Le communisme primitif
n’est plus ce qu’il était
Christophe Darmangeat
Le communisme primitif
n’est plus ce qu’il était
Aux origines de l’oppression des femmes
&
Une histoire de famille
Seconde édition remaniée
SMOLNY
Toulouse,
ISBN : ----
© Smolny
, rue de Bayard
T
Internet : www.collectif-smolny.org
Contact : info@collectif-smolny.org
Le blog de l’auteur : cdarmangeat.blogspot.com
Première édition réalisée avec la collaboration de Véronique Chevillon,
Laurence Fleury, Frans IJpelaan, Patrick Moll, Sylvie et Joël Oustalet,
Florence et Éric Sevault.
Nouvelle édition préparée par Marie Laigle, Pascale Noyret, Sébastien Plutniak,
Florence et Éric Sevault.
APPENDICE
UNE HISTOIRE DE FAMILLE
Chapitre A
L’évolutionnisme de Morgan
Les systèmes de parenté
D
que fit Morgan sur les sociétés primitives, et il en fit beaucoup, l’une des principales touche à
la forme et l’importance qu’y prend la parenté. Commençons
donc par définir ce que l’on entend par « parenté » et « système de
parenté ».
Dans toutes les sociétés occidentales, depuis des siècles, chaque
individu utilise un terme spécifique pour désigner la femme qui l’a
engendré : c’est sa « mère ». De même, l’homme qui l’a engendré est
son « père ». Les enfants de cet individu sont appelés ses « fils » et ses
« filles ». Les autres enfants masculins de ses parents sont ses « frères »,
leurs enfants féminins ses « sœurs ». Si on envisage les parents plus
éloignés, on rencontre les « oncles », les « tantes », les « cousins », les
« cousines », les « neveux » et les « nièces ». En s’éloignant encore
d’un degré, on trouve les « grands-pères », les « grands-mères », les
« petits-enfants », les « grands » et les « petits-cousins », les « grandsoncles » et les « grands-tantes », etc.
Pour s’épargner de longues explications, les anthropologues ont pris
l’habitude de représenter cee nomenclature, ce système de noms, par
un schéma. Au centre de celui-ci, on trouve un individu quelconque,
Ego (« moi »), de sexe généralement indéterminé. Par convention, les
cercles figurent des femmes, les triangles des hommes. Les traits verticaux représentent la filiation, les traits horizontaux la germanité (un
terme technique désignant les rapports entre frères et sœurs, qu’on
retrouve dans l’expression usuelle de « cousins germains » ; on évitera
donc de confondre ces « germains », frères et sœurs, avec les Germains, peuple de Germanie). Enfin, un trait horizontal double figure
U
le mariage. Si l’on dessine le schéma correspondant à la manière dont
nous, Occidentaux du ᵉ siècle, désignons nos parents les plus
proches dans notre génération et dans la précédente, on obtient le
résultat suivant, que Morgan appelait le système « aryen », et que les
anthropologues désignent maintenant du nom de système « eskimo » :
T . : Le système de parenté eskimo
Trois points importants doivent être notés d’emblée.
Premièrement, dans ce schéma, de même que dans tous ceux que
l’on aura à examiner par la suite, chaque élément, hormis moi-même,
mon père et ma mère, est susceptible de représenter plusieurs individus. Je peux avoir plusieurs frères ou plusieurs sœurs, autant d’oncles
paternels que je le veux, cela ne change rien à la manière de dessiner
le schéma de parenté. Ce que l’on représente ici, ce ne sont donc pas
à proprement parler des parents, c’est-à-dire des individus, mais des
positions de parenté, susceptibles d’être occupées dans la réalité par
plusieurs individus — ou par aucun.
Deuxièmement, les locuteurs français n’ont pas de chance. Dans
cee langue, en effet, le terme de « parents » est ambigu : il désigne
parfois deux individus précis, mon père et ma mère, mais il possède un
autre sens, beaucoup plus large, celui de « parentèle » : mes parents,
ce sont aussi tous les individus qui me sont apparentés, ceux auxquels
je suis relié par des liens de filiation et de mariage. En anthropologie,
lorsqu’on parle de « parents » et de « parenté », c’est a priori toujours
dans ce sens le plus large.
Troisièmement, le schéma ne représente qu’une partie de mes
parents, ceux qui me sont reliés par le sang, et il omet mes parents
par alliance (ma femme, mes beaux-parents, les épouses et époux de
mes oncles et tantes, etc.). Pourtant, ceux-ci font bien sûr partie de
L’évolutionnisme de Morgan
mes parents au même titre que les autres, et lorsqu’un anthropologue
étudie une terminologie de parenté, il se doit de les prendre en compte.
Mais une difficulté après l’autre ; il est préférable pour le moment de
s’en tenir aux quelques parents les plus proches présentés ci-dessus.
En fait, jusqu’à Morgan, personne ne s’était jamais réellement interrogé sur cee manière de nommer ses parents ; elle semblait aller de
soi, comme une chose naturelle. On n’avait pas véritablement imaginé
qu’il puisse en exister d’autres, et si tant est qu’on les ait remarquées
chez certains peuples, on considérait qu’il s’agissait là de coutumes un
peu bizarres et sans signification particulière.
La parenté iroquoise
M , à la suite de bien d’autres, que les
Iroquois pratiquaient comme certains peuples barbares cités par
les Grecs de l’Antiquité la filiation par les femmes ; plus surprenant
encore, c’est l’ensemble de leurs parents qu’ils désignaient selon
d’autres règles que les nôtres. Son génie fut de prendre cee affaire
au sérieux. Chez les Iroquois, en effet, la parenté n’était pas seulement
différente : elle jouait manifestement un rôle beaucoup plus important
que dans notre propre société. On ne pouvait comprendre celle-ci,
et au-delà, la société iroquoise dans son ensemble, sans pénétrer la
logique de son étonnant système de parenté.
Morgan découvrit donc qu’elle obéissait aux règles suivantes :
. Tout individu appartenait obligatoirement à un groupe nommé
« clan », et plus précisément, à celui de sa mère. Morgan, plutôt que
de clans, préférait parler de gens, du terme qui désignait ce type de
groupes chez les Romains. Il voulait ainsi souligner une de ses idées
maîtresses, reprise de Lafitau : les Iroquois donnaient une image fidèle
de l’ancienne organisation sociale des peuples de notre propre
Antiquité. Toutefois, l’usage n’ayant pas retenu le terme proposé par
Morgan, on continuera ici d’utiliser le terme de clan, qui désignait au
départ les groupes de ce type chez les Écossais.
. Le mariage — plus exactement, tout rapport sexuel — était interdit
entre personnes du même clan. De cee règle, il découle qu’un individu n’appartenait jamais au clan de son père (puisque celui-ci était
par définition différent de celui de sa mère).
U
. Enfin, et c’est ce point qui produisait des résultats si curieux à nos
yeux, deux germains de même sexe (c’est-à-dire, rappelons-le, deux
frères ou deux sœurs) étaient toujours désignés par le même terme de
parenté.
Dans un tel système, en vertu de cee dernière règle, les sœurs de
ma mère cessent d’être des « tantes », pour devenir d’autres « mères »
(alors que les frères de ma mère, eux, restent mes « oncles »). De même,
les frères de mon père deviennent autant de « pères » (tandis que les
sœurs de mon père demeurent mes « tantes »). ant aux enfants de
toutes ces mères et de tous ces pères, ils ne sont plus, comme chez nous,
des « cousins » et des « cousines » : ce sont des « frères » et « sœurs ».
De même, leurs enfants, ne sont plus des « petits-cousins » et « petites
cousines », mais des « neveux » et des « nièces », etc.
Aussitôt qu’on entre un peu dans les détails, cee énumération des
positions de parenté conduit infailliblement à noyer le mieux intentionné des lecteurs — qui n’a pas éprouvé cee sensation en lisant
et relisant désespérément certains passages des premiers chapitres de
L’Origine de la famille ? Aussi, le mieux est d’avoir recours au même
type de schéma que précédemment :
T . : Le système de parenté iroquois
Les quelques positions figurées ici ont déjà de quoi déconcerter.
Mais ce système de parenté, à mesure qu’on l’élargit aux parents plus
éloignés, se révèle de plus en plus troublant à nos yeux. Par exemple,
on voit ici que l’ensemble de mes « mères » comprend, en plus de ma
mère biologique, toutes ses sœurs (mes « tantes » maternelles dans
notre système eskimo). Mais, en fait, en système iroquois, j’ai encore
beaucoup d’autres mères supplémentaires ! Par exemple, ma grandmère maternelle, elle aussi, a vraisemblablement des sœurs. En vertu
L’évolutionnisme de Morgan
de la règle selon laquelle, dans ce système, deux germains de même
sexe sont toujours désignés par le même terme, les sœurs de ma grandmère sont elles aussi mes grands-mères. Dès lors, et très logiquement,
si ces autres grand-mères ont eu des filles, celles-ci sont donc mes
« mères » :
T . : Mères et grands-mères en système iroquois
Et l’on peut poursuivre ainsi indéfiniment : les sœurs de mon arrièregrand-mère maternelle sont aussi mes « arrière-grands-mères », et
leurs petites-filles sont donc autant de « mères », et ainsi de suite. Aussi
loin que j’aille chercher dans ma parenté du côté maternel, je trouverai
ainsi d’autres « mères »… dont certaines, plus jeunes que moi, n’ont
encore jamais eu d’enfants (voir table ci-après) !
Il en va de même pour toutes les autres catégories du système iroquois : mes parents, aussi éloignés soient-ils, sont autant d’oncles, de
tantes, de cousins et de cousines, mais aussi de pères, de mères, de
frères, de sœurs, de fils et de filles. En fait, dans le système de parenté
iroquois, aucun terme ne désigne un seul individu. Tous les termes
sans exception désignent un ensemble, une catégorie de parents ; et
ces parents que je désigne par le même nom me sont donc généalogiquement reliés de bien des manières différentes (comme on vient de
le voir pour toutes mes « mères »).
U
T . : elques-unes de mes « mères » en système iroquois
Notre propre système n’ignore pas non plus ce type d’usage. Les
termes d’« oncle », de « tante », de « cousin », y désignent eux aussi
plusieurs positions généalogiques et non une seule. Mais il y a tout
de même une différence de taille avec le système iroquois : dans notre
propre système, certains termes sont par définition restreints à un seul
individu, ou à un seul type de connexion biologique. Ainsi, je ne peux
avoir qu’un seul père et qu’une seule mère. Et même si je peux certes
avoir plusieurs frères, ceux-ci sont tous les enfants mâles de mon père
et de ma mère. En système iroquois, en revanche, aucun terme, pas
même celui de « père » ou de « mère », ne désigne une seule relation
de parenté. Un « frère », par exemple, peut aussi bien être l’enfant de
mes parents que celui du frère de mon père, ou que le petit-fils du frère
de mon grand-père, etc.
Les termes utilisés dans notre propre système de parenté pour désigner un individu meent l’accent sur trois aspects : son sexe, sa génération, et sa distance généalogique vis-à-vis de moi. Certains termes
L’évolutionnisme de Morgan
désignent mes parents immédiats, ceux à qui je suis directement relié,
en les différenciant selon leur sexe et leur génération : père, mère,
frère, sœur, fils, fille. Certains autres termes désignent les parents
auxquels je suis relié par un seul intermédiaire, en les différenciant
également selon le sexe et la génération : oncle, tante, grand-père,
grand-mère, petit-fils, petite-fille, cousin et cousine. Certains termes,
enfin, désignent les parents avec lesquels je suis relié par deux intermédiaires : grand-oncle, grand-tante, petit-cousin, petite-cousine, et
ainsi de suite. C’est pour cee raison que Morgan qualifiait notre système de parenté de « descriptif », par opposition au système iroquois,
qu’il appelait « classificatoire » : les termes de parenté iroquois traduisent des catégories dans lesquelles viennent se ranger des parents
aux distances généalogiques très différentes. Aucun terme, pas même
ceux de « père » et de « mère », n’échappe à cee règle générale 1 .
Poursuivant son enquête auprès d’autres tribus indiennes, Morgan
découvrit que la logique des termes de parenté iroquois était partagée
par plusieurs autres peuples. Il mit aussi au jour d’autres systèmes
inconnus jusque-là (systèmes qu’Engels choisit de laisser de côté pour
ne pas alourdir son propos et dont nous ne parlerons pas ici pour les
mêmes raisons de simplicité).
Morgan initia alors la première enquête ethnographique systématique. Il écrivit à des centaines de correspondants dans le monde entier,
missionnaires ou administrateurs coloniaux, en leur demandant de
relever des dizaines de termes par lesquels les indigènes qu’ils fréquentaient désignaient l’ensemble de leurs différents parents. C’est à partir
de cee immense masse de matériaux, produit de vingt années de
recherches, qu’il rédigea deux ouvrages, les Systèmes de consanguinité
et d’affinité de la famille humaine, en , puis La Société archaïque en
. Et c’est ce dernier livre qui fournit l’essentiel de la matière de
L’Origine de la famille, ou tout au moins de ses premiers chapitres.
L’enquête de Morgan lui permit de déceler des similitudes étonnantes dans la manière dont différents peuples, parfois très éloignés
les uns des autres, désignaient leurs parents. Il définit ainsi la notion
de système de parenté, c’est-à-dire d’un ensemble de règles caractéristiques qui présidaient aux dénominations des différents parents. Il
regroupa les centaines de terminologies qu’il avait collectées en six
grands types au sein desquels subsistaient certaines variantes — si
l’on excepte quelques cas particuliers qui restaient inclassables. Il est
U
à noter que le développement extraordinaire que connut l’étude de
la parenté à la suite des travaux pionniers de Morgan n’a que très
peu remis en question la classification que celui-ci avait élaborée, et
qui a donc remarquablement résisté au temps. La seule modification
importante qui lui a été apportée remonte seulement aux années ;
encore s’est-elle limitée à distinguer, au sein du type iroquois, certaines variantes dorénavant considérées comme un type à part entière,
nommé dravidien.
Morgan avait été frappé par le fait que chacun des six principaux
systèmes de parenté se retrouvait partagé par des peuples extrêmement divers, vivant à des milliers de kilomètres les uns des autres.
Le système iroquois, par exemple, est celui de plusieurs autres tribus d’Amérique du Nord (comme leurs voisins Hurons ou NaskapiMontagnais), mais aussi de peuples d’Amazonie (Yanomami, Jivaro…),
d’Afrique (Touaregs, Bemba…). On ne pouvait naturellement pas
entièrement aribuer cee similitude à des mécanismes de diffusion
et d’emprunt, bien que Morgan ait un moment pensé tenir dans le
fait que certaines peuplades du sud de l’Inde partageaient le système
de parenté iroquois la preuve que les Indiens venaient d’Asie ; mais il
revint vite sur cee hypothèse. De telles convergences, à des milliers
de kilomètres de distance et réparties sur tous les continents, étaient
forcément des solutions semblables nées de circonstances sociales
semblables. Cela, ajouté à la thèse de Bachofen selon laquelle les
anciens Grecs, tout comme les actuels Iroquois, pratiquaient jadis la
filiation clanique par la mère, ne laissait aucun doute possible sur le
fait que les systèmes de parenté, comme toutes les institutions sociales,
évoluaient.
Mais établir la réalité d’une évolution est une chose, en découvrir les
lois et les mécanismes en est une autre. Il s’agissait donc pour Morgan
de dépasser le travail d’inventaire et de classification, pourtant déjà
considérable, et de tenter d’élaborer une théorie de l’évolution des
systèmes de parenté, en tentant de comprendre sous l’effet de quelles
forces, et en relation avec quels autres aspects de la vie sociale ceux-ci
se transformaient.
L’évolutionnisme de Morgan
Contradiction entre système de parenté et famille
P M, et c’est le point de départ de tout son raisonnement,
la parenté iroquoise présente un visage contradictoire. En effet, si l’on
en croit les termes qu’elle utilise, chaque enfant posséderait plusieurs
mères et plusieurs pères. Ce fait étrange peut s’expliquer très
simplement : il suffit d’admere qu’il correspond à une situation où
les femmes, tout comme les hommes, seraient légalement unies à
plusieurs partenaires sexuels en même temps. Dans cee hypothèse,
chaque enfant aurait donc toute une série de pères et de mères, et il
les désignerait comme tels. Or, et c’est là que Morgan percevait une
contradiction, la réalité de la vie familiale iroquoise ne répondait pas
du tout à cee description.
Par bien des aspects, la famille iroquoise était certes passablement
différente de celle du ᵉ siècle bourgeois : chez les Iroquois, le mariage ne possédait aucun caractère religieux ; il s’agissait d’une simple
décision civile conclue entre les époux concernés — et surtout, entre
leurs clans. De même, c’est le mari qui partait vivre chez sa femme et
non l’inverse.
Les séparations étaient aisées, et pouvaient intervenir à l’initiative
de la femme comme du mari. Mais, et c’est le point essentiel pour
Morgan, les Iroquois vivaient en couple : chaque femme n’était mariée
qu’à un seul homme et chaque homme qu’à une seule femme. Les
enfants ne pouvaient donc avoir qu’un seul père et une seule mère,
ce qui était incompatible avec la manière dont étaient désignés, entre
autres, les frères des pères et les sœurs des mères. Il y avait donc selon
Morgan une discordance entre le système de parenté (les termes par
lesquels les parents étaient désignés) et la famille (la manière dont était
organisée la vie commune des parents et des enfants).
L’idée fondamentale de Morgan, celle qui lui permit d’échafauder
ensuite tout son schéma évolutif, était d’une grande simplicité : elle
consistait à supposer que les termes de parenté iroquois étaient le vestige d’une forme antérieure de famille. Il y aurait donc dans l’institution familiale deux niveaux bien distincts : d’une part la famille réelle,
telle qu’elle existe en pratique, de l’autre la manière dont cee famille
est traduite par les termes de parenté. Or, toujours selon Morgan, ces
deux niveaux se transformaient à des rythmes différents, l’évolution
de la famille ayant toujours un temps d’avance sur celle du système
de parenté :
U
La famille constitue une institution active, elle ne demeure jamais stationnaire, mais passe d’une forme inférieure à une forme supérieure au fur et à
mesure que la société progresse d’un stade inférieur à un stade supérieur.
Les systèmes de consanguinité ᵃ sont au contraire passifs ; ils ne font que
refléter à long terme les progrès enregistrés par la famille, et ne changent
radicalement que lorsque la famille subit un changement fondamental 2 .
Cee hypothèse en cachait une autre ; si les termes employés dans
les différents systèmes de parenté sont intimement liés à certaines
formes de famille et qu’ils permeent donc de les reconstituer (y compris lorsqu’il s’agit de formes de familles disparues), c’est parce que
ces termes indiquent les règles d’inceste. On peut donc en déduire
quels sont les mariages autorisés et les mariages interdits, et donc la
forme de famille qui a donné naissance à chaque système de parenté.
Ainsi Morgan mit-il au jour ce qu’il pensait être une double relation :
l’une, réciproque, entre les règles d’inceste (assimilées aux interdits de
mariage) et les formes de famille. L’autre, susceptible de présenter un
décalage dans le temps, entre cet ensemble et les systèmes de parenté.
Identifier ainsi les règles qui gouvernent les relations sexuelles et
celles qui régissent le mariage pose quelques problèmes. D’une part,
bien que ce soit généralement le cas, le mariage ne signifie pas toujours
la légitimation des relations sexuelles : qu’on se rappelle les Nayars,
où le mari légitime n’acquérait aucun droit sexuel sur son épouse.
D’autre part, et surtout, il est de nombreux peuples qui, tout en ne
voyant pas d’inconvénient à ce que certaines personnes aient des relations sexuelles, leur interdisaient néanmoins de se marier. C’est par
exemple le cas dans les sociétés stratifiées, où un homme bien né pouvait avoir sans déchoir des relations avec une femme du commun, mais
où leur mariage n’était pas envisageable. C’est aussi le cas chez nous,
où le mariage entre un frère et une sœur adultes est illégal, mais où
leur union sexuelle ne l’est pas ᵇ. Ainsi, ce que l’on appelle les règles
d’inceste incluent généralement les règles matrimoniales, les secondes
étant souvent plus contraignantes que les premières.
a. Si bien des découvertes de Morgan n’ont pas vieilli, le vocabulaire avec lequel il
s’exprime est souvent tombé en désuétude. Ainsi, les « systèmes de consanguinité »
dont il est ici question sont ce que l’on a appelé dans ce texte les « systèmes de
parenté », comme le fait l’anthropologie moderne.
b. C’est en octobre que fut promulgué le premier Code Pénal, qui abolissait
le délit d’inceste. De nos jours, le langage courant identifie souvent, à tort, inceste
et pédophilie (qui reste un crime puni par la loi).
L’évolutionnisme de Morgan
T . : La détermination des systèmes de parenté selon Morgan
Plus profondément, la double hypothèse de Morgan, qui relie systèmes de parenté, interdits de mariage et formes de famille ne résiste
pas à la critique ; la pièce maîtresse de la construction est aussi celle
par laquelle tout l’édifice s’effondre. Mais ne meons pas la charrue
de l’âge du fer avant les bœufs du Néolithique, et continuons pour le
moment à suivre les raisonnements de Morgan.
Mariage de groupe et famille punaluenne
S , le système de parenté iroquois était donc en quelque sorte
un fossile conservé au niveau du vocabulaire : il décrivait une organisation familiale disparue, dans laquelle les enfants auraient eu effectivement plusieurs mères et plusieurs pères. Cela impliquait logiquement que ces mères et ces pères aient été jadis collectivement mariés
les uns aux autres. Morgan ne put nulle part constater de ses propres
yeux un tel état de fait, mais il crut trouver un appui dans des témoignages provenant d’Hawaï. Ceux-ci faisaient état d’une forme de
mariage qu’il appela « mariage de groupe », dans laquelle un ensemble
d’hommes était collectivement uni à un ensemble de femmes, l’un de
ces deux ensembles au moins étant formé de germains (des frères s’il
s’agissait des hommes, des sœurs s’il s’agissait des femmes). Il était
également possible (mais pas nécessaire) que le mariage unisse à la fois
un ensemble de frères et un ensemble de sœurs. Les points essentiels
U
étaient que dans tous les cas, d’une part, l’un des deux groupes d’époux
au moins était formé de germains ; d’autre part, et surtout, qu’un frère
ne pouvait jamais être uni à sa propre sœur. Au sein d’un tel groupe,
chacun des garçons appelait ses co-maris « punalua », « compagnons
de mariage » (s’il ne s’agissait pas de ses propres frères), et c’est par
le même terme que se désignaient entre elles les co-épouses, si elles
n’étaient pas sœurs : c’est ce qui décida Morgan à créer le terme de
famille « punaluenne ».
Morgan, au moment où il rédigea ses travaux, disposait des premiers
matériaux ethnographiques sur l’Australie et pensait avoir identifié
dans certaines institutions australiennes (les « sections », qu’on examinera un peu plus loin), une forme particulière de famille punaluenne
et de mariage de groupe. Au dossier de la famille punaluenne, Morgan
versait deux pièces supplémentaires, en l’occurrence un témoignage
de Jules César ᵃ sur les Bretons et un autre d’Hérodote ᵇ sur les Massagètes, un peuple du Caucase apparenté aux Scythes.
Morgan semblait donc avoir trouvé, tant à Hawaï qu’en Australie,
la confirmation de son hypothèse : le système de parenté iroquois,
pratiqué par des peuples connaissant la famille dite appariée (car elle
formait une paire, un couple), était le vestige d’une forme de famille
disparue, la famille punaluenne observable à Hawaï. Mais là se posait
une nouvelle énigme : car à Hawaï, le système de parenté ne coïncidait
pas non plus avec la famille punaluenne. Au lieu d’utiliser, en toute
bonne logique, le système iroquois qui correspondait à leur forme
effective de famille — ou, tout au moins, à ce que Morgan croyait
être leur forme effective de famille —, les Hawaïens recouraient à la
terminologie décrite ci-contre (table ) :
Morgan choisit d’appeler ce système de parenté « malais », car on le
retrouvait dans diverses populations d’Asie du Sud-Est et de Polynésie.
a. Jules César (vers - / -) : général et homme politique romain, qui conquit
notamment la Gaule et se proclama dictateur avant de périr assassiné. Il est
l’auteur (ou l’inspirateur) de récits relatant notamment ses campagnes militaires.
Ses Commentaires sur la guerre des Gaules, en particulier, sont considérés comme
une source non négligeable d’informations ethnographiques, même si celle-ci doit
être maniée avec les précautions nécessaires.
b. Hérodote (vers - / vers -) : écrivain grec surnommé le « père de
l’Histoire », il fut le premier à rassembler des matériaux, à les vérifier et à les compiler
sous la forme d’une narration en prose. Son œuvre unique, L’Enquête, se nourrit de
ses voyages dans la partie orientale du bassin méditerranéen et contient nombre
d’éléments à caractère ethnologique sur les peuples « barbares ».
L’évolutionnisme de Morgan
T . : Le système de parenté hawaïen
Mais Engels ne mentionne que l’île d’Hawaï, où il fut découvert, et
c’est sous ce nom de « système hawaïen » qu’il a été par la suite désigné par les anthropologues. Ce système hawaïen présente donc la
particularité d’opérer uniquement des distinctions selon le sexe et la
génération : tous mes parents de la génération précédente sont soit
des « pères », soit des « mères ». Tous ceux de ma génération sont des
« frères » ou des « sœurs », et tous ceux de la génération suivante sont
des « fils » ou des « filles ». En fait, toute cee affaire ne cadre pas du
tout avec la forme punaluenne de la famille, où dans ma propre génération, les seules unions interdites sont celles avec mes propres sœurs
biologiques si je suis un homme, avec mes propres frères biologiques
si je suis une femme. Un système de parenté qui aurait été en accord
avec la famille punaluenne aurait donc dû distinguer, dans la même
génération, d’un côté mes frères et sœurs biologiques, avec lesquels
je ne peux pas m’unir sans commere un inceste, de l’autre le reste
de mes parents, qui sont mes époux ou épouses possibles. Or, ce n’est
pas le cas du système hawaïen. À Hawaï comme chez les Iroquois, il
y a donc là encore une contradiction, un décalage, entre le système de
parenté et la forme effective de la famille.
Fort logiquement, Morgan leva cee contradiction exactement de
la même manière que la précédente : en considérant que le système
de parenté hawaïen était lui-même le témoin d’une forme de famille
révolue. Celle-ci ne pouvait être que la plus primitive de toutes : l’interdit de l’inceste n’y avait pas encore touché les individus d’une même
génération et il se limitait aux rapports entre générations différentes
(tous assimilés pour l’occasion à des rapports entre parents et enfants).
Les rapports sexuels étaient donc autorisés entre tous les individus de
la même génération, qui étaient donc naturellement entre eux tous
« maris » et « femmes ». Morgan donna à cee famille, qui faisait
U
directement écho aux thèses de Bachofen sur la promiscuité primitive,
l’appellation de « consanguine ».
À cet égard, il faut remarquer que la traduction des termes du
système hawaïen par « frère » et « sœur » est trompeuse : ces mots
suggèrent à nos oreilles d’Occidentaux l’interdiction des relations
sexuelles. Or, si le système hawaïen est bel et bien l’expression de la
famille consanguine de Morgan, les relations sexuelles avec les parents
désignés par les termes de « frères » et « sœurs » étaient au contraire
tout à fait légitimes. Pour rendre compte de la réalité du système
hawaïen, il aurait donc fallu forger un terme spécial pour désigner tous
les parents de ma génération, frères et sœurs biologiques y compris,
avec lesquels je peux m’unir sans commere d’inceste (par exemple,
« cousins »). On aura l’occasion de revenir sur ces problèmes de traduction, qui sont loin de se limiter aux « frères » et aux « sœurs » du
système hawaïen.
Morgan ne put trouver nulle part d’exemples de famille consanguine. À ses yeux, celle-ci se situait dans un passé si lointain qu’aucun
peuple ne l’avait conservée. La famille consanguine subsistait uniquement en tant que trace inscrite dans le système de parenté hawaïen.
Pour Morgan, à défaut de pouvoir être observée directement, elle s’imposait comme une nécessité logique.
Jusqu’à présent, notre aention s’est portée sur la manière dont un
individu désigne les parents de sa propre génération (frères, sœurs,
cousins et cousines) ou génération précédente (pères, mères, oncles et
tantes). Mais le raisonnement peut être étendu à l’identique à propos
de la manière dont sont désignés ses proches parents de la génération
suivante, fils, filles, neveux et nièces.
T . : La génération suivante en système hawaïen
L’évolutionnisme de Morgan
En système hawaïen, de manière très cohérente avec les principes
exposés précédemment, tous les enfants de mes frères et sœurs sont
indifféremment mes « fils » et « filles ». Pourquoi, interroge Morgan ?
Parce que ce système correspond à la famille consanguine, où aucun
interdit d’inceste n’existe entre les parents d’une même génération.
Si je suis un homme, la femme de mon frère est aussi ma femme : les
enfants de mon frère et de sa femme sont donc les enfants de mon frère
et de ma propre femme ; ce sont donc mes propres enfants. ant à ma
sœur, elle est également ma femme : ses enfants seront donc eux aussi
les miens. Tous ces enfants seront donc mes « fils » et mes « filles ».
T . : La génération suivante en système iroquois (H)
En système iroquois, en revanche, si je suis un homme, les enfants de
mon frère sont certes encore mes enfants, mais ceux de ma sœur sont
devenus mes « neveux » et « nièces ». Cela s’explique parfaitement
par le passage de la famille consanguine à la famille punaluenne :
tout comme auparavant, la femme de mon frère est aussi la mienne,
il n’y a toujours rien qui distingue donc ses enfants des miens. Mais
l’introduction de la loi exogamique fait qu’en revanche, je ne peux
plus m’unir avec ma propre sœur. Ses enfants ne peuvent donc plus
être les miens, et un nouveau terme de vocabulaire (celui de « neveu »
et « nièce ») apparaît pour traduire cee différence de statut. Du point
de vue d’une femme, et pour les mêmes raisons, on retrouve les mêmes
résultats, inversés comme dans un miroir (voir ci-après table ).
Ajoutons pour finir que dans notre propre système de parenté, qui
correspond selon Morgan à la famille appariée puis monogame, mes
enfants portent un nom qui les distingue des enfants de tous mes frères
U
T . : La génération suivante en système iroquois (F)
et sœurs, avec lesquels je ne partage plus aucun conjoint. Là encore,
tout concorde à merveille.
Dans tous les systèmes de parenté, la désignation des neveux,
comme celle des autres parents, semble donc s’expliquer sans aucune
anicroche par la succession des formes familiales et des interdits de
mariage (d’union sexuelle) censés leur correspondre.
Le tableau général de l’évolution
O comment Morgan, partant des Iroquois, a remonté
le temps par le raisonnement afin de reconstituer la succession des
formes de famille et des systèmes de parenté. Il ne reste plus qu’une
étape pour compléter le tableau général qu’il avait élaboré et dont
Engels rend compte d’une manière simplifiée.
Si, chez les Iroquois, le mariage unissait effectivement deux individus, la famille n’y avait pas pour autant une physionomie semblable
à la famille moderne. La famille iroquoise, dite appariée par Morgan
et qu’il oppose au type dit « monogame » qui lui a succédé, peut facilement se séparer. La femme y occupe encore une position estimable,
ne serait-ce qu’en raison du fait qu’elle seule transmet l’appartenance
au clan. Sous l’effet des évolutions économiques, de la place prise par
les biens appartenant à l’homme et de la nécessité de les transmere à
ses enfants, la famille évolue ensuite vers sa forme « patriarcale » dans
laquelle un adulte mâle, en dehors du fait de posséder éventuellement
plusieurs épouses, exerce son autorité sur tout un ensemble familial (et
pas seulement sur sa propre femme et ses propres enfants). La famille
patriarcale, forme intermédiaire qui, à l’image de la famille appariée,
ne donne pas naissance à un système de parenté propre, achève son
L’évolutionnisme de Morgan
évolution en devenant la famille monogame, forme moderne — mais
non ultime — de la famille. Parallèlement, le système de parenté
iroquois laisse finalement la place au nôtre, le système eskimo, dans
lequel on ne trouve plus aucune référence au mariage de groupe ni aux
règles de l’union exogamique. Dans le système de parenté eskimo, les
dénominations des parents sont uniquement fonction de leur éloignement par rapport à moi : ce système traduit la place centrale prise par
la famille monogame et la disparition des structures claniques.
Résumons. L’évolution conjointe — mais à des rythmes différents —
de la famille et des systèmes de parenté, selon la présentation que fait
Engels de Morgan, peut être figurée par le tableau qui suit. Les flèches
symbolisent les adéquations entre formes de famille, règles d’inceste et
systèmes de parenté. Enfin, pour situer les choses, on a mentionné les
différents stades chronologiques, à la fois dans la définition de Morgan
et dans la définition moderne.
T . : L’évolution des systèmes de parenté selon Morgan (présentation simplifiée)
Chapitre B
Critique de Morgan
L’introuvable famille punaluenne
D
qui suivirent la publication de La Société
archaïque et de L’Origine de la famille, les critiques s’accumulèrent à l’encontre des résultats de Morgan. Elles étaient pour
la plupart, et de plus en plus à mesure que le temps passait, inspirées
par une hostilité non dissimulée à toute perspective évolutionniste. En
critiquant Morgan, les anthropologues qui lui succédèrent n’avaient
pas, pour la quasi-totalité d’entre eux, pour objectif d’améliorer sa
théorie de l’évolution, mais plutôt de rejeter toute théorie de l’évolution. Il est néanmoins impossible d’écarter leurs arguments d’un
revers de main ; ils doivent être examinés sérieusement.
On peut les classer rapidement en deux grandes catégories : tout
d’abord, ceux qui relèvent des faits eux-mêmes. Certaines affirmations
de Morgan, et non des moindres, ont été contredites par les découvertes effectuées depuis lors. L’étude de nouvelles sociétés a révélé
des formes ou des combinaisons sociales alors inédites, qui n’entraient
pas dans son schéma. Mais d’autres objections portent sur les raisonnements eux-mêmes et en particulier sur l’hypothèse qui est à la base
de tout son scénario évolutif : l’articulation entre forme de famille,
interdits de mariage et système de parenté. C’est sur ces dernières
qu’il nous faudra insister le plus, car elles sont fondamentales ; c’est
cee critique qui permet de comprendre pourquoi la construction de
Morgan est finalement une construction spéculative, articulée autour
d’intuitions pour beaucoup démenties par la suite.
Commençons donc par les faits.
Dans la séquence présentée par Morgan, la famille punaluenne, articulée sur le mariage de groupe, joue un rôle décisif. C’est elle, en effet,
U
qui est censée avoir introduit l’exogamie au sein d’une même génération, en établissant pour la première fois la distinction entre mes frères
et mes sœurs (avec lesquels je ne peux pas m’unir sans commere d’inceste) et les autres membres de ma génération. C’est aussi elle qui est
censée avoir mené à la structuration en clans exogames, en étendant
cee interdiction à l’ensemble des parents en ligne féminine. C’est
enfin la famille punaluenne, toujours elle, qui selon Morgan expliquait
la transformation du système de parenté hawaïen en système iroquois.
Autant dire que la famille punaluenne était censée posséder un statut
de tout premier plan dans l’évolution sociale.
Dans les années , deux exemples de mariage de groupe — plus
exactement, de traces de mariage de groupe —, base supposée de la
famille punaluenne, pouvaient être invoqués :
— les punalua d’Hawaï, où un ensemble de sœurs partageaient
un ensemble de maris, non nécessairement frères ; il pouvait
également s’agir d’un ensemble de frères qui partageaient un
ensemble de femmes, non nécessairement sœurs ;
— les institutions australiennes, en particulier le système dit des
« sections ».
Les témoignages de l’Antiquité
À ces deux exemples, Morgan ajoutait, on l’a dit, les témoignages de
Jules César sur les Bretons et d’Hérodote sur les Massagètes. Celui de
César à propos des Bretons tient tout entier dans la phrase suivante :
Les femmes y sont en commun entre dix ou douze, surtout entre les frères,
les pères et les fils 1 .
César affirme donc que les maris, en particulier des frères, possédaient
leurs femmes en commun. Seul ce point pourrait plaider en faveur de
la famille punaluenne, et encore d’une manière fort douteuse. Morgan
considère en effet comme acquis que ces frères soient mariés en commun non à une seule femme mais à plusieurs ; point sur lequel son
témoin est passablement ambigu. En réalité, si l’on se contente de ce
que dit César, on ne peut écarter l’hypothèse que les Bretons aient
simplement pratiqué ce que l’on appelle aujourd’hui la polyandrie
fraternelle.
ant au partage présumé des épouses entre les pères et leurs fils,
il est tout à fait contradictoire avec la forme de famille punaluenne,
Critique de Morgan
puisque celle-ci était censée avoir interdit l’inceste entre générations.
Le fait lui-même, qui n’a jamais été constaté chez aucun peuple, paraît
fort douteux. Très vraisemblablement inventé par César, il avait à coup
sûr de quoi horrifier le lecteur romain pour qui il devait représenter
un comble de sauvagerie.
Ce témoignage démontre donc bien peu de choses, sinon que César,
sans doute choqué par les mœurs des barbares, avait décrit en quelques
formules plus frappantes que rigoureuses ce qui devait lui paraître une
révoltante promiscuité sexuelle.
ant à la mention supposée de la famille punaluenne par Hérodote,
elle se résume là encore à une unique phrase, écrite à propos des
Massagètes :
Ils épousent chacun une femme ; mais elles sont communes entre eux 2 .
Là encore, le seul élément tangible est la surprise du Grec devant les
pratiques matrimoniales des barbares, et son incapacité à en rendre
compte de manière rigoureuse. Pour le reste, c’est bien indûment qu’on
y devinera les traces d’un mariage de groupe impliquant des frères ou
des sœurs.
Mariage de groupe et polygamie
Voyons à présent si les observations directes étayent plus solidement
la thèse de la famille punaluenne.
Commençons par écarter la possibilité de considérer comme une
survivance du mariage de groupe certaines formes particulières de
polygamie ; celle, relativement courante, où un homme unique épouse
un ensemble de sœurs (la « polygynie sororale ») et celle, beaucoup
plus rare, dans laquelle une femme unique épouse un ensemble de
frères (la « polyandrie fraternelle »). Ces pratiques pourraient à la
rigueur être caractérisées de « demi-mariages de groupe », puisque à
chaque fois, l’un des sexes n’est représenté que par un seul individu.
Aucune de ces coutumes ne peut expliquer le système de parenté
iroquois, pour une raison simple : celui-ci identifie à la fois mon père
avec ses frères et ma mère avec ses sœurs. S’il s’explique par une
forme de famille et de mariage, celle-ci doit nécessairement concerner
à la fois des groupes de frères et des groupes de sœurs. En acceptant,
à la suite de Morgan, que les dénominations de parenté traduisent
des relations de mariage, la polyandrie fraternelle pourrait expliquer
U
pourquoi les frères de mes pères sont aussi mes pères, mais pas pourquoi les sœurs de mes mères sont aussi mes mères. La polygynie sororale, elle, pourrait expliquer pourquoi les sœurs de mes mères sont
aussi mes mères, mais pas pourquoi les frères de mes pères sont aussi
mes pères. Dans les deux cas, le système iroquois n’est expliqué qu’à
moitié ; l’autre moitié reste incompréhensible. Le système iroquois
dans son ensemble ne peut donc provenir, si le raisonnement de
Morgan est juste, que d’un mariage de groupe présentant à la fois les
caractères de la polyandrie fraternelle et de la polygynie sororale. Or,
une telle combinaison n’a été aestée que dans des cas très rares : la
société qui s’en approchait le plus est semble-t-il une tribu du Brésil,
les Kaingang. Il y avait dans cee société % de mariages polyandres
et % de mariages polygynes, le reste étant constitué de familles appariées ; mais au total, moins d’un adulte sur dix était membre d’une
famille à la fois polyandre et polygyne 3 . On pourrait également mentionner les Chuckchee, un peuple de Sibérie où les hommes, mariés
dès l’enfance à une cousine, avaient plus tard le droit d’en épouser
toutes les sœurs. Surtout, un tel homme faisait partie d’un ensemble de
cousins, proches ou éloignés, qui échangeaient entre eux leurs épouses
et qui portaient le nom de « compagnons en épouses », une disposition
qui rappelle les punalua d’Hawaï 4 . En Australie, on y reviendra, il
n’était pas non plus rare qu’un mariage individuel ouvre en réalité
des droits pour toute une série de gens, parents des conjoints ou non,
droits plus ou moins formalisés selon les cas.
L’hypothèse du mariage de groupe ne mérite donc pas le torrent
d’imprécationsqu’ont déversé sur elle bien des successeurs de Morgan,
défenseurs zélés de la famille nucléaire éternelle, et de tels mariages
ont donc bien pu exister çà et là. Cependant, les éléments permeant
de l’ériger en étape obligée et universelle de l’évolution sociale restent
bien ténus.
Les sections australiennes
En apparence, les sections australiennes répondaient aux critères
nécessairespour fonder le système iroquois… mais en apparence seulement, et ce sont ces apparences qui ont abusé Morgan. La parenté
australienne est sans doute la plus compliquée du monde, et on évitera
ici d’entrer dans ses détails. Il suffira de dire que l’organisation de base
de l’Australie divisait le plus souvent la tribu en deux groupes (deux
Critique de Morgan
« moitiés », selon l’appellation consacrée). Tout individu appartenait
à l’une des deux moitiés : il n’existait personne qui se situât hors de
cee classification. Mais les tribus australiennes ne s’en tenaient pas
là et divisaient fréquemment à leur tour chacune des moitiés en deux
groupes appelés « sections » ; ce sont ces sections dont parle Morgan
et sur lesquelles il développe son argumentation.
Les sections australiennes représentaient un cadre indiquant à
chaque individu dans quelle catégorie de la population il pouvait s’unir
sexuellement sans commere un inceste. Il s’agissait d’une prescription extrêmement forte, dont la violation était généralement punie
de mort (chez certaines tribus, la coutume admeait certaines peines
de substitution, guère plus réjouissantes au demeurant). Il existait à
travers tout le continent un système de correspondances entre différentes tribus, qui permeait à un aborigène de situer sa section même
dans une tribu qui n’était pas la sienne. Ce respect du système des
sections était si profondément ancré qu’en cas de conflit, lorsque des
hommes s’emparaient des femmes d’une autre tribu, ils prenaient soin
de s’enquérir de leurs sections afin de savoir s’ils pouvaient les violer
ou s’ils devaient les ramener au camp pour les offrir à un compagnon
« compatible » — un fait déjà connu d’Engels 5 .
Pour décrire le système australien, on a donc dit au ᵉ siècle
que les sections étaient véritablement « mariées entre elles ». Cee
manière de parler est celle de Morgan et par conséquent celle d’Engels
qui, à la suite des ethnologues de son temps, écrit par exemple que :
[…] tout homme de l’une des classes est l’époux-né de toute femme de
l’autre classe ; et celle-ci est son épouse-née. Ce ne sont pas les individus,
ce sont les groupes tout entiers qui sont mariés l’un à l’autre, une classe
avec l’autre classe […] Chez les Kamilaroi […] chacune de ces quatre classes
est mariée également en bloc avec une autre classe déterminée 6 .
Cee conviction d’Engels suivait celle de Lorimer Fison ᵃ et Alfred
Howi, desquels il tire ses informations, et qui rapportaient que chez
ces mêmes Kamilaroi, il était fréquent qu’en certaines occasions, les
maris âgés (et polygynes) prêtent leurs femmes à de jeunes célibataires. De même, on prêtait aussi fréquemment une femme aux
a. Lorimer F (–) : pasteur et anthropologue anglais installé en
Australie, dont le livre Kamilaroi and Kurnai (), écrit conjointement avec
l’explorateur Alfred W. H (–) constitue une des premières études
ethnographiques de terrain sur les Aborigènes.
U
visiteurs des autres tribus, en respectant naturellement, là encore, le
système des sections. Un voyageur pouvait donc avoir ainsi des relations sexuelles avec des femmes vivant à des centaines de kilomètres
les unes des autres, ce que Fison et Howi interprétaient comme un
gigantesque système de mariage collectif.
D’autres institutions australiennes (qui ne furent découvertes que
plus tard) se laissaient elles aussi interpréter comme une survivance
plus ou moins vivace de mariage de groupe. Ainsi, chez les Dieri, qui
vivaient dans le désert du Sud, il existait, en plus du mariage classique, un engagement nommé pirrauru. Celui-ci consistait pour un
mari à accorder à l’un de ses frères classificatoires (et uniquement
à lui) un accès sexuel privilégié à sa femme — l’arrangement n’était
pas obligatoirement réciproque. Le pirrauru, comme le mariage ordinaire, donnait lieu à une cérémonie publique. Les droits du pirrauru
cédaient toujours la priorité à ceux du mari principal lorsque les deux
se trouvaient ensemble au campement : il ne pouvait alors disposer de
sa femme qu’avec le consentement de celui-ci. Tout cela n’empêchait
pas les Dieri, selon un usage plus commun, de prêter ponctuellement
leurs épouses sans cérémonie particulière. Bien évidemment, lorsqu’il
fut découvert, le pirrauru évoqua irrésistiblement le punalua hawaïen.
L’Australie livra encore bien d’autres coutumes que certains crurent
pouvoir interpréter comme les restes d’un mariage de groupe. Ainsi,
celle des Aranda du désert de l’Ouest, où à la puberté, les jeunes filles
étaient déflorées collectivement par l’ensemble des hommes présents.
Et lors des principales cérémonies religieuses, certaines femmes
étaient mises à la disposition de tous ceux avec lesquels l’union
sexuelle n’était pas considérée comme incestueuse.
Revenons aux sections, en remarquant que celles-ci ne se bornent
pas à prescrire les relations sexuelles autorisées : elles indiquent également comment seront classés les enfants issus de ces unions. Si l’on
appelle les deux moitiés et et les sections A et B, les règles de
mariage peuvent être formulées ainsi :
— les hommes de A se marient avec les femmes de A, et leurs
enfants appartiennent à B ;
— les hommes de B se marient avec les femmes de B, et leurs
enfants appartiennent à A ;
— les hommes de A se marient avec les femmes de A, et leurs
enfants appartiennent à B ;
Critique de Morgan
— les hommes de B se marient avec les femmes de B, et leurs
enfants appartiennent à A.
On a supposé ici que les enfants appartiennent à la moitié de leur père ;
mais on aurait pu les classer dans la moitié de leur mère sans que
cela change en rien les propriétés globales du système. Un petit dessin
valant mieux qu’un grand discours, ledit dessin aurait la physionomie
suivante (comme précédemment, un trait double signifie l’union ; les
flèches montrent dans quelle catégorie vient se ranger la progéniture
issue de cee union) :
T . : Le fonctionnement d’un système à quatre sections
Les apparences plaident donc en faveur d’authentiques mariages
de groupe. Un homme appartient toujours à la même section que ses
frères, de même qu’une femme appartient toujours à la même section
que ses sœurs. Or, un homme ne peut avoir des relations sexuelles (et
se marier) qu’avec les femmes d’une section donnée 7 . Il y a plus : le
terme par lequel cet homme désigne toutes les femmes de cee section
est celui d’« épouse » (réciproquement, toutes les femmes de cee
section appellent les hommes de leur section « époux »). La conclusion semble s’imposer : si un homme se trouve dans la section qui
U
lui permet de s’unir à une femme, alors il peut aussi s’unir à toutes
les sœurs de celle-ci ; et réciproquement, tous ses frères peuvent eux
aussi s’unir à elle et à ses sœurs. On semble donc être là en présence
du mariage de groupe, base de la famille punaluenne de Morgan… à un
détail près, mais un détail qui change tout : celui qui sépare un mariage
légalement autorisé d’un mariage effectif.
Non seulement les groupes tout entiers n’étaient pas mariés l’un
à l’autre, mais le mariage était pour les hommes un objectif particulièrement ardu, qui donnait lieu à des stratégies individuelles de
très long terme 8 . Dans certaines tribus, il était inimaginable qu’un
homme puisse se marier avant la trentaine, et seuls ceux qui avaient
fait la preuve de leur respect des conventions sociales (et des plus
âgés, qui contrôlaient l’ensemble du système matrimonial) pouvaient
espérer accéder eux aussi à une polygynie accomplie 9 ; en l’absence
de toute notion de richesse matérielle, le nombre d’épouses était, pour
un homme, un des principaux critères de la réussite sociale.
Les droits matrimoniaux que les hommes exerçaient sur les femmes
étaient si peu collectifs que l’adultère, et plus encore, l’enlèvement de
l’épouse d’un autre, avec ou sans le consentement de celui-ci, était un
motif légitime de meurtre de la part du mari lésé. Dans un film récent
qui se déroule entièrement aux temps pré-coloniaux chez les Murngin
de la Terre d’Arnhem 10 , toute l’intrigue tourne autour de la jalousie
qu’entretient un jeune frère célibataire (et amoureux !) à l’égard de son
aîné qui possède trois femmes. Cee histoire, parmi bien d’autres faits
collectés par une ethnographie abondante, témoigne qu’en Australie,
les femmes d’un frère n’étaient pas nécessairement celles d’un autre,
et qu’elles ne pouvaient l’être qu’avec le consentement de l’époux
officiel.
Il y a donc une profonde différence entre un système qui limite les
unions à des individus appartenant à deux groupes identifiés, et un
système qui rend ces unions effectives. Autrement dit, il ne faut pas
déduire du fait qu’un Australien (et ses frères) pouvait s’unir au sein
d’un groupe comprenant plusieurs femmes (dont des sœurs), ni du
fait qu’il appelait toutes ces femmes « épouses », qu’il était effectivement uni avec l’ensemble des femmes de ce groupe. Les sections
australiennes définissaient les groupes au sein desquels les hommes
pouvaient tenter de se marier ; elles stipulaient, si l’on veut, la gamme
des mariages potentiels. Mais elles ne traduisaient en aucun cas les
Critique de Morgan
mariages réels, qui restaient une affaire individuelle. ant aux
mariages multiples, à la façon des pirrauru des Dieri, ils n’étaient
qu’une variante supplémentaire sur cee base ; mais le simple fait
qu’ils soient l’objet d’une cérémonie publique qui engageait deux
individus (masculins !) montre qu’on était à l’opposé d’une union
collective, dans le sens défini par Morgan. En réalité, si ces coutumes
indiquaient quelque chose, c’est beaucoup moins la survivance d’un
hypothétique mariage de groupe que le fait général que sur ce
continent, les hommes disposaient, légitimement et légalement, de la
sexualité des femmes.
Une région australienne a, il est vrai, révélé une institution qui
répondait par certains aspects à la définition du mariage de groupe de
Morgan. Il s’agit du Kimberley, au nord-ouest du continent, où tout
homme possédait des droits économiques et sexuels sur les épouses
de ses frères, et où les fratries masculines vivaient ensemble 11 . Mais si
ce cas prouve que l’hypothèse de Morgan n’était pas aussi absurde que
ce qu’ont prétendu ses adversaires, il reste beaucoup trop exceptionnel
pour étayer l’universalité d’une telle forme.
Les punalua d’Hawaï
Le seul autre berceau possible du mariage de groupe et de la famille
punaluenne reste donc Hawaï, d’où celle-ci avait tiré son nom. Mais là
encore, un examen des faits plus approfondi oblige à bare en retraite.
Les observations sur lesquelles s’appuyait Morgan faisaient certes état
d’une grande liberté sexuelle, qui impliquait de préférence des groupes
de sœurs ou de frères. Mais le principal informateur de Morgan luimême avouait que cee coutume avait disparu et qu’il n’avait pu en
être le témoin direct.
En fait, les particularités d’Hawaï laissent entrevoir une tout autre
explication qu’une survivance du mariage de groupe. Dans une société
qui était alors largement différenciée selon la fortune et le statut, la
règle de succession ordinaire voulait que l’aîné (quel que soit son sexe)
hérite de l’ensemble du patrimoine, ses frères et sœurs cadets n’obtenant que des droits d’usufruit. Cee pratique favorisait, au moins
dans les classes supérieures, le célibat prolongé des cadets, parfois
pour leur vie entière. Or, la société hawaïenne étant par ailleurs assez
peu pudibonde, les témoignages concordent sur le fait que ceux-ci
profitaient d’une grande liberté sexuelle. Les naissances hors mariage
U
ne posaient pas problème, les enfants étant très facilement adoptés (le
plus souvent, par les parents de la mère célibataire). De cet état des
choses, certains observateurs étrangers pétris de morale chrétienne
n’avaient d’ailleurs généralement pas conclu qu’à Hawaï régnait une
forme matrimoniale originale (et ailleurs disparue), le mariage par
groupe, mais qu’on y ignorait complètement ce qu’était le mariage.
Au vu de ce qui précède, il semblerait bien que l’une comme l’autre de
ces conclusions soient erronées. Peut-être les punalua étaient-ils des
sortes d’amicales sexuelles de célibataires 12 .
Fonder une forme archaïque de famille sur les punalua posait un
autre problème de taille. Hawaï faisait en effet une bien mauvaise
prétendante au titre de plus ancien fossile social vivant, que Morgan
lui décernait conjointement à l’Australie. Si cee dernière, qui ignorait
jusqu’à l’arc, est incontestablement l’ensemble le plus primitif jamais
observé du point de vue technique, la société hawaïenne, pour sa part,
pratiquait l’agriculture, l’élevage et le commerce, et avait développé
une aristocratie à la tête de laquelle régnait un monarque ; elle se plaçait donc à l’orée de la civilisation, c’est-à-dire de l’apparition des
classes et de l’État.
Conclusion
and bien même la méthode du raisonnement de Morgan aurait été
juste, un premier point est donc établi : nulle part, pour ainsi dire,
l’ethnographie n’a pu mere au jour la famille dite punaluenne, censée
dans le monde entier avoir été à l’origine tout à la fois de l’exogamie,
de l’organisation en clans et du système de parenté iroquois. Cee
famille punaluenne rejoint donc la famille consanguine au rang des
spéculations ; ce faisant, un sérieux doute est jeté sur le mécanisme
censé mener du système de parenté hawaïen au système iroquois. Tous
les deux étant des systèmes de parenté actuels, observés, comment
expliquer que la forme de famille censée provoquer la transition de
l’un à l’autre ait entièrement disparu ?
La construction de Morgan laissait donc apparaître une première
fissure. D’autres allaient jeter à bas tout l’édifice.
Critique de Morgan
Le système de parenté ne dit pas tout…
R ’ . Dans un système de parenté
australien typique comme celui des Kariera, les termes de parenté sont
cohérents avec le système des sections. Si je suis un homme, je n’utilise
que deux termes pour désigner toutes les femmes de ma génération. Je
parlerai de « sœurs » pour parler des femmes qui sont dans les sections
où je ne peux pas m’unir, et d’« épouses », ou de « cousines » (le terme
est le même), pour celles qui se trouvent dans la section où je peux
m’unir.
Dans le système de parenté dravidien, très semblable au système
iroquois décrit par Morgan, il n’existe également qu’un terme unique
pour désigner tout à la fois l’épouse et la catégorie particulière de
cousines qui sont épousables. Dans ces systèmes, le mariage possède
la caractéristique surprenante à nos yeux de ne pas créer de parenté
nouvelle : une fois marié, un homme continue à désigner sa femme (et
les parents de celle-ci) par le même terme que lorsqu’ils n’étaient pas
unis. La femme que j’épouse fait forcément partie de mes « épousescousines », et elle reste mon « épouse-cousine » une fois le mariage
conclu. De même, mes « beaux-parents » étaient déjà mes « beauxparents » avant que je me marie avec leur fille. Dans ces sociétés, à la
différence de la nôtre, le mariage entérine en quelque sorte un rapport
de parenté préexistant ; en un certain sens (mais en un certain sens
seulement), il ne tisse pas de nouveaux liens.
Cee propriété du système dravidien, tout comme l’erreur de
Morgan à propos du mariage de groupe en Australie, souligne que
les termes employés dans un système de parenté peuvent tout à fait
traduire les unions possibles, car autorisées, sans pour autant traduire
les unions réelles. C’est là un point d’une grande importance, car tout
le raisonnement de Morgan était fondé sur cee dernière hypothèse.
Pour Morgan, si en système australien, j’appelle toute une catégorie de femmes « épouses », c’est parce que ces femmes sont réellement mes épouses — ou parce qu’elles l’ont été par le passé, dans une
forme de famille révolue. Or, en Australie, ces femmes ne sont que
mes épouses possibles, mes épouses permises, ce qui est tout différent.
Cela implique que quel que soit le système de parenté en vigueur, il
est impossible de déduire la forme de famille (présente ou passée) des
interdits de mariages éventuellement inscrits dans son vocabulaire.
U
Le système de parenté, dans le meilleur des cas, indique donc avec
quelles femmes un homme peut légitimement s’unir et avec lesquelles
cee union serait en revanche considérée comme un inceste. Mais
même dans ce cas, il ne fournit aucune information sur la forme
concrète de la famille, le nombre d’épouses qu’un homme peut acquérir, à quelles conditions, la solidité du mariage, les droits respectifs
des époux quant à sa dissolution, les aspects économiques liés à cee
union, etc. Lorsqu’il parle de « famille » et des « formes de famille »,
Morgan confond donc les deux choses bien distinctes que sont d’une
part, les interdits de mariage et de l’autre, le type de structure socioéconomique regroupant parents et enfants. Or, si le système de parenté
contient parfois certaines informations sur le premier point (mais pas
autant que le pensait Morgan), il reste toujours totalement muet sur
le second.
Les Australiens, par exemple, pratiquent généralement la polygynie,
mais très exceptionnellement la polyandrie. Les hommes, on l’a dit, ne
peuvent guère espérer se marier avant d’avoir achevé une initiation
qui se prolonge parfois très tard ; leurs épouses, qui leur sont parfois
promises avant même leur naissance, sont alors plus jeunes qu’eux
d’au moins une génération. Tous ces traits déterminent une forme
de famille particulière et très originale. Mais celle-ci n’est nulle part
inscrite, même en filigrane, dans le système de parenté 13 . Celui-ci se
contente d’énoncer avec quels partenaires les unions sont possibles,
et avec lesquels elles sont interdites.
Morgan faisait donc fausse route en affirmant que les termes de
parenté du système iroquois ou du système hawaïen font forcément
référence à une relation familiale réelle, présente ou passée. Pas plus
en système iroquois que chez nous, tous les gens que j’appelle des
« pères » ne sont forcément mes « pères » biologiques possibles, ou
ne l’ont forcément été dans le passé. Dès la publication des travaux de
Morgan, certains de ses adversaires avaient déjà remarqué que dans
la société actuelle, les termes de parenté ne sont pas toujours utilisés pour désigner une relation biologique : sans même parler d’un
père adoptif, on appelle un prêtre « mon père » et une religieuse « ma
sœur », tout en sachant parfaitement qu’il ne s’agit ni d’une véritable
sœur, ni d’un véritable père (tout au moins, en principe). Cee objection, qui avait été notamment formulée par McLennan, s’était airé les
railleries d’Engels 14 . Or, il est permis de penser que cee polémique
Critique de Morgan
passait à côté de la véritable question. Car le problème n’était pas tant
de savoir si les termes de parenté ne traduisent jamais une relation biologique, que de savoir s’ils en traduisent obligatoirement une, passée
ou présente 15 .
Lorsqu’en système hawaïen, ou iroquois, un individu appelle plusieurs adultes « père », Morgan affirmait que c’est la conséquence d’un
ancien système familial où plusieurs frères étaient simultanément les
époux de sa mère. On ne pouvait donc connaître avec certitude le
nom du père véritable, ce qui était censé expliquer tout à la fois que
la filiation clanique passe par les femmes et que chacun de ces frères
soient désignés du même terme. Or, même en admeant cee logique,
comment expliquer que dans ces mêmes systèmes hawaïen et iroquois,
on appelle « mère » non seulement sa propre mère, mais aussi l’ensemble de ses sœurs ? C’est une énigme que les arguments de Morgan
ne peuvent résoudre 16 . En effet, dans le cas où un homme a épousé tout
un groupe de sœurs, il est parfaitement logique qu’il puisse dire que
toutes ces sœurs sont ses épouses. Mais du point de vue de ses enfants,
l’argument de la filiation inconnue invoqué précédemment ne tient
plus. Parmi ces sœurs, chacune sait sans aucun doute possible quels
sont ses propres enfants. Et par conséquent, chacun de ces derniers
sait lui aussi parfaitement, laquelle est sa propre mère. Ainsi, même si
son père a plusieurs épouses, que ces épouses soient sœurs entre elles
ou non, il n’y a donc aucune nécessité que cet enfant les appelle toutes
indifféremment « mère » et qu’il ne fasse pas la différence entre sa
véritable mère et les sœurs de celle-ci (ses « tantes »). Morgan répondait à cela que ce qui comptait n’était pas qui avait engendré l’enfant,
mais qui l’avait élevé et que le fait d’avoir plusieurs mères n’avait donc
rien d’absurde. Mais cee réponse, comme on peut en juger, était bien
faible.
Morgan avait d’ailleurs bien du mal à se tirer d’affaire lorsque, prenant le problème par l’autre bout, il tentait de justifier le fait qu’en
système hawaïen, une femme appelle « fils » et « filles » les enfants de
son frère. Prêtant sa plume à une femme imaginaire, il écrivait :
Mes différents frères étant aussi mes maris, les enfants qu’ils ont d’autres
femmes seraient mes beaux-fils et belles-filles. Mais comme cee relation
de parenté n’est pas reconnue, ils tombent naturellement dans la catégorie
de mes fils et filles. Autrement le système ne les engloberait pas 17 .
U
Cee argumentation est parfaitement circulaire : si l’explication des
systèmes de parenté réside dans les formes de famille, c’est-à-dire, en
fait, dans les liens de parenté que la société est en mesure d’établir,
pourquoi diable le système hawaïen n’a-t-il pas créé les catégories
de « beau-fils » et de « belle-fille » ? Ceux-ci auraient pourtant correspondu aux relations familiales réelles de la famille consanguine,
observables par chacun — et surtout, par chacune. C’est précisément
cee absence qu’il s’agit d’expliquer, alors que Morgan, en la tenant
comme acquise, en fait le point de départ de son raisonnement.
En fait, une bonne partie de la théorie de Morgan repose sur l’idée
que si un système de parenté englobe sous le même terme des rapports
biologiques différents, c’est parce que ces rapports ne peuvent être
établis avec certitude par la société en raison de la forme de famille
existante. Mais ce raisonnement, cohérent tant qu’on se place du point
de vue des hommes, bute sur des difficultés insurmontables dès qu’on
envisage celui des femmes.
On sait même aujourd’hui que dans certaines de ses variantes, le
système de parenté hawaïen ne faisait pas systématiquement la distinction entre les sexes. Ainsi, chez les Ifugao des Philippines, tous
les parents de la génération du locuteur, qu’ils soient masculins ou
féminins, portaient le nom unique de tulang. Tous les parents de la
génération suivante, là aussi quel que soit leur sexe, étaient appelés
anak. Ceux de la génération des grands-parents et ceux de celle des
petits-enfants étaient tous englobés sous l’unique vocable de apo. Il
n’y a que pour la génération précédente que les parents masculins
(ana) étaient distingués des parents féminins (ina). Devrait-on, en prolongeant les arguments de Morgan, en conclure qu’il fut un temps où
les Ifugao ne pouvaient pas faire dans la réalité la différence entre
leurs frères et leurs sœurs, ou entre leurs grands-pères et leurs petitesfilles ?
Ces quelques exemples montrent que les termes employés dans un
système de parenté ne traduisent pas des structures familiales réelles,
ni même des structures qui auraient existé dans le passé et qui auraient
disparu. Répétons-le : on ne peut pas déduire la forme de la famille,
passée ou présente, de la terminologie de parenté. Tout le raisonnement de Morgan, et toute la séquence qu’il reconstitue sont donc fondés sur une méthode qui s’avère erronée. Mais ce n’est pas tout.
Critique de Morgan
Le système de parenté en dit encore moins…
J, nous avons en effet admis que les systèmes de parenté,
à défaut de révéler la structure de la famille, indiquaient au moins les
interdits de mariage (assimilés, avec quelque approximation, aux interdits sexuels). Jusqu’à présent, les systèmes de parenté dont nous avons
parlé contenaient effectivement des informations très claires à ce sujet.
Dans un système iroquois, tout comme dans un système dravidien ou
australien, je désigne par le même terme les filles de mes parents (mes
« sœurs ») et certaines de mes cousines, celles qui appartiennent à la
même catégorie que moi (clan ou section). Ces cousines seront donc
également des « sœurs », manière de dire qu’une relation sexuelle avec
elles serait incestueuse. En revanche, mes autres cousines, celles qui
ne sont pas de mon clan ou qui se trouvent dans la section autorisée, sont pour moi des femmes épousables ; je les désignerai donc par
un terme différent (dans de tels systèmes de parenté, ce seront mes
seules « cousines »). Apparemment, donc, tout va pour le mieux dans
le meilleur des mondes matrimoniaux possibles.
Pourtant, tous les systèmes de parenté sont loin d’être aussi éloquents ; certains ne contiennent pas la moindre information au sujet
des parents épousables. Pire, les informations apparemment incontestables contenues dans certains systèmes s’avèrent être en contradiction avec les règles d’inceste en vigueur.
On se souvient par exemple que le système de parenté hawaïen
n’établit aucune différence pour tous les parents de ma génération :
quel que soit mon degré de parenté avec eux, ils sont tous mes
« frères » et « sœurs ». Selon Morgan, ce système témoignait d’un
stade où la notion d’inceste ne concernait que les relations sexuelles
entre individus de générations différentes, et où l’on pouvait s’unir à
n’importe quel individu de sa propre génération sans que la société y
voie d’offense. En réalité, même s’il régnait dans les classes
supérieures d’Hawaï une liberté de mœurs qui avait induit les informateurs de Morgan en erreur, l’ethnographie établit par la suite qu’à
Hawaï, le mariage était tout ce qu’il y avait d’individuel, et qu’il
s’effectuait de préférence avec la même catégorie de cousines que chez
les Iroquois. Un hawaïen appelait donc du même nom, sa propre sœur
— avec laquelle s’unir aurait été considéré comme un inceste et puni
comme tel — et la cousine avec laquelle il était le mieux vu de se
marier !
U
Le cas d’Hawaï n’est pas une exception, tant s’en faut, et pour s’en
convaincre, on peut se référer au SCCS. Sur les sociétés qui y sont
référencées, utilisent le système de parenté hawaïen, ce qui en fait le
plus représenté, juste devant le système iroquois. Le système hawaïen
ne distinguant pas les cousins des frères et sœurs, s’il indiquait les
interdits de mariage, il devrait donc correspondre à une situation où
on ne fait aucune différence entre quelque espèce de cousin que ce soit
(pas plus qu’avec les frères et sœurs, d’ailleurs). Or, le mariage avec
tous les cousins, y compris ceux du premier degré, était autorisé dans
seulement huit de ces cas. Chez quatre autres peuples, seule l’union
avec deux des cousins était permise, l’union avec les deux autres étant
vue comme incestueuse.
Ouvrons une rapide parenthèse afin de préciser que dans ces quatre
cas, les cousins autorisés étaient les mêmes. Ce sont ceux qu’on dit
« croisés », parce qu’ils me sont reliés par des parents de sexe différents : ce sont les enfants des frères de ma mère, ou ceux des sœurs
de mon père. Les cousins avec qui les relations sexuelles étaient prohibées, eux, sont dits « parallèles », parce qu’ils me sont reliés par des
parents de même sexe : ce sont les enfants des frères de mon père, et
ceux des sœurs de ma mère.
T . : Cousins parallèles et cousins croisés
Les quatre peuples dont on vient de parler appliquaient donc des
interdits de mariage typiques du système iroquois, tout en employant
un système hawaïen. En suivant le raisonnement de Morgan, cela
voudrait dire que le système de parenté était décalé de deux étapes
vis-à-vis des règles d’inceste !
Pire encore, dans cas sur (dont les pygmées Mbuti), l’ensemble
des unions avec des cousins du premier degré, y compris les cousins
Critique de Morgan
croisés, étaient frappées d’interdit, cet interdit s’étendant parfois à
des cousins plus lointains. Chez tous ces peuples, le système hawaïen,
censé traduire un état primitif où l’inceste n’avait pas été inventé au
sein d’une même génération, coexistait donc avec des interdits plus
contraignants que ceux censés inspirer le système iroquois… L’impossibilité d’établir une quelconque corrélation entre le système de
parenté hawaïen et les interdits de mariage pratiqués par les sociétés
qui l’utilisent est donc patente.
Avec le système iroquois, on pose apparemment le pied sur un terrain plus solide. Dans ce système, cousins parallèles et cousins croisés
portent un nom différent, ce qui est cohérent à la fois avec l’appartenance clanique et avec les prohibitions sexuelles. En effet, lorsque la
société est structurée en clans exogames, les cousins parallèles sont
ceux qui appartiennent, ou risquent d’appartenir, à mon propre clan :
c’est pourquoi toute union avec eux est tenue pour être un inceste,
et que je les appelle des « frères » et des « sœurs ». Pour les mêmes
raisons, le terme de « cousins » est réservé aux cousins croisés ; ce
sont les seuls à être à coup sûr d’un clan différent du mien, et donc
les seuls avec lesquels j’ai le droit de m’unir sans enfreindre la règle
d’exogamie de clan.
Le système iroquois est utilisé par sociétés du SCCS. Dans la
majorité d’entre elles ( très précisément), les interdits de mariage
correspondent effectivement à la terminologie de parenté : les mariages avec les cousins croisés sont autorisés et ceux avec les cousins
parallèles interdits. Mais pour les seize autres sociétés, une proportion non négligeable, les choses se corsent. Dans onze cas, l’interdit
porte sur l’ensemble des cousins du premier degré (voire au-delà).
Inversement, dans trois sociétés, les unions avec tous les cousins sont
autorisées. Signalons le cas des Gilyak de l’île Sakhaline, chez lesquels un(e) seul(e) des deux cousin(e)s croisé(e)s peut être épousé(e).
Les Gilyak sont ce peuple mentionné par Engels dans un ajout à la
deuxième édition de L’Origine de la famille et en lequel il voyait le
second exemple après Hawaï de famille punaluenne et de mariage de
groupe. On peut donc constater avec le recul la fragilité de cee information. Les Gilyak connaîtront d’ailleurs une grande célébrité avec les
travaux de Lévi-Strauss 18 , qui en fera un des exemples emblématiques
de sa théorie de « l’échange généralisé » des épouses — quoi qu’on
puisse penser de la valeur de cee théorie, les données sur lesquelles
U
elle s’appuyait enterraient définitivement l’existence du mariage de
groupe chez ce peuple. Enfin, les Baruya de Nouvelle-Guinée, qui ne
figurent pas dans le SCCS, emploient également le système iroquois.
Or, pour des raisons qu’il serait trop long de détailler ici, ils interdisent
contre toute logique apparente le mariage entre certains des cousins
croisés pour l’autoriser avec certains des cousins parallèles 19 !
Clôturons cet inventaire rapide par les sociétés du SCCS qui
emploient tout comme la nôtre le système de parenté eskimo, pour
constater que la situation n’y est guère plus simple. Ce système différencie les germains (frères et sœurs, avec lesquels l’union sexuelle
est interdite) de l’ensemble des cousins (avec lesquels elle est donc
censément autorisée). En fait, les interdits effectifs de mariage ne correspondent à la terminologie de parenté que dans seulement quatre cas
sur vingt (pour trois sociétés, les données concernant les cousins épousables ne sont pas disponibles). Chez trois autres peuples, seuls trois
types de cousins sur les quatre sont autorisés. Chez un autre, deux sur
quatre. Et chez sept peuples, dont les Inuits du Cuivre, les Andamanais
ou les !Kung, tous les cousins du premier degré sont interdits.
Tout cela ne doit pas nous surprendre outre mesure. Si, au lieu de
parcourir le globe, on s’intéresse aux évolutions qu’a traversées notre
propre société d’Europe occidentale, on aboutit à des conclusions
similaires. Le système de parenté que nous utilisons (eskimo) n’a pas
changé depuis près de deux mille ans. Pourtant, dans ce même laps
de temps, la notion d’inceste a connu des acceptions très différentes.
Censée se limiter, sur la seule base de la terminologie de parenté, aux
frères et sœurs, elle s’est longtemps étendue à un nombre variable de
cousins sous l’influence de l’Église. Celle-ci avait multiplié peu à peu
le nombre de degrés de parenté interdits au mariage, si bien qu’au
ᵉ siècle, toute union avec une cousine éloignée de moins de sept
degrés était réputée incestueuse. En pratique, évidemment, cee règle
très contraignante ne put concerner que les familles nobles, et encore
ne fut-elle que très modérément respectée. L’Église ramena le nombre
de degrés d’éloignement nécessaires à cinq lors du concile de Latran,
en , puis à deux. Depuis la Révolution française, le mariage avec
quelque cousine que ce soit, même du premier degré, est autorisé par
la loi — et en France, si le mariage est interdit, l’union sexuelle entre un
frère et une sœur adultes n’est plus un délit depuis lors. Depuis deux
millénaires, l’histoire de l’Occident le montre clairement : les règles
Critique de Morgan
concernant les unions incestueuses n’ont cessé de changer alors que
le système de parenté demeurait le même.
On a vu l’erreur que Morgan avait commise en pensant qu’il était
possible de déduire les formes de famille des interdits de mariage ;
ce tour d’horizon a révélé qu’il est tout aussi impossible de déduire
les interdits de mariage du système de parenté en vigueur ; une telle
déduction n’est vraie à tout coup que dans les systèmes dravidiens et
australiens. En système iroquois, elle n’est que probable. ant aux
systèmes hawaïen ou eskimo, ils ne donnent aucune espèce d’information utilisable à ce sujet.
À quoi servent les systèmes de parenté ?
A maîtresses sur lesquelles était bâtie
la reconstitution de Morgan ne résiste donc à l’examen. Au mieux,
le système de parenté distingue les unions légitimes des unions illégitimes, mais c’est loin d’être toujours vrai. Et même en ce cas, il
ne donne aucune information sur les unions qui seront effectivement
conclues. Le schéma de Morgan, censé rendre compte tout à la fois
de l’évolution des systèmes de parenté et de la famille, est donc un
schéma spéculatif. Il est une reconstitution forgée à partir d’éléments
trop peu nombreux, et dans laquelle les espaces vides ont été comblés
sur la base de conjectures qui se sont révélées fausses.
En fait, une idée implicite traverse toute la pensée de Morgan : celle
que dans un système de parenté, si deux individus sont désignés par
le même terme, cela signifie d’une manière ou d’une autre que ces
individus ne sont pas réellement différenciés par la société, et donc
par l’esprit du locuteur. Si j’appelle plusieurs hommes « père », c’est
que tous sont (ou ont été) mes pères possibles. Si j’appelle plusieurs
femmes « sœur », c’est que toutes ces femmes sont (ou ont été) mes
sœurs possibles, etc. Mais nous avons vu que dès que l’on considère
des liens de parenté qui passent par les femmes, cee explication est
intenable : j’appelle plusieurs femmes « mère » alors qu’il n’y a aucune
possibilité que je confonde ma mère biologique avec mes « mères »
classificatoires. En réalité, aucun individu d’aucune tribu ne confond
jamais sa « mère » à lui avec ses autres « mères » (pas plus qu’il ne
confond ses « pères », ou ses « cousines » épousables avec celles qui
ne le sont pas, etc.). Autrement dit, ce n’est pas parce que certaines
U
relations ne sont pas marquées dans le vocabulaire de parenté qu’elles
ne sont pas connues, et reconnues, par tous. Les systèmes de parenté
classificatoires obéissent à une tout autre logique que la nôtre : ils n’ont
pas pour rôle de traduire des distances généalogiques, mais d’établir
des catégories de parents. Les membres des peuples primitifs, tout
autant que nous, savaient quels liens généalogiques les reliaient les
uns aux autres ; mais certains de ces peuples privilégiaient, dans la
désignation des parents, une logique qui ne reflète pas prioritairement
ces liens.
Pour comprendre cela, on peut penser à un exemple plus familier. En
français, plusieurs termes de parenté recouvrent des liens biologiques
différents. Mon « oncle », par exemple, peut aussi bien être le frère
de mon père que celui de ma mère. Il peut même être simplement le
mari d’une de mes tantes. Le fait qu’il n’existe qu’un seul mot pour
désigner ces différents cas de figure n’empêche nullement chacun de
les distinguer en esprit. Et, s’il le faut, on saura recourir à un qualificatif
supplémentaire (« oncle paternel », « oncle maternel » ou « oncle par
alliance ») pour préciser la nature exacte de la relation. Il en va de
même dans les systèmes classificatoires. Les ethnologues du ᵉ siècle
ont été un peu rapides en besogne en pensant que si le vocabulaire
des peuples qu’ils étudiaient confondait deux liens généalogiques, leur
esprit les confondait aussi.
En fait, cee erreur est en partie liée au biais qu’introduit la traduction des termes de parenté hawaïens ou iroquois dans notre propre
vocabulaire. « Traduire, c’est trahir », dit-on. Rarement cet adage ne
s’est aussi bien vérifié qu’avec les systèmes de parenté. Dans le système hawaïen, par exemple, qui apparaît comme le plus simple de
tous, un seul et même terme désigne mon père et tous les hommes
de sa génération. En traduisant ce terme par « père », on est ensuite
tenté de dire que le système hawaïen considère que je possède une
multitude de « pères », et donc que ces « pères » sont, ou ont forcément été, mes géniteurs potentiels. Mais pourquoi choisir ce terme de
« père », qui chez nous, désigne effectivement, a priori, le géniteur ?
C’est donner au terme de parenté hawaïen un sens qu’il n’a pas, et
créer ensuite le besoin d’une explication pour ce sens inventé. On
peut tout simplement réaliser qu’en système hawaïen, seuls comptent
la génération et, éventuellement, le sexe. Il n’y a pas de mot dans le
vocabulaire de la parenté qui ressemble à notre « père » ; en revanche,
Critique de Morgan
il y a un terme que nous ne pouvons traduire autrement que par une
expression un peu tortueuse, par exemple : « parent masculin de la
génération qui me précède ». Ce n’est pas que les peuples qui utilisent
ce système ignorent les questions de la proximité biologique, de la
paternité et de la filiation ; tout autant que nous, ils en sont conscients
et soucieux. Parmi tous les « parents masculins de la génération qui
le précède », chacun sait parfaitement qui est son propre père ; tout
comme nous procédons avec nos oncles, bien des peuples utilisent
un adjectif (souvent traduit par « vrai ») pour distinguer leur père
biologique de leurs pères classificatoires. Mais cee relation particulière n’est pas explicitée dans les termes de parenté. Contrairement
au nôtre, le système hawaïen marque prioritairement les générations
et ignore la distance biologique, trait qu’il partage avec le système
iroquois, qui marque de surcroît l’appartenance au clan.
Les systèmes de parenté entretiennent donc des rapports lâches avec
les interdits de mariage ; ils n’en entretiennent pour ainsi dire aucun
avec les structures familiales. On a déjà vu à propos de l’Australie que
la polygynie, largement répandue chez les Aborigènes, n’était pas inscrite dans les termes de parenté : la famille australienne aurait pu être
monogame sans que cela change quoi que ce soit à la désignation des
différents parents. Cee déconnexion entre type de famille et système
de parenté se vérifie quel que soit l’angle sous lequel on considère la
chose. ’il s’agisse de la monogamie (au sens large), de la polyandrie
ou de la polygynie (occasionnelle ou répandue), aucune de ces formes
ne semble corrélée à un système de parenté plutôt qu’à un autre. ’on
envisage plutôt la taille de la famille, depuis la famille nucléaire jusqu’à
la vaste famille étendue, on obtient la même absence de corrélation.
Tous les systèmes de parenté coexistent avec tous les types de famille
sans qu’aucune loi, même probabiliste, puisse être dégagée.
Les systèmes de parenté ne disent donc rien des structures familiales
des sociétés qui les utilisent. Lorsqu’ils parlent, c’est d’autres institutions, telles que le clan ; c’est aussi, et peut-être surtout, de statuts,
de positions, de droits et de devoirs vis-à-vis de différentes catégories. Dans la société moderne, où les relations de parenté jouent un
rôle relativement secondaire hors du cercle familial, où les rapports
sociaux sont organisés par une série d’institutions (le marché, l’État…)
situées hors de la parenté, celle-ci n’est employée pour désigner des
liens sociaux que sous la forme de métaphores : je dirai ainsi que tel
U
bienfaiteur est « un père » pour moi, ou qu’un ami cher est « un frère ».
Ces métaphores, même si elles expriment des sentiments individuels
profonds, n’obligent pas à grand-chose et surtout, elles restent rares
et possèdent même un petit air désuet. Mais les sociétés primitives
ne sont structurées ni par l’État, ni par le marché. Une forme privilégiée que prennent les rapports sociaux — y compris les rapports
politiques et économiques — est celle de la parenté, d’une parenté
souvent organisée différemment de la nôtre, définissant des catégories
et des groupes. Ceux-ci, chose inconnue dans nos sociétés, forment
de véritables organisations, des personnes morales, pour employer un
terme juridique moderne, reconnues comme telles et agissant solidairement sur le terrain économique, politique ou religieux. C’est par
exemple l’appartenance à tel groupe de parents qui détermine un droit
sur une terre ou celui d’être protégé ou vengé en cas d’agression.
Cee importance, dans les sociétés primitives, des structures
sociales définies par la parenté est d’ailleurs une des choses qui avaient
le plus frappé Morgan. Chez les Iroquois, les clans occupaient dans la
vie sociale une place de tout premier plan. Dans une telle société, les
termes employés dans les systèmes de parenté ne sont pas de simples
métaphores. En traduisant et signifiant des obligations, des droits et
des devoirs précis, de nature économique, politique, judiciaire ou religieuse, ils expriment l’organisation de pans entiers de la société.
Chapitre C
Les groupes de parenté
La filiation unilinéaire
L
’ les plus remarquables, et pour nous,
les plus difficiles à comprendre, de bien des sociétés primitives,
sont ces groupes de parents qui selon les époques et les définitions, ont été appelés gens, clans, lignages ou ramages ᵃ.
Morgan leur consacra une aention toute spéciale, voyant en particulier dans les gens le pivot de l’organisation politique iroquoise 1 et
affirmant qu’elles caractérisaient cee société, ainsi que toutes celles
qui étaient parvenues à un stade technique comparable. De même qu’il
existait des sociétés étatiques, il existait donc des sociétés « gentilices ». La structuration de la société en clans était vue comme une
étape obligée dans l’évolution sociale, caractéristique de la « Barbarie », c’est-à-dire en termes modernes, du Néolithique et des premiers
âges des métaux. Depuis lors, on a découvert l’existence de clans dans
bien des sociétés primitives, y compris chez des chasseurs-cueilleurs
nomades — mais pas dans toutes. Avant d’examiner s’il est réellement
possible (et pertinent) de caractériser une société par la présence de
clans, on se propose de commencer par savoir de quoi l’on parle exactement lorsque l’on évoque ce type d’institutions.
Comme toute notion anthropologique, le concept de clan est sujet
à d’infinies variations de définitions. D’un anthropologue à l’autre, le
mot ne recouvre pas exactement les mêmes réalités. On peut toutefois s’accorder sur le fait qu’un clan, tout comme un lignage, est un
groupe social auquel les individus sont raachés en fonction d’une
a. Cee liste ignore délibérément nombre d’autres variantes que l’anthropologie
a cru nécessaire de distinguer, mais dont il nous faut faire abstraction dans le cadre
limité de cet exposé.
U
descendance dite « unilinéaire » : l’appartenance se transmet aux
enfants par un seul des deux parents. Si l’appartenance au clan dépend
uniquement des hommes, on parle de clans patrilinéaires (ou de patriclans) ; lorsqu’elle passe uniquement par les femmes, de clans matrilinéaires (ou de matriclans).
Cee propriété est une chose très déroutante pour nous autres
membres de la société occidentale moderne. Elle prend toutes nos
intuitions à rebrousse-poil, car rien dans notre société ne ressemble
de près ou de loin à une telle organisation. Pour la comprendre, on
tente souvent de la rapprocher du fait, plus familier à nos yeux, qu’en
général, un enfant hérite chez nous du nom de son père et pas de celui
de sa mère. Mais ce rapprochement n’est guère éclairant, car les deux
institutions n’ont en réalité pas grand-chose à voir l’une avec l’autre.
Le nom de famille, qu’il soit celui du père ou de la mère, n’empêche pas
la parenté d’un individu d’être constituée au même titre de ses parents
maternels et paternels. Ses liens avec le père de sa mère sont de même
nature qu’avec le père de son père, la sœur de son père se situe pour
lui à la même distance que celle de sa mère, etc. Or, lorsqu’il existe des
clans, le plus important n’est pas tant le mode de transmission (par
un seul des deux parents) que ce qui est transmis ; en l’occurrence,
bien au-delà du nom de famille (qui est en fait, un nom clanique ; par
exemple à Rome, le « Julius » de Caius Julius Caesar), l’appartenance
à un groupe, appartenance dont les implications sont variables, mais
souvent substantielles.
Chez nous, deux personnes peuvent certes posséder quelques
parents communs ; mais la parenté de chacun, telle qu’il peut par
exemple la représenter par un arbre généalogique, est une affaire
personnelle ; à part son frère et sa sœur, personne d’autre ne possède
la même. Tout cela est une autre manière de dire que la parenté d’un
individu, dans notre société, ne forme pas un groupe, au sens d’un
groupe constitué en tant que tel. On peut certes définir, sur le papier
ou en imagination, l’ensemble de ses parents. Mais cet ensemble, étant
variable d’un individu à l’autre, n’a ni organisation ni conscience commune. A fortiori n’agit-il pas en tant que tel dans la vie sociale. De ce
point de vue, l’ensemble formé par les parents n’est pas très différent
de l’ensemble formé par les amis.
Il en va tout autrement dans des sociétés organisées en clans. Là,
les groupes de parenté sont en nombre limité (par définition, il y en a
Les groupes de parenté
au minimum deux). Dans les cinq tribus de la confédération iroquoise,
le nombre de clans variait ainsi de trois à huit 2 . Il peut exister, dans
de telles sociétés, des individus exclus de ces groupes de parenté :
ce sont les esclaves, et éventuellement les étrangers et leurs descendants qui n’ont pas été adoptés (telle était la situation de la plèbe
dans les premiers siècles de Rome). Mais si l’on met ces exceptions
de côté et que l’on parle des « citoyens de plein droit », pour employer
un anachronisme, le trait saillant est que ceux-ci appartiennent à des
ensembles constitués, reconnus comme tels et disposant de certaines
prérogatives — celles-ci variant considérablement d’une société à une
autre.
Les clans n’ont donc rien à voir avec nos propres groupes de parents,
avec nos familles et nos noms de famille. Ils déterminent un découpage rigoureux de la société en un certain nombre de corps constitués.
Comme Morgan l’avait souligné, ce découpage ne se fait pas sur la
base du territoire, mais sur celle de la parenté, en utilisant le mode de
filiation unilinéaire qui ne considère qu’un seul des deux parents. Cela
ne veut pas dire que l’autre branche de la filiation est inconnue mais
simplement qu’en ce qui concerne l’appartenance clanique, elle n’est
pas prise en compte.
Le clan n’est donc pas une parenté au mode de recrutement un peu
bizarre, qui exclurait la moitié de ceux que nous tenons aujourd’hui
pour nos parents. Il est avant tout un groupe délimité, une fraction de
la société constituée et agissant en tant que telle.
Une autre caractéristique des clans est d’être, dans la grande majorité des cas, exogames : les membres d’un clan se considérant comme
des êtres du même sang, leur union sexuelle relèverait donc de l’inceste. La plupart des anthropologues admeent néanmoins que des
clans puissent être endogames ; plus exactement, l’endogamie de clan
est tolérée dans certaines sociétés. Par définition, elle ne peut pas y
être la règle : dans des clans qui seraient strictement endogames, la
notion de filiation unilinéaire n’aurait plus aucun sens.
Cee remarque sur l’inceste en amène une autre. On sait que toutes
les sociétés réprouvent à un degré ou à un autre certaines relations
sexuelles en les qualifiant d’incestueuses. Or, si la sanction de l’inceste
est très variable, les règles qui le définissent le sont tout autant.
Dans notre société, l’inceste est une question de degrés de parenté.
On l’a déjà dit à propos des interdits édictés par l’Église : ceux-ci, plus
U
ou moins restrictifs selon l’époque, étaient toujours formulés en terme
de distances généalogiques. En revanche, dans le cas où il existe des
clans exogames, les règles de l’inceste n’ont plus rien à voir avec la
distance généalogique. S’ils appartiennent au même clan, deux individus sont considérés comme consanguins alors même que leurs liens
de parenté peuvent être si éloignés qu’ils s’avéreraient incapables de
les reconstituer. Inversement, l’union avec une cousine dite « croisée » (pour un homme, la fille de la sœur de son père, ou celle du
frère de sa mère) est tout à fait possible, puisque par définition, ils
n’appartiennent pas au même clan. De nombreuses sociétés tiennent
d’ailleurs l’union entre un homme et sa cousine croisée matrilatérale
(la fille du frère de sa mère) comme le mariage le plus estimable, et les
études sur ce type de mariage ont rempli des rayons entiers de bibliothèques d’ethnologie. Dans la plupart des sociétés, la notion d’inceste
ne traduit ainsi que très imparfaitement la nécessité biologique du
mélange des gènes — dont l’importance a été fréquemment surestimée,
les maladies génétiques n’ayant certainement pas constitué une cause
significative de mortalité dans les sociétés primitives. Toujours est-il
que les règles de l’inceste sont très différentes d’un peuple à l’autre.
Cela montre que même en admeant qu’elles aient été au départ le
produit de nécessités biologiques, ces règles ne sont jamais l’expression brute de cee nécessité, mais un produit culturel et social.
Revenons aux groupes de parenté. En ce qui concerne le raachement des individus, nous nous sommes bornés jusqu’à présent au système le plus simple et le plus répandu, à savoir la filiation soit par le
père, soit par la mère. Mais les sociétés ont parfois déployé des trésors
d’imagination pour élaborer des règles plus raffinées. Il suffit de jeter
un œil sur quelques-unes d’entre elles pour comprendre qu’en matière
de règles de filiation, le clan (unilinéaire) n’est que l’option la plus
simple parmi bien d’autres.
Plusieurs sociétés ont combiné les principes unilinéaires de diverses
manières. Il arrivait que chaque individu hérite de deux appartenances
claniques : l’une par sa mère, l’autre par son père ; dans ce cas, le terme
consacré est celui de « bilinéarité ». Naturellement ces deux appartenances claniques régissaient alors des domaines différents de l’existence. Une autre application, certes rare, des principes unilinéaires
consistait à utiliser une règle différente selon les sexes. Les Ika de l’actuel Nigeria transmeaient ainsi l’appartenance clanique de manière
Les groupes de parenté
patrilinéaire lorsque l’enfant était un garçon, et matrilinéaire lorsqu’il
s’agissait d’une fille ! D’autres systèmes sont dits « à cordes » : ainsi
les Mundugumor de Nouvelle-Guinée 3 , où les règles en vigueur chez
les Ika sont en quelque sorte inversées : là, ce sont les fils qui appartenaient au groupe de leur mère et les filles à celui du père.
Pour terminer sur ce point, souvenons-nous que nombre de sociétés
primitives ne connaissent ni clans ni lignages : les groupes de parenté,
s’ils existent, y possèdent alors une tout autre physionomie.
Clans et système de parenté
O sur le fait que, contrairement à l’opinion
de Morgan, les systèmes de parenté ne traduisent pas du tout les structures familiales, et qu’ils ne traduisent que de manière très imparfaite
les interdits de mariage. En revanche, Morgan avait raison de penser que certains systèmes de parenté expriment la structuration de la
société en clans exogames.
Notre propre système (eskimo) est tout à fait révélateur de l’absence
de clans : les individus y sont classés en fonction de leur sexe, de leur
génération et de leur distance vis-à-vis de moi. Mais nulle part, dans ce
système, n’apparaît l’idée qu’il y a quelque chose de plus important, ou
même quelque chose d’autre, que cet éloignement généalogique. C’est
la raison pour laquelle les anthropologues ont pu dire que ce système
était « centré » sur moi.
Il en va très différemment dans les systèmes dravidiens et iroquois
(ainsi que dans d’autres systèmes moins répandus, que l’on a choisi de
ne pas présenter ici). Au moins pour les parents vus comme les plus
importants, ceux de ma génération, de la précédente et de la suivante,
le système iroquois procède à une discrimination entre ceux qui sont
membres de mon clan et ceux qui ne le sont pas.
A contrario, dans le monde arabo-musulman, les clans n’étaient pas
exogames et le mariage le plus recherché unissait un homme à sa
« cousine parallèle patrilatérale », c’est-à-dire à la fille du frère de
son père, par définition du même clan que lui ; significativement, ces
sociétés n’utilisaient pas la terminologie de parenté iroquoise.
Lorsque des clans sont exogames, tous leurs membres sont réputés
être parents par le sang, autrement dit consanguins. Les autres parents
sont des parents par alliance, ce qu’en termes anthropologiques on
U
appelle des « affins ». Le système de parenté iroquois, et le système
dravidien, avec davantage encore de rigueur, possèdent la particularité
de marquer la différence entre consanguins et affins.
Prenons le cas des parents de la génération qui précède la mienne,
et plaçons-nous dans l’hypothèse où les clans sont matrilinéaires (on
pourrait mener exactement le même raisonnement avec des
clans patrilinéaires sans que cela change quoi que ce soit). Matérialisons l’appartenance aux clans en disant que j’appartiens, comme ma
mère, au clan , et que mon père est du clan . Si ma mère est du
clan , cela veut dire que sa mère est elle-même du clan . Le mari de
celle-ci (mon grand-père maternel) est d’un autre clan que le ; s’il
n’existe que deux clans, il sera forcément . Mais s’il existe trois clans,
ou davantage, il peut être de n’importe quel clan autre que le . Tous
leurs enfants, nés d’une mère , seront de toute façon aussi membres
du clan : les sœurs de ma mère (d’autres « mères » en iroquois) et
ses frères (mes « oncles »). Du côté de mon père, puisque lui-même
est , ses frères (mes autres « pères ») et ses sœurs (mes « tantes »)
seront eux aussi du clan . Il en va de même avec les parents de ma
génération. Les enfants de toutes mes « mères » sont obligatoirement
du même clan que moi ; ce sont mes « frères » et mes « sœurs », avec
lesquels je ne peux m’unir sans commere d’inceste.
On pourrait prolonger le raisonnement pour mes enfants, ceux de
mes « frères », « sœurs », « cousins » et « cousines » classificatoires :
là encore, les différences entre les termes employés recouvrent l’appartenance ou la non-appartenance à mon clan.
T . : Le système de parenté iroquois et les clans
Les groupes de parenté
Ainsi, avec un système de parenté iroquois, et en cas de clans matrilinéaires, je sais à coup sûr que mes « mères » et mes « oncles » sont
du même clan que moi. Inversement, je sais aussi que mes « pères »
et mes « tantes », mes « cousins » et mes « cousines » sont d’un autre
clan. La situation de mes « frères » et « sœurs » classificatoires est plus
ambiguë. S’il n’y a que deux clans, je suis certain qu’ils sont du même
clan que le mien. S’il y a trois clans ou davantage, les choses sont moins
tranchées : leur position de « frères » et de « sœurs » classificatoires
indique simplement qu’il est possible qu’ils soient du même clan que
moi, ce qui constitue une condition suffisante pour établir une prohibition sexuelle.
On a longtemps cru, à la suite de Morgan, que le système iroquois
exprime typiquement la division d’une société en clans — plus précisément, sa division la plus simple, en deux clans. En réalité, on a fini
par s’apercevoir que si l’on examine les dénominations utilisées pour
les parents plus éloignés, comme les cousins au deuxième, troisième
degré, le système iroquois révèle certaines approximations. Seul le système dravidien, longtemps confondu avec lui, applique cee logique
en toute rigueur et s’avère parfaitement cohérent avec une division de
la société en deux groupes exogames. Les différences entre systèmes
iroquois et dravidien allant bien au-delà de notre propos, nous renvoyons le lecteur intéressé à des ouvrages spécialisés.
Ce qui pourrait n’être qu’un raisonnement se vérifie lorsqu’on examine les sociétés concernées — mais en matière sociale, les choses
n’étant jamais aussi simples qu’on le souhaiterait, cee vérification
n’est valable que statistiquement.
Morgan avait établi que le système eskimo reflète l’absence de clans ;
on peut vérifier que sur les sociétés du SCCS qui l’utilisent, seulement quatre possèdent des clans. Inversement, sur les sociétés de
cet échantillon relevant du système iroquois, seules six ne connaissent
clairement aucune forme de clan. En ce qui concerne les peuples qui
emploient le système hawaïen, la situation est en revanche beaucoup
moins claire. Ceux-ci se partagent quasiment à égalité entre ceux qui
connaissent les clans et ceux qui les ignorent 4 .
Les systèmes de parenté, s’ils sont sans rapport avec la famille, ne
sont donc pas sans rapport avec l’organisation en clans — même si ces
rapports ne sont pas aussi impératifs que le voudrait la stricte logique.
U
Pour que la boucle soit bouclée, il nous faut dire à présent quelques
mots du rapport entre les clans et la famille.
Clans et famille
D M, le clan et la famille entretiennent une
relation contradictoire. D’un côté, Morgan n’a de cesse de démontrer
que le clan n’est pas une « grande famille ». Ne serait-ce que du point
de vue de sa composition, la famille ne s’inscrit pas au sein du clan : si
les clans sont exogames, ce qui est le cas le plus général, chaque couple
est par définition composé de deux membres de clans différents. Mais
le clan n’est pas non plus une « grande famille » du point de vue de
son rôle social. elles que soient les aributions du clan, et cellesci varient considérablement d’une société à l’autre, celui-ci possède
toujours des fonctions qui lui sont propres et qui ne sont pas la simple
répétition sur une plus large échelle de celles de la famille. Si le clan est
le propriétaire collectif de la terre, c’est lui qui la répartit le cas échéant
entre chaque unité familiale, qui n’aura alors qu’un droit d’usage. Si
le clan est le dépositaire de certains rites religieux, ceux-ci ne peuvent
pas être effectués par chaque famille — ces rites peuvent être en partie
secrets, et ce serait alors une grave faute, pour l’un des membres d’un
couple, que de les divulguer à son conjoint, à la fois d’un autre sexe
et d’un autre clan. Et si le clan assume des fonctions politiques, typiquement, la vengeance de ses membres agressés, la solidarité vis-à-vis
des crimes joue entre parents, c’est-à-dire entre membres d’un clan, et
nullement entre époux ou entre beaux-parents. Du point de vue des
solidarités en cas de crime, un membre du même clan est tout ; son
sang peut être versé afin de laver l’offense faite par un membre de son
clan ; en revanche, une épouse ou un époux ne sont rien.
Chez Morgan, le clan précède donc en quelque sorte la famille. Il
la précède dans le temps — née au sein de l’organisation clanique, la
famille appariée, puis monogame s’est développée au point de la faire
finalement éclater. Mais il la précède également sur un autre plan, celui
de l’analyse sociale : la famille est une chose, le clan en est une autre et
pour comprendre le clan, structure essentielle des sociétés primitives,
on ne peut partir de la famille. En ce sens, le clan est donc « premier ».
En reléguant la famille monogame au rang d’un produit du développement historique, en faisant remonter les racines de la famille
Les groupes de parenté
moderne à une situation de totale licence sexuelle, puis au mariage
de groupe, Morgan était certain de s’airer de nombreuses foudres :
À ceux qui croyaient fermement en une nature humaine intangible, dotée
pour l’éternité des codes moraux occidentaux, la notion de promiscuité
paraissait répugnante. […] Avoir affirmé, dans La Société Archaïque, que
même les formes matrimoniales modernes d’Europe et d’Amérique plongeaient leurs racines les plus profondes dans une condition primitive où
l’humanité était dépourvue de toute régulation du comportement sexuel
et de toute règle de mariage, était, en pleine période victorienne, un péché
cardinal 5 .
Le premier à sonner la charge contre Morgan en défense de
l’éternelle famille nucléaire fut McLennan. Il allait être suivi peu après
par Edward Westermarck ᵃ, puis par beaucoup d’autres.
Bien des adversaires de Morgan le combaaient certes pour de mauvaises raisons. Mais force est de constater que certaines de ses conceptions prêtaient le flanc à des critiques légitimes. En effet, s’il avait
parfaitement situé les places respectives du clan et de la famille et
si, de ce point de vue, il avait compris que ces deux institutions se
situaient sur des plans sociaux différents, il n’avait pu échapper à l’idée
que le clan devait tout de même avoir un rapport avec la famille. Non,
certes, avec cee famille nucléaire dont les sociologues de la bourgeoisie faisaient l’alpha et l’oméga des formes sociales. Mais avec un type
antérieur de famille, le type « punaluen » disparu et reconstruit par
lui sur la base des éléments censés être inscrits dans la terminologie
de parenté.
Ce point concentra les feux croisés de la critique. L’œuvre de
Morgan disparut liéralement sous l’accumulation des épithètes qui
accablèrent la famille punaluenne et le mariage de groupe. Celui-ci
fut dénoncé comme une absurdité qui disqualifiait tout à la fois toute
critique de l’éternité de la famille nucléaire et toute théorie évolutionniste en général. En partant ainsi en guerre contre le mariage de
groupe, les anthropologues s’en prenaient à la faiblesse la plus visible
du raisonnement de Morgan, l’appel à la rescousse par la fenêtre de la
a. Edward W (–), anthropologue finlandais dont le
principal ouvrage, paru en , s’intitulait Histoire du Mariage. Ce livre constituait
un vigoureux plaidoyer en faveur de la primauté de la famille nucléaire, et il
représenta un point de ralliement pour les adversaires de Morgan durant plusieurs
décennies. Engels lui consacre quelques lignes critiques dans la seconde édition de
L’Origine de la famille.
U
famille précédemment chassée par la porte. Le mariage de groupe, fondateur de la famille punaluenne et de l’organisation clanique, pouvait
ainsi être doublement condamné : d’une part au nom des matériaux
ethnologiques, d’autre part en raison de l’aeinte qu’il portait à l’universalité et à l’éternité des formes de famille actuelles. Ce faisant, les
spéculations sur le stade de promiscuité primitive furent donc elles
aussi rejetées — à juste titre.
Mais la levée de boucliers qui frappa le mariage de groupe alla bien
au-delà de ce que celui-ci méritait. Morgan fut invariablement voué
aux gémonies pour cee erreur par des gens qui en professaient volontiers une bien pire, consistant à ériger la famille nucléaire au rang de
« l’unité absolument universelle de la société humaine 6 . » Face à la
diversité des formes familiales présentes dès les sociétés de chasseurscueilleurs, en particulier face à la fréquence de la polygamie, les partisans de cee position se jouaient de la difficulté d’une pirouee allègre,
en décidant que « les familles composées [polygames] sont formées
de familles élémentaires [nucléaires, monogames] ayant un membre
commun 7 . » À ce compte-là, et puisque la rhétorique permet de
réduire sans frais toute forme familiale en n’importe quelle autre, on
serait tout aussi fondé de soutenir que c’est la famille polyandre qui
est « l’unité universelle des sociétés », et que les familles monogames
ou polygynes ne sont, au fond, que des assemblages de familles polyandres qui ne comptent qu’un seul homme.
En aaquant Morgan sur la succession des formes familiales, ses
successeurs ne faisaient pas qu’exprimer leur indignation morale : ils
cherchaient à écarter toute analyse évolutionniste des structures
sociales. Il n’est pourtant pas besoin d’exagérer la fréquence du
mariage de groupe et le rôle qu’il a pu jouer pour réfuter l’idée que
les groupes de parenté dériveraient de la famille nucléaire. Celle-ci
peut d’autant moins être considérée comme le fondement des clans
que ceux-ci sont compatibles, en théorie et dans les faits, avec toutes
formes de famille. On l’a dit, le clan n’est pas une « grande famille », ni
par sa constitution ni par ses fonctions sociales. Et la théorie de l’école
fonctionnaliste selon laquelle les « pères » classificatoires sont une
généralisation du rapport paternel à d’autres membres de la société 8
est à peu près aussi intéressante que celle qui verrait dans nos propres
institutions politiques une généralisation des rapports familiaux, et
Les groupes de parenté
qui considérerait que la fonction présidentielle est née du besoin des
citoyens d’une république de se donner un second père en plus du leur.
On pourrait multiplier les exemples à l’infini, mais la masse énorme
de données ethnographiques montre que la famille est une des institutions humaines les plus plastiques qui soient — de même que les sentiments qui l’accompagnent. Dans toute société humaine, les enfants
sont élevés par des hommes et par des femmes ; sous cee forme,
l’argument censé prouver l’éternité de la famille nucléaire est inattaquable. Mais s’il vise large, il sonne creux. Car justement, ce sont
les formes sous lesquelles les hommes et les femmes constituent des
unités socio-économiques et élèvent des enfants qui sont infiniment
variables d’une société à l’autre, et c’est cee infinie diversité de
formes qu’il est illégitime de vouloir réduire à une seule d’entre elles
par une jonglerie verbale.
S’il n’est pas possible de dresser un tableau simple de l’évolution
de la famille, si chaque grand type de société semble compatible avec
des formes familiales très diversifiées, c’est précisément parce que la
famille nucléaire n’est au fondement de rien du tout. De toutes les
institutions humaines, la famille, souvent présentée comme une des
plus naturelles et immuables, est au contraire l’une des plus flexibles.
Concernant la famille, il n’existe aucun invariant, hormis la plate
constatation qu’il faut un homme et une femme pour faire les enfants
et pour les élever — ce second point étant entièrement dû à l’universalité de la division sexuelle du travail qui fait qu’aucune unité
socio-économique n’est viable si elle ne rassemble pas des adultes des
deux sexes. L’organisation familiale est affaire d’opportunisme ; elle
varie d’un peuple à l’autre selon le niveau technique, le milieu, le type
d’économie, mais aussi les contingences culturelles, et se plie à une
gamme infinie de déclinaisons.
La charge contre le mariage de groupe et la famille punaluenne
ne manquait donc pas d’ironie. Lorsque les défenseurs de la famille
nucléaire éternelle voulurent combare Morgan, ils le firent en
aaquant le point de son raisonnement où celui-ci leur avait fait une
concession inutile. Car pour être expliqué, le clan n’avait pas besoin
d’une forme de famille, même défunte.
U
Existe-t-il une « société clanique » ?
J’, on a longuement discuté des caractéristiques formelles du
clan : de sa définition, de son mode de recrutement, de ses rapports
avec le système de parenté ou la famille. Mais on a laissé de côté deux
questions qu’il faut à présent aborder. La première est celle des fonctions du clan, dont on a seulement dit qu’elles étaient très variables
d’une société à l’autre. La seconde, qui lui est liée, est celle de savoir
s’il a existé, comme le pensait Morgan, un stade clanique (« gentilice »)
universellement traversé par l’ensemble des sociétés.
Les fonctions du clan
Chez les Iroquois, l’exemple de prédilection de Morgan, le clan
remplissait de multiples fonctions. Il possédait une dimension économique, puisque c’est lui (plus exactement, l’une de ses subdivisions)
qui possédait les terres et les maisons. Ce sont les « matrones », des
femmes d’âge mûr, qui dirigeaient chaque longue maison, qui en
étaient les intendantes ou les régisseuses. Le clan iroquois formait
également une unité religieuse ; un certain nombre d’offices lui étaient
réservés et il choisissait en son sein les individus qui devaient les occuper. Mais Morgan voyait aussi, et peut-être surtout, en lui une unité
politique, et c’est sur cet aspect qu’il insistait longuement. Bien que
dépourvue d’État, ne disposant d’aucun appareil de coercition distinct de la population, la confédération iroquoise était organisée selon
une authentique constitution dont les clans lui paraissaient être le
fondement. Ceux-ci, en plus de traiter leurs propres affaires internes
par des assemblées générales, désignaient des représentants au conseil
de tribu. Celui-ci, à son tour, envoyait des délégués au conseil de la
confédération. Il n’est donc pas étonnant qu’Engels, sur la base des
informations de Morgan, ait vu dans le clan iroquois la forme typique
de la démocratie primitive.
Or, indépendamment même des sérieux correctifs qu’appellerait la
description dressée par Morgan des institutions iroquoises, il suffit de
regarder vers d’autres sociétés pour comprendre que les clans n’ont
pas partout les mêmes prérogatives. Non loin de là, dans les Plaines, les
Les groupes de parenté
Crow étaient eux aussi organisés en clans. Toutefois, ceux-ci n’intervenaient dans aucune pratique touchant à la religion : aucun rite, aucune
fonction, aucun objet sacré ne faisait référence à l’appartenance clanique. On pourrait — sans doute à tort — objecter qu’il s’agit là d’une
différence assez mineure. Mais toujours en Amérique du Nord, cee
fois-ci sur la Côte Nord-Ouest, les clans qui existaient dans certaines
tribus ne jouaient aucun rôle politique — les peuples concernés étaient
dépourvus de toute espèce d’organisation du pouvoir, même si l’on
prend ce terme dans son sens le plus large. Dans une autre région du
monde en revanche, celle des îles Buin de l’archipel des Salomon, l’organisation politique existait bel et bien, tout comme la structuration en
clans. Pourtant, l’une n’avait rien à voir avec l’autre ; si bien que dans
cee société à clans matrilinéaires, la fonction de chef était transmise
de père en fils, changeant donc de clan à chaque génération.
Ni l’organisation de la politique, ni celle de la religion ne pouvant
ainsi être retenues comme des caractéristiques générales des clans,
il reste à examiner une dernière possibilité : celle de leurs fonctions
économiques. C’est là une des plus anciennes idées de l’anthropologie
— et aussi, une des plus controversées. Morgan et Engels, tout comme
bien d’autres penseurs du ᵉ siècle tels que Maine ᵃ, qui ne se réclamait d’ailleurs pas particulièrement des idées socialistes, affirmaient
cee universalité du rôle économique des clans. La propriété originelle
des biens en général, et de la terre en particulier, était tenue pour avoir
été primitivement partout collective, et partout aux mains du clan. La
propriété privée, pour sa part, n’était censée avoir vu le jour qu’à la
suite d’un long processus historique au cours duquel le clan avait été
peu à peu dépouillé de ses anciennes prérogatives.
Cee opinion a par la suite été abondamment contestée, à plusieurs
niveaux. Le plus souvent, les aaques émanaient de gens qui ne dissimulaient guère leur hostilité à la perspective socialiste et qui, ne
pouvant la nier, tenaient à minimiser la dimension collective des droits
de propriété dans les sociétés primitives. On peut avoir une idée de la
a. Henry James Sumner M (–) : juriste et historien anglais. Dans
son œuvre principale, Ancient Law, publiée en , Maine oppose les sociétés
précapitalistes, fondées sur le statut de naissance, à la société moderne, caractérisée
par l’individualisme et la liberté de contracter (thèse résumée dans sa célèbre formule
« from status to contract », « du statut au contrat »). Sur les rapports originels entre
les sexes, en théorisant l’antériorité universelle de la horde dominée par les mâles,
Maine s’opposait de front à Bachofen.
U
manière dont même les plus honnêtes d’entre eux ont posé le problème
en citant cee formule de Robert Lowie ᵃ :
Alors que le communisme proprement dit, supprimant tous les droits personnels, ne se rencontre probablement jamais, nous trouvons fréquemment la propriété collective, non pas nécessairement de toute la communauté, mais d’un certain groupe 9 .
Avec une telle définition du communisme, il n’est pas étonnant en
effet qu’on ne l’ait rencontré nulle part. Et gageons que si, dans la
même logique, le capitalisme « proprement dit » devait être défini
comme une société « supprimant tous les droits collectifs », on serait
bien en peine d’identifier une seule société capitaliste dans le monde
actuel. Pourtant, Lowie lui-même, s’il insiste longuement sur l’existence de la propriété privée dans toutes les sociétés, illustre de manière
très claire dans les nombreux exemples qu’il fournit toutes les limites
que rencontre cee propriété dans le monde primitif. En particulier,
quelle que soit la manière dont les choses se passent — elles peuvent
certes se passer de manière très variable d’une société à l’autre —,
et si l’on met de côté la situation des éventuels esclaves, les sociétés primitives se caractérisent par le libre accès de chacun de leurs
membres aux moyens de production, en premier lieu la terre. Toutes
ces sociétés, depuis les chasseurs-cueilleurs nomades jusqu’aux barbares de l’âge du fer, au-delà de tout ce qui les différencie les unes
des autres, ignorent l’existence d’une classe de travailleurs séparés de
leurs moyens de travail.
Cee caractérisation, essentielle, reste néanmoins incomplète : elle
affirme que tous les membres de la société ont de droit un libre accès
aux moyens de production ; elle ne dit pas comment, et par qui, ces
moyens de production sont répartis, gérés et transmis dans les faits,
ni selon quelles règles chacun y accède. Or, c’est sur ce point que
les sociétés primitives connaissent une infinie variété de situations
et que le clan a été un peu rapidement vu au ᵉ siècle comme le
détenteur par définition des droits collectifs sur les terres. De nombreux travaux ont depuis confirmé ce cas de figure. Mais on a également observé des peuples chez qui ces droits étaient détenus par
a. Robert Harry L (–) : anthropologue américain, spécialiste des
Indiens de l’Amérique du Nord. Disciple de Franz Boas, il fut un des chefs de file de la
lue contre les idées évolutionnistes. Son ouvrage le plus célèbre, Traité de sociologie
primitive (), s’emploie abondamment à réfuter les affirmations de Morgan.
Les groupes de parenté
des groupes plus restreints, comme des fractions de clans, voire des
familles nucléaires ou des individus. On a rencontré aussi, le plus souvent chez des agriculteurs, des situations mixtes où une partie des
terres est possédée et utilisée à titre collectif, l’autre partie étant aribuée aux individus de manière temporaire ou définitive. On a surtout
rencontré des situations où les terres étaient l’objet de multiples droits
de natures diverses, qui ne se laissent guère résumer dans nos catégories de propriété « privée » ou « collective ». Malinowski raconte ainsi
ses déboires dans les îles Trobriand, en Mélanésie :
Le droit foncier aux Trobriand est plutôt complexe. […] Lorsque je commençai à étudier la question, je reçus de la part de mes informateurs indigènes une série d’affirmations générales telles que « le chef possède toute
la terre », ou « chaque parcelle a son propriétaire », ou « tous les hommes
d’un village possèdent la terre collectivement ». Dans certains cas, on me
donna successivement jusqu’à cinq « propriétaires » pour une parcelle,
chaque réponse, comme je le découvris plus tard, contenant un morceau
de la vérité, mais aucune n’étant correcte par elle-même 10 .
Et Malinowski de souligner que « la principale difficulté est que nous
donnons notre propre sens du mot “propriété” au mot indigène correspondant 11 », un point que Marx et Engels avaient déjà maintes fois
relevé 12 . Dans de telles sociétés, même lorsque la propriété sur la terre
semble avoir une physionomie qui se rapproche de la nôtre, elle se
trouve toujours encadrée, limitée par des dispositions qui l’empêchent
de devenir l’axe autour duquel s’organise toute la vie économique et
sociale. La terre non travaillée, en particulier, n’est jamais susceptible d’être appropriée par quiconque ; elle appartient toujours, d’une
manière ou d’une autre, à la collectivité, et c’est cee réserve de terres
qui garantit à chacun de pouvoir en travailler une portion pour subvenir à ses besoins.
On n’entrera donc pas ici dans les discussions juridiques souvent
très difficiles qui ont opposé les anthropologues pour déterminer si
dans telle ou telle société, le clan est effectivement propriétaire du
sol, et dans quel sens il faut entendre le terme de « propriétaire ».
Il nous suffira de savoir que la situation est effectivement beaucoup
moins simple qu’on ne l’avait imaginé au ᵉ siècle et que les droits
collectifs sur les terres, s’ils existent partout, ne sont pas obligatoirement exercés par le clan en tant que tel. On se contentera de donner un seul exemple, mais qui, à sa manière, tranche radicalement
U
la question : celui des Aranda (ou Arunta), une tribu du centre de
l’Australie. Les clans aranda étaient en charge de pratiques religieuses
essentielles, puisqu’à chacun d’eux incombait le rituel censé assurer
la reproduction magique des espèces sur un territoire donné. À côté
de cela, les clans n’intervenaient dans aucun autre aspect de la vie
sociale ; ni dans les règles de résidence (les individus étaient libres de se
regrouper comme bon leur semblait), ni dans les questions de pouvoir
— l’Australie ne connaissait aucune forme d’organisation politique. Et
surtout, sur le plan qui nous préoccupe, ils ne jouaient absolument
aucun rôle économique : leur rapport avec la portion de territoire
à laquelle ils étaient associés se limitait au rituel religieux dont on
vient de parler. Le clan n’était ni le possesseur, ni le gérant, ni même
l’occupant de ce territoire.
Tout cela signifie que le clan, s’il peut facilement être défini du point
de vue de sa forme (un groupe de parenté à filiation unilatérale), ne
peut pas l’être par ses fonctions ; celles-ci changent radicalement d’une
société à l’autre. Il n’existe pas de fonctions universelles du clan 13 .
C’est un point très important, qui jee un premier doute sur la pertinence de la catégorie de « société clanique ». En disant qu’une société
est « clanique », on dit qu’elle possède une certaine forme d’organisation, qu’elle répartit au moyen de la filiation unilinéaire l’ensemble de
ses membres en un nombre défini de groupes. Mais on ne dit rien de la
place que tiennent ces groupes, ni de leur rôle. Sur cet aspect, comme
sur d’autres, Morgan a donc été victime du caractère parcellaire de ses
informations ethnologiques, et il a indûment généralisé à l’ensemble
des sociétés primitives les traits de la société iroquoise et de certaines
des tribus indiennes voisines.
La « société clanique » peut d’autant moins prétendre au rôle de
stade obligé de l’évolution que d’une part, on compte des centaines de
sociétés non étatiques où les clans n’existent pas ; et que d’autre part,
dans ces sociétés non étatiques, le clan est loin d’être la seule forme
d’organisation connue.
Des sociétés primitives sans clans
Premier point, donc, pour les sociétés primitives, le clan est une organisation possible, mais qui n’a pour autant rien d’obligatoire. En
Amérique même, nombre de tribus indiennes l’ignoraient ; chose
notable, on ne peut établir aucune relation entre le niveau technique
Les groupes de parenté
des tribus et la présence ou l’absence de clans. Ainsi, des peuples tels
que les Comanches, les Cheyennes ou les Naskapi-Montagnais, d’un
niveau technique équivalent, voire inférieur à celui des Iroquois,
ignoraient les clans. Bien sûr, il est toujours possible que les clans
y aient existé par le passé et qu’ils aient disparu à un stade plus
précoce que chez les Iroquois. Cee hypothèse pourrait être retenue
si le clan apparaissait comme une organisation largement présente
chez les chasseurs-cueilleurs nomades et rare chez les horticulteurs.
Cependant, c’est très loin d’être le cas. En Australie, l’organisation clanique était générale. D’autres chasseurs-cueilleurs nomades, lorsqu’ils
furent observés par l’anthropologie, étaient structurés en clans : c’est
par exemple le cas des Vedda du Sri Lanka ou des Selknams de la Terre
de Feu. Mais la liste des chasseurs-cueilleurs nomades et qui ignoraient
toute forme de clans est au moins aussi longue : on y trouve pêle-mêle,
et parmi bien d’autres, les Hadza de Tanzanie, les Semang de Malaisie,
les Mbuti, les Inuits, les Andamanais et les !Kung.
Certains auteurs d’inspiration marxiste, tel Raoul Makarius 14 ,
ont défendu l’idée que ces chasseurs-cueilleurs dépourvus de clans
n’étaient pas représentatifs de leurs homologues des époques passées :
ayant survécu dans des milieux hostiles et marginaux, ils avaient vu
leurs institutions claniques dégénérer et disparaître. Par conséquent,
l’idée que l’organisation clanique était universelle au Paléolithique
supérieur devait être considérée comme toujours valable, malgré les
contre-exemples contemporains. Cet argument peut paraître séduisant ; il est en réalité assez faible. En tout état de cause, il fait figure
d’hypothèse ad hoc que rien ne permet d’étayer — ni d’ailleurs de
démentir, puisque ces clans jadis bien vivants sont supposés avoir
disparu sans laisser aucune trace. Mais pourquoi certains chasseurscueilleurs observés à l’époque contemporaine, comme les Australiens,
auraient-ils conservé leurs clans et pas les autres ? el rapport de
cause à effet est-il censé exister entre la survie dans un environnement marginal ou hostile, et la disparition des clans ? Cee dernière
question se pose avec d’autant plus d’acuité que le clan est la seule
dimension de ces sociétés à propos de laquelle Raoul Makarius propose son hypothèse. On peut donc se demander pourquoi ces sociétés auraient conservé intactes toutes leurs autres institutions (comme
leur mode de subsistance, leur structure économique égalitaire, leurs
croyances religieuses ou leurs structures familiales) alors que les clans,
U
et eux seuls, auraient été éliminés. Au sujet des clans, nous disposons de quelques exemples plus récents pour lesquels des informations
fiables nous permeent de dépasser les simples conjectures : il s’agit
notamment de la Grèce et de Rome. Or, à tout prendre, ces deux cas
plaident au contraire en faveur de l’idée que le clan représente une
institution assez résistante, puisque même après que l’État est apparu,
les clans grecs et romains (les gens) perdurèrent durant des siècles
tout en étant privés des fonctions essentielles qui avaient autrefois été
les leurs (en l’occurrence, politiques), et en se contentant de jouer un
rôle relativement mineur (essentiellement religieux). Il n’existe donc
pas de raison convaincante de supposer que les sociétés de chasseurscueilleurs aujourd’hui dépourvues de clans en aient nécessairement
possédé par le passé. Par conséquent, il n’existe pas non plus de raison
de penser que les clans ont constitué une forme obligée de l’évolution
sociale.
Cee question comporte un second aspect : on sait depuis longtemps que le clan n’est pas le seul mode d’organisation des sociétés
primitives. À la place des clans, ou à côté d’eux, d’autres types de
groupes sociaux peuvent exister 15 . L’ethnographie a relevé au moins
trois autres grandes possibilités.
Les ramages
La première, elle aussi fondée sur les relations de parenté, est connue
sous le nom de « ramage ». À l’instar du clan, le ramage est un groupe
de parenté constitué. En règle générale, il est présent uniquement dans
les sociétés dépourvues de clans 16 . Il se différencie de ceux-ci par le
fait que l’appartenance y est transmise par l’un et l’autre des deux
parents (on parle alors de filiation cognatique). Ainsi, le sib des anciens
Germains était un ramage. Faut-il le préciser, toutes les sociétés où
la filiation est cognatique ne possèdent pas forcément des ramages.
C’est le cas de la nôtre, où, comme on l’a déjà remarqué, les parents
ne forment pas un groupe constitué et agissant en tant que tel.
Le raachement au ramage obéit à des règles assez variables d’une
société à l’autre. Parfois, le mécanisme rappelle celui d’une structure
en clans : il répartit l’ensemble des membres de la société dans un
certain nombre d’unités qui ne se recoupent pas et qui exercent différentes fonctions économiques, politiques ou religieuses. Dans ce cas,
il faut empêcher qu’un individu soit raaché à plusieurs ramages, l’un
Les groupes de parenté
par son père, l’autre par sa mère… voire davantage, si les liens par des
parents plus éloignés étaient autorisés. La société doit alors résoudre
une difficulté qui n’existe pas avec la filiation unilinéaire, qui garantit
par définition que chaque individu appartiendra à un clan et un seul.
Mais cee difficulté n’a rien d’insurmontable, et on lui a trouvé de
multiples solutions. Ainsi à Mangaia, dans les îles Cook, ou à Nukuoro,
en Micronésie, l’affiliation au ramage se faisait sur la base de l’alternance dans l’ordre de naissance, un enfant sur deux étant raaché
au ramage paternel, l’autre au ramage maternel. Les Iban de Bornéo
apportaient une certaine souplesse par rapport aux systèmes précédents. En effet, les adolescents restaient sans ramage, et c’est seulement lors du mariage et de l’installation du couple que celui-ci choisissait son ramage et par conséquent, son lieu de résidence (les ramages
étant en l’occurrence des unités localisées). Les droits liés à l’appartenance au second ramage étaient alors définitivement perdus. Cee
solution avait sans doute l’avantage d’ajuster avec une certaine fluidité
la population fluctuante des différents villages aux terres disponibles.
Jusqu’à présent, nous avons parlé de ramages dont le mode de
recrutement se différenciait de celui des clans, mais qui, comme eux,
imposaient aux individus un raachement unique. Mais on a observé
d’autres situations, où les appartenances multiples étaient possibles,
voire encouragées. Dans certaines tribus, il était possible de conserver
toute sa vie des droits latents dans d’autres ramages que celui dans
lequel on résidait, par exemple en faisant des visites, en rendant des
services, en participant à certaines cérémonies religieuses… De tels
systèmes étaient fréquents en Océanie ou à Madagascar. Chez les Maoris de Nouvelle-Zélande, l’unité villageoise portait le nom de hapu.
C’était un groupe de parenté (chaque hapu se référait à un ancêtre
fondateur) auquel on était raaché par tous ses ascendants. Un individu pouvait donc posséder des droits à la fois dans le hapu de son
père et dans celui de sa mère, lorsque ceux-ci étaient issus de deux
hapu différents (ce n’était pas forcément le cas). À ces droits s’ajoutaient ceux dans tous les autres hapu auxquels ses aïeux avaient appartenu. Lorsqu’on décidait de résider dans un hapu, les droits vis-à-vis
des autres hapu n’étaient pas perdus, mais mis en réserve, à condition
de continuer à observer vis-à-vis d’eux certaines obligations. Dans
le cas contraire, les droits s’éteignaient. Avec de telles règles, on
comprend que les Maoris possédaient une mémoire généalogique
U
impressionnante : de celle-ci dépendait la possibilité pour les individus
de faire valoir leur accès aux différentes terres 17 .
Parmi certaines tribus indiennes de la Côte Nord-Ouest, l’appartenance aux groupes de parenté dépendait de la capacité des individus
à acquérir un des noms spéciaux appartenant traditionnellement à ce
groupe. Le nom pouvait être celui du père ou d’un proche parent, et il
était possible, sous réserve d’avoir acquis plusieurs noms, d’appartenir
à plusieurs groupes. Chez les Bella Coola, par exemple, cee acquisition se faisait au travers d’une fête très onéreuse, le potlatch, et seuls les
plus riches pouvaient se payer le luxe d’appartenir à plusieurs groupes
de parenté.
Tout groupe de parenté n’est donc pas unilinéaire, et tout groupe
de parenté ne découpe pas forcément la société en unités disjointes,
comme le font les groupes unilinéaires. Et là encore, rien ne permet
de penser que ces deux formes d’organisations seraient liées par une
quelconque relation chronologique, l’une ayant nécessairement succédé à l’autre. Les deux formes apparaissent comme deux possibilités
de diviser une société en groupes sur la base de la parenté, possibilités ayant préférentiellement été explorées dans certaines aires culturelles. L’Afrique et l’Eurasie étaient les continents de prédilection des
groupes unilinéaires, tandis que le Pacifique et les deux Amériques
étaient les zones où se sont épanouis proportionnellement le plus de
ramages ; ce sont aussi celles où l’on constatait le plus fréquemment
l’absence de tout groupe de parenté constitué.
Des groupes qui ne sont pas de parenté
Bien des sociétés primitives ne connaissent en effet ni clans, ni
ramages. Mais l’absence de tout groupe de parenté ne signifie pas
l’absence de tout groupe social organisé — pas plus que la présence de
groupes de parenté n’exclut celle d’autres groupes, fondés sur d’autres
critères. Même si elle joue souvent un rôle primordial qui avait frappé
Morgan et sur lequel celui-ci avait à juste titre insisté, la parenté n’est
donc pas le seul axe autour duquel la vie sociale est susceptible de
s’organiser dans les sociétés primitives.
Ainsi, une des structures les plus fréquentes est celle des classes
d’âge, qui définissaient elles aussi des groupes constitués. Le passage
d’une classe d’âge à l’autre se faisait de manière publique, au cours
d’une cérémonie qui officialisait le changement aux yeux de la
Les groupes de parenté
communauté. Le principe des classes d’âge pouvait se prêter à d’extrêmes raffinements. C’est ainsi que chez les Hidatsa, des Indiens des
Plaines, on n’en comptait pas moins de dix, dans lesquelles se répartissaient tous les individus masculins depuis les garçonnets de dix ans
jusqu’aux vieillards. Chaque classe devait se préoccuper d’acquérir
les droits de la classe qui la précédait, cee cession s’effectuant sur
la base de paiements collectifs assez élevés, ce qui conférait à cee
organisation complexe une place de premier plan dans la vie sociale
des Hidatsa.
D’une manière générale, certains peuples combinaient une organisation en clans et en classes d’âge, d’autres connaissaient l’une sans
l’autre ; mais là encore, rien ne permet de déduire a priori le rôle dévolu
à chacune de ces organisations, ce qu’elles permeaient et ce à quoi
elles obligeaient.
Si l’on excepte le cas des sociétés à filiation cognatique qui autorisaient le choix du ou des ramages, on pourrait avoir l’impression que
les membres des sociétés primitives étaient toujours prisonniers de
groupes auxquels ils étaient raachés quoi qu’ils fassent, par la naissance ou par leur âge. Cee image n’est pas entièrement fausse ; mais
elle mérite d’être nuancée. Ce type de structure, s’il est très répandu
dans ces sociétés, n’est en effet pas universel. Même les sociétés techniquement les plus frustes, celles des chasseurs-cueilleurs nomades,
sont très loin de présenter un visage uniforme de ce point de vue. La
parenté, par exemple, omniprésente chez les Australiens, fondant des
clans, des moitiés et des sections possédant de lourdes implications
matrimoniales et religieuses, jouait un rôle tout à fait mineur chez
les !Kung ou les Inuits, qui ne connaissaient ni clans, ni ramages, ni
classes d’âges, ni d’ailleurs aucune autre forme de groupes constitués.
Parmi de nombreux peuples, il existait d’autres types de groupes
sociaux que l’on désigne par le terme large d’associations (ou parfois par celui, plus impropre, de sociétés secrètes), auxquels les individus choisissaient de s’affilier au cours de leur vie — sous réserve
d’y être acceptés. Pour en devenir membre, il fallait se soumere à
l’apprentissage approprié et au besoin, à un paiement qui pouvait aller
d’une somme symbolique à un montant beaucoup plus élevé. Certaines associations étaient assez largement ouvertes, d’autres extrêmement sélectives. Certaines acceptaient toutes les candidatures, d’autres
n’organisaient que les hommes, que les femmes, ou que les individus
U
d’un certain âge. Les clubs anglais de l’époque victorienne, strictement
réservés aux individus masculins jugés socialement respectables par
leurs pairs, et qui pensaient représenter la fine fleur de la civilisation,
n’avaient donc rien inventé ! Certaines associations regroupaient des
dizaines, voire des centaines, de membres. D’autres, s’il est permis de
parler d’associations à leur sujet, se réduisaient à un partenariat conclu
entre deux individus, à l’instar des Inuits Netsilik qui créaient ainsi, en
quelque sorte, une « coopérative » de partage du gibier 18 .
Les associations jouaient parfois un rôle très important dans la vie
sociale, pouvant même éclipser celui des clans lorsque ceux-ci existaient : il n’était pas rare que les liens d’entraide ou de parrainage
tissés dans les associations prennent le pas sur les liens claniques,
par exemple pour la réalisation de certains travaux collectifs. C’est
sans aucun doute chez les Indiens des Plaines de l’Amérique du Nord
que se rencontrait la plus grande profusion d’associations : tout y
était prétexte, qu’il s’agisse de la vie militaire, religieuse ou même
de simples loisirs. Ainsi parmi les tribus indiennes, les associations
de guerriers foisonnaient, certaines choisissant comme mascoes de
belles jeunes femmes. elques associations étaient particulièrement
élitistes, telle les Chiens Rouges des Kiowa, qui comptait seulement
dix guerriers, réputés comme les plus braves, et dont les membres
exhibaient fièrement leur signe distinctif sur les champs de bataille.
Les hommes mûrs, pour leur part, avaient accès à de prestigieuses
sociétés réservées aux anciens braves, comme chez les Lakota. Les
Mandan avaient raffiné la chose : leurs associations comportaient une
série d’échelons qui, pour être gravis, exigeaient des paiements de plus
en plus élevés.
Les femmes, si elles participaient traditionnellement moins que les
hommes à des associations, n’étaient toutefois pas en reste. C’est ainsi
que, chez les Cheyennes, il existait une guilde rassemblant les décoratrices de tipis. ant aux femmes pawnees non mariées, elles pouvaient intégrer une association dont les membres se distinguaient à la
fois par l’obligation de porter de vieux vêtements et par le privilège de
torturer les prisonniers.
Terminons ce bref inventaire par un mot sur les associations dites
de rêveurs, à tonalité plus ou moins religieuse, qui rassemblaient les
individus ayant eu des visions de certains animaux (l’ours, le cerf, le
bison, etc.). Certaines d’entre elles étaient en charge de cérémonies
Les groupes de parenté
déterminées : chez les Lakota, les rites liés à l’amour et à la sexualité étaient conduits par les rêveurs de wapiti. Dans plusieurs tribus
comme les Cheyennes, les Crow et les Arapaho, une catégorie particulière de rêveurs était représentée par les clowns contraires, des
individus étranges, guerriers féroces mais accomplissant la majeure
partie des actes de la vie quotidienne à l’envers, et qu’illustre un personnage secondaire du célèbre film Lile Big Man 19 .
ions les Plaines pour nous diriger vers l’Afrique de l’Ouest et
la Mélanésie. Là encore, les associations pullulaient. Et tout comme
dans les Plaines, il n’était pas rare qu’elles soient strictement hiérarchisées, l’avancement dépendant de l’accomplissement de certaines
obligations, de paiements, ou d’une combinaison des deux. Certaines
d’entre elles étaient en charge de pouvoirs très étendus vis-à-vis de
l’ensemble de la tribu, servant par exemple de bras armé pour appliquer la peine de mort. Pour illustrer le développement parfois à peine
croyable qu’avaient pu connaître ces associations, on doit citer le cas
de Mota, dans l’archipel des Vanuatu. Longue de trois kilomètres et
peuplée de âmes, cee île n’abritait pas moins de soixante-dix-sept
associations, dont chacune possédait ses propres emblèmes, masques
et danses — la plupart des hommes étant bien sûr affiliés à la fois à
plusieurs d’entre elles 20 .
« Société gentilice » ou « démocratie militaire » ?
Ce trop bref tour d’horizon nous a apparemment éloignés de notre
point de départ ; il est temps d’y revenir, pour conclure sur la notion
de « société gentilice », ou pour prendre un terme plus actuel, clanique.
Caractériser les sociétés par la présence d’une institution, le clan,
défini par un certain nombre de critères formels, est donc une entreprise qui ne mène nulle part. Pour ne parler que des seules sociétés
primitives, et même en assimilant au clan l’ensemble des structures
de parenté unilinéaires (en particulier les lignages), la présence ou
l’absence de clans n’éclaire guère l’ensemble de la structure sociale.
Les clans existent dans des sociétés aussi différentes que les chasseurscueilleurs nomades et égalitaires d’Australie ou certains peuples socialement stratifiés possédant un embryon d’État tels que les Bemba
d’Afrique subsaharienne. Inversement, des sociétés à un niveau de
développement équivalent peuvent aussi bien connaître les clans que
les ignorer ; comporter d’autres types de groupes de parenté, ou n’en
U
comporter aucun. Elles peuvent également, tout en possédant ou non
des clans, avoir créé parallèlement d’autres organisations, telles que
les classes d’âge et les associations. ant aux fonctions et à l’importance de toutes ces institutions dans la vie sociale, seule l’observation
au cas par cas peut permere de les connaître ; il n’existe en la matière
aucune généralité valable en toute circonstance.
Il est vrai qu’en forgeant le concept de « société gentilice », Morgan
cherchait en réalité moins à désigner l’ensemble des sociétés primitives qu’à caractériser ce type particulier ayant précédé l’émergence
de certains États et dont les Iroquois étaient à ses yeux les éminents
représentants : une société relativement égalitaire (mais relativement
seulement, et certainement moins qu’il ne le croyait), regroupant des
hommes libres organisés de manière démocratique sur la base de la
parenté. Ce sont ces traits que Morgan avait cru reconnaître également
chez les anciens Grecs et les anciens Romains, et qui lui avaient fait
regrouper ces peuples sous une même appellation générique. De ce
point de vue, le terme de « démocratie militaire » utilisé parfois par
Morgan et repris par Marx et Engels 21 semble une désignation plus
pertinente — même si chez ceux-ci, la « démocratie militaire » n’était
pas à proprement parler un synonyme de la « société gentilice », mais
plutôt son stade ultime, celui de son apogée et de sa prochaine dégénérescence. L’anthropologie a identifié bien d’autres sociétés pouvant
prétendre au titre de « démocraties militaires », à commencer par la
plupart des tribus indiennes des Plaines. Et l’on peut insister sur le
fait que le clan pouvait y jouer un rôle assez secondaire, voire en
être totalement absent, sans que leur allure générale en soit affectée.
Ce n’est donc pas en soi la présence de clans qui est significative :
c’est l’absence d’État, conjointement à l’existence d’une organisation
politique qui était l’émanation directe de l’ensemble des membres de
la tribu. Or, cee organisation, si elle peut s’articuler sur les clans, peut
tout aussi bien se passer d’eux.
C’est si vrai qu’inversement, on dispose de maints exemples de
sociétés pourvues d’organisations unilinéaires (clans ou lignages),
mais où l’évolution vers la stratification sociale n’emprunte pas du
tout les mêmes voies ; dans ce cas, clans et lignages n’apparaissent pas
comme les garants de la vie démocratique, mais au contraire comme
les instruments du despotisme naissant. C’est par exemple le cas en
Afrique subsaharienne, où là où elle existe, l’organisation lignagère
Les groupes de parenté
fournit le cadre d’un pouvoir très fort du chef sur les autres membres,
celui-ci pouvant disposer à peu près à sa guise de leur travail, de leurs
biens, et même de leurs personnes, en pouvant notamment les vendre
comme esclaves à d’autres lignages. D’ailleurs, à la différence de ce qui
s’est passé en Europe, l’émergence de l’État en Afrique n’a le plus souvent pas signifié la disparition de cee organisation lignagère. Dans
la plupart des grands royaumes d’Afrique noire tels que l’Ashanti,
le Congo ou le Dahomey, celle-ci avait été soumise, mais conservée
presque intacte pour être intégrée au nouvel appareil. C’est également vrai de l’Amérique, où les formes étatiques des empires inca ou
aztèque, loin de les détruire, avaient conservé et intégré les groupes de
parenté dans leur structure administrative. La conviction selon
laquelle pour naître, l’État devait obligatoirement dépouiller les
groupes de parenté de la totalité de leurs fonctions politiques avait
d’ailleurs conduit Morgan (et dans ses pas, Engels 22 ) à une de ses
erreurs aujourd’hui les plus flagrantes ; un chapitre entier de La Société
archaïque est en effet consacré à affirmer que la société aztèque, où les
clans (nommés calpulli 23 ) avaient conservé un rôle éminent, était par
conséquent non étatique et qu’elle se situait au « stade moyen de la
Barbarie » 24 .
Pour en terminer sur ce point, il faudrait enfin examiner la conviction de Morgan selon laquelle la démocratie militaire (sa « société
gentilice ») représenterait le stade nécessaire et universel de la transition à l’État, conviction qu’Engels paraît approuver tacitement dans
L’Origine de la famille, ce qui a entraîné des polémiques aussi innombrables que vaines sur sa supposée trahison vis-à-vis des thèses de
Marx sur le mode de production asiatique. Sans se laisser entraîner
au-delà des limites de ce texte, on peut simplement dire que là encore,
si la démocratie militaire jalonne une voie possible vers l’émergence
des classes et de l’État, cee voie est manifestement très loin d’être la
seule.
Chapitre D
Famille et parenté, quel évolutionnisme ?
Un bref état des connaissances
M
d’une pierre trois coups : en
reconstituant l’histoire des systèmes de parenté, il pensait
avoir également retracé celle des formes familiales et des
interdits d’inceste (ce qui, selon ses conceptions, était la même chose,
au moins pour le lointain passé). Comme on l’a vu, cee tentative a
échoué. Les formes familiales, pas plus que les interdits d’inceste et
les systèmes de parenté, ne peuvent être rangées selon un ordre chronologique d’apparition et situées à des étapes précises de l’évolution
sociale. La famille, indépendante du système de parenté, n’entretient
elle non plus aucune relation simple et générale avec le mode de subsistance et les formes économiques.
Bien entendu, le fait qu’il n’existe pas de relation simple ne signifie
pas que cee relation soit absente. La polyandrie, par exemple, d’autant plus intrigante qu’elle reste très rare, a souvent été interprétée
comme un moyen, dans certaines circonstances, d’éviter le fractionnement de la propriété foncière. Elle est aussi, et peut-être surtout, la
conséquence de l’infanticide des filles auquel se livrent des sociétés
qui vivent dans des milieux particulièrement difficiles.
On a également vu que la polygynie possédait dans les sociétés
à richesse une incontestable dimension économique ; l’accumulation
des épouses y apparaît tout à la fois comme le résultat et comme un facteur de l’enrichissement de l’homme. Mais la polygynie existe, y compris sous ses formes les plus extrêmes, dans des sociétés sans richesse,
comme en Australie aborigène. Inversement, elle est absente de bien
des sociétés inégalitaires, à commencer par celle des Iroquois.
U
Même lorsque arrivent la civilisation et l’État — qui tend à promouvoir un modèle familial unique, cet État étant souvent adossé à
une religion édictant des normes en la matière — les voies empruntées n’ont pas été les mêmes partout, même à structures économiques
équivalentes. Et si l’on est tenté d’expliquer l’avènement de la monogamie dans la grande majorité des civilisations modernes par l’action
de déterminismes économiques, ceux-ci s’avèrent redoutablement difficiles à cerner avec précision ; le plus vraisemblable est qu’ils se combinent avec d’autres causes dans un enchaînement complexe 1 . ant
à l’affirmation, souvent rencontrée, selon laquelle la naissance de la
famille « patriarcale », là où elle eut lieu, était liée à celle de l’État 2 ,
elle semble mériter une prudence d’autant plus grande que le concept
même de famille « patriarcale » est sujet à des définitions passablement
floues.
Les formes familiales, on l’a souligné plusieurs fois, loin d’obéir à
une quelconque « nature » humaine, sont parmi les institutions les
plus plastiques qui soient. Mais, contrairement à ce que pouvaient
imaginer les penseurs hardis du ᵉ siècle, leur succession n’obéit à
aucune règle générale, qui les lierait de manière immédiate aux formes
économiques.
Bien sûr, on a pu mere certaines corrélations en évidence. Ainsi, il
apparaît que les formes familiales les plus complexes ont tendance à
se concentrer aux étapes intermédiaires de l’évolution sociale. Inversement, les formes familiales les plus restreintes se trouvent en majorité parmi les sociétés égalitaires à un pôle, et les sociétés étatiques à
l’autre 3 . Mais il ne s’agit une fois encore que d’une tendance statistique, qui connaît de nombreuses exceptions.
Le contexte économique intervient donc, pour une part, dans la
détermination des formes familiales. Mais il n’y a pas forcément de
famille typique de chaque stade technico-économique.
On a évoqué la polygynie. On pourrait examiner tour à tour la division familiale du travail, la considération dont jouit chaque membre
du couple, la manière dont sont élevés les enfants, la transmission
des biens, etc. Un tel tableau dépasserait largement le cadre de ce
livre ; il abonderait néanmoins dans le même sens. L’union libre, par
exemple, modèle familial qui se répand aujourd’hui au sein de certains
pays capitalistes occidentaux, peut certes être interprétée comme une
extension au domaine familial de la liberté de contracter — et donc,
Famille et parenté, quel évolutionnisme ?
de rompre — si typique des rapports de production capitalistes. Il y
a certainement du vrai dans cee manière de voir les choses. Cela
n’empêche pas l’union libre d’avoir également été le modèle familial
des Inuits, chasseurs-cueilleurs nomades égalitaires… mais certainement pas de la plupart des Australiens, eux aussi chasseurs-cueilleurs
nomades égalitaires, dont la conception de la famille se situait, tout
comme leur territoire, aux antipodes des Inuits. Et pour en revenir au
mode de production capitaliste, laquelle de cee union libre, actuellement en plein essor dans les pays développés, ou de la famille monogame consacrée par le lien religieux, typique de l’Occident du ᵉ
siècle, devrait-elle en être tenue pour la plus caractéristique ?
En fait, si les conditions économiques exercent bel et bien une
influence sur les formes familiales, elles ne le font que de façon indirecte, au milieu d’une multitude d’autres facteurs, à la manière dont
la nature du terrain influence l’art militaire. Bien piètre serait le tacticien qui choisirait, en livrant un combat, d’ignorer la conformation du
champ de bataille. Mais tout aussi piètre serait l’historien qui croirait
que les batailles menées au cours des âges sur des terrains similaires
ont toutes revêtu la même physionomie. Voilà pourquoi, sous peine de
tordre les faits pour les forcer à se plier aux conceptions d’un matérialisme trop étroit, on doit tout à la fois reconnaître l’influence des
conditions matérielles sur les formes familiales et renoncer à l’idée
que cee influence se soit exercée de manière à faire naître une série
évolutive simple.
La conclusion, on l’a vu, n’est guère différente en ce qui concerne les
systèmes de parenté. Leur succession dans le temps, telle que Morgan
avait cru pouvoir la reconstituer, apparaît aujourd’hui comme une
spéculation que plus rien ne permet d’étayer.
De même que chaque forme de famille, Morgan avait cru pouvoir
situer chaque système de parenté dans les différents stades de la préhistoire humaine. Ainsi, le système hawaïen était-il censé être typique
de la Sauvagerie et, à la rigueur, du stade inférieur de la Barbarie.
Le système iroquois, lui, était censé correspondre à la Barbarie et le
système eskimo à la Civilisation. Chez Morgan, cee relation ne s’inscrivait pas dans un authentique raisonnement matérialiste. Morgan
établissait une chronologie ; il situait les différents systèmes de parenté
dans le temps. Mais il ne semble pas avoir voulu expliquer l’évolution
des systèmes de parenté, même de manière indirecte, par l’évolution
U
technique. Par exemple, l’invention de l’arc, qui marque le passage
au stade supérieur de la Sauvagerie, et les possibles modifications de
l’organisation de la chasse qui en ont résulté, ne sont nulle part mentionnées par Morgan comme une cause, même lointaine, de l’invention
de l’exogamie de clan, censée inaugurer pour sa part le passage de la
famille consanguine à la famille punaluenne.
En négligeant d’un côté l’Australie, seul ensemble à ignorer l’arc,
et doté dans la plupart des cas de systèmes de parenté aussi
complexes que spécifiques, et de l’autre les sociétés étatiques, nous
pouvons répartir les sociétés du SCCS en trois groupes (chasseurscueilleurs nomades se situant au niveau technique du Mésolithique,
sociétés d’horticulture et/ou d’élevage néolithiques, sociétés pratiquant une forme intensive d’agriculture), qui correspondent très
approximativement au progrès technique et à une stratification sociale
croissante.
De manière frappante, chacun des principaux systèmes de parenté
se trouve largement représenté à chacun de ces trois grands stades,
ce qui ne serait évidemment pas le cas s’il existait entre eux un ordre
clair de succession historique.
Chasse-cueillee
Agriculture
Agriculture intensive
TOTAL
Hawaïen
Iroquois
Eskimo
TOTAL
T . : Systèmes de parenté et développement technique
Le système de parenté hawaïen, le plus archaïque selon Morgan, est
par exemple effectivement celui de chasseurs-cueilleurs nomades, tels
que les Semang de Malaisie ou les Mbuti. Mais il est également largement présent (et proportionnellement, même un peu plus) dans des
sociétés d’horticulteurs égalitaires ou non, ainsi que dans des sociétés
neement stratifiées, à commencer par… Hawaï.
Le système iroquois, que Morgan pensait caractéristique de la Barbarie, existe certes chez des horticulteurs (les Iroquois eux-mêmes),
Famille et parenté, quel évolutionnisme ?
mais aussi chez des chasseurs-cueilleurs égalitaires (les NaskapiMontagnais du ébec) ou des métallurgistes maîtrisant le fer (comme
les Touaregs).
ant au système eskimo, censé constituer le point ultime de l’évolution et la marque de la civilisation, il est certes celui de bien des sociétés étatiques — dont la nôtre. Mais on le trouve également aussi dans
des sociétés métallurgistes (telles que les anciens Hébreux), d’horticulteurs ou éleveurs, et d’assez nombreux chasseurs-cueilleurs (Yàmana
et Selknams de la Terre de Feu, !Kung, Andamanais, sans oublier bien
entendu les Inuits). C’est cee impasse qui a amené certains chercheurs évolutionnistes à refonder la typologie des systèmes de parenté
pour tenter d’élaborer une séquence évolutionniste plus conforme aux
observations 4 ; le résultat n’a cependant guère été plus probant.
Morgan avait donc voulu reconstituer l’évolution des systèmes de
parenté sur la base du seul raisonnement ; cee tentative s’est soldée
par un échec. Mais si, depuis un siècle, les tentatives de construire une
nouvelle théorie de l’évolution des systèmes de parenté ont été bien
rares, ce n’est pas seulement parce que cee tâche se place en dehors
des préoccupations de la majorité des anthropologues, qui campe fermement sur ses positions anti-évolutionnistes ; c’est aussi parce qu’elle
est d’une extraordinaire difficulté.
En effet, les systèmes de parenté ne laissent pour ainsi dire pas
de traces matérielles, même indirectes ; en l’absence de documents
écrits, il est donc extrêmement ardu, pour ne pas dire impossible, de les
identifier dans le passé. Dans le meilleur des cas, les sociétés primitives
disparues ont laissé des cadavres, des tombes, des outils, des armes,
parfois des monuments, toutes choses à partir desquelles identifier
les rapports sociaux essentiels relève déjà de la gageure ; en ce qui
concerne les systèmes de parenté, c’est virtuellement impossible.
Cee ignorance des faits eux-mêmes, c’est-à-dire d’exemples tangibles où se sont succédé des systèmes de parenté, représente un obstacle redoutable pour la reconstitution de leur évolution et pour la
théorie de cee évolution. Lorsque les biologistes réfléchissent à l’évolution des espèces, ils peuvent en effet s’appuyer sur des fossiles et sur
leurs datations qui représentent une immense masse de matériaux. Ce
sont autant de faits sans lesquels les différentes théories ne pourraient
pas être départagées — on pense ici tout autant aux hypothèses sur
les séquences évolutives que sur les mécanismes de l’évolution. Mais
U
lorsque les anthropologues tentent de se livrer au même exercice à
propos des systèmes de parenté, ils n’ont pour ainsi dire à leur disposition que les « espèces » actuelles. Leurs matériaux ne possèdent
qu’exceptionnellement une profondeur temporelle qui seule pourrait
éclairer leur chronologie. La reconstitution du passé ne peut donc procéder que de raisonnements, ce qui la rend d’autant plus hasardeuse.
Les seules traces véritablement tangibles qu’ont pu laisser les transformations des systèmes de parenté se trouvent dans les documents
écrits — et, pour des transformations récentes et rapides, dans les
témoignages de ceux qui les ont vécues. C’est ainsi que l’on dispose
de quelques exemples aestés.
C’est le cas avec la Rome antique, où le système dit soudanais (une
terminologie de parenté où chaque type d’oncle et de tante est désigné
par un terme propre) a laissé la place, vers le début de l’ère chrétienne, au système eskimo. Traditionnellement, le vocabulaire latin
distinguait le frère du père (patruus) de celui de la mère (avunculus).
De même, alors que la sœur de la mère était la matertera, celle du père
était l’amita. Ces distinctions, conformément à la structure d’un système soudanais, s’étendaient à leurs enfants (nos cousins actuels) : les
enfants du patruus étaient les fratres patrueles, ceux de l’amita étaient
les aminiti. ant à ceux de l’avunculus et de la matertera, ils étaient
tous désignés par le nom de consobrini. Vers le ᵉ siècle de notre ère,
les Romains ont abandonné les termes de patruus et de matertera. Le
frère du père est lui aussi devenu un avunculus, la sœur de la mère
elle aussi une amita. Conjointement, tous les enfants de ces parents
sont dorénavant devenus des consobrini. Le système soudanais s’était
ainsi transformé en un système eskimo, celui dont nous avons hérité
(avunculus a donné notre oncle, amita notre tante et consobrinus notre
cousin).
Il existe quelques autres cas avérés d’évolution des systèmes de
parenté. Ainsi, en Chine, un système dravidien a-t-il laissé place, vers
le ᵉ siècle après J.-C., à un système soudanais. De nos jours, celui-ci
tend à se transformer en système eskimo.
On pourrait également citer quelques cas exceptionnels de sociétés
où une telle évolution a pu être aestée par des témoignages directs ;
mis bout à bout, ces cas, à l’échelle de la planète, se compteraient
vraisemblablement sur les doigts d’une seule main. La moisson des
Famille et parenté, quel évolutionnisme ?
faits reste donc bien maigre, et notoirement insuffisante pour élaborer
une théorie générale 5 .
Pour combler ce vide, d’autres chercheurs se sont appuyés sur
l’étude des migrations, conjointement à celle de la langue et de l’étymologie. Sans être aussi entachés de suspicion que les raisonnements
spéculatifs de Morgan, les résultats rassemblés par ce type de travaux
sont loin de faire l’unanimité, les bases sur lesquelles ils s’appuient
apparaissant souvent très fragiles.
En définitive, où en est-on aujourd’hui ? On sait depuis Morgan que
les systèmes de parenté sont divers et qu’ils expriment des logiques
très différentes les unes des autres. Depuis Bachofen au moins, on sait
aussi qu’ils évoluent, et le fait a été largement confirmé depuis lors.
En revanche, si le schéma proposé par Morgan apparaît aujourd’hui
comme inacceptable, on ne sait guère par quoi le remplacer — on
ne sait d’ailleurs même pas s’il convient de le remplacer. Plusieurs
chercheurs se sont retrouvés dans la synthèse suivante, récemment
proposée :
T . : Succession des systèmes de parenté selon Godelier, , p. .
Si ce schéma (où nous avons volontairement omis quelques éléments) apporte incontestablement des informations précieuces, il est
en revanche loin de constituer une représentation complète de la réalité : les faits qu’il ordonne restent parcellaires. Par exemple, on en
déduirait à tort que les systèmes de parenté ont tous dérivé à partir
d’un type unique, le dravidien 6 . Dans l’état actuel des connaissances,
une telle affirmation reste largement conjecturale.
Pour reprendre la comparaison entre systèmes de parenté et espèces
vivantes, celles-ci possèdent la caractéristique fondamentale de dériver d’ancêtres uniques. L’évolution biologique s’effectue uniquement
U
par divergences à partir d’espèces existantes, ce qui lui donne l’aspect d’un « buisson ». Aucune branche ne fusionne avec une autre, de
même qu’aucune branche ne revient jamais sur elle-même.
Or rien ne prouve qu’il en aille de même en ce qui concerne les systèmes de parenté. Ceux-ci, contrairement aux espèces vivantes, sont
en nombre très restreint, et l’on ne peut pas exclure qu’un même système ait pu être le produit de l’évolution de deux systèmes différents :
On ne peut pas non plus écarter la possibilité de « régressions »
(mieux vaudrait dire « bouclages »), où un même système (par exemple
le système eskimo) se situerait à la fois au départ et à l’arrivée d’une
séquence évolutive :
Ainsi, à la différence de l’évolution biologique, l’évolution des systèmes de parenté ne présente vraisemblablement pas la physionomie
d’un buissonnement. Avoir établi qu’en certaines occasions le système eskimo avait succédé au soudanais et que celui-ci était lui-même
issu du dravidien, ne prouve pas ipso facto que toutes les occurrences
du système eskimo sont le produit direct d’un système soudanais, et
indirect d’un système dravidien, qui les auraient nécessairement
précédées.
Toutes ces incertitudes n’empêchent toutefois pas de disposer de
quelques grands points de repère. Il est clair, par exemple, que les
systèmes classificatoires s’épanouissent dans des sociétés où les rapports sociaux s’organisent avant tout sous la forme de relations de
parenté, et que ces sociétés se situent pour l’essentiel au stade préétatique. Comme Morgan l’avait perçu, la naissance de l’État, ou du
moins, de certains types d’États, tend à briser les vieux cadres de la
parenté, à substituer aux liens du sang d’autres liens, en particulier
territoriaux. L’apparition de l’État, pour ne parler que d’elle, se présente donc comme un facteur privilégié du dépérissement des systèmes de parenté classificatoires et de l’essor des systèmes descriptifs. Mais même autour de cee ligne très générale, de vastes zones
Famille et parenté, quel évolutionnisme ?
d’ombre subsistent. Dans certains cas particuliers, les États préservent
les structures de parenté existantes et s’appuient sur elles, les vidant
d’une partie de leurs prérogatives sans les briser ; ce fut notamment
le cas, comme on l’a dit, d’un certain nombre de royautés africaines,
ou des empires aztèque et inca. Mais même au sein des sociétés préétatiques, la parenté joue un rôle très variable ; pour ne parler que de
chasseurs-cueilleurs égalitaires, elle pèse d’un poids bien différent en
Australie ou chez les !Kung et les Inuits. Omniprésente dans le premier
cas, elle apparaît comme un élément beaucoup moins important de la
structure sociale dans les deux autres.
Comment expliquer l’importance très inégale de la parenté d’une
société sans État à l’autre, même à niveau technique similaire ? Comment expliquer la diversité des systèmes de parenté dans des sociétés
par ailleurs comparables, et inversement, la similitude de ces systèmes
dans des sociétés pourtant très différentes ?
Toutes ces questions restent encore aujourd’hui largement sans
réponse. Non seulement, on ne connaît pas réellement les lois de
l’évolution des systèmes de parenté, mais on est même incapable de
retracer ne serait-ce que des parties significatives de cee évolution
— ce qui serait pourtant la condition première pour raisonner sur ses
mécanismes.
On peut toutefois penser que l’erreur serait de vouloir faire dire
aux systèmes de parenté davantage qu’ils ne le peuvent, et de leur
prêter une importance exagérée dans la structuration des sociétés. Les
systèmes de parenté, on l’a vu, n’expriment pas du tout les structures familiales. Ils peuvent éventuellement exprimer, avec plus ou
moins de fidélité, la présence de groupes de parenté à filiation unilinéaire — certains systèmes de parenté indiquent une forte probabilité
de la présence de clans ou de lignages, mais les clans et les lignages
peuvent parfois exister sans se refléter dans le système de parenté. En
fait, au travers des terminologies de parenté, se manifeste de manière
plus ou moins explicite un enchevêtrement d’obligations et de relations sociales, parmi lesquelles, mais pas seulement, les interdits de
mariage. Voilà sans doute la raison pour laquelle il n’est pas possible de
relier l’évolution des systèmes de parenté à celle des structures économiques, notamment des modes de production : il s’agit de deux dimensions sociales distinctes et très largement indépendantes. Le système
de parenté n’organise pas la dimension économique d’une société, de
U
même que la dimension économique d’une société n’organise pas le
système de parenté.
Bien sûr, les obligations liées à la parenté incluent quasiment toujours des prestations de nature économique. Mais on n’a jamais pu
établir une relation entre la nature de ces obligations et le système
de parenté. Chez les chasseurs-cueilleurs, l’aribution du gibier est
souvent l’objet de règles rigoureuses, qui prescrivent de donner certains morceaux à certains parents. La vie des peuples agriculteurs,
elle aussi, est rythmée par l’obligation de tel parent d’aider au défrichage, par l’interdiction à tel autre de se joindre à la récolte, etc. Mais
si toutes ces obligations sont exprimées en termes de positions de
parenté, il ne s’ensuit pas qu’elles déterminent la manière dont ces
positions sont regroupées ou différenciées dans le vocabulaire ; les
droits et les devoirs qu’une société prescrit vis-à-vis de tel parent sont
une chose, le terme par lequel elle choisit de le désigner en est une
autre, tout à fait différente. Sur ce point, on se propose de laisser le
mot de la fin à un anthropologue qui écrivait récemment :
Au bout du compte, les systèmes de parenté semblent jouer le rôle d’infrastructure pour des groupes de toutes sortes — religieux, politiques et
économiques —, et à différentes échelles démographiques. Mais de telles
infrastructures de parenté sont […] très polyvalentes et peu déterministes,
autorisant ainsi la formation de groupes sans pour autant contraindre les
structures qui sont bâties sur elles. C’est de cee manière aussi […] que les
structures de parenté peuvent être dites semblables aux langues, à savoir
que les structures coopératives les plus larges de la vie politique et économique présupposent et nécessitent l’existence de la parenté et de la langue,
sans présupposer ou nécessiter une langue particulière ou un système de
parenté d’un type déterminé 7 .
Conclusion (et le matérialisme historique ?)
L auront peut-être plongé le lecteur dans une
certaine perplexité. e reste-t-il donc du matérialisme historique si
chaque connexion apparaît douteuse, si à chaque stade économique ne
correspondent plus, comme l’avait cru Engels à la suite de Morgan, une
forme typique de famille et un système typique de parenté ? N’auraiton pas, sous prétexte de tenir compte des exceptions, perdu de vue
les lois générales et dilué tous les repères dans un relativisme et un
scepticisme stériles ?
Famille et parenté, quel évolutionnisme ?
Nous ne le pensons pas. En un sens, les progrès de la connaissance
ethnologique depuis Morgan, l’accumulation des faits nouveaux, ont
provoqué les mêmes effets que dans un autre domaine, l’accumulation des découvertes sur les origines biologiques du genre humain.
Les premières théories de l’évolution biologique de l’homme, basées
sur un nombre de fossiles restreint, étaient nécessairement simples :
elles s’efforçaient d’ordonner de rares trouvailles, et comblaient par
un raisonnement qui ne pouvait être que spéculatif les immenses vides
qui les séparaient. Plus les nouveaux fossiles ont été nombreux, plus
l’image de cee évolution s’est complexifiée. Ainsi, on a par exemple
dû admere qu’à une même période, contrairement à ce qu’on avait
cru jusque-là, il avait pu exister simultanément plusieurs espèces au
sein du genre humain. Il en va de même en ce qui concerne l’évolution
des sociétés de la préhistoire, à cee différence près que la variété
des découvertes y dépasse de très loin celle des ossements des australopithèques : si pour ceux-ci, on en est encore souvent réduit à
définir une espèce à partir d’un unique fragment de squelee, c’est
par centaines, sinon par milliers, qu’ont été identifiées et étudiées les
sociétés primitives. Ainsi, les raisonnements que Morgan avait pu élaborer sur la base d’éléments parcellaires et qui sur cee base étaient
des hypothèses satisfaisantes, pour ne pas dire géniales, ont dû être
écartés au vu des multiples et nouvelles données qui les ont pris en
défaut depuis lors.
Les formes de famille, tout comme les systèmes de parenté, ont une
histoire. Mais en l’état actuel des connaissances, il faut admere que
cee histoire n’obéit à aucun schéma sommaire et qu’elle ne se relie
pas par quelques connexions simples à celle des modes de production.
Y a-t-il eu un « progrès » des formes familiales ?
L’analogie qu’on vient de suggérer entre les systèmes de parenté et
les fossiles des espèces humaines disparues soulèvera peut-être une
nouvelle objection, qui mérite d’être discutée sérieusement. On pourrait en effet soutenir qu’au-delà du foisonnement des espèces du genre
homo, de l’apparent chaos de leur apparition et de leur disparition, une
direction générale se dégage : celle d’un lent accroissement des capacités cérébrales, depuis les premiers australopithèques jusqu’à Homo
sapiens. De sorte que l’évolution biologique humaine, tout en étant
beaucoup plus complexe et foisonnante qu’on ne l’avait imaginé au
U
départ, continue de vérifier cee tendance fondamentale. Précisons à
toutes fins utiles que cee idée ne constitue nullement une concession
aux idées finalistes, voire religieuses, qui se croient autorisées à suggérer l’intervention d’un processus conscient, guidant à l’avance l’évolution dans une direction donnée. La tendance dont on parle ici est
uniquement le fruit de processus aveugles ; mais ce hasard même s’est
inscrit dans une certaine nécessité, et a favorisé au sein de l’ensemble
du monde vivant (et pas seulement au sein de la lignée humaine) la
lente émergence d’organismes aux capacités cognitives et comportementales de plus en plus élaborées.
Les découvertes ultérieures de fossiles humains n’ont jamais remis
en cause cee orientation générale, qui avait été correctement
identifiée par les fondateurs de la discipline. Autrement dit, les
paléontologues ont certes dû sans cesse enrichir l’histoire des espèces
humaines, mais ces nouveaux scénarios, bien qu’ils fussent de plus en
plus complexes, continuaient à vérifier la tendance au progrès continu
des capacités cérébrales.
Or, en brisant le schéma de Morgan, en déconnectant l’évolution
de la famille de celle des systèmes de parenté, et celle-ci de celle des
modes de production, on ne s’est pas contenté de rendre plus complexe
une trame devenue trop simple : on a affirmé clairement l’impossibilité
de dégager un axe d’évolution global dans les institutions familiales et
dans les systèmes de parenté et de parler de progrès à leur sujet. Au
premier abord, une telle position semble heurter les fondements du
matérialisme historique : comment une institution sociale telle que la
famille pourrait-elle échapper au mouvement général de progrès qui
marque la succession des modes de production ? Ce point est essentiel. Il l’est d’autant plus qu’Engels, soucieux d’ancrer les conclusions
de Morgan dans la philosophie de l’histoire qu’il avait développée
avec Marx, avait dans sa préface explicitement intégré l’évolution des
formes familiales à celle des formes économiques en écrivant que :
Selon la conception matérialiste, le facteur déterminant, en dernier ressort,
dans l’histoire, c’est la production et la reproduction de la vie immédiate.
Mais à son tour, cee production a une double nature. D’une part, la production de moyens d’existence […] d’autre part, la production des hommes
mêmes, la propagation de l’espèce 8 .
Pour Engels, il existait donc une unité entre la succession des modes
de production et celle des formes de famille, qui permeait de conclure
Famille et parenté, quel évolutionnisme ?
que la même logique était à l’œuvre dans leurs évolutions respectives : celle de « la production et la reproduction de la vie immédiate ».
Mais si la succession des modes de production traduit le progrès de
la productivité du travail, qu’est-ce qui autorise à parler de progrès à
propos des formes de famille ? Toujours selon Morgan et Engels, c’était
l’amélioration génétique de l’espèce humaine, par l’introduction de
règles d’inceste de plus en plus rigoureuses. Rappelons rapidement le
tableau dressé par Morgan : la famille consanguine est celle de la totale
promiscuité sexuelle ; la famille punaluenne, celle où l’union sexuelle
est prohibée entre frères et sœurs — après l’introduction, à un stade
antérieur indéterminé, de la prohibition des relations entre parents
et enfants ; la famille appariée, celle où l’union avec n’importe quel
consanguin en ligne féminine est dorénavant vue comme incestueuse.
Cee accumulation des règles d’inceste, restreignant à chaque étape
les unions possibles, était censée avoir représenté un facteur essentiel
de l’amélioration biologique de l’espèce humaine :
D’après Morgan, ce progrès [le passage à la famille punaluenne] constitue « une excellente illustration de la manière dont agit le principe de la
sélection naturelle ». Incontestablement les tribus dans lesquelles l’union
consanguine fut limitée par ce progrès durent se développer plus vite et
plus complètement que celles où le mariage entre frères et sœurs restait
règle et loi 9 .
Or ce raisonnement présente deux failles majeures. D’une part, les
effets néfastes de la consanguinité sont loin d’être aussi importants
que le suggéraient les conceptions courantes au ᵉ siècle. Si elle
favorise dans une certaine mesure l’apparition de certaines maladies
génétiques, la répétition des unions sexuelles consanguines ne constitue manifestement pas un facteur suffisant pour expliquer le retard,
voire la disparition de certaines populations, comme on pouvait
le penser à l’époque. D’autre part, on doit remarquer que, même en
tenant pour vraie la succession proposée par Morgan, le passage de la
famille punaluenne à la famille appariée, c’est-à-dire l’institution du
clan exogame, n’aurait en rien représenté une restriction de la consanguinité et donc un facteur de progrès biologique. En effet, au sein de
la famille punaluenne, les rapports sexuels sont prohibés tant entre
frères et sœurs qu’entre parents et enfants. Ils sont en revanche autorisés avec tous les autres membres de la société, en particulier avec
les cousins au premier degré. Or l’instauration des règles d’exogamie
U
de clan, censée inaugurer l’avènement de la famille appariée, ne modifie pas fondamentalement cet état de fait : les rapports sexuels deviennent alors interdits avec une moitié des cousins du premier degré (les
cousins parallèles), mais ils restent autorisés avec l’autre moitié (les
cousins croisés). On connaît même bien des peuples où le mariage
préférentiel s’effectue précisément avec ces cousins croisés au premier
degré — le cas classique de l’ethnologie est celui où l’épouse idéale
pour un homme est sa cousine croisée matrilatérale (la fille du frère
de sa mère). Il n’y a donc ici aucune restriction supplémentaire de
consanguinité par rapport à la forme antérieure de famille qu’était
supposée être la famille punaluenne ; même en acceptant les prémisses
de Morgan, on ne peut ici le suivre jusqu’à sa conclusion.
Plus fondamentalement, c’est toute la succession des formes de
famille, des systèmes de parenté et des interdits sexuels proposée par
Morgan qui est apparue depuis lors comme une construction spéculative — la spéculation portant non seulement sur l’ordre de succession,
de ces formes mais, dans le cas des familles consanguine et punaluenne, sur leur existence même.
Indépendamment du problème de reconstituer convenablement la
succession des formes familiales dans la préhistoire, celles-ci ne sont
donc pas liées à des interdits d’inceste qui, devenus de plus en plus
stricts, auraient entraîné l’amélioration continue des caractères génétiques. Cela implique que, même si la famille a connu des transformations radicales au cours de l’histoire, les formes familiales ne peuvent
pas être ordonnées selon une série comparable à celle des modes de
production, qu’on peut rapporter à la productivité du travail à laquelle
ils sont corrélés. Autrement dit, les modes de production, bien que
différents d’un point de vue qualitatif, sont tous liés à une quantité
commune, la productivité, qui permet de les ordonner en une série
croissante, qui se trouve de surcroît correspondre globalement à la
chronologie des sociétés humaines. Ce sont ces raisons qui permeent
de parler de progrès à leur propos, et ce sont les mêmes raisons qui
interdisent de le faire à propos de la famille. Pour celle-ci, il n’existe
aucune quantité à laquelle les différentes formes puissent être ramenées et à partir de laquelle on pourrait constituer une série croissante. La seule hypothèse, celle d’une amélioration de l’espèce par des
interdits d’inceste de plus en plus rigoureux, se révèle insoutenable.
Alors qu’il y a des modes de production supérieurs à d’autres (c’est-à-
Famille et parenté, quel évolutionnisme ?
dire, qui impliquent une productivité supérieure à une autre), il n’y a
donc, contrairement à la conviction de Morgan, pas de forme familiale
qui soit supérieure à une autre ; un même mode de production peut
coïncider selon les lieux et les époques avec des formes familiales
extrêmement diverses, tandis qu’inversement, une même forme familiale se retrouve dans des modes de production aussi différents que
celui de certains chasseurs-cueilleurs nomades ou le capitalisme.
Précisons, si besoin, que cee affirmation ne vient nullement à l’appui d’un quelconque relativisme culturel. Certaines formes de famille
ont été éliminées par l’histoire, et l’on peut sans grand risque (et sans
aucun regret) prédire qu’une société débarrassée de l’exploitation ne
ressuscitera pas, par exemple, la polygynie. Mais de cela, il n’est pas
possible de conclure que la monogamie, déjà présente par exemple
chez les Andamanais, constituerait en soi une forme supérieure de
famille. Et bien hardi qui affirmerait aujourd’hui prédire la manière
dont, à l’avenir, les hommes et les femmes choisiront de vivre leur
sexualité et d’élever leurs enfants. La seule certitude est que l’humanité se trouvera dans la situation inédite où ces choix seront enfin le
fruit de décisions conscientes et libres, et non plus celui de contraintes
économiques ou religieuses.
Le matérialisme et les stades de l’évolution sociale
Ce qui précède s’expose à une seconde objection, un peu différente, et
qui mérite elle aussi qu’on y réponde.
Tenons pour acquis que les formes familiales et les systèmes de
parenté ne s’ordonnent effectivement pas en une série progressive.
Mais, dira-t-on, ce n’est pas parce que la série ne peut pas être assimilée à un progrès qu’elle n’existe pas du tout. À moins de jeter à bas
tout l’édifice du matérialisme historique, la famille et la terminologie
de parenté, comme toutes les institutions sociales, doivent au moins
pouvoir être ordonnées dans le temps, et mises en relation avec les
différents modes de production. Faisant partie de ce que Marx appelait la « superstructure », elles sont donc forcément déterminées en
dernière analyse par « l’infrastructure ». Une théorie se réclamant du
marxisme peut donc rejeter la série évolutive proposée par Morgan
uniquement à condition d’en proposer une autre, elle aussi connectée
aux différents modes de production. Faute de quoi, cee théorie ne
peut pas se réclamer du marxisme, ni même du matérialisme.
U
Cee objection semble imparable ; elle procède en réalité d’un glissement du raisonnement qui, partant de prémisses justes, l’amène à
une conclusion erronée.
Il est incontestable en effet que la famille et les systèmes de parenté,
en tant que phénomènes sociaux, participent des lois de l’évolution
générale des sociétés. Mais il n’en découle nullement que les diverses
formes de famille et de parenté devraient être nécessairement liées
à des stades déterminés de l’évolution sociale, c’est-à-dire qu’elles
devraient nécessairement constituer des manifestations typiques de
certains stades évolutifs. Pour le comprendre, et malgré toutes les différences qui séparent les deux domaines, on peut à nouveau suggérer
un parallèle entre évolution sociale et évolution biologique.
On sait que depuis un peu plus d’un siècle, l’évolution biologique
est comprise dans le cadre théorique de référence proposé par Darwin
— on laissera ici de côté les différentes nuances qui ont pu être proposées au sein de ce cadre. Pour ne parler que du règne animal, c’est une
banalité de dire que les espèces, et chacun de leurs organes, sont tous
sans exception le produit de l’évolution darwinienne.
Le fait que les espèces animales soient toutes issues d’une différenciation à partir d’un ancêtre commun explique que de nombreux
organes soient présents chez tous les descendants de cet ancêtre commun, et uniquement chez eux. Les biologistes ont un adjectif particulier pour ces organes : ils les qualifient d’homologues. Un organe
homologue est donc en quelque sorte un marqueur de l’évolution,
dans le sens où sa présence indique sans ambiguïté que son propriétaire se situe, dans l’ordre évolutif, en aval d’une bifurcation donnée. Inversement, son absence permet de conclure que l’ancêtre de
l’espèce concernée se situe en amont de cee bifurcation. Parmi les
organes homologues les plus évidents, citons la colonne vertébrale, qui
sépare les vertébrés des invertébrés, les poumons, qui sont caractéristiques des classes postérieures aux amphibiens, ou encore les plumes,
typiques des oiseaux. Il existe une pléthore d’organes homologues et
l’on pourrait allonger cee énumération à loisir.
Pourtant, tous les organes ne sont pas homologues : on trouve également des organes dits analogues. À la différence des précédents,
ceux-ci ne sont pas associés à une bifurcation évolutive donnée. Ils
peuvent être partagés par des espèces qui ne sont pas issues d’un
ancêtre commun et, de la même manière, les espèces auxquelles ils
Famille et parenté, quel évolutionnisme ?
appartiennent peuvent se trouver dans les mêmes classes que certaines espèces qui ne les possèdent pas. Il en va ainsi de la griffe,
présente chez tous les oiseaux, mais seulement chez certains reptiles
et certains mammières, et même parmi certains arthropodes. C’est
également le cas de la palme, mise au point indépendamment par plusieurs espèces parmi les amphibiens, les reptiles, les oiseaux et les
mammières. Citons aussi la glande à venin, qu’on trouve aussi bien
chez certaines espèces de poissons que de reptiles ou de mammières,
ou le cœur à quatre compartiments, présent chez les oiseaux et les
mammières mais pas chez les reptiles tels que le lézard.
Cela revient à dire que, si l’on classe les espèces en prenant comme
critère la présence d’organes homologues, on obtient un résultat cohérent avec les phases de l’évolution. La classification utilisée aujourd’hui applique d’ailleurs ce principe, et pour cee raison, on parle à
son sujet de classification phylogénétique, c’est-à-dire, liéralement,
d’une classification par l’histoire évolutive. En revanche, ce que l’on
vient de dire n’est plus du tout vrai des organes analogues. Ni la présence de ces organes, ni leur absence, n’indiquent quoi que ce soit sur
la place de l’espèce dans l’arbre évolutif. En les utilisant comme critère
pour classer les êtres vivants, on obtiendrait un résultat qui divergerait totalement des bifurcations engendrées par l’évolution. Or, et
c’est là le point central de notre argument, cela n’empêche nullement
ces organes d’être les produits de l’évolution darwinienne au même
titre que la colonne vertébrale, le poumon, la plume et n’importe quel
organe homologue. Les organes analogues n’occupent simplement pas
une position-clé dans cee évolution, dans la mesure où, à la différence
des homologues, ils ont été mis au point de manière indépendante par
différentes espèces appartenant à différentes classes.
En matière de biologie, les scientifiques savent donc depuis longtemps que tous les organes ne constituent pas des critères de classification cohérents avec la classification évolutive. C’est si vrai que,
dans l’élaboration d’une représentation correcte de l’évolution biologique, une partie importante, sinon essentielle, du travail a précisément consisté à déterminer quels organes devaient être retenus
comme critères (car homologues) et lesquels devaient être écartés (car
analogues). Le choix n’avait a priori rien d’évident et ce n’est qu’après
des décennies d’hypothèses (et l’accumulation de reliquats fossiles)
que l’on parvint à distinguer, parmi tous les candidats possibles, quels
U
organes occupaient un rôle-clé dans les bifurcations évolutives et pouvaient donc en servir de témoin, et lesquels devaient être écartés.
Le parallèle avec l’évolution sociale est clair. Tout comme on vient
de le faire à propos du règne animal, on peut dire que toute dimension
de la structure sociale (telle que la famille ou le système de parenté) fait
partie d’un tout (la société) dont l’évolution obéit à des lois identifiées
(formulées par le matérialisme historique). Cela ne signifie pas pour
autant que toute dimension de la structure sociale puisse obligatoirement être ordonnée en une séquence évolutive corrélée aux stades
principaux, à savoir les modes de production. Autrement dit, et même
si le parallèle a ses limites, tandis que la richesse, les classes ou l’État
sont de tels marqueurs évolutifs, et qu’ils sont aux sociétés ce que la
colonne vertébrale ou les poumons sont aux animaux, la famille et
les systèmes de parenté, pour leur part, doivent être rapprochés des
griffes, des pieds palmés ou des glandes à venin : ce sont des organes
analogues du corps social, dont la forme n’indique rien sur la place
occupée par ce corps dans l’évolution.
De la même manière que reconnaître l’existence d’organes biologiques analogues ne remet pas en cause le darwinisme, reconnaître
l’existence d’organes sociaux analogues ne remet pas en cause le marxisme. Le matérialisme historique s’accommode tout à fait de la possibilité qu’un niveau technique puisse ne pas déterminer une forme
unique de famille, ni une unique terminologie de parenté. Il existe en
matière sociale bien des domaines où l’absence de telles déterminations semble évidente : il ne viendrait plus à l’idée de personne de
dire que le niveau technique d’une société conditionne par exemple
les formes symboliques de son art ou la structure grammaticale de sa
langue 10 . Par rapport à ces autres produits de l’esprit humain, la particularité de la famille et des systèmes de parenté a été de faire l’objet
d’une théorisation du vivant de Marx et Engels, qu’ils avaient reprise
à leur compte. Ce souci de la recherche de la vérité les avait à l’époque
conduits à adopter ces hypothèses nouvelles avec enthousiasme ; il
doit, et depuis bien longtemps, nous convaincre de les abandonner
sans regret.
L ’ ’
Notes de référence
Appendice : Une histoire de famille
Chapitre A – L’évolutionnisme de Morgan – p. 713
. Cee distinction entre systèmes descriptifs et systèmes classificatoires a depuis
été vivement aaquée. G. P. M, , p. , la qualifie par exemple « d’entièrement erronée ». Les lignes qui précèdent montrent, selon nous, qu’il n’en est
rien.
. L. H. M, , p. .
Chapitre B – Critique de Morgan – p.
. J. C, , .
. H, Histoire, Livre I, .
. Voir G. P. M, , p. .
. Voir R. M, , note , p. .
. Voir F. E, , p. .
. Ibid., p. –.
. L’ethnologie a depuis nuancé ce point de vue initial. En fait, si chacun devait
s’unir préférentiellement avec les membres d’une seule des trois autres sections, il
Notes
était toléré qu’il s’unisse avec des individus appartenant à l’autre section de la moitié
opposée.
. Voir A. T, b.
. Voir C. W. M. H et A. R. P, .
. canoës, lances et épouses, film australien réalisé par Rolf de Heer ().
Ces tribus furent notamment étudiées par W. L. W, .
. Exemple étudié par A. et J. F, .
. Sur les traits les plus saillants des institutions et des mœurs à Hawaï, voir
S. B. O, , C. R, . Une autre hypothèse est que les punalua
était le nom par lequel se désignaient beaux-frères ou belles-sœurs, à qui la morale
en vigueur n’interdisait pas d’entretenir des relations sexuelles occasionnelles. Voir
E. S. C H, M. K P, , p. –.
. Même si le degré de polygynie, dans certaines circonstances, peut être lié aux
particularités du système de parenté. Pour cee discussion pointue, voir par exemple
I. K, .
. Voir F. E, préface de , p. .
. Voir E. R. S, .
. Pour l’anecdote, le premier à avoir formulé cet argument n’était autre que
Charles Darwin, qui avait rencontré Morgan et avait eu l’occasion de discuter de ses
conceptions.
. L. H. M, , p. .
. Voir C. LS, .
. Voir M. G, .
Chapitre C – Les groupes de parenté – p.
. Pour une critique méthodique de cee opinion de Morgan, voir A. T,
b, p. –.
. Engels, à la suite de Morgan, indique les noms des huit clans de la tribu des
Seneca dans le troisième chapitre de L’Origine de la famille (p. ).
. Décrits notamment par M. M, .
. G. P. M, , interprète la coexistence du système hawaïen et des clans
comme une situation de transition, où les groupes de parenté unilinéaires se sont
formés sans avoir entraîné la modification du système de parenté.
. M. K. O, , p. .
. R. H. L, , p. .
. A. R. RB, , p. . Le même raisonnement est repris avec
insistance par G. P. M, , p. –.
. èse défendue en particulier par A. R. RB, .
. R. H. L, , p. .
. B. M, , p. .
. Ibid.
. Pour une présentation détaillée des conceptions de Marx et Engels sur les
communautés primitives et leur évolution en liaison avec les progrès de la science
préhistorique et de leurs propres recherches, voir en particulier M. G, .
. Voir H. B et L. P, .
L ’ ’
. Voir R. M, .
. Voir W. D, . On pourra aussi se référer à sa synthèse plus générale sur les formes de l’organisation sociale ().
. Dans certaines rares sociétés coexistent à la fois des groupes de parenté unilinéaires et cognatiques. Voir H. B, . Par ailleurs, ce n’est pas sans une certaine ironie qu’on a pu établir que le « clan » écossais était en fait un ramage. Voir
W. D, , p. , R. F, , p. .
. Voir W. D, , C. G, , p. .
. D. J, , p. , cité par D. D, , p. –.
. Réalisé par Arthur Penn en , avec dans le rôle principal Dustin Hoffman. Lile Big Man est l’archétype de l’anti-western, où les sociétés indiennes sont
dépeintes sous un jour favorable, pacifiste et tolérant, tandis que les Blancs apparaissent comme les vrais barbares, hypocrites et violents. Pour un film présentant un
visage plus nuancé — et plus authentique — des sociétés indiennes, on pourra regarder Un homme nommé Cheval, réalisé par Elio Silverstein en , qui fut tourné
avec le souci permanent de rester au plus près des témoignages ethnographiques. Sur
ces associations chez les Indiens de Plaines, voir R. H. L, , P. H. C,
.
. Voir W. H. R. R, , p. sq.
. Le terme de « démocratie militaire » est employé par Marx dans une remarque
à propos de la société grecque décrite par Homère, remarque citée dans L’Origine de
la famille (p. ) et qui figure dans les notes qu’il avait prises lors de ses lectures sur
les sociétés primitives. Publiées en russe et en anglais (e ethnological notebooks of
Karl Marx : Studies of Morgan, Phear, Maine, Lubbock, Assen, Van Gorcum, ), ces
notes ne l’ont jamais été en français.
. Voir L’Origine de la famille, note p. .
. Certains chercheurs contestent que le calpulli soit un groupe de parenté, et
n’y voient qu’une unité territoriale.
. Pour un tableau synthétique de la société aztèque et de son État, voir
B. T, .
Chapitre D – Famille et parenté, quel évolutionnisme ? – p.
. Nous renvoyons le lecteur au débat nourri qui a opposé, depuis une vingtaine
d’années, les partisans d’une explication strictement économique du « marché matrimonial », et ceux d’une approche historique. De ce que nous pouvons juger, il nous
semble que cee question n’a pas encore reçu de réponse satisfaisante.
. Voir par exemple S. B. O, .
. Voir R. L. B, R. F. W, .
. On pense par exemple à E. R. S, .
. Pour des éléments sur ce point, voir M. K, , ainsi que M. G,
, p. sq.
. Telle est la lecture que suggère par exemple A. H, .
. T. T, , p. .
. Ibid., p. . Pour une brève mais pertinente discussion de ce passage, voir
W. H. S, .
Notes
. Ibid., p. .
. On pense par exemple à certaines thèses du linguiste N. I. M (–),
longtemps proclamées vérités officielles par Staline, selon lesquelles les structures
communistes ayant précédé la différenciation sociale, les langues avaient utilisé
uniquement le pluriel longtemps avant d’inventer le singulier.
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Table des matières
Appendice : Une histoire de famille
A
L’évolutionnisme de Morgan
Les systèmes de parenté . . . . . . . . . . . . . .
La parenté iroquoise . . . . . . . . . . . . . . . .
Contradiction entre système de parenté et famille
Mariage de groupe et famille punaluenne . . . . .
Le tableau général de l’évolution . . . . . . . . . .
B
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Les groupes de parenté
La filiation unilinéaire . . . . . . .
Clans et système de parenté . . . .
Clans et famille . . . . . . . . . . .
Existe-t-il une « société clanique » ?
D
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Critique de Morgan
L’introuvable famille punaluenne . . . . . .
Le système de parenté ne dit pas tout… . . .
Le système de parenté en dit encore moins…
À quoi servent les systèmes de parenté ? . .
C
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Famille et parenté, quel évolutionnisme ?
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Un bref état des connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . .
Conclusion (et le matérialisme historique ?) . . . . . . . . . .
Atlas des peuples cités
Notes
Bibliographie
Tables et schémas
Illustrations
Index des peuples cités
Index des noms de personnes