Academia.eduAcademia.edu

Une histoire de famille

2012, Le communisme primitif n'est plus ce qu'il était (2e ed.)

Ce texte développe une critique du raisonnement évolutionniste de Morgan sur les systèmes de parenté et les formes familiales. Il tente également d'esquisser la manière dont les connaisssances actuelles sur le sujet peuvent être comprises dans le cadre du matérialisme historique.

Le communisme primitif n’est plus ce qu’il était Christophe Darmangeat Le communisme primitif n’est plus ce qu’il était Aux origines de l’oppression des femmes & Une histoire de famille Seconde édition remaniée SMOLNY Toulouse,  ISBN : ---- © Smolny  , rue de Bayard   T Internet : www.collectif-smolny.org Contact : info@collectif-smolny.org Le blog de l’auteur : cdarmangeat.blogspot.com Première édition réalisée avec la collaboration de Véronique Chevillon, Laurence Fleury, Frans IJpelaan, Patrick Moll, Sylvie et Joël Oustalet, Florence et Éric Sevault. Nouvelle édition préparée par Marie Laigle, Pascale Noyret, Sébastien Plutniak, Florence et Éric Sevault. APPENDICE UNE HISTOIRE DE FAMILLE Chapitre A L’évolutionnisme de Morgan Les systèmes de parenté D     que fit Morgan sur les sociétés primitives, et il en fit beaucoup, l’une des principales touche à la forme et l’importance qu’y prend la parenté. Commençons donc par définir ce que l’on entend par « parenté » et « système de parenté ». Dans toutes les sociétés occidentales, depuis des siècles, chaque individu utilise un terme spécifique pour désigner la femme qui l’a engendré : c’est sa « mère ». De même, l’homme qui l’a engendré est son « père ». Les enfants de cet individu sont appelés ses « fils » et ses « filles ». Les autres enfants masculins de ses parents sont ses « frères », leurs enfants féminins ses « sœurs ». Si on envisage les parents plus éloignés, on rencontre les « oncles », les « tantes », les « cousins », les « cousines », les « neveux » et les « nièces ». En s’éloignant encore d’un degré, on trouve les « grands-pères », les « grands-mères », les « petits-enfants », les « grands » et les « petits-cousins », les « grandsoncles » et les « grands-tantes », etc. Pour s’épargner de longues explications, les anthropologues ont pris l’habitude de représenter cee nomenclature, ce système de noms, par un schéma. Au centre de celui-ci, on trouve un individu quelconque, Ego (« moi »), de sexe généralement indéterminé. Par convention, les cercles figurent des femmes, les triangles des hommes. Les traits verticaux représentent la filiation, les traits horizontaux la germanité (un terme technique désignant les rapports entre frères et sœurs, qu’on retrouve dans l’expression usuelle de « cousins germains » ; on évitera donc de confondre ces « germains », frères et sœurs, avec les Germains, peuple de Germanie). Enfin, un trait horizontal double figure  U    le mariage. Si l’on dessine le schéma correspondant à la manière dont nous, Occidentaux du ᵉ siècle, désignons nos parents les plus proches dans notre génération et dans la précédente, on obtient le résultat suivant, que Morgan appelait le système « aryen », et que les anthropologues désignent maintenant du nom de système « eskimo » : T . : Le système de parenté eskimo Trois points importants doivent être notés d’emblée. Premièrement, dans ce schéma, de même que dans tous ceux que l’on aura à examiner par la suite, chaque élément, hormis moi-même, mon père et ma mère, est susceptible de représenter plusieurs individus. Je peux avoir plusieurs frères ou plusieurs sœurs, autant d’oncles paternels que je le veux, cela ne change rien à la manière de dessiner le schéma de parenté. Ce que l’on représente ici, ce ne sont donc pas à proprement parler des parents, c’est-à-dire des individus, mais des positions de parenté, susceptibles d’être occupées dans la réalité par plusieurs individus — ou par aucun. Deuxièmement, les locuteurs français n’ont pas de chance. Dans cee langue, en effet, le terme de « parents » est ambigu : il désigne parfois deux individus précis, mon père et ma mère, mais il possède un autre sens, beaucoup plus large, celui de « parentèle » : mes parents, ce sont aussi tous les individus qui me sont apparentés, ceux auxquels je suis relié par des liens de filiation et de mariage. En anthropologie, lorsqu’on parle de « parents » et de « parenté », c’est a priori toujours dans ce sens le plus large. Troisièmement, le schéma ne représente qu’une partie de mes parents, ceux qui me sont reliés par le sang, et il omet mes parents par alliance (ma femme, mes beaux-parents, les épouses et époux de mes oncles et tantes, etc.). Pourtant, ceux-ci font bien sûr partie de L’évolutionnisme de Morgan  mes parents au même titre que les autres, et lorsqu’un anthropologue étudie une terminologie de parenté, il se doit de les prendre en compte. Mais une difficulté après l’autre ; il est préférable pour le moment de s’en tenir aux quelques parents les plus proches présentés ci-dessus. En fait, jusqu’à Morgan, personne ne s’était jamais réellement interrogé sur cee manière de nommer ses parents ; elle semblait aller de soi, comme une chose naturelle. On n’avait pas véritablement imaginé qu’il puisse en exister d’autres, et si tant est qu’on les ait remarquées chez certains peuples, on considérait qu’il s’agissait là de coutumes un peu bizarres et sans signification particulière. La parenté iroquoise M   , à la suite de bien d’autres, que les Iroquois pratiquaient comme certains peuples barbares cités par les Grecs de l’Antiquité la filiation par les femmes ; plus surprenant encore, c’est l’ensemble de leurs parents qu’ils désignaient selon d’autres règles que les nôtres. Son génie fut de prendre cee affaire au sérieux. Chez les Iroquois, en effet, la parenté n’était pas seulement différente : elle jouait manifestement un rôle beaucoup plus important que dans notre propre société. On ne pouvait comprendre celle-ci, et au-delà, la société iroquoise dans son ensemble, sans pénétrer la logique de son étonnant système de parenté. Morgan découvrit donc qu’elle obéissait aux règles suivantes : . Tout individu appartenait obligatoirement à un groupe nommé « clan », et plus précisément, à celui de sa mère. Morgan, plutôt que de clans, préférait parler de gens, du terme qui désignait ce type de groupes chez les Romains. Il voulait ainsi souligner une de ses idées maîtresses, reprise de Lafitau : les Iroquois donnaient une image fidèle de l’ancienne organisation sociale des peuples de notre propre Antiquité. Toutefois, l’usage n’ayant pas retenu le terme proposé par Morgan, on continuera ici d’utiliser le terme de clan, qui désignait au départ les groupes de ce type chez les Écossais. . Le mariage — plus exactement, tout rapport sexuel — était interdit entre personnes du même clan. De cee règle, il découle qu’un individu n’appartenait jamais au clan de son père (puisque celui-ci était par définition différent de celui de sa mère).  U    . Enfin, et c’est ce point qui produisait des résultats si curieux à nos yeux, deux germains de même sexe (c’est-à-dire, rappelons-le, deux frères ou deux sœurs) étaient toujours désignés par le même terme de parenté. Dans un tel système, en vertu de cee dernière règle, les sœurs de ma mère cessent d’être des « tantes », pour devenir d’autres « mères » (alors que les frères de ma mère, eux, restent mes « oncles »). De même, les frères de mon père deviennent autant de « pères » (tandis que les sœurs de mon père demeurent mes « tantes »). ant aux enfants de toutes ces mères et de tous ces pères, ils ne sont plus, comme chez nous, des « cousins » et des « cousines » : ce sont des « frères » et « sœurs ». De même, leurs enfants, ne sont plus des « petits-cousins » et « petites cousines », mais des « neveux » et des « nièces », etc. Aussitôt qu’on entre un peu dans les détails, cee énumération des positions de parenté conduit infailliblement à noyer le mieux intentionné des lecteurs — qui n’a pas éprouvé cee sensation en lisant et relisant désespérément certains passages des premiers chapitres de L’Origine de la famille ? Aussi, le mieux est d’avoir recours au même type de schéma que précédemment : T . : Le système de parenté iroquois Les quelques positions figurées ici ont déjà de quoi déconcerter. Mais ce système de parenté, à mesure qu’on l’élargit aux parents plus éloignés, se révèle de plus en plus troublant à nos yeux. Par exemple, on voit ici que l’ensemble de mes « mères » comprend, en plus de ma mère biologique, toutes ses sœurs (mes « tantes » maternelles dans notre système eskimo). Mais, en fait, en système iroquois, j’ai encore beaucoup d’autres mères supplémentaires ! Par exemple, ma grandmère maternelle, elle aussi, a vraisemblablement des sœurs. En vertu L’évolutionnisme de Morgan  de la règle selon laquelle, dans ce système, deux germains de même sexe sont toujours désignés par le même terme, les sœurs de ma grandmère sont elles aussi mes grands-mères. Dès lors, et très logiquement, si ces autres grand-mères ont eu des filles, celles-ci sont donc mes « mères » : T . : Mères et grands-mères en système iroquois Et l’on peut poursuivre ainsi indéfiniment : les sœurs de mon arrièregrand-mère maternelle sont aussi mes « arrière-grands-mères », et leurs petites-filles sont donc autant de « mères », et ainsi de suite. Aussi loin que j’aille chercher dans ma parenté du côté maternel, je trouverai ainsi d’autres « mères »… dont certaines, plus jeunes que moi, n’ont encore jamais eu d’enfants (voir table  ci-après) ! Il en va de même pour toutes les autres catégories du système iroquois : mes parents, aussi éloignés soient-ils, sont autant d’oncles, de tantes, de cousins et de cousines, mais aussi de pères, de mères, de frères, de sœurs, de fils et de filles. En fait, dans le système de parenté iroquois, aucun terme ne désigne un seul individu. Tous les termes sans exception désignent un ensemble, une catégorie de parents ; et ces parents que je désigne par le même nom me sont donc généalogiquement reliés de bien des manières différentes (comme on vient de le voir pour toutes mes « mères »).  U    T . : elques-unes de mes « mères » en système iroquois Notre propre système n’ignore pas non plus ce type d’usage. Les termes d’« oncle », de « tante », de « cousin », y désignent eux aussi plusieurs positions généalogiques et non une seule. Mais il y a tout de même une différence de taille avec le système iroquois : dans notre propre système, certains termes sont par définition restreints à un seul individu, ou à un seul type de connexion biologique. Ainsi, je ne peux avoir qu’un seul père et qu’une seule mère. Et même si je peux certes avoir plusieurs frères, ceux-ci sont tous les enfants mâles de mon père et de ma mère. En système iroquois, en revanche, aucun terme, pas même celui de « père » ou de « mère », ne désigne une seule relation de parenté. Un « frère », par exemple, peut aussi bien être l’enfant de mes parents que celui du frère de mon père, ou que le petit-fils du frère de mon grand-père, etc. Les termes utilisés dans notre propre système de parenté pour désigner un individu meent l’accent sur trois aspects : son sexe, sa génération, et sa distance généalogique vis-à-vis de moi. Certains termes L’évolutionnisme de Morgan  désignent mes parents immédiats, ceux à qui je suis directement relié, en les différenciant selon leur sexe et leur génération : père, mère, frère, sœur, fils, fille. Certains autres termes désignent les parents auxquels je suis relié par un seul intermédiaire, en les différenciant également selon le sexe et la génération : oncle, tante, grand-père, grand-mère, petit-fils, petite-fille, cousin et cousine. Certains termes, enfin, désignent les parents avec lesquels je suis relié par deux intermédiaires : grand-oncle, grand-tante, petit-cousin, petite-cousine, et ainsi de suite. C’est pour cee raison que Morgan qualifiait notre système de parenté de « descriptif », par opposition au système iroquois, qu’il appelait « classificatoire » : les termes de parenté iroquois traduisent des catégories dans lesquelles viennent se ranger des parents aux distances généalogiques très différentes. Aucun terme, pas même ceux de « père » et de « mère », n’échappe à cee règle générale 1 . Poursuivant son enquête auprès d’autres tribus indiennes, Morgan découvrit que la logique des termes de parenté iroquois était partagée par plusieurs autres peuples. Il mit aussi au jour d’autres systèmes inconnus jusque-là (systèmes qu’Engels choisit de laisser de côté pour ne pas alourdir son propos et dont nous ne parlerons pas ici pour les mêmes raisons de simplicité). Morgan initia alors la première enquête ethnographique systématique. Il écrivit à des centaines de correspondants dans le monde entier, missionnaires ou administrateurs coloniaux, en leur demandant de relever des dizaines de termes par lesquels les indigènes qu’ils fréquentaient désignaient l’ensemble de leurs différents parents. C’est à partir de cee immense masse de matériaux, produit de vingt années de recherches, qu’il rédigea deux ouvrages, les Systèmes de consanguinité et d’affinité de la famille humaine, en , puis La Société archaïque en . Et c’est ce dernier livre qui fournit l’essentiel de la matière de L’Origine de la famille, ou tout au moins de ses premiers chapitres. L’enquête de Morgan lui permit de déceler des similitudes étonnantes dans la manière dont différents peuples, parfois très éloignés les uns des autres, désignaient leurs parents. Il définit ainsi la notion de système de parenté, c’est-à-dire d’un ensemble de règles caractéristiques qui présidaient aux dénominations des différents parents. Il regroupa les centaines de terminologies qu’il avait collectées en six grands types au sein desquels subsistaient certaines variantes — si l’on excepte quelques cas particuliers qui restaient inclassables. Il est  U    à noter que le développement extraordinaire que connut l’étude de la parenté à la suite des travaux pionniers de Morgan n’a que très peu remis en question la classification que celui-ci avait élaborée, et qui a donc remarquablement résisté au temps. La seule modification importante qui lui a été apportée remonte seulement aux années  ; encore s’est-elle limitée à distinguer, au sein du type iroquois, certaines variantes dorénavant considérées comme un type à part entière, nommé dravidien. Morgan avait été frappé par le fait que chacun des six principaux systèmes de parenté se retrouvait partagé par des peuples extrêmement divers, vivant à des milliers de kilomètres les uns des autres. Le système iroquois, par exemple, est celui de plusieurs autres tribus d’Amérique du Nord (comme leurs voisins Hurons ou NaskapiMontagnais), mais aussi de peuples d’Amazonie (Yanomami, Jivaro…), d’Afrique (Touaregs, Bemba…). On ne pouvait naturellement pas entièrement aribuer cee similitude à des mécanismes de diffusion et d’emprunt, bien que Morgan ait un moment pensé tenir dans le fait que certaines peuplades du sud de l’Inde partageaient le système de parenté iroquois la preuve que les Indiens venaient d’Asie ; mais il revint vite sur cee hypothèse. De telles convergences, à des milliers de kilomètres de distance et réparties sur tous les continents, étaient forcément des solutions semblables nées de circonstances sociales semblables. Cela, ajouté à la thèse de Bachofen selon laquelle les anciens Grecs, tout comme les actuels Iroquois, pratiquaient jadis la filiation clanique par la mère, ne laissait aucun doute possible sur le fait que les systèmes de parenté, comme toutes les institutions sociales, évoluaient. Mais établir la réalité d’une évolution est une chose, en découvrir les lois et les mécanismes en est une autre. Il s’agissait donc pour Morgan de dépasser le travail d’inventaire et de classification, pourtant déjà considérable, et de tenter d’élaborer une théorie de l’évolution des systèmes de parenté, en tentant de comprendre sous l’effet de quelles forces, et en relation avec quels autres aspects de la vie sociale ceux-ci se transformaient. L’évolutionnisme de Morgan  Contradiction entre système de parenté et famille P M, et c’est le point de départ de tout son raisonnement, la parenté iroquoise présente un visage contradictoire. En effet, si l’on en croit les termes qu’elle utilise, chaque enfant posséderait plusieurs mères et plusieurs pères. Ce fait étrange peut s’expliquer très simplement : il suffit d’admere qu’il correspond à une situation où les femmes, tout comme les hommes, seraient légalement unies à plusieurs partenaires sexuels en même temps. Dans cee hypothèse, chaque enfant aurait donc toute une série de pères et de mères, et il les désignerait comme tels. Or, et c’est là que Morgan percevait une contradiction, la réalité de la vie familiale iroquoise ne répondait pas du tout à cee description. Par bien des aspects, la famille iroquoise était certes passablement différente de celle du ᵉ siècle bourgeois : chez les Iroquois, le mariage ne possédait aucun caractère religieux ; il s’agissait d’une simple décision civile conclue entre les époux concernés — et surtout, entre leurs clans. De même, c’est le mari qui partait vivre chez sa femme et non l’inverse. Les séparations étaient aisées, et pouvaient intervenir à l’initiative de la femme comme du mari. Mais, et c’est le point essentiel pour Morgan, les Iroquois vivaient en couple : chaque femme n’était mariée qu’à un seul homme et chaque homme qu’à une seule femme. Les enfants ne pouvaient donc avoir qu’un seul père et une seule mère, ce qui était incompatible avec la manière dont étaient désignés, entre autres, les frères des pères et les sœurs des mères. Il y avait donc selon Morgan une discordance entre le système de parenté (les termes par lesquels les parents étaient désignés) et la famille (la manière dont était organisée la vie commune des parents et des enfants). L’idée fondamentale de Morgan, celle qui lui permit d’échafauder ensuite tout son schéma évolutif, était d’une grande simplicité : elle consistait à supposer que les termes de parenté iroquois étaient le vestige d’une forme antérieure de famille. Il y aurait donc dans l’institution familiale deux niveaux bien distincts : d’une part la famille réelle, telle qu’elle existe en pratique, de l’autre la manière dont cee famille est traduite par les termes de parenté. Or, toujours selon Morgan, ces deux niveaux se transformaient à des rythmes différents, l’évolution de la famille ayant toujours un temps d’avance sur celle du système de parenté :  U    La famille constitue une institution active, elle ne demeure jamais stationnaire, mais passe d’une forme inférieure à une forme supérieure au fur et à mesure que la société progresse d’un stade inférieur à un stade supérieur. Les systèmes de consanguinité ᵃ sont au contraire passifs ; ils ne font que refléter à long terme les progrès enregistrés par la famille, et ne changent radicalement que lorsque la famille subit un changement fondamental 2 . Cee hypothèse en cachait une autre ; si les termes employés dans les différents systèmes de parenté sont intimement liés à certaines formes de famille et qu’ils permeent donc de les reconstituer (y compris lorsqu’il s’agit de formes de familles disparues), c’est parce que ces termes indiquent les règles d’inceste. On peut donc en déduire quels sont les mariages autorisés et les mariages interdits, et donc la forme de famille qui a donné naissance à chaque système de parenté. Ainsi Morgan mit-il au jour ce qu’il pensait être une double relation : l’une, réciproque, entre les règles d’inceste (assimilées aux interdits de mariage) et les formes de famille. L’autre, susceptible de présenter un décalage dans le temps, entre cet ensemble et les systèmes de parenté. Identifier ainsi les règles qui gouvernent les relations sexuelles et celles qui régissent le mariage pose quelques problèmes. D’une part, bien que ce soit généralement le cas, le mariage ne signifie pas toujours la légitimation des relations sexuelles : qu’on se rappelle les Nayars, où le mari légitime n’acquérait aucun droit sexuel sur son épouse. D’autre part, et surtout, il est de nombreux peuples qui, tout en ne voyant pas d’inconvénient à ce que certaines personnes aient des relations sexuelles, leur interdisaient néanmoins de se marier. C’est par exemple le cas dans les sociétés stratifiées, où un homme bien né pouvait avoir sans déchoir des relations avec une femme du commun, mais où leur mariage n’était pas envisageable. C’est aussi le cas chez nous, où le mariage entre un frère et une sœur adultes est illégal, mais où leur union sexuelle ne l’est pas ᵇ. Ainsi, ce que l’on appelle les règles d’inceste incluent généralement les règles matrimoniales, les secondes étant souvent plus contraignantes que les premières. a. Si bien des découvertes de Morgan n’ont pas vieilli, le vocabulaire avec lequel il s’exprime est souvent tombé en désuétude. Ainsi, les « systèmes de consanguinité » dont il est ici question sont ce que l’on a appelé dans ce texte les « systèmes de parenté », comme le fait l’anthropologie moderne. b. C’est en octobre  que fut promulgué le premier Code Pénal, qui abolissait le délit d’inceste. De nos jours, le langage courant identifie souvent, à tort, inceste et pédophilie (qui reste un crime puni par la loi). L’évolutionnisme de Morgan  T . : La détermination des systèmes de parenté selon Morgan Plus profondément, la double hypothèse de Morgan, qui relie systèmes de parenté, interdits de mariage et formes de famille ne résiste pas à la critique ; la pièce maîtresse de la construction est aussi celle par laquelle tout l’édifice s’effondre. Mais ne meons pas la charrue de l’âge du fer avant les bœufs du Néolithique, et continuons pour le moment à suivre les raisonnements de Morgan. Mariage de groupe et famille punaluenne S , le système de parenté iroquois était donc en quelque sorte un fossile conservé au niveau du vocabulaire : il décrivait une organisation familiale disparue, dans laquelle les enfants auraient eu effectivement plusieurs mères et plusieurs pères. Cela impliquait logiquement que ces mères et ces pères aient été jadis collectivement mariés les uns aux autres. Morgan ne put nulle part constater de ses propres yeux un tel état de fait, mais il crut trouver un appui dans des témoignages provenant d’Hawaï. Ceux-ci faisaient état d’une forme de mariage qu’il appela « mariage de groupe », dans laquelle un ensemble d’hommes était collectivement uni à un ensemble de femmes, l’un de ces deux ensembles au moins étant formé de germains (des frères s’il s’agissait des hommes, des sœurs s’il s’agissait des femmes). Il était également possible (mais pas nécessaire) que le mariage unisse à la fois un ensemble de frères et un ensemble de sœurs. Les points essentiels  U    étaient que dans tous les cas, d’une part, l’un des deux groupes d’époux au moins était formé de germains ; d’autre part, et surtout, qu’un frère ne pouvait jamais être uni à sa propre sœur. Au sein d’un tel groupe, chacun des garçons appelait ses co-maris « punalua », « compagnons de mariage » (s’il ne s’agissait pas de ses propres frères), et c’est par le même terme que se désignaient entre elles les co-épouses, si elles n’étaient pas sœurs : c’est ce qui décida Morgan à créer le terme de famille « punaluenne ». Morgan, au moment où il rédigea ses travaux, disposait des premiers matériaux ethnographiques sur l’Australie et pensait avoir identifié dans certaines institutions australiennes (les « sections », qu’on examinera un peu plus loin), une forme particulière de famille punaluenne et de mariage de groupe. Au dossier de la famille punaluenne, Morgan versait deux pièces supplémentaires, en l’occurrence un témoignage de Jules César ᵃ sur les Bretons et un autre d’Hérodote ᵇ sur les Massagètes, un peuple du Caucase apparenté aux Scythes. Morgan semblait donc avoir trouvé, tant à Hawaï qu’en Australie, la confirmation de son hypothèse : le système de parenté iroquois, pratiqué par des peuples connaissant la famille dite appariée (car elle formait une paire, un couple), était le vestige d’une forme de famille disparue, la famille punaluenne observable à Hawaï. Mais là se posait une nouvelle énigme : car à Hawaï, le système de parenté ne coïncidait pas non plus avec la famille punaluenne. Au lieu d’utiliser, en toute bonne logique, le système iroquois qui correspondait à leur forme effective de famille — ou, tout au moins, à ce que Morgan croyait être leur forme effective de famille —, les Hawaïens recouraient à la terminologie décrite ci-contre (table ) : Morgan choisit d’appeler ce système de parenté « malais », car on le retrouvait dans diverses populations d’Asie du Sud-Est et de Polynésie. a. Jules César (vers - / -) : général et homme politique romain, qui conquit notamment la Gaule et se proclama dictateur avant de périr assassiné. Il est l’auteur (ou l’inspirateur) de récits relatant notamment ses campagnes militaires. Ses Commentaires sur la guerre des Gaules, en particulier, sont considérés comme une source non négligeable d’informations ethnographiques, même si celle-ci doit être maniée avec les précautions nécessaires. b. Hérodote (vers - / vers -) : écrivain grec surnommé le « père de l’Histoire », il fut le premier à rassembler des matériaux, à les vérifier et à les compiler sous la forme d’une narration en prose. Son œuvre unique, L’Enquête, se nourrit de ses voyages dans la partie orientale du bassin méditerranéen et contient nombre d’éléments à caractère ethnologique sur les peuples « barbares ». L’évolutionnisme de Morgan  T . : Le système de parenté hawaïen Mais Engels ne mentionne que l’île d’Hawaï, où il fut découvert, et c’est sous ce nom de « système hawaïen » qu’il a été par la suite désigné par les anthropologues. Ce système hawaïen présente donc la particularité d’opérer uniquement des distinctions selon le sexe et la génération : tous mes parents de la génération précédente sont soit des « pères », soit des « mères ». Tous ceux de ma génération sont des « frères » ou des « sœurs », et tous ceux de la génération suivante sont des « fils » ou des « filles ». En fait, toute cee affaire ne cadre pas du tout avec la forme punaluenne de la famille, où dans ma propre génération, les seules unions interdites sont celles avec mes propres sœurs biologiques si je suis un homme, avec mes propres frères biologiques si je suis une femme. Un système de parenté qui aurait été en accord avec la famille punaluenne aurait donc dû distinguer, dans la même génération, d’un côté mes frères et sœurs biologiques, avec lesquels je ne peux pas m’unir sans commere un inceste, de l’autre le reste de mes parents, qui sont mes époux ou épouses possibles. Or, ce n’est pas le cas du système hawaïen. À Hawaï comme chez les Iroquois, il y a donc là encore une contradiction, un décalage, entre le système de parenté et la forme effective de la famille. Fort logiquement, Morgan leva cee contradiction exactement de la même manière que la précédente : en considérant que le système de parenté hawaïen était lui-même le témoin d’une forme de famille révolue. Celle-ci ne pouvait être que la plus primitive de toutes : l’interdit de l’inceste n’y avait pas encore touché les individus d’une même génération et il se limitait aux rapports entre générations différentes (tous assimilés pour l’occasion à des rapports entre parents et enfants). Les rapports sexuels étaient donc autorisés entre tous les individus de la même génération, qui étaient donc naturellement entre eux tous « maris » et « femmes ». Morgan donna à cee famille, qui faisait  U    directement écho aux thèses de Bachofen sur la promiscuité primitive, l’appellation de « consanguine ». À cet égard, il faut remarquer que la traduction des termes du système hawaïen par « frère » et « sœur » est trompeuse : ces mots suggèrent à nos oreilles d’Occidentaux l’interdiction des relations sexuelles. Or, si le système hawaïen est bel et bien l’expression de la famille consanguine de Morgan, les relations sexuelles avec les parents désignés par les termes de « frères » et « sœurs » étaient au contraire tout à fait légitimes. Pour rendre compte de la réalité du système hawaïen, il aurait donc fallu forger un terme spécial pour désigner tous les parents de ma génération, frères et sœurs biologiques y compris, avec lesquels je peux m’unir sans commere d’inceste (par exemple, « cousins »). On aura l’occasion de revenir sur ces problèmes de traduction, qui sont loin de se limiter aux « frères » et aux « sœurs » du système hawaïen. Morgan ne put trouver nulle part d’exemples de famille consanguine. À ses yeux, celle-ci se situait dans un passé si lointain qu’aucun peuple ne l’avait conservée. La famille consanguine subsistait uniquement en tant que trace inscrite dans le système de parenté hawaïen. Pour Morgan, à défaut de pouvoir être observée directement, elle s’imposait comme une nécessité logique. Jusqu’à présent, notre aention s’est portée sur la manière dont un individu désigne les parents de sa propre génération (frères, sœurs, cousins et cousines) ou génération précédente (pères, mères, oncles et tantes). Mais le raisonnement peut être étendu à l’identique à propos de la manière dont sont désignés ses proches parents de la génération suivante, fils, filles, neveux et nièces. T . : La génération suivante en système hawaïen L’évolutionnisme de Morgan  En système hawaïen, de manière très cohérente avec les principes exposés précédemment, tous les enfants de mes frères et sœurs sont indifféremment mes « fils » et « filles ». Pourquoi, interroge Morgan ? Parce que ce système correspond à la famille consanguine, où aucun interdit d’inceste n’existe entre les parents d’une même génération. Si je suis un homme, la femme de mon frère est aussi ma femme : les enfants de mon frère et de sa femme sont donc les enfants de mon frère et de ma propre femme ; ce sont donc mes propres enfants. ant à ma sœur, elle est également ma femme : ses enfants seront donc eux aussi les miens. Tous ces enfants seront donc mes « fils » et mes « filles ». T . : La génération suivante en système iroquois (H) En système iroquois, en revanche, si je suis un homme, les enfants de mon frère sont certes encore mes enfants, mais ceux de ma sœur sont devenus mes « neveux » et « nièces ». Cela s’explique parfaitement par le passage de la famille consanguine à la famille punaluenne : tout comme auparavant, la femme de mon frère est aussi la mienne, il n’y a toujours rien qui distingue donc ses enfants des miens. Mais l’introduction de la loi exogamique fait qu’en revanche, je ne peux plus m’unir avec ma propre sœur. Ses enfants ne peuvent donc plus être les miens, et un nouveau terme de vocabulaire (celui de « neveu » et « nièce ») apparaît pour traduire cee différence de statut. Du point de vue d’une femme, et pour les mêmes raisons, on retrouve les mêmes résultats, inversés comme dans un miroir (voir ci-après table ). Ajoutons pour finir que dans notre propre système de parenté, qui correspond selon Morgan à la famille appariée puis monogame, mes enfants portent un nom qui les distingue des enfants de tous mes frères  U    T . : La génération suivante en système iroquois (F) et sœurs, avec lesquels je ne partage plus aucun conjoint. Là encore, tout concorde à merveille. Dans tous les systèmes de parenté, la désignation des neveux, comme celle des autres parents, semble donc s’expliquer sans aucune anicroche par la succession des formes familiales et des interdits de mariage (d’union sexuelle) censés leur correspondre. Le tableau général de l’évolution O    comment Morgan, partant des Iroquois, a remonté le temps par le raisonnement afin de reconstituer la succession des formes de famille et des systèmes de parenté. Il ne reste plus qu’une étape pour compléter le tableau général qu’il avait élaboré et dont Engels rend compte d’une manière simplifiée. Si, chez les Iroquois, le mariage unissait effectivement deux individus, la famille n’y avait pas pour autant une physionomie semblable à la famille moderne. La famille iroquoise, dite appariée par Morgan et qu’il oppose au type dit « monogame » qui lui a succédé, peut facilement se séparer. La femme y occupe encore une position estimable, ne serait-ce qu’en raison du fait qu’elle seule transmet l’appartenance au clan. Sous l’effet des évolutions économiques, de la place prise par les biens appartenant à l’homme et de la nécessité de les transmere à ses enfants, la famille évolue ensuite vers sa forme « patriarcale » dans laquelle un adulte mâle, en dehors du fait de posséder éventuellement plusieurs épouses, exerce son autorité sur tout un ensemble familial (et pas seulement sur sa propre femme et ses propres enfants). La famille patriarcale, forme intermédiaire qui, à l’image de la famille appariée, ne donne pas naissance à un système de parenté propre, achève son L’évolutionnisme de Morgan  évolution en devenant la famille monogame, forme moderne — mais non ultime — de la famille. Parallèlement, le système de parenté iroquois laisse finalement la place au nôtre, le système eskimo, dans lequel on ne trouve plus aucune référence au mariage de groupe ni aux règles de l’union exogamique. Dans le système de parenté eskimo, les dénominations des parents sont uniquement fonction de leur éloignement par rapport à moi : ce système traduit la place centrale prise par la famille monogame et la disparition des structures claniques. Résumons. L’évolution conjointe — mais à des rythmes différents — de la famille et des systèmes de parenté, selon la présentation que fait Engels de Morgan, peut être figurée par le tableau qui suit. Les flèches symbolisent les adéquations entre formes de famille, règles d’inceste et systèmes de parenté. Enfin, pour situer les choses, on a mentionné les différents stades chronologiques, à la fois dans la définition de Morgan et dans la définition moderne. T . : L’évolution des systèmes de parenté selon Morgan (présentation simplifiée)  Chapitre B Critique de Morgan L’introuvable famille punaluenne D    qui suivirent la publication de La Société archaïque et de L’Origine de la famille, les critiques s’accumulèrent à l’encontre des résultats de Morgan. Elles étaient pour la plupart, et de plus en plus à mesure que le temps passait, inspirées par une hostilité non dissimulée à toute perspective évolutionniste. En critiquant Morgan, les anthropologues qui lui succédèrent n’avaient pas, pour la quasi-totalité d’entre eux, pour objectif d’améliorer sa théorie de l’évolution, mais plutôt de rejeter toute théorie de l’évolution. Il est néanmoins impossible d’écarter leurs arguments d’un revers de main ; ils doivent être examinés sérieusement. On peut les classer rapidement en deux grandes catégories : tout d’abord, ceux qui relèvent des faits eux-mêmes. Certaines affirmations de Morgan, et non des moindres, ont été contredites par les découvertes effectuées depuis lors. L’étude de nouvelles sociétés a révélé des formes ou des combinaisons sociales alors inédites, qui n’entraient pas dans son schéma. Mais d’autres objections portent sur les raisonnements eux-mêmes et en particulier sur l’hypothèse qui est à la base de tout son scénario évolutif : l’articulation entre forme de famille, interdits de mariage et système de parenté. C’est sur ces dernières qu’il nous faudra insister le plus, car elles sont fondamentales ; c’est cee critique qui permet de comprendre pourquoi la construction de Morgan est finalement une construction spéculative, articulée autour d’intuitions pour beaucoup démenties par la suite. Commençons donc par les faits. Dans la séquence présentée par Morgan, la famille punaluenne, articulée sur le mariage de groupe, joue un rôle décisif. C’est elle, en effet,  U    qui est censée avoir introduit l’exogamie au sein d’une même génération, en établissant pour la première fois la distinction entre mes frères et mes sœurs (avec lesquels je ne peux pas m’unir sans commere d’inceste) et les autres membres de ma génération. C’est aussi elle qui est censée avoir mené à la structuration en clans exogames, en étendant cee interdiction à l’ensemble des parents en ligne féminine. C’est enfin la famille punaluenne, toujours elle, qui selon Morgan expliquait la transformation du système de parenté hawaïen en système iroquois. Autant dire que la famille punaluenne était censée posséder un statut de tout premier plan dans l’évolution sociale. Dans les années , deux exemples de mariage de groupe — plus exactement, de traces de mariage de groupe —, base supposée de la famille punaluenne, pouvaient être invoqués : — les punalua d’Hawaï, où un ensemble de sœurs partageaient un ensemble de maris, non nécessairement frères ; il pouvait également s’agir d’un ensemble de frères qui partageaient un ensemble de femmes, non nécessairement sœurs ; — les institutions australiennes, en particulier le système dit des « sections ». Les témoignages de l’Antiquité À ces deux exemples, Morgan ajoutait, on l’a dit, les témoignages de Jules César sur les Bretons et d’Hérodote sur les Massagètes. Celui de César à propos des Bretons tient tout entier dans la phrase suivante : Les femmes y sont en commun entre dix ou douze, surtout entre les frères, les pères et les fils 1 . César affirme donc que les maris, en particulier des frères, possédaient leurs femmes en commun. Seul ce point pourrait plaider en faveur de la famille punaluenne, et encore d’une manière fort douteuse. Morgan considère en effet comme acquis que ces frères soient mariés en commun non à une seule femme mais à plusieurs ; point sur lequel son témoin est passablement ambigu. En réalité, si l’on se contente de ce que dit César, on ne peut écarter l’hypothèse que les Bretons aient simplement pratiqué ce que l’on appelle aujourd’hui la polyandrie fraternelle. ant au partage présumé des épouses entre les pères et leurs fils, il est tout à fait contradictoire avec la forme de famille punaluenne, Critique de Morgan  puisque celle-ci était censée avoir interdit l’inceste entre générations. Le fait lui-même, qui n’a jamais été constaté chez aucun peuple, paraît fort douteux. Très vraisemblablement inventé par César, il avait à coup sûr de quoi horrifier le lecteur romain pour qui il devait représenter un comble de sauvagerie. Ce témoignage démontre donc bien peu de choses, sinon que César, sans doute choqué par les mœurs des barbares, avait décrit en quelques formules plus frappantes que rigoureuses ce qui devait lui paraître une révoltante promiscuité sexuelle. ant à la mention supposée de la famille punaluenne par Hérodote, elle se résume là encore à une unique phrase, écrite à propos des Massagètes : Ils épousent chacun une femme ; mais elles sont communes entre eux 2 . Là encore, le seul élément tangible est la surprise du Grec devant les pratiques matrimoniales des barbares, et son incapacité à en rendre compte de manière rigoureuse. Pour le reste, c’est bien indûment qu’on y devinera les traces d’un mariage de groupe impliquant des frères ou des sœurs. Mariage de groupe et polygamie Voyons à présent si les observations directes étayent plus solidement la thèse de la famille punaluenne. Commençons par écarter la possibilité de considérer comme une survivance du mariage de groupe certaines formes particulières de polygamie ; celle, relativement courante, où un homme unique épouse un ensemble de sœurs (la « polygynie sororale ») et celle, beaucoup plus rare, dans laquelle une femme unique épouse un ensemble de frères (la « polyandrie fraternelle »). Ces pratiques pourraient à la rigueur être caractérisées de « demi-mariages de groupe », puisque à chaque fois, l’un des sexes n’est représenté que par un seul individu. Aucune de ces coutumes ne peut expliquer le système de parenté iroquois, pour une raison simple : celui-ci identifie à la fois mon père avec ses frères et ma mère avec ses sœurs. S’il s’explique par une forme de famille et de mariage, celle-ci doit nécessairement concerner à la fois des groupes de frères et des groupes de sœurs. En acceptant, à la suite de Morgan, que les dénominations de parenté traduisent des relations de mariage, la polyandrie fraternelle pourrait expliquer  U    pourquoi les frères de mes pères sont aussi mes pères, mais pas pourquoi les sœurs de mes mères sont aussi mes mères. La polygynie sororale, elle, pourrait expliquer pourquoi les sœurs de mes mères sont aussi mes mères, mais pas pourquoi les frères de mes pères sont aussi mes pères. Dans les deux cas, le système iroquois n’est expliqué qu’à moitié ; l’autre moitié reste incompréhensible. Le système iroquois dans son ensemble ne peut donc provenir, si le raisonnement de Morgan est juste, que d’un mariage de groupe présentant à la fois les caractères de la polyandrie fraternelle et de la polygynie sororale. Or, une telle combinaison n’a été aestée que dans des cas très rares : la société qui s’en approchait le plus est semble-t-il une tribu du Brésil, les Kaingang. Il y avait dans cee société % de mariages polyandres et % de mariages polygynes, le reste étant constitué de familles appariées ; mais au total, moins d’un adulte sur dix était membre d’une famille à la fois polyandre et polygyne 3 . On pourrait également mentionner les Chuckchee, un peuple de Sibérie où les hommes, mariés dès l’enfance à une cousine, avaient plus tard le droit d’en épouser toutes les sœurs. Surtout, un tel homme faisait partie d’un ensemble de cousins, proches ou éloignés, qui échangeaient entre eux leurs épouses et qui portaient le nom de « compagnons en épouses », une disposition qui rappelle les punalua d’Hawaï 4 . En Australie, on y reviendra, il n’était pas non plus rare qu’un mariage individuel ouvre en réalité des droits pour toute une série de gens, parents des conjoints ou non, droits plus ou moins formalisés selon les cas. L’hypothèse du mariage de groupe ne mérite donc pas le torrent d’imprécationsqu’ont déversé sur elle bien des successeurs de Morgan, défenseurs zélés de la famille nucléaire éternelle, et de tels mariages ont donc bien pu exister çà et là. Cependant, les éléments permeant de l’ériger en étape obligée et universelle de l’évolution sociale restent bien ténus. Les sections australiennes En apparence, les sections australiennes répondaient aux critères nécessairespour fonder le système iroquois… mais en apparence seulement, et ce sont ces apparences qui ont abusé Morgan. La parenté australienne est sans doute la plus compliquée du monde, et on évitera ici d’entrer dans ses détails. Il suffira de dire que l’organisation de base de l’Australie divisait le plus souvent la tribu en deux groupes (deux Critique de Morgan  « moitiés », selon l’appellation consacrée). Tout individu appartenait à l’une des deux moitiés : il n’existait personne qui se situât hors de cee classification. Mais les tribus australiennes ne s’en tenaient pas là et divisaient fréquemment à leur tour chacune des moitiés en deux groupes appelés « sections » ; ce sont ces sections dont parle Morgan et sur lesquelles il développe son argumentation. Les sections australiennes représentaient un cadre indiquant à chaque individu dans quelle catégorie de la population il pouvait s’unir sexuellement sans commere un inceste. Il s’agissait d’une prescription extrêmement forte, dont la violation était généralement punie de mort (chez certaines tribus, la coutume admeait certaines peines de substitution, guère plus réjouissantes au demeurant). Il existait à travers tout le continent un système de correspondances entre différentes tribus, qui permeait à un aborigène de situer sa section même dans une tribu qui n’était pas la sienne. Ce respect du système des sections était si profondément ancré qu’en cas de conflit, lorsque des hommes s’emparaient des femmes d’une autre tribu, ils prenaient soin de s’enquérir de leurs sections afin de savoir s’ils pouvaient les violer ou s’ils devaient les ramener au camp pour les offrir à un compagnon « compatible » — un fait déjà connu d’Engels 5 . Pour décrire le système australien, on a donc dit au ᵉ siècle que les sections étaient véritablement « mariées entre elles ». Cee manière de parler est celle de Morgan et par conséquent celle d’Engels qui, à la suite des ethnologues de son temps, écrit par exemple que : […] tout homme de l’une des classes est l’époux-né de toute femme de l’autre classe ; et celle-ci est son épouse-née. Ce ne sont pas les individus, ce sont les groupes tout entiers qui sont mariés l’un à l’autre, une classe avec l’autre classe […] Chez les Kamilaroi […] chacune de ces quatre classes est mariée également en bloc avec une autre classe déterminée 6 . Cee conviction d’Engels suivait celle de Lorimer Fison ᵃ et Alfred Howi, desquels il tire ses informations, et qui rapportaient que chez ces mêmes Kamilaroi, il était fréquent qu’en certaines occasions, les maris âgés (et polygynes) prêtent leurs femmes à de jeunes célibataires. De même, on prêtait aussi fréquemment une femme aux a. Lorimer F (–) : pasteur et anthropologue anglais installé en Australie, dont le livre Kamilaroi and Kurnai (), écrit conjointement avec l’explorateur Alfred W. H (–) constitue une des premières études ethnographiques de terrain sur les Aborigènes.  U    visiteurs des autres tribus, en respectant naturellement, là encore, le système des sections. Un voyageur pouvait donc avoir ainsi des relations sexuelles avec des femmes vivant à des centaines de kilomètres les unes des autres, ce que Fison et Howi interprétaient comme un gigantesque système de mariage collectif. D’autres institutions australiennes (qui ne furent découvertes que plus tard) se laissaient elles aussi interpréter comme une survivance plus ou moins vivace de mariage de groupe. Ainsi, chez les Dieri, qui vivaient dans le désert du Sud, il existait, en plus du mariage classique, un engagement nommé pirrauru. Celui-ci consistait pour un mari à accorder à l’un de ses frères classificatoires (et uniquement à lui) un accès sexuel privilégié à sa femme — l’arrangement n’était pas obligatoirement réciproque. Le pirrauru, comme le mariage ordinaire, donnait lieu à une cérémonie publique. Les droits du pirrauru cédaient toujours la priorité à ceux du mari principal lorsque les deux se trouvaient ensemble au campement : il ne pouvait alors disposer de sa femme qu’avec le consentement de celui-ci. Tout cela n’empêchait pas les Dieri, selon un usage plus commun, de prêter ponctuellement leurs épouses sans cérémonie particulière. Bien évidemment, lorsqu’il fut découvert, le pirrauru évoqua irrésistiblement le punalua hawaïen. L’Australie livra encore bien d’autres coutumes que certains crurent pouvoir interpréter comme les restes d’un mariage de groupe. Ainsi, celle des Aranda du désert de l’Ouest, où à la puberté, les jeunes filles étaient déflorées collectivement par l’ensemble des hommes présents. Et lors des principales cérémonies religieuses, certaines femmes étaient mises à la disposition de tous ceux avec lesquels l’union sexuelle n’était pas considérée comme incestueuse. Revenons aux sections, en remarquant que celles-ci ne se bornent pas à prescrire les relations sexuelles autorisées : elles indiquent également comment seront classés les enfants issus de ces unions. Si l’on appelle les deux moitiés  et  et les sections A et B, les règles de mariage peuvent être formulées ainsi : — les hommes de A se marient avec les femmes de A, et leurs enfants appartiennent à B ; — les hommes de B se marient avec les femmes de B, et leurs enfants appartiennent à A ; — les hommes de A se marient avec les femmes de A, et leurs enfants appartiennent à B ; Critique de Morgan  — les hommes de B se marient avec les femmes de B, et leurs enfants appartiennent à A. On a supposé ici que les enfants appartiennent à la moitié de leur père ; mais on aurait pu les classer dans la moitié de leur mère sans que cela change en rien les propriétés globales du système. Un petit dessin valant mieux qu’un grand discours, ledit dessin aurait la physionomie suivante (comme précédemment, un trait double signifie l’union ; les flèches montrent dans quelle catégorie vient se ranger la progéniture issue de cee union) : T . : Le fonctionnement d’un système à quatre sections Les apparences plaident donc en faveur d’authentiques mariages de groupe. Un homme appartient toujours à la même section que ses frères, de même qu’une femme appartient toujours à la même section que ses sœurs. Or, un homme ne peut avoir des relations sexuelles (et se marier) qu’avec les femmes d’une section donnée 7 . Il y a plus : le terme par lequel cet homme désigne toutes les femmes de cee section est celui d’« épouse » (réciproquement, toutes les femmes de cee section appellent les hommes de leur section « époux »). La conclusion semble s’imposer : si un homme se trouve dans la section qui  U    lui permet de s’unir à une femme, alors il peut aussi s’unir à toutes les sœurs de celle-ci ; et réciproquement, tous ses frères peuvent eux aussi s’unir à elle et à ses sœurs. On semble donc être là en présence du mariage de groupe, base de la famille punaluenne de Morgan… à un détail près, mais un détail qui change tout : celui qui sépare un mariage légalement autorisé d’un mariage effectif. Non seulement les groupes tout entiers n’étaient pas mariés l’un à l’autre, mais le mariage était pour les hommes un objectif particulièrement ardu, qui donnait lieu à des stratégies individuelles de très long terme 8 . Dans certaines tribus, il était inimaginable qu’un homme puisse se marier avant la trentaine, et seuls ceux qui avaient fait la preuve de leur respect des conventions sociales (et des plus âgés, qui contrôlaient l’ensemble du système matrimonial) pouvaient espérer accéder eux aussi à une polygynie accomplie 9 ; en l’absence de toute notion de richesse matérielle, le nombre d’épouses était, pour un homme, un des principaux critères de la réussite sociale. Les droits matrimoniaux que les hommes exerçaient sur les femmes étaient si peu collectifs que l’adultère, et plus encore, l’enlèvement de l’épouse d’un autre, avec ou sans le consentement de celui-ci, était un motif légitime de meurtre de la part du mari lésé. Dans un film récent qui se déroule entièrement aux temps pré-coloniaux chez les Murngin de la Terre d’Arnhem 10 , toute l’intrigue tourne autour de la jalousie qu’entretient un jeune frère célibataire (et amoureux !) à l’égard de son aîné qui possède trois femmes. Cee histoire, parmi bien d’autres faits collectés par une ethnographie abondante, témoigne qu’en Australie, les femmes d’un frère n’étaient pas nécessairement celles d’un autre, et qu’elles ne pouvaient l’être qu’avec le consentement de l’époux officiel. Il y a donc une profonde différence entre un système qui limite les unions à des individus appartenant à deux groupes identifiés, et un système qui rend ces unions effectives. Autrement dit, il ne faut pas déduire du fait qu’un Australien (et ses frères) pouvait s’unir au sein d’un groupe comprenant plusieurs femmes (dont des sœurs), ni du fait qu’il appelait toutes ces femmes « épouses », qu’il était effectivement uni avec l’ensemble des femmes de ce groupe. Les sections australiennes définissaient les groupes au sein desquels les hommes pouvaient tenter de se marier ; elles stipulaient, si l’on veut, la gamme des mariages potentiels. Mais elles ne traduisaient en aucun cas les Critique de Morgan  mariages réels, qui restaient une affaire individuelle. ant aux mariages multiples, à la façon des pirrauru des Dieri, ils n’étaient qu’une variante supplémentaire sur cee base ; mais le simple fait qu’ils soient l’objet d’une cérémonie publique qui engageait deux individus (masculins !) montre qu’on était à l’opposé d’une union collective, dans le sens défini par Morgan. En réalité, si ces coutumes indiquaient quelque chose, c’est beaucoup moins la survivance d’un hypothétique mariage de groupe que le fait général que sur ce continent, les hommes disposaient, légitimement et légalement, de la sexualité des femmes. Une région australienne a, il est vrai, révélé une institution qui répondait par certains aspects à la définition du mariage de groupe de Morgan. Il s’agit du Kimberley, au nord-ouest du continent, où tout homme possédait des droits économiques et sexuels sur les épouses de ses frères, et où les fratries masculines vivaient ensemble 11 . Mais si ce cas prouve que l’hypothèse de Morgan n’était pas aussi absurde que ce qu’ont prétendu ses adversaires, il reste beaucoup trop exceptionnel pour étayer l’universalité d’une telle forme. Les punalua d’Hawaï Le seul autre berceau possible du mariage de groupe et de la famille punaluenne reste donc Hawaï, d’où celle-ci avait tiré son nom. Mais là encore, un examen des faits plus approfondi oblige à bare en retraite. Les observations sur lesquelles s’appuyait Morgan faisaient certes état d’une grande liberté sexuelle, qui impliquait de préférence des groupes de sœurs ou de frères. Mais le principal informateur de Morgan luimême avouait que cee coutume avait disparu et qu’il n’avait pu en être le témoin direct. En fait, les particularités d’Hawaï laissent entrevoir une tout autre explication qu’une survivance du mariage de groupe. Dans une société qui était alors largement différenciée selon la fortune et le statut, la règle de succession ordinaire voulait que l’aîné (quel que soit son sexe) hérite de l’ensemble du patrimoine, ses frères et sœurs cadets n’obtenant que des droits d’usufruit. Cee pratique favorisait, au moins dans les classes supérieures, le célibat prolongé des cadets, parfois pour leur vie entière. Or, la société hawaïenne étant par ailleurs assez peu pudibonde, les témoignages concordent sur le fait que ceux-ci profitaient d’une grande liberté sexuelle. Les naissances hors mariage  U    ne posaient pas problème, les enfants étant très facilement adoptés (le plus souvent, par les parents de la mère célibataire). De cet état des choses, certains observateurs étrangers pétris de morale chrétienne n’avaient d’ailleurs généralement pas conclu qu’à Hawaï régnait une forme matrimoniale originale (et ailleurs disparue), le mariage par groupe, mais qu’on y ignorait complètement ce qu’était le mariage. Au vu de ce qui précède, il semblerait bien que l’une comme l’autre de ces conclusions soient erronées. Peut-être les punalua étaient-ils des sortes d’amicales sexuelles de célibataires 12 . Fonder une forme archaïque de famille sur les punalua posait un autre problème de taille. Hawaï faisait en effet une bien mauvaise prétendante au titre de plus ancien fossile social vivant, que Morgan lui décernait conjointement à l’Australie. Si cee dernière, qui ignorait jusqu’à l’arc, est incontestablement l’ensemble le plus primitif jamais observé du point de vue technique, la société hawaïenne, pour sa part, pratiquait l’agriculture, l’élevage et le commerce, et avait développé une aristocratie à la tête de laquelle régnait un monarque ; elle se plaçait donc à l’orée de la civilisation, c’est-à-dire de l’apparition des classes et de l’État. Conclusion and bien même la méthode du raisonnement de Morgan aurait été juste, un premier point est donc établi : nulle part, pour ainsi dire, l’ethnographie n’a pu mere au jour la famille dite punaluenne, censée dans le monde entier avoir été à l’origine tout à la fois de l’exogamie, de l’organisation en clans et du système de parenté iroquois. Cee famille punaluenne rejoint donc la famille consanguine au rang des spéculations ; ce faisant, un sérieux doute est jeté sur le mécanisme censé mener du système de parenté hawaïen au système iroquois. Tous les deux étant des systèmes de parenté actuels, observés, comment expliquer que la forme de famille censée provoquer la transition de l’un à l’autre ait entièrement disparu ? La construction de Morgan laissait donc apparaître une première fissure. D’autres allaient jeter à bas tout l’édifice. Critique de Morgan  Le système de parenté ne dit pas tout… R  ’ . Dans un système de parenté australien typique comme celui des Kariera, les termes de parenté sont cohérents avec le système des sections. Si je suis un homme, je n’utilise que deux termes pour désigner toutes les femmes de ma génération. Je parlerai de « sœurs » pour parler des femmes qui sont dans les sections où je ne peux pas m’unir, et d’« épouses », ou de « cousines » (le terme est le même), pour celles qui se trouvent dans la section où je peux m’unir. Dans le système de parenté dravidien, très semblable au système iroquois décrit par Morgan, il n’existe également qu’un terme unique pour désigner tout à la fois l’épouse et la catégorie particulière de cousines qui sont épousables. Dans ces systèmes, le mariage possède la caractéristique surprenante à nos yeux de ne pas créer de parenté nouvelle : une fois marié, un homme continue à désigner sa femme (et les parents de celle-ci) par le même terme que lorsqu’ils n’étaient pas unis. La femme que j’épouse fait forcément partie de mes « épousescousines », et elle reste mon « épouse-cousine » une fois le mariage conclu. De même, mes « beaux-parents » étaient déjà mes « beauxparents » avant que je me marie avec leur fille. Dans ces sociétés, à la différence de la nôtre, le mariage entérine en quelque sorte un rapport de parenté préexistant ; en un certain sens (mais en un certain sens seulement), il ne tisse pas de nouveaux liens. Cee propriété du système dravidien, tout comme l’erreur de Morgan à propos du mariage de groupe en Australie, souligne que les termes employés dans un système de parenté peuvent tout à fait traduire les unions possibles, car autorisées, sans pour autant traduire les unions réelles. C’est là un point d’une grande importance, car tout le raisonnement de Morgan était fondé sur cee dernière hypothèse. Pour Morgan, si en système australien, j’appelle toute une catégorie de femmes « épouses », c’est parce que ces femmes sont réellement mes épouses — ou parce qu’elles l’ont été par le passé, dans une forme de famille révolue. Or, en Australie, ces femmes ne sont que mes épouses possibles, mes épouses permises, ce qui est tout différent. Cela implique que quel que soit le système de parenté en vigueur, il est impossible de déduire la forme de famille (présente ou passée) des interdits de mariages éventuellement inscrits dans son vocabulaire.  U    Le système de parenté, dans le meilleur des cas, indique donc avec quelles femmes un homme peut légitimement s’unir et avec lesquelles cee union serait en revanche considérée comme un inceste. Mais même dans ce cas, il ne fournit aucune information sur la forme concrète de la famille, le nombre d’épouses qu’un homme peut acquérir, à quelles conditions, la solidité du mariage, les droits respectifs des époux quant à sa dissolution, les aspects économiques liés à cee union, etc. Lorsqu’il parle de « famille » et des « formes de famille », Morgan confond donc les deux choses bien distinctes que sont d’une part, les interdits de mariage et de l’autre, le type de structure socioéconomique regroupant parents et enfants. Or, si le système de parenté contient parfois certaines informations sur le premier point (mais pas autant que le pensait Morgan), il reste toujours totalement muet sur le second. Les Australiens, par exemple, pratiquent généralement la polygynie, mais très exceptionnellement la polyandrie. Les hommes, on l’a dit, ne peuvent guère espérer se marier avant d’avoir achevé une initiation qui se prolonge parfois très tard ; leurs épouses, qui leur sont parfois promises avant même leur naissance, sont alors plus jeunes qu’eux d’au moins une génération. Tous ces traits déterminent une forme de famille particulière et très originale. Mais celle-ci n’est nulle part inscrite, même en filigrane, dans le système de parenté 13 . Celui-ci se contente d’énoncer avec quels partenaires les unions sont possibles, et avec lesquels elles sont interdites. Morgan faisait donc fausse route en affirmant que les termes de parenté du système iroquois ou du système hawaïen font forcément référence à une relation familiale réelle, présente ou passée. Pas plus en système iroquois que chez nous, tous les gens que j’appelle des « pères » ne sont forcément mes « pères » biologiques possibles, ou ne l’ont forcément été dans le passé. Dès la publication des travaux de Morgan, certains de ses adversaires avaient déjà remarqué que dans la société actuelle, les termes de parenté ne sont pas toujours utilisés pour désigner une relation biologique : sans même parler d’un père adoptif, on appelle un prêtre « mon père » et une religieuse « ma sœur », tout en sachant parfaitement qu’il ne s’agit ni d’une véritable sœur, ni d’un véritable père (tout au moins, en principe). Cee objection, qui avait été notamment formulée par McLennan, s’était airé les railleries d’Engels 14 . Or, il est permis de penser que cee polémique Critique de Morgan  passait à côté de la véritable question. Car le problème n’était pas tant de savoir si les termes de parenté ne traduisent jamais une relation biologique, que de savoir s’ils en traduisent obligatoirement une, passée ou présente 15 . Lorsqu’en système hawaïen, ou iroquois, un individu appelle plusieurs adultes « père », Morgan affirmait que c’est la conséquence d’un ancien système familial où plusieurs frères étaient simultanément les époux de sa mère. On ne pouvait donc connaître avec certitude le nom du père véritable, ce qui était censé expliquer tout à la fois que la filiation clanique passe par les femmes et que chacun de ces frères soient désignés du même terme. Or, même en admeant cee logique, comment expliquer que dans ces mêmes systèmes hawaïen et iroquois, on appelle « mère » non seulement sa propre mère, mais aussi l’ensemble de ses sœurs ? C’est une énigme que les arguments de Morgan ne peuvent résoudre 16 . En effet, dans le cas où un homme a épousé tout un groupe de sœurs, il est parfaitement logique qu’il puisse dire que toutes ces sœurs sont ses épouses. Mais du point de vue de ses enfants, l’argument de la filiation inconnue invoqué précédemment ne tient plus. Parmi ces sœurs, chacune sait sans aucun doute possible quels sont ses propres enfants. Et par conséquent, chacun de ces derniers sait lui aussi parfaitement, laquelle est sa propre mère. Ainsi, même si son père a plusieurs épouses, que ces épouses soient sœurs entre elles ou non, il n’y a donc aucune nécessité que cet enfant les appelle toutes indifféremment « mère » et qu’il ne fasse pas la différence entre sa véritable mère et les sœurs de celle-ci (ses « tantes »). Morgan répondait à cela que ce qui comptait n’était pas qui avait engendré l’enfant, mais qui l’avait élevé et que le fait d’avoir plusieurs mères n’avait donc rien d’absurde. Mais cee réponse, comme on peut en juger, était bien faible. Morgan avait d’ailleurs bien du mal à se tirer d’affaire lorsque, prenant le problème par l’autre bout, il tentait de justifier le fait qu’en système hawaïen, une femme appelle « fils » et « filles » les enfants de son frère. Prêtant sa plume à une femme imaginaire, il écrivait : Mes différents frères étant aussi mes maris, les enfants qu’ils ont d’autres femmes seraient mes beaux-fils et belles-filles. Mais comme cee relation de parenté n’est pas reconnue, ils tombent naturellement dans la catégorie de mes fils et filles. Autrement le système ne les engloberait pas 17 .  U    Cee argumentation est parfaitement circulaire : si l’explication des systèmes de parenté réside dans les formes de famille, c’est-à-dire, en fait, dans les liens de parenté que la société est en mesure d’établir, pourquoi diable le système hawaïen n’a-t-il pas créé les catégories de « beau-fils » et de « belle-fille » ? Ceux-ci auraient pourtant correspondu aux relations familiales réelles de la famille consanguine, observables par chacun — et surtout, par chacune. C’est précisément cee absence qu’il s’agit d’expliquer, alors que Morgan, en la tenant comme acquise, en fait le point de départ de son raisonnement. En fait, une bonne partie de la théorie de Morgan repose sur l’idée que si un système de parenté englobe sous le même terme des rapports biologiques différents, c’est parce que ces rapports ne peuvent être établis avec certitude par la société en raison de la forme de famille existante. Mais ce raisonnement, cohérent tant qu’on se place du point de vue des hommes, bute sur des difficultés insurmontables dès qu’on envisage celui des femmes. On sait même aujourd’hui que dans certaines de ses variantes, le système de parenté hawaïen ne faisait pas systématiquement la distinction entre les sexes. Ainsi, chez les Ifugao des Philippines, tous les parents de la génération du locuteur, qu’ils soient masculins ou féminins, portaient le nom unique de tulang. Tous les parents de la génération suivante, là aussi quel que soit leur sexe, étaient appelés anak. Ceux de la génération des grands-parents et ceux de celle des petits-enfants étaient tous englobés sous l’unique vocable de apo. Il n’y a que pour la génération précédente que les parents masculins (ana) étaient distingués des parents féminins (ina). Devrait-on, en prolongeant les arguments de Morgan, en conclure qu’il fut un temps où les Ifugao ne pouvaient pas faire dans la réalité la différence entre leurs frères et leurs sœurs, ou entre leurs grands-pères et leurs petitesfilles ? Ces quelques exemples montrent que les termes employés dans un système de parenté ne traduisent pas des structures familiales réelles, ni même des structures qui auraient existé dans le passé et qui auraient disparu. Répétons-le : on ne peut pas déduire la forme de la famille, passée ou présente, de la terminologie de parenté. Tout le raisonnement de Morgan, et toute la séquence qu’il reconstitue sont donc fondés sur une méthode qui s’avère erronée. Mais ce n’est pas tout. Critique de Morgan  Le système de parenté en dit encore moins… J, nous avons en effet admis que les systèmes de parenté, à défaut de révéler la structure de la famille, indiquaient au moins les interdits de mariage (assimilés, avec quelque approximation, aux interdits sexuels). Jusqu’à présent, les systèmes de parenté dont nous avons parlé contenaient effectivement des informations très claires à ce sujet. Dans un système iroquois, tout comme dans un système dravidien ou australien, je désigne par le même terme les filles de mes parents (mes « sœurs ») et certaines de mes cousines, celles qui appartiennent à la même catégorie que moi (clan ou section). Ces cousines seront donc également des « sœurs », manière de dire qu’une relation sexuelle avec elles serait incestueuse. En revanche, mes autres cousines, celles qui ne sont pas de mon clan ou qui se trouvent dans la section autorisée, sont pour moi des femmes épousables ; je les désignerai donc par un terme différent (dans de tels systèmes de parenté, ce seront mes seules « cousines »). Apparemment, donc, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes matrimoniaux possibles. Pourtant, tous les systèmes de parenté sont loin d’être aussi éloquents ; certains ne contiennent pas la moindre information au sujet des parents épousables. Pire, les informations apparemment incontestables contenues dans certains systèmes s’avèrent être en contradiction avec les règles d’inceste en vigueur. On se souvient par exemple que le système de parenté hawaïen n’établit aucune différence pour tous les parents de ma génération : quel que soit mon degré de parenté avec eux, ils sont tous mes « frères » et « sœurs ». Selon Morgan, ce système témoignait d’un stade où la notion d’inceste ne concernait que les relations sexuelles entre individus de générations différentes, et où l’on pouvait s’unir à n’importe quel individu de sa propre génération sans que la société y voie d’offense. En réalité, même s’il régnait dans les classes supérieures d’Hawaï une liberté de mœurs qui avait induit les informateurs de Morgan en erreur, l’ethnographie établit par la suite qu’à Hawaï, le mariage était tout ce qu’il y avait d’individuel, et qu’il s’effectuait de préférence avec la même catégorie de cousines que chez les Iroquois. Un hawaïen appelait donc du même nom, sa propre sœur — avec laquelle s’unir aurait été considéré comme un inceste et puni comme tel — et la cousine avec laquelle il était le mieux vu de se marier !  U    Le cas d’Hawaï n’est pas une exception, tant s’en faut, et pour s’en convaincre, on peut se référer au SCCS. Sur les  sociétés qui y sont référencées,  utilisent le système de parenté hawaïen, ce qui en fait le plus représenté, juste devant le système iroquois. Le système hawaïen ne distinguant pas les cousins des frères et sœurs, s’il indiquait les interdits de mariage, il devrait donc correspondre à une situation où on ne fait aucune différence entre quelque espèce de cousin que ce soit (pas plus qu’avec les frères et sœurs, d’ailleurs). Or, le mariage avec tous les cousins, y compris ceux du premier degré, était autorisé dans seulement huit de ces  cas. Chez quatre autres peuples, seule l’union avec deux des cousins était permise, l’union avec les deux autres étant vue comme incestueuse. Ouvrons une rapide parenthèse afin de préciser que dans ces quatre cas, les cousins autorisés étaient les mêmes. Ce sont ceux qu’on dit « croisés », parce qu’ils me sont reliés par des parents de sexe différents : ce sont les enfants des frères de ma mère, ou ceux des sœurs de mon père. Les cousins avec qui les relations sexuelles étaient prohibées, eux, sont dits « parallèles », parce qu’ils me sont reliés par des parents de même sexe : ce sont les enfants des frères de mon père, et ceux des sœurs de ma mère. T . : Cousins parallèles et cousins croisés Les quatre peuples dont on vient de parler appliquaient donc des interdits de mariage typiques du système iroquois, tout en employant un système hawaïen. En suivant le raisonnement de Morgan, cela voudrait dire que le système de parenté était décalé de deux étapes vis-à-vis des règles d’inceste ! Pire encore, dans  cas sur  (dont les pygmées Mbuti), l’ensemble des unions avec des cousins du premier degré, y compris les cousins Critique de Morgan  croisés, étaient frappées d’interdit, cet interdit s’étendant parfois à des cousins plus lointains. Chez tous ces peuples, le système hawaïen, censé traduire un état primitif où l’inceste n’avait pas été inventé au sein d’une même génération, coexistait donc avec des interdits plus contraignants que ceux censés inspirer le système iroquois… L’impossibilité d’établir une quelconque corrélation entre le système de parenté hawaïen et les interdits de mariage pratiqués par les sociétés qui l’utilisent est donc patente. Avec le système iroquois, on pose apparemment le pied sur un terrain plus solide. Dans ce système, cousins parallèles et cousins croisés portent un nom différent, ce qui est cohérent à la fois avec l’appartenance clanique et avec les prohibitions sexuelles. En effet, lorsque la société est structurée en clans exogames, les cousins parallèles sont ceux qui appartiennent, ou risquent d’appartenir, à mon propre clan : c’est pourquoi toute union avec eux est tenue pour être un inceste, et que je les appelle des « frères » et des « sœurs ». Pour les mêmes raisons, le terme de « cousins » est réservé aux cousins croisés ; ce sont les seuls à être à coup sûr d’un clan différent du mien, et donc les seuls avec lesquels j’ai le droit de m’unir sans enfreindre la règle d’exogamie de clan. Le système iroquois est utilisé par  sociétés du SCCS. Dans la majorité d’entre elles ( très précisément), les interdits de mariage correspondent effectivement à la terminologie de parenté : les mariages avec les cousins croisés sont autorisés et ceux avec les cousins parallèles interdits. Mais pour les seize autres sociétés, une proportion non négligeable, les choses se corsent. Dans onze cas, l’interdit porte sur l’ensemble des cousins du premier degré (voire au-delà). Inversement, dans trois sociétés, les unions avec tous les cousins sont autorisées. Signalons le cas des Gilyak de l’île Sakhaline, chez lesquels un(e) seul(e) des deux cousin(e)s croisé(e)s peut être épousé(e). Les Gilyak sont ce peuple mentionné par Engels dans un ajout à la deuxième édition de L’Origine de la famille et en lequel il voyait le second exemple après Hawaï de famille punaluenne et de mariage de groupe. On peut donc constater avec le recul la fragilité de cee information. Les Gilyak connaîtront d’ailleurs une grande célébrité avec les travaux de Lévi-Strauss 18 , qui en fera un des exemples emblématiques de sa théorie de « l’échange généralisé » des épouses — quoi qu’on puisse penser de la valeur de cee théorie, les données sur lesquelles  U    elle s’appuyait enterraient définitivement l’existence du mariage de groupe chez ce peuple. Enfin, les Baruya de Nouvelle-Guinée, qui ne figurent pas dans le SCCS, emploient également le système iroquois. Or, pour des raisons qu’il serait trop long de détailler ici, ils interdisent contre toute logique apparente le mariage entre certains des cousins croisés pour l’autoriser avec certains des cousins parallèles 19 ! Clôturons cet inventaire rapide par les  sociétés du SCCS qui emploient tout comme la nôtre le système de parenté eskimo, pour constater que la situation n’y est guère plus simple. Ce système différencie les germains (frères et sœurs, avec lesquels l’union sexuelle est interdite) de l’ensemble des cousins (avec lesquels elle est donc censément autorisée). En fait, les interdits effectifs de mariage ne correspondent à la terminologie de parenté que dans seulement quatre cas sur vingt (pour trois sociétés, les données concernant les cousins épousables ne sont pas disponibles). Chez trois autres peuples, seuls trois types de cousins sur les quatre sont autorisés. Chez un autre, deux sur quatre. Et chez sept peuples, dont les Inuits du Cuivre, les Andamanais ou les !Kung, tous les cousins du premier degré sont interdits. Tout cela ne doit pas nous surprendre outre mesure. Si, au lieu de parcourir le globe, on s’intéresse aux évolutions qu’a traversées notre propre société d’Europe occidentale, on aboutit à des conclusions similaires. Le système de parenté que nous utilisons (eskimo) n’a pas changé depuis près de deux mille ans. Pourtant, dans ce même laps de temps, la notion d’inceste a connu des acceptions très différentes. Censée se limiter, sur la seule base de la terminologie de parenté, aux frères et sœurs, elle s’est longtemps étendue à un nombre variable de cousins sous l’influence de l’Église. Celle-ci avait multiplié peu à peu le nombre de degrés de parenté interdits au mariage, si bien qu’au ᵉ siècle, toute union avec une cousine éloignée de moins de sept degrés était réputée incestueuse. En pratique, évidemment, cee règle très contraignante ne put concerner que les familles nobles, et encore ne fut-elle que très modérément respectée. L’Église ramena le nombre de degrés d’éloignement nécessaires à cinq lors du concile de Latran, en , puis à deux. Depuis la Révolution française, le mariage avec quelque cousine que ce soit, même du premier degré, est autorisé par la loi — et en France, si le mariage est interdit, l’union sexuelle entre un frère et une sœur adultes n’est plus un délit depuis lors. Depuis deux millénaires, l’histoire de l’Occident le montre clairement : les règles Critique de Morgan  concernant les unions incestueuses n’ont cessé de changer alors que le système de parenté demeurait le même. On a vu l’erreur que Morgan avait commise en pensant qu’il était possible de déduire les formes de famille des interdits de mariage ; ce tour d’horizon a révélé qu’il est tout aussi impossible de déduire les interdits de mariage du système de parenté en vigueur ; une telle déduction n’est vraie à tout coup que dans les systèmes dravidiens et australiens. En système iroquois, elle n’est que probable. ant aux systèmes hawaïen ou eskimo, ils ne donnent aucune espèce d’information utilisable à ce sujet. À quoi servent les systèmes de parenté ? A    maîtresses sur lesquelles était bâtie la reconstitution de Morgan ne résiste donc à l’examen. Au mieux, le système de parenté distingue les unions légitimes des unions illégitimes, mais c’est loin d’être toujours vrai. Et même en ce cas, il ne donne aucune information sur les unions qui seront effectivement conclues. Le schéma de Morgan, censé rendre compte tout à la fois de l’évolution des systèmes de parenté et de la famille, est donc un schéma spéculatif. Il est une reconstitution forgée à partir d’éléments trop peu nombreux, et dans laquelle les espaces vides ont été comblés sur la base de conjectures qui se sont révélées fausses. En fait, une idée implicite traverse toute la pensée de Morgan : celle que dans un système de parenté, si deux individus sont désignés par le même terme, cela signifie d’une manière ou d’une autre que ces individus ne sont pas réellement différenciés par la société, et donc par l’esprit du locuteur. Si j’appelle plusieurs hommes « père », c’est que tous sont (ou ont été) mes pères possibles. Si j’appelle plusieurs femmes « sœur », c’est que toutes ces femmes sont (ou ont été) mes sœurs possibles, etc. Mais nous avons vu que dès que l’on considère des liens de parenté qui passent par les femmes, cee explication est intenable : j’appelle plusieurs femmes « mère » alors qu’il n’y a aucune possibilité que je confonde ma mère biologique avec mes « mères » classificatoires. En réalité, aucun individu d’aucune tribu ne confond jamais sa « mère » à lui avec ses autres « mères » (pas plus qu’il ne confond ses « pères », ou ses « cousines » épousables avec celles qui ne le sont pas, etc.). Autrement dit, ce n’est pas parce que certaines  U    relations ne sont pas marquées dans le vocabulaire de parenté qu’elles ne sont pas connues, et reconnues, par tous. Les systèmes de parenté classificatoires obéissent à une tout autre logique que la nôtre : ils n’ont pas pour rôle de traduire des distances généalogiques, mais d’établir des catégories de parents. Les membres des peuples primitifs, tout autant que nous, savaient quels liens généalogiques les reliaient les uns aux autres ; mais certains de ces peuples privilégiaient, dans la désignation des parents, une logique qui ne reflète pas prioritairement ces liens. Pour comprendre cela, on peut penser à un exemple plus familier. En français, plusieurs termes de parenté recouvrent des liens biologiques différents. Mon « oncle », par exemple, peut aussi bien être le frère de mon père que celui de ma mère. Il peut même être simplement le mari d’une de mes tantes. Le fait qu’il n’existe qu’un seul mot pour désigner ces différents cas de figure n’empêche nullement chacun de les distinguer en esprit. Et, s’il le faut, on saura recourir à un qualificatif supplémentaire (« oncle paternel », « oncle maternel » ou « oncle par alliance ») pour préciser la nature exacte de la relation. Il en va de même dans les systèmes classificatoires. Les ethnologues du ᵉ siècle ont été un peu rapides en besogne en pensant que si le vocabulaire des peuples qu’ils étudiaient confondait deux liens généalogiques, leur esprit les confondait aussi. En fait, cee erreur est en partie liée au biais qu’introduit la traduction des termes de parenté hawaïens ou iroquois dans notre propre vocabulaire. « Traduire, c’est trahir », dit-on. Rarement cet adage ne s’est aussi bien vérifié qu’avec les systèmes de parenté. Dans le système hawaïen, par exemple, qui apparaît comme le plus simple de tous, un seul et même terme désigne mon père et tous les hommes de sa génération. En traduisant ce terme par « père », on est ensuite tenté de dire que le système hawaïen considère que je possède une multitude de « pères », et donc que ces « pères » sont, ou ont forcément été, mes géniteurs potentiels. Mais pourquoi choisir ce terme de « père », qui chez nous, désigne effectivement, a priori, le géniteur ? C’est donner au terme de parenté hawaïen un sens qu’il n’a pas, et créer ensuite le besoin d’une explication pour ce sens inventé. On peut tout simplement réaliser qu’en système hawaïen, seuls comptent la génération et, éventuellement, le sexe. Il n’y a pas de mot dans le vocabulaire de la parenté qui ressemble à notre « père » ; en revanche, Critique de Morgan  il y a un terme que nous ne pouvons traduire autrement que par une expression un peu tortueuse, par exemple : « parent masculin de la génération qui me précède ». Ce n’est pas que les peuples qui utilisent ce système ignorent les questions de la proximité biologique, de la paternité et de la filiation ; tout autant que nous, ils en sont conscients et soucieux. Parmi tous les « parents masculins de la génération qui le précède », chacun sait parfaitement qui est son propre père ; tout comme nous procédons avec nos oncles, bien des peuples utilisent un adjectif (souvent traduit par « vrai ») pour distinguer leur père biologique de leurs pères classificatoires. Mais cee relation particulière n’est pas explicitée dans les termes de parenté. Contrairement au nôtre, le système hawaïen marque prioritairement les générations et ignore la distance biologique, trait qu’il partage avec le système iroquois, qui marque de surcroît l’appartenance au clan. Les systèmes de parenté entretiennent donc des rapports lâches avec les interdits de mariage ; ils n’en entretiennent pour ainsi dire aucun avec les structures familiales. On a déjà vu à propos de l’Australie que la polygynie, largement répandue chez les Aborigènes, n’était pas inscrite dans les termes de parenté : la famille australienne aurait pu être monogame sans que cela change quoi que ce soit à la désignation des différents parents. Cee déconnexion entre type de famille et système de parenté se vérifie quel que soit l’angle sous lequel on considère la chose. ’il s’agisse de la monogamie (au sens large), de la polyandrie ou de la polygynie (occasionnelle ou répandue), aucune de ces formes ne semble corrélée à un système de parenté plutôt qu’à un autre. ’on envisage plutôt la taille de la famille, depuis la famille nucléaire jusqu’à la vaste famille étendue, on obtient la même absence de corrélation. Tous les systèmes de parenté coexistent avec tous les types de famille sans qu’aucune loi, même probabiliste, puisse être dégagée. Les systèmes de parenté ne disent donc rien des structures familiales des sociétés qui les utilisent. Lorsqu’ils parlent, c’est d’autres institutions, telles que le clan ; c’est aussi, et peut-être surtout, de statuts, de positions, de droits et de devoirs vis-à-vis de différentes catégories. Dans la société moderne, où les relations de parenté jouent un rôle relativement secondaire hors du cercle familial, où les rapports sociaux sont organisés par une série d’institutions (le marché, l’État…) situées hors de la parenté, celle-ci n’est employée pour désigner des liens sociaux que sous la forme de métaphores : je dirai ainsi que tel  U    bienfaiteur est « un père » pour moi, ou qu’un ami cher est « un frère ». Ces métaphores, même si elles expriment des sentiments individuels profonds, n’obligent pas à grand-chose et surtout, elles restent rares et possèdent même un petit air désuet. Mais les sociétés primitives ne sont structurées ni par l’État, ni par le marché. Une forme privilégiée que prennent les rapports sociaux — y compris les rapports politiques et économiques — est celle de la parenté, d’une parenté souvent organisée différemment de la nôtre, définissant des catégories et des groupes. Ceux-ci, chose inconnue dans nos sociétés, forment de véritables organisations, des personnes morales, pour employer un terme juridique moderne, reconnues comme telles et agissant solidairement sur le terrain économique, politique ou religieux. C’est par exemple l’appartenance à tel groupe de parents qui détermine un droit sur une terre ou celui d’être protégé ou vengé en cas d’agression. Cee importance, dans les sociétés primitives, des structures sociales définies par la parenté est d’ailleurs une des choses qui avaient le plus frappé Morgan. Chez les Iroquois, les clans occupaient dans la vie sociale une place de tout premier plan. Dans une telle société, les termes employés dans les systèmes de parenté ne sont pas de simples métaphores. En traduisant et signifiant des obligations, des droits et des devoirs précis, de nature économique, politique, judiciaire ou religieuse, ils expriment l’organisation de pans entiers de la société.  Chapitre C Les groupes de parenté La filiation unilinéaire L ’   les plus remarquables, et pour nous, les plus difficiles à comprendre, de bien des sociétés primitives, sont ces groupes de parents qui selon les époques et les définitions, ont été appelés gens, clans, lignages ou ramages ᵃ. Morgan leur consacra une aention toute spéciale, voyant en particulier dans les gens le pivot de l’organisation politique iroquoise 1 et affirmant qu’elles caractérisaient cee société, ainsi que toutes celles qui étaient parvenues à un stade technique comparable. De même qu’il existait des sociétés étatiques, il existait donc des sociétés « gentilices ». La structuration de la société en clans était vue comme une étape obligée dans l’évolution sociale, caractéristique de la « Barbarie », c’est-à-dire en termes modernes, du Néolithique et des premiers âges des métaux. Depuis lors, on a découvert l’existence de clans dans bien des sociétés primitives, y compris chez des chasseurs-cueilleurs nomades — mais pas dans toutes. Avant d’examiner s’il est réellement possible (et pertinent) de caractériser une société par la présence de clans, on se propose de commencer par savoir de quoi l’on parle exactement lorsque l’on évoque ce type d’institutions. Comme toute notion anthropologique, le concept de clan est sujet à d’infinies variations de définitions. D’un anthropologue à l’autre, le mot ne recouvre pas exactement les mêmes réalités. On peut toutefois s’accorder sur le fait qu’un clan, tout comme un lignage, est un groupe social auquel les individus sont raachés en fonction d’une a. Cee liste ignore délibérément nombre d’autres variantes que l’anthropologie a cru nécessaire de distinguer, mais dont il nous faut faire abstraction dans le cadre limité de cet exposé.  U    descendance dite « unilinéaire » : l’appartenance se transmet aux enfants par un seul des deux parents. Si l’appartenance au clan dépend uniquement des hommes, on parle de clans patrilinéaires (ou de patriclans) ; lorsqu’elle passe uniquement par les femmes, de clans matrilinéaires (ou de matriclans). Cee propriété est une chose très déroutante pour nous autres membres de la société occidentale moderne. Elle prend toutes nos intuitions à rebrousse-poil, car rien dans notre société ne ressemble de près ou de loin à une telle organisation. Pour la comprendre, on tente souvent de la rapprocher du fait, plus familier à nos yeux, qu’en général, un enfant hérite chez nous du nom de son père et pas de celui de sa mère. Mais ce rapprochement n’est guère éclairant, car les deux institutions n’ont en réalité pas grand-chose à voir l’une avec l’autre. Le nom de famille, qu’il soit celui du père ou de la mère, n’empêche pas la parenté d’un individu d’être constituée au même titre de ses parents maternels et paternels. Ses liens avec le père de sa mère sont de même nature qu’avec le père de son père, la sœur de son père se situe pour lui à la même distance que celle de sa mère, etc. Or, lorsqu’il existe des clans, le plus important n’est pas tant le mode de transmission (par un seul des deux parents) que ce qui est transmis ; en l’occurrence, bien au-delà du nom de famille (qui est en fait, un nom clanique ; par exemple à Rome, le « Julius » de Caius Julius Caesar), l’appartenance à un groupe, appartenance dont les implications sont variables, mais souvent substantielles. Chez nous, deux personnes peuvent certes posséder quelques parents communs ; mais la parenté de chacun, telle qu’il peut par exemple la représenter par un arbre généalogique, est une affaire personnelle ; à part son frère et sa sœur, personne d’autre ne possède la même. Tout cela est une autre manière de dire que la parenté d’un individu, dans notre société, ne forme pas un groupe, au sens d’un groupe constitué en tant que tel. On peut certes définir, sur le papier ou en imagination, l’ensemble de ses parents. Mais cet ensemble, étant variable d’un individu à l’autre, n’a ni organisation ni conscience commune. A fortiori n’agit-il pas en tant que tel dans la vie sociale. De ce point de vue, l’ensemble formé par les parents n’est pas très différent de l’ensemble formé par les amis. Il en va tout autrement dans des sociétés organisées en clans. Là, les groupes de parenté sont en nombre limité (par définition, il y en a Les groupes de parenté  au minimum deux). Dans les cinq tribus de la confédération iroquoise, le nombre de clans variait ainsi de trois à huit 2 . Il peut exister, dans de telles sociétés, des individus exclus de ces groupes de parenté : ce sont les esclaves, et éventuellement les étrangers et leurs descendants qui n’ont pas été adoptés (telle était la situation de la plèbe dans les premiers siècles de Rome). Mais si l’on met ces exceptions de côté et que l’on parle des « citoyens de plein droit », pour employer un anachronisme, le trait saillant est que ceux-ci appartiennent à des ensembles constitués, reconnus comme tels et disposant de certaines prérogatives — celles-ci variant considérablement d’une société à une autre. Les clans n’ont donc rien à voir avec nos propres groupes de parents, avec nos familles et nos noms de famille. Ils déterminent un découpage rigoureux de la société en un certain nombre de corps constitués. Comme Morgan l’avait souligné, ce découpage ne se fait pas sur la base du territoire, mais sur celle de la parenté, en utilisant le mode de filiation unilinéaire qui ne considère qu’un seul des deux parents. Cela ne veut pas dire que l’autre branche de la filiation est inconnue mais simplement qu’en ce qui concerne l’appartenance clanique, elle n’est pas prise en compte. Le clan n’est donc pas une parenté au mode de recrutement un peu bizarre, qui exclurait la moitié de ceux que nous tenons aujourd’hui pour nos parents. Il est avant tout un groupe délimité, une fraction de la société constituée et agissant en tant que telle. Une autre caractéristique des clans est d’être, dans la grande majorité des cas, exogames : les membres d’un clan se considérant comme des êtres du même sang, leur union sexuelle relèverait donc de l’inceste. La plupart des anthropologues admeent néanmoins que des clans puissent être endogames ; plus exactement, l’endogamie de clan est tolérée dans certaines sociétés. Par définition, elle ne peut pas y être la règle : dans des clans qui seraient strictement endogames, la notion de filiation unilinéaire n’aurait plus aucun sens. Cee remarque sur l’inceste en amène une autre. On sait que toutes les sociétés réprouvent à un degré ou à un autre certaines relations sexuelles en les qualifiant d’incestueuses. Or, si la sanction de l’inceste est très variable, les règles qui le définissent le sont tout autant. Dans notre société, l’inceste est une question de degrés de parenté. On l’a déjà dit à propos des interdits édictés par l’Église : ceux-ci, plus  U    ou moins restrictifs selon l’époque, étaient toujours formulés en terme de distances généalogiques. En revanche, dans le cas où il existe des clans exogames, les règles de l’inceste n’ont plus rien à voir avec la distance généalogique. S’ils appartiennent au même clan, deux individus sont considérés comme consanguins alors même que leurs liens de parenté peuvent être si éloignés qu’ils s’avéreraient incapables de les reconstituer. Inversement, l’union avec une cousine dite « croisée » (pour un homme, la fille de la sœur de son père, ou celle du frère de sa mère) est tout à fait possible, puisque par définition, ils n’appartiennent pas au même clan. De nombreuses sociétés tiennent d’ailleurs l’union entre un homme et sa cousine croisée matrilatérale (la fille du frère de sa mère) comme le mariage le plus estimable, et les études sur ce type de mariage ont rempli des rayons entiers de bibliothèques d’ethnologie. Dans la plupart des sociétés, la notion d’inceste ne traduit ainsi que très imparfaitement la nécessité biologique du mélange des gènes — dont l’importance a été fréquemment surestimée, les maladies génétiques n’ayant certainement pas constitué une cause significative de mortalité dans les sociétés primitives. Toujours est-il que les règles de l’inceste sont très différentes d’un peuple à l’autre. Cela montre que même en admeant qu’elles aient été au départ le produit de nécessités biologiques, ces règles ne sont jamais l’expression brute de cee nécessité, mais un produit culturel et social. Revenons aux groupes de parenté. En ce qui concerne le raachement des individus, nous nous sommes bornés jusqu’à présent au système le plus simple et le plus répandu, à savoir la filiation soit par le père, soit par la mère. Mais les sociétés ont parfois déployé des trésors d’imagination pour élaborer des règles plus raffinées. Il suffit de jeter un œil sur quelques-unes d’entre elles pour comprendre qu’en matière de règles de filiation, le clan (unilinéaire) n’est que l’option la plus simple parmi bien d’autres. Plusieurs sociétés ont combiné les principes unilinéaires de diverses manières. Il arrivait que chaque individu hérite de deux appartenances claniques : l’une par sa mère, l’autre par son père ; dans ce cas, le terme consacré est celui de « bilinéarité ». Naturellement ces deux appartenances claniques régissaient alors des domaines différents de l’existence. Une autre application, certes rare, des principes unilinéaires consistait à utiliser une règle différente selon les sexes. Les Ika de l’actuel Nigeria transmeaient ainsi l’appartenance clanique de manière Les groupes de parenté  patrilinéaire lorsque l’enfant était un garçon, et matrilinéaire lorsqu’il s’agissait d’une fille ! D’autres systèmes sont dits « à cordes » : ainsi les Mundugumor de Nouvelle-Guinée 3 , où les règles en vigueur chez les Ika sont en quelque sorte inversées : là, ce sont les fils qui appartenaient au groupe de leur mère et les filles à celui du père. Pour terminer sur ce point, souvenons-nous que nombre de sociétés primitives ne connaissent ni clans ni lignages : les groupes de parenté, s’ils existent, y possèdent alors une tout autre physionomie. Clans et système de parenté O    sur le fait que, contrairement à l’opinion de Morgan, les systèmes de parenté ne traduisent pas du tout les structures familiales, et qu’ils ne traduisent que de manière très imparfaite les interdits de mariage. En revanche, Morgan avait raison de penser que certains systèmes de parenté expriment la structuration de la société en clans exogames. Notre propre système (eskimo) est tout à fait révélateur de l’absence de clans : les individus y sont classés en fonction de leur sexe, de leur génération et de leur distance vis-à-vis de moi. Mais nulle part, dans ce système, n’apparaît l’idée qu’il y a quelque chose de plus important, ou même quelque chose d’autre, que cet éloignement généalogique. C’est la raison pour laquelle les anthropologues ont pu dire que ce système était « centré » sur moi. Il en va très différemment dans les systèmes dravidiens et iroquois (ainsi que dans d’autres systèmes moins répandus, que l’on a choisi de ne pas présenter ici). Au moins pour les parents vus comme les plus importants, ceux de ma génération, de la précédente et de la suivante, le système iroquois procède à une discrimination entre ceux qui sont membres de mon clan et ceux qui ne le sont pas. A contrario, dans le monde arabo-musulman, les clans n’étaient pas exogames et le mariage le plus recherché unissait un homme à sa « cousine parallèle patrilatérale », c’est-à-dire à la fille du frère de son père, par définition du même clan que lui ; significativement, ces sociétés n’utilisaient pas la terminologie de parenté iroquoise. Lorsque des clans sont exogames, tous leurs membres sont réputés être parents par le sang, autrement dit consanguins. Les autres parents sont des parents par alliance, ce qu’en termes anthropologiques on  U    appelle des « affins ». Le système de parenté iroquois, et le système dravidien, avec davantage encore de rigueur, possèdent la particularité de marquer la différence entre consanguins et affins. Prenons le cas des parents de la génération qui précède la mienne, et plaçons-nous dans l’hypothèse où les clans sont matrilinéaires (on pourrait mener exactement le même raisonnement avec des clans patrilinéaires sans que cela change quoi que ce soit). Matérialisons l’appartenance aux clans en disant que j’appartiens, comme ma mère, au clan , et que mon père est du clan . Si ma mère est du clan , cela veut dire que sa mère est elle-même du clan . Le mari de celle-ci (mon grand-père maternel) est d’un autre clan que le  ; s’il n’existe que deux clans, il sera forcément . Mais s’il existe trois clans, ou davantage, il peut être de n’importe quel clan autre que le . Tous leurs enfants, nés d’une mère , seront de toute façon aussi membres du clan  : les sœurs de ma mère (d’autres « mères » en iroquois) et ses frères (mes « oncles »). Du côté de mon père, puisque lui-même est , ses frères (mes autres « pères ») et ses sœurs (mes « tantes ») seront eux aussi du clan . Il en va de même avec les parents de ma génération. Les enfants de toutes mes « mères » sont obligatoirement du même clan que moi ; ce sont mes « frères » et mes « sœurs », avec lesquels je ne peux m’unir sans commere d’inceste. On pourrait prolonger le raisonnement pour mes enfants, ceux de mes « frères », « sœurs », « cousins » et « cousines » classificatoires : là encore, les différences entre les termes employés recouvrent l’appartenance ou la non-appartenance à mon clan. T . : Le système de parenté iroquois et les clans Les groupes de parenté  Ainsi, avec un système de parenté iroquois, et en cas de clans matrilinéaires, je sais à coup sûr que mes « mères » et mes « oncles » sont du même clan que moi. Inversement, je sais aussi que mes « pères » et mes « tantes », mes « cousins » et mes « cousines » sont d’un autre clan. La situation de mes « frères » et « sœurs » classificatoires est plus ambiguë. S’il n’y a que deux clans, je suis certain qu’ils sont du même clan que le mien. S’il y a trois clans ou davantage, les choses sont moins tranchées : leur position de « frères » et de « sœurs » classificatoires indique simplement qu’il est possible qu’ils soient du même clan que moi, ce qui constitue une condition suffisante pour établir une prohibition sexuelle. On a longtemps cru, à la suite de Morgan, que le système iroquois exprime typiquement la division d’une société en clans — plus précisément, sa division la plus simple, en deux clans. En réalité, on a fini par s’apercevoir que si l’on examine les dénominations utilisées pour les parents plus éloignés, comme les cousins au deuxième, troisième degré, le système iroquois révèle certaines approximations. Seul le système dravidien, longtemps confondu avec lui, applique cee logique en toute rigueur et s’avère parfaitement cohérent avec une division de la société en deux groupes exogames. Les différences entre systèmes iroquois et dravidien allant bien au-delà de notre propos, nous renvoyons le lecteur intéressé à des ouvrages spécialisés. Ce qui pourrait n’être qu’un raisonnement se vérifie lorsqu’on examine les sociétés concernées — mais en matière sociale, les choses n’étant jamais aussi simples qu’on le souhaiterait, cee vérification n’est valable que statistiquement. Morgan avait établi que le système eskimo reflète l’absence de clans ; on peut vérifier que sur les  sociétés du SCCS qui l’utilisent, seulement quatre possèdent des clans. Inversement, sur les  sociétés de cet échantillon relevant du système iroquois, seules six ne connaissent clairement aucune forme de clan. En ce qui concerne les  peuples qui emploient le système hawaïen, la situation est en revanche beaucoup moins claire. Ceux-ci se partagent quasiment à égalité entre ceux qui connaissent les clans et ceux qui les ignorent 4 . Les systèmes de parenté, s’ils sont sans rapport avec la famille, ne sont donc pas sans rapport avec l’organisation en clans — même si ces rapports ne sont pas aussi impératifs que le voudrait la stricte logique.  U    Pour que la boucle soit bouclée, il nous faut dire à présent quelques mots du rapport entre les clans et la famille. Clans et famille D    M, le clan et la famille entretiennent une relation contradictoire. D’un côté, Morgan n’a de cesse de démontrer que le clan n’est pas une « grande famille ». Ne serait-ce que du point de vue de sa composition, la famille ne s’inscrit pas au sein du clan : si les clans sont exogames, ce qui est le cas le plus général, chaque couple est par définition composé de deux membres de clans différents. Mais le clan n’est pas non plus une « grande famille » du point de vue de son rôle social. elles que soient les aributions du clan, et cellesci varient considérablement d’une société à l’autre, celui-ci possède toujours des fonctions qui lui sont propres et qui ne sont pas la simple répétition sur une plus large échelle de celles de la famille. Si le clan est le propriétaire collectif de la terre, c’est lui qui la répartit le cas échéant entre chaque unité familiale, qui n’aura alors qu’un droit d’usage. Si le clan est le dépositaire de certains rites religieux, ceux-ci ne peuvent pas être effectués par chaque famille — ces rites peuvent être en partie secrets, et ce serait alors une grave faute, pour l’un des membres d’un couple, que de les divulguer à son conjoint, à la fois d’un autre sexe et d’un autre clan. Et si le clan assume des fonctions politiques, typiquement, la vengeance de ses membres agressés, la solidarité vis-à-vis des crimes joue entre parents, c’est-à-dire entre membres d’un clan, et nullement entre époux ou entre beaux-parents. Du point de vue des solidarités en cas de crime, un membre du même clan est tout ; son sang peut être versé afin de laver l’offense faite par un membre de son clan ; en revanche, une épouse ou un époux ne sont rien. Chez Morgan, le clan précède donc en quelque sorte la famille. Il la précède dans le temps — née au sein de l’organisation clanique, la famille appariée, puis monogame s’est développée au point de la faire finalement éclater. Mais il la précède également sur un autre plan, celui de l’analyse sociale : la famille est une chose, le clan en est une autre et pour comprendre le clan, structure essentielle des sociétés primitives, on ne peut partir de la famille. En ce sens, le clan est donc « premier ». En reléguant la famille monogame au rang d’un produit du développement historique, en faisant remonter les racines de la famille Les groupes de parenté  moderne à une situation de totale licence sexuelle, puis au mariage de groupe, Morgan était certain de s’airer de nombreuses foudres : À ceux qui croyaient fermement en une nature humaine intangible, dotée pour l’éternité des codes moraux occidentaux, la notion de promiscuité paraissait répugnante. […] Avoir affirmé, dans La Société Archaïque, que même les formes matrimoniales modernes d’Europe et d’Amérique plongeaient leurs racines les plus profondes dans une condition primitive où l’humanité était dépourvue de toute régulation du comportement sexuel et de toute règle de mariage, était, en pleine période victorienne, un péché cardinal 5 . Le premier à sonner la charge contre Morgan en défense de l’éternelle famille nucléaire fut McLennan. Il allait être suivi peu après par Edward Westermarck ᵃ, puis par beaucoup d’autres. Bien des adversaires de Morgan le combaaient certes pour de mauvaises raisons. Mais force est de constater que certaines de ses conceptions prêtaient le flanc à des critiques légitimes. En effet, s’il avait parfaitement situé les places respectives du clan et de la famille et si, de ce point de vue, il avait compris que ces deux institutions se situaient sur des plans sociaux différents, il n’avait pu échapper à l’idée que le clan devait tout de même avoir un rapport avec la famille. Non, certes, avec cee famille nucléaire dont les sociologues de la bourgeoisie faisaient l’alpha et l’oméga des formes sociales. Mais avec un type antérieur de famille, le type « punaluen » disparu et reconstruit par lui sur la base des éléments censés être inscrits dans la terminologie de parenté. Ce point concentra les feux croisés de la critique. L’œuvre de Morgan disparut liéralement sous l’accumulation des épithètes qui accablèrent la famille punaluenne et le mariage de groupe. Celui-ci fut dénoncé comme une absurdité qui disqualifiait tout à la fois toute critique de l’éternité de la famille nucléaire et toute théorie évolutionniste en général. En partant ainsi en guerre contre le mariage de groupe, les anthropologues s’en prenaient à la faiblesse la plus visible du raisonnement de Morgan, l’appel à la rescousse par la fenêtre de la a. Edward W (–), anthropologue finlandais dont le principal ouvrage, paru en , s’intitulait Histoire du Mariage. Ce livre constituait un vigoureux plaidoyer en faveur de la primauté de la famille nucléaire, et il représenta un point de ralliement pour les adversaires de Morgan durant plusieurs décennies. Engels lui consacre quelques lignes critiques dans la seconde édition de L’Origine de la famille.  U    famille précédemment chassée par la porte. Le mariage de groupe, fondateur de la famille punaluenne et de l’organisation clanique, pouvait ainsi être doublement condamné : d’une part au nom des matériaux ethnologiques, d’autre part en raison de l’aeinte qu’il portait à l’universalité et à l’éternité des formes de famille actuelles. Ce faisant, les spéculations sur le stade de promiscuité primitive furent donc elles aussi rejetées — à juste titre. Mais la levée de boucliers qui frappa le mariage de groupe alla bien au-delà de ce que celui-ci méritait. Morgan fut invariablement voué aux gémonies pour cee erreur par des gens qui en professaient volontiers une bien pire, consistant à ériger la famille nucléaire au rang de « l’unité absolument universelle de la société humaine 6 . » Face à la diversité des formes familiales présentes dès les sociétés de chasseurscueilleurs, en particulier face à la fréquence de la polygamie, les partisans de cee position se jouaient de la difficulté d’une pirouee allègre, en décidant que « les familles composées [polygames] sont formées de familles élémentaires [nucléaires, monogames] ayant un membre commun 7 . » À ce compte-là, et puisque la rhétorique permet de réduire sans frais toute forme familiale en n’importe quelle autre, on serait tout aussi fondé de soutenir que c’est la famille polyandre qui est « l’unité universelle des sociétés », et que les familles monogames ou polygynes ne sont, au fond, que des assemblages de familles polyandres qui ne comptent qu’un seul homme. En aaquant Morgan sur la succession des formes familiales, ses successeurs ne faisaient pas qu’exprimer leur indignation morale : ils cherchaient à écarter toute analyse évolutionniste des structures sociales. Il n’est pourtant pas besoin d’exagérer la fréquence du mariage de groupe et le rôle qu’il a pu jouer pour réfuter l’idée que les groupes de parenté dériveraient de la famille nucléaire. Celle-ci peut d’autant moins être considérée comme le fondement des clans que ceux-ci sont compatibles, en théorie et dans les faits, avec toutes formes de famille. On l’a dit, le clan n’est pas une « grande famille », ni par sa constitution ni par ses fonctions sociales. Et la théorie de l’école fonctionnaliste selon laquelle les « pères » classificatoires sont une généralisation du rapport paternel à d’autres membres de la société 8 est à peu près aussi intéressante que celle qui verrait dans nos propres institutions politiques une généralisation des rapports familiaux, et Les groupes de parenté  qui considérerait que la fonction présidentielle est née du besoin des citoyens d’une république de se donner un second père en plus du leur. On pourrait multiplier les exemples à l’infini, mais la masse énorme de données ethnographiques montre que la famille est une des institutions humaines les plus plastiques qui soient — de même que les sentiments qui l’accompagnent. Dans toute société humaine, les enfants sont élevés par des hommes et par des femmes ; sous cee forme, l’argument censé prouver l’éternité de la famille nucléaire est inattaquable. Mais s’il vise large, il sonne creux. Car justement, ce sont les formes sous lesquelles les hommes et les femmes constituent des unités socio-économiques et élèvent des enfants qui sont infiniment variables d’une société à l’autre, et c’est cee infinie diversité de formes qu’il est illégitime de vouloir réduire à une seule d’entre elles par une jonglerie verbale. S’il n’est pas possible de dresser un tableau simple de l’évolution de la famille, si chaque grand type de société semble compatible avec des formes familiales très diversifiées, c’est précisément parce que la famille nucléaire n’est au fondement de rien du tout. De toutes les institutions humaines, la famille, souvent présentée comme une des plus naturelles et immuables, est au contraire l’une des plus flexibles. Concernant la famille, il n’existe aucun invariant, hormis la plate constatation qu’il faut un homme et une femme pour faire les enfants et pour les élever — ce second point étant entièrement dû à l’universalité de la division sexuelle du travail qui fait qu’aucune unité socio-économique n’est viable si elle ne rassemble pas des adultes des deux sexes. L’organisation familiale est affaire d’opportunisme ; elle varie d’un peuple à l’autre selon le niveau technique, le milieu, le type d’économie, mais aussi les contingences culturelles, et se plie à une gamme infinie de déclinaisons. La charge contre le mariage de groupe et la famille punaluenne ne manquait donc pas d’ironie. Lorsque les défenseurs de la famille nucléaire éternelle voulurent combare Morgan, ils le firent en aaquant le point de son raisonnement où celui-ci leur avait fait une concession inutile. Car pour être expliqué, le clan n’avait pas besoin d’une forme de famille, même défunte.  U    Existe-t-il une « société clanique » ? J’, on a longuement discuté des caractéristiques formelles du clan : de sa définition, de son mode de recrutement, de ses rapports avec le système de parenté ou la famille. Mais on a laissé de côté deux questions qu’il faut à présent aborder. La première est celle des fonctions du clan, dont on a seulement dit qu’elles étaient très variables d’une société à l’autre. La seconde, qui lui est liée, est celle de savoir s’il a existé, comme le pensait Morgan, un stade clanique (« gentilice ») universellement traversé par l’ensemble des sociétés. Les fonctions du clan Chez les Iroquois, l’exemple de prédilection de Morgan, le clan remplissait de multiples fonctions. Il possédait une dimension économique, puisque c’est lui (plus exactement, l’une de ses subdivisions) qui possédait les terres et les maisons. Ce sont les « matrones », des femmes d’âge mûr, qui dirigeaient chaque longue maison, qui en étaient les intendantes ou les régisseuses. Le clan iroquois formait également une unité religieuse ; un certain nombre d’offices lui étaient réservés et il choisissait en son sein les individus qui devaient les occuper. Mais Morgan voyait aussi, et peut-être surtout, en lui une unité politique, et c’est sur cet aspect qu’il insistait longuement. Bien que dépourvue d’État, ne disposant d’aucun appareil de coercition distinct de la population, la confédération iroquoise était organisée selon une authentique constitution dont les clans lui paraissaient être le fondement. Ceux-ci, en plus de traiter leurs propres affaires internes par des assemblées générales, désignaient des représentants au conseil de tribu. Celui-ci, à son tour, envoyait des délégués au conseil de la confédération. Il n’est donc pas étonnant qu’Engels, sur la base des informations de Morgan, ait vu dans le clan iroquois la forme typique de la démocratie primitive. Or, indépendamment même des sérieux correctifs qu’appellerait la description dressée par Morgan des institutions iroquoises, il suffit de regarder vers d’autres sociétés pour comprendre que les clans n’ont pas partout les mêmes prérogatives. Non loin de là, dans les Plaines, les Les groupes de parenté  Crow étaient eux aussi organisés en clans. Toutefois, ceux-ci n’intervenaient dans aucune pratique touchant à la religion : aucun rite, aucune fonction, aucun objet sacré ne faisait référence à l’appartenance clanique. On pourrait — sans doute à tort — objecter qu’il s’agit là d’une différence assez mineure. Mais toujours en Amérique du Nord, cee fois-ci sur la Côte Nord-Ouest, les clans qui existaient dans certaines tribus ne jouaient aucun rôle politique — les peuples concernés étaient dépourvus de toute espèce d’organisation du pouvoir, même si l’on prend ce terme dans son sens le plus large. Dans une autre région du monde en revanche, celle des îles Buin de l’archipel des Salomon, l’organisation politique existait bel et bien, tout comme la structuration en clans. Pourtant, l’une n’avait rien à voir avec l’autre ; si bien que dans cee société à clans matrilinéaires, la fonction de chef était transmise de père en fils, changeant donc de clan à chaque génération. Ni l’organisation de la politique, ni celle de la religion ne pouvant ainsi être retenues comme des caractéristiques générales des clans, il reste à examiner une dernière possibilité : celle de leurs fonctions économiques. C’est là une des plus anciennes idées de l’anthropologie — et aussi, une des plus controversées. Morgan et Engels, tout comme bien d’autres penseurs du ᵉ siècle tels que Maine ᵃ, qui ne se réclamait d’ailleurs pas particulièrement des idées socialistes, affirmaient cee universalité du rôle économique des clans. La propriété originelle des biens en général, et de la terre en particulier, était tenue pour avoir été primitivement partout collective, et partout aux mains du clan. La propriété privée, pour sa part, n’était censée avoir vu le jour qu’à la suite d’un long processus historique au cours duquel le clan avait été peu à peu dépouillé de ses anciennes prérogatives. Cee opinion a par la suite été abondamment contestée, à plusieurs niveaux. Le plus souvent, les aaques émanaient de gens qui ne dissimulaient guère leur hostilité à la perspective socialiste et qui, ne pouvant la nier, tenaient à minimiser la dimension collective des droits de propriété dans les sociétés primitives. On peut avoir une idée de la a. Henry James Sumner M (–) : juriste et historien anglais. Dans son œuvre principale, Ancient Law, publiée en , Maine oppose les sociétés précapitalistes, fondées sur le statut de naissance, à la société moderne, caractérisée par l’individualisme et la liberté de contracter (thèse résumée dans sa célèbre formule « from status to contract », « du statut au contrat »). Sur les rapports originels entre les sexes, en théorisant l’antériorité universelle de la horde dominée par les mâles, Maine s’opposait de front à Bachofen.  U    manière dont même les plus honnêtes d’entre eux ont posé le problème en citant cee formule de Robert Lowie ᵃ : Alors que le communisme proprement dit, supprimant tous les droits personnels, ne se rencontre probablement jamais, nous trouvons fréquemment la propriété collective, non pas nécessairement de toute la communauté, mais d’un certain groupe 9 . Avec une telle définition du communisme, il n’est pas étonnant en effet qu’on ne l’ait rencontré nulle part. Et gageons que si, dans la même logique, le capitalisme « proprement dit » devait être défini comme une société « supprimant tous les droits collectifs », on serait bien en peine d’identifier une seule société capitaliste dans le monde actuel. Pourtant, Lowie lui-même, s’il insiste longuement sur l’existence de la propriété privée dans toutes les sociétés, illustre de manière très claire dans les nombreux exemples qu’il fournit toutes les limites que rencontre cee propriété dans le monde primitif. En particulier, quelle que soit la manière dont les choses se passent — elles peuvent certes se passer de manière très variable d’une société à l’autre —, et si l’on met de côté la situation des éventuels esclaves, les sociétés primitives se caractérisent par le libre accès de chacun de leurs membres aux moyens de production, en premier lieu la terre. Toutes ces sociétés, depuis les chasseurs-cueilleurs nomades jusqu’aux barbares de l’âge du fer, au-delà de tout ce qui les différencie les unes des autres, ignorent l’existence d’une classe de travailleurs séparés de leurs moyens de travail. Cee caractérisation, essentielle, reste néanmoins incomplète : elle affirme que tous les membres de la société ont de droit un libre accès aux moyens de production ; elle ne dit pas comment, et par qui, ces moyens de production sont répartis, gérés et transmis dans les faits, ni selon quelles règles chacun y accède. Or, c’est sur ce point que les sociétés primitives connaissent une infinie variété de situations et que le clan a été un peu rapidement vu au ᵉ siècle comme le détenteur par définition des droits collectifs sur les terres. De nombreux travaux ont depuis confirmé ce cas de figure. Mais on a également observé des peuples chez qui ces droits étaient détenus par a. Robert Harry L (–) : anthropologue américain, spécialiste des Indiens de l’Amérique du Nord. Disciple de Franz Boas, il fut un des chefs de file de la lue contre les idées évolutionnistes. Son ouvrage le plus célèbre, Traité de sociologie primitive (), s’emploie abondamment à réfuter les affirmations de Morgan. Les groupes de parenté  des groupes plus restreints, comme des fractions de clans, voire des familles nucléaires ou des individus. On a rencontré aussi, le plus souvent chez des agriculteurs, des situations mixtes où une partie des terres est possédée et utilisée à titre collectif, l’autre partie étant aribuée aux individus de manière temporaire ou définitive. On a surtout rencontré des situations où les terres étaient l’objet de multiples droits de natures diverses, qui ne se laissent guère résumer dans nos catégories de propriété « privée » ou « collective ». Malinowski raconte ainsi ses déboires dans les îles Trobriand, en Mélanésie : Le droit foncier aux Trobriand est plutôt complexe. […] Lorsque je commençai à étudier la question, je reçus de la part de mes informateurs indigènes une série d’affirmations générales telles que « le chef possède toute la terre », ou « chaque parcelle a son propriétaire », ou « tous les hommes d’un village possèdent la terre collectivement ». Dans certains cas, on me donna successivement jusqu’à cinq « propriétaires » pour une parcelle, chaque réponse, comme je le découvris plus tard, contenant un morceau de la vérité, mais aucune n’étant correcte par elle-même 10 . Et Malinowski de souligner que « la principale difficulté est que nous donnons notre propre sens du mot “propriété” au mot indigène correspondant 11 », un point que Marx et Engels avaient déjà maintes fois relevé 12 . Dans de telles sociétés, même lorsque la propriété sur la terre semble avoir une physionomie qui se rapproche de la nôtre, elle se trouve toujours encadrée, limitée par des dispositions qui l’empêchent de devenir l’axe autour duquel s’organise toute la vie économique et sociale. La terre non travaillée, en particulier, n’est jamais susceptible d’être appropriée par quiconque ; elle appartient toujours, d’une manière ou d’une autre, à la collectivité, et c’est cee réserve de terres qui garantit à chacun de pouvoir en travailler une portion pour subvenir à ses besoins. On n’entrera donc pas ici dans les discussions juridiques souvent très difficiles qui ont opposé les anthropologues pour déterminer si dans telle ou telle société, le clan est effectivement propriétaire du sol, et dans quel sens il faut entendre le terme de « propriétaire ». Il nous suffira de savoir que la situation est effectivement beaucoup moins simple qu’on ne l’avait imaginé au ᵉ siècle et que les droits collectifs sur les terres, s’ils existent partout, ne sont pas obligatoirement exercés par le clan en tant que tel. On se contentera de donner un seul exemple, mais qui, à sa manière, tranche radicalement  U    la question : celui des Aranda (ou Arunta), une tribu du centre de l’Australie. Les clans aranda étaient en charge de pratiques religieuses essentielles, puisqu’à chacun d’eux incombait le rituel censé assurer la reproduction magique des espèces sur un territoire donné. À côté de cela, les clans n’intervenaient dans aucun autre aspect de la vie sociale ; ni dans les règles de résidence (les individus étaient libres de se regrouper comme bon leur semblait), ni dans les questions de pouvoir — l’Australie ne connaissait aucune forme d’organisation politique. Et surtout, sur le plan qui nous préoccupe, ils ne jouaient absolument aucun rôle économique : leur rapport avec la portion de territoire à laquelle ils étaient associés se limitait au rituel religieux dont on vient de parler. Le clan n’était ni le possesseur, ni le gérant, ni même l’occupant de ce territoire. Tout cela signifie que le clan, s’il peut facilement être défini du point de vue de sa forme (un groupe de parenté à filiation unilatérale), ne peut pas l’être par ses fonctions ; celles-ci changent radicalement d’une société à l’autre. Il n’existe pas de fonctions universelles du clan 13 . C’est un point très important, qui jee un premier doute sur la pertinence de la catégorie de « société clanique ». En disant qu’une société est « clanique », on dit qu’elle possède une certaine forme d’organisation, qu’elle répartit au moyen de la filiation unilinéaire l’ensemble de ses membres en un nombre défini de groupes. Mais on ne dit rien de la place que tiennent ces groupes, ni de leur rôle. Sur cet aspect, comme sur d’autres, Morgan a donc été victime du caractère parcellaire de ses informations ethnologiques, et il a indûment généralisé à l’ensemble des sociétés primitives les traits de la société iroquoise et de certaines des tribus indiennes voisines. La « société clanique » peut d’autant moins prétendre au rôle de stade obligé de l’évolution que d’une part, on compte des centaines de sociétés non étatiques où les clans n’existent pas ; et que d’autre part, dans ces sociétés non étatiques, le clan est loin d’être la seule forme d’organisation connue. Des sociétés primitives sans clans Premier point, donc, pour les sociétés primitives, le clan est une organisation possible, mais qui n’a pour autant rien d’obligatoire. En Amérique même, nombre de tribus indiennes l’ignoraient ; chose notable, on ne peut établir aucune relation entre le niveau technique Les groupes de parenté  des tribus et la présence ou l’absence de clans. Ainsi, des peuples tels que les Comanches, les Cheyennes ou les Naskapi-Montagnais, d’un niveau technique équivalent, voire inférieur à celui des Iroquois, ignoraient les clans. Bien sûr, il est toujours possible que les clans y aient existé par le passé et qu’ils aient disparu à un stade plus précoce que chez les Iroquois. Cee hypothèse pourrait être retenue si le clan apparaissait comme une organisation largement présente chez les chasseurs-cueilleurs nomades et rare chez les horticulteurs. Cependant, c’est très loin d’être le cas. En Australie, l’organisation clanique était générale. D’autres chasseurs-cueilleurs nomades, lorsqu’ils furent observés par l’anthropologie, étaient structurés en clans : c’est par exemple le cas des Vedda du Sri Lanka ou des Selknams de la Terre de Feu. Mais la liste des chasseurs-cueilleurs nomades et qui ignoraient toute forme de clans est au moins aussi longue : on y trouve pêle-mêle, et parmi bien d’autres, les Hadza de Tanzanie, les Semang de Malaisie, les Mbuti, les Inuits, les Andamanais et les !Kung. Certains auteurs d’inspiration marxiste, tel Raoul Makarius 14 , ont défendu l’idée que ces chasseurs-cueilleurs dépourvus de clans n’étaient pas représentatifs de leurs homologues des époques passées : ayant survécu dans des milieux hostiles et marginaux, ils avaient vu leurs institutions claniques dégénérer et disparaître. Par conséquent, l’idée que l’organisation clanique était universelle au Paléolithique supérieur devait être considérée comme toujours valable, malgré les contre-exemples contemporains. Cet argument peut paraître séduisant ; il est en réalité assez faible. En tout état de cause, il fait figure d’hypothèse ad hoc que rien ne permet d’étayer — ni d’ailleurs de démentir, puisque ces clans jadis bien vivants sont supposés avoir disparu sans laisser aucune trace. Mais pourquoi certains chasseurscueilleurs observés à l’époque contemporaine, comme les Australiens, auraient-ils conservé leurs clans et pas les autres ? el rapport de cause à effet est-il censé exister entre la survie dans un environnement marginal ou hostile, et la disparition des clans ? Cee dernière question se pose avec d’autant plus d’acuité que le clan est la seule dimension de ces sociétés à propos de laquelle Raoul Makarius propose son hypothèse. On peut donc se demander pourquoi ces sociétés auraient conservé intactes toutes leurs autres institutions (comme leur mode de subsistance, leur structure économique égalitaire, leurs croyances religieuses ou leurs structures familiales) alors que les clans,  U    et eux seuls, auraient été éliminés. Au sujet des clans, nous disposons de quelques exemples plus récents pour lesquels des informations fiables nous permeent de dépasser les simples conjectures : il s’agit notamment de la Grèce et de Rome. Or, à tout prendre, ces deux cas plaident au contraire en faveur de l’idée que le clan représente une institution assez résistante, puisque même après que l’État est apparu, les clans grecs et romains (les gens) perdurèrent durant des siècles tout en étant privés des fonctions essentielles qui avaient autrefois été les leurs (en l’occurrence, politiques), et en se contentant de jouer un rôle relativement mineur (essentiellement religieux). Il n’existe donc pas de raison convaincante de supposer que les sociétés de chasseurscueilleurs aujourd’hui dépourvues de clans en aient nécessairement possédé par le passé. Par conséquent, il n’existe pas non plus de raison de penser que les clans ont constitué une forme obligée de l’évolution sociale. Cee question comporte un second aspect : on sait depuis longtemps que le clan n’est pas le seul mode d’organisation des sociétés primitives. À la place des clans, ou à côté d’eux, d’autres types de groupes sociaux peuvent exister 15 . L’ethnographie a relevé au moins trois autres grandes possibilités. Les ramages La première, elle aussi fondée sur les relations de parenté, est connue sous le nom de « ramage ». À l’instar du clan, le ramage est un groupe de parenté constitué. En règle générale, il est présent uniquement dans les sociétés dépourvues de clans 16 . Il se différencie de ceux-ci par le fait que l’appartenance y est transmise par l’un et l’autre des deux parents (on parle alors de filiation cognatique). Ainsi, le sib des anciens Germains était un ramage. Faut-il le préciser, toutes les sociétés où la filiation est cognatique ne possèdent pas forcément des ramages. C’est le cas de la nôtre, où, comme on l’a déjà remarqué, les parents ne forment pas un groupe constitué et agissant en tant que tel. Le raachement au ramage obéit à des règles assez variables d’une société à l’autre. Parfois, le mécanisme rappelle celui d’une structure en clans : il répartit l’ensemble des membres de la société dans un certain nombre d’unités qui ne se recoupent pas et qui exercent différentes fonctions économiques, politiques ou religieuses. Dans ce cas, il faut empêcher qu’un individu soit raaché à plusieurs ramages, l’un Les groupes de parenté  par son père, l’autre par sa mère… voire davantage, si les liens par des parents plus éloignés étaient autorisés. La société doit alors résoudre une difficulté qui n’existe pas avec la filiation unilinéaire, qui garantit par définition que chaque individu appartiendra à un clan et un seul. Mais cee difficulté n’a rien d’insurmontable, et on lui a trouvé de multiples solutions. Ainsi à Mangaia, dans les îles Cook, ou à Nukuoro, en Micronésie, l’affiliation au ramage se faisait sur la base de l’alternance dans l’ordre de naissance, un enfant sur deux étant raaché au ramage paternel, l’autre au ramage maternel. Les Iban de Bornéo apportaient une certaine souplesse par rapport aux systèmes précédents. En effet, les adolescents restaient sans ramage, et c’est seulement lors du mariage et de l’installation du couple que celui-ci choisissait son ramage et par conséquent, son lieu de résidence (les ramages étant en l’occurrence des unités localisées). Les droits liés à l’appartenance au second ramage étaient alors définitivement perdus. Cee solution avait sans doute l’avantage d’ajuster avec une certaine fluidité la population fluctuante des différents villages aux terres disponibles. Jusqu’à présent, nous avons parlé de ramages dont le mode de recrutement se différenciait de celui des clans, mais qui, comme eux, imposaient aux individus un raachement unique. Mais on a observé d’autres situations, où les appartenances multiples étaient possibles, voire encouragées. Dans certaines tribus, il était possible de conserver toute sa vie des droits latents dans d’autres ramages que celui dans lequel on résidait, par exemple en faisant des visites, en rendant des services, en participant à certaines cérémonies religieuses… De tels systèmes étaient fréquents en Océanie ou à Madagascar. Chez les Maoris de Nouvelle-Zélande, l’unité villageoise portait le nom de hapu. C’était un groupe de parenté (chaque hapu se référait à un ancêtre fondateur) auquel on était raaché par tous ses ascendants. Un individu pouvait donc posséder des droits à la fois dans le hapu de son père et dans celui de sa mère, lorsque ceux-ci étaient issus de deux hapu différents (ce n’était pas forcément le cas). À ces droits s’ajoutaient ceux dans tous les autres hapu auxquels ses aïeux avaient appartenu. Lorsqu’on décidait de résider dans un hapu, les droits vis-à-vis des autres hapu n’étaient pas perdus, mais mis en réserve, à condition de continuer à observer vis-à-vis d’eux certaines obligations. Dans le cas contraire, les droits s’éteignaient. Avec de telles règles, on comprend que les Maoris possédaient une mémoire généalogique  U    impressionnante : de celle-ci dépendait la possibilité pour les individus de faire valoir leur accès aux différentes terres 17 . Parmi certaines tribus indiennes de la Côte Nord-Ouest, l’appartenance aux groupes de parenté dépendait de la capacité des individus à acquérir un des noms spéciaux appartenant traditionnellement à ce groupe. Le nom pouvait être celui du père ou d’un proche parent, et il était possible, sous réserve d’avoir acquis plusieurs noms, d’appartenir à plusieurs groupes. Chez les Bella Coola, par exemple, cee acquisition se faisait au travers d’une fête très onéreuse, le potlatch, et seuls les plus riches pouvaient se payer le luxe d’appartenir à plusieurs groupes de parenté. Tout groupe de parenté n’est donc pas unilinéaire, et tout groupe de parenté ne découpe pas forcément la société en unités disjointes, comme le font les groupes unilinéaires. Et là encore, rien ne permet de penser que ces deux formes d’organisations seraient liées par une quelconque relation chronologique, l’une ayant nécessairement succédé à l’autre. Les deux formes apparaissent comme deux possibilités de diviser une société en groupes sur la base de la parenté, possibilités ayant préférentiellement été explorées dans certaines aires culturelles. L’Afrique et l’Eurasie étaient les continents de prédilection des groupes unilinéaires, tandis que le Pacifique et les deux Amériques étaient les zones où se sont épanouis proportionnellement le plus de ramages ; ce sont aussi celles où l’on constatait le plus fréquemment l’absence de tout groupe de parenté constitué. Des groupes qui ne sont pas de parenté Bien des sociétés primitives ne connaissent en effet ni clans, ni ramages. Mais l’absence de tout groupe de parenté ne signifie pas l’absence de tout groupe social organisé — pas plus que la présence de groupes de parenté n’exclut celle d’autres groupes, fondés sur d’autres critères. Même si elle joue souvent un rôle primordial qui avait frappé Morgan et sur lequel celui-ci avait à juste titre insisté, la parenté n’est donc pas le seul axe autour duquel la vie sociale est susceptible de s’organiser dans les sociétés primitives. Ainsi, une des structures les plus fréquentes est celle des classes d’âge, qui définissaient elles aussi des groupes constitués. Le passage d’une classe d’âge à l’autre se faisait de manière publique, au cours d’une cérémonie qui officialisait le changement aux yeux de la Les groupes de parenté  communauté. Le principe des classes d’âge pouvait se prêter à d’extrêmes raffinements. C’est ainsi que chez les Hidatsa, des Indiens des Plaines, on n’en comptait pas moins de dix, dans lesquelles se répartissaient tous les individus masculins depuis les garçonnets de dix ans jusqu’aux vieillards. Chaque classe devait se préoccuper d’acquérir les droits de la classe qui la précédait, cee cession s’effectuant sur la base de paiements collectifs assez élevés, ce qui conférait à cee organisation complexe une place de premier plan dans la vie sociale des Hidatsa. D’une manière générale, certains peuples combinaient une organisation en clans et en classes d’âge, d’autres connaissaient l’une sans l’autre ; mais là encore, rien ne permet de déduire a priori le rôle dévolu à chacune de ces organisations, ce qu’elles permeaient et ce à quoi elles obligeaient. Si l’on excepte le cas des sociétés à filiation cognatique qui autorisaient le choix du ou des ramages, on pourrait avoir l’impression que les membres des sociétés primitives étaient toujours prisonniers de groupes auxquels ils étaient raachés quoi qu’ils fassent, par la naissance ou par leur âge. Cee image n’est pas entièrement fausse ; mais elle mérite d’être nuancée. Ce type de structure, s’il est très répandu dans ces sociétés, n’est en effet pas universel. Même les sociétés techniquement les plus frustes, celles des chasseurs-cueilleurs nomades, sont très loin de présenter un visage uniforme de ce point de vue. La parenté, par exemple, omniprésente chez les Australiens, fondant des clans, des moitiés et des sections possédant de lourdes implications matrimoniales et religieuses, jouait un rôle tout à fait mineur chez les !Kung ou les Inuits, qui ne connaissaient ni clans, ni ramages, ni classes d’âges, ni d’ailleurs aucune autre forme de groupes constitués. Parmi de nombreux peuples, il existait d’autres types de groupes sociaux que l’on désigne par le terme large d’associations (ou parfois par celui, plus impropre, de sociétés secrètes), auxquels les individus choisissaient de s’affilier au cours de leur vie — sous réserve d’y être acceptés. Pour en devenir membre, il fallait se soumere à l’apprentissage approprié et au besoin, à un paiement qui pouvait aller d’une somme symbolique à un montant beaucoup plus élevé. Certaines associations étaient assez largement ouvertes, d’autres extrêmement sélectives. Certaines acceptaient toutes les candidatures, d’autres n’organisaient que les hommes, que les femmes, ou que les individus  U    d’un certain âge. Les clubs anglais de l’époque victorienne, strictement réservés aux individus masculins jugés socialement respectables par leurs pairs, et qui pensaient représenter la fine fleur de la civilisation, n’avaient donc rien inventé ! Certaines associations regroupaient des dizaines, voire des centaines, de membres. D’autres, s’il est permis de parler d’associations à leur sujet, se réduisaient à un partenariat conclu entre deux individus, à l’instar des Inuits Netsilik qui créaient ainsi, en quelque sorte, une « coopérative » de partage du gibier 18 . Les associations jouaient parfois un rôle très important dans la vie sociale, pouvant même éclipser celui des clans lorsque ceux-ci existaient : il n’était pas rare que les liens d’entraide ou de parrainage tissés dans les associations prennent le pas sur les liens claniques, par exemple pour la réalisation de certains travaux collectifs. C’est sans aucun doute chez les Indiens des Plaines de l’Amérique du Nord que se rencontrait la plus grande profusion d’associations : tout y était prétexte, qu’il s’agisse de la vie militaire, religieuse ou même de simples loisirs. Ainsi parmi les tribus indiennes, les associations de guerriers foisonnaient, certaines choisissant comme mascoes de belles jeunes femmes. elques associations étaient particulièrement élitistes, telle les Chiens Rouges des Kiowa, qui comptait seulement dix guerriers, réputés comme les plus braves, et dont les membres exhibaient fièrement leur signe distinctif sur les champs de bataille. Les hommes mûrs, pour leur part, avaient accès à de prestigieuses sociétés réservées aux anciens braves, comme chez les Lakota. Les Mandan avaient raffiné la chose : leurs associations comportaient une série d’échelons qui, pour être gravis, exigeaient des paiements de plus en plus élevés. Les femmes, si elles participaient traditionnellement moins que les hommes à des associations, n’étaient toutefois pas en reste. C’est ainsi que, chez les Cheyennes, il existait une guilde rassemblant les décoratrices de tipis. ant aux femmes pawnees non mariées, elles pouvaient intégrer une association dont les membres se distinguaient à la fois par l’obligation de porter de vieux vêtements et par le privilège de torturer les prisonniers. Terminons ce bref inventaire par un mot sur les associations dites de rêveurs, à tonalité plus ou moins religieuse, qui rassemblaient les individus ayant eu des visions de certains animaux (l’ours, le cerf, le bison, etc.). Certaines d’entre elles étaient en charge de cérémonies Les groupes de parenté  déterminées : chez les Lakota, les rites liés à l’amour et à la sexualité étaient conduits par les rêveurs de wapiti. Dans plusieurs tribus comme les Cheyennes, les Crow et les Arapaho, une catégorie particulière de rêveurs était représentée par les clowns contraires, des individus étranges, guerriers féroces mais accomplissant la majeure partie des actes de la vie quotidienne à l’envers, et qu’illustre un personnage secondaire du célèbre film Lile Big Man 19 . ions les Plaines pour nous diriger vers l’Afrique de l’Ouest et la Mélanésie. Là encore, les associations pullulaient. Et tout comme dans les Plaines, il n’était pas rare qu’elles soient strictement hiérarchisées, l’avancement dépendant de l’accomplissement de certaines obligations, de paiements, ou d’une combinaison des deux. Certaines d’entre elles étaient en charge de pouvoirs très étendus vis-à-vis de l’ensemble de la tribu, servant par exemple de bras armé pour appliquer la peine de mort. Pour illustrer le développement parfois à peine croyable qu’avaient pu connaître ces associations, on doit citer le cas de Mota, dans l’archipel des Vanuatu. Longue de trois kilomètres et peuplée de  âmes, cee île n’abritait pas moins de soixante-dix-sept associations, dont chacune possédait ses propres emblèmes, masques et danses — la plupart des hommes étant bien sûr affiliés à la fois à plusieurs d’entre elles 20 . « Société gentilice » ou « démocratie militaire » ? Ce trop bref tour d’horizon nous a apparemment éloignés de notre point de départ ; il est temps d’y revenir, pour conclure sur la notion de « société gentilice », ou pour prendre un terme plus actuel, clanique. Caractériser les sociétés par la présence d’une institution, le clan, défini par un certain nombre de critères formels, est donc une entreprise qui ne mène nulle part. Pour ne parler que des seules sociétés primitives, et même en assimilant au clan l’ensemble des structures de parenté unilinéaires (en particulier les lignages), la présence ou l’absence de clans n’éclaire guère l’ensemble de la structure sociale. Les clans existent dans des sociétés aussi différentes que les chasseurscueilleurs nomades et égalitaires d’Australie ou certains peuples socialement stratifiés possédant un embryon d’État tels que les Bemba d’Afrique subsaharienne. Inversement, des sociétés à un niveau de développement équivalent peuvent aussi bien connaître les clans que les ignorer ; comporter d’autres types de groupes de parenté, ou n’en  U    comporter aucun. Elles peuvent également, tout en possédant ou non des clans, avoir créé parallèlement d’autres organisations, telles que les classes d’âge et les associations. ant aux fonctions et à l’importance de toutes ces institutions dans la vie sociale, seule l’observation au cas par cas peut permere de les connaître ; il n’existe en la matière aucune généralité valable en toute circonstance. Il est vrai qu’en forgeant le concept de « société gentilice », Morgan cherchait en réalité moins à désigner l’ensemble des sociétés primitives qu’à caractériser ce type particulier ayant précédé l’émergence de certains États et dont les Iroquois étaient à ses yeux les éminents représentants : une société relativement égalitaire (mais relativement seulement, et certainement moins qu’il ne le croyait), regroupant des hommes libres organisés de manière démocratique sur la base de la parenté. Ce sont ces traits que Morgan avait cru reconnaître également chez les anciens Grecs et les anciens Romains, et qui lui avaient fait regrouper ces peuples sous une même appellation générique. De ce point de vue, le terme de « démocratie militaire » utilisé parfois par Morgan et repris par Marx et Engels 21 semble une désignation plus pertinente — même si chez ceux-ci, la « démocratie militaire » n’était pas à proprement parler un synonyme de la « société gentilice », mais plutôt son stade ultime, celui de son apogée et de sa prochaine dégénérescence. L’anthropologie a identifié bien d’autres sociétés pouvant prétendre au titre de « démocraties militaires », à commencer par la plupart des tribus indiennes des Plaines. Et l’on peut insister sur le fait que le clan pouvait y jouer un rôle assez secondaire, voire en être totalement absent, sans que leur allure générale en soit affectée. Ce n’est donc pas en soi la présence de clans qui est significative : c’est l’absence d’État, conjointement à l’existence d’une organisation politique qui était l’émanation directe de l’ensemble des membres de la tribu. Or, cee organisation, si elle peut s’articuler sur les clans, peut tout aussi bien se passer d’eux. C’est si vrai qu’inversement, on dispose de maints exemples de sociétés pourvues d’organisations unilinéaires (clans ou lignages), mais où l’évolution vers la stratification sociale n’emprunte pas du tout les mêmes voies ; dans ce cas, clans et lignages n’apparaissent pas comme les garants de la vie démocratique, mais au contraire comme les instruments du despotisme naissant. C’est par exemple le cas en Afrique subsaharienne, où là où elle existe, l’organisation lignagère Les groupes de parenté  fournit le cadre d’un pouvoir très fort du chef sur les autres membres, celui-ci pouvant disposer à peu près à sa guise de leur travail, de leurs biens, et même de leurs personnes, en pouvant notamment les vendre comme esclaves à d’autres lignages. D’ailleurs, à la différence de ce qui s’est passé en Europe, l’émergence de l’État en Afrique n’a le plus souvent pas signifié la disparition de cee organisation lignagère. Dans la plupart des grands royaumes d’Afrique noire tels que l’Ashanti, le Congo ou le Dahomey, celle-ci avait été soumise, mais conservée presque intacte pour être intégrée au nouvel appareil. C’est également vrai de l’Amérique, où les formes étatiques des empires inca ou aztèque, loin de les détruire, avaient conservé et intégré les groupes de parenté dans leur structure administrative. La conviction selon laquelle pour naître, l’État devait obligatoirement dépouiller les groupes de parenté de la totalité de leurs fonctions politiques avait d’ailleurs conduit Morgan (et dans ses pas, Engels 22 ) à une de ses erreurs aujourd’hui les plus flagrantes ; un chapitre entier de La Société archaïque est en effet consacré à affirmer que la société aztèque, où les clans (nommés calpulli 23 ) avaient conservé un rôle éminent, était par conséquent non étatique et qu’elle se situait au « stade moyen de la Barbarie » 24 . Pour en terminer sur ce point, il faudrait enfin examiner la conviction de Morgan selon laquelle la démocratie militaire (sa « société gentilice ») représenterait le stade nécessaire et universel de la transition à l’État, conviction qu’Engels paraît approuver tacitement dans L’Origine de la famille, ce qui a entraîné des polémiques aussi innombrables que vaines sur sa supposée trahison vis-à-vis des thèses de Marx sur le mode de production asiatique. Sans se laisser entraîner au-delà des limites de ce texte, on peut simplement dire que là encore, si la démocratie militaire jalonne une voie possible vers l’émergence des classes et de l’État, cee voie est manifestement très loin d’être la seule.  Chapitre D Famille et parenté, quel évolutionnisme ? Un bref état des connaissances M     d’une pierre trois coups : en reconstituant l’histoire des systèmes de parenté, il pensait avoir également retracé celle des formes familiales et des interdits d’inceste (ce qui, selon ses conceptions, était la même chose, au moins pour le lointain passé). Comme on l’a vu, cee tentative a échoué. Les formes familiales, pas plus que les interdits d’inceste et les systèmes de parenté, ne peuvent être rangées selon un ordre chronologique d’apparition et situées à des étapes précises de l’évolution sociale. La famille, indépendante du système de parenté, n’entretient elle non plus aucune relation simple et générale avec le mode de subsistance et les formes économiques. Bien entendu, le fait qu’il n’existe pas de relation simple ne signifie pas que cee relation soit absente. La polyandrie, par exemple, d’autant plus intrigante qu’elle reste très rare, a souvent été interprétée comme un moyen, dans certaines circonstances, d’éviter le fractionnement de la propriété foncière. Elle est aussi, et peut-être surtout, la conséquence de l’infanticide des filles auquel se livrent des sociétés qui vivent dans des milieux particulièrement difficiles. On a également vu que la polygynie possédait dans les sociétés à richesse une incontestable dimension économique ; l’accumulation des épouses y apparaît tout à la fois comme le résultat et comme un facteur de l’enrichissement de l’homme. Mais la polygynie existe, y compris sous ses formes les plus extrêmes, dans des sociétés sans richesse, comme en Australie aborigène. Inversement, elle est absente de bien des sociétés inégalitaires, à commencer par celle des Iroquois.  U    Même lorsque arrivent la civilisation et l’État — qui tend à promouvoir un modèle familial unique, cet État étant souvent adossé à une religion édictant des normes en la matière — les voies empruntées n’ont pas été les mêmes partout, même à structures économiques équivalentes. Et si l’on est tenté d’expliquer l’avènement de la monogamie dans la grande majorité des civilisations modernes par l’action de déterminismes économiques, ceux-ci s’avèrent redoutablement difficiles à cerner avec précision ; le plus vraisemblable est qu’ils se combinent avec d’autres causes dans un enchaînement complexe 1 . ant à l’affirmation, souvent rencontrée, selon laquelle la naissance de la famille « patriarcale », là où elle eut lieu, était liée à celle de l’État 2 , elle semble mériter une prudence d’autant plus grande que le concept même de famille « patriarcale » est sujet à des définitions passablement floues. Les formes familiales, on l’a souligné plusieurs fois, loin d’obéir à une quelconque « nature » humaine, sont parmi les institutions les plus plastiques qui soient. Mais, contrairement à ce que pouvaient imaginer les penseurs hardis du ᵉ siècle, leur succession n’obéit à aucune règle générale, qui les lierait de manière immédiate aux formes économiques. Bien sûr, on a pu mere certaines corrélations en évidence. Ainsi, il apparaît que les formes familiales les plus complexes ont tendance à se concentrer aux étapes intermédiaires de l’évolution sociale. Inversement, les formes familiales les plus restreintes se trouvent en majorité parmi les sociétés égalitaires à un pôle, et les sociétés étatiques à l’autre 3 . Mais il ne s’agit une fois encore que d’une tendance statistique, qui connaît de nombreuses exceptions. Le contexte économique intervient donc, pour une part, dans la détermination des formes familiales. Mais il n’y a pas forcément de famille typique de chaque stade technico-économique. On a évoqué la polygynie. On pourrait examiner tour à tour la division familiale du travail, la considération dont jouit chaque membre du couple, la manière dont sont élevés les enfants, la transmission des biens, etc. Un tel tableau dépasserait largement le cadre de ce livre ; il abonderait néanmoins dans le même sens. L’union libre, par exemple, modèle familial qui se répand aujourd’hui au sein de certains pays capitalistes occidentaux, peut certes être interprétée comme une extension au domaine familial de la liberté de contracter — et donc, Famille et parenté, quel évolutionnisme ?  de rompre — si typique des rapports de production capitalistes. Il y a certainement du vrai dans cee manière de voir les choses. Cela n’empêche pas l’union libre d’avoir également été le modèle familial des Inuits, chasseurs-cueilleurs nomades égalitaires… mais certainement pas de la plupart des Australiens, eux aussi chasseurs-cueilleurs nomades égalitaires, dont la conception de la famille se situait, tout comme leur territoire, aux antipodes des Inuits. Et pour en revenir au mode de production capitaliste, laquelle de cee union libre, actuellement en plein essor dans les pays développés, ou de la famille monogame consacrée par le lien religieux, typique de l’Occident du ᵉ siècle, devrait-elle en être tenue pour la plus caractéristique ? En fait, si les conditions économiques exercent bel et bien une influence sur les formes familiales, elles ne le font que de façon indirecte, au milieu d’une multitude d’autres facteurs, à la manière dont la nature du terrain influence l’art militaire. Bien piètre serait le tacticien qui choisirait, en livrant un combat, d’ignorer la conformation du champ de bataille. Mais tout aussi piètre serait l’historien qui croirait que les batailles menées au cours des âges sur des terrains similaires ont toutes revêtu la même physionomie. Voilà pourquoi, sous peine de tordre les faits pour les forcer à se plier aux conceptions d’un matérialisme trop étroit, on doit tout à la fois reconnaître l’influence des conditions matérielles sur les formes familiales et renoncer à l’idée que cee influence se soit exercée de manière à faire naître une série évolutive simple. La conclusion, on l’a vu, n’est guère différente en ce qui concerne les systèmes de parenté. Leur succession dans le temps, telle que Morgan avait cru pouvoir la reconstituer, apparaît aujourd’hui comme une spéculation que plus rien ne permet d’étayer. De même que chaque forme de famille, Morgan avait cru pouvoir situer chaque système de parenté dans les différents stades de la préhistoire humaine. Ainsi, le système hawaïen était-il censé être typique de la Sauvagerie et, à la rigueur, du stade inférieur de la Barbarie. Le système iroquois, lui, était censé correspondre à la Barbarie et le système eskimo à la Civilisation. Chez Morgan, cee relation ne s’inscrivait pas dans un authentique raisonnement matérialiste. Morgan établissait une chronologie ; il situait les différents systèmes de parenté dans le temps. Mais il ne semble pas avoir voulu expliquer l’évolution des systèmes de parenté, même de manière indirecte, par l’évolution  U    technique. Par exemple, l’invention de l’arc, qui marque le passage au stade supérieur de la Sauvagerie, et les possibles modifications de l’organisation de la chasse qui en ont résulté, ne sont nulle part mentionnées par Morgan comme une cause, même lointaine, de l’invention de l’exogamie de clan, censée inaugurer pour sa part le passage de la famille consanguine à la famille punaluenne. En négligeant d’un côté l’Australie, seul ensemble à ignorer l’arc, et doté dans la plupart des cas de systèmes de parenté aussi complexes que spécifiques, et de l’autre les sociétés étatiques, nous pouvons répartir les sociétés du SCCS en trois groupes (chasseurscueilleurs nomades se situant au niveau technique du Mésolithique, sociétés d’horticulture et/ou d’élevage néolithiques, sociétés pratiquant une forme intensive d’agriculture), qui correspondent très approximativement au progrès technique et à une stratification sociale croissante. De manière frappante, chacun des principaux systèmes de parenté se trouve largement représenté à chacun de ces trois grands stades, ce qui ne serait évidemment pas le cas s’il existait entre eux un ordre clair de succession historique. Chasse-cueillee Agriculture Agriculture intensive TOTAL Hawaïen     Iroquois     Eskimo     TOTAL     T . : Systèmes de parenté et développement technique Le système de parenté hawaïen, le plus archaïque selon Morgan, est par exemple effectivement celui de chasseurs-cueilleurs nomades, tels que les Semang de Malaisie ou les Mbuti. Mais il est également largement présent (et proportionnellement, même un peu plus) dans des sociétés d’horticulteurs égalitaires ou non, ainsi que dans des sociétés neement stratifiées, à commencer par… Hawaï. Le système iroquois, que Morgan pensait caractéristique de la Barbarie, existe certes chez des horticulteurs (les Iroquois eux-mêmes), Famille et parenté, quel évolutionnisme ?  mais aussi chez des chasseurs-cueilleurs égalitaires (les NaskapiMontagnais du ébec) ou des métallurgistes maîtrisant le fer (comme les Touaregs). ant au système eskimo, censé constituer le point ultime de l’évolution et la marque de la civilisation, il est certes celui de bien des sociétés étatiques — dont la nôtre. Mais on le trouve également aussi dans des sociétés métallurgistes (telles que les anciens Hébreux), d’horticulteurs ou éleveurs, et d’assez nombreux chasseurs-cueilleurs (Yàmana et Selknams de la Terre de Feu, !Kung, Andamanais, sans oublier bien entendu les Inuits). C’est cee impasse qui a amené certains chercheurs évolutionnistes à refonder la typologie des systèmes de parenté pour tenter d’élaborer une séquence évolutionniste plus conforme aux observations 4 ; le résultat n’a cependant guère été plus probant. Morgan avait donc voulu reconstituer l’évolution des systèmes de parenté sur la base du seul raisonnement ; cee tentative s’est soldée par un échec. Mais si, depuis un siècle, les tentatives de construire une nouvelle théorie de l’évolution des systèmes de parenté ont été bien rares, ce n’est pas seulement parce que cee tâche se place en dehors des préoccupations de la majorité des anthropologues, qui campe fermement sur ses positions anti-évolutionnistes ; c’est aussi parce qu’elle est d’une extraordinaire difficulté. En effet, les systèmes de parenté ne laissent pour ainsi dire pas de traces matérielles, même indirectes ; en l’absence de documents écrits, il est donc extrêmement ardu, pour ne pas dire impossible, de les identifier dans le passé. Dans le meilleur des cas, les sociétés primitives disparues ont laissé des cadavres, des tombes, des outils, des armes, parfois des monuments, toutes choses à partir desquelles identifier les rapports sociaux essentiels relève déjà de la gageure ; en ce qui concerne les systèmes de parenté, c’est virtuellement impossible. Cee ignorance des faits eux-mêmes, c’est-à-dire d’exemples tangibles où se sont succédé des systèmes de parenté, représente un obstacle redoutable pour la reconstitution de leur évolution et pour la théorie de cee évolution. Lorsque les biologistes réfléchissent à l’évolution des espèces, ils peuvent en effet s’appuyer sur des fossiles et sur leurs datations qui représentent une immense masse de matériaux. Ce sont autant de faits sans lesquels les différentes théories ne pourraient pas être départagées — on pense ici tout autant aux hypothèses sur les séquences évolutives que sur les mécanismes de l’évolution. Mais  U    lorsque les anthropologues tentent de se livrer au même exercice à propos des systèmes de parenté, ils n’ont pour ainsi dire à leur disposition que les « espèces » actuelles. Leurs matériaux ne possèdent qu’exceptionnellement une profondeur temporelle qui seule pourrait éclairer leur chronologie. La reconstitution du passé ne peut donc procéder que de raisonnements, ce qui la rend d’autant plus hasardeuse. Les seules traces véritablement tangibles qu’ont pu laisser les transformations des systèmes de parenté se trouvent dans les documents écrits — et, pour des transformations récentes et rapides, dans les témoignages de ceux qui les ont vécues. C’est ainsi que l’on dispose de quelques exemples aestés. C’est le cas avec la Rome antique, où le système dit soudanais (une terminologie de parenté où chaque type d’oncle et de tante est désigné par un terme propre) a laissé la place, vers le début de l’ère chrétienne, au système eskimo. Traditionnellement, le vocabulaire latin distinguait le frère du père (patruus) de celui de la mère (avunculus). De même, alors que la sœur de la mère était la matertera, celle du père était l’amita. Ces distinctions, conformément à la structure d’un système soudanais, s’étendaient à leurs enfants (nos cousins actuels) : les enfants du patruus étaient les fratres patrueles, ceux de l’amita étaient les aminiti. ant à ceux de l’avunculus et de la matertera, ils étaient tous désignés par le nom de consobrini. Vers le ᵉ siècle de notre ère, les Romains ont abandonné les termes de patruus et de matertera. Le frère du père est lui aussi devenu un avunculus, la sœur de la mère elle aussi une amita. Conjointement, tous les enfants de ces parents sont dorénavant devenus des consobrini. Le système soudanais s’était ainsi transformé en un système eskimo, celui dont nous avons hérité (avunculus a donné notre oncle, amita notre tante et consobrinus notre cousin). Il existe quelques autres cas avérés d’évolution des systèmes de parenté. Ainsi, en Chine, un système dravidien a-t-il laissé place, vers le ᵉ siècle après J.-C., à un système soudanais. De nos jours, celui-ci tend à se transformer en système eskimo. On pourrait également citer quelques cas exceptionnels de sociétés où une telle évolution a pu être aestée par des témoignages directs ; mis bout à bout, ces cas, à l’échelle de la planète, se compteraient vraisemblablement sur les doigts d’une seule main. La moisson des Famille et parenté, quel évolutionnisme ?  faits reste donc bien maigre, et notoirement insuffisante pour élaborer une théorie générale 5 . Pour combler ce vide, d’autres chercheurs se sont appuyés sur l’étude des migrations, conjointement à celle de la langue et de l’étymologie. Sans être aussi entachés de suspicion que les raisonnements spéculatifs de Morgan, les résultats rassemblés par ce type de travaux sont loin de faire l’unanimité, les bases sur lesquelles ils s’appuient apparaissant souvent très fragiles. En définitive, où en est-on aujourd’hui ? On sait depuis Morgan que les systèmes de parenté sont divers et qu’ils expriment des logiques très différentes les unes des autres. Depuis Bachofen au moins, on sait aussi qu’ils évoluent, et le fait a été largement confirmé depuis lors. En revanche, si le schéma proposé par Morgan apparaît aujourd’hui comme inacceptable, on ne sait guère par quoi le remplacer — on ne sait d’ailleurs même pas s’il convient de le remplacer. Plusieurs chercheurs se sont retrouvés dans la synthèse suivante, récemment proposée : T . : Succession des systèmes de parenté selon Godelier, , p. . Si ce schéma (où nous avons volontairement omis quelques éléments) apporte incontestablement des informations précieuces, il est en revanche loin de constituer une représentation complète de la réalité : les faits qu’il ordonne restent parcellaires. Par exemple, on en déduirait à tort que les systèmes de parenté ont tous dérivé à partir d’un type unique, le dravidien 6 . Dans l’état actuel des connaissances, une telle affirmation reste largement conjecturale. Pour reprendre la comparaison entre systèmes de parenté et espèces vivantes, celles-ci possèdent la caractéristique fondamentale de dériver d’ancêtres uniques. L’évolution biologique s’effectue uniquement  U    par divergences à partir d’espèces existantes, ce qui lui donne l’aspect d’un « buisson ». Aucune branche ne fusionne avec une autre, de même qu’aucune branche ne revient jamais sur elle-même. Or rien ne prouve qu’il en aille de même en ce qui concerne les systèmes de parenté. Ceux-ci, contrairement aux espèces vivantes, sont en nombre très restreint, et l’on ne peut pas exclure qu’un même système ait pu être le produit de l’évolution de deux systèmes différents : On ne peut pas non plus écarter la possibilité de « régressions » (mieux vaudrait dire « bouclages »), où un même système (par exemple le système eskimo) se situerait à la fois au départ et à l’arrivée d’une séquence évolutive : Ainsi, à la différence de l’évolution biologique, l’évolution des systèmes de parenté ne présente vraisemblablement pas la physionomie d’un buissonnement. Avoir établi qu’en certaines occasions le système eskimo avait succédé au soudanais et que celui-ci était lui-même issu du dravidien, ne prouve pas ipso facto que toutes les occurrences du système eskimo sont le produit direct d’un système soudanais, et indirect d’un système dravidien, qui les auraient nécessairement précédées. Toutes ces incertitudes n’empêchent toutefois pas de disposer de quelques grands points de repère. Il est clair, par exemple, que les systèmes classificatoires s’épanouissent dans des sociétés où les rapports sociaux s’organisent avant tout sous la forme de relations de parenté, et que ces sociétés se situent pour l’essentiel au stade préétatique. Comme Morgan l’avait perçu, la naissance de l’État, ou du moins, de certains types d’États, tend à briser les vieux cadres de la parenté, à substituer aux liens du sang d’autres liens, en particulier territoriaux. L’apparition de l’État, pour ne parler que d’elle, se présente donc comme un facteur privilégié du dépérissement des systèmes de parenté classificatoires et de l’essor des systèmes descriptifs. Mais même autour de cee ligne très générale, de vastes zones Famille et parenté, quel évolutionnisme ?  d’ombre subsistent. Dans certains cas particuliers, les États préservent les structures de parenté existantes et s’appuient sur elles, les vidant d’une partie de leurs prérogatives sans les briser ; ce fut notamment le cas, comme on l’a dit, d’un certain nombre de royautés africaines, ou des empires aztèque et inca. Mais même au sein des sociétés préétatiques, la parenté joue un rôle très variable ; pour ne parler que de chasseurs-cueilleurs égalitaires, elle pèse d’un poids bien différent en Australie ou chez les !Kung et les Inuits. Omniprésente dans le premier cas, elle apparaît comme un élément beaucoup moins important de la structure sociale dans les deux autres. Comment expliquer l’importance très inégale de la parenté d’une société sans État à l’autre, même à niveau technique similaire ? Comment expliquer la diversité des systèmes de parenté dans des sociétés par ailleurs comparables, et inversement, la similitude de ces systèmes dans des sociétés pourtant très différentes ? Toutes ces questions restent encore aujourd’hui largement sans réponse. Non seulement, on ne connaît pas réellement les lois de l’évolution des systèmes de parenté, mais on est même incapable de retracer ne serait-ce que des parties significatives de cee évolution — ce qui serait pourtant la condition première pour raisonner sur ses mécanismes. On peut toutefois penser que l’erreur serait de vouloir faire dire aux systèmes de parenté davantage qu’ils ne le peuvent, et de leur prêter une importance exagérée dans la structuration des sociétés. Les systèmes de parenté, on l’a vu, n’expriment pas du tout les structures familiales. Ils peuvent éventuellement exprimer, avec plus ou moins de fidélité, la présence de groupes de parenté à filiation unilinéaire — certains systèmes de parenté indiquent une forte probabilité de la présence de clans ou de lignages, mais les clans et les lignages peuvent parfois exister sans se refléter dans le système de parenté. En fait, au travers des terminologies de parenté, se manifeste de manière plus ou moins explicite un enchevêtrement d’obligations et de relations sociales, parmi lesquelles, mais pas seulement, les interdits de mariage. Voilà sans doute la raison pour laquelle il n’est pas possible de relier l’évolution des systèmes de parenté à celle des structures économiques, notamment des modes de production : il s’agit de deux dimensions sociales distinctes et très largement indépendantes. Le système de parenté n’organise pas la dimension économique d’une société, de  U    même que la dimension économique d’une société n’organise pas le système de parenté. Bien sûr, les obligations liées à la parenté incluent quasiment toujours des prestations de nature économique. Mais on n’a jamais pu établir une relation entre la nature de ces obligations et le système de parenté. Chez les chasseurs-cueilleurs, l’aribution du gibier est souvent l’objet de règles rigoureuses, qui prescrivent de donner certains morceaux à certains parents. La vie des peuples agriculteurs, elle aussi, est rythmée par l’obligation de tel parent d’aider au défrichage, par l’interdiction à tel autre de se joindre à la récolte, etc. Mais si toutes ces obligations sont exprimées en termes de positions de parenté, il ne s’ensuit pas qu’elles déterminent la manière dont ces positions sont regroupées ou différenciées dans le vocabulaire ; les droits et les devoirs qu’une société prescrit vis-à-vis de tel parent sont une chose, le terme par lequel elle choisit de le désigner en est une autre, tout à fait différente. Sur ce point, on se propose de laisser le mot de la fin à un anthropologue qui écrivait récemment : Au bout du compte, les systèmes de parenté semblent jouer le rôle d’infrastructure pour des groupes de toutes sortes — religieux, politiques et économiques —, et à différentes échelles démographiques. Mais de telles infrastructures de parenté sont […] très polyvalentes et peu déterministes, autorisant ainsi la formation de groupes sans pour autant contraindre les structures qui sont bâties sur elles. C’est de cee manière aussi […] que les structures de parenté peuvent être dites semblables aux langues, à savoir que les structures coopératives les plus larges de la vie politique et économique présupposent et nécessitent l’existence de la parenté et de la langue, sans présupposer ou nécessiter une langue particulière ou un système de parenté d’un type déterminé 7 . Conclusion (et le matérialisme historique ?) L    auront peut-être plongé le lecteur dans une certaine perplexité. e reste-t-il donc du matérialisme historique si chaque connexion apparaît douteuse, si à chaque stade économique ne correspondent plus, comme l’avait cru Engels à la suite de Morgan, une forme typique de famille et un système typique de parenté ? N’auraiton pas, sous prétexte de tenir compte des exceptions, perdu de vue les lois générales et dilué tous les repères dans un relativisme et un scepticisme stériles ? Famille et parenté, quel évolutionnisme ?  Nous ne le pensons pas. En un sens, les progrès de la connaissance ethnologique depuis Morgan, l’accumulation des faits nouveaux, ont provoqué les mêmes effets que dans un autre domaine, l’accumulation des découvertes sur les origines biologiques du genre humain. Les premières théories de l’évolution biologique de l’homme, basées sur un nombre de fossiles restreint, étaient nécessairement simples : elles s’efforçaient d’ordonner de rares trouvailles, et comblaient par un raisonnement qui ne pouvait être que spéculatif les immenses vides qui les séparaient. Plus les nouveaux fossiles ont été nombreux, plus l’image de cee évolution s’est complexifiée. Ainsi, on a par exemple dû admere qu’à une même période, contrairement à ce qu’on avait cru jusque-là, il avait pu exister simultanément plusieurs espèces au sein du genre humain. Il en va de même en ce qui concerne l’évolution des sociétés de la préhistoire, à cee différence près que la variété des découvertes y dépasse de très loin celle des ossements des australopithèques : si pour ceux-ci, on en est encore souvent réduit à définir une espèce à partir d’un unique fragment de squelee, c’est par centaines, sinon par milliers, qu’ont été identifiées et étudiées les sociétés primitives. Ainsi, les raisonnements que Morgan avait pu élaborer sur la base d’éléments parcellaires et qui sur cee base étaient des hypothèses satisfaisantes, pour ne pas dire géniales, ont dû être écartés au vu des multiples et nouvelles données qui les ont pris en défaut depuis lors. Les formes de famille, tout comme les systèmes de parenté, ont une histoire. Mais en l’état actuel des connaissances, il faut admere que cee histoire n’obéit à aucun schéma sommaire et qu’elle ne se relie pas par quelques connexions simples à celle des modes de production. Y a-t-il eu un « progrès » des formes familiales ? L’analogie qu’on vient de suggérer entre les systèmes de parenté et les fossiles des espèces humaines disparues soulèvera peut-être une nouvelle objection, qui mérite d’être discutée sérieusement. On pourrait en effet soutenir qu’au-delà du foisonnement des espèces du genre homo, de l’apparent chaos de leur apparition et de leur disparition, une direction générale se dégage : celle d’un lent accroissement des capacités cérébrales, depuis les premiers australopithèques jusqu’à Homo sapiens. De sorte que l’évolution biologique humaine, tout en étant beaucoup plus complexe et foisonnante qu’on ne l’avait imaginé au  U    départ, continue de vérifier cee tendance fondamentale. Précisons à toutes fins utiles que cee idée ne constitue nullement une concession aux idées finalistes, voire religieuses, qui se croient autorisées à suggérer l’intervention d’un processus conscient, guidant à l’avance l’évolution dans une direction donnée. La tendance dont on parle ici est uniquement le fruit de processus aveugles ; mais ce hasard même s’est inscrit dans une certaine nécessité, et a favorisé au sein de l’ensemble du monde vivant (et pas seulement au sein de la lignée humaine) la lente émergence d’organismes aux capacités cognitives et comportementales de plus en plus élaborées. Les découvertes ultérieures de fossiles humains n’ont jamais remis en cause cee orientation générale, qui avait été correctement identifiée par les fondateurs de la discipline. Autrement dit, les paléontologues ont certes dû sans cesse enrichir l’histoire des espèces humaines, mais ces nouveaux scénarios, bien qu’ils fussent de plus en plus complexes, continuaient à vérifier la tendance au progrès continu des capacités cérébrales. Or, en brisant le schéma de Morgan, en déconnectant l’évolution de la famille de celle des systèmes de parenté, et celle-ci de celle des modes de production, on ne s’est pas contenté de rendre plus complexe une trame devenue trop simple : on a affirmé clairement l’impossibilité de dégager un axe d’évolution global dans les institutions familiales et dans les systèmes de parenté et de parler de progrès à leur sujet. Au premier abord, une telle position semble heurter les fondements du matérialisme historique : comment une institution sociale telle que la famille pourrait-elle échapper au mouvement général de progrès qui marque la succession des modes de production ? Ce point est essentiel. Il l’est d’autant plus qu’Engels, soucieux d’ancrer les conclusions de Morgan dans la philosophie de l’histoire qu’il avait développée avec Marx, avait dans sa préface explicitement intégré l’évolution des formes familiales à celle des formes économiques en écrivant que : Selon la conception matérialiste, le facteur déterminant, en dernier ressort, dans l’histoire, c’est la production et la reproduction de la vie immédiate. Mais à son tour, cee production a une double nature. D’une part, la production de moyens d’existence […] d’autre part, la production des hommes mêmes, la propagation de l’espèce 8 . Pour Engels, il existait donc une unité entre la succession des modes de production et celle des formes de famille, qui permeait de conclure Famille et parenté, quel évolutionnisme ?  que la même logique était à l’œuvre dans leurs évolutions respectives : celle de « la production et la reproduction de la vie immédiate ». Mais si la succession des modes de production traduit le progrès de la productivité du travail, qu’est-ce qui autorise à parler de progrès à propos des formes de famille ? Toujours selon Morgan et Engels, c’était l’amélioration génétique de l’espèce humaine, par l’introduction de règles d’inceste de plus en plus rigoureuses. Rappelons rapidement le tableau dressé par Morgan : la famille consanguine est celle de la totale promiscuité sexuelle ; la famille punaluenne, celle où l’union sexuelle est prohibée entre frères et sœurs — après l’introduction, à un stade antérieur indéterminé, de la prohibition des relations entre parents et enfants ; la famille appariée, celle où l’union avec n’importe quel consanguin en ligne féminine est dorénavant vue comme incestueuse. Cee accumulation des règles d’inceste, restreignant à chaque étape les unions possibles, était censée avoir représenté un facteur essentiel de l’amélioration biologique de l’espèce humaine : D’après Morgan, ce progrès [le passage à la famille punaluenne] constitue « une excellente illustration de la manière dont agit le principe de la sélection naturelle ». Incontestablement les tribus dans lesquelles l’union consanguine fut limitée par ce progrès durent se développer plus vite et plus complètement que celles où le mariage entre frères et sœurs restait règle et loi 9 . Or ce raisonnement présente deux failles majeures. D’une part, les effets néfastes de la consanguinité sont loin d’être aussi importants que le suggéraient les conceptions courantes au ᵉ siècle. Si elle favorise dans une certaine mesure l’apparition de certaines maladies génétiques, la répétition des unions sexuelles consanguines ne constitue manifestement pas un facteur suffisant pour expliquer le retard, voire la disparition de certaines populations, comme on pouvait le penser à l’époque. D’autre part, on doit remarquer que, même en tenant pour vraie la succession proposée par Morgan, le passage de la famille punaluenne à la famille appariée, c’est-à-dire l’institution du clan exogame, n’aurait en rien représenté une restriction de la consanguinité et donc un facteur de progrès biologique. En effet, au sein de la famille punaluenne, les rapports sexuels sont prohibés tant entre frères et sœurs qu’entre parents et enfants. Ils sont en revanche autorisés avec tous les autres membres de la société, en particulier avec les cousins au premier degré. Or l’instauration des règles d’exogamie  U    de clan, censée inaugurer l’avènement de la famille appariée, ne modifie pas fondamentalement cet état de fait : les rapports sexuels deviennent alors interdits avec une moitié des cousins du premier degré (les cousins parallèles), mais ils restent autorisés avec l’autre moitié (les cousins croisés). On connaît même bien des peuples où le mariage préférentiel s’effectue précisément avec ces cousins croisés au premier degré — le cas classique de l’ethnologie est celui où l’épouse idéale pour un homme est sa cousine croisée matrilatérale (la fille du frère de sa mère). Il n’y a donc ici aucune restriction supplémentaire de consanguinité par rapport à la forme antérieure de famille qu’était supposée être la famille punaluenne ; même en acceptant les prémisses de Morgan, on ne peut ici le suivre jusqu’à sa conclusion. Plus fondamentalement, c’est toute la succession des formes de famille, des systèmes de parenté et des interdits sexuels proposée par Morgan qui est apparue depuis lors comme une construction spéculative — la spéculation portant non seulement sur l’ordre de succession, de ces formes mais, dans le cas des familles consanguine et punaluenne, sur leur existence même. Indépendamment du problème de reconstituer convenablement la succession des formes familiales dans la préhistoire, celles-ci ne sont donc pas liées à des interdits d’inceste qui, devenus de plus en plus stricts, auraient entraîné l’amélioration continue des caractères génétiques. Cela implique que, même si la famille a connu des transformations radicales au cours de l’histoire, les formes familiales ne peuvent pas être ordonnées selon une série comparable à celle des modes de production, qu’on peut rapporter à la productivité du travail à laquelle ils sont corrélés. Autrement dit, les modes de production, bien que différents d’un point de vue qualitatif, sont tous liés à une quantité commune, la productivité, qui permet de les ordonner en une série croissante, qui se trouve de surcroît correspondre globalement à la chronologie des sociétés humaines. Ce sont ces raisons qui permeent de parler de progrès à leur propos, et ce sont les mêmes raisons qui interdisent de le faire à propos de la famille. Pour celle-ci, il n’existe aucune quantité à laquelle les différentes formes puissent être ramenées et à partir de laquelle on pourrait constituer une série croissante. La seule hypothèse, celle d’une amélioration de l’espèce par des interdits d’inceste de plus en plus rigoureux, se révèle insoutenable. Alors qu’il y a des modes de production supérieurs à d’autres (c’est-à- Famille et parenté, quel évolutionnisme ?  dire, qui impliquent une productivité supérieure à une autre), il n’y a donc, contrairement à la conviction de Morgan, pas de forme familiale qui soit supérieure à une autre ; un même mode de production peut coïncider selon les lieux et les époques avec des formes familiales extrêmement diverses, tandis qu’inversement, une même forme familiale se retrouve dans des modes de production aussi différents que celui de certains chasseurs-cueilleurs nomades ou le capitalisme. Précisons, si besoin, que cee affirmation ne vient nullement à l’appui d’un quelconque relativisme culturel. Certaines formes de famille ont été éliminées par l’histoire, et l’on peut sans grand risque (et sans aucun regret) prédire qu’une société débarrassée de l’exploitation ne ressuscitera pas, par exemple, la polygynie. Mais de cela, il n’est pas possible de conclure que la monogamie, déjà présente par exemple chez les Andamanais, constituerait en soi une forme supérieure de famille. Et bien hardi qui affirmerait aujourd’hui prédire la manière dont, à l’avenir, les hommes et les femmes choisiront de vivre leur sexualité et d’élever leurs enfants. La seule certitude est que l’humanité se trouvera dans la situation inédite où ces choix seront enfin le fruit de décisions conscientes et libres, et non plus celui de contraintes économiques ou religieuses. Le matérialisme et les stades de l’évolution sociale Ce qui précède s’expose à une seconde objection, un peu différente, et qui mérite elle aussi qu’on y réponde. Tenons pour acquis que les formes familiales et les systèmes de parenté ne s’ordonnent effectivement pas en une série progressive. Mais, dira-t-on, ce n’est pas parce que la série ne peut pas être assimilée à un progrès qu’elle n’existe pas du tout. À moins de jeter à bas tout l’édifice du matérialisme historique, la famille et la terminologie de parenté, comme toutes les institutions sociales, doivent au moins pouvoir être ordonnées dans le temps, et mises en relation avec les différents modes de production. Faisant partie de ce que Marx appelait la « superstructure », elles sont donc forcément déterminées en dernière analyse par « l’infrastructure ». Une théorie se réclamant du marxisme peut donc rejeter la série évolutive proposée par Morgan uniquement à condition d’en proposer une autre, elle aussi connectée aux différents modes de production. Faute de quoi, cee théorie ne peut pas se réclamer du marxisme, ni même du matérialisme.  U    Cee objection semble imparable ; elle procède en réalité d’un glissement du raisonnement qui, partant de prémisses justes, l’amène à une conclusion erronée. Il est incontestable en effet que la famille et les systèmes de parenté, en tant que phénomènes sociaux, participent des lois de l’évolution générale des sociétés. Mais il n’en découle nullement que les diverses formes de famille et de parenté devraient être nécessairement liées à des stades déterminés de l’évolution sociale, c’est-à-dire qu’elles devraient nécessairement constituer des manifestations typiques de certains stades évolutifs. Pour le comprendre, et malgré toutes les différences qui séparent les deux domaines, on peut à nouveau suggérer un parallèle entre évolution sociale et évolution biologique. On sait que depuis un peu plus d’un siècle, l’évolution biologique est comprise dans le cadre théorique de référence proposé par Darwin — on laissera ici de côté les différentes nuances qui ont pu être proposées au sein de ce cadre. Pour ne parler que du règne animal, c’est une banalité de dire que les espèces, et chacun de leurs organes, sont tous sans exception le produit de l’évolution darwinienne. Le fait que les espèces animales soient toutes issues d’une différenciation à partir d’un ancêtre commun explique que de nombreux organes soient présents chez tous les descendants de cet ancêtre commun, et uniquement chez eux. Les biologistes ont un adjectif particulier pour ces organes : ils les qualifient d’homologues. Un organe homologue est donc en quelque sorte un marqueur de l’évolution, dans le sens où sa présence indique sans ambiguïté que son propriétaire se situe, dans l’ordre évolutif, en aval d’une bifurcation donnée. Inversement, son absence permet de conclure que l’ancêtre de l’espèce concernée se situe en amont de cee bifurcation. Parmi les organes homologues les plus évidents, citons la colonne vertébrale, qui sépare les vertébrés des invertébrés, les poumons, qui sont caractéristiques des classes postérieures aux amphibiens, ou encore les plumes, typiques des oiseaux. Il existe une pléthore d’organes homologues et l’on pourrait allonger cee énumération à loisir. Pourtant, tous les organes ne sont pas homologues : on trouve également des organes dits analogues. À la différence des précédents, ceux-ci ne sont pas associés à une bifurcation évolutive donnée. Ils peuvent être partagés par des espèces qui ne sont pas issues d’un ancêtre commun et, de la même manière, les espèces auxquelles ils Famille et parenté, quel évolutionnisme ?  appartiennent peuvent se trouver dans les mêmes classes que certaines espèces qui ne les possèdent pas. Il en va ainsi de la griffe, présente chez tous les oiseaux, mais seulement chez certains reptiles et certains mammières, et même parmi certains arthropodes. C’est également le cas de la palme, mise au point indépendamment par plusieurs espèces parmi les amphibiens, les reptiles, les oiseaux et les mammières. Citons aussi la glande à venin, qu’on trouve aussi bien chez certaines espèces de poissons que de reptiles ou de mammières, ou le cœur à quatre compartiments, présent chez les oiseaux et les mammières mais pas chez les reptiles tels que le lézard. Cela revient à dire que, si l’on classe les espèces en prenant comme critère la présence d’organes homologues, on obtient un résultat cohérent avec les phases de l’évolution. La classification utilisée aujourd’hui applique d’ailleurs ce principe, et pour cee raison, on parle à son sujet de classification phylogénétique, c’est-à-dire, liéralement, d’une classification par l’histoire évolutive. En revanche, ce que l’on vient de dire n’est plus du tout vrai des organes analogues. Ni la présence de ces organes, ni leur absence, n’indiquent quoi que ce soit sur la place de l’espèce dans l’arbre évolutif. En les utilisant comme critère pour classer les êtres vivants, on obtiendrait un résultat qui divergerait totalement des bifurcations engendrées par l’évolution. Or, et c’est là le point central de notre argument, cela n’empêche nullement ces organes d’être les produits de l’évolution darwinienne au même titre que la colonne vertébrale, le poumon, la plume et n’importe quel organe homologue. Les organes analogues n’occupent simplement pas une position-clé dans cee évolution, dans la mesure où, à la différence des homologues, ils ont été mis au point de manière indépendante par différentes espèces appartenant à différentes classes. En matière de biologie, les scientifiques savent donc depuis longtemps que tous les organes ne constituent pas des critères de classification cohérents avec la classification évolutive. C’est si vrai que, dans l’élaboration d’une représentation correcte de l’évolution biologique, une partie importante, sinon essentielle, du travail a précisément consisté à déterminer quels organes devaient être retenus comme critères (car homologues) et lesquels devaient être écartés (car analogues). Le choix n’avait a priori rien d’évident et ce n’est qu’après des décennies d’hypothèses (et l’accumulation de reliquats fossiles) que l’on parvint à distinguer, parmi tous les candidats possibles, quels  U    organes occupaient un rôle-clé dans les bifurcations évolutives et pouvaient donc en servir de témoin, et lesquels devaient être écartés. Le parallèle avec l’évolution sociale est clair. Tout comme on vient de le faire à propos du règne animal, on peut dire que toute dimension de la structure sociale (telle que la famille ou le système de parenté) fait partie d’un tout (la société) dont l’évolution obéit à des lois identifiées (formulées par le matérialisme historique). Cela ne signifie pas pour autant que toute dimension de la structure sociale puisse obligatoirement être ordonnée en une séquence évolutive corrélée aux stades principaux, à savoir les modes de production. Autrement dit, et même si le parallèle a ses limites, tandis que la richesse, les classes ou l’État sont de tels marqueurs évolutifs, et qu’ils sont aux sociétés ce que la colonne vertébrale ou les poumons sont aux animaux, la famille et les systèmes de parenté, pour leur part, doivent être rapprochés des griffes, des pieds palmés ou des glandes à venin : ce sont des organes analogues du corps social, dont la forme n’indique rien sur la place occupée par ce corps dans l’évolution. De la même manière que reconnaître l’existence d’organes biologiques analogues ne remet pas en cause le darwinisme, reconnaître l’existence d’organes sociaux analogues ne remet pas en cause le marxisme. Le matérialisme historique s’accommode tout à fait de la possibilité qu’un niveau technique puisse ne pas déterminer une forme unique de famille, ni une unique terminologie de parenté. Il existe en matière sociale bien des domaines où l’absence de telles déterminations semble évidente : il ne viendrait plus à l’idée de personne de dire que le niveau technique d’une société conditionne par exemple les formes symboliques de son art ou la structure grammaticale de sa langue 10 . Par rapport à ces autres produits de l’esprit humain, la particularité de la famille et des systèmes de parenté a été de faire l’objet d’une théorisation du vivant de Marx et Engels, qu’ils avaient reprise à leur compte. Ce souci de la recherche de la vérité les avait à l’époque conduits à adopter ces hypothèses nouvelles avec enthousiasme ; il doit, et depuis bien longtemps, nous convaincre de les abandonner sans regret.   L   ’   ’  Notes de référence Appendice : Une histoire de famille Chapitre A – L’évolutionnisme de Morgan – p. 713 . Cee distinction entre systèmes descriptifs et systèmes classificatoires a depuis été vivement aaquée. G. P. M, , p. , la qualifie par exemple « d’entièrement erronée ». Les lignes qui précèdent montrent, selon nous, qu’il n’en est rien. . L. H. M, , p. . Chapitre B – Critique de Morgan – p.  . J. C, , . . H, Histoire, Livre I, . . Voir G. P. M, , p. . . Voir R. M, , note , p. . . Voir F. E, , p. . . Ibid., p. –. . L’ethnologie a depuis nuancé ce point de vue initial. En fait, si chacun devait s’unir préférentiellement avec les membres d’une seule des trois autres sections, il Notes  était toléré qu’il s’unisse avec des individus appartenant à l’autre section de la moitié opposée. . Voir A. T, b. . Voir C. W. M. H et A. R. P, . .  canoës,  lances et  épouses, film australien réalisé par Rolf de Heer (). Ces tribus furent notamment étudiées par W. L. W, . . Exemple étudié par A. et J. F, . . Sur les traits les plus saillants des institutions et des mœurs à Hawaï, voir S. B. O, , C. R, . Une autre hypothèse est que les punalua était le nom par lequel se désignaient beaux-frères ou belles-sœurs, à qui la morale en vigueur n’interdisait pas d’entretenir des relations sexuelles occasionnelles. Voir E. S. C H, M. K P, , p. –. . Même si le degré de polygynie, dans certaines circonstances, peut être lié aux particularités du système de parenté. Pour cee discussion pointue, voir par exemple I. K, . . Voir F. E, préface de , p. . . Voir E. R. S, . . Pour l’anecdote, le premier à avoir formulé cet argument n’était autre que Charles Darwin, qui avait rencontré Morgan et avait eu l’occasion de discuter de ses conceptions. . L. H. M, , p. . . Voir C. LS, . . Voir M. G, . Chapitre C – Les groupes de parenté – p.  . Pour une critique méthodique de cee opinion de Morgan, voir A. T, b, p. –. . Engels, à la suite de Morgan, indique les noms des huit clans de la tribu des Seneca dans le troisième chapitre de L’Origine de la famille (p. ). . Décrits notamment par M. M, . . G. P. M, , interprète la coexistence du système hawaïen et des clans comme une situation de transition, où les groupes de parenté unilinéaires se sont formés sans avoir entraîné la modification du système de parenté. . M. K. O, , p. . . R. H. L, , p. . . A. R. RB, , p. . Le même raisonnement est repris avec insistance par G. P. M, , p. –. . èse défendue en particulier par A. R. RB, . . R. H. L, , p. . . B. M, , p. . . Ibid. . Pour une présentation détaillée des conceptions de Marx et Engels sur les communautés primitives et leur évolution en liaison avec les progrès de la science préhistorique et de leurs propres recherches, voir en particulier M. G, . . Voir H. B et L. P, .  L   ’   ’  . Voir R. M, . . Voir W. D, . On pourra aussi se référer à sa synthèse plus générale sur les formes de l’organisation sociale (). . Dans certaines rares sociétés coexistent à la fois des groupes de parenté unilinéaires et cognatiques. Voir H. B, . Par ailleurs, ce n’est pas sans une certaine ironie qu’on a pu établir que le « clan » écossais était en fait un ramage. Voir W. D, , p. , R. F, , p. . . Voir W. D, , C. G, , p. . . D. J, , p. , cité par D. D, , p. –. . Réalisé par Arthur Penn en , avec dans le rôle principal Dustin Hoffman. Lile Big Man est l’archétype de l’anti-western, où les sociétés indiennes sont dépeintes sous un jour favorable, pacifiste et tolérant, tandis que les Blancs apparaissent comme les vrais barbares, hypocrites et violents. Pour un film présentant un visage plus nuancé — et plus authentique — des sociétés indiennes, on pourra regarder Un homme nommé Cheval, réalisé par Elio Silverstein en , qui fut tourné avec le souci permanent de rester au plus près des témoignages ethnographiques. Sur ces associations chez les Indiens de Plaines, voir R. H. L, , P. H. C, . . Voir W. H. R. R, , p.  sq. . Le terme de « démocratie militaire » est employé par Marx dans une remarque à propos de la société grecque décrite par Homère, remarque citée dans L’Origine de la famille (p. ) et qui figure dans les notes qu’il avait prises lors de ses lectures sur les sociétés primitives. Publiées en russe et en anglais (e ethnological notebooks of Karl Marx : Studies of Morgan, Phear, Maine, Lubbock, Assen, Van Gorcum, ), ces notes ne l’ont jamais été en français. . Voir L’Origine de la famille, note p. . . Certains chercheurs contestent que le calpulli soit un groupe de parenté, et n’y voient qu’une unité territoriale. . Pour un tableau synthétique de la société aztèque et de son État, voir B. T, . Chapitre D – Famille et parenté, quel évolutionnisme ? – p.  . Nous renvoyons le lecteur au débat nourri qui a opposé, depuis une vingtaine d’années, les partisans d’une explication strictement économique du « marché matrimonial », et ceux d’une approche historique. De ce que nous pouvons juger, il nous semble que cee question n’a pas encore reçu de réponse satisfaisante. . Voir par exemple S. B. O, . . Voir R. L. B, R. F. W, . . On pense par exemple à E. R. S, . . Pour des éléments sur ce point, voir M. K, , ainsi que M. G, , p.  sq. . Telle est la lecture que suggère par exemple A. H, . . T. T, , p. . . Ibid., p. . Pour une brève mais pertinente discussion de ce passage, voir W. H. S, . Notes  . Ibid., p. . . On pense par exemple à certaines thèses du linguiste N. I. M (–), longtemps proclamées vérités officielles par Staline, selon lesquelles les structures communistes ayant précédé la différenciation sociale, les langues avaient utilisé uniquement le pluriel longtemps avant d’inventer le singulier. Bibliographie A M., , An Archaeological Analysis of Gender Roles in Ancient Nonliterate Cultures of Eurasia, thèse, édition électronique. A M., , « Elders, Chiefs, and Big Men : Authority Legitimation and Political Evolution in Melanesia », American Ethnologist, vol. , nᵒ , p. –. A S. B., , Amazons of Black Sparta : e Women Warriors of Dahomey, Hurst, London. A K. M., , « Slaves, Chiefs and Labour on the Northern Northwest Coast », World Archaeology, vol. , nᵒ , p. –. A M., , Aborigènes : la loi du sexe – Viols et orgies d’Australie, ethnoarchéologie d’une sexualité disparue, L’Harmaan, Paris. A B., , « Il n’y a jamais eu de société de chasseurs-cueilleurs », Anthropologie et Sociétés, vol. , nᵒ , p. –. A Y., , « Sex, Power and Authority », e British Journal of Sociology, vol. , nᵒ , p. –. B J. J., , Le Droit Maternel, recherche sur la gynécocratie de l’Antiquité dans sa nature religieuse et juridique, trad. Étienne Barilier, éd. L’Âge d’Homme (). B A., , « Le régime matrimonial des esquimaux Netsilik », in L’Homme, t. , nᵒ . p. –. —, Netsilik Eskimo, Waveland Press (). B J., B S., , « Spear and digging stick : e origin of gender and its implications for the colonization of new continents », Journal of Social Archaeology, vol. , p. –. B J., , « e myth of Matriarchy : why men rule in primitive society », in R M. Z., L L. (eds), Woman, Culture, and Society, Stanford University Press. B C., , Women in transition : social control in Papua New Guinea, Australian Institute of Criminology, Canberra. B A., , « Sex Roles among the Nharo Bushmen of Botswana », Africa : Journal of the International African Institute, p. –. B H. G., , e Coast Salish of British Columbia, University of Oregon. B H., S A., , « e Cultural Consequences of Female Contribution to Subsistence », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –.  L   ’   ’  B D., , e passing of the Aborigines – A Lifetime spent among the Natives of Australia, John Murray, London. B A., , La Femme dans le passé, le présent et l’avenir, Ressources, Paris (). B H., , « e Least Sexist Society ? Perspectives on Gender, Change and Violence among Southern African San », Journal of Southern African Studies, vol. , nᵒ , p. –. B L. J., , « e Stories of the Kikuyu », Africa : Journal of the International African Institute, vol. , nᵒ , p. –. B H., , « Classification of Unilineal-Bilateral Societies », Southwestern Journal of Anthropology, vol. , nᵒ , p. –. B H., P L., , « Types of Corporate Unilineal Descent Groups », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. B E. B., , « Sex, Status, and Authority in Egalitarian Society », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. B A. R., , « Separate People : Speaking of Creek Men and Women », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. B I., , « Réflexions sur la question du genre dans les sociétés amazoniennes », L’Homme, vol. , nᵒ , p. –. B J., , « Ideology and Domination : Toward a Reconstruction of Australian Aboriginal Social Formation », Oceania, vol. , nᵒ . B C. H., , « Digging sticks and spears, or, the two-sex model », in G F. (ed.), Woman’s role in Aboriginal Society, Australian Institute of Aboriginal Studies. B R. M., B C. H., , e First Australians, Walkabout Pocketbooks (). —, e World of the First Australians – Aboriginal Life, Past and Present, Aboriginal Studies Press, Canberra (). B R. M., B C. H., S J. E., , A World that was – e Yaraldi of the Murray River and the Lakes, South Australia, Melbourne University Press. B E., , Yanoama, récit d’une femme brésilienne enlevée par les Indiens, Terre Humaine, Plon (). BS K., , Mœurs et coutumes des esquimaux, Payot, Paris, . B E., , « Sexuality and Gender in Certain Native American Tribes : the Case of Cross-Gender Females », Signs, vol. , nᵒ , p. –. B M., , Marxism and Anthropology : e History of a Relationship, Routledge. B R. L., W R. F., , « Societal Complexity and Familial Complexity : Evidence for the Curvilinear Hypothesis », e American Journal of Sociology, vol. , nᵒ , p. –. B R. L., , « A General eory of Gender Stratification », Sociological eory, vol. , p. –. —, « Extending Lenski’s Schema to Hold up Both Halves of the Sky : A eoryGuided Way of Conceptualizing Agrarian Societies at Illuminates a Puzzle Bibliographie  about Gender Stratification », Sociological eory, vol. , nᵒ , Religion, Stratification, and Evolution in Human Societies : Essays in Honor of Gerhard E. Lenski, p. –. B J.-C., , Voyage au Canada dans le nord de l’Amérique septentrionale, fait depuis l’an  à , ébec. B P., , Le Pandamus rouge – corps, différence des sexes et parenté chez les Ankave-Anga, CNRS éditions – éditions de la MSH, Paris. B M M., , « Polygyny and the Extent of Women’s Contributions to Subsistence : A Reply to White », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. B E., , Woman’s role in economic development, George Allen and Unwin ltd, London. B L., , « Toward a eory of Marriage : e Economic Anthropology of Marriage Transactions », Ethnology, vol. , nᵒ , p. –. B () L.-A., , « Mémoire sur l’état de la Nouvelle-France à l’époque de la guerre de Sept ans », in M P. (ed.), Relations et mémoires inédits pour servir à l’Histoire de la France dans les pays d’Outre-mer, Challamel Aîné, Paris (). B L. E., , Uermost part of the earth, Hodder and Stoughton, London. B R., , e Mothers : a study of the origins of sentiments and institutions, MacMillan, New York. B R., , « e Sexual Division of Foraging Labor : Biology, Taboo, and Gender Politics », Comparative Studies in Society and History, vol. , nᵒ , p. –. B Yu. V., , « Problems of Primitive Society in Soviet Ethnology », in D S. (ed.), Toward a Marxist Anthropology, Problems and Perspectives, Mouton Publishers. B B., , From Çayönü to Çatalhöyük, Emergence and development of an egalitarian society, internet : <www.urkommunismus.de/catalhueyuek_en.html>, d’après « Vergessene Welt », Inprekorr, nᵒ /, p. –. B J. K., a, « Economic Organization and the Position of Women among the Iroquois », Ethnohistory, vol. , nᵒ –, p. –. —b, « A Note on the Division of Labor by Sex », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. —, « Iroquois Women : An Ethnohistorical Note » in R R. (ed.), Toward an Anthropology of Women, Monthly Review Press. B P., , « Gender and Social Change : New Forms of Independence for Simbu Women », Oceania, vol. , nᵒ , p. –. B W., , e Life And Adventures of William Buckley, Text Publishing, Melbourne (). B V. K., , Fighting women – Anger and Aggression in Aboriginal Australia, University of California Press, Berkeley.  L   ’   ’  B A., KZ C., S M., Z F., , Histoire de la famille, Armand Colin, Paris. C C., K L. M., , « e North American Berdache [and Comments and Reply] », Current Anthropology, vol. , nᵒ , p. –. C A. F., , e Aborigines of Western Australia, Simpkin, Marshall, Hamilton, Kent & co. ltd., Londres. C P. H., , Les Indiens des Plaines, Albin Michel, Paris (). C M. P., , « e Sex of Our Gods », Ethos, vol. , nᵒ , p. –. C L., , « e Mounds of the Mississipi Valley Historically Considered », Smithsonian Institution Annual Report, Washington. C J., Guerre des Gaules, collection Nisard (). C N., , Yanomamo : e Fierce People, Holt, Harcourt Brace College Publishers, Fih edition (). C D. S., , « e Zulu Revolution : State Formation in a Pastoralist Society », African Studies Review, vol. , nᵒ , p. –. C A., , Drama and Power in a Hunting Society – e Selk’nam of Tierra del Fuego, Cambridge University Press. C V. G., , « Archaeology and Anthropology », Southwestern Journal of Anthropology, vol. , nᵒ , p. –. C P., , La Société contre l’État, Éditions de Minuit, Paris. C C., , La Femme des origines. Images de la femme dans la préhistoire occidentale, Belin-Herscher, Paris. C P. N., , « e Gender Division of Labor : “Keeping House” and Occupational Segregation in the United States », Gender and Society, vol. , nᵒ , p. –. C C., , « Femmes échangées, femmes échangistes – À propos de la théorie de l’alliance de Claude Lévi-Strauss », L’Homme, nᵒ –, p. –. C J. F., R M. Z., , « Politics and Gender in Simple Societies » in O S. B., W H., Sexual Meanings : e Cultural Construction of Gender and Sexuality, Cambridge University Press, p. –. C J. F., , Marriage and Inequality in Classless Societies, Stanford University Press. C S., H P., , « Formes de propriété, pouvoir politique et travail des femmes au début des sociétés de classes et des États », in C N., L S. (dir.), Travail des femmes, pouvoir des hommes – aux origines de l’oppression des femmes, La Brèche-PEC (Montreuil). CV C., , Les Africaines. Histoire des femmes d’Afrique noire du  au  siècle, Desjonquères, Paris. C H E. S. , K P M., , e Polynesian Family System in Ka-’U, Hawai’i, Charles E. Tule Company, Rutland, Vermont (). C G. W., , « Sexual Subordination : Institutionalized Homosexuality and Social Control in Melanesia », Ethnology, vol. , nᵒ , p. –. Bibliographie  C P. L., « Gendered Tasks, Power, and Prestige in the Prehispanic American Southwest », in Women and Men in the Prehispanic Southwest, C P. L. (ed.), School of American Research Advance Seminar Series, Santa Fe, p. –. C P. L., F S. K., , « Gender and Status in the Hohokam Pre-Classic to Classic Transition », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. C E. M., , Recollections of Squaing in Australia, George Robertson, Melbourne. —, e Australian Race : Its origin, languages, customs, place of landing in Australia and the routes by which it spread itself over that continent ( vol.), Trübner and Co, London. D F., , « Further Comment on Women’s Status in Egalitarian Society », Current Anthropology, vol. , nᵒ , p. –. D L., , Les Peintures rupestres du Levant espagnol, Picard, Paris. D D., , « Central Eskimo Systems of Food Sharing », Ethnology, vol. , nᵒ , p. –. DK J., , Warrior women : An archaeologist’s search for history’s hidden heroines, Warner books, New York. D R., , e Present State of Australia, Smith, Elder & Co, Cornhill, London, nd Edition (). D D., , Le Pays renversé : Amérindiens et Européens en Amérique du nord-est : –, Boréal express, Ville Saint-Laurent. D L., , « Yoruba Women : A Historiographical Study », e International Journal of African Historical Studies, vol. , nᵒ , p. –. D P., , « Le Jardin de Colibri. Procès de travail et catégorisations sexuelles chez les Achuar de l’Équateur », L’Homme, vol. , nᵒ , p. –. —, « Les affinités sélectives. Alliance, guerre et prédation dans l’ensemble jivaro », L’Homme, t. , nᵒ –, p. –. —, « e Genres of Gender : Local Models and Global Paradigms in the Comparison of Amazonia and Melanesia », in G T. A., T D. (eds), Gender in Amazonia and Melanesia – An exploration of the comparative method, University of California Press, p. –. D P., , « L’homme-femme (les berdaches en Amérique du Nord) » in Revue Libre – Politique, Anthropologie, Philosophie, nᵒ –, Paris, p. –. D W. T., H M., , « Population, Warfare, and the Male Supremacist Complex », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. D D., , « Decoding the Gender Bias : Inferences of Atlatls in Female Mortuary Contexts » in A B., W N. L. (eds), Gender and the Archaeology of Death, AltaMira Press, Walnut Creek, California. p. –. D P., , «!Kung Women : Contrasts in Sexual Egalitarianism in Foraging and Sedentary Contexts », in R R. (ed.), Toward an Anthropology of Women, Monthly Review Press.  L   ’   ’  —, « Room to Maneuver : !Kung Women Cope with Men » in A C D., B J. K., C J. C., Sanctions and Sanctuary : Cultural Perspectives on the Beating of Wives, Boulder, CO : Westview, p. –. D H. E., M W. C., , « Comparative Studies of North American Indians », Transactions of the American Philosophical Society, New Series, vol. , nᵒ , p. –. D I., P L., B G., C F., P M. J., A A., B G., , « A Recent Shi from Polygyny to Monogamy in Humans Is Suggested by the Analysis of Worldwide Y-Chromosome Diversity », Journal of Molecular Evolution, nᵒ , p. –. D B., , « Burials in Context : e s Inhumations of Çatalhöhük East », Anatolian Studies, vol. , p. –. E R. B., , e Individual in Cultural Adaptation, University of California Press, Berkeley. —, Warrior women – e Amazons of Dahomey and the Nature of War, Westview Press. E M., , Women in Prehistory, Norman and London, University of Oklahoma Press. E R., , Le calice et l’épée, Robert Laffont (). E A. P., , Les Aborigènes australiens, NRF Gallimard, Paris (). E C. L., , e Myth of Matriarchal Prehistory : Why an Invented Past Won’t Give Women a Future, Beacon Press, Boston. —, Gentlemen and Amazons : e Myth of Matriarchal Prehistory, –, University of California Press. E C. R., , « Myths about Hunter-Gatherers », Ethnology, vol. , nᵒ , p. –. —, « e Relative Decline in Women’s Contribution to Agriculture with Intensification », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. E M. E., , « Warfare, Sex Ratio, and Polygyny », Ethnology, vol. , nᵒ , p. –. E M. E. et C. R., , « e Conditions Favoring Matrilocal versus Patrilocal Residence », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. —, « Violence in the Ethnographic Record : Results of Cross-Cultural Research on War and Aggression », in M D. L., F D. W. (eds), War and Society, vol. , Troubled Times – Violence and Warfare in the Past, Routledge, p. –. E K. L., , « e Conditions of Egalitarian Male-Female Relationships in Foraging Societies », Canberra Anthropology, vol. , nᵒ , p. –. E F., , L’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, Éditions du progrès, Moscou (). —, Lere à Joseph Bloch (– septembre), in K. M & F. E, Werke, Bd. , Berlin, Dietz Verlag, . EP E .E., , La femme dans les sociétés primitives et autres essais d’anthropologie sociale, PUF (). Bibliographie  E E. J., , Journals of expeditions of discovery into Central Australia and Overland from Adelaide to King George’s sound, in the years – ( vol.), T. and W. Boone, London. F A. et J., , e Affinal Relationship System : A New Approach to Kinship and Marriage among the Australin Aborigines at Port Keats, Universitetsforlaget, Oslo – Bergen – Tromsø. F P., , Les Indiens – Essai sur l’évolution des sociétés humaines, Le Seuil (). F T., , « e eenmother, Matriarchy and the estion of Female Political Authority in Precolonial West African Monarchy », Journal of Black Studies, vol. , nᵒ , p. –. F L. M., , « e Changing Role of Women in Models of Human Evolution », vol. , p. –. F D. K., , « Women and Men in the Enga “tee” », American Ethnologist, vol. , nᵒ , p. –. F A., , Essay on the History of Civil Society, A. Millar and T. Caddel, London. F R. B., , « Violence and War in Prehistory », in M D. L., F D. W. (eds), War and Society, vol. , Troubled Times – Violence and Warfare in the Past, Routledge, p. –. F M., , « “Femmes invisibles” et “femmes muees”. À propos des événements ibo de  », Cahiers d’Études Africaines, vol. , Cahier , p. –. F J.-A., , « Colonization and the Decline of Women’s Status : e Tsimshian Case », Feminist Studies, vol. , nᵒ , p. –. F L., H A. W., , Kamilaroi and Kurnai, George Robertson, Melbourne, Sydney, Adelaide and Brisbane. F J. G., , « Hierarchy in Simple “Egalitarian” Societies », Annual Review of Anthropology, vol. , p. –. FL C., , « A Marxist Reappraisal of the Matriarchate », Current Anthropology, vol. , nᵒ , p. –. F J., , « On the Natives of Central and Western Australia », e Journal of the Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, vol. , p. –. F R., , Anthropologie de la parenté – Une analyse de la consanguinité et de l’alliance, NRF, Gallimard (). F D. W., , « Ofnet : Evidence for a Mesolithic Massacre », in M D. L., F D. W. (eds), War and Society, vol. , Troubled Times – Violence and Warfare in the Past, Routledge, p. –. F E., , Women and Men, an Anthropologist’s View, Basic Anthropology Units, Holt, Rinehart and Winston, New York. F R., A S. W., , « e Amerindian “Man-Woman” : Gender, Liminality, and Cultural Continuity », Current Anthropology, vol. , nᵒ , p. –. G J., , Vie et coutumes des Esquimaux Caribous, Librairie Payot, Lausanne. G N., , Hommes et femmes au travail, inégalités, différences, identités, Logiques sociales, L’Harmaan.  L   ’   ’  G A., , « e Paern of Fighting in Simple, Small-Scale, Prestate Societies », Journal of Anthropological Research, vol. , nᵒ , p. –. —« e Causes and Origins of “Primitive Warfare” : Reply to Ferguson », Anthropological arterly, vol. , nᵒ , Part , p. –. G J. M., , « Blood Relations : Menstruation and the Origins of Culture by Christopher Knight » (review), American Ethnologist, vol. , nᵒ , Special Book Review Issue (Feb., ), p. –. G M., a, « De la dominance symbolique des femmes au pouvoir effectif des hommes. Maternité, désir et hiérarchie chez les Muduvar (Inde du Sud) », in M N.-C. (dir.), Une Maison sans fille est une maison morte. La personne et le genre en sociétés matrilinéaires et/ou uxorilocales, Éditions de la MSH, Paris. —b, « Un défi à l’entendement : échange matrimonial et rapports hommesfemmes en sociétés matrilinéaires et/ou uxorilocales », in M N.-C. (dir.), Une Maison sans fille est une maison morte. La personne et le genre en sociétés matrilinéaires et/ou uxorilocales, Éditions de la MSH, Paris. G D., , « A Historical Reconsideration of Female Dominance among the Chambri of Papua New Guinea », American Ethnologist, vol. , nᵒ , p. –. G C., , Introduction à l’étude de la parenté, Seuil, Paris. G M., , e Language of the Goddess, Harper and Row, San Francisco. —, e Civilization of the Goddess, Harper, San Francisco. G R. M., , « Huli of Papua : A Cognatic Descent System », Cahiers de l’Homme, nouvelle série VIII, Paris. —, « Le Masque de la volupté. Symbolisme et antagonisme sexuels sur les hauts plateaux de Nouvelle-Guinée », L’Homme, vol. , nᵒ , p. –. G B., , « Affaire de femmes ou femmes d’affaires. Les Walpiri du Désert Central Australien », Journal de la Société des océanistes, nᵒ -, t. , p. –. G M., , Politics, Law and Ritual in Tribal Society, Library of Congress (). G M., , « Préface » in Sur les Sociétés précapitalistes, Éditions sociales, Paris, p. –. —, « Les rapports hommes-femmes : le problème de la domination masculine », in CERM, La condition féminine, Éditions sociales, Paris, p. –. —, La production des grands hommes, pouvoir et domination masculine chez les Baruya de Nouvelle-Guinée, Flammarion, Paris (). —, « Avant-propos » in L P., Guerres et festins – Paix, échanges et compétition dans les Highlands de Nouvelle-Guinée, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, Paris. —, Métamorphoses de la parenté, Fayard, Paris. G S., , e Inevitability of Patriarchy, William Morrow and Company, New York. —, « Response to Leacock and Livingstone », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. Bibliographie  G L., M C., , « Beyond the “Great Mother’ ; e Sacred World of the Minoans », in G L., M C. (eds), Ancient Goddesses – e Myth and the Evidence, e University of Wisconsin Press p. –. G J., B J., , « Inheritance and Women’s Labour in Africa », Africa : Journal of the International African Institute, vol. , nᵒ , p. –. G J., T S. J., , Bridewealth and Dowry, Campridge Papers in Social Anthropology , Cambridge University Press. G K., , « e Nayars and the Definition of Marriage », Journal of the Royal anthropological Institute of Great Britain and Ireland, vol. , Issue , p. –. —, « Variation in residence » in S D. M., G K. (eds), Matrilineal Kinship. University of California Press. Berkeley, p. –. —, « e Origin of the Family », Journal of Marriage and Family, vol. , nᵒ , Special Double Issue : Violence and the Family and Sexism in Family Studies, Part , p. –. G B., , « e Institution of Woman-Marriage in Africa : A Cross-Cultural Analysis », Ethnology, vol. , nᵒ , p. –. G T., , Mehinaku : e Drama of Daily Life in a Brazilian Indian Village, Chicago, University of Chicago Press. —, « e Anguish of Gender : Men’s Cults and Moral Contradiction in Amazonia and Melanesia » in G T. A., T D. (eds), Gender in Amazonia and Melanesia – An exploration of the comparative method, University of California Press, p. –. G G., , Expeditions in Western Australia, – ( vol.), T. and W. Boone, London. G J., Z J., , Le Sentier de la guerre, visages de la violence préhistorique, Seuil, Paris. G V. I., , « Amazons in the Scythia : New Finds at the Middle Don, Southern Russia », World Archaeology, vol. , nᵒ , e Social Commemoration of Warfare, p. –. H A. C., , e study of Man, Putnam’s sons, New York. H C., , « Explaining Trends in Occupational Segregation : e Measurement, Causes, and Consequences of the Sexual Division of Labour », European Sociological Review, vol. , nᵒ , p. –. H R. .L., , An Archaeology of the Soul, North American Indian Belief and Ritual, University of Illinois Press. H R. H., , « Ecology and Mode of Production : Seasonal Variation and the Division of Labor by Sex among Hunter-Gatherers », Journal of Anthropological Research, vol. , nᵒ , p. –. H A., , « Dual Social Systems : Technology, Labour and Women’s Secret Rites in the eastern Western Desert of Australia », Oceania, vol. . —, « A complex strategical situation : Gender and Power in Aboriginal Australia », in G N., G P. (eds), Australian Women : Feminist Perspectives, Oxford University Press, Melbourne, p. –.  L   ’   ’  —, « Kinship and ontology : the transition to Homo Sapiens », in B E. B., S C. (eds), Human Evolution : Facts and Factors, European Anthropological Association, Eotvos University Press, Budapest, Biennial Boooks of EAA, vol. , p. –. H C., , Engels and the origins of human society, éd. électronique du projet internet : <marxists.org>. H M. J., , Les Jivaros, Payot, Paris (). H M., , « e Evolution of Gender Hierarchies : a Trial Formulation. » in M B. D. (ed.), Sex and Gender Hierarchies, Cambridge University Press. H C. W. M., P A. R., , e Tiwi of North Australia, Holt, Rinehart and Winston, New York (). H B., , Les racines de l’inégalité, CNRS éditions. H D. B., , « Sexual Division of Labor and Cross-Cultural Research », Social Forces, vol. , nᵒ , p. –. H J., , History, Manners and Customs of the Indian Nations Who Once Inhabited Pennsylvania and the Neighbouring States, Arno Press & e New York Times (). H C., , « Autonomy as Natural Equality : Inequality in “Egalitarian” Societies », e Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. , nᵒ , p. –. H L., H Z., , « Women’s Status and Mode of Production : A CrossCultural Test », Signs, vol. , nᵒ , p. –. H F., , « Compte-rendu de A. Testart, Essai sur les fondements de la division sexuelle du travail chez les chasseurs-cueilleurs. », Revue française de sociologie, vol. , nᵒ –, p. –. H G., , e Sambia : Ritual and Gender in New Guinea, Case Studies in Cultural Anthropology, Harcourt Brace Jovanovich College Publishers. H F., Masculin-Féminin I, la pensée de la différence, Odile Jacob, Paris, . H, Histoire, trad. Larcher, Charpentier, Paris (). HS G., , « Yanomami » in E C. R., E M. E., Encyclopedia of Sex and Gender : Men and Women in the World’s Cultures, Springer, p. –. H L. R., , Arguments about Aborigines – Australia and the evolution of social anthropology, Cambridge University Press. H I., , « Women and Men at Çatalhöyük », Scientific American, vol. , nᵒ , p. –. —, Çatalhöyük, the leopard’s tale, ames and Hudson, Londres. H E. A., , e Law of Primitive Man, Harvard University Press, Cambridge. H G., , e Ammassalik Eskimo : contributions to the ethnology of the East Greenland natives, C. A. Reitzel, Copenhague. H N., , Demography of the Dobe !Kung, Academic Press, New York. H A. W., , « e Dieri and Other Kindred Tribes of Central Australia », e Journal of the Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, vol. , p. –. Bibliographie  —, e Native Tribes of South-East Australia, Macmillan, London. H C., , Une société sans père ni mari : les Na de Chine, PUF, Paris. H C., , « Glorifying the Great Goddess or Great Woman ? Hindu Women’s Experience in Ritual Recitation of the Devi-Mahatmya », in T K., K K. (eds), Women and Goddess Traditions, Fortress Press, Minneapolis, p. –. IM C., , « Siing on a Man : Colonialism and the Lost Political Institutions of Igbo Women : A Reply to Judith Van Allen », Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines, vol. , nᵒ , p. –. J J. A., , « Long-Term Trends in Occupational Segregation by Sex », e American Journal of Sociology, vol. , nᵒ , p. –. J J. W., , « Imagining Matriarchy : “Kingdoms of Women” in Tang China », Journal of the American Oriental Society, vol. , nᵒ , p. - . J D., , e Life of the Copper Eskimo. Report to the Canadian Arctic Expedition, –, vol. , F. A. Acland (King’s Printer), Oawa. J J., , Women in the Viking Age, Woodbridge : e Boydell Press. J O. R., J A., , « Male / Female Relations and the Organization of Work in a Machiguenga Community », American Ethnologist, vol. , nᵒ , p. –. J L., , « Equal but Different ? e Ontology of Gender among Kewa », Oceania, vol. , nᵒ , p. –. J R. A., , « Images of Gender and Labor Organizations in Classic Maya Society », Exploring Gender rough Archaeology : Selected Papers from  Boone Conference, C C. P. (ed.), Prehistory Press, p. –. K P. M., , Aboriginal Women, Sacred and Profane, édition électronique. K L. H., , Les Guerres préhistoriques, Éditions du rocher, Paris (). K I., , « How Some Murngin Men Marry Ten Wives : e Marital Implications of Matrilateral Cross-Cousin Structures », Man, New Series, vol. , nᵒ , p. –. —, Aboriginal economy and society : Australia at the reshold of Colonisation, Oxford University Press. K S., , « Does Sedentarization Promote Gender Inequality ? A Case Study from the Kalahari », e Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. , nᵒ , p. –. K M., , « “Beasts of Burden” : e Subordination of Southern Tswana Women, ca. – », Journal of Southern African Studies, vol. , nᵒ , Special Issue on Women in Southern Africa, p. –. K D., , « Formal Men, Informal Women : How the Fulani Support eir Anthropologists », Anthropology Today, vol. , nᵒ , p. –. K C., , « Forces productives, rapports de production et origine des inégalités entre hommes et femmes », Anthropologie et sociétés, vol. , nᵒ , p. –. K R., , Eskimo marriage : an account of traditional Eskimo courtship and marriage, Nordiska museet, Stockholm.  L   ’   ’  K L. F., , « Tlinglit » in E C. R., E M. E., Encyclopedia of Sex and Gender : Men and Women in the World’s Cultures, Springer, p. –. K B. M., , « Gender Identity, Political Economy and Modernity in Melanesia and Amazonia », e Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. , nᵒ , p. –. K C., , Blood relations – Menstruation and the Origins of Culture, Yale University Press, New Haven and London. K A., , Conférences sur la libération des femmes, La Brèche (). K J., , « e Marital Project : Beyond the Exchange of Men in Minangkabau Marriage », American Ethnologist, vol. , nᵒ , p. –. K S. L., S M. C., , « What’s a Mother to Do ? e Division of Labor among Neandertals and Modern Humans in Eurasia », Current Anthropology, vol. , nᵒ . L P., , Le Matriarcat – étude sur les origines de la famille, éd. électronique du projet internet : <marxists.org>. —, La estion de la Femme, Édition de l’Œuvre nouvelle, Paris. —, Le Déterminisme économique de Karl Marx : recherches sur l’origine et l’évolution des idées de Justice, du Bien, de l’Âme et de Dieu, V. Giard et E. Brière, Paris. L J. F., , Mœurs des sauvages amériquains comparées aux mœurs des premiers temps ( vol.), La Découverte, Paris (). L C. S., , « Women, Horticulture, and Society in Sub-Saharan Africa », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. L G., , e Kiwai Papuans of British New Guinea : a nature-born instance of Rousseau’s ideal community, Macmillan, London. L L. L., , « Sexual antagonism in the New Guinea highlands : a Bena Bena example », Oceania, vol. , nᵒ , p.  . —, « Ritual, Power, and Male Dominance », Ethos, vol. , nᵒ , p. –. L E. R., , « Polyandry, Inheritance and the Definition of Marriage with particular reference to singhalese customary law », Man, nᵒ . —, « Virgin Birth », Proceedings of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, nᵒ , p. –. L E. B., , « Introduction », e Origin of the Family, Private Property, and the State by Frederick Engels, Lawrence & Wishart, London, p. –. —, « Review : e Inevitability of Patriarchy by Steven Goldberg », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. —, « On Goldberg’s Response », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. —, « Comment on Harriet Whitehead’s Review of “Woman’s Evolution” (vol. , nᵒ , Pt. ) », Signs, vol. , nᵒ , p. –. —et al., , « Women’s Status in Egalitarian Society : Implications for Social Evolution [and Comments and Reply] », Current Anthropology, vol. , nᵒ , p. –. Bibliographie  —, Myths of Male Dominance – Collected Articles on Women Cross-Culturally, Haymarket Books, Chicago (). L A. M. D., , « Le rôle de la femme dans l’organisation politique des sociétés africaines », in P D. (ed.), Femmes d’Afrique noire, Mouton & Co, Paris – e Hague, p. –. L R., , « Contested Order : Gender and Society in the Southern New Guinea Highlands », American Ethnologist, vol. , nᵒ , p. –. L G. R., , « Marital Structure and Economic Systems », Journal of Marriage and Family, vol. , nᵒ , p. –. L R. B., , e !Kung San – Men, Women and Work in a Foraging Society, Riley Dunn & Wilson Limited (). —, « Politics, sexual and non-sexual in an egalitarian society », in L E. B., L R. B. (eds), Politics and history in band societies, Cambridge University Press. —, e Dobe Ju/’hoansi, ird edition, omson Learning (). L D., , « À propos des bandes patrilocales : illusions théoriques et réalités ethnographiques », Journal de la Société des Américanistes, t. , p. –. L P., , Guerres et festins – Paix, échanges et compétition dans les Highlands de Nouvelle-Guinée, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, Paris. —, « Femmes et richesses en Nouvelle-Guinée », in D P., H J., L P. (dir.), La production du social – Autour de Maurice Godelier, Colloque de Cerisy, Fayard, p. –. L, , L’État et la révolution, in Œuvres, t. , Éditions sociales, Paris (). LS C., , Les structures élémentaires de la parenté, Mouton, Paris (). —, Race et histoire, folio essais, Denoël, Paris (). L J., , e Evolution of Culture, MacMillan, New York (). L K. L., , e Mende of Sierra Leone. A West African People in Transition, London. L E. M., , « e Religious Organizations of North Central California and Tierra Del Fuego », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. —, « Patrilineal and Matrilineal Organization in Sumatra », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. L C., , « Cosmic Reproduction, Economics and Politics among the Kulina of Southwest Amazonia », e Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. , nᵒ , p. –. L R. H., , Traité de sociologie primitive, nouvelle édition, trad. fr. M É., Payot, Paris (). L C., , Among Cannibals – An Account of Four Years Travels in Australia and of Camp Life with the Aborigines of eensland, John Murray, London. L R., , Introduction à l’économie politique, Smolny & Agone (). M E., , Everyday Life of the Etruscans, B. T. Batsford, London. MC J. C., , « Portrait of a Brave Woman », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –.  L   ’   ’  MG J., , Narrative of the Voyage of H. M. S. Ralesnake, vol. , T. & W. Boone, London ; édition électronique du projet Gutenberg. ML W. C., , « e Distribution and Process of Suee in North America », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. MN R., , « Women’s Weapons : e Politics of Domesticity among the Kofyar », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. M K., , e Australian Aborigines – A portrait of their Society, New edition, Penguin Books (). M R., M L., , L’origine de l’exogamie et du totémisme, Gallimard, Paris. —, Structuralisme ou ethnologie. Pour une critique radicale de l’anthropologie de Lévi-Strauss, Anthropos, Paris. M R., , Présentation et Introduction [à l’ouvrage de Lewis Henry Morgan, La Société archaïque], Anthropos, Paris (). —, « Ancient Society and Morgan’s Kinship eory  Years Aer [and Comments and Reply] », Current Anthropology, vol. , nᵒ , p. –. M B., , e Family Among the Australian Aborigines, University of London Press. —, « e Primitive Economics of the Trobriand Islanders », e Economic Journal, vol. , nᵒ , p. –. M E. H., , « On the Aboriginal Inhabitants of the Andaman Islands (Part I, II, III) », e Journal of the Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, vol. , p. –, –. M F., , « Hadza » in E C. R., E M. E., Encyclopedia of Sex and Gender : Men and Women in the World’s Cultures, Springer, p. –. M L., , Marriage among !Kung Bushmen, Africa. —, « ǃKung Bushman Bands », Africa : Journal of the International African Institute, vol. , nᵒ , p. –. —, « Sharing, Talking, and Giving : Relief of Social Tensions among !Kung Bushmen », Journal of the International African Institute, vol. , nᵒ , p. –. M M. K., V B, , Female of the Species, Columbia University Press. M K., , L’idéologie allemande, Éditions sociales, Paris (). —, « Formes qui précèdent la production capitaliste », in CERM, Sur les sociétés précapitalistes, Éditions sociales (), Paris, p. –. —, Critique de l’économie politique, in Œuvres – Économie I, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris (). —, Le Capital, Gallimard, Folio essais, Paris (). M T., C W. E., , Material culture of the Iglulik Eskimos, Gyldendal, Copenhagen. M N.-C., , « Homme-culture et femme-nature ? », L’Homme, vol. , nᵒ , p. –. Bibliographie  —, « and céder n’est pas consentir : des déterminants matériels et psychiques de la conscience dominée des femmes, et de quelques-unes de leurs interprétations en ethnologie », in M N.-C. (éd.), L’arraisonnement des femmes. Essais en anthropologie des sexes, coll. Cahiers de l’Homme nᵒ , Éditions de l’EHESS, Paris, p. –. —, L’Anatomie politique, catégorisations et idéologies du sexe, éditions Côtéfemmes, Paris. M M., , « La cohésion sociale dans les sociétés polysegmentaires », in Œuvres, III, Éditions de Minuit (). ML D., , Akwě-Shavante society, Clarendon press, Oxford. M M., , Mœurs et sexualité en Océanie, Pocket, Paris (). M J., , Voyages made in the Years –, Logographic Press, London. M M. J., , Desert People – A Study of the Walbiri Aborigines of Central Australia, e University of Chicago Press, Chicago and London (). —, « Male-Female Relationships in the Highlands of Australian New Guinea », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. M J., , « Excavations at Çatal Hüyük,  : Second Preliminary Report », Anatolian Studies, vol. , p. –. M F., , « Review : Daughters of the Dreaming (D. Bell) », Oceania, vol. , nᵒ , p. –. —, « Gender in Aboriginal Social Life : A Review », in B R. M., T R. (eds), Social Anthropology and Australian Aboriginal Studies, a contemporary overview, Aboriginal Studies Press, Camberra. —, « Male-Female Separation and Forms of Society in Aboriginal Australia », Cultural Anthropology, vol. , nᵒ , p. –. M L., , « Twin Peaks : e Archaeologies of Çatalhöyük », in G L., M C. (eds), Ancient Goddesses – e Myth and the Evidence, e University of Wisconsin Press p. –. M K., , L’Europe des Barbares, Aubier, collection historique. M L. H., , League of the Ho-De-Nau-See or Iroquois, New York (). —, Systems of consanguinity and affinity of the human family, Oosterhout N.B. (). —, La Société archaïque, Anthropos, Paris (). —, Houses and house-life of the American aborigines, University of Utah Press (). M I., , e Evolutionary Origins and Archaeology of Music, Darwin College Research Report, Cambridge University. M M. L., , « Shellfish, Gender, and Status on the Northwest Coast : Reconciling Archaeological, Ethnographic, and Ethnohistorical Records of the Tlingit », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. M C. C., H J., , « Anthropological Studies of Women’s Status Revisited : – », Annual Review of Anthropology, vol. , p. –.  L   ’   ’  M M. T., , « Sex, Gender and Status : Human Images from the Classic Mimbres », American Antiquity, vol. , nᵒ , p. –. M J., , Ethnological results of the Point Barrow expedition, Smithsonian Institution Press, Washington (). M G. P., , « Comparative Data on the Division of Labor by Sex », Social Forces, vol. , nᵒ , p. –. —, Social Structure, Free Press, New York. M G. P., P C., , « Factors in the Division of Labor by Sex : A Cross-Cultural Analysis », Ethnology, vol. , nᵒ , p. –. M R. F., , « Social Structure and Sex Antagonism », Southwestern Journal of Anthropology, vol. , nᵒ , p. –. M N. B., , « Women, “Elite Polygyny” and Buganda State Formation », Signs, vol. , nᵒ , Women, Family, State, and Economy in Africa, p. –. M G N., , e Roles of Men and Women in Eskimo Culture, e University of Chicago Press, Chicago. M F. R., , Pintupi Country, Pintupi Self – Sentiment, Place, and Politics among Western Desert Aborigines, Australian Institute of Aboriginal Studies, Canberra. N F., , Eskimo Life, Longmans, Green & Co, London. N S. M., , Gender in Archaeology : Analysing Power and Prestige, Altamira Press, Walnut Creek. N C., , Filles de la terre : vies et légendes des femmes indiennes, Albin Michel, Paris (). N S., , « Description of the Natives of King George’s Sound (Swan River Colony) and Adjoining Country », Journal of the Royal Geographical Society of London, vol. , p. –. N A. J., H B. S., , « e Contexts of Female Hunting in Central Africa », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. N D., , « Property Relations, Production Relations, and Inequality : Anthropology, Political Economy, and the Blackfeet », American Ethnologist, vol. , nᵒ , p. –. O’B D., , « Female Husbands in Southern Bantu Societies », in S A. (ed.), Sexual Stratification – A Cross-Cultural View, Columbia University Press, New York. O J. U., , « African Bridewealth and Women’s Status », American Ethnologist, vol. , nᵒ , p. –. O J., , « Defiant Moments : Gender, Resistance and Individuals », Man, New Series, vol. , nᵒ , p. –. O B. A., , « Women, Children and the Family in the Late Aegean Bronze Age : Differences in Minoan and Mycenaean Constructions of Gender », World Archaeology, vol. , nᵒ , Intimate Relations, p. –. O R. L., , e inault Indians. University of Washington Publications in Anthropology  : , p. –. Bibliographie  O M. K., , « Woman’s Social Status and the Forms of Marriage », e American Journal of Sociology, vol. , nᵒ , p. –. O S. B., , « e Virgin and the State », Feminist Studies, vol. , nᵒ , p. –. —, « Gender and sexuality in hierarchical societies », in O S. B., W H., Sexual Meanings : e Cultural Construction of Gender and Sexuality, Cambridge University Press, p. –. —–, « Gender Hegemonies », Cultural Critique, nᵒ , e Construction of Gender and Modes of Social Division II. O M. W., , « Toward Monogamy : A Cross-Cultural Study of Correlates of Type of Marriage », Social Forces, vol. , nᵒ , p. –. O K. F., , « A History of Research on Warfare in Anthropology », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. —, e Anthropology of War, Waveland Press. P O.-K., , « L’énigme des ancêtres mâles chez les Minangkabau “matrilinéaires” de Sumatra-Ouest (Indonésie) », in M N.-C. (dir.), Une Maison sans fille est une maison morte. La personne et le genre en sociétés matrilinéaires et/ou uxorilocales, Éditions de la MSH, Paris. P K. L., , e Euahlayi Tribe, Archibald Costable ad Company, London. P J. E., , « Resolving the past : gender in the Stone Age archaeological record of the Western Cape » in K S. (ed.), Gender in African prehistory, Altamira Press, Walnut Creek, p. –. P N., , « Rethinking the Sexual Division of Labor : Reproduction and Women’s Work Among the Efe » in  L M. (ed.), Gender at the Crossroads of Knowledge : Feminist Anthropology in the Postmodern Era, University of California Press, Berkeley. P M. G., , « e Exchange of Men in th-Century Negeri Sembilan (Malaya) », American Ethnologist, vol. , nᵒ , p. –. P N., , Chez les Sauvages – dix-sept ans de la vie d’un mousse vendéen dans une tribu cannibale, –, Cosmopole (). P T., , Cherokee Women – Gender and Culture Change, –, University of Nebraska Press, Lincoln & London. P R. J., , « e Fur Trade and the Status of Women in the Western Subarctic », Ethnohistory, vol. , nᵒ , p. –. —, « Matrilineal Descent in a Hunting Context : e Athapaskan Case », Ethnology, vol. , nᵒ , p. –. P P., , Nouvelle Histoire de l’homme, Librairie Académique Perrin (). P A. R., , « Discussions, Part III » in L R. B., D I. (eds), Man the Hunter, Aldine – Atherton, Chicago. P W., , Wanderings in a Wild Country, Sampson Low, London. P C., Was I., , « e Woman with the Zebra’s Penis : Gender, Mutability and Performance », e Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. , nᵒ , p. –.  L   ’   ’   N., , « Anthropological Studies on Women’s Status », Annual Review of Anthropology, vol. , p. –. RB A. R., , e Andaman Islanders,The Free Press, Glencoe (). —, Structure et fonction dans la société primitive, Éditions de Minuit, Points Sciences Humaines (). R C., , « Changes in the Lives of Ordinary Women in Early Post-Contact Hawai », in J M., M M. (eds), Family and Gender in the Pacific – Domestic Contradictions and the Colonial Impact, Cambridge University Press, p. –. R K., , e People of the Polar North, Kegan Paul, Trench, Trübner & Co, London. —, Across Arctic America. Narrative of the Fih ule Expedition, G. P. Putnam’s Sons, New York. R P. H., , Report of the International Polar Expedition to Point Barrow, Alaska, Government printing office, Washington. R K. E., , « Cultures of the Central Highlands, New Guinea », Southwestern Journal of Anthropology, vol. , nᵒ , p. –. R E., , Féminisme et Anthropologie, Denoël–Gonthier (). R A. I., , Chisungu ; a girls’ initiation ceremony among the Bemba of Northern Rhodesia, Faber and Faber, Londres. R W. H. R., , e History of Melanesian Society, Anthropological Publications, Oosterhout NB (). R S. C., , « Female Forms of Power and the Myth of Male Dominance : A Model of Female/Male Interaction in Peasant Society », American Ethnologist, vol. , nᵒ , Sex Roles in Cross-Cultural Perspective, p. –. —, « Woman’s Place : A Critical Review of Anthropological eory », Comparative Studies in Society and History, vol. , nᵒ , p. –. R G., , Children of the Desert : the Western Tribes of Central Australia, Basic Books, New York. RL R., S B., W E., , « Aboriginal woman : male and female anthropological perspective », in R R. (ed.), Toward an Anthropology of Women, Monthly Review Press, New York. R R., , « Review : Prehistoric Puzzles », e Women’s Review of Books, vol. , nᵒ , p. –. R J. H., , Woman in primitive motherright societies, David Nu, London. R M. Z., , « Woman, culture and society : a theoretical overview » in R M., L L. (eds), Woman, Culture, and Society, Stanford University Press. —, « e Use and Abuse of Anthropology : Reflections on Feminism and CrossCultural Understanding », Signs, vol. , nᵒ , p. –. R M. Z., L L., , « Introduction » in R M. Z., L L. (eds), Woman, Culture, and Society, Stanford University Press. Bibliographie  R F. G. G., , « Australian Marriage, Land-Owning Group, and Initiations », in L R. B., D I. (eds), Man the Hunter, Aldine – Atherton, Chicago. R M. H., , « Female Political Participation : A Cross-Cultural Explanation », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. R W. E., , Ethnological Studies among the North West Central eensland Aborigines, E. Gregory, Brisbane. R N. A., , « Mortuary Behavior and Social Organization at Indian Knoll and Dickson Mounds », American Antiquity, vol. , nᵒ , p. –. R G., , « L’économie politique du sexe : transactions sur les femmes et systèmes de sexe/genre », Cahiers féministes Paris  Cedref, nᵒ  (). R P., , « e Palaeolithic Mother-Goddess : Fact or Fiction ? », in H G K., W D. S. (eds), Reader in Gender Archaeology, Routledge, London and New York, p. –. R E. E., , « Slavery, Surplus, and Stratification on the Northwest Coast : e Ethnoenergetics of an Incipient Stratification System », Current Anthropology, vol. , nᵒ , p. –. S H. E., , Greenland : being extracts from a journal kept in that country in the years  to , Boosey & Sons, London. S K., , « Engels revisited : Reinterpretation of Engels’ e Origin of the Family, Private Property and the State () », in R R. (ed.), Toward an Anthropology of Women, Monthly Review Press. —, « State Bias and Women’s Status », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. S M., , Âge de pierre, âge d’abondance : l’économie des sociétés primitives, NRF Gallimard (). S ’A B., , « Mythe de la femme et pouvoir de l’homme chez les Inuit de l’Arctique central (Canada) », Anthropologie et sociétés, vol. , nᵒ , p. –. S R., , Mémoires historiques sur l’Australie, A. Pringuet, Paris (). S P. R., , « Toward a eory of the Status of Women », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. —, « Female Status in Public Domain », in R M. Z., L L. (eds), Woman, Culture, and Society, Stanford University Press. —, Female Power and Male Dominance : On the Origins of Sexual Inequality, Cambridge University Press. S S. K., H D. A., D J. K., , « Militarist, Marxian, and Non-Marxian Materialist eories of Gender Inequality : A Cross-Cultural Test », Social Forces, vol. , nᵒ , p. –. S B. R., , « Sexual Stratification and Social Stratification », e British Journal of Sociology, vol. , nᵒ , p. –. S L. D., , « e Royal Women of Buganda », e International Journal of African Historical Studies, vol. , nᵒ , p. –.  L   ’   ’  S A., , Male dominance and female autonomy : domestic authority in matrilineal societies, HRAF press, New Haven. —, « Towards a theory of Sexual Stratification », in S A. (ed.), Sexual Stratification – A Cross-Cultural View, Columbia University Press, New York. —, « Sexual Antagonism among the Sexually Egalitarian Hopi », Ethos, vol. , nᵒ , p. –. S A., B H., , « e Cultural Consequences of Female Contribution to Subsistence », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. S A., E R., , « Marriage Transactions : Labor, Property, Status », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. S D. M., , « Introduction : e Distinctive Features of Matrilineal Descent Groups », in S D. M., G K. (eds), Matrilineal Kinship. University of California Press. Berkeley, p. –. S S., , « Parenté, herméneutique et notion de genre. Les facees du pouvoir sexué chez les Ngada d’Indonésie occidentale » in M N.-C. (dir.), Une Maison sans fille est une maison morte. La personne et le genre en sociétés matrilinéaires et/ou uxorilocales, Éditions de la MSH, Paris. S C. W., , « e Aboriginal Tribes of Port Lincoln » in W J. D., Native Tribes of South Australia, Adelaide. S E. R., , « Kinship Terminology and Evolution », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. SS C., , « Women Have No Affines and Men No Kin : e Politics of the Jivaroan Gender Relation », Man, New Series, vol. , nᵒ , p. –. S B. S., G K. M., P J. F., , « Prehistoric and ethnographic Pueblo gender roles : Continuity of lifeways from the eleventh to early twentieth century », in R A. E. (ed.), Reading the Body : Representations and Remains in the Archaeological Record, University of Pennsylvania Press, Philadelphia, p. –. S L., , « e Social Organization of the Yir-Yiront Tribe, Cape York Peninsula », Oceania, nᵒ . S W. H., , « Marx and Morgan », History and eory, vol. , nᵒ , p. –. S M., , Nisa, une vie de femme, Petite Bibliothèque Payot (). S P., , « Divide and No One Rules : e Implications of Sexual Divisions of Labour in the Papua New Guinea Highlands », Man, New Series, vol. , nᵒ , p. –. S I., , « Andean Women in the Inca Empire », Feminist Studies, vol. , nᵒ , p. –. —, « Women in States », Annual Review of Anthropology, vol. , p. –. S J., , « Kinship and Mode of Production », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. S B., G F. J., , e native tribes of Central Australia, MacMillan, London. Bibliographie  —, e Northern Tribes of Central Australia, MacMillan, London. —, Across Australia, MacMillan, London. —, e Arunta : A Study of Stone-Age People, MacMillan, London. S R. F., , e North Alaskan Eskimo : A Study in Ecology and Society, Bureau of American Ethnology, Bulletin . S H., , Nus, féroces et anthropophages, Métailié, Paris (). S W. E. H., « e Daly River Tribes — A Report of Field Work in North Australia (Continued) », Oceania, vol. , nᵒ , p. –. S W. A., W R., , « Northern Iroquoian Slavery », Ethnohistory, vol. , nᵒ , p. –. S B. J., , « Engels on the Family », Science & Society, vol. , nᵒ , A Centenary of Marxism, p. –. S S. H., , Economics of the Iroquois, Monographs Series, vol. , nᵒ , Bryn Mawr College Monographs. S A., , « Gender, Ideology and Money in Mount Hagen », Man, New Series, vol. , nᵒ , p. –. —, « e Division of Labor and Processes of Social Change in Mount Hagen », American Ethnologist, vol. , nᵒ , Economic and Ecological Processes in Society and Culture, p. –. S S., , « “e Status of Women” in Indigenous African Societies », Feminist Studies, vol. , nᵒ , p. –. T P., , « Les mains, les outils, les armes », L’Homme, vol. , nᵒ , p. –. T S. J., , « Bridewealth and Dowry Revisited : e Position of Women in Sub-Saharan Africa and North India », Current Anthropology, vol. , nᵒ , p. –. T J.-C., , Dictionnaire des peuples, Larousse. T N., , « Matrifocality in Indonesia and Africa and among Black Americans » in R M. Z., L L. (eds), Woman, Culture, and Society, Stanford University Press. T G., , e Folklore, Manners, Customs and Languages of the South Australian Aborigines : Gathered from Inquiries Made by Authority of South Australian Government, E. Spiller, Adelaide. T E., , Le Marxisme devant les sociétés « primitives » – deux études, Maspero, Paris. T A., , « Pour une typologie des chasseurs-cueilleurs », Anthropologie et Sociétés, nᵒ , p. –. —, Les Chasseurs-cueilleurs ou l’origine des inégalités, Société d’Ethnographie (Université Paris X-Nanterre), Paris. —, Préface à L. H. Morgan : La Société archaïque, Anthropos, Paris. —, Essai sur les fondements de la division sexuelle du travail chez les chasseurscueilleurs, École des Hautes Études en Sciences Sociales, « Cahiers de l’homme (Ethnologie, Géographie, Linguistique) », nouvelle série XXV, Paris.  L   ’   ’  —, « Some Major Problems in the Social Anthropology of Hunter-Gatherers [and Comments and Reply] », Current Anthropology, vol. , nᵒ , p. –. —, « La question de l’évolutionnisme dans l’anthropologie sociale », Revue Française de Sociologie, nᵒ , p. –. —a, « Le prix de la fiancée et autres prestations destinées aux parents de l’épouse dans quelques sociétés primitives », Annales de la Faculté de Droit de ClermontFerrand, nᵒ , p. –. —b, « Manières de prendre femme en Australie », L’Homme, nᵒ , p. –. —/, « Pourquoi ici la dot et là son contraire ? Exercice de sociologie comparative des institutions » ( parties), Droit et Cultures, nᵒ , p. –, nᵒ , p. –, nᵒ , p. –. —, « Nouvelles hypothèses sur la dot », Droit et culture, nᵒ , p. –. —, « Les Amazones, entre mythe et réalité », L’Homme, nᵒ , p. –. —, La Servitude Volontaire – t.  : Les morts d’accompagnement – t.  : L’origine de l’État, Errance, Paris. —a, Éléments de classification des sociétés, Errance, Paris. —b, « La femme et la chasse », in H F. (ed.), Hommes, femmes, la construction de la différence, Le Pommier, Paris. —, « Des dieux à l’image des rois », Sciences Humaines, Grands Dossiers nᵒ  : « L’origine des religions ». —, « Des crânes et des vautours ou la guerre oubliée », Paléorient, vol. , nᵒ . —a, « Réponse » [au débat autour de l’article précédent], Paléorient, vol. , nᵒ . —b, L’État, le droit, la guerre, Séminaire « Principes de sociologie générale », publication électronique. —, La Déesse et le grain : trois essais sur les religions néolithiques, Errance, Paris. T D., , David ompson’s Narrative, –, e Champlain Society, Toronto. T R. G., , e Jesuit relations and allied documents travels and explorations of the Jesuit missionaries in New France, – : the original French, Latin, and Italian texts, with English translations and notes, Burrows, Cleveland. T P., , « Morgan And Soviet Anthropological ought », American Anthropologist, vol. , nᵒ . T R., , « “Ideology and domination” in Aboriginal Australia : a Western Desert case » in I T., R D., W J. (eds), Hunters and Gatherers – vol. , Property, Power and Ideology, Berg, New York / Oxford. T E., , Ethnography of the Huron Indians, –, Smithsonian Institution, Bureau of American Ethnology, Bulletin , Washington. T J., , « Engels et l’émancipation des femmes », in L G. (dir.), Engels, savant et révolutionnaire, PUF, p. –. T T., , « La parenté comme langage », in D P., H J., L P. (dir.), La production du social – Autour de Maurice Godelier, Colloque de Cerisy, Fayard, p. –. Bibliographie  T R., C M., , « Rethinking Figurines : A Critical View from Archaeology of Gimbutas, the “Goddess” and Popular Culture », in G L., Morris C. (eds), Ancient Goddesses – e Myth and the Evidence, e University of Wisconsin Press, p. –. T C. M., , Wayward Servants : e Two Worlds of the African Pygmies, Garden City : Natural History Press. T B., , Understanding Early Civilizations, Cambridge University Press. U P., , « e Interpretation of Prehistoric Anthropomorphic Figurines », e Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, vol. , nᵒ , p. –. U R. M., , Social organization of the Papago Indians, Columbia University Contributions to Anthropology , Columbia University Press. V V., , « Buying Women But Not Selling em : Gi and Commodity Exchange in Huaulu Alliance », Man, New Series, vol. , nᵒ , p. –. V A J., , « Siing on a Man : Colonialism and the Lost Political Institutions of Igbo Women », Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines, vol. , nᵒ , Special Issue : « e Roles of African Women : Past, Present and Future », p. –. V P C. S., V P T. L., , « Gender in Middle Range Societies : A Case Study in Casas Grandes Iconography », American Antiquity, vol. , nᵒ , p. –. V R., , Enfants du néant et mangeurs d’âmes. Guerre, culture et société en Iroquoisie ancienne, Boréal. —, Femmes de personne. Sexes, genres et pouvoirs en Iroquoisie ancienne, Boréal, Montréal. W E., , « Na » in E C. R., E M. E., Encyclopedia of Sex and Gender : Men and Women in the World’s Cultures, Springer, p. –. W M. S., , « Polygyny, Rank, and Resources in Northwest Coast Foraging Societies », Ethnology, vol. , nᵒ , p. –. W B. E., , « An Example of a “Mixed” System of Descent and Inheritance », Man, vol. , p. –. W W. L., , A Black Civilization, A Social Study of an Australian Tribe, Peter Smith, Gloucester (). W W., , « Kafaina : Female-wealth and power in Chuave, Papua New Guinea », Oceania, vol. , nᵒ , p. –. W P., , « Matriarchy : a vision of power » in R R. (ed.), Toward an Anthropology of Women, Monthly Review Press. W C. H., , « Women in Manam (to be continued) », Oceania, vol. , p. –. —, « Women in Manam (continued from Vol. VII) », Oceania, vol. , p. –. W A. B., , « Trobriand Descent : Female / Male Domains », Ethos, vol. , nᵒ , p. –. W D. R., , « Rethinking Polygyny : Co-Wives, Codes, and Cultural Systems [and Comments and Reply] », Current Anthropology, vol. , nᵒ , p. –.  L   ’   ’  W D. R., B M., , « Causes of Polygyny : Ecology, Economy, Kinship, and Warfare », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. W I. O., , « Aboriginal Women’s Status : A Paradox Resolved », in G F. (ed.), Woman’s role in Aboriginal Society, Australian Institute of Aboriginal Studies. W H., a, « Reviewed work(s) : Woman’s Evolution : From Matriarchal Clan to Patriarchal Family by Evelyn Reed », Signs, vol. , nᵒ , p. -. —b, « A Reply », Signs, vol. , nᵒ , p. –. —a, « e Varieties of Fertility Cultism in New Guinea : Part I », American Ethnologist, vol. , nᵒ , p. –. —b, « e Varieties of Fertility Cultism in New Guinea : Part II », American Ethnologist, vol. , nᵒ , p. –. W M., , e Status of Women in Preindustrial Societies, Princeton University Press. W W., T J. A., , « Women in Ethnography : e Research of James A. Teit », Ethnohistory, vol. , nᵒ , p. –. W R. L., , « Sex Role Equality, Wet Rice Cultivation, and the State in Southeast Asia », American Anthropologist, New Series, vol. , nᵒ , p. –. W J., , e social organization of the Hadza of North Tanganyka, èse, Université de Cambridge.  Table des matières Appendice : Une histoire de famille A  L’évolutionnisme de Morgan  Les systèmes de parenté . . . . . . . . . . . . . . La parenté iroquoise . . . . . . . . . . . . . . . . Contradiction entre système de parenté et famille Mariage de groupe et famille punaluenne . . . . . Le tableau général de l’évolution . . . . . . . . . . B . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les groupes de parenté La filiation unilinéaire . . . . . . . Clans et système de parenté . . . . Clans et famille . . . . . . . . . . . Existe-t-il une « société clanique » ? D . . . . . Critique de Morgan L’introuvable famille punaluenne . . . . . . Le système de parenté ne dit pas tout… . . . Le système de parenté en dit encore moins… À quoi servent les systèmes de parenté ? . . C . . . . .      . . . . . . . . Famille et parenté, quel évolutionnisme ? . . . . . . . . . . . .      Un bref état des connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . .  Conclusion (et le matérialisme historique ?) . . . . . . . . . .  Atlas des peuples cités  Notes  Bibliographie  Tables et schémas  Illustrations  Index des peuples cités  Index des noms de personnes 