone) de la vie politique belge ? Telle est, en tout cas,
l'hypothèse retenue par André-Paul Frognier dans ses conclusions
sur l'électorat d'Ecolo en Wallonie : «Au terme de cette analyse des
positions sociales, on est frappé par la position particulière des
électeurs d'Ecolo : en ce qui concerne l'âge et le statut éducatif et
social, ils sont plus proches de l'électorat PRL ; en termes de
croyance, ils sont plus proches de l'électorat du PS ; pour
l'affiliation socio-professionnelle, ils se rapprochent de l'électorat
du PSC ! En ce sens, cet électorat apparaît «marginal», ou plutôt
«transversal» par rapport aux alignements traditionnels de la
politique belge.»7
Le rapport aux classes et catégories sociales est aussi
spécifique. Lors de l'élection législative de 1991, la pénétration
dans l'électorat ouvrier est proportionnellement faible. En
revanche, il y a une sur-représentation des salariés du secteur
public et également des chômeurs8 :
6
B. RIHOUX, «Profil, enjeux environnementaux et motivation de
vote : analyse comparée de l'électorat Ecolo avec les électorats
PRL, PSC et PS en Wallonie», in A.-P. FROGNIER, A.-M. AISH-VAN
VAERENBERGH (eds), op. cit., p. 110.
7
A.-P. FROGNIER, «Vote, positions sociales, attitudes et opinions en
Wallonie», in A.-P. FROGNIER, A.-M. AISH-VAN VAERENBERGH (eds),
op. cit., p. 41.
8
A.-P. FROGNIER, «Groupes et comportements électoraux : vote
écologiste et vote d'extrême droite», in F. BALACE, G.BRAIVE, A.
COLIGNON, M. CORNWAY, A.-P. FROGNIER, J. GERARD-LIBOIS,
J GOTOVITCH, C. JAVEAU, X. MABILLE, R. REZSOHAZY, De l'avant à
156
Positionnement social des électeurs d'Ecolo
Classes sociales (Autopositionnement)
Classe ouvrière
Classes moyennes inférieure
Classes moyennes supérieures
Classes supérieures
Ne sait pas
Catégories socio-professionnelles
Salariés du secteur privé
Salariés du secteur public
Indépendants
Pensionnés
Hommes et femmes au foyer
Chômeurs
Etudiants
Autres
19,6
31,2
35,7
2,5
11,0
28,0
22,1
6,3
11,2
8,1
11,2
10,9
2,2
Au-delà de l'analyse statistique, le département d'études de
marché et de l'opinion a publié en 1990 une autre approche de
l'analyse de l'électorat écologiste sur la base d'interviews9 d'une
centaine d'électeurs10 d'Ecolo.11 Un des apports essentiels de
l'étude est de faire ressortir les points communs et mais aussi
dissemblables des différentes catégories d'électeurs d'Ecolo.
l'après-guerre, L'extrême droite en Belgique francophone, De Boeck
Université — Pol-His, 1994, 255 p., p. 231.
9
Trente entretiens ont été effectués en profondeur et il y a eu
septante enquêtes semi-qualitatives.
10
Le profil socio-démographique des électeurs sélectionnés est le
suivant.
Hommes
Femmes
Classe supérieure
Classe moyenne
Classe inférieure
Bruxelles
Brabant wallon
Hainaut
Namur
Liège
Luxembourg
11
50
50
35
45
15
20
10
30
10
25
5
18-24 ans
25-34 ans
35-44 ans
45-54 ans
55 ans et plus
20
30
30
10
10
Il s'agit d'électeurs qui ont voté Ecolo soit à l'occasion des élections
législatives de 1987, soit à l'occasion des élections européennes de
1994.
157
En termes de ressemblances, on note d'abord, dans le rapport
aux trois principaux partis de l'échiquier politique — PS, PRL et
PSC — que l'ensemble des électeurs écologistes apparaîtraient
comme des «mécontents.» Soulignons toutefois que la forme et
l'objet du mécontentement diffèrent suivant les catégories
électorales.12
A l'analyse des différences, les auteurs relèvent trois formes
de vote en faveur d'Ecolo : le vote inconditionnel, le vote
conditionnel et le vote accidentel.
— Dans le «vote inconditionnel», les électeurs donnent leur
suffrage à Ecolo quelque soient l'enjeu de l'élection, les axes
programmatiques mis en avant par le parti ou le type d'élections
(communale, législative, régionale ou européenne).
— Dans le cas de figure d'un «vote conditionnel», les électeurs
votent pour Ecolo en fonction de l'élection ou encore de
composantes programmatiques spécifiques mises en avant par
Ecolo à un moment particulier.
— Enfin, en ce qui concerne le «vote accidentel», il s'agirait en
quelque sorte d'un vote par défaut, d'un vote pour Ecolo en raison
de l'absence d'une liste ou en raison de l'absence d'un soutien dans
les partis «classiques» à une problématique déterminée.13
A partir de cette classification, cinq profils d'électeurs sont
envisagés : le type «non impliqué», le type catalisateur, le type
protectionniste, le type militant et le type extrémiste.
— Dans le type «non impliqué.» Il s'agit avant tout d'électeurs
occasionnels d'Ecolo. C'est-à-dire de personnes exprimant un vote
écologiste lors d'élections à faibles enjeux. En particulier lors du
scrutin européen, où Ecolo réalise toujours des performances
supérieures à la moyenne. Ces électeurs sont plus politisés que la
moyenne et se recrutent dans les catégories socio-culturelles
supérieures. Aussi ne faut-il pas se méprendre sur la caractérisation
«non impliqué.» L'implication faible concerne le rapport à Ecolo,
mais pas le rapport à la politique qui est au contraire en général
élevée.
12
Mode explicatif des comportements de vote — ECOLO, Département
d'études de marché et d'opinion, février 1991, p. 21.
13
Ibid., p. 46.
158
— Le type catalyseur. Dans cette catégorie, les électeurs
assigneraient à Ecolo la fonction première de «dynamiser la scène
politique, (de) secouer les partis politiques traditionnels et (de) les
empêcher de «ronronner».»14 Ces électeurs votent moins en raison
du
type
d'élection
qu'en
fonction
des
composantes
programmatiques.
— Le type protectionniste. Ce type concernerait au premier chef
des électeurs centrés sur la protection de l'environnement et
rassérénés par la présence d'une formation qui place au centre de
ses orientations cette problématique.
— Le type militant. L'élément dominant de cette catégorie
d'électeurs vise les dimensions sociales du programme et de la
stratégie d'Ecolo. Se situant à gauche de l'échiquier politique, ils
épousent les caractéristiques dominantes de l'électorat Ecolo :
beaucoup de femmes et de jeunes.
— Le type extrémiste rassemble les électeurs du vote accidentel.
Selon les auteurs de l'étude, «son profil est très spécifique :
essentiellement masculin, très jeune et en localisation urbaine.»15
Ecolo, le pouvoir et les alliances
Nous l'avons déjà observé, la question des rapports au pouvoir
a de tous temps été une question difficile à traiter au sein d'Ecolo
même si à plusieurs reprises, l'idée qu'Ecolo avait pour ambition
d'exercer le pouvoir a été répétée. Récemment, la vocation au
pourvoir, en tant que formation politique, a été rappelée lors de
l'assemblée générale de Huy-Burdinne en janvier 1994.
Dans la mesure où l'hypothèse théorique d'une participation
seule au pouvoir n'est pas envisagée, se pose dès lors la question
des alliances éventuelles et des partenaires hypothétiques.
D'emblée, l'absence de partenaires privilégiés est soulignée.
Toutefois, pour de nombreux adhérents, le PS est souvent vécu et
pensé comme l'allié prioritaire. Dès janvier 1982, José Daras
s'interroge franchement sur cette problématique : «Le problème
d'une majorité progressiste en Wallonie nous interpelle
continuellement. (...) Nous ne souhaitons pas devenir le fourgon à
bagages de l'union de la gauche wallonne. (...) Mais dans certains
combats, c'est sur le terrain que la rencontre se fera et alors, qui
14
Ibid., p. 57.
15
Ibid., p. 68.
159
sait, peut-être demain une union des progressistes et des
écologistes ?»16 Et la première participation au pouvoir
significative, la majorité communale à Liège en 1982, associe
écologistes, socialistes, Rassemblement wallon et rassemblement
populaire wallon.
Pourtant dans la foulée du «ni gauche, ni droite», les
dirigeants d'Ecolo rappellent à l'envie qu'il n'y pas de partis
privilégiés pour la confection d'éventuelles alliances. C'est à ce
titre qu'a, par exemple, été négocié l'éventuel soutien de
l'extérieur à une majorité régionale wallonne sociale-chrétiennesocialiste en 1986. Mais nous avons vu les déchirements que cela a
occasionnés.
Le mot d'ordre reste pourtant identique. Si Michel Somville et
Pierre Jonckheer avaient soulevé cette problématique dans leur
rapport (voir supra), l'actuelle équipe du secrétariat fédéral
(Isabelle Durant, Danny Josse et Jacky Morael) l’a clairement
rappelé dans son programme : «Ecolo n'a ni partenaires ni
adversaires privilégiés (sauf l'extrême droite).»17
Les expériences d'exercice du pouvoir au niveau communal
ont soulevé plusieurs accrocs au sein d'Ecolo. Les complications
relevées sont généralement de deux ordres :
— un rapport plus lâche avec la locale, notamment dans le temps
qui lui est «consacré» ;
— surtout, un problème sur les orientations politiques de la
majorité communale et sur les compromis passés.
Les difficultés et les crises ont été ainsi nombreuses dans les
communes où Ecolo est ou était partie prenante à la majorité
communale. Durant les premières années, c'est surtout la situation
liégeoise qui a focalisé l'attention et plusieurs réserves. Par la
suite, l'exemple de Bruxelles-ville sera aussi un révélateur. En
1988, Ecolo forme une coalition communale avec le PS, le PSC, le
CVP, la Volksunie et l'élu de la liste BON. Michel Van Roye, tête de
liste Ecolo, devient échevin. Rapidement les rapports avec les
autres conseillers communaux deviennent difficiles. Au bout du
compte, Olivier Paye démissionnera de son mandat de conseiller
communal en décembre 1990 en raison de ses désaccords
persistants avec Michel Van Roye.18 Cet exemple n'est pas isolé. Il y
16
Cité par P. MAHOUX et J. MODEN, op. cit., p. 36.
17
Ecolo info, n° 6, avril 1994, p. 27.
18
La Libre Belgique, 22 décembre 1990.
160
a eu d'autres problèmes dans les locales où Ecolo avait des
échevins.19 De leur point de vue, le problème est souvent délicat.
Effectuer convenablement leur travail demande beaucoup du
temps. Objectivement, ils sont donc moins disponibles pour
expliquer et discuter leurs choix auprès des membres de la locale.
On peut d'ailleurs noter des difficultés similaires en France. MarieChristine Blandin, présidente de la région Nord-Pas-de-Calais
(alliance Verts, parti socialiste et parti communiste), est souvent
interpellée en la matière. De fait, la dynamique est complexe. «Les
militants nous accusent de ne pas communiquer, de ne pas rendre
des comptes, alors que vraiment on fait ce qu'on peut mais c'est
presque une question technique, il faut quelqu'un pour
communiquer, il faut une grille, des méthodes et on est bouffé. On
est trop peu dans cette institution pour tenir vraiment tout ce
qu'on veut tenir. On fonce partout et on oublie un peu la base
militante» reconnaît un élu de la région Nord-Pas-de-Calais.20
19
Cette question fut notamment débattue lors de l'Assemblée fédérale
d'Ecolo du 11 septembre 1994 de Namur, juste avant les élections
communales.
20
D. BOY, V. J. LE SEIGNEUR, A. ROCHE, op. cit., p. 225.
161
Chapitre 6
L'évolution des principaux axes
programmatiques d'Ecolo
162
163
La lutte contre le productivisme
La remise en cause du productivisme et du «mythe de la
croissance» est un des traits d'identité les plus marquants de
l'écologie politique. Il était donc logique de retrouver la
dénonciation du productivisme comme un axe majeur d'Ecolo : «Le
productivisme économique (produire toujours plus, toujours plus
vite, toujours moins cher) conduit à une catastrophe écologique : il
épuise toutes les ressources disponibles, pollue notre milieu, crée
des montagnes de déchets de plus en plus difficiles à gérer,
nécessite des techniques lourdes, peu démocratiques, voire non
maîtrisables, comme le nucléaire.»1 La condamnation du
productivisme dans le système capitaliste et dans les anciens
régimes socialistes a été une constante des verts.
Faire de la politique autrement
Redynamiser la «société civile»2 est l'un des objectifs
essentiels que s'est fixés Ecolo. En particulier face à la «légitimité
incontestée de figures paternelles et rassurantes régnant sur un
corps social infantilisé et déresponsabilisé»3 : les dirigeants
politiques, syndicaux et patronaux. Ouvrir l'espace public a
toujours été une volonté forte des écologistes. Dès sa création,
1
Découverte, décembre 1994, p. 12.
2
En 1994, José Daras assimilait étrangement le concept de «société
civile» à celui de «majorité silencieuse» : «On l'a appelée majorité
silencieuse. Quand on la méprise on dit «l'opinion publique» ;
poliment, c'est la «société civile», celle qui n'est ni l'Etat, ni
l'entreprise, dont la logique n'est ni celle du profit, ni celle du
pouvoir, mais simplement de la vie, de la meilleure vie possible, du
bien-être. Celle au service de ce qui sont (devraient être ?)
l'entreprise et l'Etat.» Si ces trois concepts sont abordés dans les
sciences humaines, soulignons qu'ils sont rarement assimilés et,
qu'en outre, nombre d'auteurs remettent leur pertinence — comme
catégories de l'analyse — en question.
J. DARAS, «Le grand chantier», in J. DARAS, J. GEYSELS, H. SIMONS,
M. VOGELS, op. cit., pp. 24-25.
3
J. MORAEL, «De L'Etat-providence à l'économie cannibale», in J.
DARAS, J. GEYSELS, H. SIMONS, M. VOGELS, op. cit., p. 247.
164
Ecolo a mis en avant le principe de l'instauration du référendum
d'initiative populaire et l'établissement, au sein des conseils
communaux, de droits d'interpellation des citoyens — inscrits dans
les lois communales.
En effet, le référendum apparaît comme un des instruments
de «politisation» des débats sociétaux et de vitalisation de la
démocratie représentative : «L'introduction de procédures
référendaires pourrait redonner de la vigueur à l'exercice du
suffrage, dynamiser notre système proportionnel, créer des centres
communs d'intérêt, des thèmes communs de discussion, redonner à
la politique un goût qu'elle a perdu et aux électeurs le sens de leurs
responsabilités.»4
Dans la pratique, Ecolo a aussi découvert les limites de
certaines de ses propositions en la matière et, parfois, la difficulté
de les prôner. Ainsi, le droit d'interpellation a été introduit dans
plusieurs conseils communaux — notamment ceux où Ecolo
participe à la majorité communale —, mais son usage a été
extrêmement limité. De même, l'hypothèse de l'organisation d'un
référendum a été avancée lors de la négociation sur la réforme de
l’Etat (1992-1993).
L’hypothèse de consultation de la population sur les résultats
des discussions constitutionnelles fut — timidement — soulevée par
Ecolo, mais sans être véritablement défendue devant les
partenaires socialistes et sociaux-chrétiens. Nous avons déjà
observé les problèmes internes soulevés par l'attitude d'Ecolo en la
circonstance. Sans éluder le problème de technique référendaire
délicat dans le cas de la Belgique, Jacques Bauduin estime qu'en la
circonstance, une occasion fut perdue pour les écologistes
«d'apparaître comme les défenseurs d'une conception exigeante de
la démocratie et le mauvais procès qui leur fut fait d'avoir échangé
la réforme de l'Etat contre les taxes sur des bouteilles en plastique
eut été moins aisé à surmonter.»5
Néanmoins, Ecolo a débattu de cette problématique à
l’époque. Il a affiné ses positions. Lors d'un conseil de fédération
extraordinaire, le 6 février 1993, qui faisait suite à une demande
de l'assemblée générale, Ecolo s’est positionné sur cette
problématique en votant sur six questions distinctes6 :
4
J. BAUDUIN, «Vous avez dit post-libéral ?» in J. DARAS, J. GEYSELS,
H. SIMONS, M. VOGELS, op. cit., p. 117.
5
Ibid., pp. 92-93.
6
Ecolo info, n° 1, février 1993.
165
1 Dans le cadre des accords de la Saint-Michel, Ecolo veut-il que la
population se prononce par consultation populaire ?
— 16 oui, 10 non et 9 abstentions.
2 La question doit-elle porter sur l'article 1 de la Constitution en
rappelant son contenu ?
— 25 oui, 0 non et 9 abstentions.
3 Au-delà des accords de la Saint-Michel, Ecolo se prononce-t-il
pour le principe du référendum d'initiative populaire aux niveaux
provincial, régional, communautaire et fédéral ?
— 29 oui, 0 non et 6 abstentions.
4 Le référendum peut-il être abrogatif et constructif ?
— 22 oui, 14 non et 1 abstention.
5 La participation est-elle obligatoire ?
— 29 oui, 4 non et 1 abstention.
6 Faut-il exclure certaines matières des référendums ?
a les matières éthiques
— 6 oui, 22 non et 6 abstentions.
b les droits de l'homme
— 30 oui, 0 non et 3 abstentions.
c les matières fiscales
— 26 oui, 4 non et 3 abstentions.
Les problèmes relatifs aux droits de l'homme et les questions
relatives à la fiscalité sont ainsi exclus du champ référendaire pour
éviter toute démagogie qui «risquerait de faire des ravages.»7 Plus
étrange est la demande de vote obligatoire en cas d’initiative
référendaire. Celle-ci atténue le caractère participatif dans la
mesure où il ne s’agirait plus d’une démarche volontaire.
D’un point de vue interne, faire de la politique autrement a
surtout consisté pour Ecolo à tenter de pratiquer le «fédéralisme
intégral» en son sein. C'est-à-dire principalement l'application
d'une décentralisation aussi poussée que possible dans la prise de
décision. En outre, comme nous l’avons vu, chaque adhérent a la
possibilité de prendre part aux assemblées générales, qui fixent la
ligne de conduite politique du mouvement (voir supra).
7
Vos questions à Jacky Morael, La Libre Belgique, 8 mai 1995.
166
L'économie au service de la société
Une des critiques fondamentales d'Ecolo à l'encontre des trois
principales familles politiques en Belgique — socialiste, socialechrétienne et libérale — est la soumission des choix politiques à
l'économie de marché. Ce qui entraîne et constitue un abandon des
pouvoirs politiques au détriment des orientations économiques et
financières dominantes : le marché à tout va. Pour les écologistes,
il s'agit au contraire de «remettre l'économie à sa place ; en
soumettant l'économie au politique» et en se fixant comme
objectif «d’orienter l'activité économique vers la production de
bien-être et de partager équitablement celui-ci.»8
Pour Ecolo, dans le cadre des budgets ajustants, il convient
aussi de modifier les choix et les investissements publics : «En
privilégiant les investissements légers et décentralisés en
transports publics, en utilisation rationnelle de l'énergie, en
rénovation du logement et en valorisation des ressources
renouvelables (dont les effets sont positifs sur la création
d'emplois), on va lentement mais sûrement vers une diminution des
charges financières des pouvoirs publics et des particuliers.»9
En matière d'aide aux investissements privés, Ecolo prône un
soutien prioritaire à huit créneaux :
— la reconversion à l'agro-biologie ;
— l'initiative en matière de diversification dans les cultures ;
— la reconversion de l'industrie d'armement ;
— la rénovation de l'habitat ;
— les technologies propres et peu «énergivores» ;
— la filière du bois ;
— le recyclage ;
— les technologies de l'information.
Dans son programme pour les élections législatives de 1995,
Ecolo approfondit cette logique de revalorisation des services
publics en l'assortissant d'une nécessité de révision profonde de la
logique sous-tendant les décisions politiques et économiques. En
particulier le modèle sur lequel se fonde ces choix, à savoir le
triangle «compétitivité-libéralisation-privatisation.» Mais une
révision importante est également nécessaire à l'échelle de
8
PH. DEFEYT, «Le temps de vivre : une sorte de crise basée sur
l'aménagement et la réduction du temps de travail» in J. DARAS, J.
GEYSELS, H. SIMONS, M. VOGELS, op. cit., p. 15.
9
Ecolo, Elections législatives de 1991. Le programme d'Ecolo, p. 16.
167
l'ensemble des administrations dont une tâche devrait viser à
«mieux assurer (leur) mission d'intérêt général.»10
Le temps de travail
La remise en cause du «travail», de la valeur «travail» est au
cœur de l'écologie politique. Très tôt, André Gorz pointe cet
élément déterminant et capital de la pensée écologiste : «Le
travail n'est plus le principal ciment social, ni le principal facteur
de socialisation, ni l'occupation principale de chacun, ni la
principale source de richesse et de bien-être, ni le sens et le
centre de nos vies.»11
«Le temps — son utilisation, son contenu et sa disponibilité —
semble donc bien être au cœur des processus de crise» 12. Si la
question du travail est au centre de la crise de société, selon les
écologistes, elle est également au cœur du programme des verts
depuis leur naissance. Pour Ecolo comme pour les autres formations
écologistes européennes, la primauté du travail dans la société doit
être remise en cause. Le rejet de cette prédominance est à
rattacher à la mise en cause du productivisme. En 1984, Ecolo
proposa même de substituer en termes d'objectifs le BRN (bien-être
régional net) au PNB (produit national brut).13
Le progrès est parfois assimilé au cheminement de tout ce qui
est du ressort du non-matériel : «Il s'agit de mettre en valeur les
rapports de réciprocité, les facultés de création, de tendresse,
d'amour de la vie, d'œuvrer à la libération de la sensibilité et de
10
Ecolo, Elections législatives de 1995. Il n'y a pas de fatalité. Ecolo
présente ses objectifs et les moyens d'y parvenir, 26 avril 1995, p.
12.
11
A. GORZ, Capitalisme, socialisme, écologie. Désorientations,
orientations, Galilée, 1991, 234 p., p. 52.
12
PH. DEFEYT, «Le temps de vivre : une sorte de crise basée sur
l'aménagement et la réduction du temps de travail» in J. DARAS, J.
GEYSELS, H. SIMONS, M. VOGELS, op. cit., p. 13.
13
«A la conception étroitement matérialiste de la vie véhiculée par
l'ensemble des forces politiques traditionnelles et qui se traduit par
le culte du PNB et du pouvoir d'achat, les écologistes substituent
une conception holistique où sont valorisées les composantes
spirituelles et qualitatives. L'objectif n'est plus d'accroître le PNB
mais le BRN (Bien-être régional net) ; le pouvoir de vivre remplace
le pouvoir d'achat comme priorité de pensée.»
Ecolo, Pour la mutation écologiste, 1er mai 1984, p. 9.
168
l'émotion, de rendre son équilibre à la société en réhabilitant
toutes les valeurs traditionnelles qualifiées de féminisme» soutient
ainsi Paul Lannoye quelques jours avant l'élection d'octobre 1985.14
La remise en cause de l'importance du travail sera effectuée à
travers la proposition d'allocation universelle. Son principe est
discuté à la suite de la publication d'une première suggestion du
philosophe Philippe Van Parijs dans Ecolo-infos de février 1983. Il
relève cinq avantages essentiels au principe d'une allocation
universelle :
— l'éclatement du statut du chômeur ;
— la promotion importante de ce qu'il appelle «l'emploi
alternatif» ;
— la réalisation d'une technique douce de partage du travail ;
— une revalorisation du travail domestique ;
— enfin, une protection du travailleur, compatible avec une
détermination équitable des différences de salaire.
Quatre difficultés sont néanmoins aussi mises en exergue :
— la question de savoir si les non-Belges pourraient y accéder. Dans
l'affirmative, la Belgique encourrait une immigration massive
risquant de mettre fin à l'expérience ;
— le fait que l'allocation soit indiscriminante. En ce, elle ignorerait
les besoins. Tout le monde y aurait automatiquement droit ;
— le danger d'une allocation suboptimale des ressources au facteur
travail : «En raison de son impact présumé sur le niveau des
salaires, l'allocation universelle ne revient-elle pas à subsidier
systématiquement le facteur travail avec tout ce que cela implique
comme distorsions dommageables du point de vue d'une allocation
optimale des ressources»15 ;
— enfin, le risque d'un encouragement à la paresse.
Deux années plus tard, la proposition est affinée. Elle a été
discutée et amendée par un groupe constitué pour l'occasion : le
collectif Charles Fourrier.16 L'allocation universelle est alors
présentée comme une proposition révolutionnaire d'appréhension
du travail et... du non-travail. En la matière, le préambule de la
proposition est radical : «Supprimez les indemnités de chômage, les
14
P. LANNOYE, Choisir le progrès, Le Soir, 1 octobre 1985.
15
Ecolo info, n° 16, février 1983.
16
Le Collectif Charles Fourrier est composé de Paul-Marie Boulanger,
Isabelle Cassiers, Marie-Christine Closon, Philippe Defeyt, Philippe
de Villé, Laurent d'Ursel, Jean-Robert Dussart, Michel Hubert, Luc
Moens, Pierre Reman, Didier van den Hove, Béatriche,
Van Haeperen et Philippe Van Parijs.
169
pensions légales, le minimex, les allocations familiales, les
abattements et crédits d'impôts pour personnes à charge, les
bourses d'études, les cadres spéciaux temporaires et les troisièmes
circuits de travail, l'aide de l'Etat aux entreprises en difficulté. Mais
versez chaque mois à chaque citoyen une somme suffisante pour
couvrir les besoins fondamentaux d'un individu vivant seul. Versezla lui qu'il travaille ou qu'il ne travaille pas, qu'il soit pauvre ou qu'il
soit riche, qu'il habite seul, avec sa famille, en concubinage ou en
communauté, qu'il ait ou non travaillé dans le passé. Ne modulez le
montant versé qu'en fonction de l'âge et du degré (éventuel)
d'invalidité. Et financez l'ensemble par un impôt progressif sur les
autres revenus de chaque individu. Parallèlement, dérégulez le
marché du travail. Abolissez toute législation imposant un salaire
minimum ou une durée maximum de travail. Eliminez tous les
obstacles administratifs au travail à temps partiel. Abaissez l'âge
auquel prend fin la scolarité obligatoire. Supprimez l'obligation de
prendre sa retraite à un âge déterminé. Faites tout cela. Et puis
observez tout ce qui se passe (sic). Demandez-vous, en particulier,
ce qu'il advient du travail, de son contenu et de ses techniques, des
relations humaines qui l'encadrent.»17 On le voit, ce canevas
s'inscrit tout droit dans l'histoire de la pensée libérale en économie.
Les avantages annoncés restent dans la logique de ceux
suggérés en 1983 : réduction drastique des multiples démarches
administratives (Ecolo parlera ainsi de l'intérêt de l'allocation
universelle comme moyen de «diminuer le champ d'intervention de
la bureaucratie dans la vie sociale»)18, faible coût psychologique
pour les individus, fin de la notion même de chômage, valorisation
du travail à temps partiel par le «partage» de l'emploi, «choix» de
travailler ou non, réévaluation des travaux pénibles19,
redistribution du temps libre,... En revanche, les problèmes que
soulèverait l'introduction de l’allocation universelle ne sont plus
esquissés. Seule la conclusion nuance l’optimisme des rédacteurs
mais pas leur prétention : «Pas plus que le suffrage universel,
17
Collectif Charles Fourier, «L'allocation universelle», La revue
nouvelle, n° 4, avril 1985, p. 345.
18
Ecolo info, n° 50, 15 janvier 1985, p. 6.
19
En effet, selon le collectif Charles Fourier, les implications de
l'allocation universelle pour les travaux pénibles seront doubles :
«les emplois, les plus ingrats, les plus ennuyeux, les plus dangereux,
les plus pénibles, les moins enrichissants, ne peuvent plus trouver
d'occupants qu'à un salaire plus élevé (...). L'incitation est forte à
automatiser toutes les tâches ingrates qui peuvent l'être et à
améliorer la qualité de celles qui ne le peuvent pas.»
Ibid., p. 347.
170
l'allocation universelle ne constitue une panacée. Mais, comme lui,
elle constitue un acquis irréversible, qui ne nous quittera plus.»20
Philippe Van Parijs projettera d'ailleurs l'allocation universelle
comme l'élément clé d'une nouvelle utopie. L'utopie qui se
substituerait à l'utopie socialiste des XIXe et XXe siècles. Dans cette
construction, la classe sociale porteuse du projet — et donc la base
électorale d'Ecolo — serait la «classe des chômeurs» : «De même,
selon cette deuxième interprétation, le développement du
mouvement écologiste est étroitement lié à l'émergence d'une
classe et à la formulation du projet qui sont au capitalisme-Etatprovidence dans lequel nous vivons aujourd'hui en Europe
occidentale ce que la classe ouvrière et le projet socialiste ont été
au capitalisme sauvage. Mais quelle est donc cette classe sociale,
et quel est ce projet ? La classe sociale qui émerge aujourd'hui,
selon cette interprétation, ce ne sont pas les chercheurs ni les
informaticiens, ni d'autres héros de la société post-industrielle.
Mais ce sont tout simplement les chômeurs.»21
En pratique, l'hypothèse envisagée est d'octroyer une
allocation d'environ 12 000 francs pour un adulte, somme qui serait
modulée en fonction des critères d'âge et de capacité au travail.22
Au sein d'Ecolo, il existe des réserves et des réticences à cette
proposition. Il y a même quelques opposants farouches
(principalement l'aile gauche du parti). Ceux-ci présentent l'idée
d'allocation universelle comme un «gadget séduisant mais
complètement étranger à la réalité économique» et au surplus
«comme une menace pour les salaires et les conditions de
travail.»23 Son principe sera néanmoins adopté par 66 voix contre
25 et 11 abstentions lors l'Assemblée générale de Floreffe, le 12
mai 1985.
De fait, l'allocation universelle n'allait pas sans poser de
nombreux problèmes, notamment par rapport à la problématique
du partage du temps de travail disponible. Les deux propositions
20
Ibid., p. 351.
21
P. VAN PARIJS, «L'avenir des écologistes : deux interprétations», La
revue nouvelle, n° 1, janvier 1986, p. 40.
22
Ainsi à un pôle, les enfants gagneraient plus ou moins 6 000 francs
tandis qu'à l'autre pôle, les personnes âgées et les handicapés
bénéficieraient d'une allocation de l'ordre de 18 000 francs.
Ecolo info, n° 50, 15 janvier 1985.
23
Vers l'Avenir, 13 mai 1985.
171
étaient-elles compatibles ? L'allocation universelle pouvait-elle être
suffisante en soi ? Dans une carte blanche au Soir, la secrétaire
fédérale Cécile Delbascourt effleure ces questions : «Il faut
attribuer à chacun un revenu indépendant de sa situation familiale
et du fait qu'il ait ou non un emploi : une allocation universelle.
Mais il n'est pas plus acceptable de marginaliser dans le non-emploi
une part toujours plus grande de la population. Le travail
disponible doit donc être partagé. C'est seulement à cette
condition que l'allocution universelle sera autre chose qu'un
minimex amélioré.»24 Le résultat mitigé de l'élection d'octobre
1985, les doutes de plusieurs responsables et les critiques des
milieux syndicaux envers l'allocation universelle conduiront Ecolo à
faire un choix entre la réduction du temps de travail ou la
valorisation de l'allocation universelle comme axe programmatique
premier sur les questions de l'emploi et du chômage.
Après un long et sérieux débat interne, Ecolo tranche en 1986.
Le principe de l'allocation universelle cède le relais25 à celui du
trois-quarts temps, qui devient la mesure principale avancée par
les écologistes. L'allocation universelle n'est pourtant pas
abandonnée.26 Philippe Van Parijs, qui a porté et porte toujours le
débat sur cette question dans et hors Ecolo, voit même dans le
«découplage entre revenu et travail» l'axe de l'identité
discriminante des partis écologistes après la récupération des
problématiques de l'environnement par d'autres formations
24
Le Soir, 17 juin 1985.
25
En 1994, Philippe Defeyt estimait que les deux thèses coexist(ai)ent
plus ou moins harmonieusement.» En réalité, outre que le trois
quarts temps est la proposition d'actualité mise en avant par Ecolo,
l'allocation universelle suscite dans les rangs d'Ecolo beaucoup
d'interrogations, comme l'a démontré le débat qui portait sur cette
problématique aux rencontres écologiques d'état à Borzée en août
1995.
PH. DEFEYT, «L'éco-développement comme projet de société ou la
«sortie de la crise» vue par les écologistes», Critique régionale,
n° 20, p. 20.
26
Dans Confrontations, Jacky Morael y fait explicitement référence
dans la défense d'une autre logique du revenu : «Les écologistes
avancent une tout autre conception de ce droit au revenu, de cette
part de la richesse nationale. L'allocation universelle figure au
programme d'Ecolo comme une proposition «à long terme» qui doit
préserver les droits acquis et être octroyée sans condition à tout un
chacun.»
J. MORAEL, «De L'Etat-providence à l'économie cannibale» in J.
DARAS, J. GEYSELS, H. SIMONS, M. VOGELS, op. cit., p. 263.
172
politiques.27 C'est toute la promotion de ce que les écologistes
appellent la «troisième sphère», la «sphère autonome» : «Mais
parce que c'est au cœur même de la vision écologiste de
l'économie, il y a la mise en valeur d'une troisième sphère
d'activités, irréductible tant à la sphère du marché qu'à celle de
l'Etat. C'est le domaine des activités dites autonomes : la
production non rémunérée de «biens» et de «services» pour soimême, pour sa famille, pour sa communauté, qu'il s'agisse par
exemple de mettre au monde un enfant, de cultiver son potager,
d'aider sa grande tante à déménager ou de siéger au conseil
communal.»28 Néanmoins, l'allocation universelle est pensée
comme un projet à moyen et à long terme dans le programme
d'Ecolo. Et quand il arrive que les écologistes en (re)débattent,
comme ce fut le cas aux rencontres écologistes de Borzée en août
1995, les questions et les problèmes concrets soulevés par le
principe dominent largement les discussions.
La proposition du trois-quarts temps de travail constitue
maintenant l'axe central des positions d'Ecolo. Que recouvre la
proposition ?
— Une prime de six mille francs serait allouée à tout travailleur qui
passerait volontairement d'un temps plein à un trois-quarts temps.
— La perte salariale serait progressive à partir d'un revenu égal ou
supérieur à 70 000 francs bruts. Ecolo refuse le principe d'une
diminution proportionnelle du salaire à celui du temps de travail
presté. Jacky Morael dénoncera les suggestions avancées dans la
poussée de fièvre pré-électorale de 1995 : «Il se confirme en plus
27
«A mesure que le premier objectif, la défense de l'environnement,
se divulgue et se diffuse parmi tous ceux et celles qui disposent du
moindre bon sens, il perd sa capacité à fournir au mouvement
écologiste sa spécificité, sa place propre dans l'espace politique.
D'autres objectifs peuvent-ils fournir cette spécificité d'une manière
moins précaire, rassemblant ceux qui ont intérêt à sa réalisation
tout en pouvant être défendu au nom de l'équité ? J'en vois un et un
seul : précisément celui qui a été décrit tout au long de cet article
comme la promotion de la sphère autonome et le découplage entre
revenu et travail qui en est le moyen. S'il n'est pas fortuit, le lien
entre cet objectif et la problématique «verte» n'en est pas moins
circonstanciel. Trop circonstanciel pour justifier le label d'écologie
politique ?»
P. VAN PARIJS, «Impasses et promesses de l'écologie politique», La
revue nouvelle, février 1990, n° 2, p. 92.
28
Ecolo, Les élections législatives de 1991. Le programme d'Ecolo,
p. 18.
173
aujourd'hui qu'on a affaire à d'éventuelles formules de
redistribution du temps de travail qui sont complètement
cadenassées et qui obligent ceux qui en seraient partisans à
accepter des réductions proportionnelles du salaire. Ce qui est
évidemment pour nous inacceptable, on a toujours privilégié des
formules volontaires de réduction du temps de travail, mais avec
des correctifs salariaux.»29
— L'employeur obtiendrait une réduction de trois mille francs de
cotisations patronales par travailleurs qui passe aux trois-quarts
temps.
— L'embauche compensatoire d'une unité serait obligatoire dès lors
que trois travailleurs auraient choisi le trois-quarts temps.
Pour éviter des démarches perverses, Ecolo assortit sa
proposition de garde-fou. Un travailleur passé aux trois-quarts
temps qui serait licencié verrait son allocation de chômage
calculée sur la base de son salaire brut antérieur.
Selon les écologistes, le coût du passage optionnel au troisquarts temps de travail est marginal et sans risque. Si la formule ne
fonctionne pas, son prix est nul. Dans le cas contraire, la mesure
s’élèverait, en moyenne, à deux cent cinquante mille francs par
travailleur et par an, somme à mettre en perspective par rapport
au coût du chômage en Belgique.
Un des problèmes de la mesure et de la position écologiste est
sans peut-être le caractère «volontaire» escompté des travailleurs.
C'est cet aspect volontaire qui créerait d'ailleurs l'effet
dynamique : «L'essentiel d'ailleurs, du point de vue des écologistes,
n'est pas de recueillir une adhésion même majoritaire ; il suffit
qu'il y ait un nombre suffisant de «volontaires» pour enclencher
une dynamique.»30 Mais le volontariat est-il effectivement
possible ? Ne risque-t-on pas d'assister à une multiplication de
démarches «volontaires» en réalité contraintes, notamment dans le
chef du personnel féminin ? N'y a-t-il pas, en l'espèce, sousestimation, de la dimension conflictuelle — et donc de tous les
rapports de force afférents — de la société ?
Dans la logique de l'opposition au productivisme, (re)créer de
l’emploi ne passe pas, pour les écologistes, par le «dogme de la
croissance.» Outre une réorientation des choix politiques et
29
Le Soir, 8 février 1995.
30
PH. DEFEYT, «Le temps de vivre : une sorte de crise basée sur
l'aménagement et la réduction du temps de travail» in J. DARAS, J.
GEYSELS, H. SIMONS, M. VOGELS, op. cit., p. 25.
174
budgétaires, Ecolo préconise aujourd'hui une «réduction sélective
des cotisations sociales, en fonction de la nature des activités»,
notamment dans les secteurs qui ont une forte intensité de travail
(la construction en particulier) et dans le domaine de l'activité aux
personnes 31. Ecolo se prononce aussi pour un élargissement de la
diminution des cotisations patronales qui serait compensé par une
taxe sur les énergies renouvelables.
Ecolo prône également l'extension de la formule de
l'interruption de carrière, la généralisation du droit au congé
sabbatique32, le développement d'une formule de congé parental.
Une autre piste écologiste pour stimuler l'emploi sans pénaliser
l'initiative est de garantir aux personnes s'engageant dans un travail
indépendant ou de coopérative de pouvoir, en cas d'échec,
conserver le droit aux allocations de chômage.
La défense des catégories sociales les plus défavorisées
Si à l'origine, les préoccupations d'Ecolo visaient
principalement les questions environnementales et à vitaliser la
démocratie — sans jamais être exclusives —, les verts francophones
ont de plus en plus intégré dans leur discours, leur programme et
leur problématique une attention forte aux dimensions sociales.
Notamment à l'égard du monde très large des «sans emplois» :
chômeurs, minimexés, sans domicile fixe,... Cette combinaison des
questions environnementales et sociales a été exemplifiée par
Jacky Morael : «La question écologique et la question sociale n'ont
été détachées l'une de l'autre que du fait des limites de la pensée
cartésienne et analytique. On ne peut construire un paradis
écologique sur un désert social, c'est là une évidence. A-t-on
demandé aux populations d'Ukraine si elles croyaient désormais
possible de construire un paradis social sur des territoires
contaminés à long terme par l'accident de Tchernobyl ?»33
Cette intégration plus marquée des questions sociales dans le
programme et les préoccupations d'Ecolo s'est opérée dans la
deuxième moitié des années quatre-vingts. Elle a, par exemple,
31
Ibid., p. 18.
32
Sur la base qu'après six ans de carrière, le travailleur aurait le droit
de demander un congé sabbatique en recevant une indemnité de
20 000 francs par mois (indexée). Congé sabbatique qui entraîne un
remplacement à son poste par un demandeur d'emploi.
33
J. MORAEL, «Je t'aime, moi non plus... Pour un positionnement plus
clair des gauches face à leur société», Cahiers marxistes, mai 1995,
n° 198, p. 29.
175
été éloquente dans la très dure campagne que les écologistes ont
menée contre la réforme fiscale et du précompte mobilier du
gouvernement Dehaene-Moureaux.34 Elle a conduit Ecolo à lier
défense de l'environnement et lutte contre la pauvreté et
l'exclusion sociale : «Si l'économique est rétif à intégrer
spontanément dans ses choix des considérations d'environnement,
il l'est moins lorsqu'il s'agit de sécréter l'exclusion sociale.»35
Une des propositions clés des verts pour «éviter les pièges de
la pauvreté»36 est d'individualiser complètement le droit aux
prestations sociales, notamment en ce qui concerne les allocations
de chômage. Cette suggestion s'inscrit dans les réflexions qu'Ecolo a
menées sur la réforme de la sécurité sociale. En mars 1995, Ecolo a
mené un congrès commun avec son homologue flamand, Agalev, au
cours duquel les deux partis écologistes de Belgique ont dégagé un
certain nombre de points de rapprochements. Cinq résolutions37
contenant vingt et une propositions concrètes y ont été votées.
Retenons en particulier l’appel à la collaboration entre
entités fédérées et l’Etat fédéral pour influer sur la diminution des
dépenses de santé : «Agalev et Ecolo recommandent aux régions et
aux communautés, dans le cadre de leurs compétences et dans les
domaines où leur politique peut influencer les dépenses de santé,
d’ouvrir des discussions avec l’Etat fédéral et de conclure un
accord avec celui-ci, et sous le contrôle des assemblées
démocratiquement élues, accord où seraient précisés des objectifs
précis et mesurables.»38 Cette proposition n’a pas été sans susciter
des remous à un moment où des pans significatifs du monde
34
Lors de l'assemblée fédérale d'Ecolo à Louvain La Neuve d'avril
1990, Ecolo soulignait ainsi que les «revenus du travail étaient
désormais cinq fois plus taxés que les revenus de la propriété.»
La Wallonie, 1er mai 1990.
35
Ecolo, Elections législatives de 1995. Il n'y a pas de fatalité. Ecolo
présente ses objectifs et les moyens d'y parvenir, 26 avril 1995, p.
4.
36
Ibid., pp. 50-51.
37
Les thèmes des cinq résolutions sont les suivants : 1 Pour une
réforme sociale fédérale, générale et obligatoire basée sur la
solidarité ; 2 Renforcer et individualiser les droits à la protection
sociale ; 3 Rencontrer des besoins sociaux ; 4 Pour une réforme
écologique des soins de santé ; 5 Pour un refinancement
socialement plus juste et économiquement plus efficace de la
sécurité sociale.
38
Ecolo info, n° 3, avril-mai 1995, p. 10.
176
politique flamand envisagent certaines formes de fédéralisation de
la sécurité sociale. Ecolo et Agalev rappellent leur soutien à
l’individualisation des droits et préconisent une démarche
volontariste en matière de politiques de prévention. Les verts
songent en particulier à des campagnes de sensibilisation et
d’information, à des «mécanismes de remboursement incitant à la
prévention», à la lutte contre les accidents de la route, aux bonnes
conditions de travail,... En ce qui concerne la sphère de l’emploi,
outre la réduction du temps de travail, Agalev et Ecolo prônent une
réduction générale des cotisations patronales «dans les secteurs à
forte intensité de travail et où sévit le travail au noir», mesure qui
s’accompagnerait «d’une lutte déterminée contre la fraude
fiscale.»39
La défense des services publics
et de l'interventionnisme étatique
Historiquement, Ecolo et les écologistes ont été extrêmement
méfiants envers l'institution étatique. A telle enseigne que dans
leur premier canevas institutionnel, Ecolo avait purement et
simplement ignoré l'Etat national comme un des cinq niveaux de
leur structure, le présentant uniquement comme un lieu de
coordination. En 1982, Pierre Gillis et Michel Godard40 avaient
épinglé l'anti-étatisme écologiste et montré ses filiations avec la
doctrine libérale : «L’anti-étatisme des écolos a ceci de commun
avec celui de la droite que l'Etat est apprécié comme une entité
autonome, dont le développement est réglé par des mécanismes
tout à fait spécifiques.»41
Si des expressions d'anti-étatisme sont encore perceptibles
dans la littérature des écologistes, on note cependant une
inversion. Ecolo est passé à la défense de certaines prérogatives
étatiques notamment en matière économique. C'est dans ce
contexte que sont dénoncées les privatisations : «A l'heure
actuelle, «dégraisser l'Etat» signifie réduire le niveau des
allocations et des prestations sociales dont bénéfice le
citoyen. (...) La théorie du «dégraissage de l'Etat» ne peut donc
être appliquée qu'au prix d'une catastrophe écologique encore plus
39
Ibid., p. 14.
40
Tous deux candidats d'ouverture sur les listes d'Ecolo aux élections
communales de 1994.
41
P. GILLIS, M. GODARD, «Le programme Ecolo : ni à gauche, ni à
droite», Cahiers marxistes, n° 105, juin 1982, p. 16.
177
dramatique. (...) C'est pourquoi l'objectif des écologistes n'est pas
le dégraissage de l'Etat, mais celui du marché.»42
L'Europe et le monde
Fondamentalement, Ecolo a toujours remis en cause les
orientations dominantes de la Communauté européenne et des
organisations internationales économiques et financières telles le
GATT puis l’OMC, le FMI, la Banque mondiale ou l'OCDE accusées de
contribuer à l'accélération de la dégradation de l'environnement, à
la détérioration des conditions de vie et de travail dans les pays
développés et à l'asservissement des pays du tiers-monde.
Depuis plusieurs années, en matière européenne, ce sont les
«piliers» des critères de convergence du traité de Maastricht
auxquels Ecolo s'attaque.43 Durant la période de négociation du
nouveau traité, Ecolo et Agalev avaient posé des conditions quant
au calendrier de l'union économique et monétaire. En particulier,
quant à la rigueur du passage à la troisième phase de l'UEM. En
outre, les écologistes belges appelaient à la construction parallèle
de l'union économique et monétaire et d'une Europe fiscale plus
intégrée et plus juste socialement.44 Faute de réponses et de
42
J. DARAS, J. GEYSELS, H. SIMONS, M. VOGELS, «Manifeste pour une
politique écologiste», in J. DARAS, J. GEYSELS, H. SIMONS, M.
VOGELS, op. cit., pp. 132-133.
43
L'acceptation par l'Etat belge du calendrier de Maastricht est un des
exemples d'abandon du «politique» face à «l'économique» : «L'Etat
s'impose ses propres tabous. une série de contraintes qui limitent
l'espace de décision politique sont, elles aussi, le fruit de décisions
politiques. L'exemple entre tous est certainement le calendrier et
les critères de l'Union économique et monétaire «imposés» par le
traité de Maastricht. La Belgique l'a négocié et accepté alors même
qu'elle savait que, pour atteindre les bénéfices très relatifs d'une
monnaie unique, elle se condamnait à enfiler une camisole
d'austérité qui la paralyserait devant l'extension du chômage et la
montée des besoins sociaux.»
J. MORAEL, «De L'Etat-providence à l'économie cannibale» in J.
DARAS, J. GEYSELS, H. SIMONS, M. VOGELS, op. cit., p. 252.
44
Dans un communiqué commun avec Agalev, Ecolo propose la
signature du traité de l'UEM à trois conditions :
«1 Les paramètres du passage à la troisième phase de l'UEM ne
peuvent être appliqués à la lettre
2 Une définition précise du solde net à financer doit être donnée
3 Des garanties suffisantes doivent être données à la Belgique pour
que soit mis fin à toute forme de compétition fiscale.»
178
répondants au Conseil européen de Maastricht en décembre 1991,
Ecolo rejeta la philosophie du traité : «Le traité de Maastricht,
accepté et défendu par les socialistes et les démocrates-chrétiens,
est la reconnaissance définitive de ce fait accompli. Ce traité fait
de l'économie de marché d'inspiration libérale, la base de toute
action politique : on ne peut la contester, ni même la discuter.»45
En juillet 1992 à la Chambre et en novembre de la même année au
Sénat, les parlementaires écologistes votent contre la ratification
du traité instituant l'Union européenne. Au nom de sa logique
libérale, sinon néo-libérale. Au nom aussi de la perpétuation du
«déficit démocratique.»
Si les verts rejettent ainsi le résultat de la négociation de
Maastricht, on ne peut certainement pas parler pas d'un vote antieuropéen de nature nationaliste. Au contraire, il s'agirait plutôt
d'un vote contre le «trop peu d'Europe» et contre le cours européen
contemporain. Au demeurant, certains députés socialistes qui
décrièrent à l’époque l'attitude d'Ecolo «découvrent» aujourd'hui
l'iniquité sociale du traité de Maastricht.46
Malgré certains aspects qu’ils considèrent comme
constructifs, les verts critiqueront aussi le deuxième livre blanc de
Jacques Delors, dont la plupart des propositions sont toujours,
selon eux, engoncées dans une version libérale de la construction
européenne : «Ceci ne signifie pas que le livre blanc ne comprenne
pas certaines propositions intéressantes, mais globalement si l'on
considère les activités de production considérées comme
prioritaires, le rôle des pouvoirs publics, la question de l'emploi et
de l'Europe sociale, force est de constater que la vision néolibérale de l'Europe reste au cœur du livre blanc.»47
Lors de la quatrième élection européenne de juin 1994, Ecolo
soulignera l'indispensable réorientation des choix communautaires.
Il propose de restreindre le poids du critère relatif à la stabilité des
Ecolo, Conférence intergouvernementale de Maastricht. Point de
vue Ecolo-Agalev sur le projet de traité, 1er décembre 1991.
45
J. DARAS, J. GEYSELS, H. SIMONS, M. VOGELS, «Manifeste pour une
politique écologiste» in J. DARAS, J. GEYSELS, H. SIMONS, M.
VOGELS, op. cit., p. 124.
46
Nous songeons par exemple à Anne-Marie Lizin. Voir P. DELWIT, Les
partis socialistes t l'intégration européenne (France, GrandeBretagne, Belgique), Editions de l'Université de Bruxelles, 1995,
304 p., p. 234.
47
P. JONCKHEER, « Le «livre blanc» de l'Union européenne et la
rupture du «contrat social»», Cahiers marxistes, n° 196, décembre
1994, p. 125.
179
prix dans les décisions de politique économique et sociale. Surtout,
il prône une action volontariste contre les mouvements financiers
spéculatifs sur les marchés monétaires. Dans les matières fiscales,
Ecolo préconise une harmonisation de l'impôt des sociétés et du
précompte mobilier. Enfin, Ecolo propose d'adjoindre aux critères
de convergence édictés pour accéder à l'union économique et
monétaire d'autres normes : «Plus que de créer de nouvelles
institutions monétaires, il s'agit avant tout pour l'Europe de
parvenir à une convergence réelle des économies au sein de l'Union
européenne : des indicateurs comme le revenu par habitant, le
taux d'exclusion sociale et la dette écologique sont à cet égard
significatifs.»48
Est-ce à dire qu'Ecolo se présente sur l'échiquier politique
comme une formation anti-européenne ? Répétons-le : sans aucun
doute, non. Ce n'est pas le principe de la construction européenne
qui est en jeu dans les dénonciations écologistes mais bien son
contenu.49 Ecolo s'est toujours affirmé comme un chaud partisan de
la fédération de l'Europe : «Tout conduit au renforcement d'une
politique européenne qui se construit à l'écart du citoyen. Les
écologistes se veulent porteurs d'une Europe démocratique et
fédérale dotée d'un véritable parlement et capable d'amorcer une
mutation du productivisme vers un éco-développement, et ouverte
sur le monde dans la richesse de sa diversité.»50
Dans leur plate-forme commune, les partis écologistes
européens prônaient d'ailleurs en 1994 l'émergence d'une
Constitution européenne sur la base d'un travail commun du
Parlement européen et des parlements nationaux. Ils y fixent
comme but premier de l'Union européenne, l'éco-développement.51
A ce titre, les partis écologistes de l'Union européenne exigent le
48
Le programme des écologistes. Plate-forme commune des partis
verts de l'Union européenne. Elections européennes du 12 juin
1994, p. 30.
49
Pierre Jonckheer le spécifie dans l'article cité : «Mais il faut voir
que notre critique ne porte pas sur la nécessité d'une politique
européenne; au contraire, nous en sommes de farouches
défenseurs. Elle met bien plus en cause l'incapacité des forces
sociales-démocrates à impulser une autre orientation aux politiques
européennes.»
P. JONCKHEER, op. cit., p. 128.
50
Découverte, décembre 1994, p. 15.
51
Le programme des écologistes. Plate-forme commune des partis
verts de l'Union européenne. Elections européennes du 12 juin
1994, p. 4.
180
traitement des dix problèmes environnementaux qui doivent être
résolus en priorité : la préservation de la biodiversité, la question
des changements climatiques, la prohibition des déchets toxiques,
l'élimination des déchets, la fin du gaspillage des ressources
naturelles, l'élimination des pluies acides, la préservation de la
couche d'ozone, le combat contre les nuisances sonores, la lutte
contre la prolifération des algues et la disparition du smog.52
Outre l'établissement d'une Constitution européenne, Ecolo
prône dans le domaine institutionnel une réforme profonde. Le
Parlement européen incarnerait, avec le Conseil, l'autorité
législative et budgétaire de l'Union européenne.53 Il aurait ainsi un
droit d'initiative en matière législative de même que l'exercice d'un
contrôle politique envers la Commission. Son mode d'élection serait
uniformisé sur la base d'un système de type proportionnel. D'autre
part, le comité des régions institué par le traité de Maastricht
serait composé de mandataires des régions, démocratiquement
élus.54
Sur le plan international, Ecolo a sévèrement critiqué la
conclusion de l'accord sur le GATT et la conception de la nouvelle
organisation mondiale du commerce (OMC). Face à la promotion de
l'ouverture maximale de tous les marchés, les verts veulent
l'introduction ou la réintroduction de certains droits de douane.
Ceux-ci auraient pour particularité d'essayer de «tenir compte de
différences dans les régulations sociales et environnementales»55 et
d'être redistribués aux pays extérieurs.
En ce qui concerne les organisations internationales politiques
et de défense, Ecolo a toujours prôné le dialogue, le soutien au
pays en voie de développement et la désescalade de la course aux
armements. Dès 1983, il demande la dissolution simultanée de
l’organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et du pacte de
Varsovie.56 Il assumera cette position pacifiste lors de la guerre du
Golfe fin 1990-début 1991. Secrétaire fédéral du mouvement,
52
Ibid., p. 22.
53
Pour les modifications de traité, l'admission de nouveaux Etats
membres, l'élargissement de la Compétence de l'Union et
l'approbation de l'éventuelle Constitution, une majorité qualifiée
serait requise tant au Parlement européen qu'au Conseil.
54
Ibid., p. 38.
55
PH. DEFEYT, «Le temps de vivre : une sorte de crise basée sur
l'aménagement et la réduction du temps de travail» in J. DARAS,
J. GEYSELS, H. SIMONS, M. VOGELS, op. cit., p. 19.
56
Ecolo info, septembre 1983, numéro spécial.
181
Marcel Cheron précisera le contenu de la position d'Ecolo : «Le
caractère répugnant du régime de Saddam Hussein ne fait aucun
doute. C'est probablement ce qui explique qu'une partie de
l'opinion publique occidentale accepte, apparemment, sa
destruction militaire. (...) Quant à nous, il nous appartient de dire
avec fermeté aux dirigeants américains que la force n'est pas une
méthode de gouvernement.»57
La dette cachée
Un des leitmotivs des écologistes dans le domaine de la
gestion est la dette cachée des choix effectués, particulièrement
dans les questions ayant des implications environnementales. Les
options ne tenant pas compte de la problématique
environnementale entraîneraient immanquablement des coûts de
réfection et de restauration très importants ; incomparablement
plus graves que ceux d’une politique de prévention :
«L'accumulation
des
différents
phénomènes
conduira
immanquablement à une augmentation continue des dépenses
publiques de «réparation» qui risquent de devenir insupportables
d'ici quelques années. Une analyse sérieuse de l'évolution de la
dette publique se doit d’anticiper sur l'impact prévisible de
réparation.»58
Chaque
décision
ignorant
l’impact
sur
l'environnement crée une «dette», qu’il faudra honorer un jour.
La politique de l'«externalisation» de certains coûts des
entreprises est aussi décriée. L'énergie nucléaire apparaît à ce titre
symptomatique : «En fait, une réelle prise en compte des coûts de
gestion des déchets à long terme et l'obligation, pour les
installations nucléaires, d'assurer pleinement et de manière
illimitée leur responsabilité civile à l'égard des biens, de
l'environnement et des personnes disqualifieraient totalement et
définitivement le nucléaire comme technique de production
d'électricité.»59
L'exemple emblématique en Belgique, qui fait la chronique
des années nonante, est celui des décharges, notamment celle de
Mellery. Cette problématique de la dette cachée prend une
ampleur supplémentaire dans la mesure où, le pouvoir compétent
sur les principaux sujets concernés — eau, décharge,... — est, dans
la plupart des cas, devenu la région dont l'équilibre budgétaire est
57
M. CHERON, «Golfe persique, la force ne résout rien», Ecolo info,
n° 1, février 1991, p. 3.
58
Ecolo, Elections législative de 1991. Le programme d'Ecolo, p. 2.
59
P. LANNOYE, «Ecologie : révolution de la pensée et mutation
politique», in J. DARAS, J. GEYSELS, H. SIMONS, M. VOGELS, op.
cit., p. 165.
182
déjà précaire. Selon Ecolo, les régions seront à court terme saisies
d'importantes demandes de «réparation.»60
La dette belge
La dette publique en Belgique est présentée comme la
contrainte la plus importante dans les propositions et les décisions
des pouvoirs publics. Chaque formation politique doit se
positionner sur cette charge incontournable. Quelles sont les
mesures suggérées par les écologistes ?
En premier lieu, les verts envisagent une conversion
progressive des emprunts réalisés par les pouvoirs publics en
emprunt indexés. Qu'est-ce à dire ? D'après les calculs effectués par
les experts d'Ecolo, le taux d'intérêt sur les placements en
obligations d'Etat et autres types de placements est établi en
tenant compte de trois éléments :
— une rémunération réelle ;
— une couverture contre l'inflation ;
— une prime de risque d’»incertitude.»
L'idée d'Ecolo vise à supprimer la «prime de risque» en
«convertissant les obligations d'Etat actuelles progressivement en
obligations indexées sur l'inflation.»61 A partir de cette hypothèse,
il convient ensuite d'abaisser le taux d'intérêt sur la dette publique
de 1,5%.62
Ecolo préconise aussi un rééquilibrage au niveau de la
ponction fiscale. Il s'opérerait entre les revenus mobiliers et
immobiliers d'une part, et les revenus du travail, de l'autre. Aux
yeux des verts, la part des revenus du travail dans la fiscalité est
trop importante. Enfin, une lutte accrue contre la fraude fiscale
permettrait de récupérer, à court terme, 0,1% du produit intérieur
60
«Pour ce qui concerne plus particulièrement la «dette cachée»,
celle-ci est constituée des pensions et investissements à consentir
obligatoirement demain pour réparer les dégâts du passé (pollution,
délabrement du logement social...) Ces charges ont, il est vrai, été
largement transférées aux régions. Elles sont liées à la nécessité de
faire face aux dégâts déjà causés, mais dont la réparation n'a pas
encore lieu ou ne fait que débuter.»
Ecolo, Elections législatives de 1995. Il n'y a pas de fatalité. Ecolo
présente ses objectifs et les moyens d'y parvenir, 26 avril 1995, p.
25.
61
Ibid., p. 43.
62
Partant de l'hypothèse que la rémunération réelle représente 3,5%,
la couverture contre l'inflation 2% et la prime de risque 1,5%.
183
brut (PIB) par an ; l'objectif étant d'arriver à recouvrer 0,5% par an
à moyen terme.
Dans le cadre d'une conjoncture économique moins
défavorable qu'en 1992 et surtout qu'en 1993, ces trois initiatives
seraient à même de dégager de 72 milliards de francs en 1996 à 328
milliards de francs en l'an 2 000. Elles ramèneraient le déficit
public à 3,1% du PIB dès 1996. Le poids de la dette publique dans
l'économie belge diminuerait.
Le scénario budgétaire d'Ecolo d'ici à l'an 2 000 (en %)
Déficit des pouvoirs publics
Effet de la conjoncture
Mesures discrétionnaires
Indexation des emprunts publics
Mesures d'équité fiscale
Lutte contre la fraude
Marges de manœuvre créées
Marges affectées à des dépenses
Déficit budgétaire final
1996
4
1997
4
0,5
1998
4
1
1999
4
1
2000
4
1
0,4
0,4
0,1
0,9
0,3
3,4
0,8
0,5
0,2
2
0,7
2,7
1,2
0,5
0,3
3
1
2
1,6
0,5
0,4
3,5
1,2
1,7
2,1
0,5
0,5
4,1
1,4
1,3
Les populations étrangères de Belgique
et les Belges d'origine immigrée
En ce qui concerne la problématique large de l'immigration,
des première, deuxième et troisième générations, Ecolo se place
dans une double perspective d'ouverture.
D'une part, il se montre favorable à un accès facile à la
naturalisation qui, à ses yeux, ne doit pas être une condition de
l'intégration. Les étrangers résidant depuis cinq années en Belgique
pourraient accéder, s'ils le souhaitent, à la citoyenneté belge.
D'autre part, Ecolo est favorable à une extension des droits
politiques pour les immigrés désirant conserver leur nationalité.
Pour ce faire, il préconise le droit de vote et d'éligibilité aux
élections communales pour les étrangers séjournant depuis plus de
cinq ans en Belgique. Il est aujourd’hui63 la seule formation
politique ayant des parlementaires à retenir cette hypothèse.
Ecolo et les questions de société
63
Jusqu'en 1985, date de leur éviction de la Chambre et du Sénat, les
parlementaires communistes défendaient le droit de vote et
d'éligibilité aux élections communales pour les étrangers résidant
depuis cinq ans dans une commune.
184
Contrairement à d'autres partis écologistes (Groen Links aux
Pays-Bas et surtout les Grünen en Allemagne), Ecolo s'est
caractérisé par une relative prudence sur les questions de société :
avortement, féminisme64, dépénalisation de la drogue,...
Lors de sa première campagne électorale en 1981, le
mouvement avait ainsi laissé, en âme et conscience, le choix à ses
candidats de se positionner sur la question de la dépénalisation de
l'avortement : «Au stade actuel, le mouvement Ecolo considère que
le débat sur ce problème délicat n'a pas été mené suffisamment en
son sein. C'est pourquoi il entend aboutir dans un délai très court à
une position claire, entre-temps, il laisse ses candidats et groupes
régionaux libres de défendre la position qu'ils estiment la plus
juste.»65 Seule la régionale de Bruxelles se prononcera clairement
pour la dépénalisation de l'interruption volontaire de grossesse.
Dans le groupe parlementaire Ecolo, Simone Jortay-Lemaire,
militante du planning familial, sera une avocate de la
dépénalisation de l'avortement. Elle est d'ailleurs épaulée dans ce
combat par Olivier Deleuze. Le député bruxellois soutiendra aussi
M. Morissens, enseignante suspendue pour avoir proclamé son
homosexualité à la télévision.66 Ce n'est toutefois qu'en 1983
qu'Ecolo se déterminera sur la question de l'avortement et de la
dépénalisation : «Ecolo estime que l'avortement est un moyen
brutal de contrôler les naissances, qui n'est certainement pas
recommandable. Cependant, en cas d'échec ou d'ignorance de la
contraception, il peut être l'ultime recours.»67
Ecolo et les institutions
Nous l'avons vu, la philosophie qui prévaut en matière de
dévolution des compétences est celle du fédéralisme intégral.
Thème ancien puisqu'on le retrouvait déjà dans le manifeste des
Amis de la terre, c'est à l'occasion des assemblées générales d'avril
et de septembre 1983, qu'Ecolo détermine sa doctrine en la
matière de fédéralisme intégral.
64
Soulignons que sur base d'une enquête auprès des cadres et des élus
d’Ecolo, Benoît Rihoux pointe aussi cet élément.
B. RIHOUX, «Ecolo en de nieuwse sociale bewegingen in Franstalige
België, bloedbroeders of verre verwanten ?», in S. HELLEMANS en M.
HOOGHE (eds), op. cit.
65
La Libre Belgique, 26 octobre 1981.
66
Il sera même interpellé et molesté à la manifestation de soutien.
Le Soir, 15 février 1982.
67
Ecolo info, n° 18, 11 mars 1983, p. 15.
185
Pour François Collette, un des rapporteurs du débat, «le
fédéralisme est écologique. Ces deux mouvements partagent
intégralement les deux principes de l'autogestion qui reconnaît à
chacun le droit de comprendre, maîtriser et forger ses propres
conditions de vie, et de l'autonomie qui permet aux communautés
et aux collectivités réelles de s'assumer elles-mêmes.»68 L'idée de
base est d'inverser la logique voulant que la société fonctionne du
«haut vers le bas» et qu'ainsi les décisions parviennent aux citoyens
ramenés à des sujets sans concertation. Au contraire, la
communauté doit se construire et se consolider à partir de la base
vers les «sommets.» Pour contribuer à ce processus, Ecolo prône le
principe de subsidiarité : «Aucune autorité supérieure n'a à
intervenir dans la sphère d'action d'une autorité inférieure tant que
celle-ci demeure efficace et tout abandon de compétence en
faveur d'une collectivité englobante est décidée par la collectivité
concernée et non l'inverse.»69
Jusqu'à la deuxième phase majeure de la réforme de l'Etat, la
structure institutionnelle idéale selon Ecolo se présentait comme
suit :
— On trouve en premier lieu le quartier ou le village qui sont les
entités à l'échelle de laquelle la participation est à la fois la plus
praticable et la plus porteuse. Ecolo suggère l'élection de conseils
de quartiers.70 Et pour que cette participation ne soit pas factice,
les quartiers et les villages bénéficieraient de moyens financiers
adéquats. La répartition de ces moyens serait déterminée suivant
une clé de pondération qui prendrait en compte tout à la fois les
attributions, la superficie et la population.71
— Le deuxième échelon institutionnel est formé de la commune. La
commune est composée de plusieurs quartiers ou de plusieurs
villages. Aux yeux des écologistes, les communes ont perdu
68
F. COLLETTE, Le fédéralisme ou la redistribution fédéraliste des
pouvoirs, 26 août 1983, p. 5.
69
P. MAHOUX et J. MODEN, op. cit., p. 39.
70
«Le quartier ou le village constituent «l'éco-système de base du
citoyen où des relations personnelles peuvent s'établir. C'est le lieu
où peuvent s'exercer des libertés concrètes et se nouer des
solidarités réelles. C'est dans cette entité, la plus proche possible
du citoyen, que peuvent se forger des moyens de réelle
participation. Le quartier ou le village sont reconnus ipso facto.
(...) Chaque quartier (ou chaque village) défini élit un Conseil de
quartier.»
Texte général pour les élections communal d'octobre 1982, Ecolo
info, n° 5, avril 1982, p. 6.
71
Ibid., p. 6.
186
beaucoup de leur pouvoir du fait de l'altération des finances
communales et de la non-utilisation de compétences par les
conseils communaux. Or, pour Ecolo, il s'agit du niveau de pouvoir
qui aurait toutes les attributions à la seule exception de celles qui
lui seraient expressément interdites. A l'échelle de la commune,
Ecolo se prononce pour la suppression du système Imperiali, mode
de scrutin qui défavorise les petites listes au détriment des
grandes.
— L’échelon suivant est la contrée. La contrée est une
agglomération ou une fédération de communes. Elle est amenée à
remplacer les provinces. Avant les élections communales de 1988,
Ecolo proposait l'établissement de douze contrées72 dont les
conseillers seraient élus directement pour une législature de quatre
ans dans le cadre d'un système proportionnel.73
— Le quatrième niveau institutionnel évoqué est la région. De
manière cohérente, la région est une fédération de contrées ayant
des caractéristiques homogènes du point de vue historique,
géographique, culturel, économique, social et politique.74
— Enfin, le dernier étage institutionnel est celui de l'Europe. Pour
les verts, l'échelle européenne apparaît nettement plus appropriée
que l'échelon national pour «établir un nouvel ordre économique
axé sur quatre options à long terme» :
. la démocratie dans l'entreprise ;
. une taille adaptée aux enjeux ;
. l'utilisation de technologies respectueuses de l'environnement ;
. enfin, des régions autonomes.75
Comme nous l'avons vu, si Ecolo soutient l'Europe comme
cinquième niveau, il ne s'agit pas de n'importe quelle Europe :
l'Europe des Etats y ferait notamment place à l'Europe des régions.
Dans cette optique, Ecolo mettra à son programme des élections
européennes de 1984, la transformation du Parlement européen en
une «assemblée parlementaire des régions d'Europe.»76
72
Du côté francophone, les contrées auraient été le pays de Verviers,
les Ardennes, le pays de Liège, le pays de Namur, le pays de
Charleroi et le pays de Hainaut. Dans cette proposition, Bruxelles
aurait eu à la fois le statut de contrée et de région.
Ecolo info, numéro spécial, avril 1988, p. 26.
73
Ecolo info, numéro spécial, avril 1988, p. 12.
74
La Libre Belgique, 12 septembre 1983.
75
Ecolo, L'Europe des écologistes, juin 1984, 87 p., pp. 15-16.
76
Ibid., p. 9.
187
Dans la réflexion écologiste, l'Etat central était appelé à
l'évanescence.77 En Belgique, l'Etat ne deviendrait plus qu'un
organe de concertation et de coordination privilégié. Cette position
«dure» fut néanmoins adoucie dans le temps. Dès 1988, les Verts
évoquent l'Etat central comme échelon institutionnel à part
entière, mais avec des pouvoirs restreints. Ceux-ci ne
nécessiteraient que treize ministres.78
Historiquement, Ecolo prônait donc le remplacement des
provinces par les contrées. Néanmoins, la réforme institutionnelle
de l'Etat en 1988 a rendu caduque cette perspective. Ecolo en
prendra acte en admettant alors «l'existence des provinces, à titre
transitoire»79 pour autant que des modifications substantielles
soient apportées quant à leur nombre, leurs limites et leurs
rapports avec les autres niveaux de pouvoir. Les principales
réformes avancées sont :
— l'organisation d'un scrutin «vraiment démocratique» ;
— le fait que le conseil provincial devienne l'organe souverain ;
— que l'exécutif, constitué de membres élus à la majorité par le
conseil provincial, désigne en son sein son président et qu'il
remplace la députation permanente ;
— que le gouverneur de la province soit nommé par le conseil
régional.
Avant la troisième phase de réforme de l'Etat, Ecolo prônait le
schéma suivant :
— la suppression du double mandat échelle fédérale —échelle
régionale/communautaire ;
— une Chambre des représentants ramenée à cent cinquante élus ;
— l'organisation de l'élection pour les représentants sur la base
d'une circonscription nationale pourvoyant trente sièges et des
listes par province80 ;
— un Sénat comportant cent et deux membres, dont cinquantedeux élus directs et cinquante, de manière indirecte.81
77
Dans une interview à La Libre Belgique en 1983, Paul Lannoye, alors
secrétaire fédéral, déclarera qu'il «n'y est pas particulièrement
attaché.»
La Libre Belgique, 30 mars 1983.
78
Ecolo info, numéro spécial, avril 1988, p. 13.
79
Ecolo, Elections législatives de 1991. Le programme d'Ecolo, p. I 7.
80
La province du Brabant étant scindée.
81
Vingt-cinq par le Vlaams Raad et la commission communautaire
flamande d Bruxelles, six par la commission communautaire de
Bruxelles et dix-neuf par le conseil régional wallon.
188
A l'échelle régionale et communautaire, Ecolo était favorable
au maintien des compétences en matière de culture,
d'enseignement et d'audiovisuel pour la Communauté française, le
reste étant transféré vers les régions.
189
Chapitre 7
«Planète verte» :
Le profil sociologique et
la culture politique
des adhérents d’Ecolo
190
191
Savoir qui adhère et qui milite à Ecolo est une question qui a
suscité quelques polémiques, plusieurs interrogations et de
nombreuses interprétations. Les thèmes du positionnement
politique — en particulier gauche-droite —, des attitudes
philosophiques — notamment les rapports éventuels à la croyance —
ou encore de la démocratie paritaire — le nombre de femmes dans
le mouvement et à des postes de responsabilité — reviennent avec
récurrence dans et hors les rangs d’Ecolo.
Enquête sur le profil sociologique
Et la culture politique des adhérents
Or, très curieusement, aucune enquête statistiquement
significative n’est, jusqu’à présent, venue étayer ou infirmer des
idées reçues, des présupposés ou des hypothèses avancées.
L’enquête que nous avons réalisée comble cette lacune.
Grâce à la remarquable collaboration des membres d’Ecolo,
on peut aujourd’hui dresser un portrait du monde des adhérents
des verts francophones. Cette connaissance de la base sociologique
du parti est capitale dans une autre dimension. Elle nous permet
de mieux comprendre les choix politiques ou organisationnels, les
questions
problématiques,
les
rapports aux différentes
organisations sociales et aux autres formations politiques en
Belgique. S’il est en effet vrai que l’on peut appréhender la nature
de l’adhésion d’un parti à son programme, la proposition peut aussi
être renversée. Connaître l’origine et le parcours des membres
permet de saisir et de comprendre le programme du parti. Cette
approche est particulièrement instructive dans le cas d’Ecolo dans
la mesure où il s’agit d’un jeune parti et qu’il est donc possible de
réaliser un portrait de l’évolution des adhérents en parallèle avec
celle du mouvement.
192
Trois remarques préalables s’imposent.
— 1. La première est le remarquable taux de réponse à notre
enquête. Sur les 2 400 questionnaires envoyés, nous avons reçu
1 459 réponses ; soit un taux de réponse de 60,8% tout à fait
extraordinaire pour ce type d’enquête.
— 2. A ce très fort taux de réponse, il convient d’ajouter qu’il n’y a
ni sur-représentation, ni sous-représentation géographiques des
répondants. Le poids des régionales dans le total des réponses est à
peu de choses près identique à ce qu’il est dans la réalité.
Poids des régionales dans les réponses au
questionnaire et dans la réalité
Régionales
Arlon-Marche-Bastogne
Charleroi
Huy-Waremme
Namur
Soignies
Brabant wallon
Dinant-Philippeville
Liège
Neufchâteau-Virton
Thuin
Bruxelles
Eupen
Mons
Picardie
Verviers
Enquête
4,0
4,1
4,9
9,1
4,4
15,9
4,4
12,9
2,2
3,1
15,2
1,4
5,2
5,9
7,2
total des adhérents
3,7
3,9
5,3
9,4
4,2
16,2
4,3
10,9
1,4
2,8
16,8
2,2
5,3
6,7
7,0
Bien sûr, des distorsions sont envisageables à d’autres niveaux
bien connus des sondeurs : capital scolaire et culturel ou statut
socio-économique. Mais les croisements effectués et l’ampleur du
taux de réponse nous autorisent à penser que ces éventuelles
distorsions seraient statistiquement peu significatives.
— 3. Pour
la
présentation
des
résultats,
nous
avons
systématiquement reproduit les résultats «bruts», c’est-à-dire en
tenant compte des «sans réponse» sauf lorsque le total des «sans
réponse» était induit par une question précédente, et les résultats
nets — sans les «sans réponse.» Dans les tableaux, la lettre N fait
référence au nombre de réponses sur la base desquelles sont
calculés les pourcentages.
Répartition hommes-femmes
193
La répartition entre hommes et femmes parmi les membres
d’Ecolo laisse apparaître une situation assez peu dissemblable des
autres grands partis politiques. Seul, un tiers (33,4%) des adhérents
sont des femmes. Ce qui situe Ecolo dans une fourchette moyenne
par rapport à d’autres partis en Belgique. Allan Ware évoque les
chiffres de 33% pour le PRL, 43% pour le PSC, 30% pour le VLD et
30% pour la Volksunie.82
Sexe des adhérents (en %)
Sans réponse
Homme
Femme
1,8
65,5
32,8
N=1459
66,6
33,4
N=1433
Dans quelle mesure peut-on observer une diminution
croissante des femmes aux postes de responsabilités ? En ce qui
concerne les mandats internes à Ecolo, on note certes une surreprésentation des hommes (74,7%) et de manière corollaire une
sous-représentation des femmes (25,3%), mais celle-ci est
nettement moins significative que dans d’autres organisations.
Pour les mandats politiques, notons d’abord une faible surreprésentation des femmes parmi les adhérents qui n’ont pas de
mandat politique (34,9% de femmes pour 65,1% d’hommes). Mais
parmi les niveaux de mandat politique, il existe des différences.
Ainsi, le pourcentage des hommes pour les mandats de conseiller
de CPAS, de conseiller communal et de conseiller provincial est-il
supérieur à la proportion d’hommes dans le parti, de l’ordre de 5 à
7%. Par contre, pour les députés régionaux bruxellois, remarquons
que le pourcentage de femmes est supérieur à leur proportion dans
le parti de 9,5% et que pour cette importante catégorie de
mandats, Ecolo n’est pas très éloigné d’une représentation
paritaire. Pour les parlementaires fédéraux, régionaux wallons et
européen, il n’en est rien. Il n’y a aucune femme. Cette distorsion
importante entre les conseillers régionaux bruxellois et les
parlementaires fédéraux, wallons et européen s’explique par
plusieurs raisons. D’abord en raison du scrutin. L’élection régionale
bruxelloise est la seule à un niveau supra-communal où une seule
circonscription pourvoit tant de sièges (75), ce qui permet une
représentation facilitée des femmes. On observe d’ailleurs le
même phénomène dans d’autres partis. Pour les élections
82
A. WARE, Political Parties and Party Systems, Oxford University
Press, 1996, p. 82.
194
fédérales — et maintenant régionales wallonnes —, Ecolo ne peut
espérer décrocher qu’un ou deux élus par arrondissement, ce qui
rend beaucoup plus complexe l’élection de femmes. En mai 1995,
Martine Dardenne a été élue parlementaire fédérale (sénatrice),
Nicole Maréchal, députée régional wallon et Martine Schüttringer,
députée fédérale. Au surplus, il n’est pas toujours possible pour les
régionales petites ou moyennes, de trouver des candidates qui
accepteraient de siéger. Certaines interventions à l’assemblée
générale de Louvain-La-Neuve, en janvier 1996, dans le débat sur
la démocratie paritaire ont rappelé cet état de fait.
Répartition différenciée pour les mandats internes (en %)
Conseiller CPAS
Conseiller communal
Conseiller provincial
Député régional bruxellois
Parlementaire fédéral ou européen
Hommes
70,3
72,8
72,9
57,1
100
Femmes
29,7
27,2
27,1
42,9
0
Un parti de «diplômés»
Le niveau d’études des membres d’Ecolo atteste d’une très
nette sur-représentation des personnes ayant obtenu un diplôme
d’enseignement supérieur ; qu’il soit de niveau universitaire
(35,3%) ou non-universitaire (34,8%). 70,6% des membres d’Ecolo
possèdent ainsi un diplôme d’études supérieur !
Dernier diplôme obtenu (En %)
Sans réponse
Primaire
Secondaire inférieur
Secondaire supérieur
Supérieur non universitaire
Supérieur universitaire
0,5
2,9
9,5
17,5
34,6
35,1
N=1459
2,9
9,5
17,6
34,8
35,3
N=1452
195
Les individus n’ayant terminé «que» leurs études primaires
sont presque marginaux. Et ceux ne possédant «que» le diplôme
d’études secondaires inférieures ne représentent que 9,5% du
total.
Dans ce tableau, il existe des disparitions régionales. Ainsi, la
fréquentation de l’enseignement supérieur atteint 82,6% pour les
membres de la régionale de Bruxelles. La moitié y a accompli des
études universitaires. A contrario, dans la régionale de
Neufchâteau-Virton, «seuls» 13,3% des adhérents ont réalisé des
études universitaires.
Disparités régionales
Supérieur universitaire
Bruxelles
Namur
Thuin
Brabant wallon
Mons
Liège
Dinant-Philippeville
Huy-Waremme
Eupen
Verviers
Soignies
Picardie
Charleroi
Arlon-Marche-Bastogne
Neufchâteau-Virton
0
10
20
30
40
50
60
Dans la régionale de Picardie, un adhérent sur deux a effectué
des études supérieures non universitaires ; total auquel il faut
ajouter 22,8% d’universitaires. Remarquons que les chiffres de
diplômés supérieurs sont très élevés pour les trois régionales les
plus nombreuses : Bruxelles (82,6%), le Brabant wallon (75,8%),
Liège (70,8%).
196
Disparités régionales
Supérieur nonuniversitaire
Picardie
Neufchâteau-Virton
Arlon-Marche-Bastogne
Verviers
Mons
Liège
Brabant wallon
Charleroi
Thuin
Bruxelles
Huy-Waremme
Dinant-Philippeville
Soignies
Namur
Eupen
0
10
20
30
40
50
60
Comme nous l’avons annoncé, il faut sans doute corriger
quelque peu ces chiffres. Par expérience, on sait que moins le
diplôme est élevé plus la propension à ne pas répondre à ce type
de questionnaire est grande. Il est donc possible que les «moins»
diplômés soient plus nombreux parmi les adhérents qui n’ont pas
répondu. Il n’en demeure pas moins que le niveau scolaire atteint
par les membres d’Ecolo est impressionnant. L’«image» d’un parti
d’intellectuels et de diplômés se confirme sans aucun doute
possible.
Un parti de jeunes ?
Par contre, l’examen de l’âge des adhérents doit conduire à
tempérer ou relativiser la perception qui veut qu’Ecolo soit un
parti de jeunes. On ne relève en effet que 6,5% de membres qui
ont moins de trente ans. Et si on élargit la fourchette aux moins de
35 ans, on n’est jamais «qu’à» 17,2% des effectifs. En comparaison
avec d’autres partis, cette proportion reste élevée voire très
élevée.83 Mais elle semble en deçà de la situation qui prévalait au
83
Pour le parti socialiste, voir P. DELWIT, «Le pragmatisme du
socialisme belge», in M. LAZAR (sous la direction de), La gauche en
197
milieu des années quatre-vingts. Dans leur courrier hebdomadaire
du CRISP en 1984, Jean Moden et Philippe Mahoux avaient dégagé
une conclusion nuancée pour les premières années d'existence
d'Ecolo : «Si l'on procède à des classifications en fonction de l'âge,
il en ressort que, sur plus de 300 personnes à propos desquelles le
renseignement a pu être obtenu, la grande majorité (72%) se situe
dans la tranche 30-40 ans. A cet égard Ecolo apparaît comme un
parti de jeunes.»84
A travers cette observation, relevons que la «vague»
d’adhésions qu’Ecolo a connue dans les années nonante (voir supra)
a concerné des personnes qui n’étaient pas au sortir de leur
adolescence. Pour les verts, ce n’est pas spécialement une
mauvaise nouvelle. Nous avons pointé les difficultés qu’ils ont
subies avec l’instabilité de certains de leurs mandataires
communaux. Les déménagements sont plus fréquents parmi les
jeunes ; de même que les engagements politiques sont
tendanciellement plus éphémères.
Les classes d’âge les mieux représentées sont les 30 à 39 ans
et les 40 à 49 ans. Elles constituent respectivement 31,1% et 35,7%
du total. Pour leur part, les adhérents âgés de 60 ans et plus
représentent 11,4%. Ecolo agrège donc essentiellement des
adhérents actifs professionnellement. Ce que confirme d’ailleurs,
leur statut socio-professionnel (voir infra).
Age des adhérents (en %)
Sans réponse
1,6
15-19 ans
0,3
0,3
20-24 ans
1,3
1,3
25-29 ans
4,8
4,9
30-34 ans
10,5
10,7
35-39 ans
20,1
20,4
40-44 ans
19,4
19,7
45-49 ans
15,7
16,0
50-54 ans
8,7
8,8
55-59 ans
6,4
6,5
60-64 ans
4,1
4,2
65-69 ans
3,4
3,4
70 ans et plus
3,7
3,8
N=1459
N=1435
Europe depuis 1945. Invariants et mutations des partis socialistes,
PUF, 1996, pp. 215 et suivantes.
84
P. MAHOUX et J. MODEN, op. cit., p. 31.
198
Il est aussi significatif de remarquer qu’il n’existe pas de
différences fondamentales dans les strates d’âges entre les
adhérents et les adhérentes. Si la proportion de femmes est plus
importante parmi les 30-34 ans (11,3% contre 10,3%) et les 35-39
ans (22,2% contre 19,2%), il en va autrement pour les 25-29 ans
(4,1% contre 5,1%) et les 40-44 ans (18,1% contre 20,8%). Mais ces
disparités ne sont pas très importantes.
Courbe de l’âge des adhérents chez les hommes
et chez les femmes
Femmes
Hommes
25
20
15
10
5
70 ans et plus
65-69 ans
60-64 ans
55-59 ans
50-54 ans
45-49 ans
40-44 ans
35-39 ans
30-34 ans
25-29 ans
20-24 ans
15-19 ans
0
Notons certaines inclinations à l’échelle des quatre
fédérations les plus importantes. Ainsi si l’on recense 10% de moins
de 30 ans à Bruxelles et 9,5% à Namur, ils ne sont que 4,7% dans le
Brabant wallon et 4,1% à Liège. La catégorie des 30-34 ans est la
mieux représentée à Namur (20,5%) devant Bruxelles (12,1%), le
Brabant wallon (10,1%) et Liège 8,9%. En revanche, la régionale
liégeoise arrive en tête pour les 35-39 ans (25,3%) devant le
Brabant wallon (21,8%), Bruxelles (18,8%) et Namur (16,7%). Au sein
des 40-44 ans, la régionale bruxelloise (23,2%) devance les
régionales liégeoise (16,9%), namuroise (16,7%) et du Brabant
wallon (13,8%).
199
Pyramide des âges dans les quatre principales régionales
70 ans et plus
65-69 ans
60-64 ans
55-59 ans
50-54 ans
45-49 ans
Brabant wallon
40-44 ans
Namur
35-39 ans
30-34 ans
25-29 ans
20-24 ans
15-19 ans
0
5
10
15
20
25
70 ans et plus
65-69 ans
60-64 ans
55-59 ans
50-54 ans
Liège
45-49 ans
Bruxelles
40-44 ans
35-39 ans
30-34 ans
25-29 ans
20-24 ans
15-19 ans
0
5
10
15
20
25
30
La nationalité
Ecolo est un parti de Belges. 98,1% de ses membres ont la
nationalité belge. Cette remarque pourrait sembler triviale pour
l’étude d’un parti en... Belgique. En vérité, elle ne l’est pas du
tout.
La Belgique a une population immigrée d’origine européenne
et extra-européenne significative. De plus, les prises de position du
parti sur les questions de l’immigration le situent comme la plus
formation la plus audacieuse et la plus «ouverte» en matière
200
d’intégration des immigrés. Rappelons, par exemple, qu’Ecolo est
favorable au droit de vote et d’éligibilité aux élections communales
pour les étrangers résidant depuis cinq ans en Belgique. En outre,
Ecolo n’a pas hésité à placer sur ses listes bruxelloises, aux
élections communales et régionales, des Belges d’origine
étrangère, dont plusieurs ont été élus.
Nationalité des adhérents (en %)
Belge
Français
Allemand
Italien
Espagnol
Autre
98,1
0,9
0,3
0,1
0,1
0,3
N=1457
L’absence d’étrangers est particulièrement marquante dans
les grandes villes et pose la question de la nature du travail local
dans celles-ci. Surtout à l’aune du poids électoral non négligeable
des enfants issus de l’immigration.
Soulignons par ailleurs que les adhérents dont le père n’est
pas Belge sont également très peu nombreux au sein d’Ecolo. 91,2
% ont un père de nationalité belge, 2,5% de nationalité française et
seulement 1,4% des membres ont un père de nationalité italienne,
0,4% de nationalité espagnole et 0,3% de nationalité marocaine.
Nationalité du père (en %)
Sans réponse
Belge
Français
Allemand
Italien
Espagnol
Marocain
Autre
0,5
91,6
2,5
0,5
1,4
0,4
0,3
2,8
N=1459
92,1
2,5
0,5
1,4
0,4
0,3
2,8
N=1451
A Bruxelles, la faible pénétration parmi les immigrés d’origine
maghrébine ou parmi les Belges dans la deuxième génération peut
partiellement s’expliquer par une implication politique faible de
cette immigration. Plus significative nous semble être l’insigne
présence d’Italiens ou de Belges de parents italiens notamment
dans les régionales de Soignies, de Charleroi et de Mons, localités
201
dans lesquelles la «communauté italienne»
pourcentage important de la population.
représente
un
Nationalité des adhérents pour cinq régionales (en %)
Charleroi
Soignies
Mons
Bruxelles
Liège
Belge
Français Italien
Espagnol
98,3
1,7
96,8
1,6
97,3
1,4
1,4
97,7
1,4
98,9
0,6
Marocain Autre
1,6
0,9
0,6
Nationalité du père des adhérents pour cinq régionales (en %)
Belge
Charleroi
Soignies
Mons
Bruxelles
Liège
93,1
85,5
95,6
90,6
89,5
Français Italien
Espagnol
Marocain Autre
3,4
1,7
1,8
4,8
3,2
1,6
4,9
1,5
1,5
1,5
3,8
0,9
1,9
2,8
0,6
4,4
0,6
4,9
Pour expliquer cette situation, il faut tenir compte de
plusieurs éléments.
— Les critères qui caractérisent sociologiquement la grande
majorité des membres d’Ecolo correspondent peu aux groupes
sociaux auxquels appartiennent la majorité des membres de
l’immigration maghrébine ou issue de celle-ci. Le niveau d’étude
est à cet égard symptomatique.
— Il est vraisemblable qu’une partie de l’immigration — notamment
d’origine italienne et espagnole — est, pour différentes raisons,
restée très liée aux organisations de la «pilarisation» de la société
belge, soit au «monde socialiste», soit au «monde chrétien.» Au
demeurant les associations et partis d’encadrement de la
«communauté italienne» ont leur correspondant au niveau des
piliers belges.
— La faible implantation au sein des Italiens de Belgique ou des
enfants de l’immigration italienne corrobore aussi l’implantation
déficiente d’Ecolo, en termes d’adhérents, et sa consolidation très
difficile dans le Hainaut (voir supra), surtout dans l’axe CharleroiMons.
Un clivage traversé
L’influence catholique ou chrétienne au sein d’Ecolo est
indéniablement un des stéréotypes les plus prégnants en Belgique.
202
En particulier dans les milieux laïques. Encore faut-il pouvoir le
vérifier et étudier l’ampleur du phénomène ; ce qui, jusqu’à
présent, tenait plus de l’impressionnisme que de l’analyse. De plus,
l’influence catholique dans Ecolo peut recouvrir des réalités très
différentes.
Il est évidemment impossible d’appréhender cette
problématique par une seule question tant l’appartenance
éventuelle au monde chrétien peut recouvrir des significations
diverses. Il peut en effet s’agir de convictions philosophiques
personnelles (croyant/non croyant), d’une pratique religieuse plus
ou moins importante, d’éléments d’histoire individuelle
(fréquentation de l’enseignement confessionnel, par exemple), de
positions actuelles des personnes (fréquentation des différents
réseaux par les enfants des membres), etc. Qu’en est-il donc ?
55,2% des adhérents se définissent comme «croyant», 41,1%
comme «non-croyant» tandis que 3,8% des membres n’ont pas
répondu à cette question. En chiffres nets, on trouve donc un
rapport croyants-non croyants de 57,3%-42,7%.
Croyance des membres d’Ecolo (en %)
Sans réponse
Oui
Non
3,8
55,2
41,1
N=1459
57,3
42,7
N=1404
Parmi les croyants, la religion catholique est hégémonique :
93,2% sont catholiques, 1,6% sont protestants, 0,3% sont musulmans
et 0,3% sont israélites. 4,6% déclarent appartenir à une «religion.»
Religion parmi les croyants (en %)
Catholique
Protestant
Musulman
Israélites
Autre
93,2
1,6
0,3
0,3
4,6
N=754
Il existe de grandes disparités régionales dans le rapport
croyants-non croyants. Au rang des régionales qui comptent le plus
grand nombre de croyants figurent dans les deux entités de la
province du Luxembourg, les régionales de Neufchâteau-Virton
(77,4%) et d’Arlon-Marche-Bastogne (77,4%), suivies par les
203
régionales de Picardie (68,3%) et de Verviers (65,3%). Parmi les
régionales les plus agnostiques, la régionale de Bruxelles arrive en
tête. Elle est la seule à comporter une minorité de croyants
(43,8%). Liège n’est pas loin de la parité (52,6%), de même que
Huy-Waremme (53,7%) et Charleroi (54,6%).
Croyants-non-croyants dans les régionales
100
90
80
70
60
Non
50
Oui
40
30
20
10
Bruxelles
Liège
Huy-Waremme
Charleroi
Brabant wallon
Dinant-Philippeville
Mons
Namur
Eupen
Thuin
Soignies
Verviers
Picardie
Arlon-MarcheBastogne
Neufchâteau-Virton
0
La notion de «croyant» étant particulièrement floue, nous
avons essayé de la préciser. De fortes nuances existent entre les
membres qui se définissent comme croyant. En particulier dans le
degré de pratique : si 16,5% des croyants vont à la messe85 au
moins une fois par semaine et 10,5% au moins une fois par mois, il
faut aussi souligner que 12% n’y vont jamais et 28,4%
exceptionnellement. En vérité, la catégorie la plus représentée est
constituée des membres se rendant dans leur lieu de culte
85
Exceptionnellement, il peut s’agir du temps, de la mosquée ou de la
synagogue.
204
occasionnellement : 32,6%. Il n’y a pas d’unicité parmi les
croyants. En tout état de cause, les pratiquants réguliers sont très
minoritaires (27%).
Degré de pratique parmi les croyants (en %)86
Au moins une fois par semaine
Au moins une fois par mois
Occasionnellement
Exceptionnellement
Jamais
16,5
10,5
32,6
28,4
12
N=944
A ce niveau aussi, la diversité dans les régionales prévaut
fortement. C’est parmi les croyants Ecolo de Picardie (29%), de
Dinant-Philippeville (28,9%), d’Arlon-Marche-Bastogne (22,2%) et de
Liège (20,8%) que se situent les scores les plus importants dans la
pratique la plus forte (au moins une fois par semaine).
Inversement, les degrés de pratique les plus faibles
(exceptionnellement et jamais) parmi les croyants se situent dans
les régionales de Bruxelles (53,8%), de Neufchâteau-Virton (52,6%),
de Huy-Waremme (48,9%) et de Namur (42,3%).
Degrés de pratique différenciés (En %)
Neufchâteau-Virton
Arlon-Marche-Bastogne
Thuin
Picardie
Verviers
Soignies
Eupen
Namur
Mons
Dinant-Philippeville
Brabant wallon
Charleroi
Huy-Waremme
Liège
Bruxelles
86
Au moins une
fois par
semaine
5,3
22,2
11,1
29,0
24,0
11,6
13,3
14,6
28,9
8,4
13,9
2,2
20,8
19,7
Au moins
une fois
par mois
5,3
8,9
3,7
9,7
13,3
9,3
20,0
6,0
8,3
9,1
13,3
5,6
15,6
12,3
9,4
Occasionnellement
36,8
31,1
51,9
38,7
24,0
46,5
46,7
38,5
35,4
21,2
39,2
38,9
33,3
29,3
17,1
Exceptionnellement
42,1
24,4
22,2
14,5
26,7
23,3
13,3
30,1
33,3
30,8
28,0
36,1
31,1
28,3
37,6
Le nombre de répondants est supérieur à celui de ceux qui se sont
affirmés «croyant.» Il y a donc vraisemblablement une petite surreprésentation des «occasionnellement», «exceptionnellement» et
«jamais.»
Jamais
10,5
13,3
11,1
8,1
12,0
9,3
20,0
12,1
8,3
9,6
11,2
5,6
17,8
9,4
16,2
205
Il convient d’ailleurs de noter les différences sensibles de
position sur les grandes questions de société entre les pratiquants
réguliers et les non-pratiquants parmi les croyants. Disparités qui
atténuent voire gomment le clivage croyants/non croyants sur ces
problématiques.
Pour lutter contre le Sida, il faut distribuer des
préservatifs dans les écoles (en %)
Non croyants
Au moins une fois par
semaine
Au moins une fois par mois
Occasionnellement
Exceptionnellement
Jamais
Tout à
fait
Plutôt Plutôt Tout à fait Je ne sais
contre
pas
d’accord d'accord contre
41,6
38,0
8,6
3,3
8,4
12,9
23,7
29,0
33,3
34,9
26,5
37,1
34,7
41,3
43,2
35,5
22,7
22,7
14,0
8,3
18,7
13,4
6,0
5,3
1,8
6,5
3,1
7,7
6,1
11,8
Il faut interdire l’avortement (en %)
Non croyants
Au moins une fois par
semaine
Au moins une fois par mois
Occasionnellement
Exceptionnellement
Jamais
Tout à
fait
Plutôt Plutôt Tout à fait Je ne sais
d’accord d'accord contre
contre
pas
0,4
1,4
14,6
81,7
2,0
11,8
5,2
3,9
3,1
3,6
28,9
15,6
8,2
4,2
3,6
29,5
29,9
31,5
25,6
17,9
25,2
38,7
51,5
64,5
73,2
4,5
10,4
4,9
2,7
1,8
Pour avoir des enfants, il faut se marier (en %)
Non croyants
Au moins une fois par
semaine
Au moins une fois par mois
Occasionnellement
Exceptionnellement
Jamais
Tout à
fait
Plutôt
Plutôt Tout à fait Je ne sais
d’accord d'accord contre contre
pas
2,6
14,5
23,9
50,1
8,9
27,0
11,3
8,0
6,2
3,6
43,4
41,2
31,1
26,5
18,8
12,5
22,7
27,8
19,6
17,0
11,2
15,5
21,4
37,3
50,0
En Belgique, la fréquentation des réseaux d’enseignement est
rarement le fruit du hasard. Dans ce cadre, il était intéressant
d’examiner quel(s) réseau(x) d’enseignement ont fréquenté(s) les
5,8
9,3
11,7
10,4
10,7
206
membres afin de mieux cerner les choix familiaux et le monde
«philosophique» dont les adhérents sont issus.
Constatons que 48,9% des membres d’Ecolo ont fréquenté
l’enseignement libre confessionnel alors que 37,4% sont issus de
l’enseignement officiel. Enfin, 11% ont fréquenté plusieurs réseaux.
Fréquentation des réseaux d’enseignement (en %)
Sans réponse
Officiel
Libre confessionnel
Libre non confessionnel
Plusieurs réseaux
1,7
36,7
48,9
1,9
10,8
N=1459
37,4
49,9
2,0
11,0
N=1434
Il est particulièrement stimulant de mettre en parallèle ces
chiffres avec ceux des réseaux scolaires fréquentés par les enfants
des membres. Précisons d’emblée que 81,1% des adhérents ont des
enfants. Que donne la comparaison ?
Observons que parmi les enfants, la fréquentation de
l’enseignement officiel est majoritaire : 43,6%. Notons aussi une
pratique plus forte dans le changement de réseaux : 18,1%. On
remarque en parallèle une diminution significative du pourcentage
de fréquentation du libre confessionnel : 34,5%.
Fréquentation des réseaux d’enseignement par
les enfants des adhérents (en %)
Officiel
Libre confessionnel
Libre non confessionnel
Plusieurs réseaux
43,6
34,5
3,7
18,1
N=1124
Si l’on croise le(s) réseau(x) qu’ont fréquentés les parents et
celui des enfants, on remarque qu’une grande majorité des
adhérents ayant été à l’école officielle envoie leurs enfants dans
l’enseignement officiel : 65% pour 18,3% au libre confessionnel, 3%
au libre non confessionnel et 13,7% de fréquentation de plusieurs
réseaux. Les transferts sont plus importants pour les parents ayant
été dans des établissements du réseau libre confessionnel. En
effet, moins de la moitié des enfants côtoient le même réseau
(48,2%), tandis que 31,9% se rendent dans l’enseignement officiel,
3,2% dans le libre non confessionnel et 16,8% dans plusieurs
réseaux. Il y a donc un détachement culturel par rapport à la
mouvance chrétienne dans le domaine le plus sensible du clivage
laïque/catholique : l’enseignement et le monde de la formation.
207
Croisement des réseaux d’enseignement fréquentés par les
membres et par leurs enfants (en %)
Parents/enfants
LibreLibre non
Plusieurs
confessionnel confessionnel réseaux
Officiel
Officiel
65,2
18,3
3,0
13,7
Libre confessionnel
31,9
Libre non confessionnel
16,7
48,2
3,2
16,8
22,2
50,0
11,1
Plusieurs réseaux
26,8
26,8
1,9
44,6
D’autres critères enrichissent et complètent ce panorama.
Ainsi, très peu de membres (voir infra) lisent régulièrement La
Libre Belgique, le quotidien du «monde catholique» traditionnel.
De même, constatons qu’au sein des membres qui ont
précédemment appartenu à un autre parti, les anciens membres du
PS sont plus nombreux que ceux qui ont transité par le PSC (voir
infra) même si évidemment il faut nuancer ce critères compte tenu
des effectifs et du poids proportionnellement beaucoup plus
importants du parti socialiste dans la Communauté française.
Notons aussi la sur-représentation parmi, les syndiqués
d’Ecolo, de la CSC par rapport aux membres de la FGTB, pourtant
nettement majoritaire en Communauté française.
Enfin, nous avons testé l’hypothèse d’une laïcisation plus
marquée dans les nouvelles générations d’adhérents à Ecolo. A
travers deux variables, on peut relever la complexité des positions
en la matière. En effet, si l’on s’en tient à l’élément «croyance»,
l’hypothèse de la laïcisation est totalement infirmée pour les
nouvelles générations de membres dans la mesure où pour les
adhérents des années 1989, 1990, 1991, 1992, 1993 et 1994, la
proportion de croyants est chaque fois supérieure à la moyenne de
l’ensemble des membres d’Ecolo (57,3%).
Générations d’adhérents et croyances (en %)
Oui
1969-79
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
Non
46,2
67,9
52,1
54,2
67,5
60,6
60,0
52,5
48,3
56,3
58,5
53,8
32,1
47,9
45,8
32,5
39,4
40,0
47,5
51,7
43,7
41,5
208
1990
1991
1992
1993
1994
49,5
59,5
60,9
56,2
60,7
50,5
40,5
30,1
33,8
39,3
Toutefois, cette première constatation est nuancée par une
autre variable. Si l’on examine le réseau d’enseignement fréquenté
par les enfants des membres, on note que pour les années 1992,
1993 et 1994, la proportion d’enfants dans l’enseignement officiel
est supérieure à la moyenne des adhérents (43,6%). S’il n’y a donc
pas une laïcisation générationnelle dans les adhésions, on peut
avancer l’hypothèse d’un détachement plus fort à l’égard d’une
des composantes culturelles déterminantes du clivage laïquescatholiques : celle de l’enseignement et de la formation. Ce qui est
fondamental dans le positionnement sociétal des individus.
Génération d’adhérents et fréquentation des réseaux
d’enseignement des enfants (en %)
1969-79
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
Libre non
Plusieurs
Libre
Officiel
confessionnel confessionnel réseaux
37,5
29,2
4,2
29,2
45,6
38,0
1,3
15,2
43,3
29,9
4,5
22,4
41,2
29,4
4,7
24,7
44,4
37,0
3,7
14,8
38,2
41,2
5,9
14,7
40,0
40,0
0,0
20,0
48,6
31,4
5,7
14,3
42,2
42,2
2,2
13,3
41,0
42,2
2,4
14,5
57,7
21,2
7,7
13,5
38,6
41,0
3,6
16,9
39,8
38,7
3,2
18,3
43,9
34,6
5,6
15,9
56,2
21,9
2,9
19,1
44,8
31,2
4,0
20,0
Que conclure ?
— Si l’importance des membres originaires, à un titre ou l’autre, de
la famille chrétienne forme une réalité difficilement contestable
au sein d’Ecolo, il n’en demeure pas moins qu’Ecolo ne peut se
résumer à cette réalité. Il transcende la division philosophique et
donc les piliers traditionnels de la vie politique belge. Sur cette
question, il s’agit d’un parti transversal.
209
— S’il y a une influence évidente de personnes issues du monde
chrétien, il importe de relever que nombre d’entre elles se
trouvent souvent en rupture claire avec celui-ci ; soit au niveau des
valeurs philosophiques, soit à celui du monde social et culturel
fréquenté.
— Il ne faut donc ni sous-estimer ni exagérer le poids catholique
parmi les verts.
— D’autres sensibilités philosophiques existent par ailleurs dans
Ecolo. Une petite centaine d’adhérents sont membres d’une
association laïque ou de libre-pensée, ce qui n’est pas négligeable.
— Enfin, comme le montrent les résultats sur les générations
d’adhérents, ces influences diverses et ces provenances multiples
se croisent et s’entremêlent souvent de façon complexe et
contradictoire.
Une présence importante dans
le secteur non-marchand
Les professions des adhérents d’Ecolo fournissent également
de précieux renseignements. Notons d’abord que le parti comporte
en son sein 78,7% d’actifs pour 21,3 d’inactifs.
Parmi les actifs, les employés forment la catégorie la plus
nombreuse : 26,4%. Mais il importe surtout de relever l’ampleur
considérable des enseignants du primaire et du secondaire qui
représentent pas moins de 22,2% des adhérents actifs d’Ecolo. Ce
total s’élève même à 26,8% si nous y ajoutons les professeurs et les
chercheurs de l’enseignement supérieur. Plus d’un membre actif
sur quatre est de la sorte professionnellement lié au monde de
l’enseignement.
A ces catégories du secteur non-marchand, il importe aussi
d’additionner les travailleurs du monde de la santé (médical et
paramédical) et du travail social, soit 10,9 % des membres.
En revanche, on remarquera avec intérêt la relative faiblesse
de la représentation des professions libérales (3,8%), des cadres
moyens (1,9%) ou supérieurs (0,4%), de même que celle plus
importante des commerçants (0,6%), des ouvriers (4,5%) et des
agriculteurs (0,3%).
210
Professions des actifs (en %)
Professions libérales
Cadres moyens
Cadres supérieurs
Enseignement supérieur et recherche
Enseignement primaire et secondaire
Santé et travail social
Employé
Commerçant
Ouvrier
Agriculteur
Militaire
Fonctionnaire
Indéterminé
3,8
1,9
0,4
4,8
22,2
10,9
26,4
0,6
4,5
0,3
0,2
13,9
0,4
N=1170
Il est aussi significatif de constater que parmi l’ensemble des
membres d’Ecolo, seuls 5,4% sont chômeurs et 4% des femmes ou
des hommes au foyer.
Répartition professionnelle des hommes et des femmes
Hommes Femmes
Indéterminé
Fonctionnaire
Militaire
Agriculteur
Ouvrier
Commerçant
Employé
Santé et travail social
Enseignement primaire et
secondaire
Enseignement supérieur et
recherche
Cadres supérieurs
Cadres moyens
Professions libérales
0
5
10
15
20
25
30
211
La distinction professionnelle entre hommes et femmes est
étonnamment peu marquante. Il y a certes une présence des
hommes plus marquée au sein des professions libérales et des
cadres moyens, cette différence est statistiquement peu
représentative. La seule distorsion frappante concerne les
travailleurs du secteur de la santé et du travail social dans lequel
les femmes (18,4%) sont deux fois et demie plus nombreuses que
les hommes (7,4%), ce qui n’est que le reflet d’une situation
sociale.
En revanche, le pourcentage des catégories parmi les inactifs
est lui très différent chez les femmes et chez les hommes. Parmi
les inactifs, les femmes au foyer (40,5%) sont dix fois plus
nombreuses que les hommes au foyer (4,9%). On retrouve une
reproduction sociologique classique de notre société. Rappelons
cependant que la proportion d’hommes et de femmes au foyer est,
dans l’absolu, faible.
Statut des inactifs chez les hommes et chez les femmes (en %)
Homme ou femme au foyer
(Pré)pensionné
Etudiant
Chômeur
Autre
Hommes
Femmes
4,9
40,5
51,9
32,3
7,7
0,8
28,7
19
6,6
9,9
La profession des parents fournis des informations utiles sur
l’origine sociale et culturelle des adhérents Ecolo. A cet égard, on
constate une diversité certaine. Aucune catégorie ne ressort
particulièrement. 20,3% des adhérents actuels ont eu ou ont un
père ouvrier, 15,3% un père employé, 13,6% un père commerçant,
13,4% un père cadre moyen, 11,1% un père fonctionnaire, 7,6% un
père enseignant, 5,4% un père agriculteur et 2,1% un père cadre
supérieur.
La situation est plus typique pour la situation professionnelle
des mères. Si on additionne les «sans réponse» signifiant sans doute
dans la majorité des cas «femme au foyer» et les «femmes au
foyer», on totalise 63,7% des réponses ! Les adhérents écologistes
ont donc eu une enfance avec leur mère au foyer. Dans ce
contexte, les autres catégories sont faiblement représentées :
enseignantes, 8,0% ; employées, 7,5% et ouvrières, 3,5%.
Remarquons toutefois que si l’on ramène ces chiffres au total des
femmes ayant (eu) une profession, la place occupée par
l’enseignement est très forte.
212
De ce rapide tour d’horizon, il ressort que si les milieux
sociaux d’origine des membres Ecolo sont divers, ils se concentrent
plutôt dans les classes moyennes. De même les milieux aisés
comme les professions libérales (6,4% pour les pères et 0,7% pour
les mères) et les cadres supérieurs (2,1% pour les pères et 0,1%
pour les mères) sont peu représentés.
Ce que gagnent et ce que lisent les adhérents
Que gagnent les écologistes francophones chaque mois ?87
Ecolo se compose d’une très large franche de membres
appartenant aux classes moyennes-supérieures en termes de
ressources puisque 48,3% gagnent entre 50 000 et 100 000 francs
net par mois et 4,2% entre 100 000 et 250 000 francs, alors que
38,8% perçoivent entre 25 000 et 50 000 francs et 8,5% moins de
25 000 francs. Le niveau des diplômes, la faible présence des
jeunes de moins de trente ans ainsi que la sous-représentation des
chômeurs expliquent sans doute ces chiffres. Remarquons
néanmoins que malgré un pourcentage de non-actifs de 21,3%, plus
de 52% des membres gagne plus de 50 000 francs par mois. En tout
état de cause, il existe donc une sous-représentation des couches
défavorisées, en termes de rétributions, de la population. Même si
cette sous-représentation existe dans tous les partis.
Gains nets par mois des membres d’Ecolo (en francs belges)
Sans réponse
Moins de 25 000 FB
Entre 25 000 et 50 000 FB
Entre 50 000 et 100 000
Entre 100 000 et 250 000 FB
Plus de 250 000 FB
4,7
8,1
37,0
46,0
4,0
0,2
N=1459
8,5
38,8
48,3
4,2
0,2
N=1390
A cette échelle, on constate des aussi des différences
régionales. 14,3% des membres de la régionale d’Arlon-Marche
Bastogne, 12,3% de ceux de la régionale de Dinant-Philippeville et
11,1% de ceux de Charleroi gagnent moins de 25 000 francs par
mois pour 5,8% des adhérents de la régionale de Liège et 6,7% de
ceux de la régionale bruxelloise. En revanche, 62,5% des adhérents
87
Il est a remarqué mais cela ne constitue pas une surprise que le
taux de non réponse à cette question atteint 5,7% ce qui est
nettement plus élevé que pour les autres questions de ce type.
213
de la régionale de Soignies et 61,6% de ceux du Brabant wallon
perçoivent plus de 50 000 francs par mois pour 31% des membres de
la régionale de Neufchâteau-Virton et 40,8% de ceux de la
régionale de Charleroi.
Répartition différenciée des gains nets par mois (en %)
- de 25
000
Neufchâteau-Virton
Arlon-MarcheBastogne
Entre 25 000
et 50 000
Entre 50 000
et 100 000
Entre 100 000
et 250 000
+ de 250
000
6,9
62,1
31,0
0,0
0,0
14,3
28,6
50,0
7,1
0,0
Thuin
7,0
41,9
51,2
0,0
0,0
Picardie
7,4
37,0
50,6
4,9
0,0
Verviers
9,5
46,3
42,1
2,1
0,0
Soignies
8,9
28,6
58,9
3,6
0,0
Eupen
10,0
40,0
50,0
0,0
0,0
Namur
8,3
42,1
44,6
4,0
0,8
Mons
7,1
35,7
52,8
4,3
0,0
12,3
40,7
41,5
5,5
0,0
Dinant-Philippeville
Brabant wallon
8,0
31,5
55,4
4,7
0,5
11,1
48,2
38,9
1,9
0,0
Huy-Waremme
8,4
37,9
51,7
1,9
0,0
Liège
5,8
43,4
46,8
4,1
0,0
Bruxelles
6,7
38,4
49,2
5,3
0,5
Charleroi
Les membres d’Ecolo apparaissent comme des lecteurs
quotidiens assidus d’au moins un journal belge puisque 80,6%
d’entre eux déclarent lire «régulièrement» un journal. Dans les
publications quotidiennes, Le Soir occupe une position
hégémonique. Il est cité par 65,9% des adhérents. Vers l’avenir
occupe la seconde place avec 5,2% devant La Libre Belgique (4,9%)
et La Meuse (3,4%). Il n’est pas sans intérêt de relever les 3,5%
obtenus par l’ancien hebdomadaire démocrate-chrétien La Cité
compte tenu de son audience limitée.
Premier journal cité parmi les lecteurs assidus
de la presse belge (en %)
Le Soir
65,9
Vers l'Avenir
5,2
La Libre Belgique
4,9
La Cité
3,5
La Meuse
3,4
Le Ligueur
1,9
Le Jour
1,5
Le Courrier de l'Escaut
1,2
Autres
12,5
N=1177
214
Une quantité non négligeable de membres lisent aussi
habituellement un journal ou un périodique étrangers. Parmi ceuxci, le journal Le Monde arrive en tête avec (40%) suivi par Le Monde
diplomatique (20,1%).
Premier journal cité parmi les lecteurs assidus
de la presse étrangère (en %)
Le Monde
Le Monde diplomatique
Libération
Le Nouvel observateur
Le Canard enchaîné
Time Magazine
Autres
40,0
20,1
9,7
4,4
3,5
2,3
20,0
N=433
Des générations nouvelles
La date d’adhésion des membres Ecolo est aussi riche en
indications. Ecolo a connu un processus de renouvellement de ses
membres puisque 33,5% de ses adhérents l’ont rejoint au cours des
années 1992, 1993 et 1994. Les derniers succès électoraux, d’une
part, et l’impact du mouvement des enseignants ainsi que
l’importance générale donnée aux non marchands, d’autre part,
expliquent sans doute ce mouvement. Il faut y ajouter l’intérêt
accru d’Ecolo pour les problématiques sociales.
Constatons aussi que 6,9% des répondants sont parties
prenantes depuis l’origine (1980)88. 19,4% ont adhéré au
mouvement pendant ses trois premières années d’existence. Les
autres périodes sont nettement moins significatives. Surtout les
années 1983 (2,4%), 1984 (2,9%) 1985 (3,6%) et 1986 (2,9%). Le total
des adhérents pendant ces quatre années est moindre que celui des
personnes ayant pris leur carte en 1994, année électorale il est
vrai.
88
1,9% des membres se trompent manifestement sur leur année
d’adhésion la situant avant 1980 ! Il faut sans doute en partie les
additionner à ceux qui ont leur carte depuis 1980.
215
Année d’adhésion des adhérents d’Ecolo (en %)
Sans réponse
Avant 1980
1980
1981
1982
1983
1980
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
3,3
1,8
6,6
5,2
6,9
2,3
2,8
3,5
2,8
4,0
7,4
4,7
7,3
8,2
10,8
10,3
11,9
N=1459
1,9
6,9
5,4
7,1
2,4
2,9
3,6
2,9
4,1
7,7
4,9
7,5
8,5
11,2
10,7
12,3
N=1411
Nous pouvons donc émettre l’hypothèse de l’existence de
deux générations au sein d’Ecolo. La première rassemblerait les
fondateurs du mouvement. La deuxième agrégerait les membres
plus récents, mais fatalement de plus en plus nombreux et, en
général,
plus
mobilisés
sur
les
questions
sociales
qu’environnementales. Il ne faut néanmoins pas avoir une vue
rigide de ces deux groupes. Plusieurs personnes fondatrices du
mouvement ont pu évoluer et s’ouvrir à d’autres problématiques.
De même, des adhérents récents ont pu intégrer plus fortement
l’importance des questions environnementales.
La participation des membres
Les taux de participation des membres aux diverses réunions
d’Ecolo sont révélateurs d’une partie du fonctionnement du parti
et de l’importance accordée par les membres aux divers échelons
de pouvoir. C’est d’autant plus capital qu’Ecolo fonctionne sur les
principes de la démocratie directe. Toutes les assemblées sont
ouvertes, chacun peut y prendre la parole et y voter. Mais quelle
proportion de membres profite réellement de ces possibilités ?
216
Participation différenciée aux assemblées régionales (en %)
Très souvent Souvent
Souvent
De temps en temps Rarement
Jamais
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Sans mandat
Conseiller
CPAS
Conseiller
communal
Conseiller
provincial
Parlementaire
fédéral ou
européen
Député
régional
Participation différenciée aux assemblées fédérales (en %)
Très souvent Souvent
Souvent
De temps en temps Rarement
Jamais
70
60
50
40
30
20
10
0
Sans mandat
Conseiller
CPAS
Conseiller
communal
Conseiller
provincial
Parlementaire
fédéral ou
européen
Député
régional
217
— Les réunions des locales semblent relativement bien suivies
puisque 60,3% des membres disent y participer «très souvent» ou
«souvent» contre 28,7% qui n’y assistent que «rarement» ou
«jamais.»
— A l’échelon régional, la tendance s’inverse nettement. En effet,
56,2% admettent ne «jamais» aller ou «rarement» aux assemblées
régionales contre 26,6% qui s’y déplacent «très souvent» (15,6%) ou
«souvent» (11%).
— En ce qui concerne les assemblées générales, ce n’est pas moins
de 77,2% des adhérents qui répondent ne «jamais» ou «rarement»
s’y rendre. Seuls 11,9% y vont «souvent» et 6,5% «très souvent.»
Ces chiffres posent sans détour la question de l’effectivité de
la démocratie directe au sein d’Ecolo. Non dans la forme mais dans
les faits. Même si elles sont souvent politiquement essentielles, il
est compréhensible que la participation aux assemblées générales
soit souvent difficile. Elles mobilisent une voire deux journées
pendant les week-end. Les déplacements occasionnés sont parfois
longs et les problèmes pratiques (familiaux notamment) nombreux.
En revanche, ces problèmes sont moins prégnants au niveau
régional. Pourtant la participation y est très moyenne.
Quelle est dès lors la représentativité des assemblées
générale s’il n’y a pas de mécanisme de délégation des pouvoirs ?
Compte tenu du nombre réduit d’adhérents à Ecolo, le total des
participants à la plus haute instance du mouvement ne regroupe
jamais, à Ecolo aussi, qu’une infime minorité des membres.
Mentionnons néanmoins que pour les assemblées les plus
fondamentales, la participation s’accroît. Ainsi à l’assemblée de La
Louvière (octobre 1995), il y a eu environ 450 présents (un sixième
des adhérents), tandis qu’à l’assemblée de Louvain-La-Neuve
(janvier 1996), ils étaient environ 420.
Cette évanescence de la participation aux assemblées
régionales et générales doit, au surplus, être mise en perspective
avec la détention ou non d’un mandat politique. En effet, si nous
croisons les taux de participation avec cet élément, deux éléments
marquants doivent être mis en exergue :
— il existe une distinction forte dans les comportements selon que
l’on détient ou non un mandat politique. Les premiers ne
participent
que
peu
aux
assemblées
régionales
et
qu’exceptionnellement aux assemblées générales. Dès lors que l’on
possède un mandat politique, les taux de fréquentation des
assemblées régionales et générales augmentent.
218
— Parmi les personnes ayant un mandat politique, on constate que
le taux de participation aux assemblées régionales et fédérales
augmente au fur et à mesure que s’élève l’importante du mandat :
conseiller du CPAS, conseiller communal, conseiller provincial,
conseiller régional bruxellois, parlementaire fédéral et européen.
La
participation
relativement
faible
aux
réunions
politiquement les plus sensibles peut partiellement s’expliquer par
le peu de temps qu’une moitié des membres d’Ecolo consacrent
aux activités militantes : 45,8% d’entre eux vouent moins d’une
heure par semaine à leurs activités militantes. A contrario,
l’investissement des autres adhérents est éloquent : 28,7% passent
entre une et trois heures par semaine à leurs activités militantes ;
12% entre trois et cinq heures, ce qui signifie déjà un engagement
considérable. Mais que penser du dévouement des 7,9 % des
adhérents qui passent entre cinq et dix heures hebdomadaires au
militantisme et les 5,7% qui lui donnent plus de dix heures par
semaine ?
Temps hebdomadaire consacré à la militance (en %)
Sans réponse
Moins d'une heure
Entre 1 et 3 heures
Entre 3 et 5 heures
Entre 5 et 10 heures
Plus de 10 heures
5,8
43,1
27,1
11,3
7,4
5,3
N=1459
45,8
28,7
12
7,9
5,7
N=1375
Nous l'avons vu, la réduction du temps de travail est un des
axes programmatiques fondamentaux d'Ecolo. A un double point de
vue. Comme piste pour réduire sensiblement le chômage. Et
comme mode de vie pour accroître ses possibilités dans la «sphère
autonome», un des leitmotivs d'Ecolo : «Plus vaste sera cette
sphère autonome, plus grande sera la part faite à des relations
humaines qui échappent à la logique du marché comme à celles de
l'Etat et peuvent donc être directement axées sur les valeurs
d'usage, sur la satisfaction directe des besoins."89 Ce n'est donc pas
le moindre des paradoxes de voir le temps de travail extrêmement
important consacré par de nombreux militants, élus et
89
Ecolo, Déclaration de Peruwelz-Louvain-La-Neuve exprimant les
principes fondamentaux du mouvement Ecolo rendue publique le 1er
juillet 1985, 18 p., p. 12.
219
responsables d'Ecolo.90 Dans son livre sur la militance, Michel Tozzi
souligne à plusieurs reprises les contradictions et les difficultés du
militantisme. Trop de «travail» pour trop peu de personnes
conduisant à l'effet pervers de l'hésitation à la participation aux
activités. Course perpétuelle pour être à jour : «Le présent est
vécu comme tâche et activité, jamais vide ou flânerie. Il y a
toujours quelque chose à faire et un retard à rattraper, par
exemple l'information qui s'accumule : il faut lutter
quotidiennement pour être à jour, sinon il est difficile de remonter
le courant. Le temps militant glisse entre les doigts.»91 Manque de
temps pour prendre du recul, pour réfléchir, pour sa famille, pour
ses amis,... Plusieurs interlocuteurs nous ont signalé cette tension
récurrente.
Etant donné la structure souple d’Ecolo, le nombre de
permanents et d’élus influe peu sur ces chiffres. Bien sûr, comme
le montre le tableau suivant, les mandataires politiques
consacrent, proportionnellement, plus de temps à des activités
militantes que les non-mandataires. Néanmoins, une moitié des
adhérents sans mandat a une activité militante qui dépasse, en
tout état de cause, une heure par semaine.
Temps hebdomadaire différencié consacré à la militance (en %)
Moins
d'une
heure
Entre 1
et 3
heures
Entre 3 et 5 Entre 5 et
heures
10 heures
Sans mandat
53,9
29,7
8,9
4,5
Conseiller CPAS
Plus de
10
heures
3,0
21,6
35,1
27,0
16,2
0,0
Conseiller Communal
5,2
24,8
28,8
26,8
14,4
Conseiller provincial
Député régional
bruxellois
3,9
19,2
30,8
26,9
19,2
0,0
28,6
0,0
28,6
42,9
Parlementaire
0,0
0,0
11,8
5,9
82,4
La part des adhérents sans mandat par rapport à l’ensemble
des mandataires politiques dans les cinq catégories proposées
90
La même constatation revient dans le cas français : «Souvent, je
travaille la nuit. Il arrive que je me couche à minuit pour me
relever à quatre heures afin de me mettre à jour dans mon travail
de cordonnier. Ce n'est pas toujours facile» raconte ainsi un élu
régional de Basse Normandie.
D. BOY, V. J. LE SEIGNEUR, A. ROCHE, op. cit., p. 121.
91
M. TOZZI, Militer autrement, Chronique sociale-Vie ouvrière, 1985,
159 pages, p. 43.
220
montre pour une partie d’entre eux une implication significative,
voire très forte.
Temps consacré aux activités militantes pour
les adhérents sans mandat et pour les mandataires
Moins d'une Entre 1 et
heure
3 heures
Sans mandat
Mandataires politiques
Entre 3
et 5
heures
Entre 5 et
10 heures
Plus de 10
heures
97,3
85,3
61,2
47,2
43,6
2,7
14,7
38,8
52,8
56,4
Ecolo semble donc coupé en deux composantes assez égales.
D’un côté, les membres qui s’y investissent très peu sinon pas du
tout. De l’autre, les adhérents qui paraissent consacrer un temps
parfois considérable pour le mouvement.
Une affirmation forte
Dans la culture politique des membres d’Ecolo, nous avons
voulu éprouver la force de «l’attachement» à Ecolo sur le plan des
valeurs et sur le plan du parti. Dans un premier temps, le rapport
aux autres partis a été analysé sous différents angles.
Combien de membres ont-ils appartenu à une autre formation
politique ? Près d’un quart (23,5%) des adhérents actuels d’Ecolo
ont précédemment transité par un autre parti.
Parmi ces membres, plus de la moitié sont passés par le parti
socialiste (29,3%) et le parti social-chrétien (22%). Seuls 5,5% ont
un jour rejoint le PRL et 2,9% le FDF ce qui marque une claire sousreprésentation de ces deux partis. Par contre, les anciens membres
du parti communiste (5,5%) et du Rassemblement wallon (6,7%)
sont sur-représentés.
Partis fréquentés par les membres ayant appartenu à une autre
formation (en %)
PS
PSC
PCB
PRL
FDF
RW
Autre
29,3
22,0
5,2
5,5
2,9
6,7
28,4
N=345
221
Nous avons aussi sondé les adhérents sur leur rapport aux
autres formations d’un point de vue électoral à travers la
question : «Pour quel parti voteraient-ils si Ecolo ne se présentait
pas aux élections ?»
Une première remarque s’impose d’évidence : si l’on
additionne les «sans réponse» (24,8%) et les réponses «aucun»
(19,9%), on relève que 44,7% des adhérents n’émettent aucun avis
«positif» clair à cette question. Il est difficile d’imaginer et
d’interpréter l’attitude des «sans réponse» le jour de l’élection.
Soulignons qu’à tout le moins aucun parti ne s’impose d’évidence
pour près d’un quart des membres Ecolo et que pour un cinquième
d’entre eux, c’est Ecolo ou rien. On peut donc déceler un degré
«d’adhésion» fort à Ecolo dans cette réponse.
Dans les motivations de l’adhésion, nous avons aussi relevé le
sentiment récurrent considérant qu’Ecolo incarnerait seul contre
tous l’honnêteté, la probité,... (voir infra). La présence de cette
culture politique pourrait avoir un impact sur les questions de
participation éventuelle au pouvoir. En effet, la thématique du
compromis est ici en cause.92
Une deuxième constatation s’impose : les partis de gauche
sont crédités de scores qui dépassent — de très loin — leurs scores
nationaux. C’est surtout vrai pour les formations se classant
politiquement à la gauche du PS. A tel point qu’un nombre
significatif de sondés ont répondu d’initiative «un parti de gauche
mais pas le PS.» Alors que cette question était ouverte — le nom
des partis n’était pas indiqué —, 9% des adhérents indiquent
gauches unies, 2,1% le PTB, 3% un «parti de gauche» et 1,5% le
parti communiste ; soit un total de 15,6%. Le PS recueille, quant à
lui 19,3% et le PSC 10,8% seulement ce qui constitue un indicateur
intéressant sur les relations actuelles entre les adhérents Ecolo et
le représentant politique du pilier catholique. Pour sa part, le PRL
n’obtient que 3,2% et le FDF 1,5%. Notons aussi l’évanescence de
l’extrême-droite (0,7%).
Afin d’affiner notre étude, nous avons aussi approché cette
problématique à travers une question renversée : «Y-a-t-il (et
lesquels) des partis pour le(s)quel(s) vous ne voteriez en aucune
circonstance ?»
92
Question qu’avaient déjà soulevée Pierre Jonckheer et Michel
Somville dans leur «audit» interne (voir supra).
222
La réponse positive est massive : 96,3%. Seuls 0,8% répondent
«non» et 2,9% ne répondent pas. Quels sont dès lors les partis les
plus et les moins cités ?
Il est significatif de noter que 93,8% des adhérents Ecolo ne
voteraient «en aucune circonstance» pour un parti d’extrême
droite. Ce total combiné avec les éléments de la première question
témoignent que si des expressions poujadistes sont décelables chez
certains membres d’Ecolo, il n’y a aucune passerelle avec des
formes d’expression de type protestataire qui pourrait déboucher
sur un vote d’extrême droite.
Le rejet du PRL est également confirmé. Mentionné par 64,3%
des membres, le parti libéral apparaît aux antipodes des axes
programmatiques d’Ecolo. La suspicion envers le PRL dépasse
largement le score de l’extrême gauche : 48%. Un tiers (33,7%) des
répondants ne voteraient jamais pour le PSC. Enfin, le parti
socialiste est le moins souvent cité : 20,5%, ce qui donne certaines
indications pour les personnes n’ayant pas répondu à la première
question.
La différence d’attitude politique envers le PS et le PSC
montrent bien les nuances importantes à apporter sur l’influence
catholique au sein d’Ecolo. Si, comme nous l’avons montré, de
nombreux membres proviennent de la «nébuleuse catholique», de
manière générale, l’ensemble des adhérents d’Ecolo se sent plus
proche du PS que du PSC.
Une autre conclusion peut être prudemment tirée de ces
scores. Au-delà des discours et des positions officielles du parti sur
l’absence de partenaires privilégiés, il existe bel et bien une plus
grande proximité politique et idéologique — même résignée — avec
le PS, le PSC ou certains autres mouvements appartenant
clairement à la gauche qu’avec le PRL. La question est alors de
savoir s’il est crédible de continuer à affirmer qu’il n’y a aucun
interlocuteur préféré pour la formation hypothétique d’alliances
aux niveaux fédéral, communautaire ou régionaux.
De même on peut et on doit s’interroger sur le célèbre
positionnement politique «ni à gauche, ni à droite» d’Ecolo. Nous
avons déjà largement abordé la problématique et montré le rôle de
consensus interne de ce (non)positionnement. Si le discours
«certifié» présente ce clivage comme historiquement dépassé et
incapable d’exprimer la situation et les enjeux contemporains,
force est de remarquer qu’aux yeux des membres d’Ecolo, cette
affirmation n’a pas force de loi. A ce sujet, les éléments mis en
223
exergue sur les rapports — électoraux — aux autres partis sont
corroborés par le positionnement politique des membres.
Nous avons en effet demandé aux adhérents de se situer
politiquement et de faire de même pour Ecolo. Remarquons
d’emblée qu’il n’y a que 2,4% de membres qui n’ont pas répondu.
Ensuite, que seul un cinquième des membres (20,7%) reprend à son
compte le mot d’ordre «ni à gauche, ni à droite.» En revanche,
54,4% se classent «à gauche» et 9,4% «très à gauche», soit un total
de 63,8% de localisation à la gauche de l’échiquier politique. 13,8%
se positionnent «au centre», attitude non assimilable à «ni gauche,
ni droite.» Les totaux pour la droite sont marginaux : 1,3% des
adhérents se situent «à droite» et 0,5% «très à droite.»
Positionnement politique des membres d’Ecolo (en %)
Sans réponse
Très à gauche
A gauche
Au centre
A droite
Très à droite
Ni à gauche, ni à droite
2,4
9,2
53,1
13,4
1,2
0,5
20,2
N=1459
9,4
54,4
13,8
1,3
0,5
20,7
N=1424
A l’image du profil sociologique, des sensibilités régionales
prédominent manifestement. Les régionales de Thuin (30,9%), de
Charleroi (25,5%), d’Eupen (25,0) et de Verviers (22,8%)
rassemblent les proportions de membres qui se positionnent le plus
sur la ligne du parti contre 14,1% dans la régionale de Mons et
15,2% à Bruxelles. En revanche, le positionnement «à gauche» et
«très à gauche» rallie les proportions les plus nombreuses dans les
régionales de Bruxelles (74,9%), d’Eupen (70%), de Charleroi
(69,1%) contre 50% dans la régionale d’Arlon-Marche-Bastogne et
51,9% dans celle de Neufchâteau-Virton.
224
Positionnement politique différencié des
membres d’Ecolo (en %)
Très à
gauche
Neufchâteau-Virton
Arlon-MarcheBastogne
A gauche
Au
centre
A droite
Très à
droite
Ni à gauche,
ni à droite
7,1
44,8
24,1
0,0
3,5
17,2
12,5
46,4
21,4
3,6
0,0
16,1
9,5
40,5
14,3
4,8
0,0
30,9
Picardie
10,6
56,5
11,8
1,2
0,0
20,0
Verviers
7,9
57,4
10,9
1,0
0,0
22,8
Soignies
4,9
62,3
14,8
6,6
0,0
11,5
Eupen
0,0
70,0
5,0
0,0
0,0
25,0
Namur
7,9
55,6
15,1
0,8
0,0
20,6
Thuin
Mons
5,6
54,9
21,1
1,4
2,8
14,1
13,5
45,9
16,2
1,3
0,0
23,0
Brabant wallon
9,3
50,9
16,2
1,4
0,9
21,3
Charleroi
7,3
61,8
3,6
0,0
1,8
25,5
Dinant-Philippeville
Huy-Waremme
7,4
54,4
16,2
1,5
0,0
20,6
Liège
13,0
51,4
10,7
0,0
0,0
24,9
Bruxelles
11,9
63,0
9,9
0,0
0,0
15,2
Positionnement politique différencié suivant le lieu d’habitat
Très à gauche A gauche Au centre A droite Très à droite Ni à gauche, ni à droite
Plus de 50.000 habitants
Entre 30.000 et 50.000
habitants
Entre 5000 et 30.000 habitants
Entre 1000 et 5000 habitants
Moins de 1000 habitants
0%
20%
40%
60%
80%
100%
225
Un des paramètres majeurs qui éclaircit les raisons de ces
distorsions dans le positionnement politique dans les régionales est
le lieu d’habitation. En effet, il est possible de relever un lien
inversement proportionnel entre le positionnement à gauche et la
taille de la commune de résidence. Tendanciellement, les membres
habitant dans des communes rurales ou semi-urbaines se placent
politiquement nettement moins à gauche et beaucoup plus sous
l’étiquette «Ni à gauche, ni à droite.» En revanche, ceux qui
habitent dans les grandes villes se situent tendanciellement
largement plus à gauche et sensiblement moins sous l’expression
«Ni à gauche, ni à droite.» On comprend dès lors les disparités
régionales, sans que cette constatation recouvre la forme de «lois»
immuables.
Enfin, nous avons aussi, sur cette problématique, testé
l’hypothèse d’évolutions générationnelles d’adhésion. Qu’en est-il ?
Il nous semble difficile de déceler des dissemblances très
marquantes. Observons néanmoins une sur-représentation du
positionnement «au centre» pour les adhérents des années 1990
(22,1%), 1991 (19,8%), 1992 (13,6%), 1993 (14,1%) et 1994 (18,5%) et
une sous-représentation pour le placement «Ni à gauche, ni à
droite» pour ces mêmes années à l’exception de 1994. Mais,
répétons-le, ces distorsions ne sont pas très significatives. On ne
peut plaider de phénomène générationnel en termes d’adhésion
dans le positionnement politique des membres d’Ecolo.
Positionnement politique différencié
suivant l’année d’adhésion (en %)
Très à
gauche
1969-79
A gauche
Au
centre
A droite
Très à
droite
Ni à gauche,
ni à droite
11,1
48,1
18,5
0
0
18,5
1980
8,6
49,5
17,2
0
0
24,5
1981
8,3
55,6
6,9
0
0
29,1
1982
4,0
61,0
8,0
0
0
27,0
1983
14,7
47,1
5,9
0
0
32,4
1984
4,9
75,6
9,8
0
0
9,8
1985
5,9
56,9
9,8
0
1
25,5
1986
10,0
47,5
10,0
0
0
32,5
1987
14,0
63,2
5,3
0,0
0
17,5
1988
10,4
58,5
13,2
2,0
0
16,0
1989
11,8
54,4
11,8
1,5
0
20,6
1990
12,5
50,0
22,1
1,9
0
13,5
1991
10,3
55,2
19,8
1,7
0,1
12,1
1992
9,7
55,2
13,6
0,6
1,3
19,5
1993
8,1
54,4
14,1
4,0
1,3
18,1
1994
11,3
45,8
18,5
2,4
0
22,0
226
Les résultats du positionnement d’Ecolo par ses membres
confirment les tendances lourdes sur l’autopositionnement. Seul un
petit quart (24%) des adhérents classent Ecolo comme n’étant «ni à
gauche, ni à droite», soit une progression de 3,3%, alors que 60,4%
le situent «à gauche», 3% «très à gauche», 11,4% «au centre», 1%
«à droite» et 0,2% «très à droite.» Il n’y a donc un écart sensible
entre auto-positionnement et classement d’Ecolo qu’à un seul
niveau : la catégorie «très à gauche» qui passe de 9,4% à 3% (6,4%).
S’il est peu vraisemblable, comme l’a encore confirmé
l’assemblée générale de Louvain-La-Neuve en janvier 1996,
qu’Ecolo accepte d’être et de se classer à gauche, il faut
s’interroger sur la pérennité de cet autopositionnement négatif (ni
à gauche, ni à droite), sur la discordance — qui n’est peut-être pas
ressentie fortement — entre ce qu’Ecolo affirme être (ou pour être
exact ne pas être) et ce que ses membres prétendent être.
L’affirmation forte des adhérents écologistes, de même que
leur profil de gauche sont confirmés par leur positionnement envers
une série de problématiques d’ordre socio-économique ou sociétal.
Dans les réponses aux questions auxquelles ont été soumis les
membres d’Ecolo, la conformité du positionnement des adhérents
aux positions programmatiques est frappante. Qu’il s’agisse de
combat contre la fraude fiscale, du refus de privatiser la sécurité
sociale ou de l’importance des pouvoirs publics dans la vie
économique et sociale, les verts affichent massivement des
dispositions identiques à celles de leurs cadres et aux axes de leur
parti.
Réponse des adhérents Ecolo à douze propositions d’ordre
économique et social (en %)
Tout à
Plutôt
fait
d'accord d'accord
Il faut privatiser la sécurité sociale
Plutôt
contre
Tout à
fait
contre
Je ne
sais
pas
2,0
7,8
21,4
61,6
7,2 N=1437
Il faut restaurer la compétitivité des entreprises
12,9
45,1
21,7
7,8
12,5 N=1403
Il faut combattre la fraude fiscale
76,8
20,5
1,6
0,4
0,8 N=1445
Il faut diminuer le poids des syndicats
8,2
18,0
40,3
26,9
6,6 N=1419
Il faut réduire la durée du temps de travail
62,8
28,2
4,9
1,8
2,4 N=1444
Il faut augmenter la flexibilité du travail
40,2
34,2
16,4
5,8
3,3 N=1439
L'Etat doit taxer les grandes entreprises
40,1
39,3
8,8
1,7
10,1 N=1423
Le gouvernement doit privatiser les entreprises
3,6
11,5
40,3
38,5
6,2 N=1430
Il faut diminuer les écarts entre les revenus
57,6
34,6
4,3
0,9
2,6 N=1439
Il faut diminuer les cotisations patronales
Chaque citoyen doit pouvoir choisir individuellement son
degré de protection sociale
10,8
35,6
30,3
11,0
12,3 N=1428
8,1
18,5
34,8
32,5
6,1 N=1435
Au moins l'Etat intervient, au mieux se porte l'économie
3,9
15,2
39,6
27,7
13,7 N=1421
227
La même appréciation s’impose pour leurs attitudes envers les
problèmes de société. Qu’il s’agisse de l’application de la peine de
mort, de la place des femmes dans nos la vie sociale ou du droit de
vote et d’éligibilité des étrangers aux élections communales, les
membres d’Ecolo sont massivement sur les positions du parti. Il y a
indiscutablement large communion entre ce que pensent les
adhérents et ce que propose le parti. On peut y déceler l’existence
d’une véritable culture politique.
Réponse des adhérents Ecolo à sept propositions qui concernent
des questions de société (en %)
Tout à
fait
Plutôt
Plutôt
d'accord d'accord contre
La peine de mort devrait être rétablie
Les étrangers résidant depuis cinq ans devraient avoir le droit
de vote aux élections communales
Il faut interdire l'avortement
Le père et la mère d'un enfant devraient pouvoir se partager
le congé de maternité
Pour lutter contre l'insécurité, il faut beaucoup plus de
policiers
Pour combattre le sida, des préservatifs devraient être
distribués régulièrement dans toutes les écoles
Si on veut des enfants, il faut se marier
Tout à
fait
contre
Je
ne
sais
pas
5,5
6,1
14,2
72,3
1,9 N=1450
71,3
17,6
5,7
3,8
1,6 N=1445
3,4
7,4
23,1
62,6
3,6 N=1436
60,6
30,5
4,0
3,0
1,9 N=1451
6,3
15,3
42,7
29,6
6,1 N=1435
32,7
37,0
16,4
6,5
7,5 N=1436
7,7
25,5
22,1
35,1
9,6 N=1417
Les membres d’Ecolo et les associations
Les relations d’Ecolo avec les organisations syndicales et ses
rapports au syndicalisme constituent également un sujet
controversé. Il était dès lors original de l’approcher à travers la
présence des verts dans les organisations syndicales.
Constatons d’abord le taux de syndicalisation relativement
faible des écologistes : 44,2% des adhérents sont syndicalisés. Il
faut prendre ce chiffre avec prudence puisqu’il s’agit d’un
pourcentage sur un total absolu et non sur un total de
syndicalisables. Le taux de syndicalisation est donc en réalité plus
élevé. Néanmoins la faible représentation des moins de 24 ans et
des hommes et des femmes au foyer permet de conclure à une
présence proportionnellement moindre des membres Ecolo dans les
organisations syndicales que la moyenne.
Relevons aussi, et cela permet d’enrichir à nouveau le débat
sur le clivage laïc/croyant au sein d’Ecolo, que 52,8% des syndiqués
sont à la CSC, 37% à la FGTB et 2,7% à la CGSLB.
228
Répartition par syndicat parmi les membres syndiqués
et sur le total des membres (en %)
CSC
FGTB
CGSLB
Autre
52,8
37,0
2,7
7,5
N=629
22,8
16,0
1,2
3,2
N=1459
En ce qui concerne les centrales syndicales d’appartenance, il
n’est par contre guère surprenant de retrouver 21,3% des membres
Ecolo syndicalisés à la centrale nationale des employés (CNE),
17,8% à la centrale générale des services publics et 14% au SETCa.
Centrales d’appartenance chez les syndiqués Ecolo (en %)
CNE
CGSP
SETCa
Centrale de l'enseignement moyen et normal libre
Centrale chrétienne du personnel de l'enseignement
technique
Centrale chrétienne des métallurgistes
Centrale générale
Autre
21,3
17,8
14,0
5,7
4,8
2,0
1,5
32,9
N=544
Ajoutons aussi que 22,7% des syndiqués exercent un mandat
syndical, ce qui est important. Cela veut entre autres dire qu’un
adhérent sur dix (9,6%) a un mandat syndical.
Pourcentage des membres exerçant un mandat syndical par
rapport aux adhérents syndiqués et au total des membres (En %)
Oui
Non
22,7
77,3
N=616
9,6
90,4
N=1459
Une fois encore, les stéréotypes résistent avec difficulté à la
réalité. Il n’y a pas de conclusions univoques de ces résultats. Si le
taux de syndicalisation apparaît plutôt moyen, le nombre de
syndiqués avec un mandat est fort.
Les chiffres de syndicalisation sont peut-être plus parlants si
on les compare à certains taux d’adhésion à d’autres organisations
de nature éminemment différentes : 43,2% des adhérents sont
229
membres de Greenpeace et 56,8% de la Ligue des familles (pour les
membres qui ont des enfants).
D’autre part, 19% des adhérents sont membres des «Amis de la
terre», 20,8% d’un comité de quartier et 12,3% d’une société de
protection des animaux alors qu’un membre sur trois (33,3%) fait
partie d’une organisation d’aide au tiers-monde. Connaissant les
difficultés de ce secteur dans notre pays, ce chiffre est
remarquablement élevé. Il est d’ailleurs intéressant et instructif de
le comparer à celui atteint par les adhésions aux «Amis de la
terre», par exemple.
Présence des adhérents d’Ecolo dans un
certain nombre d’associations (en %)
Oui
Greenpeace
Comité de quartier
Amis de la terre
Ligue des familles
Amnesty International
Société protectrice des Animaux
Association d’aide au tiers-monde
Non
43,2
20,8
19,0
56,8
28,2
12,3
33,3
56,8
79,2
81,0
43,2
71,8
87,7
66,7
Ecolo, futur parti de gouvernement ?
Pendant plusieurs années, la question de la vocation à
participer au pouvoir a été controversée dans les rangs des
écologistes francophones. Notre enquête montre, à tout le moins
au niveau des principes, qu’il s’agit d’un débat dépassé.
En effet, les membres des verts estiment massivement que
leur parti a vocation normale à prendre part à l’exercice au
pouvoir aux niveaux communaux, régionaux, provinciaux,
communautaire et fédéral.
A l’échelle communale, 88,2% des répondants sont tout à fait
d’accord avec la proposition qu’Ecolo a une «vocation naturelle»
au pouvoir, 9,2% sont plutôt d’accord, soit un total de 97,5%
d’adhérents estimant normale cette disposition. On pourrait
objecter que ces chiffres s’expliquent par la présence effective
d’Ecolo au pouvoir dans un certain nombre de communes. Mais ils
sont corroborés pour les autres niveaux.
230
Ecolo a vocation à participer au pouvoir
au niveau communal (en %)
Sans réponse
Tout à fait d'accord
Plutôt d'accord
Plutôt contre
Tout à fait contre
Je ne sais pas
1,6
86,7
9,2
1,6
0,3
0,5
N=1459
88,2
9,3
1,6
0,3
0,5
N=1435
A l’échelon régional, 90,4% des membres sont plutôt d’accord
ou tout à fait d’accord avec la perspective d’une participation
gouvernementale. Au niveau fédéral, le total atteint 90,4% et est
encore plus élevé pour la Communauté française : 91,2%. La
réticence la plus marquée concerne l’échelon provincial où 7,7%
des répondants sont plutôt contre ou totalement contre ; ce qui
peut s’expliquer par deux raisons. D’une part, le manque de
lisibilité des institutions provinciales dans le paysage politique
belge. D’autre part, les réserves d’Ecolo envers cette institution
aux rôles pas toujours évidents et au fonctionnement peu
transparent.
Ecolo a vocation à participer au pouvoir au niveau fédéral (en %)
Sans réponse
Tout à fait d'accord
Plutôt d'accord
Plutôt contre
Tout à fait contre
Je ne sais pas
2,3
73,6
14,7
5,2
1,3
2,9
N=1459
75,4
15,0
5,3
1,3
3,0
N=1425
La culture politique des verts a donc connu une évolution
importante en la matière. L’image d’Ecolo enfermé dans son
opposition, refusant de se «salir les mains» et de se compromettre
au contact du pouvoir, appartient au passé. Le cas échéant, il
faudra évidemment vérifier ces attitudes concrètement, sur le
terrain. Car la question n’envisageait — et ne pouvait le faire — des
dimensions fondamentales comme les conditions de la participation
ou les alliés potentiels. En tout cas, il ne semble plus exister un
courant de pensée ou une inclination au sein d’Ecolo qui limiterait
«par principe» l’action politique du mouvement à la simple
opposition protestataire ou constructive.
231
Chapitre 8
Les choix d’une militance
232
233
Les motivations fournies par les membres d’Ecolo pour
expliquer leur adhésion sont aussi multiples et diverses que les
membres eux-mêmes. Chaque adhésion est le fruit d’une histoire,
d’un parcours, d’une rencontre, d’une réflexion différente et
originale. Il serait donc vain de vouloir les enfermer dans de
«grandes catégories» ou des «tiroirs» prédéfinis. L’exercice se
révélerait d’autant plus périlleux que, d’une part, chaque membre
donne plusieurs motifs qui ont justifié son choix sans pouvoir, le
plus souvent, les hiérarchiser. D’autre part, la nature même des
réponses diffère beaucoup : certaines personnes répondent par
trois mots reprenant trois valeurs ou idées forces qui ont été ou
sont décisives dans son adhésion. En revanche, d’autres, plus
nombreux, motivent — parfois assez longuement — leur choix.
Une précaution méthodologique doit également être établie.
A l’exception des nouveaux membres, les réponses souffrent d’un
«décalage historique.» Les explications sont fournies aujourd’hui
pour une adhésion qui date parfois de plusieurs années. Il s’agit
donc des raisons invoquées, «convoquées» maintenant pour
justifier une décision passée. Rien ne garantit une concordance
entre les motivations au moment de l’adhésion et les explications
données a posteriori. Un phénomène inévitable de «reconstruction
historique» doit être pris en compte dans l’analyse effectuée.
Nous ne tenterons donc pas de construire une «typologie des
motivations d’adhésion» ou une impossible quantification. Nous
essaierons de mettre en exergue les thématiques les plus présentes
qui traversent les réponses. Sans les hiérarchiser mais en montrant,
par petites touches, la cohérence du discours. En rassemblant
certaines réponses et en les reproduisant telle quelles, nous
voulons aussi montrer la grande diversité des motivations des
membres. A l’intérieur même des thématiques dégagées, nous
constatons une pluralité de réponses qui se recoupent,
s’entrecroisent, se répètent dans des ordres et avec des accents
différents.
234
Les motivations sont plurielles. Pour les uns, telle donnée
spécifique explique leur adhésion. Pour d’autres, on a à faire à un
ensemble diffus. Enfin, certains citent une série de raisons d’ordre
et de nature très diverses : politique mais aussi sociale,
philosophique, personnelle, etc.
Nous avons tenu à laisser le plus possible en l’état ces
explications afin de laisser la parole aux membres d’Ecolo. Il
convient de noter le soin mis à répondre à cette question
«ouverte», c’est-à-dire plus complexe, moins balisée, demandant
en conséquence plus de temps et d’investissement personnel. Or, il
n’y a qu’une petite quarantaine de «sans réponse», ce qui est un
chiffre remarquablement faible.
Une autre caractéristique transparaît à la lecture des
réponses : la volonté de bien s’expliquer, de se faire comprendre.
Le souci pédagogique est manifeste.
Parmi les grandes thématiques, retenons d’abord que les
préoccupations purement et strictement environnementales et de
défense de la nature sont rarement invoquées comme seules et
uniques raisons justifiant l’adhésion à Ecolo. Rares sont les
réponses telles que :
— «Pour mieux combattre la pollution et essayer de sauver notre
planète et pour essayer de sauver les animaux et surtout les
oiseaux car il n’y en a plus beaucoup» (Q 815).
— «La protection de la nature» (Q 1267).
— «Mon respect pour notre mère : la terre» (Q 1259).
— «La mauvaise gestion de l’environnement par les partis
traditionnels. Ou trouver de l’eau pure, de l’air pur ? Plus moyen
de nager dans nos rivières, de pratiquer les sentiers de
promenades communaux» (Q 97).
— «La protection de la nature est pour moi devenu une question de
survie pour la planète. Ces dernières années, il y a eu une
augmentation catastrophique de la pollution de l’air, de l‘eau, de
la terre. Aucun parti traditionnel n’a fait de la lutte contre la
pollution une priorité. Seul le parti Ecolo en tient compte. Voilà
pourquoi j’ai adhéré à ce parti» (Q 1065).
— «C’est le parti qui se préoccupe le plus de la survie de la planète
et de la pollution» (Q 372).
235
En réalité, l’écrasante majorité des adhérents font référence
à la protection de l’environnement. Mais le plus souvent dans un
sens très large et en intégrant cette dimension dans une série
d’autres considérations ; en la replaçant dans un cadre plus global
et fréquemment plus politique. Quelques exemples en témoignent.
— «Sensibilité particulière aux problèmes de l’environnement.
Ecolo est la seule formation politique qui intègre les problèmes
environnementaux dans une vision globale et à long terme de la
société ; Ecolo prend en compte l’aspect qualitatif de la vie et ne
raisonne pas uniquement en termes quantitatifs de profit
bassement matériel» (Q 104).
— «Ma préoccupation pour l’environnement fut la principale raison
ainsi que la façon neuve qu’a Ecolo pour aborder les problèmes, le
nouveau regard et la recherche de solutions à long terme» (Q 279).
— «Protection de l’environnement (physique, humain et culturel).
Participation active dans un parti démocratique à la vie politique
du pays (...)» (Q 103).
— «Protection de l’environnement au sens large. Partage du temps
de travail» (Q 264).
— ««La politique autrement», le souci d’une société solidaire.
L’importance de la sauvegarde de l’environnement pour les
générations futures» (Q 400).
— «Accent mis sur l’environnement, l’économie au service des
gens, la démocratisation» (Q 442).
— «La lutte pour la sauvegarde de l’environnement. Interdiction
du cumul des mandats politiques. Partage du temps de
travail» (Q76).
— «Les options environnementales et sociales. L’homme dans la
nature, sur terre» (Q 655).
— «La conception globale d’une société démocratique ou le souci
de protéger l’environnement naturel est indissociable de la justice
sociale, économique, culturelle» (Q 1153).
— «La préservation de la planète, une autre façon de considérer
les problèmes d’environnement, sociaux, économiques, rapport
Nord/Sud, etc.» (Q 1190).
236
— «Ecolo a une vision globale et planétaire des problèmes de notre
temps. Globale. Tout se tient : l’économique, le social, le
culturel, l’environnemental, le monétaire, le politique.
Planétaire. On ne se sauvera plus tout seul. Ni une commune, ni
une région, ni un pays, ni un continent. Nous sommes condamnés
«à vivre ensemble comme des frères, sous peine de périr ensemble
comme des imbéciles.» Tous mêmes habitants d’un même «villageterre»» (Q 1195).
— «Lutte pour l’environnement, contre la pollution... Très bonnes
propositions socio-économiques... Se penchent pour résoudre les
problèmes
marginaux...
Partage
du
travail,
des
richesses...Programme adéquat à mon optique chrétienne...
Défense des droits de l’homme, du quart-monde, tiers-monde
(...)» (Q 1216).
— «Sa vision unifiant l’environnement, la production, la place
respectable des humains. Son sens du «monde» des liens évidents
Nord-Sud, sa transparence, son désintéressement matériel, son
pluralisme, sa séparation nette vis-à-vis des nationalismes
francophones et flamands» (Q 1274).
— «Recherche sans a priori rigides aux différents problèmes de
société.
Respect
égal
de
l’humain
et
de
son
environnement» (Q 1294).
— «Enfin, la prise de conscience de l’urgence de décisions
politiques s’inscrivant dans des objectifs à plus long terme de
sauvegarde de l’avenir humain face à des applications des sciences
et des techniques, développés dans un souci de compétitivité
économique ou militaire prévalant sur les dégradations
irréversibles de l’environnement et des relations humaines
qu’elles entraînent» (Q 1327).
— «Parti le plus démocratique, l’approche éco-développement à
soutenir. L’approche sociale la plus juste. Moralité politique de
haut niveau» (Q 1415).
— «L’idée de défendre un environnement tant au niveau
international, national que local. Une politique à long terme de
vie en société dans le respect des différences et de ce qui nous
entoure (...)» (Q 1417).
Plusieurs adhérents ont connu l’évolution du mouvement et en
retracent le parcours. Ils font de l’environnement la raison
principale qui a été la clé de leur adhésion. Mais ils soulignent que
leur horizon, dans le cadre des développements d’Ecolo, s’est
237
élargi à de nouvelles problématiques. Notamment les questions
économiques et les problèmes sociaux.
— «Dans un premier temps, pour les aspects environnementaux
défendus par ce parti dont la philosophie générale m’a conquise.
Aménagement du territoire, enjeux de société,... par la
suite» (Q 280).
— «Essentiellement au départ le souci de protection de
l’environnement. Ensuite, le besoin de justice sociale ou autre
(Nord-Sud...) et le désir de voir disparaître la corruption à tous les
niveaux (surtout politique), aussi pour lutter contre la société de
consommation» (Q 370).
— «Celles qui m’ont fait adhérer (1975 !) : contre le nucléaire et
les pesticides. A présent l’entièreté du programme» (Q 536).
— «Au départ : purement environnementaliste. Evolution parallèle
au
mouvement
vers
plus
de
préoccupations
socioéconomiques» (Q 591).
— «Eléments déclenchants : problèmes environnementaux dans la
commune et manque de communication avec les autorités
communales. Ensuite, par intérêt de la politique communale et
afin d’essayer de la rendre plus proche du citoyen» (Q 382).
— «Au départ des raisons exclusivement environnementales.
Ensuite, la plupart des autres options prises par le mouvement
depuis 1980, sociales, culturelles, démocratiques (...)» (Q 1132).
Les questions environnementales ne recouvrent donc qu’une
part des motivations qui doivent être englobées dans un ensemble
plus général. Ce canevas général a trait au projet global de société
qu’incarne et que et défend, aux yeux de nombreux membres,
Ecolo. A lire l’ensemble des réponses reçues, l’adhésion à ce
«projet global de société» est clairement une des raisons les plus
souvent citées pour justifier les adhésions à Ecolo ; même si les
tenants et les aboutissants du projet évoqué ne se rejoignent pas
toujours. Le slogan de la mouvance écologiste «Penser
globalement, agir localement» est de la sorte avancé par de
nombreux membres. Explicitement, parfois. Implicitement,
souvent. Le rapport à l’«universel», l’idée que tout est lié, que
«tout est dans tout» sont manifestement des traits marquants de la
culture politique des écologistes.
Notons au surplus que la «globalisation» — vécue ici comme un
aspect positif — porte tant sur les solutions (projet de société) que
sur l’analyse des problèmes de notre univers. Univers, tant la
238
dimension planétaire revient de manière récurrente. On a déjà pu
le relever dans plusieurs exemples précédents, la sensibilité des
adhérents d’Ecolo aux questions et aux problèmes du tiers-monde
est forte. La thématique des relations Nord-Sud est citée avec une
régularité presque déconcertante par rapport au repli
individualiste souligné dans notre société. Cette sensibilité aux
questions Nord-Sud corrobore au demeurant d’autres indications de
notre questionnaire. En particulier la présence significative de
membres d’Ecolo dans des associations d’aide au tiers-monde (voir
supra).
— «Vision globale. Solidarité. Critique de la société capitaliste.
Antimilitarisme» (Q 59).
— «Action sur le terrain (dans la locale). J’y trouve un projet de
société solide que j’ai envie de mettre en avant et de faire
connaître» (Q 154).
— «Envisager les problèmes de la planète de façon globale : les
aspects sociaux et environnementaux sont interdépendants, le
Nord et le Sud aussi» (Q 173).
— «Parce que Ecolo présente un projet politique nouveau, contrant
les idées traditionnelles (culte de la compétitivité, privatisations,
mondialisation de l’économie...) Le projet politique d’Ecolo est
rigoureux et cohérent, avec une vision globale des
problèmes» (Q 175).
— «Vision globale de la société intégrant un projet cohérent visant
l’harmonisation des rapports entre les hommes, les groupes
sociaux et le milieu naturel» (Q 298).
— «Il s’agit d’un parti qui propose un projet de société qui rend à
la personne humaine la place centrale qui lui revient : le
développement économique doit être au service de l’homme et
non l’inverse (...)» (Q 345).
— «C’est un parti qui envisage les problèmes globalement, tout en
proposant des solutions applicables individuellement (de l’ordre de
possible)» (Q 349).
— «Parti porteur d’un projet de société tout a fait novateur,
humain et réaliste» (Q 1206).
— «C’est le seul parti qui propose un autre projet de société et qui
s’attaque à la base des problèmes et pas seulement à leurs
conséquences» (Q 181).
239
— «Ce parti défend mes idées ; il est le seul à avoir une vision
globale de la société et une prospective des choses ; c’est un parti
pour lequel la politique garde encore son sens noble (...). Il pense
globalement
tout
en
agissant
localement
très
concrètement» (Q 160).
— «Le seul parti politique qui présente un projet de société. Les
autres se contentent d’appliquer de vieilles recettes» (Q 611).
— «Ecolo est la seule force politique affichant une approche
globale de la société. (...) Au niveau agricole, Ecolo est le seul à
donner un place aux agriculteurs dans le présent et dans l’avenir
et pas seulement dans le passé (nostalgie)» (Q 130).
— «Ecolo est le seul parti qui ait un projet de société plus juste,
plus égalitaire, plus solidaire. Les autres partis ne font pas de la
politique mais de la gestion : on équilibre dépenses et rentrées. Il
n’y a pas de projets, pas de priorités (...)» (Q 132)
Au soutien que les membres d’Ecolo apportent à un projet
global de société, s’ajoute la dimension temporelle. Aux yeux de
beaucoup d’entre eux, celle-ci est tout-à-fait déterminante dans
leur adhésion. On rejoint ainsi Ecolo parce qu’il présente non
seulement un projet de société mais aussi parce que ses analyses,
ses réflexions et ses propositions s’inscrivent dans la durée, dans le
long terme.
Ecolo ne se contenterait pas d’appliquer une emplâtre sur un
jambe de bois en matière environnementale, en matière sociale,
en matière culturelle. Il penserait et agirait en termes de
perspectives. Il s’agit là d’un des thèmes discriminants par rapport
aux autres familles et partis politiques. Et il est aussi vécu comme
tel. En effet, et cela déplace très largement les dimensions du
court ou du long terme, une très grande majorité des réponses font
référence au caractère «unique» de la pensée ou de l’action
d’Ecolo. Les verts sont ainsi décrits comme étant les «seuls» à
réfléchir, à proposer et à agir dans un sens déterminé. Il y a d’un
côté Ecolo, et de l’autre, le reste. Dans les exemples déjà cités,
cet aspect était déjà très présent. On peut s’apercevoir dans les
exemples qui suivent que cela constitue véritablement un trait
d’identité marquant des adhérents écologistes.
— «C’est le seul parti qui ne pense pas à ses intérêts à court terme
et s’inquiète réellement de l’avenir et de celui de nos enfants,
dans une société qui n’envisage que le profit à court terme, et
240
hypothèque ainsi son avenir (...). C’est le seul parti qui propose
une vision globale et cohérente de la société. (...)» (Q 74).
— «Seul courant politique à tout traiter à long terme» (Q 421).
— «Le seul parti qui prend les problèmes à la base et ayant
vision à long terme. Le seul parti qui parle plus de prévention
de «guérison.» L’air de transparence qui domine le parti,
fonctionnement interne semble démocratique. Le seul parti
s’occupe vraiment des problèmes d’environnement» (Q 437).
une
que
son
qui
— «Ecolo est le seul parti actuel qui voit plus loin que le bout de
son nez. Il ne pense pas qu’au court terme. Ecolo a des idées
originales, non traditionnelles et ose imaginer des scénarios
nouveaux (...)» (Q 410).
— «C’est le seul parti ayant une vision à long terme prenant en
compte à la fois le bien-être social et le respect de environnement
à l’échelle planétaire. Contre l’exploitation systématique du tiersmonde mais pour une juste coopération avec celui-ci. Le seul parti
ayant pris les mesures nécessaires contre les cumuls et
l’enrichissement de ses élus» (Q 57).
— «Seul parti alternatif qui propose un projet de société avec des
buts à long et à moyen terme» (Q 232).
— «Cette politique privilégie le long terme, la prise en compte de
tous les facteurs, la démocratie interne, l’universalité dans le
temps (une terre pour nos enfants), l’universalité dans
l’espace» (Q 88).
— «Projet de société soucieux de l’avenir de la plante et des
personnes refusant les slogans démagogiques, soucieux d’une
éthique exigeante» (Q 11).
Dans le cadre du projet global, Ecolo est aussi vécu, pour
certains, comme la formation politique, le «seul» parti — une fois
encore — porteur d’un changement de société profond, porteur
d’une utopie régénérante sinon révolutionnaire. Pour ces
adhérents, le désir de changement est profond et Ecolo, à l’époque
de la «pensée unique», incarne la formation à même de porter ces
mutations sociétales fondamentales.
— «La volonté de changer le système dans lequel on vit que ce soit
l’économie, le social, l’enseignement, les valeurs démocratiques,
les informations, il faut préserver, lutter pour améliorer toutes
ces valeurs et ne pas perdre de vue les notions simples qui mènent
à l’épanouissement complet de l’être humain» (Q 375).
241
— «Changer la société. Engagements sociaux antérieurs. Goût de la
politique» (Q 378).
— «Le sentiment qu’un changement de société est devenu
indispensable sur tous les plans, changement qui ne peut être
promu avec suffisamment de rapidité par les partis traditionnels
trop fossilisés» (Q 720).
— «Parce qu’Ecolo (porte ?) l’espérance d’un changement
fondamental de la société (plus de démocratie, de justice, de
solidarité, de culture, de dignité — moins de matérialisme, de
surconsommation crétine, de saccage de gaspillage éhonté, de
conformisme, de corruption)» (Q 734).
— «Mon espoir de voir des changements profonds dans la société se
construire à partir d’une vision globale (...)» (Q 887).
Si ce changement de société espéré, attendu, vécu concerne
le plus souvent les questions matérielles, «visibles» telles un
nouveau rapport à la nature, des relations économiques et sociales
plus justes avec le tiers-monde, plus de justice sociale, il porte
aussi pour beaucoup sur l’«immatériel» : les relations avec les
gens, la convivialité — dimension historique de l’écologie —, sur des
questions cruciales de notre mode de vie : l’amour, la solitude. Le
sens de la vie tout simplement.
— «J’ai un esprit optimiste et désire changer le monde. Je veux
combattre les injustices. Je veux sauver la terre tant qu’il est
encore temps. Je veux mettre de la vie. Je veux faire fleurir le
monde. Je veux donner aux gens l’occasion de vivre dans une
société où l’on écoute» (Q 1086).
Les différentes thématiques déjà mises en évidence ne
forment pas, loin s’en faut, des catégories fermées, bien définies.
Elles ne se contredisent pas. Au contraire elles, s’additionnent, se
complètent, s’articulent ou se combinent. De multiples raisons
jouent un rôle plus ou moins important selon la personne, selon son
parcours politique, selon ses expériences, etc.
Les motivations de l’adhésion à Ecolo font parfois aussi
référence à des problématiques temporelles moins générales et
plus concrètes. C’est ainsi que s’expriment, en nombre
remarquablement élevé, des soucis, des peurs, des angoisses pour
l’avenir des générations futures en général. Le (non)futur des
enfants et des petits-enfants est évoqué avec une récurrence forte.
Dans les préoccupations, l’appréhension environnementaliste
242
domine — «Nous n’avons qu’une seule terre qu’il faut sauvegarder
pour nos enfants.» Le thème de l’épuisement des ressources
naturelles est présent en filigrane ou clairement dans de nombreux
commentaires. L’ampleur de la pollution, posant les questions de la
vie et de la survie de l’humanité, est maintes fois soulignée De
nombreux membres élargissent toutefois la problématique. Quel
emploi, quelle société connaîtront les jeunes d’aujourd’hui ?
— «La nature est en train de mourir, les exemples qui le
démontrent se multiplient. Quel sera l’avenir de nos têtes
blondes, plus communément appelées enfants ?» (Q 9).
— «Pour une société plus juste et obligatoirement solidaire. Parce
que nous n’avons qu’une seule terre et qu’il faut la laisser en bon
état, agréable et vivable pour nos enfants. Tous les problèmes sont
liés et interfèrent les uns avec les autres. Pour le bonheur collectif
et pas la réussite individuelle dans et par la «loi de la jungle.»
C’est le seul parti qui a une vision planétaire à long terme» (Q 51).
— «Ecologie parce que je pense aux générations futures. Ecolo a
une façon plus démocratique de faire de la politique» (Q 316).
— «J’ai été séduit par les thèses de l’éco-développement qui
s’opposent au profit immédiat, à la gabegie des ressources
naturelles, aux déséquilibres Nord-Sud. Je voudrais pouvoir dire
que j’ai laissé derrière moi une planète propre et vivable pour les
générations futures» (Q 326).
— «La politique «autrement.» Le souci d’une société solidaire.
L’importance de la sauvegarde de l’environnement pour les
générations futures» (Q 400).
— «Il faut préparer l’avenir pour les générations futures.
Combattre l’injustice, la pauvreté, le chômage et la destruction
de notre planète» (Q 502).
— «Défendre le droit des générations futures à un environnement
convenable. Lutter pour le respect des lois équitables, la
modification de celles qui ne le sont pas. Utopiste ? Pour changer
les mœurs politique» (Q 508).
— «Défense des valeurs sociales et de l’environnement. Je veux
que notre terre soit toujours accueillante pour nos enfants. Lutter
contre les pots de vin, le cumul des fonctions» (Q 649).
— «Défendre
l’avenir
l‘humanité» (Q 672).
de
mes
(des)
enfants,
de
243
— «La qualité de la vie, la justice sociale, la protection de
l’environnement, le rétablissement d’une éthique politique
décente, en résumé, la pérennité de notre espèce sur cette belle
planète. Ma fille mérite bien que je prépare son univers» (Q 676).
— «(...) L’idée force que le destin de la planète est entre nos
mains à tous, que nous pouvons le construire autrement. Nous ne
sommes que colocataires de la terre avec les générations futures.
Dommage qu’il manque un projet de société plus immédiat, plus
identifiable pour y arriver» (Q 680).
— «L’avenir de mes gosses. Je considère Ecolo, pour le vivre de
l’intérieur,
comme
une
alternative
à
la
politique
politicienne» (Q801).
— «L’héritage que nous laisserons à nos enfants» (Q 813).
— «Laisser une terre la plus propre possible à nos enfants» (Q 930).
— «Le désir de faire quelque chose pour lutter contre les
injustices. Le souci de laisser aux générations futures une terre
habitable» (Q 1115).
— «L’influence de mon mari. Leurs idées ne me laissent pas
indifférente. Préserver l’avenir de mes enfants» (Q 1176).
— «Au départ : responsabilité civique par rapport au
développement durable, pour nous comme pour les générations
futures» (Q 1282).
— «Si nous voulons que nos enfants aient une terre habitable, il est
grand temps de se réveiller. (...)» (Q 1318).
— «La sauvegarde de notre planète pour les générations à venir est
le seul but synthétique valable que les formations politiques
devraient se proposer et qui est celui d’Ecolo» (Q 1325).
— «Préparer pour mes enfants un monde viable. Les priorités de
solidarité et de responsabilité que le parti prône (...)» (Q 1375).
— «Les futurs habitants de la terre (nos enfants, nos petitsenfants, nos arrières petits-enfants) ont le droit d’hériter d’une
planète sur laquelle il soit encore possible de vivre. Il faut aussi
assurer
la
protection
des
espèces
animales
ou
végétales. (...)» (Q 1376).
La défense d’un projet global à long terme qui intègre la
protection de l’environnement, la justice sociale en Belgique et
dans les relations internationales, et la préparation de l’avenir des
244
générations futures forme pour l’essentiel les thématiques pointées
jusqu’ici. Mais des préoccupations plus directement politiques sont
aussi souvent citées. La participation et la démocratie constituent
deux piliers incontournables de l’identité écologiste tant par
rapport au fonctionnement interne du mouvement que pour le
fonctionnement d’ensemble de la société. Le désir de jouer
pleinement son rôle de citoyen actif et informé, d’être partie
prenante aux débats de la cité et aux prises de décision, de
s’investir
localement,
d’ouvrir
de
nouveaux
espaces
démocratiques, forme certainement un ensemble que l’on pourrait
qualifier de «participation citoyenne», souvent invoquée dans les
motivations d’adhésion des membres d’Ecolo. Il s’agit ici de
l’expression d’un refus de subir les orientations de la vie
économique ou politique, sans y avoir pris part, sans avoir pu faire
connaître ses opinions, son opposition ou ses propositions
éventuelles. Le slogan selon lequel «si tu n’occupes pas de la
politique, la politique s’occupe de toi» prend certainement tout
son sens pour nombre d’adhérents d’Ecolo.
— «Participer (aux responsabilités) à la vie sociale : si on ne
s’occupe pas de politique, la politique s’occupe de vous...» (Q 43).
— «La volonté d’être acteur dans une période ou l’on cherche
d’autres voies à l’aube du XXIe siècle. La terre ne va pas très bien,
il faut retrousser nos manches et trouver des solutions
respectueuses de ce qui nous entoure. (...)» (Q 291).
— «Vision globale des problèmes et des solutions à apporter.
Nécessité de la solidarité. Devoir de citoyenneté : participer à la
«chose publique» (Q 330).
— «Concrétiser mon devoir de citoyenne de participer au jeu
démocratique. C’est le seul parti qui consulte sa base pour les
grandes options» (Q 337).
— «Le plaisir des valeurs et actions partagées. L’attachement au
territoire. Le civisme «participatif»» (Q 396).
— «L’envie de ne plus «subir» la politique et d’avoir la possibilité
de jouer dans la vie de proximité (la commune), ne plus râler sans
bouger. Outre l’a priori que les politiciens sont tous pourris,
l’envie de faire ma propre opinion sur la question et de
comprendre les mécanismes de gestion publique. Plutôt chez Ecolo
qu’ailleurs parce que le système me paraissait plus sain et plus
transparent» (Q 447).
— «Essayer de participer à la vie publique» (Q 503).
245
— «D’être en quelque sorte un citoyen responsable dans la mesure
de mes possibilités. La structure de fonctionnement d’Ecolo me
séduit, ainsi que les projets, les idées, les alternatives» (Q 602).
— «Prendre ma place de citoyenne et jouer ce rôle en m’engageant
avec d’autres qui partagent plus ou moins le même idéal de
société au point de vue local, régional et mondial» (Q 603).
Dans une grande série de réponses, on relève la portée de
«l’agir localement.» Le niveau de base (voir supra), essentiel dans
la démarche fédéraliste des écologistes, est très fréquemment
abordé comme terrain d’action possible et concret dans le cadre
d’une démarche citoyenne.
— «Le désir d’agir au niveau de la commune où nous avons décidé
d’habiter. Ecolo nous semblait le seul parti au niveau communal où
nous puissions réellement faire entendre notre voix. Le fait
d’avoir des enfants, donc d’être responsable de ce qu’on leur
laisse comme avenir a aussi joué dans mon intérêt actuel pour la
politique» (Q 951).
— «(...) Au niveau local réellement participer et faire participer
au processus décisionnel. Au niveau provincial et régional
certitude du processus vraiment démocratique dans le travail des
mandataires» (Q 510).
— «Etre citoyenne (je suis conseillère communale sortante).
Défendre des idéaux : permettre une place à chaque
humain» (Q 722).
— «En tant que citoyen, il est important de s’intéresser à la
politique. Au niveau local, Ecolo m’a permis de m’investir dans ma
commune,
de
réfléchir
en
groupe
de
manière
démocratique» (Q 851).
— «La volonté de me positionner dans la société civile en accord
avec certains principes, certaines sensibilités et un choix sans
complaisance de société. La citoyenneté doit se mériter et si je ne
participe pas beaucoup actuellement à la chose publique, je
souhaite poser des actes et refléter et exposer mes aspirations» (Q
879)
— «Si l’on veut un changement de société, il faut commencer
quelque part et engager plutôt que d’attendre que les choses se
fassent d’elles-mêmes ! Ecolo n’est pas encore en voie de devenir
un parti traditionnel usé par une certaine lourdeur et
inertie» (Q 1262).
246
Si la participation à la vie politique est importante la
démocratisation de notre société est aussi invoquée, parfois mise
en parallèle avec le mode de fonctionnement démocratique du
parti.
— «Le désir de rendre notre société plus démocratique, de veiller à
la protection de l’environnement, d’améliorer la qualité de notre
vie» (Q 620).
— «Il n’y a rien de démocratique dans notre système politique. «Si
voter permettait de changer les choses, il y a longtemps que ce
serait interdit» (...)» (Q 629).
— «Rénovation de la démocratie. Protection de l’environnement.
Réflexion à long terme sur l’économie (...)» (Q 662).
— «Faire quelque chose pour que la politique devienne un
instrument politique efficace et réellement démocratique.
Empêcher les hommes politiques actuels de politiser en
rond» (Q 704).
— «C’est la seule politique possible pour faire progresser la
démocratie ainsi que le bien être sans détruire toute la planète.
Après la chute du communisme, le capitalisme sauvage est en train
de s’autodétruire. La population ainsi que l’environnement
payeront les pots cassé» (Q 713).
— «Seule perspective démocratique d’un avenir viable» (Q 824).
— «A court terme : rétablir une démocratie directe tant la gestion
que l’information d’une commune. A long terme : transmettre à
nos enfants des stratégies nouvelles qui permettent de concilier
développement
économique
et
respect
de
l’environnement» (Q 866).
— «Envie au départ
société» (Q 1282).
d’être
une
actrice
active
dans
la
Cet idéal de participation et de démocratie s’étend au
fonctionnement d’Ecolo. Celui-ci est un des arguments le plus
souvent avancé dans l’explication de l’adhésion. Ecolo fait de la
«politique autrement.» Selon la grande majorité des membres, la
structure du parti et son processus décisionnel sont des exemples
de démocratie, de transparence et de participation. De la sorte,
Ecolo s’applique à lui-même les principes qu’il promeut pour
l’ensemble de la société. Il y a correspondance entre le discours et
la réalité sur le plan interne. La jeunesse du parti, son honnêteté,
le refus du cumul des mandats sont cités avec une fréquence
247
remarquable. Le sentiment et la possibilité de pouvoir participer à
la décision sont des composantes marquantes de multiples
réflexions.
— «Parce que j’adhère au projet de société d’Ecolo. Ce dernier
n’est pas figé et évolue sous l’influence des membres
d’Ecolo» (Q 353).
— «J’aime bien le système démocratique qui règne au sein du parti
Ecolo, sa transparence pour les comptes, la façon de gérer le
groupe. Je suis pour les petits partis qui mènent une action
constructive dans mon village par exemple. (...)» (Q 37).
— «La transparence, l’aspect démocratique, la recherche et la
réflexion politique du parti» (Q 44).
— «Ecolo fait de la politique autrement : nous faisons de la
politique pour défendre nos idées et non pour avoir le
pouvoir» (Q 45).
— «Je trouve à Ecolo tout ce que je ne trouve pas dans d’autres
partis. La politique pour la démocratie, pas pour l’argent ou les
honneurs, permettre au peuple l’intervention à tous les stades de
pouvoirs (...)» (Q 48).
— «Leur apparente honnêteté, leur courage, leur réalisme du point
de vue de la nature» (Q 252).
— «Parce que c’était faire de la «politique autrement» (Q 254).
— «Honnêteté du parti et envie de changer les choses dans ma
commune» (Q 256).
— «Ecolo représente pour moi une autre façon de faire de la
politique parce que ses membres font bloc pas pour une carrière
nombriliste et égoïste mais pour faire passer leur sensibilité au
niveau social et environnemental en formant un bloc homogène,
soudé, tolérant, honnête et franc. Sans écologie, pas d’avenir pour
nos enfants à part l’égoïsme et le repli sur soi (...)» (Q 294).
— «Jusqu’à preuve du contraire, Ecolo est le seul lieu politique
que j’ai rencontré ou malgré tout il y a une réelle volonté de
fonctionner de manière démocratique. Au-delà des idées
écologistes (auxquels je peux adhérer) c’est surtout cette
«révolution» là qui m’a décidé à franchir le pas de
l’engagement» (Q 359).
— «Ecolo essaie de faire de la politique autrement, plus
démocratiquement. J’apprécie les lois internes du parti (un seul
mandat pendant un maximum de 12 ans). Ceci permet d’avoir plus
248
de personnes motivées pour défendre les idées du parti et non des
intérêts personnels» (Q 836).
— «C’est pour moi le seul parti qui pratique la transparence et
dont les membres sont désintéressés. Il ne faudrait pas que cela
change...! (...)» (Q 1026).
— «Parti neuf non-corrompu. Vraie démocratie interne. Refus des
cumuls. Dépolitisation de la fonction publique. Seul parti
réellement de gauche. Solidarité, transparence, utopie» (Q 1156).
— «Ecolo est un parti démocratique qui respecte sa base et est
intègre (...)» (Q 1200).
Si on relève de nombreuse raisons «positives» dans l’adhésion
à Ecolo, force est aussi de reconnaître le poids considérable des
réponses qui font référence au rejet sinon au ras-le-bol du «jeu
politique» traditionnel, au dégoût de la politique, des
«magouilles», des «tricheries», au conservatisme supposé de
l’ensemble du monde politique.
A l’exception d’Ecolo, incarnation de la jeunesse, de la
morale et de l’éthique, tous les autres partis sont déconsidérés
sinon dénigrés. On retrouve à nouveau la thématique du «seul», de
l’«unique.» Ecolo serait le «seul» parti «sain», le «seul» parti
«propre.» On le constatera néanmoins — y compris parmi les
réponses qui font référence au rejet de la «politique
politicienne» — de nombreuses sensibilités et nuances s’expriment
dans l’approche de cette problématique. Mais des accents
populistes et/ou poujadistes ressortent clairement de certaines
réponses.1
— «Au départ par dégoût des autres formations politiques, ensuite
par réel souci de sauvegarder notre environnement et découverte
qu’Ecolo rencontrait mes aspirations de vivre la politique
autrement surtout avec la participation du citoyen à tous les
niveaux de la transparence et parce que Ecolo a un programme
réaliste pour notre société» (Q 28).
— «Action des partis traditionnels. La démocratie est bafouée ;
notre régime actuel a de fortes tendances, par la particratie, à
devenir une oligarchie (...)» (Q 32).
— «Ecolo est un parti jeune et pas (encore) corrompu. (...)» (Q 82).
1
Nous avons également relevé des discours poujadistes dans
certaines assemblées d’Ecolo. En particulier lors de la très tendue
assemblée de novembre 1995. Certaines interventions n’ont
d’ailleurs pas manqué d’inquiéter plusieurs de nos interlocuteurs.
249
— «Parti politique «propre.» Respect et importance de chacun chez
Ecolo. Le suivi du militant (formation, rencontre,...). La réflexion
sur le long terme par la pensée (...). La cohérence de la «nécessité
écologique»» (Q 145).
— «J’ai rejoint Ecolo parce que je pense qu’actuellement c’est le
moins mauvais choix. Il n’y a pas de «combines» chez Ecolo, il y a
de la fraîcheur politique (...)» (Q 151).
— «Le ras-le-bol des
parti (...)» (Q 198).
partis
présents
et
l’espoir
pour
ce
— «L’honnêteté et la transparence du mouvement, son refus de
participer à la politisation de la fonction publique et aux autres
«magouilles» plus ou moins officielles devenues tellement
courantes que les autres partis les trouvent banales et mêmes
normales. Je suis également d’accord avec le projet de société du
mouvement
(aspects
environnementaux,
économiques
et
sociaux)» (Q 213).
— «Un mouvement neuf qui n’est pas encore encroûté dans la
routine» (Q 221).
— «Ecolo est un parti où il y a moins de voleurs. On devrait
reprendre l’argent à tous ceux qui ont détourné de l’argent qu’ils
soient n’importe qui et reverser cet argent à l’Etat» (Q 237).
— «Ce parti donne une image d’honnêteté qui n’est guère celle des
autres partis traditionnels» (Q 306).
— «Déception des partis traditionnels» (Q 313).
— «Ecolo est un parti «propre.» J’apprécie les valeurs de «qualité»
de vie dans ses différents aspects qu’il véhicule. J’aime bien sa
dimension humaine» (Q 381).
— «Parti honnête. Pas de politique politicienne. Pose des questions
de fond : environnement, relations Nord-Sud, problèmes
sociaux» (Q 457).
— «Immobilisme des partis traditionnels. Démocratie réelle au sein
d’Ecolo (...)» (Q 538).
— «Seul mouvement actuel encore «frais» et non corrompu,
susceptible d’intégrer des idées neuves en politique. Seul
mouvement à parler «vrai» aux gens : pas de faux
fuyants» (Q 627).
250
— «Ma déception de partis traditionnels. La bonne volonté qui
semble s‘en dégager. Moins d’intérêts «personnels et
individuels»» (Q 762).
— «Dégoûté de la politique traditionnelle (déjà à vingt ans). Je
souhaite qu’Ecolo prouve que la gestion d’une société peut se faire
de façon propre dans l’intérêt du plus grand nombre, avec un
esprit
incessant
d’ouverture,
de
curiosité
et
de
générosité (...)» (Q 821).
— «Un parti politique pas encore pourri qui, je l’espère, donnera
un héritage sain à nos descendants. (...)» (Q 1268).
— «Le manque de sérieux, de responsabilité, d’honnêteté, de
rigueur dont font preuve les partis traditionnels, dans tous les
domaines et à tous les niveaux (...)» (Q 1301).
— «Magouille de certains hommes (femmes) politiques tant à
droite qu’à gauche» (Q 1303).
— «Vous ne voudriez quand même pas que je vote pour V.D.B.,
Vanderbiest, Mathot, Coëme, Spitaels ou Gol !!» (Q 1348).
— «La seule politique «propre», la plus propre qui existe en tout
cas» (Q 1418).
Si le rejet de la «politique politicienne» joue un rôle non
négligeable dans les adhésions à Ecolo, certains membres
expriment une déception envers des partis politiques précis dont ils
condamnent le fonctionnement ou la ligne politiques, les pratiques
ou les évolutions. Si le parti socialiste est, à cet égard, le plus
souvent nommé, le parti social-chrétien est évoqué plusieurs fois.
— «Adhésion à un parti : volonté de participation politique, via
une organisation ayant un projet de société global, ayant vocation
à la participation au pouvoir. Adhésion à Ecolo : au vu du
programme novateur : urbain (projet de reconstruction de la ville)
et non-productiviste, progressiste. Constat des blocages structurels
et idéologiques au PS et impossibilité de rejoindre ce parti ; c’est
devenu un parti nationaliste wallon ou la fédération bruxelloise
n’a plus sa place ; incapable de se libérer de l’idéal
productiviste» (Q 180).
— «Profonde déception du parti socialiste pour sa xénophobie, le
manque de démocratie dans le parti, le peur de pouvoir du
militant et l’acceptation au sein du parti et même à des fonctions
dirigeantes d’hommes peu socialistes et peu fiables (...). Ce que
j’apprécie à Ecolo, c’est sa démocratie, l’interdiction des cumuls,
son programme social et son ouverture envers les
étrangers» (Q 895).
251
— «Manque de démocratie à l’intérieur du PS et clientélisme.
Lutte d’Ecolo en faveur de la qualité de la vie» (Q 855).
— «Manque de démocratie au sein du PSC (message velléitaire).
Générosité-Modernité-Dynamisme des thèses écologistes. Le fait
qu’Ecolo me semble le seul parti à proposer des solutions réelles à
certains problèmes (chômage, pollution, etc.)» (Q 160)
— «Ex-membre du PSC : dégoût profond. Choix d’Ecolo : car ce sont
des gens honnêtes, tournés vers l’avenir, idéalistes» (Q 1193).
D’autres, en revanche, regrettent la disparition de certaines
formations. Ici, on songe tout particulièrement au mouvement
Solidarité et Participation (SeP) qui avait vu le jour en 1985 sans
pouvoir opérer une percée comme parti politique du mouvement
ouvrier chrétien (voir supra).
— «Le parti qui correspondait vraiment à mes aspirations, c’était
le SeP. A défaut de SeP, je me suis tourné vers Ecolo mais je suis
très déçue par le groupe local» (Q 350).
— «Dans le contexte politique actuel, je ne vois pas d’autre
possibilité de vote Ecolo. Tout en sachant que le parti ne répond
pas nécessairement à mes attentes. Le coté social de SeP manque
fortement à Ecolo mais des modifications vers le social se
présentent aujourd’hui. Les partis traditionnels sont salis par
nombre d’affaires à caractère mafieux, c’est pourquoi, je choisis
la propreté (...)» (Q 310).
— «Seul parti proche du programme de SeP» (Q 558).
— «Ayant fait connaissance de quelques militants Ecolo lors des
négociations entre SeP et Ecolo, je suis allé chez Ecolo après la
disparition de SeP en 1988» (Q 1204).
Le dernier ordre de motivations qui a provoqué le ralliement à
Ecolo est de moindre importance que les précédents. Mais, à la
lecture des justifications, on ne pourrait le négliger. Il s’agit
d’adhésions dues à des raisons de «terrain», à des luttes précises
ou ponctuelles, à des combats politiques concrets dans lesquels les
militants d’Ecolo se sont révélés les plus attentifs et les plus actifs
ou dans lesquels le programme d’Ecolo s’est révélé le plus proche
des convictions des individus, suscitant de la sorte un effet
d’entraînement. Sans doute la moindre importance quantitative
dans les réponses recouvre une réalité connue : le nombre limité
de membres d’Ecolo et la difficulté concomitante de s’investir
pleinement sur les différents terrains de luttes locaux ou
associatifs. Le type de «terrain» ou de problèmes qui ont engendré
l’adhésion à Ecolo mérite aussi l’attention. Il y a d’une part
quelques références au mouvement enseignant à la charnière des
252
années 1990-1991 et, d’autre part, les luttes locales relatives à la
défense de l’environnement ; à l’aménagement du territoire en
particulier.
— «Lors des grèves des enseignants de l’automne 1990, j’ai
beaucoup analysé les attitudes des partis. J’ai été déçu par ce que
proposaient le PSC/PS/PRL et séduit par Ecolo qui proposait un
projet de société réaliste voire réalisable, projet qu’on ne pouvait
taxer d’opportunisme car il était antérieur à ces grèves. Le respect
du secteur non-marchand était évident (...)» (Q 187).
— «A l’origine les positions Ecolo lors de la grève des enseignants.
De manière générale, les positions d’Ecolo (plus à gauche que
celles du PS) : repenser le rôle des pouvoirs publics, diminution du
temps de travail, critique de la croissance à tous prix» (Q 483).
— «Suite aux grèves dans l’enseignement et au forum de
l’enseignement, j’ai découvert un parti proche des gens, soucieux
du bien-être de tous. (...)» (Q 863).
— «Au départ, c’est dans le cadre d’un comité de défense du
village contre les velléités d’agrandissement d’un camping, situé à
1,5 km du village, racheté par deux Néerlandais. Un groupe de
personnes, dont moi, ont continué par la suite à se revoir pour
être attentif aux problèmes liés à l’environnement de la
commune... sous l’étiquette Ecolo !» (Q 263).
— «Nous habitons une commune où on projetait la construction
d’un centre d’incinération. Ecolo a défendu ce dossier. Ecolo ne
défend pas des causes individualistes mais des causes de société :
environnement,
urbanisme,
choix
de
société
plus
audacieux» (Q 606).
— «Etant membre de amis de la terre, j’ai trouvé normal de
militer à Ecolo au départ contre le programme nucléaire, pour la
protection de l’environnement, puis évoluant sur le plan
économique et social (chômage, exclusion, immigration)» (Q 686).
— «J’adhère à Ecolo pour la première raison, c’est que je ne suis
pas d’accord avec le travail que la majorité socialiste de ma
commune a effectué ces six dernières années tel que construction
d’une nouvelle maison communale après la démolition de
l’ancienne, complet désintéressement du bourgmestre des avis
émis par la population et l’opposition» (Q 850).
— «La menace d’un élevage industriel de porc dans mon quartier a
provoqué l’émergence d’une section locale Ecolo dont les thèses en
faveur de la protection de l’environnement m’ont toujours
séduit» (Q 911).
253
Chapitre 9
Aujourd’hui : Paroles d’acteurs
254
255
Mars 1980-mars 1996, Ecolo a seize ans. Comment a-t-il
évolué ? Qu’a-t-il apporté ? Quels sont les bilans interne et externe
de ces seize années ? Comment est appelé à se situer le parti ?
Quelles sont ses perspectives ? Peut-il encore vivre le même laps de
temps sans participation au pouvoir ? Autant de questions que nous
avons soumises à dix personnalités qui ont une position clé dans le
parti. Pour la facilité de la compréhension et de la lecture, nous
avons rassemblé leurs sentiments, leurs analyses et leurs
prospectives dans quatre chapitres : le bilan externe d’Ecolo, son
bilan interne, la question de la participation au pouvoir et son
positionnement politique.
Historien de formation, Marcel Cheron est issu du sérail de
Solidarité et participation (SeP). Après l’échec de 1985, il milite
pour un rapprochement avec Ecolo qui ne débouche pas. Avec
d’autres, il rejoint Ecolo où il occupe rapidement les fonctions de
secrétaire fédéral. En 1991, il est élu député. Député régional
wallon depuis 1995, il est chef de groupe à la Communauté
française.
Professeur de géographie, José Daras milite aux Amis de la
terre dans les années septante. Il participe aux congrès de
fondation d’Ecolo et est tête de liste à la Chambre à Liège aux
élections de 1981. Elu député, il est réélu en 1985 et 1987. En
1991, il rejoint les rangs du Sénat. Nommé ministre d’Etat, il vient
d’être élu député régional wallon.
Elu député dans l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde
aux élections législatives de 1981, Olivier Deleuze est une figure
historique du mouvement. Après avoir été réélu en 1985, il
démissionne de son mandat en 1986 en désaccord avec la
proposition d’opposition constructive envers la majorité PSC-PRL à
la région wallonne. Après avoir travaillé dans un bureau d’étude
dépendant de la banque Paribas, il devient en 1989 responsable de
Greenpeace-Belgique. Il revient à ses premiers amours lors des
élections législatives de 1995 au cours desquelles il mène la liste
d’Ecolo à la Chambre dans l’arrondissement de Bruxelles-HalVilvorde.
256
Membre fondateur d’Ecolo, principal animateur de sa
commission économique, ancien co-directeur de l’IRES-service de
conjoncture (UCL), secrétaire fédéral dans les années quatrevingts, Philippe Defeyt est élu député en 1991, après avoir été
conseiller économique du groupe des Verts au Parlement européen.
Figure de proue dans le dossier des écotaxes, il rate de peu sa
réélection en mai 1995.
Compagnon de route d’Ecolo pendant les années quatrevingts, éducatrice, militante de l’associatif, professeur dans
l’enseignement technique, Isabelle Durant devient attachée du
groupe des élus régionaux bruxellois d’Ecolo en 1991. Elle accède
au secrétariat fédéral en avril 1994.
Pierre Jonckheer adhère à Ecolo en 1986. Sénateur coopté en 1991,
il conduit la liste au Sénat lors des élections législatives de mai
1995.
Tête pensante de la mouvance écologiste dans les années
septante, un des pères fondateurs d’Ecolo, docteur en sciences,
Paul Lannoye a été tour à tour secrétaire fédéral et parlementaire.
Il a été élu député européen en juin 1994.
Enseignant, actif dans le milieu associatif, Jacques
Liesenborghs adhère à Ecolo en 1990. Figure en vue du mouvement
des enseignants en 1990-1991, il est élu sénateur en 1991. Quatre
ans plus tard, il décide de ne pas poursuivre son mandat et de
retourner dans l’enseignement.
Licencié en journalisme, Jacky Morael rejoint Ecolo peu après
sa fondation. Secrétaire parlementaire de José Daras, il sera tour à
tour secrétaire local, régional avant d’accéder au secrétariat
fédéral. En 1991, il est élu député ; poste qu’il abandonne moins
de trois ans plus tard pour redevenir secrétaire fédéral et porteparole d’Ecolo en avril 1994.
Animateur d’une maison de jeunes, à Ganshoren, Henri
Simons rejoint Ecolo en 1982. Secrétaire parlementaire de JeanFrançois Vaes, assistant social au MRAX, il remplace Jacques
Preumont à la Chambre en 1987. Réélu, il devient chef de groupe à
la Communauté française. A la suite des élections communales de
1994, il occupe le poste d’échevin de l’Urbanisme à la ville de
Bruxelles.
257
Le temps d’un bilan : Ecolo et la société
Certaines des réponses de nos interlocuteurs sont abordées
sous deux angles. D’une part, ce qu’Ecolo a pu contribuer à faire et
à changer depuis son existence. D’autre part, ce qu’il a empêché
de réaliser ou les processus qu’il a ralentis. Il convient aussi de
signaler que beaucoup des interviewés soulignent la difficulté
d’isoler l’action et les contributions d’Ecolo de celles de la
«nébuleuse écologiste» ou, le cas échéant, d’une évolution d’une
conjoncture politique :
— «Il est difficile d’isoler vraiment le bilan d’Ecolo du bilan de
l’ensemble des associations, des groupements, des mouvements qui
s’occupent d’écologie» (P. Defeyt).
— «Je ne crois qu’on puisse détacher l’apport d’Ecolo de
l’ensemble de la mouvance écologiste et des partis verts, qui se
sont
institutionnalisés
au
début
des
années
quatrevingts» (P. Lannoye).
Au registre des réalisations, on note d’abord l’idée d’un
nouveau rapport à la politique. Cette autre relation est évoquée en
termes multiples : comportements, morale politique, vivification
de la démocratie.
— La dimension morale est fréquemment citée : «Ecolo a réussi à
initier une sorte de moralité en politique qui peut redonner
confiance à la participation. Du côté francophone, cette nouvelle
culture politique a une seule base : Ecolo» (H. Simons). La notion
même de moralité est cependant appréhendée avec une certaine
prudence. Jacky Morael n’est, par exemple, pas sûr qu’il s’agisse
d’un acquis «totalement positif», mais identifie cet aspect comme
une des sources de l’écologie politique : «Ce n’est pas un hasard si
les prémisses de l’écologie ont porté des noms comme «démocratie
nouvelle.» Il y avait dès l’émergence des prémisses écologistes une
volonté de secouer le cocotier, d’aérer les processus politiques.»
— Les comportements politiques nouveaux, tels le non-cumul des
mandats, la rotation facilitée, la démocratie participative
apparaissent comme des éléments marquants : «On a apporté en
termes de pratiques politiques : la rotation, le comportement visà-vis de l’argent,...» (P. Lannoye). Jacques Liesenborghs pointe
aussi cette composante : «Ce qui m’a frappé et séduit à Ecolo,
c’est une pratique de la politique différente. Il y a un apport fort
qui est de questionner les pratiques politiques traditionnelles.
Ecolo a donné la preuve qu’il y avait moyen de faire et de
progresser autrement.»
258
Un des aspects qui fait l’unanimité parmi nos interlocuteurs,
seize ans plus tard, est d’avoir mis à l’agenda politique des
questions jusqu’alors ignorées ; d’avoir sur ces problématiques
concouru à la «contagion culturelle» : «Il y a manifestement des
acquis culturels : des notions comme le long terme, les générations
futures, l’environnement ou la protection de la nature ont
aujourd’hui droit de cité dans le débat politique» (J. Morael). Le
premier thème mentionné est bien évidemment tout ce qui est du
ressort des questions environnementales.
— «On a pesé essentiellement sur ce qu’on nous reconnaît, c’est-àdire les thèmes d’environnement» (M. Cheron).
— «C’est évident que les problématiques de protection de
l’environnement ont beaucoup avancé en termes de contagion
culturelle : une prise de conscience s’est faite sur une série de
terrains de cette nature» (I. Durant).
— «Ecolo a tenté et partiellement réussi à faire passer dans le
débat politique un certain nombre de débats politiques qui
n’avaient pas lieu. Que l’on songe à la politique énergétique, par
exemple.» (P. Lannoye).
Au-delà des questions environnementales, Ecolo aurait aussi
contribué à interpeller sur la philosophie de nos sociétés, sur son
fonctionnement, sur ses logiques : «Nous avons contribué avec
d’autres à alimenter le questionnement sur la croissance, sur le
modèle
de
société
pour
le
vingt
et
unième
siècle» (J. Liesenborghs). Le problème de la croissance et de
l’emploi sont aussi rappelés par José Daras : «On a été les premiers
à dire que la croissance, même retrouvée, ne rétablira jamais le
plein emploi. Et on a posé le problème de la répartition de
l’emploi. Aujourd’hui, c’est une idée acceptée.»
Mais si tous relèvent la dimension «contagion culturelle»,
beaucoup en signalent les limites et différencient leur impact :
«Les politiques «vertes» des autres partis sont le résultat de la
poussée d’Ecolo» (J. Liesenborghs). C’est en quelque sorte, comme
le souligne Philippe Defeyt, un rôle d’aiguillon que jouerait Ecolo :
«Dans les fait, nous sommes un aiguillon.» Dans la vie et le monde
politique belge francophone, le parti socialiste est le plus souvent
sollicité comme récepteur premier des idées portées par Ecolo.
Parfois au corps défendant d’Ecolo et sous des angles différents.
259
— «Une des vieilles peurs d’Ecolo, c’est d’être l’aiguillon de la
gauche. Peut-être que paradoxalement, cela a été notre rôle le
plus évident» (M. Cheron).
— «Le poids politique qu’on a pu avoir sur des structures comme le
PS, c’est qu’à l’intérieur de ce parti, des gens qui pensaient
comme nous ont eu un autre poids. On n’a pas été seul. Peut-être
leur fait-on peur politiquement» (H. Simons).
Les limites pointées à cette «contamination» sont de plusieurs
ordres.
— Une déformation des thèmes et des projets portés par Ecolo, à
l’image des écotaxes sabordées au profit de la proposition
patronale Fost plus, est répétée avec récurrence.
— Il existe souvent un décalage important dans le temps entre les
suggestions d’Ecolo et le moment où elles sont abordées
pratiquement. Outre qu’elles seraient souvent déformées, elles
seraient aussi récupérées : «On nous reconnaît bien souvent, a
posteriori ou dans des conversations privées, des bonnes idées mais
on en tire peu de profit électoral» (P. Defeyt). Il y aurait un
obstacle ou, plus exactement, un seuil à franchir qu’Ecolo n’aurait
pas encore atteint : «On a acquis une crédibilité interne, au sein du
monde politique en général, mais sans avoir pu transformer
l’essai» (P. Jonckheer).
— Il y a aussi les frontières sociétales à la contagion culturelle.
Pour Pierre Jonckheer, il n’y a pas de mouvement social fort
porteur des problématiques d’Ecolo : «Ce qui m’a toujours
beaucoup frappé en Belgique, surtout du côté francophone, c’est
que les mouvements écologistes n’ont jamais réussi à constituer un
«mouvement culturel», un «mouvement social» (coopératives,
banque alternative,...) qu’on pourrait qualifier d’un phénomène de
contre-culture à l’instar de la situation en Allemagne. Dans cette
optique, la présence et l’installation d’Ecolo sont un acquis
important.» Acquis mis en exergue, dans une même optique, par
Olivier Deleuze. Ecolo serait un pôle d’alternatives dont la teneur
et les formes auraient d’ailleurs évolué dans le temps : «A mon
avis, c’est une autre façon de penser. Les trois partis traditionnels
disent à peu de choses près la même chose. Et c’est peut-être plus
spectaculaire maintenant. Dans les années quatre-vingts, c’était
surtout une autre manière d’être.»
— Une autre réserve tient aux bornes des domaines de la
propagation culturelle. Si les pratiques politiques ou les thèmes de
l’environnement sont fréquemment portés au crédit d’Ecolo,
plusieurs personnes soulignent l’obstacle de la crédibilité sur les
questions socio-économiques : «On a eu beaucoup de mal à
s’imposer sur des thèmes socio-économiques. En la matière, notre
crédibilité n’est pas encore reconnue. Nous souffrons entre autres
260
de la discrétion compréhensible dont s’entourent certains acteurs
socio-économiques, en ce qu’elle les empêche de dire
publiquement le bien qu’ils pensent des propositions
d’Ecolo» (P. Defeyt).
«C’est inutile que je revienne sur la réforme de l’Etat parce
que cela fait partie des évidences. Il y a d’ailleurs des choses qu’on
a oubliées au-delà de la réforme de l’Etat et du dossier des
écotaxes, tels le congé politique par exemple qu’on a fait avancer,
la possibilité pour les régions de donner la qualité de d’officier de
police judiciaire à leurs agents,....» Le caractère d’évidence que
confère José Daras à la réforme de le l’Etat n’a pas lieu d’être.
D’initiative, six des dix personnes interrogées ne l’ont pas
nommée : Jacky Morael, Jacques Liesenborghs, Paul Lannoye,
Philippe Defeyt, Olivier Deleuze et Henri Simons.
Lorsque la réforme de l’Etat est mentionnée, c’est
principalement le volet concernant le refinancement de la
Communauté française qui est mis en avant :
— «Dans l’opposition constructive, on a beaucoup pesé, mais sans
que cela soit reconnu, ni même respecté. Mais on a vraiment pesé
sur la société. Quand je prends le dossier du financement de la
Communauté française, je me demande sincèrement ce que serait
cette institution aujourd’hui, s’il n’y avait pas eu la Saint-Michel et
la Saint-Quentin. Elle serait en faillite» (M. Cheron).
— «Je songe en particulier à son volet «refinancement de la
communauté française» et son volet «fédéraliste» qui était
finalement très proche de celui d’Ecolo» (I. Durant).
Pour certains, la participation à la réforme de l’Etat a été
vécue comme la recherche légitime d’une respectabilité et d’une
crédibilité. Pour Pierre Jonckheer, par exemple, l’objectif
recherché par Ecolo «était un objectif d’opportunité politique, de
reconnaissance par les autres acteurs. Il faut ajouter le fait que les
propositions qui étaient sur la table étaient des propositions qu’on
avait en matières institutionnelles auquel il faut ajouter le volet
«refinancement partiel de la Communauté française».» Cet
élément, qui n’est pas remis en cause, a eu son prix : «La volonté
d’aboutir à tout prix à un accord a surdéterminé l’ensemble du
processus.»
261
Ajoutons que l’évolution du dossier «écotaxes», la campagne
que les verts ont dû subir du monde patronal, l’attitude des partis
de la majorité ont fortement marqué les esprits (voir infra). «C’est
vraiment le lobby industriel qui n’a pas supporté que le politique
lui impose sa loi» soutient José Daras, qui ajoute : «On a fait taire
à la FEB les entreprises qui étaient favorables au projet.»
La contribution au fonctionnement de la démocratie
représentative est une réponse fréquente de nos interlocuteurs,
inquiets, interloqués et parfois désabusés par l’évanescence de
l’institution parlementaire : «J’ai réalisé que le Parlement est une
institution qui ne fonctionne pas. Et je suis inquiet de la faiblesse
idéologique et culturelle des débats» (P. Jonckheer). Jacques
Liesenborghs confirme de diagnostic : «Nous avons très largement
contribué à ce que le travail parlementaire existe encore.
L’absentéisme parlementaire est presque aussi grand en
commission qu’en séance publique. La plupart des parlementaires
de la majorité sont réduits à un rôle de presse-bouton.»
Comme le confirme Pierre Jonckheer, en matière d’acquis
législatifs, la moisson apparaît négligeable : «Si on voit le bilan en
termes de production légistique, c’est extrêmement mince.» Jacky
Morael cite le «demi-moratoire» sur le nucléaire signé par la
Belgique. «Grâce à Henri Simons on a fait adopter une loi sur la
protection de l’Antarctique» rappelle aussi José Daras.
A la région wallonne, plusieurs évoquent la législation sur les
études d’incidence (1985) votée sur l’initiative de José Daras qui
souligne que la région wallonne a été une des premières à
appliquer cela en Europe ou, plus justement, à pouvoir l’appliquer.
Philippe Defeyt remémore le décret sur l’aide aux entreprises :
«Sur quelques éléments ponctuels, on a contribué à infléchir des
textes de manière significative. Par exemple le décret sur l’aide
aux entreprises voté à la région wallonne en juin 1992 où nous
avons introduit des amendements qui ont été acceptés. Ils
portaient notamment sur la possibilité d’aider de manière plus
significative les entreprises répondant à un certain nombre de
critères
en
matière
d’environnement :
consommation
d’énergie,....»
Les lois sur le financement des partis sont aussi mentionnées
mais tous précisent le contexte spécifique dans lequel elles ont été
adoptées.
262
Nous l’avons dit, une des fonctions qu’Ecolo aurait aussi jouée
aux yeux de plusieurs cadres du parti est d’empêcher ce qu’on
pourrait qualifier, dans la logique des écologistes, le «pire du
mauvais» à une échelle générale ou très souvent au niveau
communal. «Quand on voit l’immense proximité des trois familles
traditionnelles gestionnaires (le PS, le PSC et le PRL), si les verts
n’étaient pas là probablement qu’une série de choses seraient
faites avec plus d’ampleur. On a représenté une forme de vigilance
critique» soutient Jacky Morael qui mentionne le combat contre la
dérive des travaux et des sous-statuts précaires, notamment au
moment du lancement des agences locales pour l’emploi. José
Daras pointe la même dimension pour l’échelle locale : «Ca peut
être aussi le machin dégueulasse qu’on a empêché de se réaliser en
actionnant toutes les possibilités de recours.»
Les aléas d’un mouvement-parti
A l’évocation du bilan interne d’Ecolo, le premier
commentaire qui viennent à l’esprit des responsables interviewés
est l’institutionnalisation du parti : «Je crois que le fait majeur,
c’est l’institutionnalisation d’Ecolo» atteste Paul Lannoye. La
dimension d’Ecolo liée à sa fraîcheur politique, à sa naïveté aussi,
disparaît. Henri Simons le souligne : «Il y a aujourd’hui une
notabilité de l’écologie politique. Pour ceux qui ont moins de
trente ans, Ecolo a toujours été là. Il est évident qu’il y a, de fait,
quatre présidents de parti qui viennent débattre en période
électorale. On n’a plus la même juvénilité.» A époque différente,
fonctions et exigences différentes. Olivier Deleuze en fait état :
«Ecolo est plus fort techniquement. Il est obligé car c’est beaucoup
plus difficile aujourd’hui. A l’époque quand on me demandait où on
trouverait les vingt milliards qui manquaient au budget de l’Etat.
C’était simple. On disait «vingt milliards, cela fait vingt kilomètres
d’autoroutes. On construit vingt kilomètres d’autoroutes en
moins.» Aujourd’hui, on ne peut plus faire cela. Il faut chercher
sérieusement. Et Ecolo sait le faire maintenant. Je ne crois pas
qu’il soit pour autant perçu comme crédible. Il y a d’autres
domaines où on a beaucoup changé, où on s’est beaucoup bonifié.
Par exemple dans les prises de positions en politique étrangère.»
Jacky Morael relève aussi le niveau plus élevé d’exigence :
«L’exigence vis-à-vis de nos interventions est devenue plus grande.
Aujourd’hui l’à peu près est dangereux et ne donne pas de
résultats.»
263
En s’institutionnalisant, Ecolo a aussi étoffé son programme et
ses axes d’intervention, notamment dans les domaines
économiques et sociaux. «Ecolo est plus social qu’avant. On a des
positions maintenant sur l’emploi, sur la sécurité sociale qu’on
n'avait pas avant. Cela ne nous intéressait pas» précise Olivier
Deleuze. Ecolo a aussi acquis un caractère généraliste. Le fait
qu’Ecolo ait pu améliorer son programme dans plusieurs champs
contribue, selon Henri Simons, à montrer, que «l’écologie politique
n’est pas que de l’environnement.»
Si la structure et le fond des réponses à l’apport externe sont
relativement identiques, s’il y a observation commune sur
l’institutionnalisation du parti, il existe des appréciations diverses
sur l’évolution du fonctionnement interne.
Quelques intervenants soulignent une évolution dans la
continuité. Permanence dans la démocratie participative et ses
principes originels (non-cumul, fédéralisme,...) et amélioration
dans ses modalités d’application. «Ce qui m’émerveille, c’est que
la rigueur interne d’honnêteté qui donne une force à notre notion
de moralité extérieure est restée la même. De même, il n’y a
toujours pas de cumuls à Ecolo» souligne ainsi Henri Simons. «On
doit en partie conclure à une structuration progressive du
mouvement. Les structures sont mieux définies et mieux précisées
qu’elles ne l’étaient au début des années quatre-vingts. On a
mieux huilé les mécanismes de démocratie interne» avance Jacky
Morael. «Il n’y a pas eu de remise en cause des principes de
départ. En ce qui concerne le fonctionnement, l’évolution a été
positive. On ne peut pas continuer à garder les mêmes règles de
gestion quand les choses changent et évoluent. Ecolo est plus fort
parce qu’il a une meilleure assise dans la population, un meilleur
pourcentage, parce qu’il plus de moyens matériels et parce que les
gens travaillent bien» renchérit José Daras. Olivier Deleuze
confirme : «D’un point de vue interne, c’est mieux organisé. C’est
plus près des faits et de la réalité.» Si Philippe Defeyt partage ces
appréciations positives, il arrête cette évolution au début des
années nonante. Mobilisé par la réforme de l’Etat et les échéances
électorales de 1994 et 1995, le fonctionnement interne en aurait
pâti : «Si je devais donner une appréciation globale, je crois que la
côte suivrait la courbe des résultats électoraux. Donc, avec un
sommet à la fin des années quatre-vingts. Mais aussi un recul au
cours des dernières années. 1990 marque le pas. Une partie de
l’explication tient dans le fait qu’une série de personnes-moteur a
été absorbée par la vie parlementaire et, en plus, très fortement
264
absorbée par les discussions sur la réforme de l’Etat. L’interne a
été un peu négligé.»
La structuration et l’adaptation dans les faits ne sont pas
perçues aussi clairement par tous. Pour Jacques Liesenborghs, «si
les statuts et les structures sont très claires, j’ai parfois le
sentiment qu’il y a une difficulté à les réinventer, à les réadapter
en permanence.»
Dans ce tableau de considérations sur la démocratie
participative et son application interne, Marcel Cheron est le plus
dubitatif sur les acquis et la valeur de la démocratie directe : «On
a voulu instaurer une vraie démocratie interne reposant sur la
transparence, sur les débats à tous les niveaux, tout le temps et sur
tout. Cela vient d’une demande d’une partie de la société. Qu’en
est-il en termes de réalité et d’efficacité ? Je suis assez négatif.
Permettre d’intervenir tout le temps et sur tout, quoi que l’on
fasse, pose problème. Les gens qui portent des projets, qui
assument des responsabilités ont à affronter des pressions et des
critiques un peu à tort et à travers. Cela mine des velléités de prise
de responsabilité et on perd une énergie folle. Au surplus, c’est un
fonctionnement qui confond parfois poujadisme, démagogie et
véritable démocratie.»
D’un tout autre point de vue, Philippe Defeyt s’interroge sur
la pertinence du mode de fonctionnement des assemblées
générales, et sur le fait que vienne qui veut : «J’ai à deux reprises
vainement proposé que certaines assemblées générales d’Ecolo
soient transformées en équivalent d’assemblées parlementaires.
C’est-à-dire avec des désignations. Le fait de désigner se ferait au
niveau régional ou local. Cela présenterait deux avantages : il y
aurait un débat préalable et il y aurait la récolte d’avis auprès des
gens qui ne viennent pas aux assemblées générales.» Nous avons en
effet observé la faible présence aux assemblées générales. Cette
suggestion relève aussi d’un débat contemporain dans Ecolo : le
rôle et le poids des permanents dans les instances décisionnelles.
Philippe Defeyt n’en fait pas mystère : «L’accumulation de moyens
a, qu’on le veuille ou non, un peu bureaucratisé ou alourdi notre
fonctionnement interne.» Sujet délicat s’il en est.
Dans sa chronologie du mouvement, Paul Lannoye pointe
cette évolution et ses menaces actuelles : «L’étape suivante a été
la fin des années quatre-vingts avec le financement public des
partis et les deux victoires électorales. On passe de dix à cent
permanents. C’est un autre changement qui peut être dangereux :
celui de la bureaucratisation du parti. Ce n’est pas un mal en soi si
265
on gère cette situation. Mais pour le moment, on ne le gère pas
très bien. Nos mécanismes démocratiques du début s’érodent. La
distance entre permanents et non-permanents s’accroît. On doit
absolument maintenir une différence de statuts entre permanents
et non-permanents.»
Cette question est fréquemment évoquée ; dans des sens
divers. Consciente des différences de fait entre les deux catégories
de membres, Isabelle Durant plaide la nécessaire association des
non-permanents aux décisions : «Il y a un problème d’écart entre
permanents et non-permanents. Le mariage entre les deux reste un
exercice très difficile. Il y aura toujours un fossé entre les deux
mais il faut qu’il soit sur le détail et non sur le fond.» Démarche
difficile, éreintante mais incontournable pour la secrétaire
fédérale : «La volonté de formation, de discussion et de débat est
exceptionnelle à Ecolo. J’en ai fait l’expérience pour le débat sur
la sécurité sociale et celui sur «Ecolo cap 2 000.» C’est aussi
quelque chose que je vis comme extrêmement fatigant. Le nombre
de réunions auxquelles on participe est très important mais c’est
totalement indispensable. On est très exigeant pour les cadres et
les militants à Ecolo. Il faut vraiment y croire.»
Pour parvenir à cet objectif, la formation est présentée
comme un point capital. Malgré les difficultés, les appréciations à
ce sujet sont unanimes. La transformation, ces cinq dernières
années, est perçue comme très positive.
— «Ce qui est difficile aussi, c’est la formation des membres. Il y
avait une grosse demande. Il y a de gros efforts qui ont été faits.
Mais c’est difficile» (J. Daras).
— «En cinq ans, l’aspect formation des militants a fait un bond
considérable. On y a consacré des moyens importants et des
personnes» (J. Liesenborghs).
L’implantation et le recrutement sont au centre de
préoccupations et d’interrogations. Le nombre restreint
d’adhérents fait l’objet de constats regrettés. «On n’a jamais
fonctionné sur la logique des piliers. Donc, on a toujours eu des
difficultés à élargir notre base. Le problème, c’est que nous
n’apportons aucun intérêt direct aux gens dans la durée. La hausse
de nos adhérents est très lente et très difficile. D’où parfois des
difficultés d’implantation au niveau communal» commente José
Daras. La continuité et le fonctionnement au niveau local en
souffrent. «Si notre implantation est correcte au niveau régional,
elle est plus nuancée au niveau local» avance pudiquement Jacky
Morael. Jacques Liesenborghs confirme : «Les groupes locaux sont
très difficiles. Car s’il existe un volontarisme, il y a une difficulté
266
de permanence dans la durée. Parfois un très grand irréalisme ou
une très grande difficulté à concrétiser. Parfois l’absence de
formation à la conduite de réunions.»
Ces éléments amènent certains responsables à s’interroger sur
le recrutement par le seul niveau local. Dans ce questionnement,
Isabelle Durant est la plus explicite : «Je crois que l’engagement
local est un moyen de recrutement intéressant mais ce n’est pas
suffisant. D’abord parce que la mobilité, surtout des jeunes, est
importante. Ensuite, parce que les affaires locales n’intéressent
pas tout le monde. Il faut réfléchir sur un engagement à partir de
thématiques sans que l’on crée pour autant des logiques
corporatistes ou sectorielles dans Ecolo. Au contraire, l’idée est
d’insérer les compétences dans une vision globale.»
Une nouvelle étape : le pouvoir ?
Nous l’avons vu, le principe même de la participation au
pouvoir est, aujourd’hui, une donnée intégrée dans Ecolo. Il n’y a
plus guère de sensibilités politiques régionales défiantes envers
cette perspective. D’autant que l’opposition constructive ou la
participation sans y être, selon les interprétations, à la réforme de
l’Etat a frappé les imaginations.
— «Cette participation a déjà eu lieu lors de la réforme de l’Etat.
Ce n’est pas du tout à négliger» (J. Liesenborghs).
— «L’opposition constructive, je n’y crois pas. On est dans
l’opposition ou dans la majorité. La réforme de l’Etat l’a montré.
Les chèvres ne peuvent pas être dans la même barque que celle
des loups» (O. Deleuze).
— «L’opposition constructive est un avatar de la participation qui
ne nous a sans doute pas été profitable et qui est peut-être un
chose à ne plus refaire» (M. Cheron).
— «Pour mettre en application ses options, Ecolo devrait participer
au pouvoir. Les écotaxes l’ont montré. On ne peut faire appliquer
par d’autres ses options» (J. Morael).
267
Cette période et cette expérience ont frappé à telle enseigne
que d’aucuns s’interrogent sur une occasion manquée d’une vraie
participation au pouvoir.
— «Après coup, on peut se demander si ce n’est pas quelque chose
que nous aurions dû négocier en même temps que la réforme de
l’Etat : la mise en œuvre de ce qu’on votait. En tout cas aux
exécutifs régionaux et communautaire» (P. Defeyt).
— «Après coup, je me dis qu’en 1991-1992, on aurait dû aller au
pouvoir. En tout cas on aurait dû poser le problème de façon plus
claire» (P. Lannoye).
La problématique de la participation au pouvoir comme étape
nouvelle, comme saut qualitatif indispensable pour le futur voire la
survie d’Ecolo, fait en revanche l’objet d’avis contrastés. Si tous
nos interlocuteurs reconnaissent l’intérêt de participer au pouvoir
et partagent le rejet du pouvoir pour le pouvoir, les opinions
divergent sur sa nécessité comme perspective.
Pour Olivier Deleuze, la réponse positive ne fait pas de
doutes, d’un double point de vue : «Je pense qu’Ecolo a besoin de
participer au pouvoir. D’un point de vue interne et externe. Au
plan interne, parce qu’il est important de confronter ses idées avec
la réalité. La pensée doit se heurter aux faits. D’un point de vue
externe, la crédibilité vient aussi de faire quelque chose et pas
simplement de s’opposer.» Double approche qu’évoque aussi
Marcel Cheron : «la participation au pouvoir est à la fois un objectif
louable et nécessaire. C’est un cap à franchir d’un point de vue
interne et externe. On a besoin de cette espèce traversée de la
forêt. On ne peut se complaire dans l’opposition. Il faut se
confronter aux réalités. On doit traduire notre projet politique.
Selon moi, c’est aussi une réflexion sur l’extérieur qui peut amener
une survie à l’intérieur.»
Isabelle Durant place sa réponse affirmative sous un autre
angle, les limites de la contagion culturelle : «Je ne crois pas
qu’Ecolo puisse encore vivre quinze ans sans participer au pouvoir.
Il me semble qu’on est au bout des limites de la contagion
culturelle. Ceci dit, il faut prendre une éventuelle participation au
pouvoir comme une série de leviers. Tout sera dans la capacité de
négocier un accord convenable et de se créer des marges de
manœuvres. Ce n’est pas le pouvoir pour le pouvoir.»
Pour José Daras, c’est dans la logique des choses pour un parti
politique : «Bien sûr. Parce qu’aussi non cela voudrait dire qu’Ecolo
n’est pas totalement un parti démocratique. Quand on fait de la
268
politique dans un système démocratique, il est sain qu’un parti qui
souhaite changer la société veuille aller au pouvoir.»
Henri Simons est plus sceptique : «Ce n’est pas une étape
(aujourd’hui) indispensable.» Tandis que Jacky Morael affirme
qu’«Ecolo peut encore vivre quinze ans sans participation au
pouvoir.» Il ne mourra pas de l’opposition.
Entre ces deux perceptions, les jugements sont nuancés.
Philippe Defeyt souligne ainsi les limites de l’étape envisagée :
«Participer au pouvoir est un élément fondamental pour assurer la
permanence d’un parti. Pourrons-nous garder des résultats
électoraux et une capacité créatrice jusqu’au moment où
l’occasion se présentera ? Mais attention, sur ce point-là, il ne faut
pas négliger l’analyse historique par rapport au FDF et aux partis
communautaires. Participer à un exécutif ne suffit pas. C’est une
condition nécessaire mais pas suffisante.» Paul Lannoye est
sceptique envers l’idée de phase obligée : «Je ne crois plus que la
crédibilité s’installe sur une participation au pouvoir. Sauf si on y
va dans des conditions qui permettent d’impulser un changement
d’orientation très fort.» Mais il reconnaît les risques de l’opposition
continue : «Ceci dit, je crois que si on reste tout le temps dans
l’opposition, il y a un risque d’essoufflement.» La possible lassitude
de l’opposition est également mise en exergue par Pierre
Jonckheer : «J’ai le sentiment que l’opposition use. En particulier
pour les membres Ecolo qui sont là depuis longtemps que ce soit au
niveau communal ou régional.»
De fait, nombreux sont ceux qui ont noté, dans la préparation
des élections communales de 1994, la volonté des locales d’être
partie prenante à la future majorité pour pouvoir faire des choses,
pour porter des projets.
— «J’étais frappé dans les formations pour les élections
communales combien les gens souhaitaient pouvoir participer au
pouvoir communal» (J. Daras).
— «J’ai été frappé par le nombre de groupes locaux qui affichaient
franchement : notre objectif, c’est d’être dans la coalition. Il était
même au cœur de la stratégie locale» (J. Morael).
269
Depuis 1994, Ecolo est dans huit majorités communales. Ces
participations sont-elles visibles, doivent-elles l’être et peuventelles l’être ? Ces questions sur la visibilité ne sont pas simples. Dans
le principe, beaucoup répondent positivement mais fixent aussi les
difficultés et les frontières de cette visibilité.
D’abord, le fait qu’Ecolo est ou serait dans une coalition. Que
donc des compromis sont indispensables. Pierre Jonckheer le
rappelle : «J’aurais tendance à dire que cela doit être très visible.
On doit pouvoir dire : «Ecolo a pris ses responsabilités dans un
exécutif. Dès lors, sur tel et tel point prioritaire, on a avancé.»
Mais il ne faut jamais oublier qu’on est dans des systèmes de
coalitions.»
Ensuite, la visibilité ne doit pas se faire au détriment du
caractère «normal» de la participation d’Ecolo à une majorité :
«Oui, il faut que les majorités où Ecolo participe au pouvoir aient
un caractère exemplatif. La présence d’Ecolo dans une commune
doit montrer que cette commune ne fait pas ce qu’elle s’est
contenté de faire jusqu’alors. Il faut un plus. Mais il faut être
prudent dans «l’expérimentation.» Les gens ont besoin d’être
rassurés. Il faut aussi comprendre que l’arrivée d’Ecolo dans une
coalition n’est pas une révolution» (J. Morael). A partir d’une
même philosophie, Marcel Cheron en appelle au «principe de
réalité» : «Je récuse cette notion de visibilité. Parce qu’on est
dans une majorité communale, cela devrait forcément être hypervisible. Dans ces conditions, on se condamne d’office à rater. Parce
que la réalité est différente. Il y aura évidemment une spécificité
Ecolo. Mais il faut être raisonnable. On est une des branches de la
majorité. Et clairement pas la plus importante. Je suis sensible à la
stratégie des petits pas. Nous devons banaliser la participation
d’Ecolo dans les communes. Cela doit être quelque chose de
normal. Et l’objectif, cela doit aussi d’être aux niveaux régionaux,
communautaire et fédéral.»
Les obstacles temporels sont souvent mis en évidence. Faire
progresser des dossiers est lent. «La difficulté c’est de travailler
sur des tableaux simultanés : à la fois de la visibilité à court terme
et en même temps, il faut avoir un travail de fond dans les
compétences que l’on a. En particulier sur la concertation, sur les
projets élaborés à partir des demandes du terrain. Et tout cela est
lent» stipule Isabelle Durant. A cette contrainte, s’ajoute celle de
l’effectivité de l’autonomie communale en termes de moyens.
«C’est très difficile parce que le pouvoir communal est beaucoup
plus limité qu’on ne le croit. Il y a plein de contraintes et de
tutelles» rappelle José Daras. Pour Jacky Morael, une présence
270
d’Ecolo à l’échelle régionale changerait, dans cette optique, les
perspectives au niveau communal :»Mais il faut prendre en compte
le caractère de plus en plus fictif de l’autonomie communale.
Aujourd’hui un bon gestionnaire communal, c’est quelqu’un qui va
pomper des subsides. Donc la participation éventuelle d’Ecolo au
niveau régional est de nature, en termes de leviers, à avoir
d’énormes conséquences sur les politiques communales. Le cadre
des conditions pour les subventions change complètement.»
Actuellement, la présence d’Ecolo dans la majorité
communale de Bruxelles-ville fait manifestement office de
référence et de vitrine pour les verts. De par la personnalité
d’Henri Simons, de par l’envergure des compétences de son
échevinat, de par la médiatisation dont jouit, en tant que telle, la
ville de Bruxelles.
Ecolo est-il prêt, fonctionnellement, à aller au pouvoir ? Henri
Simons se pose la question. Notamment en termes de confection
éventuelle de cabinets : «Je ne suis pas demandeur d’une vitesse
extrême. Il faut former des cadres capables d’assumer ce pouvoir.
Ce n’est pas si évident.» Pour Jacky Morael, même si le vivier est
moins important que pour les partis classiques, ces craintes n’ont
pas vraiment lieu d’être : «Je n’ai pas beaucoup d’inquiétudes à ce
sujet. Il y a autour de nous suffisamment d’hommes et de femmes
très compétents, qui tant qu’Ecolo n’est pas au pouvoir ne feront
jamais le pas parce qu’ils n’en ressentent pas vraiment le besoin
mais qui, le jour où nous devrons constituer des cabinets,
répondront présents.» Hypothèse partagée par Isabelle Durant qui
cite le cas de... Bruxelles-ville : «Il y a une expertise accumulée
qui permettrait cette participation. On a des possibilités dans nos
ressources et dans celles qu’on pourrait mobiliser à l’extérieur.
L’exemple de Bruxelles-ville le montre.»
Au-delà de la rhétorique bien connue qui veut qu’Ecolo n’ait
aucun partenaire privilégié pour une éventuelle participation au
pouvoir, à l’exception de l’extrême droite, qu’en est-il pour les
cadres interrogés ? Tous partagent le discours officiel, avec
quelques nuances à l’instar de Jacques Liesenborghs : «Non il n’y a
pas de partenaires privilégiés, mais je dis cela avec un léger
sourire. Je crois qu’avec certains, ce serait vraiment très difficile.
Ceci dit, je ne généralise pas.»
271
De fait, chaque interviewé montre les complications
programmatiques qu’aurait une majorité avec le PRL mais
rappellent tout aussitôt la complexité forte d’une majorité avec le
PS et le PSC. Sous d’autres plans. Au demeurant, les trois partis
historiques belges se présentent aux écologistes sous des positions
tellement proches qu’aucune porte ne doit être fermée.
— «On a beaucoup de difficultés naturelles avec le PRL sur les
programmes. Mais paradoxalement, je constate qu’on peut parfois
faire un certain nombre d’avancées avec la famille libérale sur des
thématiques : le fonctionnement des institutions, la dépolitisation
d’un certain nombre d’outils importants,... A priori, on nous
imagine plutôt dans un front des progressistes. Mais où sont-ils ces
«progressistes» ? Est-ce qu’il y a sérieusement une énorme
différence entre une «consolidation stratégique» et une
privatisation ? Qui remet en question les critères de Maastricht ? Il
n’y a pas de partenaires privilégiés. Il ne faut rien
exclure» (M. Cheron).
— «A priori, il n’y a pas de partenaires privilégiés. Dans les faits
parfois. Mais on ne les choisit pas au préalable. Surtout quand on
est dans une région où la famille politique suspectée d’être la plus
proche est une famille hyper-dominante : les socialistes qui,
comme toute famille dominante, ont un comportement souvent
totalitaire» (P. Lannoye).
— «En termes de partage de pouvoir, ce serait plus facile avec les
libéraux. Fondamentalement, cela le serait sûrement plus avec le
PS. Il y a des difficultés avec tous les partenaires» (J. Daras).
— «Si l’on considère que fondamentalement, les trois principaux
partis sont proches, il n’y a pas de raisons d’en privilégier un plutôt
qu’un autre. Mais peut-être qu’il y a des moins pires que
d’autres» (J. Morael).
Au surplus tactiquement, et c’est un élément déterminant
dans les propos déjà évoqués, les verts ne veulent pas se faire
piéger. Ce qu’explique prosaïquement Jacky Morael : «Si on dit que
X est notre partenaire privilégié, on met toutes les cartes dans les
mains de X. On n’est pas fou à ce point !»
272
Ni à gauche, ni à droite. Ailleurs ?
Les questions relatives au positionnement politique d’Ecolo
sont celles qui provoquent le plus de réponses évasives. Le refus de
se situer par rapport à l’axe gauche-droite est quasi généralisé
mais avec certaines nuances. Seul Henri Simons se présente
clairement sur cet axe : «Moi, je suis de gauche et je le dis. Dans
les valeurs, je pense qu’on est de gauche.»
Ce qui n’empêche pas certains répondants de concevoir la
faiblesse de la formule «ni à gauche, ni à droite.»
— «C’est vrai que le «ni, ni», ce n’est pas beau. On a l’impression
d’avoir à faire à des gens qui ne savent pas ce qu’ils
veulent.» (J. Morael). Pas beau peut-être, mais salutaire sur le plan
électoral selon Pierre Jonckheer : «Je crois que cela a permis, sur
le plan électoral, de rassembler des gens qui précédemment
votaient sans doute de façon très diversifiée.»
En termes de positionnement politique, plusieurs dimensions
sont à l’œuvre dans les réponses des cadres d’Ecolo. La première
fait référence à un stade et un clivage dépassés, qui serait
aujourd’hui inintéressant :
— «Se situer par rapport à la gauche ne m’intéresse pas. Elle a fait
son temps. Je ne ressens pas du tout l’importance de se positionner
à gauche ou à droite» (O. Deleuze).
— «Personnellement, je ne trouve pas la question intéressante. Elle
nous est posée par l’extérieur. Elle est un frein à bien préciser
notre alternative» (J. Liesenborghs).
— «Le clivage gauche-droite, c’est le clivage de la société
industrielle. Nous voulons en sortir» (M. Cheron).
— «Ce sont de vieilles étiquettes» (J. Morael).
— «Ce sont de vieux placards. Se profiler à gauche ou à droite, cela
ne veut plus rien dire» (J. Daras).
— «Le clivage droite-gauche est un clivage hyper-réducteur qui, en
soi, a perdu beaucoup de sa signification et de sa
pertinence» (P. Jonckheer).
Ces réponses se heurtent toutefois à une représentation
caricaturée de la gauche : le parti socialiste en Wallonie ou parfois,
plus largement, les partis sociaux-démocrates, une des incarnations
du productivisme aux yeux des écologistes. Si les répondants
dépassent cette vision caricaturale de la gauche, en faisant
notamment référence aux valeurs, la filiation avec l’histoire de la
gauche est admise.
273
— «Si on veut analyser Ecolo par rapport à un certain nombre
d’enjeux qui généralement distinguent la gauche de la droite, on
est clairement à gauche. Cela ne fait aucun doute. Mais si on réduit
les enjeux politiques à ces enjeux, alors je ne suis plus d’accord. Si
on dit : «on est de gauche», automatiquement on est réduit à
moins que ce que l’on est» (P. Lannoye).
— «Notre projet de société est beaucoup plus proche d’une
philosophie fondamentale d’une vraie gauche que du
libéralisme» (J. Liesenborghs).
— «On peut constater une très grande proximité avec ce que la
gauche défendait comme valeurs au XIXe siècle» (J. Morael).
— «En termes de valeurs, les gens qui font de l’écologie politique
en Belgique sont souvent des gens de proximité «gauche classique.»
Mais il y a d’autres niveaux. Celui des propositions politiques
comme telles où les nôtres sont originales par rapport au PS ou au
PRL. Il y a aussi des différences concernant le comportement
politique des gens. Il y a enfin le positionnement tactique : nous
n’avons aucun intérêt à nous situer par rapport à l’un ou l’autre
pour éviter toute situation de dépendance» (P. Jonckheer).
La fin du propos de Pierre Jonckheer est sans conteste la
composante déterminante dans le (non)positionnement politique
des écologistes francophones : le refus d’être situé par rapport au
parti socialiste.
— «Je crois que le véritable problème, c’est la peur d’être associé
à l’expression dominante de la gauche aujourd’hui, les partis
sociaux-démocrates. C’est-à-dire en Belgique un parti gestionnaire
sans souffle et des pratiques qui ne sont pas vraiment de gauche.
Ce n’est évidemment pas par rapport aux valeurs, ni par refus d’un
héritage. Ceci dit, il y a des valeurs importantes du libéralisme
dans Ecolo : la liberté d’entreprise et la décentralisation, par
exemple» (P. Defeyt).
— «Si on dit qu’on est à gauche, on dira : «Ils sont avec les
socialistes et les communistes»» (P. Lannoye).
— «La vie politique est une vie piégée et les mots sont des mots
piégés. C’est une bataille de communication. Ce sont des rapports
de force continus. Il est impossible de faire la distinction entre les
concepts de fond et la communication. Si tu le fais, tu meurs. Si on
nous pose la question : êtes-vous à gauche ou à droite, une autre
façon de la poser est «par qui voulez-vous être mangé ?» A cette
question, je réponds : «Par personne !»» (O. Deleuze).
— «Cette question me paraît à la fois pertinente mais aussi très
réductrice parce qu’elle conduit à poser la question de ce qui vient
après les élections. Si on dit qu’on est de gauche, on suppose qu’il
y a une alliance naturelle avec le «grand frère» que serait le PS.
274
Or, ce n’est pas le cas. En plus cela supposerait que le PS soit de
gauche» (M. Cheron).
Mais le piège est parfois perçu de façon inversée. Telle est
l’optique de Jacques Liesenborghs : «On s’est mis dans un piège
avec ce positionnement (ni gauche, ni droite) dans un contexte où
la gauche était assimilée au parti socialiste. Je crois qu’on prend
distance par rapport à ce positionnement. On se positionne de plus
en plus comme le parti porteur d’un projet alternatif.» D’un autre
angle, c’est également l’approche d’Henri Simons : «Je pense que
répondre «oui, on est de gauche» casserait ce piège une fois pour
toutes.»
Les réponses des membres à notre questionnaire troublent
quelque peu cet ordonnancement. Elles laissent nos interlocuteurs
plutôt silencieux. Certains ramènent ces positionnements à des
proximités de valeurs sans préciser pour autant quelles valeurs
différentes du positionnement «très à gauche» ou «gauche»
recouvre le positionnement «ni à gauche-ni à droite» choisi par 20%
des adhérents. Jacky Morael soumet l’hypothèse suivante : «Ecolo
est composé d’un mouvement de gens qui, individuellement, se
sentent à gauche mais pas collectivement.»
S’il existe une croyance certaine en l’effectivité du
dépassement du clivage gauche-droite, la question du
positionnement politique reste pour l’essentiel associée à des
considérations tactiques et stratégiques. Partant de ce constat, il
est peu plausible, comme nous l’avons déjà souligné, de
prophétiser des évolutions sensibles à Ecolo sur cette
problématique.
275
Chapitre 10
Quelques conclusions
276
277
Jeune formation, Ecolo a su passer le cap difficile pour tout
nouveau parti, celui de la confirmation après une première percée.
Son implantation s’est effectuée lentement mais Ecolo a réussi à
s’installer durablement dans le paysage politique francophone et
belge.
Son apport fondamental est d’avoir mis à l’agenda politique
des questions jusqu’alors peu ou pas débattues dans les enceintes
parlementaires et dans la société. Nous songeons, en tout premier
lieu, aux problématiques relatives à l’environnement. Les questions
énergétiques à l’aube des années quatre-vingts, les problèmes
spécifiques tels celui de l’eau ou des déchets, l’idée d’une dette
écologique à prendre en compte ont aujourd’hui droit de cité dans
le débat. Bien plus, les autres partis ont pris en compte une partie
de ces questions et les pouvoirs publics ont initié de nouvelles
politiques sur ces sujets. Mais Ecolo a aussi amené des réflexions
nouvelles sur de multiples problèmes de société au-delà des
questions spécifiques de l’environnement : valeurs et état de la
société de consommation, diminution du temps de travail comme
perspective au chômage et comme projection du bien-être, rapport
du travail à la société,...
Plus récemment, Ecolo a donné plus d’épaisseur encore à
l’écologie politique et aux thèmes dominants de ses débuts. Il s’est
ainsi fait le gardien vigilant des prérogatives du «politique» dans la
société contre la logique du marché et du dessaisissement des
attributs des institutions de la démocratie représentative. Ecolo
s’est en particulier fait le défenseur du secteur non-marchand et
des services publics, à contre-courant de la logique dominante.
Cette évolution dans l’appréhension des écologistes est, à certains
égards, paradoxale. Il y a, en effet, aux sources de l’écologie
politique dans les années septante, une méfiance et une critique
profondes envers l’institution étatique. La confrontation aux
réalités a modifié cette perception. Ecolo joue de la sorte un rôle
d’aiguillon auprès d’une série d’acteurs de la société : les autres
partis politiques, quelques composantes des organisations
syndicales et du mouvement associatif.
278
Une autre dimension importante de l’approche d’Ecolo est sa
détermination de proposer un projet global dans une perspective à
moyen et à long terme. Dans cette optique, les verts s’affichent
comme une alternative à l’organisation économique, politique et
sociale dominante. Ils concourent ainsi à la structuration du débat
sociétal. Mais cette ambition s’est parfois révélée être un
handicap. Faute de répondant, les propos des verts tombent
souvent à plat.
Ecolo s’est voulu et a été le porteur de nouvelles pratiques
politiques. Il y a indubitablement dans le chef des verts une
tentative de faire de la politique autrement. Quelques éléments
exemplifient cette démarche : le non-cumul des mandats qui
perdure depuis la création du parti, la rotation facilitée des
mandataires politiques et des cadres du mouvement, l’application
du principe de la démocratie directe dans les assemblées locales,
régionales et générales. Nous l’avons vu, ces principes et leur
application n’ont pas été sans poser des problèmes mais ils ont
constitué une approche régénérante dans un système politique où
le débat et la transparence n’ont pas dominé durant les années
quatre-vingts. Ecolo a réussi à maintenir un difficile équilibre entre
la dénonciation de comportements condamnables en politique tout
en valorisant la dimension «politique» d’un parti. Ce faisant, il a
tenu un discours positif sur une situation politique qu’il dénonçait.
De ce point de vue, il a participé à la réconciliation entre la
«politique» et la société. Ecolo s’est fait et se fait le messager des
valeurs de l’exigence de démocratie mais aussi de l’honnêteté en
politique.
En termes de pratique politique, Ecolo a aussi modifié
l’appréhension de la société en ayant une approche transversale
face aux clivages historiques de la Belgique et à la pilarisation qui
en est née. Il sort clairement des clivages et des piliers
traditionnels et constitue, à ce titre, une décrispation pour
certains milieux qui refusent de s’enfermer dans cette logique. De
même, Ecolo s’est toujours opposé à une quelconque surenchère
sur les questions linguistiques. Les relations avec Agalev sont
bonnes même si occasionnellement les deux formations ne sont pas
d’accord. Elles ont fondé un groupe commun au parlement fédéral
et réussi le tour de force de tenir un congrès commun sur la
question extrêmement sensible de la sécurité sociale. Cette
transversalité est source de force et de faiblesse. Malgré une
dénonciation régulière du fonctionnement en «mondes», Ecolo les
sous-estime à beaucoup d’égards. L’indifférence, feinte et réelle,
envers le clivage gauche-droite et envers le clivage philosophique
279
freine aussi son développement éventuel et sa pénétration dans
certains milieux.
On n’est nouveau qu’un temps. Ecolo a grandi et vieilli. Il
s’est institutionnalisé. Le parti a connu une professionnalisation
importante :
plus
de
parlementaires,
plus
d’attachés
parlementaires, un personnel politique rémunéré (secrétariat
fédéral, CEFE,...). Cette mutation est encore en cours. Elle fait
l’objet de débats, d’interrogations et parfois de critiques. Le défi
est, il est vrai, de taille : conserver le principe de la démocratie
participative tout en acceptant la professionnalisation et maintenir
un rapport étroit entre les adhérents et les cadres. L’enjeu est
d’autant plus fondamental que, contrairement aux trois familles
politiques traditionnelles, Ecolo n’est pas un parti de masse. Son
taux d’adhésion est faible.
Si Ecolo a attiré à lui des électeurs de tous les partis au début
des années quatre-vingts, il se pose aujourd’hui comme un
concurrent électoral direct du parti socialiste. Le vivier des
électeurs potentiels se trouve à gauche. Cette situation n’est
d’ailleurs pas originale. Les élections récentes en Europe montrent
que les transferts de voix parmi les partis écologistes concernent
surtout les partis de gauche, et plus particulièrement les
formations sociales-démocrates.
Les rapports au parti socialiste ne s’arrêtent pas à cette
observation. Ecolo se présente pour le PS dans une option
stratégique inédite. D’une part, existe pour le parti socialiste, pour
la première fois depuis longtemps, la perspective d’une alliance
différente que la coalition rouge-romaine (PS-PSC) ou la coalition
laïque (PS-PRL). Un axe majoritaire PS-Ecolo est en tout cas
plausible à l’échelle régionale wallonne et à celle de la
Communauté française. Cette situation se présente plutôt comme
un atout pour le PS dans ses négociations avec ses partenaires
traditionnels. Inversement, l’existence et l’approche stratégique
d’Ecolo pose aussi l’hypothèse d’une majorité alternative au PS à
la région wallonne et à la Communauté française. Certes, une
coalition PSC-PRL-Ecolo apparaît plutôt théorique, mais elle n’est
pas exclue. Même si des évolutions sensibles se sont produites
depuis lors, les discussions de 1986 avec la majorité PSC-PRL ont
témoigné d’un espace de délibération ouvert à ce point de vue.
280
Sur le plan interne, notre enquête a mis en lumière le profil
socio-culturel très marqué des adhérents du parti. Ecolo est un
parti de membres diplômés, culturellement ouverts et surtout
associés au monde professionnel du secteur non-marchand. En
retour, cette observation montre aussi sa faible présence dans le
«monde de l’entreprise», dans le secteur marchand et parmi les
personnes sans emploi. Ce qui explique largement sa faiblesse
structurelle en termes de présence et d’impact culturels dans le
Hainaut. D’autre part, nous avons relevé son inexistence parmi les
différentes immigrations qu’a connues la Belgique ; tout
spécialement parmi les communautés maghrébine, italienne ou
espagnole.
Compte tenu de son mode d’organisation fondé sur l’action
politique dans la commune, sa présence sur le terrain est très
inégale. Elle est très dépendante de l’activité et de la continuité
du travail des locales, de la présence au conseil communal et des
personnes porteuses dans chaque locale. Si la situation s’est
clairement améliorée dans la permanence et dans le nombre de
locales régulièrement actives, beaucoup de problèmes subsistent
comme l’a, par exemple, relevé l’état des locales réalisé en 19921993. La structure centrée sur le travail communal laisse, en outre,
en friche d’énormes champs d’action et de présences politiques,
dont le plus manifeste est celui relatif au «monde du travail», en
particulier dans le secteur marchand.
Parti avec peu d’adhérents, Ecolo est confronté à ces
difficultés dans son recrutement. Mais il en existe d’autres. Les
rétributions militantes sont négligeables pour les membres et les
cadres du parti. Les incertitudes professionnelles pour les
différentes catégories de permanents sont importantes.
L’opposition lasse d’autant que les gratifications sont plutôt
exceptionnelles. Dans cette optique, les résistances claires à
l’initiation non pas d’un pilier écologiste mais d’une nébuleuse
écologiste ne contribuent pas à élargir la base militante et à
rassurer des individus qui pourraient être tentés par de la politique
active mais retenus par la fragilité de la situation. Soulignons
toutefois, que la dimension «communauté» ou «famille politique»
s’affirme de plus en plus. Les rencontres écologiques d’été
l’attestent.
Sur un plan électoral, Ecolo a réussi à se constituer un «socle»
d’un électorat d’adhésion qui vote de manière récurrente pour les
verts. Celui-ci avoisine 7 à 8%. Qu’en est-il de l’élargissement à un
électorat potentiel ? Les enquêtes d’opinion montrent son
existence. Mais à l’exception des élections européennes de 1989 et
281
législatives de 1991, Ecolo n’a pas encore su rallier cette partie de
la population qui lui est sympathique. Cette question est d’autant
plus importante que le parti est, financièrement, étroitement
dépendant de ses performances électorales. Le financement public
des partis et les moyens octroyés aux élus représentent l’essentiel
de ses ressources. La perte du député européen lors des élections
européennes de juin 1994 a par exemple représenté une diminution
matérielle importante. Ecolo est donc à la merci d’un revers
cinglant. Celui-ci est peu plausible mais pas inimaginable dans une
situation politique exceptionnelle. En Allemagne, les Grünen en ont
fait la dure expérience lors des élections législatives de 1990.
La participation au pouvoir n’est peut-être pas «la» question
de la continuité ou de la survie d’Ecolo mais elle s'érige en
problème incontournable qui marquera l’identité d’Ecolo et sa
stratégie pour le déploiement de sa base militante et électorale.
Nous l’avons vu, les risques et les espoirs d’une participation au
pouvoir à une échelle supracommunale sont nombreux. Outre les
leviers que permettrait un concours à une coalition
gouvernementale, le rapport d’Ecolo au monde associatif et aux
organisations sociales en serait certainement modifié. Responsable
des métallurgistes FGTB, José Verdin l'énonçait explicitement aux
rencontres écologiques d’été en 1995 : «Le monde syndical
n'accorde qu’une attention mineure aux partis qui ne représentent
pas réellement le pouvoir.»2 Cette double dimension — intérêt pour
le programme mais rapports spécifiques au (non)pouvoir — a été
aussi été soulignée par le nouveau président de la FGTB, Michel
Nollet.3
Le champ du positionnement politique est une question très
ouverte chez les verts. La pertinence du clivage gauche-droite est,
sinon remise en cause, très fortement dépréciée à Ecolo. Pourtant,
nous l’avons vu, 65% des membres se classent «à gauche» ou «très à
gauche» et 60% situent Ecolo de la même manière. Il y a plusieurs
interprétations à ce paradoxe. La première reprend l’idée d’une
proximité des valeurs historiques de la gauche sans que l’on doive
en déduire un positionnement sur l’axe gauche-droite. La
deuxième, suggérée par le porte-parole du parti qui s’inscrit
partiellement dans la foulée de la première, est qu’au niveau
personnel une majorité d’adhérents écologistes se sentirait de
2
Le Soir, 25 août 1995.
3
«Je suis très sensible aux programmes d'Ecolo et d'Agalev. Mais je
voudrais voir comment ils se comporteraient s'ils avaient l'occasion
de passer aux actes dans un exécutif.»
Le Soir, 15 septembre 1995.
282
gauche mais que collectivement il en irait autrement. Ces versions
sont peu satisfaisantes et cadrent mal avec le positionnement que
les membres d’Ecolo font de leur propre parti. Ils perçoivent le
«collectif» Ecolo comme «à gauche.» Les explications sont, selon
nous, d’une autre nature. L’absence de positionnement sur l’axe
gauche-droite répond à deux volontés : conserver un consensus
interne sur la ligne politique du parti et ne pas s’enfermer dans une
relation projetée avec le PS. En outre, le propos à l’endroit du
concept de «gauche» fait d’abord référence — négative — au parti
socialiste en Wallonie dont les choix et les comportements sont
constamment décriés. Il y a là une vue caricaturale de la gauche.
Le pluralisme historique dans «la gauche» est, à cet égard,
complètement ignoré : gauches socialiste, sociale-démocrate,
communiste, trotskiste, démocrate-chrétienne,... Il en va
d’ailleurs de même en ce qui concerne les sources théoriques.
Cette ignorance n’est pas le fruit du hasard. La filiation et la
rhétorique historiques de l’écologie politique ne sont pas abordées
dans les textes. Si Ivan Illich ou André Gorz ont pu, un moment,
faire office d’auteurs de référence, il n’y a plus aujourd’hui de
penseur(s) attitré(s) de l’écologie politique. Une idée revient
pourtant de façon implicite et parfois explicite chez les
responsables écologistes dans la perception du dépassement du
clivage gauche-droite : l’écologie politique sera au XXIe siècle, ce
que la gauche aurait été au vingtième.
Pour les écologistes, la ligne de frontière traverserait plutôt
les tenants du productivisme et ceux du non-productivisme. S’agitil bien d’un clivage ? Aux dires et aux écrits du parti et de plusieurs
responsables, nous entrerions dans l’ère post-productiviste qui se
confond régulièrement avec l’idée d’ère post-industrielle. Ecolo
serait de la sorte un parti post-productiviste. Qu’est-ce à dire ? La
description de l’hypothétique logique ou philosophie de cette
étape reste pour le moins floue à l’image du concept de «post.»
Elle fait en tout état de cause l’impasse d’un clivage historique : le
conflit entre dominants et dominés. L’idée même de relations de
domination n’est quasiment jamais évoquée dans la littérature
d’Ecolo. Parmi les valeurs de la gauche qu’ont évoquées les cadres
d’Ecolo interrogés, l’égalité n’a jamais été citée. Non que les
écologistes ne soient pas pour l’égalité. Au contraire. Mais parce
qu’elle pose les rapports de force dans notre société. Qu’advient-il
dans le post-productivisme des conflits entre dominants et
dominés ? Les rapports de domination persistent-ils ou non ?
Comment sont-ils appréhendés ? Autant de questions sans réponse.
L’évanescence d’Ecolo dans le secteur marchand se comprend
mieux dans ce cadre et explique en même temps les difficultés
d’appréhension des rapports de force par Ecolo. On peut aussi se
283
demander si Ecolo n’a pas sous-estimé le poids et les fonctions
remplies par les organisations syndicales en Belgique à cette
lumière. Ces dernières années, il a lancé des ponts vers ces
dernières.4
L’exemple du dossier des écotaxes est, en la matière, peut
être révélateur. Ecolo a sous-estimé le poids du monde patronal
dans les (non)régulations de nos sociétés. De même, il ne suffit pas
qu’une loi soit votée pour qu’elle soit mise en application. Les
leçons de ces expériences conduiront peut-être à des évolutions
dans l’appréhension des rapports de domination et des rapports de
force qui s’établissent dans nos sociétés. La crédibilité de sa force
politique en dépend certainement.
Ecolo aura enfin à affronter un défi difficile : montrer sa
capacité à être un parti d’alternative et non un parti d’alternance.
La tension entre le projet global de société que propose Ecolo et le
nécessaire compromis politique sera mise à rude épreuve. Mais
Ecolo a déjà affronté plusieurs obstacles et relevé plusieurs défis.
Sans dénaturation de ses principes et de sa vocation, il a sauté
plusieurs murs et le parti s’est consolidé. Rien n’est exclu, rien
n’est promis. Pour Ecolo, comme l’affirme son slogan, «l’avenir est
ouvert.»
4
En 1994, Jacky Morael traçait la perspective et reconnaissait les
«difficultés» d'approche mutuelle : «C'est un travail pour les mois à
venir : organiser des rencontres entre le milieu écologiste et
syndical, pour faire en sorte que ces gens-là ne se regardent plus en
chiens de faïence.»
Le Soir, 2 septembre 1994.
284
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Marcel Cheron, Bruxelles, 18 janvier 1996.
José Daras, Liège, 5 février 1996.
Philippe Defeyt, Namur, 29 janvier 1996.
Olivier Deleuze, Bruxelles, 23 janvier 1996.
Isabelle Durant, Bruxelles, 14 février 1996.
Pierre Jonckheer, Bruxelles, 31 janvier 1996.
Paul Lannoye, Bruxelles, 24 janvier 1996.
Jacques Liesenborghs, Bruxelles, 6 février 1996.
Jacky Morael, Namur, 8 février 1996.
Henri Simons, Bruxelles, 26 janvier 1996.
291
Table des matières
Avant-propos
5
Chapitre 1. De l’écologie à l’écologie politique
7
La politisation des questions de l’environnement
L’émergence des nouveaux mouvements sociaux
Une synthèse difficile
La naissance des partis écologistes
Chapitre 2. Les étapes d’Ecolo
Aux origines
Le frère flamand : la naissance d’Agalev
Une consolidation
Une progression arrêtée
«Vers une opposition constructive écologiste»
à la majorité PRL-PSC du gouvernement wallon
Une nouvelle identité pour Ecolo :
la motion de Neufchâteau-Virton
Des lendemains qui chantent
Deux victoires éclatantes : 1989 et 1991
La participation d’Ecolo à la réforme de l’Etat
Trois défaites électorales : 1994 et 1995
Les actions et réactions des autres partis
Face au développement d’Ecolo
Une crise maîtrisée
Ecolo et le positionnement politique
10
21
24
27
29
31
42
45
51
57
61
66
73
75
88
90
94
100
292
Chapitre 3. L’autre «Europe verte»
Post-matérialisme et nouveaux partis
Grünen et verts : des évolutions divergentes
Vers une «famille politique» européenne
107
111
119
Chapitre 4. L’évolution des structures
d’un mouvement-parti
123
Les changements statutaires
Des moyens accrus
Des adhérents plus nombreux
125
129
132
Chapitre 5. Ecolo et les élections
139
Les élections communales
Les élections nationales
L’électorat d’Ecolo
Ecolo, le pouvoir et les alliances
Chapitre 6. L’évolution des principaux axes
programmatiques
La lutte contre le productivisme
Faire de la politique autrement
L’économique au service de la société
Le temps de travail
La défense des catégories sociales les plus défavorisées
La défense des services public et
de l’interventionnisme étatique
L’Europe et le monde
La dette cachée
La dette belge
Les populations étrangères de Belgique
et les Belges d’origine immigrée
Ecolo et les questions de société
Ecolo et les institutions
141
147
152
158
161
163
163
166
167
174
176
177
181
182
183
183
184
293
Chapitre 7. « Planète verte » : les adhérents d’Ecolo
Enquête sur le profil sociologique et
la culture politique de adhérents
Répartition hommes-femmes
Un parti de «diplômés»
Un parti de jeunes
La nationalité
Un clivage traversé
Une présence importante dans le secteur non-marchand
Ce que gagnent et ce que lisent les adhérents
Des générations nouvelles
La participation des membres
Une affirmation forte
Les membres d’Ecolo et les associations
189
191
193
194
196
199
201
209
212
214
215
220
227
Chapitre 8. Les choix d’une militance
231
Chapitre 9. Aujourd’hui : paroles d’acteurs
253
Le temps d’un bilan : Ecolo et la société
Les aléas d’un mouvement-parti
Une nouvelle étape : le pouvoir ?
Ni à gauche, ni à droite. Ailleurs
257
262
266
272
Chapitre 10. Quelques conclusions
275
Bibliographie
285
Table des matières
291