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Les Rois Mages représentent devant l’Incarnation, notre pauvreté
Matthieu rend compte de la présence de Mages venus d’Orient adorer le
Sauveur, ces hommes dépositaires des sciences de leur temps n’ignorent point
qu’il s’agit de Jésus, Vrai Homme et Vrai Dieu.
Péladan n’a pas manqué de rappeler: « L'adoration des Mages signifie
l'abdication des ésotérismes devant l'incarnation de la Vérité » (1). Les Mages
déposent l’or, l’encens la myrrhe aux pieds du Christ Jésus, et Irénée de
Lyon en donne pour sens : « la myrrhe signifiait que c'était lui qui, pour notre
race humaine mortelle, mourrait et serait enseveli; l'or, qu'il était le Roi dont le
règne n'aurait pas de fin Luc 1,33; l'encens, enfin, qu'il était le Dieu qui venait
de se faire connaître en Judée Ps 76,2, et de se manifester à ceux qui ne le
cherchaient point Is 65,1; Rm 10,20 (Irénée, Ctre les Hér Liv.3 ch.9,2. » ( 2).
Les Mages se détournent de leur ancienne croyance, par ce qu’ils reconnaissent
en Jésus l’enfant divin, ils Lui offrent, conformément aux pratiques rituelles de
l’ancienne Egypte, l’or qui est la représentation de la chair imputrescible du
corps d’éternité des dieux, symbole de la vie éternelle ; la myrrhe, substance
servant tout à la fois de base pour l’embaumement, symbole de la victoire sur la
mort, qui servait aussi à oindre les statues divines ; l’encens permettant,
d’apaiser les dieux mais aussi d’entrer en communication avec le divin, symbole
de la transcendance. Rejetant alors toutes leurs anciennes croyances, les Mages
s’en retournent par un autre chemin et le sens de cet autre chemin n’est-il pas
celui de Notre Seigneur disant : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne
vient au Père que par moi. » (Jn XIV, 6). Maxime de Turin, en son Homélie
sur l’Epiphanie expose que les Mages « ne vivant plus dans la même religion,
ils abordèrent un autre chemin de retour et une autre manière de vivre. Car,
avant de voir le Christ, l’étoile avait conduit les mages comme des homes
religieux venant pour un hommage ; mais une fois qu’ils eurent vu le Seigneur et
cru en Lui, la foi les ramena à leur patrie comme des adeptes du Christ. » (3).
Grégoire le Grand en sa 10° Homélie prononcée le 6 janvier 591, souligne
l’importance de cet autre chemin : « 7. Les mages nous donnent encore une
leçon très importante en revenant dans leur pays par un autre chemin. En effet,
ce qu’ils font sur l’avertissement qu’ils ont reçu nous indique ce que nous
devons faire. Notre pays, c’est le paradis, et une fois que nous connaissons
Jésus, il nous est interdit d’y retourner par le chemin que nous avons suivi en
venant. Car nous nous sommes éloignés de notre pays par l’orgueil, la
désobéissance, la poursuite des biens visibles et l’avidité à goûter les
nourritures défendues. Mais pour y revenir, il faut les larmes, l’obéissance, le
mépris des biens visibles et la maîtrise des appétits de la chair. C’est donc bien
par un autre chemin que nous retournons dans notre pays, puisque nous étant
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éloignés des joies du paradis par les plaisirs, nous y sommes ramenés par les
lamentations. » (4)
Grégoire le Grand introduit ce rapport symbolique entre cette autre route prise
par les Mages qui se sont dépouillés en offrant tous leurs trésors au Vrai Dieu et
Vrai Homme et notre devoir de retrouver le chemin du ciel. : les Mages
abdiquent leurs anciennes croyances en reconnaissant l’Incarnation de Dieu, par
la Nouvelle Alliance, il nous revient, à l’instar de ces témoins, de revenir à Dieu.
Le do ut des : « je donne afin que tu donnes » des anciennes croyances est
remplacé par le don total, absolu qui est l’acte d’Amour entraînant
La pauvreté conçue comme un engagement – le refus du monde matériel pour le
paradis – ce qui n’était pas dans les croyances de l’Egypte ancienne où seul le
prêtre initié, le pharaon, étaient les seuls garants de l’ordre universel. Avec
l’offrande des Mages à l’enfant Jésus, tout homme devient acteur œuvrant pour
le rétablissement du monde d’avant la Chute.
Les trois tentatives de tentation de Jésus au Désert exorcisent nos chutes
successives par le refus du Fils de l’Homme à succomber en une actualisation
alors éternelle, à ces dernières : ce sera la première défaite de Satan.
- A la manducation de l’Arbre comme expression de la vie humaine voulant
être indépendante de la vie Divine, le Christ répond : « L'homme ne vivra
pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de
Dieu.” (Mt. IV,4)
- A l’idée de l’homme pensant pouvoir soumettre la Grâce selon ses désirs,
accéder au ciel par la futilité d’une tour, expression d’une voie d’orgueil,
le Christ répond : « Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu.” (Mt. IV,
7)
- Au constat que la Chute de l’homme entraîna le monde sinon une grande
partie de la Création à être provisoirement sous la dépendance de Satan,
expression de l’illusion Faustienne, le Christ répond : “Retire-toi, Satan!
Car il est écrit: Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui
seul.” (Mt. IV, 10)
Si la pauvreté matérielle ne permet pas la présence de l’orgueil, la
désobéissance, la poursuite des biens visibles et l’avidité à goûter les nourritures
défendues, comment répondre à cette interrogation formulée dans la mystique
juive : « Or, comme les péchés sont plus graves chez les riches à cause de leur
orgueil qui fait défaut aux pauvres, où est [9a] la justice de Dieu qui fait
mourir de faim les pauvres et laisse vivre les riches, afin qu’ils continuent à
pécher ? » (5)
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A la question posée par le Zohar, le Judaïsme répond par la Tsédaka qui est le
Devoir de Charité, le Christianisme par la Communion des Saints vivifiée par la
Charité.
Comment acquérir le ciel qu’évoque Grégoire le Grand ? A cette question
posée par l’homme courant après le Christ pour obtenir une réponse, “Jésus,
l'ayant regardé, l'aima, et lui dit: Il te manque une chose; va, vends tout ce que
tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis
moi. Mais, affligé de cette parole, cet homme s'en alla tout triste; car il avait de
grands biens.” (Mc, X, 21,22)
Il conviendrait de parvenir à cette pauvreté, qui n’est pas obligatoirement
matérielle, mais peut relever de l’ordre spirituel : “ Heureux les pauvres en
esprit, car le royaume des cieux est à eux!” ( Mt. V,3)
Clément d’Alexandrie introduira dans l’Eglise ancienne, la problématique de la
richesse et de la pauvreté par son homélie Quel riche peut être sauvé (6), la
fortune n'est pas un obstacle au salut si l'on voit dans son possesseur un simple
usufruitier (7). De plus, si l'on en fait un sage emploi, elle est un bien pour le
pauvre et même pour le riche. Cette Homélie est importante, Eusèbe l’évoque
en ces termes : « Quant à Clément, il indique également ce temps et il ajoute un
récit très nécessaire à ceux qui aiment entendre des choses belles et profitables,
dans son ouvrage intitulé : Quel riche est sauvé Prenez cette histoire et lisez-la
donc telle qu'il l'a écrite » (8)
Quelle est cette pauvreté que manifestent les Mages repartant sans aucun bien
terrestre, cette pauvreté liée à une richesse devenue partage, don envers le
prochain, mais non abandon de ce qui fut reçu (Mt. XXV , 14-31), richesse et
pauvreté s’entrecroisent telle la Lumière et la Ténèbre, le jeune homme riche
n’avait pas répondu à l’appel de Son Maître, ce que firent les Apôtres tels Pierre
et André qui, parce qu’il étaient bien moins riches matériellement, Le suivirent.
Jean-Pierre BONNEROT
Article paru dans la revue »VIRGO FIDELIS » N° 211, Décembre 2006
consacré à la pauvreté.
1 J. PELADAN : L'occultisme contemporain, nlle .Ed, in : Œuvres choisies,
Les Formes du Secret Ed, 1979, page 69
2 Irénée, Contre les Hérésies Liv.3 ch.9,2., nombreuses éd.
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3 Maxime de Turin : Homélie sur l’Epiphanie ( Homélie 21) PL., 57, pp, 256270, in : Le Mystère de Noël, Coll. Lettres Chrétiennes, Grasset Ed, 1963, page
229.
4 Grégoire le Grand : Homélie 10 Prononcée devant le peuple dans la basilique
de saint Pierre, apôtre, le jour de l’Epiphanie ; texte emprunté au site :
www.jesusmarie.com
5 Zohar, III, 8b, 9a, trad Jean de Pauly, Maisonneuve et Larose Ed, tome V,
page 24
6 Clément d’Alexandrie : Quel riche peut être sauvé ? PG. 9, pp 603-651, trad.
in : Riches et pauvres dans l’Eglise ancienne, Coll. Lettres Chrétiennes, Grasset
Ed, 1962, pages 24-55
7 En complément, il sera intéressant, de lire la contribution d’Emile
SZLECHTER sur Le prêt dans l’Ancien Testament et dans les codes
mésopotamiens d’avant Hammourabi, in Revue d’histoire et e philosophie
religieuse, N°1, 1955, pages 16-25
(8) Eusèbe de Césarée : Histoire ecclésiastique, III, 23