Annales historiques de la Révolution
française
372 | avril-juin 2013
Varia
Zeev STERNHELL, Les anti-Lumières. Une tradition du
XVIIIe siècle à la guerre froide
Gallimard, folio histoire, 2010, 942 p., ISBN 978-2-07-031818-6, 13 €.
Jean-Clément Martin
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/ahrf/12806
ISSN : 1952-403X
Éditeur :
Armand Colin, Société des études robespierristes
Édition imprimée
Date de publication : 1 juin 2013
Pagination : 168
ISBN : 978-2-9083-2789-2
ISSN : 0003-4436
Référence électronique
Jean-Clément Martin, « Zeev STERNHELL, Les anti-Lumières. Une tradition du XVIIIe siècle à la guerre froide »,
Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 372 | avril-juin 2013, mis en ligne le 01 juin
2013, consulté le 14 novembre 2019. URL : http://journals.openedition.org/ahrf/12806
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Zeev Sternhell, Les anti-Lumières. Une tradition du XVIIIe siècle à la guerre...
Zeev STERNHELL, Les anti-Lumières. Une
tradition du XVIIIe siècle à la guerre
froide
Gallimard, folio histoire, 2010, 942 p., ISBN 978-2-07-031818-6, 13 €.
Jean-Clément Martin
RÉFÉRENCE
Zeev STERNHELL, Les anti-Lumières. Une tradition du XVIIIe siècle à la guerre froide. Gallimard,
folio histoire, 2010, 942 p., ISBN 978-2-07-031818-6, 13 €.
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Cette réédition d’une œuvre parue initialement en 2006 ajoute peu au texte initial,
sinon en durcissant encore la démonstration qui lie l’histoire des anti-Lumières et de la
Contre-Révolution aux crises de la démocratie du XXe siècle. Ainsi, parmi les auteurs
incriminés, le mot n’est pas trop fort, apparaît le sociologue américain Daniel Bell,
présenté dans un article de l’auteur dans le Monde diplomatique comme « le plus
important théoricien néoconservateur contemporain », allégation qui paraît bien hors
de propos lorsqu’on aborde son œuvre évoquée en une page rapide dans ce livre. Dans
une description à charge, l’auteur convoque ceux qu’il considère comme les
représentants d’un courant négatif, opposé aux Lumières et à l’idéal révolutionnaire,
accusés d’avoir entraîné le monde dans l’irrationalité, le nationalisme et finalement les
errements du fascisme, du nazisme, couverts par les néo-conservateurs d’aujourd’hui.
En refusant de vouloir changer le monde, les penseurs de Vico à Furet, en passant par
Finkielkraut, se retrouvent ainsi dans une filiation proprement dangereuse pour
l’avenir du monde. Cette démonstration néglige ainsi toutes les différentes formes de
Lumières et amalgame toutes les composantes des anti et contre-révolutions possibles,
négligeant les oppositions que les chrétiens les plus contre-révolutionnaires ont pu
manifester contre le nazisme par exemple. Les citations sont prises pour les besoins de
la cause, ce qui est notamment vrai pour les pensées de Maistre et de Berlin réduites à
Annales historiques de la Révolution française, 372 | avril-juin 2013
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Zeev Sternhell, Les anti-Lumières. Une tradition du XVIIIe siècle à la guerre...
des caricatures. Enfin en ne se situant que dans le cadre de l’histoire des idées, l’auteur
ne craint pas de vouloir expliquer le cours de l’Histoire sans référence à la matérialité
des actes. Il rejoint, bizarrement, le courant qu’il combat qui veut absolument faire des
Lumières le creuset initial du totalitarisme. Il est difficile de rendre Vico, Burke ou
Herder responsables de la montée des nationalismes pendant la Révolution française et
l’Empire. La construction des mentalités et la mise en place des idéologies ne sont pas
seulement dépendantes des idées exprimées par tel ou tel penseur. L’histoire sociale,
économique, religieuse, politique a une épaisseur qui fait que des groupes suivent des
slogans et des systèmes plus qu’ils ne se réfèrent à des positions intellectuelles claires.
Il est aussi troublant de voir les Lumières unifiées malgré leurs divergences dans un
bloc qui serait le portrait en creux dessiné par leurs ennemis. On ne peut que regretter
que ce livre aussi érudit et aussi engagé dans la défense des Lumières se range
résolument dans une écriture aussi intolérante et polémique, desservant au final la
thèse qu’il prétend soutenir.
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