TERRILS ET PLANTES INVASIVES1 - CHARLEROI : PAYSAGES / ENERGIES -
Allan WEI
Les plantes invasives sont des plantes étrangères, appelées aussi colonisatrices ou néophytes (nouvellement
arrivées), elles sont généralement considérées comme indésirables / invasives. Certains néophytes peuvent apparaître
massivement et coloniser complètement des terrains a nus ou envahir la végétation existante, ils sont alors qualifiés de
plantes invasives. Les invasions biologiques sont présentées comme “la deuxième cause de perte de biodiversité biologique
après la disparition et la fragmentation des biotopes.2”
Les néophytes sont considérés comme nuisibles “lorsqu’ils constituent une menace pour la santé, l’économie ou la
biodiversité des zones naturelles.3” Si certaines plantes posent un problème de santé publique (humaine) en terme d'allergies
ou de toxicité (la berce du caucase ou l'ambroisie notamment4), le caractère invasif peut aussi devenir une étiquette négative.
Plusieurs hypothèses tentent d'expliquer pourquoi ces néophytes sont invasives en dehors de leur territoire d'origine:
l'absence de prédateurs ou de parasites présents dans le milieu d'origine, l'hypothèse de la niche vacante, une disponibilité de
la communauté écologique. L'impact des perturbations humaines apparaît cependant primordial : interventions directes,
eutrophisation des terres, fluctuations de ressources, réchauffement climatique et ilot de chaleur urbain. De fait : “Les
invasions apparaissent comme des révélateurs de transformation des écosystèmes par les activités humaines, bien davantage
que comme la cause de ces perturbations5.”
Certaines invasions, peut-être la plupart, résultent de l'ensauvagement d'une nature aménagée. Parmi les plantes
invasives les plus nuisibles et les les plus spectaculaires, on trouve plusieurs plantes choisies pour leur valeur ornementale
(Buddléia, Renouée du Japon, Fraisier des Indes, Cerisier tardif). Ces plantes finissent par échapper a l'espace (jardin, parc
public, talus) qui leur assigné par l'aménagement. Elles se développent dès lors dans les friches urbaines, ces écosystèmes
intersticiels où l'attention de l'homme est absente. Après cette installation, elles tendent a se naturaliser, c'est-a-dire a intégrer
les écosystèmes non-urbains et a occuper les espaces de nature aménagée. C'est a partir de cette naturalisation qu'elles sont
classées dans la catégorie des plantes invasives lorsqu'elles menacent l'équilibre de la flore et de la faune indigènes ou
lorsque leur présence est incomptabile avec la perception sociale de la nature.
1 L'essentiel des notices est issu de Luc Allemeersch (Jardin botanique national de Belgique), Réalisation d’un inventaire
floristique complet de la Région de Bruxelles-Capitale et d’une cartographie de la flore. Y compris une comparaison
approfondie des données et cartes antérieures, ainsi qu’une vaste évaluation scientifique, adjudicateur : Institut
Bruxellois pour la Gestion de l’Environnement - Division Espaces verts , Octobre 2006, 330p (+annexes)
2 J.L. Lockwood, M.F. Hoopes, M.P. Marchetti, Invasion ecology, Blackwell Publishing, 2007
3 Belgian Forum on Invasive Species, Liste noire et liste grise d’espèces non-indigènes en Belgique, Version 2.3,
http://www.natagora.org/files/Listes_grise_et_noire_des_invasives.pdf
4 Paul Arnould, La nature en ville : l'improbable biodiversité, Géographie, économie, société, 2011/1 Vol.13, p.53
5 Pierre Meerts, Anne-Laure Jacquemart, Les invasions de plantes exotiques : que nous apprennent-elles sur le
fonctionnement des écosystèmes ?, in Pierre Meerts (dir.), Vers une nouvelle synthèse écologique, éditions du CIVA,
Bruxelles, 2013, p.71
Buddléa- Buddleja davidii Franch – Arbres aux papillons
Le Buddléa (Buddleja davidii), comme la Berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum), s'est
initialement échappé de la RBC. Ces espèces sont encore typiques de la RBC mais se sont étendues dans
l’intervalle dans le Nord et en Moyenne Belgique.
“Plante originaire de l'Himalaya, a la croissance rapide et se disséminant au gré du vent –
particulièrement commune après le Blitz, mais qui fut peut-être importée comme décoration dès les années 1880,
le buddleia est adapté a l'oeuvre monumentale d'érosion des reliefs. 6” Le Buddléa, ou arbre aux papillons, est
extrêmement répandu en RBC. Cette plante nationalisée est originaire de Chine et a poussé massivement dans les
villes allemandes après les bombardements de la Seconde Guerre mondiale (SCHMITZ 1991). La plus ancienne
découverte documentée de la RBC, dans l’herbier du Jardin botanique national, date de 1945. Une branche de
Buddléa avait alors été ramassée sur le chantier de la jonction Nord-Midi, près du Jardin botanique national de
l’époque. Pendant un moment, le Buddléa a été une espèce typique de Bruxelles. Depuis lors, ce buisson s’est
aussi établi dans d’autres villes et zones urbanisées. Cette plante colonise toutes sortes de surfaces perturbées et
recouvertes d’un revêtement. A terme, des populations homogènes en viennent même a se développer, sans
végétation de sous- bois. Tout comme le Séneçon sud-africain, le Buddléa est omniprésent dans les terrains
vagues, les terrains ferroviaires et les maisons abandonnées. Dans les régions au climat plus continental comme la
Bavière et Berlin, l’Ailante glanduleux est le buisson dominant a ce type d’endroits (SCHMITZ 1991). Le
Buddléa est plus sensible au gel que l’Ailante glanduleux. Durant la période 1991-1994, cette espèce était
présente pratiquement partout en zone urbaine. Pour la période 2003-2005, le Buddléa est également présent plus
en périphérie et même jusque dans la Forêt de Soignes.
Le Buddléa peut former des végétations monospécifiques dans les terrains vagues en zone urbaine. Le
Buddléa est présent pratiquement partout sur les surfaces pierreuses en RBC. Des études ont démontré que l'arbre
a papillons, épargné par les herbivores en Europe, et donc plus vigoureux, produit davantage de graines qu'en
Chine7. On peut toutefois affirmer que ce buisson ne constitue pas une réelle menace pour les zones naturelles en
RBC. Ce buisson ne peut se fixer que comme pionnier et de préférence, sur des surfaces pierreuses.
HIVER
ETE
ENVIRONNEMENT URBAIN
FLEUR
6 Mike Davies, Dead Cities, villes mortes : une histoire naturelle, éd. Les prairies ordinaires, 2009, (éd. Originale 2002),
p.92
7 Pierre Meerts, Anne-Laure Jacquemart, Les invasions de plantes exotiques, que nous apprennent-elles sur le
fonctionnement des écosystèmes ?, in Pierre Meerts (dir.), op.cit., 2013, p.69
Itadori - Renouée du Japon- Fallopia japonica (Houtt.) Ronse Decraene
La Renouée du Japon est extrêmement fréquente en RBC. Cette plante non indigène originaire du Japon,
a été introduite au 19e siècle comme plante d’ornement. Au milieu du 20e siècle, elle s’était déja échappée a
plusieurs endroits de la Capitale. La colonisation de la RBC était déja en grande partie accomplie durant la
période 1991-1994. Cette espèce est capable de se développer massivement sur des talus riches, le long de cours
d’eau et dans les terrains vagues. Dans les endroits très riches, elle envahit rapidement toutes les autres espèces.
Bien que cette espèce ne soit pas présente massivement partout, la Renouée du Japon peut être observée
pratiquement dans chaque carré- kilomètre de la RBC. Elle n’est absente de quelques carrés-kilomètre que dans le
centre très bétonné et dans la partie plus sablonneuse a l’est de la Forêt de Soignes.
Cette espèce est présente massivement dans les zones très riches. Ces zones très riches, où pendant des
décennies, il n’y a jamais eu d’évacuation de nutriments et que l’on a tout au plus brulées ou fauchées sans
évacuer la litière, forment un milieu très peu naturel. Ce type de milieu n’existe un tant soit peu que le long des
berges de rivière. En situation naturelle, ces berges sont régulièrement nettoyées, et ainsi renouvelées et rajeunies.
Pour lutter le plus efficacement contre la Renouée du Japon, il convient de déblayer le sol sur quelques dm. Il
s’agit toutefois d’une mesure très couteuse. En fauchant 3 a 4 fois par an, la plante perdra également de sa
vitalité. Dans les bosquets et les zones de parc en RBC, la Renouée du Japon est très présente aux endroits où les
riverains déversent leurs déchets de jardin.
La Renouée du Japon est une plante rhizomatique (comme le bambou) : “De manière générale, la fauche
de renouées asiatiques et l'arrachage de leurs rhizomes seront proscrits. Sauf lorsqu'elles sont pratiquées sur de
très petites surfaces juste après l'installation de la plante, ces pratiques ne permettent pas de venir a bout des
populations de renouées et entraînent généralement la formation de populations plus denses et plus étendues
encore. Elles favorisent en outre leur dissémination par l'intermédiaire de petits fragments de tiges ou de
racines.8“
ETE
HIVER
JEUNES POUSSES
TIGES ADULTES
8 SPW, Circulaire relative aux plantes exotiques envahissantes, 30 mai 2013
Berce du Caucase - Heracleum mantegazzianum Somm. et Lev.
La Berce du Caucase est répandue en RBC. Cette gigantesque plante non indigène est originaire du sudouest de l’Asie. Elle pousse sur les sols dénudés, a des endroits plutot instables. Il peut s’agir d’accotements
larges et escarpés, mais aussi de petits emplacements dans des parcs et dans des friches. Cette espèce a été
signalée pour la première fois dans la Capitale et en Belgique juste avant la Seconde Guerre mondiale. Au milieu
du 20e siècle, il existait depuis longtemps une grande population le long de la ligne de chemin de fer vers Namur.
Cette dernière décennie, la Berce du Caucase s’est répandue davantage dans les environs de Bruxelles, d’abord le
long des grandes voies de chemin de fer et des artères principales. Actuellement, cette plante ne se cantonne plus
a ces routes, mais elle apparaît régulièrement et de façon notable dans des petits coins de parcs et de terrains
vagues.
En Région bruxelloise, les populations les plus importantes se situent toujours le long de la ligne de
chemin de fer vers Ottignies/Namur. Pour l’heure, il n’existe pas encore de terrain en RBC, comme c’est le cas
ailleurs en Europe occidentale et en Europe centrale, où la Berce du Caucase forme de vastes végétations
monotones. On observe toutefois des plantes isolées, disséminées a peu près partout. Les principaux problèmes
avec cette plante dans la capitale sont liés a la santé publique: les sucs de cette plante, combinés a un
rayonnement solaire important, peuvent provoquer des brulures sur une peau humide. Au premier contact, on ne
ressent ni douleur, ni gêne. Ce n’est que plusieurs heures plus tard que les problèmes apparaissent. La peau
endommagée peut rester sensible a la lumière ultraviolette durant des années. Il est dès lors chaudement
recommandé de lutter contre cette plante dans les parcs et a proximité des pleines de jeux.
ETE
AUTOMNE
HIVER
Robinier faux-acacia
Localement, le Robinier faux-acacia peut se développer massivement en RBC, dans des talus et des
lisières escarpés qui ne sont plus entretenus. Par leur action, les bactéries qui forment des nodules au niveau du
système racinaire peuvent avoir un effet très enrichissant sur des sols naturellement pauvres. En RBC, ces sols
ont entre-temps été considérablement enrichis par diverses influences humaines. Il existe un bois sauvage (= bois
formé spontanément) dont la principale essence est le Robinier faux-acacia, derrière les batiments de la
VRT/RTBF (Schaerbeek). L’évolution d’un bois sauvage constitué principalement de Robiner faux-acacia,
apparu entre 1950 et 1960, peut ainsi être décrite et évaluée. Si l’on choisit localement de lutter contre le Robinier
faux-acacia dans les talus abruptes, il convient de tenir compte du risque d’érosion. La lutte contre le Robinier
faux- acacia ne doit pas être considérée comme une priorité mais peut être intégrée dans des plans de gestion
forestière concrets.
FEUILLES ET FLEURS DESSINEES
FEUILLES ET FLEURS
ARBUSTE – JEUNE
ARBRE – ADULTE
Les terrils, témoins de l'activité minière devenus poumons verts
François Dierick, http://www.charleroi-decouverte.be/pages/index.php?id=38
Un terril, c'est avant tout le témoignage d'une activité
économique, qui fut jadis prospère dans nos régions. Les
terrils constituent aujourd’hui un élément précieux du
paysage carolorégien et de son patrimoine historique minier.
En 1984, le Roton ferme ses portes a Farciennes, près de
Charleroi. Il n’y a désormais plus de charbonnages en
activité en Wallonie. Les anciens charbonnages et
infrastructures minières presque totalement disparus, les
terrils sont les derniers témoins directement visibles de la
mémoire industrielle. Les terrils ne sont plus aujourd’hui
uniquement des symboles d’une industrie disparue, mais sont
devenus également des repères au cœur des quartiers et des
lieux de loisirs.
Terril des Hiercheuses a Marcinelle
Le terril en lui-même n'est qu'un simple amoncellement de déchets (les « stériles », sous-produits de
l'exploitation minière) remontés de la fosse en même temps que le charbon, provenant du creusement
des puits et des galeries de mines. La matière était triée en surface, le charbon utilisé à différentes fins,
et le reste, stocké sous forme d'amas, formant des terrils.
Les premiers terrils étaient plats ou formaient de petits monticules, les résidus étant acheminés sur le
terril par la force humaine ou chevaline et dès lors limités en hauteur. A partir du XVIIIième siècle, leur
volume commence a augmenter et ils prennent une forme allongée ou bombée. Par la suite, l'espace
commençant a manquer a proximité des puits et les techniques devenant de plus en plus performantes,
les déchets sont acheminés au sommet du terril via une sorte de téléphérique, qui y déversait le contenu
des berlines (wagonnet de mines) ; les terrils formés au XXième siècles sont gigantesques. Le Boubier
est le plus grand terril du Pays de Charleroi : sa hauteur est d'environ 120 m, et il culmine a 266,6 m
d'altitude.
Situés au cœur ou a proximité immédiate des quartiers, les terrils sont
rapidement appropriés par la population. Toujours en formation, ils
sont fréquentés par certains afin d’y ramasser des restes de charbon
pour un usage personnel. Les enfants y grimpent et y jouent, dévalant
les pentes sur des couvercles de casseroles.
Si les terrils se forment et envahissent le paysage, certains
disparaissent également ; les premiers terrils contiennent souvent des
ressources minérales qui peuvent être valorisées. Ils renferment
encore une grande quantité de charbon, les méthodes de tri les plus
anciennes n'étant pas encore suffisamment efficaces. L'évolution des
techniques permet parfois de les exploiter a nouveau ; le charbon
récupéré est principalement utilisé par le centrales électriques et les
cimenteries. D'autres éléments pouvant être réutilisés, tels que le
Terril des Piges
schiste noir et le schiste rouge, sont utilisés pour les remblais, les
terrains de sports, des chemins,…
En Région Wallonne, les terrils sont aujourd’hui classés en différentes catégories, en fonction qu’ils
puissent ou non être encore exploités, parfois moyennant une investigation complémentaire. Certains
terrils sont également classés comme sites et ne peuvent dès lors plus faire l'objet d'une quelconque
exploitation. Cette nouvelle exploitation permet libérer plusieurs hectares de terrains, a nouveau
disponibles pour accueillir de nouvelles constructions. C'est sur l’emplacement d’un ancien terril du
charbonnage du Mambourg que sont ainsi nés a Charleroi notamment le complexe cinématographique
Carollywood, et le centre commercial Ville2.
Tous les terrils ne sont cependant pas exploités ; certains
terrils se sont mués en sites semi-naturels plus
qu’intéressants, abritant un biotope propre ; ils se trouvent
une nouvelle vie et se transforment en lieux de promenade et
de divertissement. Certains terrils sont même classés, comme
par exemple les Terrils du Martinet a Roux depuis le 9 avril
1996. Le temps passant, les terrils se sont recouverts de
manière naturelle ou via intervention humaine de verdure et
d'arbres, créant un biotope spécifique.
Si la nature a conquis les terrils, les humains également. Les
Terrils du Martinet a Roux ont été replantés par les habitants
du quartier, avec l'aide de l'architecte-paysagiste Capart dans
les années 1950. Ils sont depuis devenus une réserve seminaturelle, où l'on trouve des espèces, tant animales que
végétales, hors du commun dans nos régions. Criquets,
Terril des Piges, vue vers Charleroi
lézards des murailles, rapaces,… viennent vivre dans ce
microclimat créé par l'Homme. A Charleroi, les terrils
occupent aujourd’hui une place importante ; leur étendue représente 5,5 % de la superficie du territoire,
soit plus de 500 hectares. Le terril, offrant une aire de promenade mais faisant également barrage aux
intempéries, est souvent considéré comme un repère au sein d'un quartier, et protégé par ses habitants
lorsque différents projets le menace. Ce fut notamment le cas lors de la construction du métro de
Charleroi près du terril des Piges a Dampremy. Le terril est finalement conservé, et un tunnel est creusé
sous le terril afin de le préserver.
Les terrils font aujourd’hui partie de la vie de la ville et de son
patrimoine. Des excursions y sont organisées dans des buts
touristiques ; des chemins balisés permettent de suivre une « route des
terrils ». Certains, comme au Bois du Cazier, sont aménagés afin d’en
faciliter l’ascension. A Marcinelle, le terril des Hiercheuses accueille
chaque année un pique-nique évènementiel, organisé par l’asbl
Rafales. A Trazegnies, c'est en vignoble que s'est transformé le terril
situé rue de Piéton dans la commune de Chapelle-Lez-Herlaimont.
Trois mille pieds de vignes (Pinot Noir, du Gamay, du Pinot Gris, du
Riesling et du Müller Thurgau) sur 18 hectares produisent chaque
année du vin vendu au bénéfice de l'asbl Les Amis du Chateau de
Terril des Hiercheuses
Trazegnies, permettant de restaurer le chateau de Trazegnies, et ce,
depuis 1964.
Les extraits de texte la page suivante proviennent de
M. Piret (Ville de Charleroi - Aménagement urbain) + M. VAN BERGE (Espace Environnement), Planifier une
nouvelle valorisation des terrils dans la ville et la région, dans une perspective de développement durable, 2006
LE TERRIL SAINT THEODORE EN 1977