Terrain
Le patrimoine culturel immatériel
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Chiara Bortolotto
Le trouble du patrimoine culturel
immatériel
Introduction
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Référence électronique
Chiara Bortolotto, « Le trouble du patrimoine culturel immatériel », Terrain [En ligne], Le patrimoine culturel
immatériel, Sommaire, mis en ligne le 15 novembre 2011. URL : http://terrain.revues.org/14447
DOI : en cours d'attribution
Éditeur : Ministère de la culture / Maison des sciences de l’homme
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© Terrain
CHIARA BORTOLOTTO
Introduction
Le trouble du patrimoine
culturel immatériel
Dernière déclinaison de la notion de patrimoine, le patrimoine
culturel immatériel (PCI) en est peut-être aussi la plus énigmatique
et déroutante. Cette nouvelle catégorie, introduite par l’Organisation
des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco),
perturbe aujourd’hui le domaine du patrimoine, historiquement
fondé sur un « régime d’objet » : les institutions patrimoniales peinent à concevoir la dimension immatérielle et à l’intégrer dans leur
organisation, et la prise en compte des valeurs sociales du patrimoine,
enjeu véritable des politiques de sauvegarde du PCI, ne relève pas
des compétences techniques et scientiiques des professionnels du
patrimoine.
Si l’irruption du PCI pose des problèmes concrets aux responsables de la mise en œuvre des politiques culturelles, les théoriciens
du patrimoine en dénoncent les limites conceptuelles, voyant dans
cette notion une « aberration intellectuelle », dernier avatar de ce que
Henri-Pierre Jeudy (2001) appelle « l’obsession patrimoniale », cette
hantise qui rongerait la société contemporaine jusqu’à anéantir le présent dans une « rétroaction perpétuelle ». Les ethnologues ont souvent
dénoncé comme universalistes les interventions de l’Unesco et les ont
soupçonnées de favoriser une ixation muséalisatrice des processus
culturels (Amselle 2004), d’encourager l’invention de traditions et la
mise en spectacle de la culture dite « traditionnelle » à travers une
revitalisation de pratiques désuètes qui n’ont plus de signiication pour
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LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
ceux qui les maintiennent, d’intervenir en faveur de la protection de
la diversité culturelle par un outil global et globalisant (Nas 2002),
de relancer une ethnologie de sauvetage inluencée par un modèle
biologique appliquant des principes enterrés depuis longtemps par la
théorie anthropologique (Noyes 2006), de viser à la sauvegarde non
pas de la culture vivante mais de ses représentations et de réduire ses
interprètes à des « archives vivantes » (Kirshenblatt-Gimblett 2004).
Sur le plan politique, ce programme a été perçu par le milieu des ethnologues comme produisant ce que Michael Herzfeld (2004) a nommé
une « hiérarchie globale des valeurs », expression d’une économie
morale idéologiquement occidentaliste et néolibérale (Palumbo 2011).
À ce désarroi des institutions patrimoniales et à la perplexité de
l’anthropologie critique, fait face un engouement social de plus en
plus évident pour le PCI. Les trois premières « Proclamations des
chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité »
(2001, 2003 et 2005) suivies par la création des listes internationales
du PCI à l’initiative de l’Unesco ont en effet stimulé la curiosité et
l’intérêt des stakeholders du patrimoine. Les possibilités que ce dispositif laisse entrevoir sur le plan de la visibilité ou du développement
économique ont progressivement accru l’intérêt de la société civile
pour cette nouvelle catégorie patrimoniale. Les porteurs du PCI, les
collectivités locales voire les animateurs culturels se sont organisés
pour constituer des dossiers de candidature aux listes de l’Unesco.
Face à cet enthousiasme, les institutions chargées de la mise en œuvre
des politiques de sauvegarde du PCI à l’échelle nationale sont tenues
de traiter ces dossiers, et en premier lieu de dresser des inventaires
nationaux du PCI.
L’intérêt de cet objet controversé relève donc largement de son
actualité et du débat institutionnel, social et intellectuel que suscite
l’instauration du PCI. Ce dernier soulève en particulier des questions
propres à l’ethnologie car la notion même de PCI est l’aboutissement
d’une anthropologisation progressive de la notion de patrimoine
au sein de l’Unesco (Bortolotto 2007a, 2007b). La déinition du PCI
recoupe en effet celles de la culture que les anthropologues n’ont,
depuis Edward Burnett Tylor en 1871 (Tylor 1994), jamais cessé
de reformuler dans un sens technique et sur lesquelles, à partir de
Kroeber et Kluckhohn (1952), ils ont revendiqué leur autorité scientiique (Kuper 1999). Collectif et social, le « culturel » du syntagme PCI
a en effet perdu le caractère élitiste qui était le propre des acceptions
les plus classiques de la notion de patrimoine comme de la culture
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LE TROUBLE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
au sens humaniste de Bildung. Relativiste et plurielle, la notion de
« culture » utilisée par les anthropologues depuis Boas se relète dans
la notion de PCI qui aspire à se distancier du modèle universaliste,
lequel a pourtant joué un rôle essentiel dans le programme fondateur
de l’Unesco. En raison de cette proximité, l’expertise anthropologique est sollicitée pour fabriquer ce patrimoine dans la phase de son
encadrement juridique international (Seitel 2001), dans le processus
de sa transposition à l’échelle nationale (Mariotti à paraître), dans
la préparation des dossiers de candidature (Sandroni, ce volume), ou
dans leur évaluation (Macchiarella à paraître).
L’intérêt anthropologique de cet objet ne relève pas seulement
de cette proximité ou des implications que le recours à l’expertise
anthropologique dans la démarche patrimoniale comporte pour la
discipline. L’institution même de cette catégorie patrimoniale est
en soi un objet privilégié d’étude pour les anthropologues prêts à se
livrer à une analyse rélexive de leur propre travail d’experts ou à
observer à distance ces processus de patrimonialisation tant sur les
terrains classiques qu’au sein des institutions. Les métamorphoses
patrimoniales des pratiques saisies par l’effet Unesco font ainsi de
plus en plus souvent l’objet de nouvelles thèses ; elles attirent l’attention des chercheurs qui, de retour sur leur terrain, y retrouvent
des versions patrimoniales des pratiques culturelles qu’ils avaient
auparavant étudiées (Noyes 2006) ; l’invention même de la catégorie
et sa construction politique et institutionnelle tant au sein de l’Unesco
que des agences culturelles nationales ont amené des anthropologues à approcher le PCI par l’ethnographie institutionnelle (Hafstein
2004 ; Bortolotto 2008). Ces processus mobilisent en effet des notions
(« identité », « tradition », « transmission »), qui sont depuis toujours
au cœur de la discipline. Comme le montre David Berliner (2010), la
rélexion sur la persistance du passé fait partie du discours fondateur
de l’anthropologie dès ses origines évolutionnistes et demeure centrale
lorsqu’on passe de l’étude des survivances à celle des phénomènes
d’acculturation jusqu’aux travaux anthropologiques les plus récents
sur la mémoire ou les néo-traditions. L’intérêt pour l’institution du
PCI prolonge aujourd’hui ce parcours d’enquête.
Loin de rester simplement une préoccupation de la discipline, cette
rélexion sur la continuité est aujourd’hui appropriée par les acteurs
sociaux qui utilisent, dans un discours parfois simpliicateur et souvent politisé, le vocabulaire, les catégories et les cadres théoriques
que les anthropologues ont conçus pour penser la persistance du
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LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
passé. L’usage du terme portugais « cultura » en Amazonie ou du
pidgin « kastom » en Mélanésie (Babadzan 2009) relève d’un registre
métadiscursif se référant à des pratiques qui ne sont plus vécues
comme habitus mais comme des représentations de ce dernier. Les
notions clés de la déinition de PCI (« culture », « identité », « tradition » et « transmission »), importées dans le contexte colonial par les
missionnaires, les ethnologues ou les administrateurs (Hugh-Jones
1996), sont désormais transposées, selon la formule proposée par
Manuela Carneiro da Cunha (2009), par un mouvement d’aller-retour
(ida y vuelta) du contexte scientiique au social. Une fois intégrées au
discours des acteurs sociaux, elles sont utilisées dans une perspective
pragmatique visant souvent à revendiquer des droits culturels. En ce
sens le patrimoine immatériel incarne la forme la plus extrême d’objectivation métaculturelle de la culture entendue dans son acception
anthropologique.
Les enjeux que cette notion présente pour les acteurs scientiiques,
sociaux et institutionnels imposent une rélexion attentive pour
comprendre et problématiser le fonctionnement de ce dispositif et
en expliciter les possibilités et les risques. Ce volume collectif présente
les principales lignes du débat alimenté tout au long du séminaire
« Patrimoine immatériel » qui s’est déroulé de 2006 à 2009 dans le
cadre de la collaboration entre le Laboratoire d’anthropologie et
d’histoire de l’institution de la culture (LAHIC) et la Mission ethnologie du ministère de la Culture et de la Communication.
Les trois parties de l’ouvrage recoupent les lignes autour desquelles
se sont organisées les premières rélexions sur cette catégorie patrimoniale. Une première partie, plus théorique, propose une approche
critique des implications de l’instauration du nouveau régime global
du PCI dans le cadre plus général des politiques culturelles. Une
deuxième partie considère, à travers l’étude ethnographique de cas
spéciiques, l’impact concret du label Unesco sur des pratiques culturelles, et une troisième partie s’interroge sur la posture de l’ethnologue
face à cet objet et sur le rôle que l’anthropologie est appelée à jouer
dans la mise en œuvre des politiques de sauvegarde du PCI.
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LE TROUBLE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
Qu’est-ce que le patrimoine culturel immatériel ?
L’approche que nous avons choisie pour aborder la question du PCI est
fondée sur une analyse pragmatique de l’institution de cette catégorie
patrimoniale. Par « PCI » nous n’entendons donc ni les pratiques
culturelles elles-mêmes (selon une acception descriptive), ni les pratiques culturelles qui sont passées par un processus de patrimonialisation indépendant du cadre normatif imposé par les programmes
de l’Unesco (selon une acception élargie). Nous avons en somme
essayé de considérer une forme spéciique d’institution de la culture,
qui ne touche pas seulement aux enjeux de la patrimonialisation
d’expressions correspondant à la déinition anthropologique de la
« culture », mais qui interroge de façon plus spéciique les problématiques de l’institution du « patrimoine culturel immatériel » comme
conséquence de l’application d’un instrument normatif international
négocié au sein de l’Unesco : la Convention pour la sauvegarde du
patrimoine culturel immatériel.
Si les interprétations et les appropriations de cette notion, aussi
suggestive que vague, se sont bientôt multipliées, sa conception et son
institutionnalisation juridique ont, elles, des origines bien déinies :
elles ressortent des débats d’experts (2001-2003) et des négociations
ardues entre États membres de l’Unesco, lors de la rédaction du
texte de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel
immatériel (2002-2003). Celle-ci est acceptée, à l’issue de ce processus,
le 17 octobre 2003, par la Conférence générale de l’Unesco (Unesco
2003). Moins de deux ans plus tard, avec sa signature par un 30e État,
ce texte normatif, encore obscur pour la plupart des professionnels du
patrimoine, entrait en vigueur instituant, à l’échelle mondiale, une
nouvelle catégorie patrimoniale.
Le texte de la Convention (article 2.2) propose une liste, indicative,
des cinq domaines « ethnologiques » auxquels les expressions du PCI
sont susceptibles d’appartenir :
a) les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur
du patrimoine culturel immatériel ;
b) les arts du spectacle ;
c) les pratiques sociales, rituels et événements festifs ;
d) les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ;
e) les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.
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LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
Le cœur de la déinition ne réside pourtant pas dans cette série
de domaines exemplaires, longtemps considérés comme du ressort
des disciplines anthropologiques. Dans le cadre de cette Convention, le PCI ne s’identiie en réalité pas simplement avec des éléments
ou pratiques culturelles « d’intérêt ethnologique ». Les « pratiques,
représentations, expressions, connaissances et savoir-faire, ainsi que
les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont
associés » relatifs aux cinq domaines listés par l’Unesco ne pourraient
être considérés comme du PCI que s’ils :
1) sont reconnus comme faisant partie de leur patrimoine culturel par des
communautés, des groupes et, le cas échéant, des individus ;
2) sont transmis de génération en génération ;
3) sont recréés en permanence par les communautés et groupes en fonction
de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire ;
4) leur procurent un sentiment d’identité et de continuité ;
5) sont conformes aux instruments internationaux existants relatifs aux
droits de l’homme, ainsi qu’à l’exigence du respect mutuel entre communautés, groupes et individus, et d’un développement durable.
Cette déinition est riche d’innovations substantielles par rapport
aux déinitions des « biens ethnologiques » jusque-là utilisées, au
moins dans la plupart des pays européens. La déinition insiste en
fait sur le rôle des acteurs sociaux (« communautés, groupes et, le
cas échéant, individus ») dans la reconnaissance patrimoniale, sur
la dimension non seulement historique (« transmis de génération en
génération ») mais en même temps évolutive et processuelle de ce
patrimoine (« recréé en permanence »), sur sa fonction identitaire pour
les acteurs sociaux auxquels ce patrimoine procurerait un « sentiment
d’identité », tout en se limitant aux pratiques non discriminatoires et
conformes à l’éthique globale émergente. La mise en œuvre effective
de cette façon d’interpréter le patrimoine portait en elle questionnements et ambivalences. C’est à partir de ce constat que nous nous
sommes attachés à décortiquer la notion normative de PCI pour
comprendre les enjeux de ce qui se présentait comme un potentiel
nouveau paradigme patrimonial.
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LE TROUBLE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
La sauvegarde
La sauvegarde est le premier objectif de la Convention et le seul à
être déini dans son texte, en tant que « mesures visant à assurer la
viabilité du patrimoine culturel immatériel1 ». Le choix de ce terme,
qui igure dans le titre même de la Convention, au détriment de la
« protection », terme généralement utilisé dans les textes juridiques
relatifs au domaine du patrimoine matériel, a été débattu lors de
la préparation de la convention (Blake 2006). Selon les rédacteurs
de cette dernière, la nature dynamique des expressions culturelles
immatérielles, distincte de la ixité du patrimoine matériel, devait
être envisagée dans une perspective nouvelle. La « protection » du
patrimoine matériel vise en fait à maintenir les conditions d’intégrité
et d’authenticité de l’élément au moment de son inscription (Unesco/
Comité intergouvernemental pour la protection du Patrimoine mondial, culturel et naturel 2008). Pouvait-on « protéger » des pratiques
dont la valeur patrimoniale n’était admise par la Convention que si
l’on établissait qu’elles étaient « transmises de génération en génération » et en même temps « recréées en permanence » ? Le terme
« sauvegarde » a paru plus apte à indiquer l’évolution durable que les
négociateurs assignaient au PCI. Il devait en outre permettre de se
démarquer de l’approche classique de la « protection » telle qu’elle
était conçue pour le patrimoine matériel.
Cette argumentation théorique en faveur de l’idée de « sauvegarde »
fait partie d’un discours patrimonial tout à fait cohérent : si le « folklore » pouvait s’interpréter comme le produit d’une documentation
réiiée (un objet d’artisanat conservé dans un musée, une légende
transcrite par un ethnologue, un chant enregistré par un ethnomusicologue), le PCI, en revanche, est conçu comme le processus
contextuel de recréation de ces éléments par les groupes mêmes qui, à
travers ces opérations, activent un processus d’identiication culturelle.
Dans cette perspective, la sauvegarde du PCI ne pouvait donc pas
correspondre à la documentation de la pratique ou à sa protection
dans des espaces de conservation (musées, archives, bases de données).
Sauvegarder le PCI implique plutôt des opérations indirectes (sociales,
1. « On entend par “sauvegarde” les mesures visant
à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, y compris l’identiication, la documentation,
la recherche, la préservation, la protection, la pro-
motion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l’éducation formelle et non formelle,
ainsi que la revitalisation des différents aspects de
ce patrimoine. » (Article 2.3)
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LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
politiques), qui permettent aux groupes de reproduire la pratique
en question (Kurin 2007). L’application effective de ce discours se
révèle cependant ininiment problématique non seulement pour les
professionnels et les institutions du patrimoine mais aussi pour les
acteurs sociaux qui portent et reproduisent ces expressions culturelles.
Bien que la nature dynamique de toute expression culturelle soit
une évidence pour les ethnologues, les méthodes, objectifs et outils
de protection du patrimoine légitimés par les institutions ne sont
pas conçus pour accompagner et soutenir cette dimension évolutive.
Ils sont en effet déinis, d’un côté, en vue de la protection du patrimoine matériel (objets, sites ou monuments) dans la perspective d’en
éviter la dégradation. D’autre part, la prise en charge des pratiques
dites « traditionnelles » (narrations, chants, savoir-faire, etc.) a pris
à ce jour, au moins dans la plupart des pays occidentaux, la forme
d’une « protection symbolique » fondée sur la documentation et la
recherche (Heinich 2009). Dans les deux cas, la restauration d’un
élément architectural ou l’enregistrement d’un chant, l’intervention
produit alors une ixation de l’élément. Aucun des outils à la disposition des institutions du patrimoine n’est donc conçu pour prendre en
compte la dimension dynamique de l’élément et en assurer avant tout
la « viabilité » préconisée par l’Unesco. Quelle place les institutions
pourraient-elles donc occuper dans la sauvegarde du PCI ? Comment
choisiront-elles de renouveler leurs méthodes et leur mode de gestion
du patrimoine ? Les compétences traditionnelles des professionnels
du patrimoine sont-elles adaptées à une telle démarche ?
La notion de sauvegarde, dificile à intégrer dans la culture institutionnelle, provoque en outre la perplexité des nouveaux acteurs
qui, selon la Convention, doivent s’impliquer dans la transmission
du PCI. « Qu’est-ce que la sauvegarde ? » se demandent les chanteurs
sardes réunis en association pour prendre en main la patrimonialisation de leurs pratiques. La complexité des expressions culturelles
immatérielles, dont le canto a tenore est un exemple, analysé ici par
Ignazio Macchiarella, rend dificile l’application effective d’un programme de sauvegarde : face aux nombreuses variantes, par où faut-il
commencer ? Comment et par quels moyens organiser la transmission ?
Ces complications admises, surgit le constat, déploré par la majorité
des experts impliqués dans la préparation du texte de la convention
(Early & Seitel 2002), qu’en dépit des approches innovantes promues
par l’idée, fût-elle abstraite, de « sauvegarde », le principal dispositif
de la Convention demeure le plus habituel et, comme le remarquent
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LE TROUBLE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
plusieurs contributeurs de ce volume, objectivant : il s’agit des listes.
La Convention prévoit en effet la création d’une liste à l’échelle nationale (des inventaires du PCI présent sur le territoire de chaque État)
et de deux listes à l’échelle internationale : une Liste du patrimoine
culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente et une Liste
représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Ce choix, longuement débattu par les négociateurs de la Convention (Aikawa-Faure 2009) et fondé sur une vision rationalisatrice du
patrimoine, a été jugé arbitraire et artiiciel (imposant une dichotomie cartésienne entre le matériel et l’immatériel), simpliicateur et
technocratique (comment traduire la complexité, fût-ce celle d’une
seule culture, dans une liste ?), anachronique (inspirée de l’ethnographie du xix e siècle qui, considérant comme inévitable l’extinction
des « cultures primitives », regardait la documentation tous azimuts
comme le seul moyen d’en garder une trace ; Brown 2005). En somme,
les listes, dont l’étendue procure aux États visibilité et prestige, sont
considérées par les « hommes de terrain » comme un procédé indigent qui ne rend pas compte de la culture et de ses porteurs mais
des représentations objectivées de cette même culture (Kurin 2007 ;
Kirshenblatt-Gimblett 2004 ; Nas 2002). La question est d’autant plus
délicate, que, comme l’ont démontré les auteurs qui se sont attachés
à analyser le concept de liste, une fois créées, les listes deviennent
des systèmes autonomes qui peuvent être appropriés et utilisés dans
des perspectives différentes (Goody 1977 ; Gamboni 2001 ; Schuster
2002). Découpant et ordonnant la culture selon une classiication
d’inspiration naturaliste, une liste la présenterait comme un ensemble
d’éléments séquentiels. Cette abstraction prescriptive du réel pourrait
non seulement avoir des conséquences sur les représentations cognitives mais, une fois légitimée par un pouvoir (politique ou religieux
par exemple), susciter des formes de manipulation.
Des traditions au deuxième degré :
la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel
Même si le système du PCI prévoit plusieurs modalités de sauvegarde
à l’échelle nationale et internationale (détaillées aux chapitres III
et IV de la Convention) et si le discours de l’Unesco fait de la transmission de la pratique aux nouvelles générations une priorité, le
programme qui a rencontré le plus de succès auprès des acteurs
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LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
sociaux est cependant celui de la Liste représentative du patrimoine
immatériel. Le but principal de cette liste est de donner une visibilité
aux éléments inscrits – elle en compte désormais 213, contre 16 dans
la Liste « de sauvegarde urgente ». Dans ses intentions, ce mécanisme
incarne un paradigme patrimonial très différent de celui de la Liste
du patrimoine mondial car il évacue la notion universaliste d’exceptionnalité. La Liste représentative est toutefois interprétée comme
étant simplement l’équivalent immatériel de la Liste du patrimoine
mondial, et comme celle-ci, est appréciée des activistes du patrimoine
autant qu’elle est critiquée par ses analystes. Ces derniers dénoncent
dans cette « mise en vitrine » une forme de domptage taxonomiste et
de normalisation culturelle (Nas 2002 ; Noyes 2006) qui, en étendant
les procédés muséologiques à l’espace social de vie des individus,
les mettraient dans une nouvelle relation, non plus culturelle mais
métaculturelle, aux pratiques culturelles qui auparavant « allaient de
soi » (Kirshenblatt-Gimblett 2004).
Cette objectivation patrimoniale qui accompagne l’incorporation
à la culture oficielle implique un effet de normalisation édulcorant,
analysé dans ce volume par Valdimar Tr. Hafstein et observé par
Laurent-Sébastien Fournier à propos de la patrimonialisation de la
Tarasque. Ce dernier montre comment la perte de la force symbolique
de ce rite festif et de ses composantes socialement marginales est une
condition essentielle de l’accès au nouveau statut de patrimoine : la
transformation des porteurs de la Tarasque, qui avaient la réputation
de « soûlards », en « ambassadeurs », correspond à la normalisation
des aspects subversifs de la communauté. La lecture que LaurentSébastien Fournier fait de ce cas nous montre cependant que si la
reconnaissance par l’Unesco a marqué le « passage déinitif du rite au
spectacle », la métamorphose métaculturelle de la Tarasque n’est pas
une conséquence de la labellisation Unesco mais son présupposé. Les
acteurs tarasconnais n’ont pas attendu que l’intervention de l’Unesco
leur donne une conscience patrimoniale (c’est-à-dire un regard éloigné et objectivant sur leurs expressions culturelles) ; celle-ci existait
bien avant. Le cas de la Tarasque est exemplaire d’une patrimonialisation de plus en plus inluencée par l’agency des acteurs sociaux qui
transforment les « traditions » en ressource identitaire, économique
ou touristique. Mais, comme se le demande Dorothy Noyes, quelle
est la représentativité effective de ces acteurs par rapport au groupe
plus ample qui s’identiie dans une pratique ? La muséiication et
la bureaucratisation, observées tant par Fournier à Tarascon que
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LE TROUBLE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
par Noyes à Berga lors de la fête de la Patum, et qui résultent de la
conscience patrimoniale de leurs acteurs, sont-elles acceptées par
l’ensemble de la « communauté » ?
La conscience patrimoniale que les acteurs ont de leurs pratiques
culturelles joue un rôle fondamental dans la production du PCI.
Contrairement au folklore qui était conçu comme le produit « naturel » de la culture d’un groupe et pouvait être isolé du groupe même
pour assurer sa protection (par l’étude, l’archivage ou la mise en
musée), le PCI se déinit comme la sélection délibérée par un groupe
des éléments qui donneraient à voir sa culture. La mise en patrimoine
devient donc possible lorsque la culture est sortie du quotidien et que
ses porteurs, qui se revendiquent alors comme ses détenteurs, ont
élaboré une relation distanciée avec cette « culture » utilisée désormais comme outil d’identiication, de production d’identité collective.
L’exemple des jeux de rôle grandeur nature exposé par Gil
Bartholeyns et Daniel Bonvoisin est très signiicatif à cet égard. Il
nous montre une pratique qui, vécue au premier degré, n’est pas susceptible de patrimonialisation, contrairement à la fête de la Tarasque.
Si dans ce dernier cas, la composante « rituelle » s’est estompée dans
la spectacularisation et la normalisation paciicatrice du rite, pour
les jeux de rôle grandeur nature, elle est explicitée par le vocabulaire
utilisé par ses « initiés ». Dans les deux cas le côté spectaculaire joue
un rôle fondamental ; cependant, si la mise en scène est la raison
d’être même du Grandeur Nature, elle n’est pas théâtralisée pour
des spectateurs, comme dans la version patrimoniale de la Tarasque,
mais pratiquée pour ses acteurs mêmes. Ce qui distingue les deux
pratiques c’est le niveau d’explicitation de leur portée culturelle, qui en
détermine les potentialités de patrimonialisation : exemple consacré
du folklore français, la Tarasque est aujourd’hui transformée en
ressource patrimoniale alors que l’idée de patrimonialiser le jeu de
rôle grandeur nature semble aberrante à ses acteurs mêmes.
La « participation » des « communautés »
Jusqu’ici, les acteurs sociaux ont participé aux interventions de protection du patrimoine à titre d’« informateurs » des experts professionnels auxquels les pouvoirs publics ont délégué la responsabilité
d’établir l’intérêt architectural, artistique, historique, esthétique ou
ethnologique des éléments culturels. La Convention de 2003 sur le
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LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
PCI propose en revanche d’investir les « communautés, groupes et
individus » d’un nouveau rôle, plus actif, dans les actions auparavant réservées aux spécialistes du patrimoine. La place accordée aux
communautés positionne la société civile au cœur même du système
du PCI au point que, selon Valdimar Tr. Hafstein, la Convention
serait avant tout un outil de sauvegarde des communautés mêmes,
relétant en cela le « désir de communauté » qui caractérise la société
contemporaine et soutient son besoin d’afirmer une appartenance
et une identité partagées (Bauman 2001).
L’importance donnée au rôle des acteurs sociaux dès la phase
initiale de déinition de cet instrument (Seitel 2001) vient de l’inluence
de la perspective du public folklore américain (Bortolotto 2007b) ainsi
que, sur le plan institutionnel, des tensions qui mettent en question
la légitimité des États, et des organisations intergouvernementales,
à représenter la société civile (Meyer-Bisch 2001).
Le principe de la participation des communautés, souvent entendues comme « indigènes », est connu dans le droit international de
la sauvegarde environnementale ou des droits humains (Blake 2009).
Dans les dernières décennies cette approche a également investi la
mission des politiques culturelles tout en s’étendant à la sphère du
patrimoine (Hufford 1994). Le discours le plus récent de l’Unesco
recommande en effet une participation des communautés à la gestion des sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial (Unesco/
Comité intergouvernemental pour la protection du Patrimoine
mondial, culturel et naturel 2008 ; Blake 2009 ; Merode, Smeets &
Westrik 2004), qui n’était pas prévue dans les premières étapes de ce
programme ni explicitée dans le texte de la Convention concernant
la protection du Patrimoine mondial, culturel et naturel (Unesco
1972). Cette sensibilité est désormais évidente aussi à l’échelle européenne : la convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du
patrimoine culturel pour la société2 introduit l’idée de « communauté
patrimoniale » et élargit le principe de la participation de la société
civile à la reconnaissance et à la protection des biens culturels.
L’implication de la société civile dans les différentes étapes du
processus de patrimonialisation, encadrée jusqu’à maintenant dans
le mode spontané d’un associationnisme hautement territorialisé, est
désormais légitimée par des dispositifs institutionnels internationaux.
2. Dite « Convention de Faro », du nom de la ville du Portugal où elle fut établie (Conseil de l’Europe 2005).
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LE TROUBLE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
Cette approche explicite la portée essentiellement politique des interventions patrimoniales : la production du patrimoine n’est pas conçue
simplement comme une production de connaissance mais aussi
comme l’expression d’un pouvoir (Anderson 1991 ; Herzfeld 1991).
En choisissant de transmettre certains éléments culturels au détriment d’autres, les interventions patrimoniales, souvent considérées
comme éminemment techniques ou scientiiques, conditionnent les
représentations identitaires des groupes sociaux et font apparaître leur
dimension sociale et politique. Qui détient la légitimité d’un tel choix ?
Au nom de quels intérêts ? De quels groupes ? Ces questionnements
ne sont plus simplement au cœur de la rélexion anthropologique
mais s’imposent désormais aux responsables de la formulation et de
la mise en œuvre des politiques culturelles.
Mais quelles sont les conditions et les conséquences de l’application
effective de ces principes prônés par le discours de l’Unesco ? La
reconnaissance de la valeur patrimoniale d’un élément de la part
d’une communauté présuppose le droit de cette communauté à être
reconnue en tant que telle (Maguet, ce volume). C’est pour ces raisons
que le terme « communauté », qui manque d’une déinition claire
dans le droit international, a été longuement discuté lors de la préparation de la Convention. La réticence des États à utiliser ce terme
sensible procédait de la crainte qu’il pût légitimer la revendication de
droits culturels par des minorités et entamer ainsi leur souveraineté.
Le compromis enin obtenu par les négociateurs érige en principe
la « participation » des « communautés, groupes et individus » au
processus de sauvegarde tout en conservant aux États la responsabilité
de déinir la politique de sauvegarde nationale3 .
Une première ambiguïté de cette approche tient précisément au
rôle de facto toujours prépondérant des États dans les interventions de
sauvegarde à l’échelle à la fois nationale et internationale. Si l’attribution de la valeur patrimoniale à une pratique relève désormais de ses
praticiens mêmes (les « communautés »), le statut patrimonial lui est
toujours assigné par les institutions gouvernementales qui demeurent
seules fondées à établir une politique de sauvegarde et d’autorisation
patrimoniale, via, par exemple, la proposition d’inscription sur les
deux listes internationales « du patrimoine culturel immatériel de
3. L’article de la Convention concerné (article 15) est
un produit de ce même compromis : il écarte tout lan-
gage prescriptif et se contente d’appeler les États à
une approche participative (Blake 2006).
33
LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
l’humanité ». La médiation étatique – implicite dans le fonctionnement de l’Unesco – permet alors de sélectionner les communautés
porteuses du PCI de façon à ne pas faire remonter les instances des
groupes en conlit avec ce même État.
Le principe de la « participation » des « communautés » souffre
également d’une ambiguïté conceptuelle. Ce qu’est une communauté
reste en effet une question ouverte pour la Convention de 2003 qui
prend garde à ne pas donner une réponse univoque. Il aurait été en
effet dificile d’y inclure une déinition consensuelle d’une notion aussi
controversée et politiquement délicate. L’interprétation de ce terme
est donc renvoyée à celle que les États voudront en faire.
Comme le montre Frédéric Maguet dans ce volume, le concept
de communauté a eu une place centrale dans les débats menés au
sein des sciences sociales tout au long de leur histoire. Les différentes
façons de concevoir les communautés ainsi que la prépondérance d’un
discours universaliste ou différentialiste impliquent des interprétations contrastées de la Convention et inluencent par conséquent les
principes sous-jacents à l’institution du PCI selon les contextes. Dans
les pays où la notion de communauté a une acception positive, le PCI
pourra se présenter comme incarnation des différences ethniques au
sein de la société nationale. Dans d’autres pays, comme la France, la
notion de communauté, vue comme facteur de désagrégation de la
cohésion sociale (Wieviorka 2001), met dans l’embarras les fonctionnaires de l’État chargés de la mise en œuvre de la Convention. Dans
ce contexte de négation de la différence interne, l’idée d’identiier
la communauté avec la nation entière devient alors envisageable
comme en témoigne l'inscription du repas gastronomique des Français sur la liste représentative.
Des experts réunis par l’Unesco à Tokyo en mai 2006 ont cependant formulé une déinition non oficielle mais très révélatrice car elle
positionne PCI et communautés en miroir : « Les communautés sont
des réseaux de personnes dont le sentiment d’identité ou de liens naît
d’une relation historique partagée, ancrée dans la pratique et la transmission de, ou l’attachement à, leur patrimoine culturel immatériel »
(Unesco-ACCU 2006). Les analyses présentées dans ce volume montrent
comment ces déinitions du PCI et des communautés agissent sur la
réalité du terrain et comment ces objets, PCI et communautés, sont
affectés en retour par les interventions de ce système de sauvegarde.
Essayer de comprendre les enjeux et le fonctionnement de ces opérations patrimoniales permet en somme de mettre au jour leur pouvoir
34
LE TROUBLE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
performatif. Loin de sanctionner un patrimoine ou une collectivité
déjà là, ce processus de patrimonialisation produit de nouveaux objets
non seulement culturels mais sociaux. L’institution du PCI peut alors
prouver (selon une perspective essentialiste) ou produire (selon une
perspective constructiviste) un lien communautaire de par le fait qu’une
pratique culturelle donne à un groupe un « sentiment d’identité et de
continuité ». Non seulement des communautés auront la possibilité de
fabriquer leur PCI mais l’aspiration patrimoniale d’un groupe plus ou
moins homogène et nombreux pourra cristalliser de nouvelles communautés autour des pratiques auxquelles elles confèrent une fonction
identitaire fédératrice. Carlos Sandroni nous présente un exemple
paradigmatique de ce processus au Brésil : pour voir proclamée la
samba de roda, il a fallu produire une communauté de « sambadores du
Recôncavo », indispensable à la soumission du dossier à l’Unesco. Son
analyse montre que des liens sociaux existaient entre les sambadores
avant l’intervention patrimoniale mais que ces derniers ne formaient
pas une « communauté » formellement structurée et homogène et que
depuis, faute de discours consensuel, la légitimité de leur appartenance
au groupe des praticiens de la « vraie » samba de roda est continuellement
mise en question.
L’usage que le dispositif de l’Unesco fait de la notion de « communauté » ne prend en compte ni sa complexité ni sa conlictualité
interne. Telles que les ethnologues les observent sur le terrain, les
communautés ne sont jamais des groupes homogènes et consensuels
mais bien des systèmes sociaux complexes et conlictuels traversés
par des intérêts spéciiques et sujets à une distribution du pouvoir qui
n’est pas toujours démocratique. De fait, comme le démontre le cas
du canto a tenore présenté par Ignazio Macchiarella, l’attribution d’une
valeur patrimoniale fondée sur des critères internes et subjectifs peut
être facilement manipulée par les acteurs qui occupent une position
clé dans le milieu concerné. La patrimonialisation de la samba décrite
par Sandroni nous révèle aussi que les avantages qu’elle a produits
ne sont pas forcément distribués de façon équitable dans l’ensemble
de la « communauté ». Enin, tel que nous le présente Dorothy Noyes,
le patronat de la Patum ne représente pas la diversité socioculturelle
des acteurs de cette fête populaire pratiquée pour la Fête-Dieu à
Berga. Pourtant il se substitue à eux vis-à-vis des autorités nationales
et internationales. Une fois cet organisme admis comme représentant
de la communauté, la participation de celle-ci se résume alors à la
gestion d’une icône culturelle désormais transformée en marque.
35
LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
Les effets pervers de la nouvelle autorisation des communautés, sur
lesquels Valdimar Tr. Hafstein met l’accent, complexiient en somme
le cadre de ces politiques culturelles : l’association entre une pratique
et une communauté, telle qu’elle intervient dans ce processus de
patrimonialisation, pose la question de la propriété (légale ou symbolique) de cette expression culturelle. Appartient-elle uniquement
à la communauté qui l’a revendiquée ? À quelles formes d’instrumentalisations les représentants de cette communauté peuvent-ils
recourir ? Regina Bendix creuse davantage cette problématique en
soulignant comment, dès lors qu’une pratique culturelle est conçue
comme une « propriété », les implications de sa transmission changent.
La comparaison entre l’héritage individuel et le patrimoine collectif
montre comment recevoir quelque chose par transmission implique
un investissement plus important que celui qui est sous-jacent à la
simple possession, car le processus d’héritage réafirme ou établit
la continuité d’une appartenance. Cette modalité d’appropriation
d’un bien se caractérise alors par une charge émotionnelle d’autant
plus forte que des styles de vie différents séparent la génération qui
s’efface et celle qui hérite (Bendix, ce volume). Hafstein développe
cette argumentation et montre que penser à la culture en termes de
propriété héréditaire, ou de patrimoine, bloquerait les dynamiques
de la création culturelle fondées sur l’emprunt.
De l’ethnologique à l’immatériel : le rôle des ethnologues
La nouveauté des principes fondateurs du PCI permet de formuler
l’hypothèse que cette catégorie n’est pas une extension ethnologique
du patrimoine mais le prélude d’un nouveau paradigme patrimonial.
La notion française de « patrimoine ethnologique » et les pratiques
institutionnelles auxquelles elle a donné lieu se sont bientôt révélées
de faux amis. Le texte de Jean-Louis Tornatore analyse avec précision
ces ambiguïtés et nous montre pourquoi nous n’avons pas affaire à
un nouvel avatar du patrimoine ethnologique.
L’existence institutionnelle de ce domaine, au sein du ministère
français de la Culture, est née d’une discipline scientiique et a été
nourrie par la mise en place de programmes de recherche. Le patrimoine ethnologique a dès lors été interprété comme un objet intellectuel, produit d’une discipline et d’une démarche scientiiques. Cette
démarche positiviste, fondée sur l’autorité et l’objectivité scientiique
36
LE TROUBLE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
des recherches conduites par des professionnels, était considérée
comme nécessaire pour évacuer les interprétations « sauvages » et
« profanes » données par les acteurs sociaux à leurs propres pratiques
et éviter « l’illusion pseudo-scientiique d’une ethnologie spontanée »
(Rapport sur l’ethnologie de la France dirigé par Redjem Benzaïd en 1979,
cité par Jean-Louis Tornatore). La sauvegarde du PCI, telle qu’elle
est postulée par ce nouveau paradigme, se fonde au contraire sur
une légitimation de ces mêmes interprétations et sur l’idée d’une
transmission effective des pratiques dans une démarche qui se veut
de développement durable. L’étude n’est qu’une des actions prévues
dans ce dispositif de protection. Comme le souligne Jean-Louis
Tornatore, le système du PCI ne se distingue pas seulement de celui
du « patrimoine ethnologique » par ses buts mais également par le
renouvellement du rôle des acteurs de la patrimonialisation. Le fait
que l’attribution de la valeur patrimoniale ne soit plus l’affaire des
professionnels mais devienne une prérogative des acteurs sociaux
interpelle les ethnologues qui, pour intervenir dans la sauvegarde
du PCI, doivent aujourd’hui renégocier leur rôle et la nature de leur
expertise.
On a vu que le discours de l’Unesco insiste sur la priorité des actions
de transmission de la pratique du PCI sur l’étude et la recherche. La
déinition du « chercheur, administrateur et gestionnaire » donnée
dans le glossaire préparé par des experts réunis par l’Unesco en vue
de la rédaction de la Convention nous propose quelques éléments
de rélexion : « Spécialistes qui, à travers leur engagement [souligné
par moi] personnel, se font les promoteurs et les médiateurs de la
culture en la présentant dans des organisations et des institutions aux
niveaux local, national, régional et international » (Van Zanten 2002 :
8). Cette déinition, qui assimile les chercheurs aux administrateurs
et gestionnaires, rapproche le chercheur de ce que le public folklore
américain qualiie de « culture broker », un médiateur qui rend la culture
d’un groupe accessible au plus grand public. La médiation culturelle
exercée par ces spécialistes init inévitablement par produire des interprétations des cultures dans les représentations qu’ils en donnent ainsi
que des formes d’objectivation culturelle. Ces interventions soulèvent
des débats animés au sein de la discipline (Baron 2010) dont ce volume
se fait l’écho : si une partie des contributeurs ont choisi de croiser
cette perspective et s’investissent dans la fabrique du PCI, la plupart
observent ce phénomène à distance. La question de l’engagement,
au cœur de la déinition donnée par l’Unesco, résonne en revanche
37
LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
dans l’ensemble des contributions tout en illustrant la diversité de ses
possibles traductions dans la démarche anthropologique. Souligner
ce point commun est d’autant plus important que l’engagement est
un enjeu capital dans la rélexion de l’anthropologie contemporaine
sur elle-même et qu’une des plus récentes formulations de ce débat a
montré comment les différentes approches de la discipline aboutissent à différentes formes d’engagement, théorique ou appliqué : de
la critique culturelle de l’anthropologie académique à la recherche
militante (Low & Merry 2010 ; Hale 2006).
Ce volume présente un éventail des diverses postures de l’ethnoanthropologie à l'égard de ce nouvel objet qui interpelle la discipline
à plus d’un titre, en même temps que les différentes possibilités de son
engagement. Ainsi, des analyses distanciées (Bendix ; Hafstein) considèrent, dans une perspective critique, les enjeux et les problématiques
de cette catégorie patrimoniale et de ses possibles effets socioculturels
(les façons de concevoir la propriété des expressions culturelles dites
traditionnelles, les relations de pouvoir sous-jacentes aux politiques
du PCI, les risques de marchandisation et de commercialisation). Des
observations plus proches de leur objet permettent à leurs auteurs
d’adopter des postures différentes : celle du spécialiste de la pratique
en question qui examine les interventions patrimoniales et leur impact
sur son objet d’étude (Noyes ; Macchiarella) ou celle du facilitateur qui
se fait médiateur des représentations culturelles subjectives des acteurs
sociaux (Sandroni). Il se peut aussi que les scientiiques soient à la fois
acteurs et analystes des effets (réels ou éventuels) de la patrimonialisation à partir d’une perspective interne (Bartholeyns & Bonvoisin).
Une troisième voie choisie par une partie des auteurs de ce volume
pour appréhender cet objet est la perspective compréhensive propre
à la démarche pragmatique en sciences sociales (Maguet ; Fournier ;
Tornatore). Plutôt que de servir à dévoiler les illusions sociales, comme
dans la perspective de la sociologie critique, les chercheurs observent
alors « ce dont les gens sont capables » (Boltanski 1990) pour comprendre les logiques des acteurs. Loin de se dissocier de toute forme
d’implication, cette neutralité peut se faire engagée dans la mesure
où son but est de faciliter la compréhension réciproque des acteurs
par l’explicitation de leurs discours et l’analyse des controverses dans
les contextes de leur production (Heinich 2002).
38
LE TROUBLE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL
Remerciements
Produit des rélexions et du débat animé au sein du séminaire « Patrimoine immatériel », ce volume doit beaucoup aux responsables de la
mise en œuvre des politiques de sauvegarde du patrimoine culturel
immatériel au sein du ministère de la Culture et de la Communication : Christian Hottin pour avoir appuyé le projet et Sylvie Grenet
qui a dirigé le séminaire avec moi. Annick Arnaud a joué un rôle
essentiel dans la réalisation de ce recueil, notamment pour la mise au
point des textes des auteurs dont le français n’est pas la langue maternelle. Ses interventions sur la forme des textes, aussi discrètes que
déterminantes, ont ini par améliorer substantiellement leur contenu.
Ce volume a aussi grandement bénéicié des commentaires avisés de
deux lecteurs anonymes. Je remercie enin l’ensemble des chercheurs
et des étudiants qui sont intervenus ou ont suivi le séminaire durant
les trois ans de son déroulement et dont les rélexions et remarques
ont fait avancer ce chantier collectif.
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