Academia.eduAcademia.edu

Commentaire de l'article 18 de la Convention de Vienne

2006

« Un Etat doit s'abstenir d'actes qui priveraient un traité de son objet et de son but: a) lorsqu'il a signé le traité sous réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation, tant qu'il n'a pas manifesté son intention de ne pas devenir partie au traité; b) lorsqu'il a exprimé son consentement à être lié par le traité, dans la période qui précède l'entrée en vigueur du traité et à condition que celle-ci n'ait pas été indûment retardée.»

Book Chapter Commentaire de l'article 18 de la Convention de Vienne BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence, LA ROSA, Anne-Marie, MBENGUE, Makane Moïse Reference BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence, LA ROSA, Anne-Marie, MBENGUE, Makane Moïse. Commentaire de l'article 18 de la Convention de Vienne. In: Corten, Olivier.. et al. Les Conventions de Vienne sur le droit des traités : commentaire article par article. Bruxelles : Bruylant, 2006. p. 589-640 Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12595 Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. CONVENTION DE VIENNE DE 1969 ARTICLE 18 OBLIGATION DE NE PAS PRIVER UN TRAITÉ DE SON OBJET ET DE SON BUT AVANT SON ENTRÉE EN VIGUEUR « Un Etat doit s'abstenir d'actes qui priveraient un traité de son objet et de son but: a) lorsqu'il a signé le traité sous réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation, tant qu'il n'a pas manifesté son intention de ne pas devenir partie au traité; b) lorsqu'il a exprimé son consentement à être lié par le traité, dans la période qui précède l'entrée en vigueur du traité et à condition que celle-ci n'ait pas été indûment retardée.» Bibliographie: J. BUFFAR.D et K. ZEMANEK, ,The Object and Purpose of ·9o Treaty : An Enigma. h, A'Uslrian Review of International and European Law , 1998 , pp. 311-343 ; Ph. CAHIER, .. L'obligation de ne pag priver un traité de son objet et de 80n but &vant· son entrée en vigueur., Milangu Fer'nand DeMUJJsf, vol. l , Bruxelles, Bruyl&nt, 1979, pp. 31-37; J.-P . COT, , La. bonne foi et la. conclusion des traités., R.B.D.l ., 1968, pp. 140-159 ; T. HASSAN , cGood Fa.i tb in Tre&ty Formation_ , VaJIL, 1981, p. 444; J . KLABBERS, .Some Problems Rega.rding the Object and Purpose of Treatiest , Finnish Yearbook of International Law, 1997 , pp. 138· 160; P.V. MeDADE, .The Interim Obligation Between Signature and Ratification of a. Treaty : Issues Raised by the R ecent Actions of Signatories ta the Law of the Sea Convention With Respect to the Mioing of the Deep Seabed., N.l.L.R. , 1985, pp. 5-47; W. MORWAY , .The Obligation o( ft, State Dot ta FruBtrate the Object of a Treaty Prior to !ta Entry Into Force~, ~a6RV, 1967 , pp. 451·462; J. NISOT, .La force obligatoire des traites signés non encore ratifiés. , J.D.I., 1930, pp. 878-883; J. NrsoT, .L'article 18 de la Convention de Vienne sur le droit des traités., R.B.D.I., 1970, pp. 498·503; M. ROGGOF, .:International Legal Obligation of Signatories ta an Unratified Treaty., Maine '" ::'" ';i 590 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. "BENGUE Law RevW!.w, 1980, pp. 266-290; R.F. TURNER, .Leglll Implicatiollll of Deferring Ratifica.tion of Salt lIt. VaJIL , 1981, p. 747. SOMMAIRE 1. - CARAC'I'ÉRISTIQUES GÉ:NÉRALES 1. - Obj" ,t hui 2. - Statut coutumier: un 8tatut ambigu II. - PRoBLÈMES D ' INTERPRBTATJON 1. - Les 1Wtions et de .buü d'un traité d'~objeh a) AGlf!8 visés h) Portée de l'expres6irm .objet et buh 2. - La notion de signature 3. - Une clarification du régime dt l 'aueptalion tka tratlia a) La variabilité de l'acceptation h) us limites ratione temporis de l 'acceptatirm III. - EFJ1ETS JURlDlQUES DE L'A.RTJCLE 18, AL1NÉA A) 1. - A propos de la réalité de l'obligation 2. - 8andi07l8 du 1um-re"pecl de l'obligation * * • 1. - CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES 1. - Objet et but 1. La Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités (dénommée ci-après la Convention de Vienne) est un puits sans fond de réflexion sur la matière des traités internationaux. L'article 18 témoigne de cette nature rebelle et complexe de la Convention de Vienne, nature tenant aux différentes interactions et interrelations que les traités font valoir entre le politique et le juridique. Ceci étant, l'article L8 témoigne aussi de la nature innovatrice de la Convention de Vienne. En effet, il fait partie de ce corpus de normes qui prouvent qu'à travers l' œuvre de la Commission du droit international (C.D.I.), il ne s'est pas seulement agi de faire du .Traité des traités. un ,Livre sacré. codificateur de règles ou principes de . ARTICLE ."--,, ',>.--, , 18 - CONVENTION DE 1969 591 la pratique des traités entre Etats mais aussi une sorte de réceptacle et de rénovateur de principes pouvant contribuer efficacement au développement moderne du droit international. L'article 18 de la Convention de Vienne se trouve à mi-chemin entre ce souci de codification et celui d'innovation juridique. C'est ce trait de caractère qui fait que lorsqu'on en vient à. disséquer ses éléments de juridicité, de nombreuses difficultés se posent, bien que ses finalités générales soient claires. Tout d'abord, l'article 18 de la Convention de Vienne poursuit l'objectif de sécurité juridique nécessaire à. la stabilité et à. la viabilité des traités internationaux. De ce rait, les Etats mesurent mieux toutes les implications juridiques des différentes étapes du processus de conclusion d' un traité international. Ensuite, est mis en avant l'objectif de légitimité juridique en vertu duquel il faut éviter que des actes contraires à un traité international soient posés alors que celui-ci n a même pas connu un commencement dl application. Un traité multilatéral ou bilatéral devrait traduire les aspirations communes aux Etats ayant pris part à sa négociation. En retour, un comportement minimal par rapport au traité doit être exigé des Etats pour garantir un minimum de légitimité au processus de juridicisation de celles-ci. ~ l . 2. Enfin, un autre objectif général de la disposition commentée ici réside dans la transparence juridique. L'article 18 offre un réel champ de réflexion sur les mécanismes à. développer pour promouvoir et garantir une information sur la position des Etats par rapport à un traité international. L'obligation contenue dans cette disposition s'inscrit dans un contexte de transparence , qualité caractérisant la' bonne foi dans les relations conventionnelles. Pourtant , le droit international ne permet pas d'objectiver de manière effective et efficace les canaux juridiques par lesquels les Etats peuvent exprimer leur opinion ou déterminer leur attitude officielle par rapport aux effets que déploiera ou ne déploiera pas uri traité à leur égard. Toutefois, certains systèmes internationaux offrent des pistes dans cette direction. Par exemple, dans le cas de l'O.I.T., dont les dispositions constitutionnelles furent incluses dans le Traité de Paix de Versailles, il est intéressant de prendre en compte le régime des rapports qui doivent être fournis par les Etats membres avant même la ratification des conventions internationales du travail. En effet, dès le moment ou la Conférence internationale du Travail , organe plénier de l'Organisation, adopte une convention, tout Etat 592 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE membre a l'obligation de la soumettre aux autorités compétentes ,en vue de [la] transformer en loi ou de prendre des mesures d'un autre ordre. (1). Les Etats membres doivent aussi faire rapport au Directeur général de l'Organisation sur lesdites mesures. Si l'Etat obtient le consentement en vue de la ratification, il doit communiquer celle-ci au Directeur général et prendre toutes les mesures qui seront nécessaires pour rendre effectives ses dispositions (2). Dans le cas où un Etat ne souhaiterait pas être lié par les obligations contenues dans une convention internationale du travail, il demeure toutefois soumis à une obligation de transparence. Celle-ci consiste en ce qu'il devra soumettre au Directeur général, à des périodes appropriées, des informations «sur l'état de sa législation et sur sa pratique concernant la question qui fait l'objet de la convention, en précisant dans quelle mesure l'on a donné suite ou l'on se propose de donner suite à toute disposition de la convention par voie législative, par voie administrative, par voie de contrats collectifs ou par toute autre voie, et en exposant quelles difficultés empêchent ou retardent la ratification d'une telle convention. (3). 3. En outre, préciser la réalité de l'obligation prévue à l'article 18 permet, dans la même lancée, de baliser, voire domestiquer la présomption de bonne foi. L'article 18 permet un encadrement juridique de la relation particulière qui lie un Etat à un traité. Autrement dit, se dégage en filigrane l'obligation pour chaque Etat de rendre public et objectif son comportement futur par rapport à un traité et non de se prévaloir des chasses gardées de la raison d'Etat. En d'autres termes, le fait de s'abstenir d'actes qui priveraient un traité de son objet et de son but s'avère être une manifestation du principe de la bonne foi. Dans le cas de traités ratifiés, il vient conforter la règle parta sunt servanda. Les parties à un traité s'obligent à agir de bonne foi dans le cadre de l'accord qu'elles ont conclu. Cette conception du principe de la bonne foi trouve une formulation juridique dans l'article 18 alinéa b) de la Convention de Vienne pour ce qui est de l"Etat qui a exprimé son consentement à être lié et qui est dès lors partie au traité en question. De façon plus générale, le principe de la bonne foi est aussi un principe qui s'impose aux Etats (I)Article 19.5 hl de la Constitution de l'O.I.T., disponible il. l'adresse http://www.ilo.org/ publicffrench/about/iloconst.htm (dernièrement consultée le 1"" juillet 2005). (2) Ibid., lettre dl. (3) Ibid., lettre el. ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 593 même s'ils ne sont pas liés au plan conventionnel. Agir de bonne foi c'est se conformer à d'esprit de loyauté, de respect du droit, de fidélité aux engagements li et s'abstenir $de dissimulation , de tromperie, de dol dans les relations avec autrui. (4). 4. L'effet juridique de la bonne foi comme liant les sujets de droit international dans toute transaction juridique, notamment avant la formation du lien conventionnel, trouve une formulation dans l'arti· cie 18, alinéa a) de la Convention de Vienne qui crée une obligation pour l' Etat signataire (donc en dehors du lien conventionnel) de s'abstenir d'actes contraires à l'objet et au but d'un traité tant qu'il n'a pas manifesté son intention de ne pas être lié par celui·ci. La prégnance du principe de bonne foi dans l'article 18 de la Convention de Vienne avait ainsi amené la C.D.I. à introduire expressément le principe dans l'article 17 de son projet sur le droit des traités: ~Tout Etat qui prend part à. la négociation, à l'élaboration ou à l'adoption d'un traité ou qui a signé un traité sous réserve de ratification, d'acceptation ou d'a.pp robation, est tenu, tant qu'il n'a. pas signifié qu'il n'entend pas devenir partie au traité, de l'obliga.tion de bonne foi de s'abstenir d'actes par l'effet desquels les objets du traité seraient réduits il. néant lorsque celui-ci entrera.it en vigueur (5) •. Plus tard, à la Conférence de Vienne sur le droit des traités, certains Etats émirent l'idée de la nécessité d'introduire une référence explicite au principe de bonne foi dans l'article 18 de la Convention de Vienne (6). Les Pays·Bas présentèrent un amendement · dans ce sens: ~ Un Etat est obligé en vertu du principe de la bonne foi de s'abstenir d'a.ctes tendant à. réduire à néant J'o bjet d'un t.ra.ité (7) •. En ·bout de course , bien que l'article 18 de la Convention de Vienne ne comporte pas de référence expresse au principe de bonne foi, il n'en demeure pas moins que les travaux préparatoires sont révélateurs du fait que l'on doit y voir une de ses concrétisations. (4) Dictionnaire de la Terminologie du Droit imernational, Pa.ris, Sirey, 1960, p. 9l. (5) A.a.D./., 1962, vol. JI, p.193. (6) Voyez également J'amendement proposé par la délégation suisse visant à. citer expressément l'exigence de bonne foi dalllj la. période de négociation d'un traite: doc. off. AG NU AI CONF.39/C. I/L.1I2. (7) Do,. off. AG NU A/CONF.39/C. lfL.134 . 594 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M.. LA ROBA ET M..M.. MBENCUE 2. - Statut coutumier: un statut ambigu 5. Bien que le souci de la C.D.!. dans l'élaboration du projet d'articles sur le droit des traités fût essentiellement la codification de la pratique des Etats en matière d 'accords internationaux, il n'est pas établi que, dans tous les cas , les règles édictées dans ledit projet constituaient ipso facto des normes du droit international coutumier (8) . L'article 18 de la Convention de Vierine illustre cette situation, du moins pour ce qui concerne la question de l'effet de la signature d'un traité par un Etat (alinéa a)) . 6. La doctrine est, dans l'ensemble, partagée sur l'existence de cette obligation en droit coutumier . Ainsi , Je Professeur Fernand Debousse écrivit à ce sujet: ,D' incontestables raisons morales mili tent, évidemment, en faveur d ' une pareille att.itude de l'Etat dans J' intervalle qui sépare la. signat ure de la ratification. Ma.is il faut souligner que ce sont uniquement des raisons morales: juridiquement, il n'y a pas d'engagement avant la rati fi cation. (9). D'autres auteurs nient l'existence de cette obligation - fût-elle morale - , soit en se basant sur Ja liberté de l'Etat de ne pas ratifier (10) , soit parce qu'ils estiment qu'elle ne correspond pas à Ja pratique internationale (11). Certains sont très prudents dans l'énoncé de J'obligation. Pour Jones, la question dépend de chaque cas d'espèce (12); pour Oppenheim et Lauterpacht, le principe existe probablement (13). Basdevant constata quant à Jui que: . • La conclu sion d 'un traité comporte en réalité deux opérations distinctes: J'une est la négociation terminée par la signature, et dont l'obj et est de fixer le contenu de la volonté des Etats contra.cta.nts, l'autre est la ratification qui seule \'a créer un lien de droit entre ces Etats ou une règle obligatoire pour eux (14". (8)Sir 1. SlliCU,JR, TIK Yienwa Convemion on the Law of TrœJie8, 2m1 ed .. , Ma nchester, M.U.P ., 1984, p. 21. Selon cet a uteur, .[i]t. now remains 10 inved·igate whether, and if 80 t.o ",bat extent. the convention ilM1f m ay generate roles whlch wiU he accepted a nd recognised as culftOmary rules of inte .... nationalla.w, not.·wit.hstanding that they do not have aIl the charaeteristics ofsueh customary mies... (9)"F. DRHO US8 E, La ratification des trai'ü, Paris, Sirey, 1935, p. 67 . ( IO)F. Mos corn, La fOf"mazione dei tra"ali, Milano, Giu ffré, 1968 , pp. 240· 250; J. :NYSOT, t L'artiole 18 de la Convention de Vienne sur le droit de8 traitést, R.B.D.I., 1969, pp. 498-503; Ph. CAHIER, tL'obligation de ne pas priver un tra.ité de son objet et de lion but a.vant 80n entrée en vigueur., M élanae6 Fernand Dehou8~J vol. l, Bruxelles, Bruyla.nt, 1979, p. 31. (lI) W. M ORW AY , ,The Obligation of a State Not to Frustrate the Object of a Treaty Prior 1.0 Hs Entry ] nto Force., ZaoRY, 1967, pp. 451-462. (12) J . MERV YN JONES, Full Power~ and Ratification, Ca.mbridge, C.U.P., 1946, pp. 85-86. (13) L. ÛPP}o; NH EI M (éd. H. LAUTERPACHT), Internatiornd Law, s'me éd., vol. l, T~ond/New York, Longmans/Green, 1955, p. 909. (14) J. BASDE\'A.NT, . La conclusion et la rédaction des traités et des instruments ruplomatiques autres que lea tra.itéu, R.G.A.D./., 1926-V, tome 15. p. 574. ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 595 Toutefois, il faut bien le remarquer, pour une large partie de la doctrine, il existe une obligation de bonne foi dans la période qui suit la signature du traité et qui précède son entrée en vigueur, selon laquelle une partie ne peut se mettre dans une position telle qu' elle ne puisse plus respecter les conditions qui existaient au moment de la signature (15). 7. L'analyse des traités et de la jurisprudence internationale souligne la nécessité d'un raisonnement nuancé et devant être empreint de prudence. Les traités internationaux se caractérisent par leur inaptitude à apporter une réponse probante, et ce malgré le fait que certaines conventions contiennent une clause en la matière. C'est le cas de l'article 38 de l'Acte "final de la Conférence de Berl,in de 1885, relatif à la liberté de navigation sur le fleuve Congo , qui prévoyait qu'en attendant la ratification: .[ ... ] les Puissances l:Iignataires du présent Acte général s'obligent à n'adopter aucune mesure qui serait contra.ire aux dispositions . dudit acte; (16) . Une disposition similaire se retrouve dans le Protocole annexé à la Convention de 1919 pour le contrôle des armes et des munitions (17) : s. (15) Voyez notamment CRANDALL, Treatiea, Their Ma.kiny and EnJor~em en" 2 nd ed., Wa.shington, J. Byrne & Company, 1916, p. 343; D. ANZILOT"l'I, Cours de droit international, Paris, Sirey, ]929, p. 372 ; P. FAUCHILLK, Traité de droit international public, \'01. ] -3, Paris, Rousseau , 1926, p. 319. En f&it , l'écrllSante ma.jorité de la. doctrine reconnaît l' existen ce d'obligations découlant de la signature d'un tra.ité intema.tional en droit internationlll positir : E. WOLGAST, Volkerreckt, Berlin, St.ilke, 1934, p. 81 1; F . Wn.cox, The RatifieaJW1t. of l-nle,...,wional C07f.venlioll" Londres . 1935, p . 27 ; B. CHENG , General Principles of Law - As Appljed by lnlernalional Courts and Tribuna18, Londres, St.evens, 1953, pp. 109 et suiv. ; A.D . McNA1K, The Law of Treatie8, Oxford, Clarendon, 1961 , pp. 199 et suiv.; D.P. O'COKNELL, 17l.ternational Law, 2nd ed., vol. 1, Londres, Stevens, 1970, pp. 222-223: K. H OLLOWAY, Modern Trend, in Treaty Law, Londres, Stevens, 1967, pp. 56 et suiv.; J.P. COT, .La bonne foi et la conclusÎon des traités., R.B.D.I., 1968, pp. 153 et 9uiv.; T. HAS~ , .Good Faith in Treaty Formatiom, VaJIL, 1981 , pp. 450 et suiv. ; E. ZOLLKlt, La bonne foi en droit international public, Paris, P.U.F. , 1977, pp. 68 et suiv.; R. B"F.RNHARDT , .Vôlkerrechtlich e Bindungen in den Vorstadi e n des Vertra.gsscblussest, ZooRV , 1957· 1958, pp. 682-683; M. RoOOFF • • rnternational Legal Obligation ofSignatories ta an Unratified Treatyt, Maim MW Retlitw. 1980, pp. 266 et 8uiv.; O. SCHW.o\RZENBERGER, . The Fundamental Principles of International Law. , R.C.A.D.I., 1955-1, tome 87. pp. 298-299 ; L. OPPI.:NHEIM (éd. Jenoings/Watta) , International Law. 9i>...., 00. , Londres, Long· mans , 1992, pp. 1238-1239 ; H. ACCIOLY, Traîü de drott international publi.c , t_ U, Paris, Sirey , 1942 , p. 445; H. LAUTERPA CHT , International Law - Oollected PaperlJ, vol. IV, Cambridge, C.U.P., 1978, pp. 152 et 8uiv. ; D. CARREAU, Droit illter'/l.alional, 3~me éd., Paris, Sirey, 1991, p. 118; A.PLANTEY, La, ftigociation internationale, Principe6 et méthode6, Paris, C.N.R.S. Editione, 1980, p. 121; M.E. VILLIGER, CU8tomary International Law and Treatie6, Dordrecht/Boston/Lancaster, Martinua Nijborf Publishers, Kluwer, 1985, pp. 321 et suiv. (16) De MARTENS , Recueil giniral deI Imité&, 2~ série, vol. X, p. 427. (17) M . HUDSON , ln.ttNtati<mal ugYtatwn, vol. n , Wa.shington, Carnegie eodowment. fo r international peaoo, 193 J, p. 343. "." " 1. • , 1 596 L. BOISSON DE OHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE .. At the moment of signing the Convention [... J, the undersigned Plenipotentiaries declare in the name of their respective governments that they would regard it as contrary ta the intention of the High Contracting Parties and to the spirit of the Convention, if a Contra.cting Party should &dopt any measure wruch is cOlltrary to its provisiom. Cela pourrait conduire à considérer que de telles clauses conventionnelles montrent qu'il n'existait pas de facto et de jure, avant la Convention de Vienne, une obligation générale déeoulant du droit international. Ellesseraient sinon inutiles (18). 8_ L'examen de la jurisprudence internationale laisse aussi perplexe sur le statut coutumier de l'obligation contenue dans l'article 18 alinéa a) de la Convention de Vienne. Dans le sens d'une reconnaissance, un tribunal arbitral saisi d'un différend entre le Mexique et les Etats-Unis, déclara en 1871 que les conséquences d'un traité inhérentes à l'état de paix, notamment en termes de cession de territoires, surgissent dès le moment de la signature du traité plutôt que de sa ratification (19). Cette déclaration fut reprise par l'arbitre Lieber dans]' affaire 19naào Torres, rendue la même année, et ayant trait à des dommages causés au plaignant par des troupes américaines après la signature du Traité de paix de Guadeloupe-Hidalgo entre le Mexique et les Etats-Unis d'Amérique mais avant la ratification (20). En 1875, dans l'affaire RevUla, issue du même contexte que l'affaire précédente, l'arbitre saisi estima que tIn the opinion of the Umpire the claim comes under the 13 th art·icle of the Convention for the suspension of hostilities [... ]. If the trea-t y ha.d not been ratified and the war had oontinued the Convention might al80 have fallen to the ground [ ... ] but the ra.tification of the treaty con firmed instead of annulling the (18) Ph. CAHIER, op. cit. 8upra note 10, p. 33. (19) tIf a peace-treaty were signed with a moral certainty of its ratification and one of the belligerents were, after thÎs, making grants of land in a province which to be ceded, befme the final ratification, il. would certainly be considered by every honest jurist 8. fraudulent. and invalid transact.ion.. J.B. MOORE, Hillary a7id Digest of lAt l'Altrrtalio1Wl1 ArbilraliOA8 10 Whic.k the UflilM Statu H(JIJ &rn a Parly , vol. IV, Waahington, O.P.O., 1898, p. 3801. (20) Ibid., pp. 3798·3801. L'a.ffaire Taena·Ariea contient des passages similaires. D'apres l'arbitre dans cette affaire, .it followlJ from what has been !laid that the provisions in question of the Treaty of Ancon must be regarded as still in effeet unless the course of ChUe in the admin· istration of Tacna and Arica has been of 8uch a character as to frustrate lobe purposes of these provisions and hence to deprive them of force [... 1. The Arbitrator finds the conolusion ineBcapable that the territory continued umbject to Chilean law8 and authorityt pending the negotia· tions for the special protocol. The question is whether this !l.uthority has been uscd in suoh a. way &1! to frustrate the purpose of the agreement for the plebiscite;, voyez Prolocol of A,bilraHo"/l b~lwun OMlt! and Peru, 'Witlt Suppkmenlary Act (TaGfta-Ariea Que81ion (Chilt!/Pertt)) , R.S.A ., vol. II, pp. 934·935. 1 ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 597 provisions of the Convention 38 far as the iotervaJ between the signature and the ra.tification of the treaty wu concerned . (21). 9. La délicate problématique de l'obligation induite par la signature d'un traité, se posa plus tard, en 1921 dans l'affaire des réparations allemandes. L 'article 260 du Traité de Versailles prévoyait que l'Allemagne devait céder à la Commission des Réparations certains droi ts et intérêts qu'elle possédait dans un certain nombre de concessions et entreprises d'utilité publique. Le problème était de savoir quelle date devait être prise en considération pour déterminer quell es étaient les concessions et entreprises visées par l'article 260. S'agissait-il de la date de signature, de celle de la ratification ou de l'entrée en vigueur du Traité de Versailles! Pour la Commission des Réparations, c'étai t la date de la signature car autrement, le Gouvernement allemand aurait pu, entre la signature et la mise en vigueur du traité, favoriser la disparition des droits susceptibles d 'être livrés. La Commission justifiait sa thèse en soutenant que la ratification avait un effet rétroactif. De l'avis du Gouvernement allemand, les obligations découlant du traité ne pouvaient surgir qu'au moment de son entrée en vigueur. L'arbitre , en se rangeant à cette dernière manière de voir, a toutefois souligné que: ~[ ... ] le Gouvernement allemand a reconnu que ce serait contraire à la bonne foi si après la. signature, il avait pris des mesures quelconques pour faire passer des droits ou intérêts allemands en des mains non allemandes avant la mise en vigueur du traité. (22). (21) Ibid., pp. 3805-3806. D'autres exemples sont fournis par la jurisprudence arbitra le. Dans l' affaire A. Kemeny c. Y'Ugrulatl Slale de 1928, le tribuna.l a.rbitral a considére que . the Hungarian authorities were entitled to grant to the ch.imllnt the mining rights in question. The Armistice Agreement did not have the effect of trans(erring 8O\'ereignty to the Yugoalav Go\rermnent over the oecupied territorÎel!. The Hungarian authorities in question, i.e. the Department of Mines in Budapest, continued, until the entry into force of the Treaty, to exercise the relevant. rights of sovereignty over these terri tories. On the other hand, according t.o a generally fecogn· isoo mie of intemationallaw, the Yugoslav Government was authorised to replace the Hungar· ian a.uthorities in the occupied territory by ih own officia.ls, and e<rell to create new organs in IW far 88 this was necessa.ry for safeguarding public order and the ei:onomic well-being of t-he territory" in A. D. , vol. 4 (1927/1928), p. 550. Dana l'affaire A1Ulya de 1868, J'arbitre a jugé que tupon the negociation of a. t-reaty of peace il. is customary te Agree upon a suspension of h06tilities, and even without it the good feeling of the belligenmte would impress them with ~he expediency of suspending hostilities i but the treaty itaelf, unless it should expressely so dedare it, does not necessarily and of right involve a suspension of hostilities., in J.B. MOORE, op. c.if. $'I/.pra note 19, p. 3804. Ces deux affaires sont considerées comme probantes dans le débat-su r la vlI.leur juridique de la signature par certains auteun (W . MORWAY, op. c.iI. 8l'pra note Il , p. ol56, note 13 ; L . OPPENH81M, op. û l. ",.pra note 15. p. 1239, note 1). (22)R.8.A., vol. 1, p. 523. 598 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M. M. MBENGUE 10. Une autre sentence, rendue en 1926 par un tribunal arbitral mixte saisi d'un différend entre la Grèce et la Turquie et concernant des actes accomplis par le Gouvernement turc entre la signature et la ratification du Traité de paix de Lausanne, indiqua que: t[ ... ] il eet de principe que déjà avec la signature d' un t.raite et avant sa mise en vigueur, il existe pour les parties contractantes une obliga.tion de ne rien faire qui puisse nuire au traité en diminuant la portée de ses clauses [... J. Ce principe - lequel en somme n'est qu'une manifestation de la:bolUle foi qui est à la. base de toute loi et de toute convention - il reçu un certain nombre d 'a.pplications dans divers traités [... h (23). 11. Pour sa part, la Cour permanente de Justice internationale, en 1926, dans l'affaire de OertainIJ intérêts allemands en Haute Silésie polonaise , a eu à se prononcer sur la question. En l'espèce, il s'agissait de l' aliénation par l'Allemagne de certains biens qui se trouva.ient SUT un territoire devant passer sous souveraineté polonaise, aliénation qui avait pris place avant l'entrée en vigueur du Traité de Versailles. Pour le Gouvernement polonais : . «[ ... ) à. pa.rtir de la signature du tra.ité, le Gouvernement allemand devait s' abstenir de tout acte qui devait rendre impossible J' exécution du trait.ê; [ ... ] par sa signature, il était déjà tenu non pas à transférer les biens immédiatement, mais à. les garder afin de les transmettre aprês la mise en vigueur du traitéll . Toujours selon la Pologne, l'Allemagne pouvait exercer des actes d'administration, mais: t[ ... ] ne peut plus porter atteinte à la substance même des bi ens cédés ... le princip e d e la bonne foi, dans l'exécut,ion des obligations s'y oppose nettement. (24). La Cour n' a pas adhéré à la thèse polonaise (25) mais a toutefois déclaré: .L'Allemagne 8. conservé jusqu'au transfert effectif d e la souveraineté le droit de disposer de ces biens, et ce n'est qu' un abus de ce droit ou un manquement au principe de la. bonne foi qui pourraient donner à un acte d 'a.liénation le ca.ractère d' une violation du traité, (26). c. Elal turc, arrêt du 26 juillet 1926, Ru,ueil du décisions de" Iribunaux (23) Affaire M~Qalid" arbilraux mixte" in8titué8 par les lraités de paix, vol. VIII, 1928. p. 395. (24\ C.P.J .I.. 1926, Strie a, nO Il, vol. l, p. 183. (25) Selon la Cour, il n'existait aucune obligation de ne pEtS aliéner certains biens. ~Dans ces conditionilt, Il affirmé la a.p.J.I., .il n'est pas nécessaire pour III. Cour d'u :aminer la question de savoir ai, et le cas échéant, jusqu'à quel point, les signataires d'un traité ont l'obligation de s'abstenir de tout acte pouvant compromettre son exécution une fois ratifié., C.P.J.I.. Sirie A, ne i, pp. 38-39. (26) ibid., p. 30. ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 599 Ainsi la Cour permanente de Justice internationale a reconnu en filigrane, l'existence et la réalité d' une obligation attacbée à la signature d'un traité (27), Cependant, le seuil de gravité fixé par le tru cbement des critères d' , abus de droit» ou de ,manquement au principe de bonne foi . pour matérialiser et prouver le défaut ou la non-exécution de ladite obligation, a été rehaussé, L'Etat signataire jouit d'une marge assez large de discrétion dans le respect du traité en question avant le moment de la ratification, La seule faculté d'allégation d'une violation du traité signé réside dans le recours à la théorie de l'abus de droit ou au non-respect du principe de bonne foi, Ces deux notions font largement appel - notamment l'abus de droit - à des éléments d 'appréciation in conereto, qui sont appelés à va.rier d' une situation à l'autre et qui ne sont pas aisés à prouver. 12, Quant à la Cour internationale de J nstice, elle a aussi été confrontée à la problématique de l'effet de la signature d'un traité par un Etat, dans l'affaire du Plateau continental de la Mer du Nord, en 1969 (28), En effet, s'est posée accessoirement , en l'espèce , la question de savoir si la République fédérale d'Allemagne qui avait signé la Convention de Genève sur le plateau continental , et avait expressément manifesté son intention de la ratifier, était liée pa r les dispositions dudit traité, en ce qui concerne notamment le principe (27 ) Pour R. KOLB . ,[oTeat un tlut;re BSpect de cet arrêt "qui m érite d'être relevé. Suiva nt en cela l'argument.ation allemande, la Cour a reconnu que des actes etaliques quelconques, y compris les actes ayant influence sur les contenus du t raité signé, restent soumis ft l'interdiction générale de l' abus de droit. On peut déd uire de cet· arrêt que les obliga.t.ions spéciliques de ne paa priver un traité signé de son objet et de son but (s ur lesquelles la. Cour évite de prendre position) se doublent d'une obligation générale, non proprement préconventionnelle, d'agi r dc bonne foi, en l'occurrence de ne pas abuller d' un droit ou d'une liberté. Le rapport ent.re.les deux obligations relève du principe de spéciali té, il n'est pourtant pas ell(J!u qu'elles puissent s'appliquer simultanément afin de se renforcer et de pallier d'éventuelles l acu n es~ (La bonne foi en droit imernalional publie- GOll.tribulion à l'ehule de8 p rincipes géni raux de droit, Paris, PUF , 2000, p . 193)_ Voyez aussi, A.G.D./_, 1966, vol. II , p. 220: .Dans l'affaire relative'" Gertains iw.té,êt.f aUemanda eu Ha.vU -Sili&ie polonaÎ8e la Cour permanente d e justice intern ationale paraît. certainement. avoir reconnu que, s'il y a. ratification , J'abus de droit commis par un Etat signataire penda.nt la. période qui a précédé la ratification peut être assimilé à Ulle . iolation de ses obligations à l'égard du traite._ (28) Avant cette date, le p roblème de la signatu re a. été soulevé deva.nt la CIJ par les co nseils des pa.rties dans]' affaire de la Stnltnct arbilrale wtdue pal' ft Roi d'EJJpagne It 23 décembl'e 1906; .oyez Plaidoirie de P. DE VI8S0HT.R (Honduras), C.T.J., Mémoires, Plaidoiries el DOGuments, 1960, \'01. TI, pp_ 161-162. La. partie adverse, le Nicaragua, esti mait que . la bonne foi s'oppose à. cc qu'ent re la. signature d' un traité et 80n entrée en vigueur l'Etat cédant diminue la valeur du bien cédé ( ... J. Le traitê produit donc dès sa signature eertains effets, encore qu 'on puisse les consiel, dérer comme affectés d'une COndition auspen8ive ..... i", DuplifJue du Nicaragua, C.l.J., ~ lUmoir Plaidoi,ie.s et Docutnenl$, 1960, "Ç'a!. 1. p. 793. 600 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE de l'équidistance. La Cour, résumant les positions des parties . déclara: .La. République fédérale a. signé la. Convention ruais elle ne l'a. jamais ra·tifiée et n'y est donc pas pa.rtie. Le Danemark et les Pays·Bss admettent que dans ces conditions la. Convention ne saurait en tant que telle être obligatoire pour la République fédérale, c'est-à-dire la lier contractuellement. Ils soutiennent que la Convention, ou le régime de la. Convent.i on [... ] est néanmoins devenue obliga.toire pOUf la République fédérale d' une a.utre manièr~ : en raison not·a.mment de son comportement, de ses déclarations publiques et de ses procl amations, la République fédérale aurait assumé unilatéralement les obligations de la Convention, ou manifesté 80n acceptation du régime conventionnel, ou recOlUlU ce régime comme généralement applicable en matière de délimitation du plateau continental •. Modérant la position exprimée par le Danemark et les Pays-Bas, la Cour enchaîna: dl cst clair que la Cour ne serait justifiée à accepter pareilles thèses que dans le cas où le comportement de la République fédérale aura·i t été absolument net et constant; et même dan s cette hypothèse, c'est-iL-dire si elle avait eu vraiment l'intention de manifester qu'elle acceptait le régim e conventionnel ou en reconnaissait l'a.pplicabilité, on devrait se demander pourquoi la République fédérale n'a pas pris la. mesure qui s'imposait, à savoir exprimer sa volonté en ratifiant purement et simplement la Conventiom. Et sur la portée générale de la ratification, la Cour fit cette mise en garde: .. En principe, lorsque plusieurs Etats, y compris celui dont le comportement est invoqué et ceux qui l'invoquent, ont conclu UDe convention où il est spécifié que l' intention d'être lié par le régime conventionnel doit se manifester d 'une manière déterminée, c'est-à.-dire par l'accomplissement de certaines formalités presentes (ratifi oation, adhésion), on ne saurait présumer iL la légère qu'un Etat n'ayant pas accompli ces formalités, alors qu'il était en mesure et en droit de le fai re , n'en est pas tenu d'une autre façon . D'ailleurS, s' il s'agissait de droits et non d'obligations, en d'autres termes si un Etat essayait de revendiquer des droits en vertu d'une convention à laquelle il n'aurait donné ni sa ratification ni son adhésion alors qu 'il était habilité à. le faire, et s' il alléguait à. cette fin qu 'il a proclamé sa volonté d'être lié par la convention ou a manifesté par son comportement 80n acceptation du régime conventionnel, on lui répondrait simplement que, n'étant pas devenu partie à. la. convention il ne peut revendiquer aucun droit à ce titre tant qu' il n' a pas exprimé sa volonté ou son acceptation dans les formes prescrites [.. .J. Il est à. peine besoin de souligner les dangers que présenterait la thèse ainsi soutenue pa.r le D&l1emark et les Pays-Bas si on devait lui donner une portée générale en droit internationah (29). (29) Arrêt du 20 feçorier 1969, Affaires du Plaleau conJimntal de la M er du Ntml (Ripubliqru Fidiraie tl·Allemagne/Danemark: Ripublig-ru Fidirale d'Alkmag1lefPaY6-BMJ, C.I.J., Rec. 1969, pp. 25-2i, §§27-33. ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 601 Dans son opinion dissidente, le juge Morelli a estimé, contrairement à. la Cour, que la signature par l'Allemagne fédérale de la. Convention de 1958 sur le plateau continental traduisait dans une certaine mesure, la reconnaissance du caractère de règles de droit à. ses dispositions (30). 13. Certaines décisions de juridictions nationales confirment l'existence, au regard du droit international général, de l'obligation énoncée dans l'alinéa a) de l'article 18 de la Convention de Vienne. Dans l'affai re Polish State Trea8ury c. Von Bi8marck de 1923, la Cour Suprême de Pologne estima que l'aliénation de propriété entre la signature et la ratification du Traité de Versailles était juridiquement inadm issible . D'après la Cour polonaise: . The tra,Dsfer of property to the defenda.nt having t&ken place after the stgning of the Pesee Treaty of Versailles, sueb an action is contra.ry to the stipulations and the spi rit of the ssid Treaty, and the &.et transferring the property W8.8 therefore void. (31). Cette même Cour eut à. connaître éga.lement d'un problème concernant un traité entre la Pologne et la Tchécoslovaquie réglementant des questions juridiques et financières entre les deux pays. D'après cette Cour: dt would not be in accordance with the principlcs of cquity [... ] if & Czech national in the period during which only the exchange of ratifications IS being awaitcd were denied the advantage of the valorisation stipulations under the rules of the Convention [... ] .. (32). Dans une autre espèce, la Cour Suprême d'Autriche statua, en 1956, sur un différend concernant une directive prise par l'Autorité du gouvernement soviétique entre la signature et la ratification du traité austro·soviétique de paix (33). Selon la Cour autrichienne, il (30) lbid., p. 198. Selon le juge Morelli, .â propos de la Convent.ion, on peut faire remarquer qu'elle & été signée p",r la. République fédérale. Cela veut dire que la République fédérale a participé à une opération f.e(:hnique qui , dans les limites oû 1& Convent.ion se propose un but de codificat.ion, a consisté à établir le droit international général. Par 8a signature la République fédéraJe 8. exprimé une opinion qui, dans les limites sus-indiquées, peut être qualifiée d'opinio juri8. Mais il a'agit d'une simple opinion et non pas d'une déolaration de volonté qui ne pourrait. êt.re faite que pat la ratification. En effet c'est seulement par la ratification que les Etats signataires d'une convention expriment la volonté soit d'accepter dee: règles nouvelles soit, s'il s'agit d'une convention de codification, de reconnaître comme obligat.oirea. des règles preexistantes •. Voyez dans le même 8ens, l'opinion dissidente du juge LACHS, ibid .. pp . 219-240. (31) A.D., '01. 2 (1923{1924), p. 80. (32) Schrager c. Workmtn'8 Accidtnt In8urance lnatitute for Moavic and SilelJÎa, in A.V., voL4, 1927 - 1928, p. 399. (33) D'apres les falts de l'affaire, _in July 1955, lIome t.wo months after the conclusion of the Pesce Treaty with AUBtria.., one G., a. person appointoo. manager of the defendants' business by ,... ..., . ~; ' . .1 - 602 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE y avait violation du principe de bonne foi et par conséquent invalidité de la directive. L'objet précis du traité de paix était la restauration de l'autonomie de l'Autriche et la fin du pouvoir soviétique. La reconnaissance de la légalité de la directive soviétique dans la période entre la signature et la ratification aurait été contraire à l'objet du traité (34). Une vingtaine d'années plus tard, un tribunal. hollandais a eu également il se prononcer sur l' effet juridique de la signature à l'égard d' une autorité publique. En l'espèce, une dame s'était vue refuser, contrairement à son fiancé , le d roit à être enregistrée comme demandeuse de logement en vertu d'une loi municipale. Le président du tribunal, après s'être référé aux Pactes sur les droits économiques sociaux et sur les droits civils et politiques ) instruments signés mais non ratifiés par les Pays Bas, déclara: J tAJtbough t he Netberlands has Dot, as yet, ratified the Covenants, we are of the opinîon tha.t current legal views in the Netherlands suggest that in establishing directives implementing statutory regWa.tions, the publie authority may not place (35). impedimenta in the way of the citizen on the sole ground of bis or her sex~ A la lecture de cette dernière décision; on pourrait être porté à croire que naît, à partir de la sign ature et en faveur des destinataires des actes futurs des autorités - qu'ils soient de nature législative, administrative ou judiciaire -, une «expectative rai son nable ~ (legitimate expeetation) qu'ils seront en conformité avec le traité signé par l'Etat mais non encore ratifié par lui. 14. Toutefois , toute conclusion, à ce stade, s' avérerait prématurée. Le décodage des travaux préparatoires dans le cadre tant de la C.D.l. que de la Conférence des plénipotentiaires révèle d'autres pistes pour apprécier le caractère coutumier ou non de l'article 18. Si , au début de ses travaux, la C.D.I. a montré quelque host ilité à voir introduire une telle obligation, elle a par la suite fait preuve de plus one of the Occupying Powers , Î98UOO a directive, by agreement with t he members of the works' couDeil of the defendant8, that no peJ'80D in the employment of the defendant8 cou Id henceforth be dis missed without the consent of t.he works' couDcil. The e fTed. of this directive W88 t hat fo r ail practical pUrpOse9 t he defendant8 were preduded from terminating a ny contract of employment of thair own accord. Whou the directive w&& issued the defendants' business wa& still subject to the control of the occupation authorities, but it waB weil known that within a very short. time, within two months from the coming into opera.tion of t.he Peace Treaty with Austria, the defendanta' business would be freed from control [ ... l', TermlM !ion of EmploymenJ (Austria) Crue 156, /.L.R., vol. 23 , 1956, pp. 470-471. (34) 16;0., pp . .,0-471. (35)X. t; . Mayor aftd Aldtrmen of Haarlem, N.Y.I.L. , J9ï8, p. 474. ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 603 de réceptivité. Brierly, premier Rapporteur en la matière, avait, en 1951 , prévu un projet d'article aux termes duquel : ,Under so rne eircum stances [ ... ] good faith may require that pending the entry into force of the treaty, the State shall, for a reasonable time atrer signature, refrain fro m taking action which would render perform an ce by any party of the obliga.tions stipulated impossible or more difficult. (36) . Néanmoins, il avait tenu à préciser qu' il s'agissait beaucoup plus d'une obligation morale que juridique et qu' il n'était pas nécessaire, par conséquent, de la mentionner dans une disposition du projet. Malgré l'opposition de certains membres de la C.D.I. qui estimaient qu'il s'agissait d'une véritable règle de droit international , la majorité vota en faveur de la suppression de la clause. 15. La suite des travaux relatifs à l'article 18, alinéa al a reflété un changem ent graduel de position. Dans son projet de 1953, Sir H . Lauterpacht, deuxième Rapporteur spécial, réintroduisit, dans des termes un peu différents, la clause supprimée. D'après son projet, l'Etat était obligé t [.. ,] to refrain, pria r to ratification, frOID a.ny !.Let intended substantially to impair the value of the undertaking as signed) (37). Le troisième Rapporteur spécial, Sir G. Fitzmaurice, suivit la même logique, bien que sa proposition fut énoncée en des termes plus prudents: .La. signa.ture peut en attendant une décision défini tive au sujet de la ratifi cation ou durant une période raisonnable, entraîner pour Je gouvernement de l' Etat signataire, l'obligation de ne prendre aucune mesure visa.nt à contrecarrer ou à entraver les objectifs du traité . (38). 16. Toutefois, c'est seulement à la suite du r apport de Sir H. Waldock que la C.D.I. va sérieusement étudier le problème. Son projet d'article disposait : . L'Etat signataire, ta-nt qu' il n'a pas notifié aux autres Eta.ts interessés sa ~at ion ou l'accepta.tion du tra.ité ou, à dêfaut de décision co ncernant la ratif notification, tant qu' un déla.i raisonnable ne s'est pa.s écoulé, est tenu de s'a-bstenir de bonne foi de ne rien faire dans le desseÎn de contrecarrer les objectifs du t ra Îté ou d'entra.ver son exécution future » (39). (36) Deuxième rapport sur le droit des traités, A.C.D.I., 1951. vol. li, p. 73. (37) Rapport sur le droit des traités, ibid., 1953, vol. Il , pp. 108· 111. (38) C'est J'article 30, alinéa l, paragraphe cl de son proj et . Voyez Rapport 8ur le droit des tra.ités, A.C.D./ ., 1956, vol. II, pp. 4-5-46. (39) C'est l'article 9, alinéa 2, paragraphe cl de 80n p rojet . Voye'l. A.C. D.I., 1962, vol. I, pp. 99-109 et 235. 604 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE La C.D.I. a été, dans l'ensemble, favorable à cette proposition. Elle a souligné l'importance de la bonne foi à ce stade de la conclusion du traité. En outre, en réponse à une contre-proposition de M. Castren selon laquelle la responsabilité de l'Etat n'aurait pu surgir qu'après la ratification du traité, on a fait valoir que l'obligation d'abstention ne provenait pas du traité lui-même mais du droit international général qui attribue cet effet juridi.que à la signature et cela indépendamment de toute ratification (40). De même,' les observations produites par certains Etats n'ont pas fait montre d'une réticence réelle à l'égard de l'obligation induite par l'article 18 alinéa a) (41). Au contraire, certains gouvernements, comme celui des Etats-Unis, sont allés jusqu'à dire dans leurs observations que le projet de la C.D.1. «reflète les normes généralement admises du droit international. et même englobe des mormes actuelles» (42). Le principal point de discordance entre les gouvernements et la Commission a porté sur l'obligation de s'abstenir d'actes susceptibles de nuire à l'objet d'un traité pendant la négociation. 17. Cette question a ressurgi lors de la Conférence de Vienne. Peu nombreux ont été les Etats qui ont milité en faveur de la suppression de cette disposition en son entier (43). La majorité des Etats qui sont intervenus dans les débats n'ont pas fait mention de l'inapplicabilité ou de l'inopportunité de l'article 18 en ce qui concerne l'effet juridique et l'opposabilité de la signature d'un traité. Bien au contraire, nombre d'Etats ont tenu à rappeler, tout comme lors de la discussion du projet de la C.D.I., soit que cette disposition était en «conformité avec les règles générales du droit internationah (44), soit qu'elle «appartient au développement progressif du droit internationah (45), soit encore qu'elle ,énonce des règles de droit,) (46). Ces formulations, bien que différentes, reconnaissent un certain caractère opérationnel (40) Ph. CAHIER, op. dt. rnpra note 10, p. 35. (4l) Seul le Japon a proposé la. suppression de l'ensemble de l'article 17 du projet de la C.D.I. (devenu par la suite l'artide 18 de la Convent.ion de Vienne). Voyez Sir Humphrey WALDOCK, Quatrième rapport sur le droit des traités, A.C.D.I., 1965, vol. II, p. 46. (42)11 s'agit de l'article 17 du projet de la C.D.T.; ibid., p. 46. (43) Voyez les interventions de la Turquie, du Liban, de la République de Corée et de l'Iran: Conférence, première session, 1968, Doc. off, C.R.A., 1"'" sess., 19·m~ S., pp. 109-111. L'amende· ment présenté par le Royaume-Uni visant la suppression de l'article 18 n'a recueilli que 14 voix contre 74: doc. off. AG NU AfCONF.39/C.l/L.135, Doc. off., C.R.A., 110 ..., sess., 20èm~s., p. 105. (44) Voyez les observations de la Suisse: Conférence, première session, Doc. off., C.R.A., 1·..., sess., 1geme s., p. 106. (45) Voyez les observations de la Grèce: Conférence, première session, ibid., p. 107. (46) Voyez les observations de l'Italie: Conférence, première session, ibid., p. 108. ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 605 et obligatoire il. l'article 18. Les autres observations étaient plus centrées sur des questions d'ordre rédactionnel. 18. Il découle des travaux préparatoires que l'article 18, alinéa a) de la Convention de Vienne n'est pas entré ex nihilo dans le corpus du droit des traités. Malgré le fait que la pratique et la jurisprudence internationales ont souvent confiné son application au domaine particulier des traités d e paix, et que la doctrine n'est pas unanime sur la portée de cette règle, elle a reçu droit de cité dans la Convention de Vienne. L 'article L8 ne saurait, dans cet ordre d'idées, être assimilé à une simple règle «dérogatoire au droit commun> (47) , et encore moins être considéré comme une .erreurl (48) dans la Convention de Vienne. Les travaux préparatoires de la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités entre Etats et organisations internationa.les ou entre organisations interna.tionales , ta.nt au niveau de la C.D.I. que de la Conférence des Nations Unies, ont été caractérisés par l'absence d'observations et même d'examen au fond de l'article 18. En outre, ce dernier a été adopté sans qu'il soit procédé il. un vote. Cette transposition de la règle de 1969 dans la Convention d e 1986 est une marque de répétition d'une norme. Ainsi , bien que la régIe soit reprise dans un nombre limité de conventions - d'ailleurs quelles dispositions de la Convention de Vienne pourraient se targuer d 'être souvent et expressément citées dans les accords internationaux 1· un premier élément d e formation de la coutume internationale se fait ressentir a priori. 19. Qu 'en est-il d'une opinio juris en la matière 1 L'absence d'exa· men au fond et même d'objection de la part des Etats au moment de la Conférence des Nations Unies apporte l'i ndication d'une acceptation de l'obligation posée par l'article 18 alinéa a) de la Con· vention de Vienne comme règle consubstantielle au droit des traités. 20. Le comportement étatique subséquent il. l'adoption et à l'entrée en vigueur de la Convention de Vienne confirme à bien des égards la pertinence juridique de l' article 18 alinéa a). En 1977, le Bureau juridique du Gouvernement du Canada a considéré, en ce qui concerne l'Accord de Réciprooité sur la P êche du 24 février 1977 signé et non ratifié par les Etats· Unis: (4i) J . N ISOT, op. cil. ktl.pra note 10, p. 503 . (48) Ph . CAlURR, op. à t . .wpTa note 10, p. 3'7. 606 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE dt should be remembered that in any case aState which has signed a treaty is ohliged ta :refrain from acta which would defea.t the abject and purpose of the treaty uutil it shall have made its intentions dear flot to become party to the treay~ (49). De même, le Gouvernement néerlandais, répondant à une question écrite de parlementaires à propos de la relation entre la signature et l'approbation parlementaire d'un traité, a soutenu que: ~Considerg the generally recognised principle of internationallaw, that by signing an agreement aState undertakes ta refrain from any act contrary ta it [ ... ] the Government wishes ta assess the consequences of participation before signing the agreemenh (50). La direction du droit international public du Gouvernement suisse, dans la même lancée, a affirmé que: GLa période qui s'écoule entre la conclusion et l'entrée en vigueur du traité a une signification juridique en ce sens que l'Etat qui a signé le traité [ ... ] doit s'abstenir d'actes qui priveraient un traité de son objet et de son but» (51). D'autres déclarations émanant notamment des Etats-Unis (52) et de l'ex-U.R.S.S. (53), confirment l'existence d'une obligation du (49) Ann.Oan.D.I., 1978, p. 366. (50) N. Y.LL., 1975, pp. 283-284. (51)A.S.D.I., 1977, pp. 150-151. (52) Le 4 janvier 1980 le Département d'Etat. publia une déclaration selon laquelle .the U.S. and the Soviet Union share the view that under international law aState should refrain from taking action which could defeat the object and the purpose of a treaty it. has signed subject ta rat.ificatiom, in M. N.o\SH LEICH (ed), Diges! oJ Uni!ed States Practice in International Law, 1980, Washington, Office of the Legal Adviser, Department of State, 1986, p. 398; voyez la lettre de Elliot Richardson, Représentant spécial du Président il. la Conférence sur le droit de la mer au membre du Congrès Gerry Studds et portant sur l''effet juridique potentiel de la signat.ure par les Etats-Unis de la Convention sur le droit de la mer: .Signature [... ] under cUBtomary internationallaw imposes no obligation other than refraining from acts which would defeat the object and purpose of the treaty: This very general obligation continues only until such time as it becomes clear that the State no longer intends to become a party t.o the treaty [... ]» (cité par P.V. McDADF., tThe Interim Obligation Between Signature and Ratification of a Treaty: Issues Raised by the Recent Actions of Signatories to the Law of the Sea Convention with Respect t.o the Mining of the Deep Seabedt, N.l.L.R., 1985, p. 13). Voyez aussi les réponses du Conseiller juridique du Département d'Etat concernant l'application provisoire des traités: .In the majority of cases the obligation not to defeat the object and purpose of the t.reaty means a dut y to refrain from taking steps that would render impossible future application of the treaty when ratified [... ] [this is] [... ] a customary international rule, in the Vienna Convention on t.he Law of Treaties, and in United States Law. (A_J.I.L., 1980, pp. 931-933). Voye1_ encore le mémorandum du 21 février 1980 de Robert Owen, Conseiller juridique au Département d'Etat, selon lequel: _[ ... ] Moreover the growing body of case law which regards the Vienna Convent.ion as evidence of contemporary customary internationallaw makes cleu t.hat whatever doubt may have existed in the past, the rule expressed in Article 18 of the Vienna Convention has become a legal obligation binding upon ail Staes~ (cité par P. V. McDADE, ibid., p. 13). En ce qui concerne le Traité sur la Lune du 5 décembre 1979, le Service de recherche du Congrès américain estima: ~Acording to Article 18 of the Vienna Convention on Treaties, a signatory would be obligated to refrain from acts which would defeat the object. and purpose of the agreement until it makes its intention clear not ta become a party to the agreement., in M. NASH LETCH (ed.), ibid., p. 701. (53) L'ex-U.R.S.S. a fait plusieurs allusions, pendant et après la Conférence de Vienne sur le droit des traités, au fait que l'article 18 ou son prédécesseur, l'article 15 du projet de la C.D.I., ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 607 droit international général de s'abstenir d'actes qui priveraient un traité de son objet et de son but entre la signature et la ratification . Toutefois , l'attitude concrète des Etats varie souvent au gré des circonstances. Par exemple, la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer, particulièrement en sa Partie XI , offre une illustration des limites auxquelles peut être confronté l'article 18 de la Convention de Vienne. En effet, certains Etats signataires, notamment la France, l'ex-U.R.S.S. et le Japon ont adopté des législations sur l'exploitation des fonds marins qui se rapprochaient beaucoup de celles d'Etats non signataires à l'époque, en l'occurrence les EtatsUnis (54), le Royaume-Uni et la République fédérale d ' Allemagne (55). Le problème réside dans le fait que ces législations adoptées par des pays signataires allaient partiellement à l'encontre de l'objet et du but de la Convention de Montego Bayet de sa Partie XI (56)_ Or, avec la révision en 1994 de la Partie XI de la Convention de Montego Bay par un accord reflété dans la Résolution 48/263 de l'Assemblée générale des Nations Unies, l'obligation contenue dans l'article 18 de la Convention de Vienne a été reprise dans le paragraphe 6 de la Résolution qui demande aux Etats . qui consentent à l'adoption de l'Accord de s'abstenir d'actes qui le priveraient de son objet et de son but> (57). Ceci étant, la fréquence de respect ou de non-respect par les Etats signataires de l'obligation d'abstention contenue dans l'article 18, ne préjuge en rien de la réalité de l'obligation . Sinon que dire de la ratifi cation des traités qui représentent le droit international coutumier. Diverses déclarations soviétiques en relation avec le Traité SALT II affirment le caractère coutumier de l'obligati on contenue dans l'a,rticle 18: voyez à. cet égard , R.F. TUR!-iBR, ( Legal Implications of Deferring Ratifica.tion of Salt nI, VaJIL, 1981 , pp. 766-767. (54)Seloo le Sénateur ltluskie intervenant danS le débat lIur la Zone des fondll ma.rios, . [ ... ] that the affixing of the mere signature of Any executh-e brnnch offieial on the Law of t.he Sea Treaty or any othe r treaty wîll oot bind this body from taking aoy actions which aoyone c1aims would defeat the object a.nd purpose of the treaty., in M. NASH LEleH, op. cil. 8upra note 52, p. 691. La réplique de l'Amba.ssadeur Richardson du 21 décembre 1979 s'opposa il. cette manière de voir: .I nternational law imposes no obligation upon a. signatory ta a treaty to oomply with itll terms prior ta entry into fo roo with respect to tha.t lIignatory , other than the obligation in good faith ta refrain from ~r.s which oould defeat t·he abject and purpose of the treaty., ibid. , p. 692. (55) ]1 faut préciser que ces Etats ont clairement exprimé leur intention de ne jamais ratifier la Convention sur le droit de la mer telle qu'adoptée en 1982. Il cet évident qu'en pareil cas, l'article 18 de la Convention de Vienne ne s'applique pas. (56) Voyez. pour une ana.Jyse complète de cette situation, P.V. McDADE . op. cil. supra note 52, pp . 28-47. (57).VA83emblée Génêrale [ ... ) demande a.ux Etats qui consentent âl'adopt.ion de l'Accord de s' abstenir d' actes qui le priverait de 80n objet et de son but ...•• doc. off. AG NU AfRESf48f 26. 608 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE ne s'accompagne pas souvent - et même parfois pas du tout - de l'application desdits traités, et qui pourtant n'altère en rien la réalité de l'obligation juridique qu'elle implique? 21. Il ressort de l'analyse que l'article 18, alinéa a) reflète un principe de droit international auquel les Etats se considèrent liés soit au titre d'une obligation découlant de la signature d'une convention ou d'un traité soit d'une obligation qui existe en droit international général indépendamment de toute signature ou ratification d'un instrument juridique. Il est vrai toutefois que les contours de ce principe ne sont pas toujours bien définis. II. - PROBLÈMES D'INTERPRÉTATION 22. Le contenu de l'article 18 de la Convention de Vienne laisse apparaître des subtilités relatives aux notions sur la base desquelles l'architecture normative de cet article est construite. Subtilités en ce sens que la matrice lexicologique et sémantique de l'article 18 qui semble prima facie offrir l'image d'une disposition où tous les concepts sont clairs, fait en réalité prévaloir un brouillage du contour des notions utilisées. C'est vrai pour la notion d'objet et de but d'un traité (l) comme pour celle de la signature mentionnée dans l'alinéa a) de l'article 18 (2). 1. - Le8 notion8 d'.objet. et de .but. d'"n traité 23. Les obligations énoncées par l'article 18 de la Convention de Vienne ont pour domaine d'application ratione materiœ l'objet et le but d ' un traité. En effet, aux termes de cet article : tUn Etat doit; s'a.bstenir d'a.ctes qui priveraient un traité de son objet et de son but;. Cette obligation d'abstention perdure pendant la période allant de la signature à la ratification ainsi que celle qui va de la ratification à l'entrée en vigueur dudit traité. a) Acte8 vi8é8 24. Quels sont les actes auxquels il est fait référence conorètement 1 Certaines hypothèses d'aotes entrepris avant l'entrée ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 609 en vigueur d'un traité qui affectent ou rendent sans objet le régime dont il est porteur ont été formulées. Sir Waldock a donné t[ ... ] l'hypothèse d'un Etat qui , a.u cours de négociations rela.tives â. Ja.limite des eaux territorial es, engagées en relation aveç J'exploita.tion de ressources minérales, épuiserait les réserves minérales dont l'ex istence était 8. l'origine des négociations. (58). Robert Kolb a proposé d'autres exemples de situations régies par l' article 18 de la Convention de Vienne: «Un tra.ité prévoit la démilitarisation , la. dénucléarisation, la non-fortifiea.tian partielles ou d'autre statuts objectifs pour un territoire déterminé à. partir de son entrée en vigueur. La mesure des obliga.tions doit dépendre du nombre et de la nature des installat.ions au moment de l'entrée en vigueur du traité. A vant celle-ci et aux tins de se mettre en meil1eure position, l'Etat dont relèvent ces territoires a.ugmente considérablement ses armements ou fortifications dans l'aire frappée par l'a.ccord •. Ou encore: «Une convention multila.térale prévoit l' exploration et l'exploitation d'une zone non soumise il. la souveraineté étatique pe.r le biais d'une autorité représentant l'humanité. D e ce fa.it, la convention (ou des résolutions qui l' Q.ceompagnent) exclut toute exploitation unila.térale. Or, a.rguant du régime de liberté du droit interna.tional général , c'est précisément ce que font une série d'Eta.ts signataires technologiquement a .... ancés , opposés au régime prévu par la. convention sur ce point. Eventuellement, ils prennent soin d'affirmer le caractère provisoire de leurs démarches qu'ils subordonnent à. l'entrée en vigueu r du traité en acceptant de les harmoniser avec son régime dès son entrée en vigu euu (59). A propos du Statut de la Cour pénale internationale, il a été souligné que serait contraire à l'objet et au but du Statut le fait , pour les Etats signataires, de conclure des accords bilatéraux avec les Etats-Unis pour éviter que le personnel militaire américain ne soit poursuivi devant cette juridiction (60) : «The [European] Commission has concluded tha.t the signatoriea ta the !CC would violate the treaty if they signed bilateral accorda with Washington exempting US personnel from being handed over to the court for prosecution over alleged war orim es. (61). b) Portée de l 'expression (Objet et bull 25. Les notions d'objet et de but constituent un socle fondamental de la matière du droit des traités. On les retrouve dans plu(58) Conférence, Première SesKion, Doc. off., C.R.A ., 1~"' sesS., 2tim e S. , p. 113. (59) R. KOLB , op. cil. &upra note 27, p. 183. (60) ,EU Tries to Avoid Confli ct With US Over Court., Finamial Times , 29 août 2002. p. 4. (61) Ibidem. 610 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M. M. MBENGUE sieurs dispositions de la Convention de Vienne qui traitent notamment des questions de réserve. et de l'interprétation (62). La jurisprudence internationale s'y réfère aussi en matière d' interprétation des traités conformément - ou du moins de manière compatible - à .l'esprit. (63), ou à .l'objet» et au .but. (64) desdits traités. Il ressort de ces éléments que les notions d'objet et de but constituent une matrice substantielle , un substratum du droit des traités. L'obligation posée par l'article 18 de la Convention de Vienne trouve dans ce contexte tout son sens. En effet, il est logique d'exiger, d'un côté, que la formulation de réserves ou l'interprétation d' un traité soient compatibles avec l'objet et le but d'un traité et, d ' un autre côté, qu' un Etat ayant signé ou ratifié un traité ne le prive pas de son objet et de son but. L'article 18 de la Convention de Vienne intervient essentiellement en amont de la procédure de mise en œuvre et d'interprétation du traité . Il corres' pond à une sorte de contrôle a priori du champ, de la nature et du contenu de l'objet et du but d'un traité (65). Délimiter ainsi l'objet et le but d'un traité aux fins de l'application de l'article 18 pourrait faciliter a posteriori la détermination du champ de compatibilité ou de validité des réserves (66) et de l'interprétation d ' un (62)Yoyez les artioles 19 (c), 20 §2, 31 §l, 33 §4, 41 §l, 58 §l, 60 §3 de la Convention de Vienne. En réalité, l'expres8ion d'whjet et buh trouve son origine dans un Rvis consultatif de la. a.p.J.!. de 1926 rela.tif à la Compéteme de 1'(ftgatti6at;on internatUmak du Travail pOUf' rif/1er aca830iremet!t le lmvail per&D'lf-7td de l'employeur (C.P.J .1., 1926, Série B, N° 13, p. 18). Dans cet a"is, la. Cour parlait de l'tobjet et de la. portée. d' un traité (tthe aim and the 4COpet). Par la suite d 'autres a.vis consultatifs e mployèrent l'expression mais avec des variations subl·iles: dans l'avis dt la Conumùnt du 27 nootm/)re J919 entre la Gritt tt la Bulgarit ronurnant sur l ' Ink1'prilao~ l·imigration. rêciprOfJue (C.P.J.1 ., 1930, Sbie B, N° 17, p. 21), on trouve l'expression de _but et objeh (cthe aim and the objec/t); dans l'avis lIur l'Interprétation de la Convtntio-n de 1919 concernant le travail dt nuit du femmu (C.P.J.!., 1932, Strie AIB. N° 50, opinion dissidente du juge ASZILOTTI, pp. 383-389), l'on parle de l' «objet et du but- (dhe 8ubject and ai11l. .I); da.nsl'avis sur les Minorités en Haule-SUé.tie (C.P.J.T., 1935, Sùie AIB, N° 64, p. 15), l'on trouve ~le sens et l'esprit des traités . (uneaning and spirit of Ihe lrealit.u). (63) Avis relatif il l'lnkrprilalion dM trailis dt paix concl"" avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie. C.I.J., Rec. 19S0, p. 220. (64) Usine th CM1'UJW. C.P.J.T ., 1927, Série A. nO 9, p. 24; Q«eslion.s du communauté" gricobulgaru, C.P.J.I. , 1928, Série B, nO 17, p. 19. (65) Voyez l' opinion dissidente de Gavan GRII'FlTII dans Sentence du 2 juillet 2003, Di8pUle Concerni1lg Article 9 of lM OBPAR Convention (lrlande c. Royaume-UK' ch Grande-Bretagne ft d 'lrlande du Nord) , Cour Permanente d'Arbitrage, p. 70, §13: 1[ ... ] at the least , Article 18 of the Vienna Convention applies to require the United Kingdom as a signatory Sta.te to the Aarhus Convention, to refrain from acts that would defea.t its objects and purposes. Hence, to a limited extent it may be lIaid that th e Vienna Convention hu the effect that the United Kingdom is bound by ils abject and purpwe pending ratification •. DiHponible_sur: http://www.pca-cpa.org/ PDF/OSPAR %20Award.pdf (oo) Cette idée d'un cont.rôle a priori Be ju stifie eu cgard au fait selon lequel une réserve for· mulee ail moment de la signature d'un traite pourrait être confirmée ou infirmêe a u moment de ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 611 traité (67). Toutefois, la complexité inhérente aux notions d'objet et de but rend délica·t le contrôle en tant que tel de l'application conforme de l'article 18 par un Etat. La complémentarité entre l'article 18 et les règles de la Convention de Vienne relatives aux réaerves apparaît dès lors fondamentale. 26. Il convient de rappeler que dans le projet de la C.D.I. sur le droit des traités, la notion de but n'était pas prévue expressément dans le libellé de l'article 18. L'article 15 (ancienne numérotation de l'article 18) du projet de la C.D.I. soumis à. la Conférence des Nations Unies sur le droit des traités prévoyait tout simplement: .Un Etat est obligé de s'abstenir d'a-e tes tendant à rédu ire à. néant l'objet d'un traité envisagé. (68). 27. Lors de la Conférence, certains Etats mirent l'accent sur ce problème d'ordre rédactionnel (69). La formulation exigeait un seuil jugé trop élevé pour conclure à une violation. L 'expression empruntée au droit anglais (Iacts tending to jrustrate the objech) signifiait, selon Sir H. Waldock, que: «le tra.ité, en raison de ces actes, n'a. plus de sens et devient saDS objet. (70). Plusieurs Etats préféraient une formulation qui préviendrait tout risque d'atteinte, si minime soit-elle à l'objet et au but d' un traité. Un amendement de la République du Vietnam fut introduit dans cette perspective. Il se lisait de la manière suivante: t[ ... ] Jes Etats sont dans l'obligation de ne pas réduire à néant, déna.turer ou restreindre l' objet d' un tra-ité avant 80n entrée en vigueuu (71) . l'expression du consentement à ètre lié selon qu'elle 6!t ou non oompa.tible avec l'objet et le but d' un traité, D' a.iIIeurs, les proj eta de directive de la. Commission du droit international IIUT les réserves aUI traités prévoie nt cet.te po88ibilité de confirmation/infirlDat io n d' une réserve formulée au moment de la signature. En effet, le projet de directh'e 2.2. 1 (Confirmation formelle de8 reserves formulées lors de la signature du traité) stipule qu'en cas de confinnation au moment dt) l'expression du consentement â être lié d'une réserve formulée à la signature, .Ia réserve sera réputée avoir été faite à la date à laquelle eHe a étf: confirmée,. Voyez Dixième ra-pport 8ur les ré"ervell auz traités , par Alain :Pellet, Rapporteur lpécial, doc. AJON .41558, 1er juin 2005, § 15, disponible Bur : http://www.un.org/la.wjilc/se88ions/57/57sess.htm#reservations (67) Voyer. Arrêt. du J6 maT! 2001 , Affaire d e la. Dtfl i m~ion maritime et du quutimu feTTitorialu entre Qatar et Bahrel"n (Qatar et Bahrein), C. I.J. , Ru. 2001 , §89 : .La Cou r observe que les accords signés mais non ra.tifiés peuvent constituer l'expression fidèle des ~'ues communes dC8 parties à. l'époque de la signature. En l'espèce , la. Cour aboutit à. la. conclusion que la convention anglo-ottomane établit quelles etaient les vues de la Grande-Bretagne et de l'Empire ottoman en ce qui concerne l'étendue factu elle de l'autorité du souverain AI-Thani il. Qatar jusqu'cn 193~. (88) Conférence, Première session, Doc. off., C.R.A. , le... sess., 20''''· 8., p. 106. (69) Doc. off. AG NU AfCONF.39/C.lfL.129. ~ session, Doc. off., C.R.A .. le... sess. , 2<t me 8. , p. lIa. (70) Confêre.nce, premi (71)Doc. off. AG NU AfCONF.39fC. IfL. 124. 612 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE Finalement, la formulation retenue dans l'article 18 est celle selon laquelle les Etats doivent s'abstenir d'actes qui .priveraient» un traité de son objet et de son but (72). 28. L'introduction de la notion de but dans l'article 18 n'est donc pas une simple (,clause de style)) ou une phraséologie destinée à l'esthétique juridique (73). En plus d'un souci de parallélisme des formes dans la rédaction de la Convention de Viénne, elle vise principalement à marquer la différence avec la notion d'objet. Différence qui ne doit pas s'interpréter dans le sens d1une autonomie, d'une indifférence entre les deux notions mais plutôt d'une complémentarité dans l'appréciation du respect de l'obligation posée par l'article 18 (74). Autrement dit, le terme .eh entre les deux notions n'est pas superfétatoire (75) et exprime juridiquement l'obligation pour l'Etat tant de respecter l'objet que le but du traité (76). (72) Il faut relever en outre qu'un débat a eu lieu lors de la Conférence de Vienne sur le droit des traités sur le fait de savoir si ,'élément intentionnel devait être pris en compte dans l'appreciation du respect de l'obligation de ne pas priver un traité de son objet et de son but. L'idée qui fut retenue est que l'appréciation du respect de l'obligation devait se faire exclusivement de manière objective pour éviter toutes diffi(lUltés. Voyez à cet égard, T. HASS.-\N, op. !!it. supra note 15, p. 458. (73) Pourtant selon Mr. Ya.sseen, Président du Comité de rédaction, l'ajout de la notion de but «in no way affected the substance of the provisions and did not widen the obligation imposed on States by article 15. It was nothing but a purely drafting change, made in the interests of clarity •. Voyez doc. off. AG NU A/CONF.39/1I, p. 361. (74) Un certain nombre d'auteurs considèrent l'expression wbjet et but. comme formant un lien ombilical entre les deux termes de l'expression. Aussi ces deux termes ne sauraient-ils faire l'objet de séparation absolue même si un traité peut comporter plusieurs wbjets et buts •. Ils doivent être déterminés l'un par rapport il l'autre. Voyez, par exemple, Sir 1. SINCLAIR, op. cil. $upra note 8, p. 130. De même, M.E. VILLLGER, op. cil. supra note 15, p. 321; D.W. GRElO, cReciprocity, Proportionality, and the Law of Treaties., VaJIL, 1994, p. 295. (75) Il faut préciser que la doctrine anglo-saxonne et la doctrine française n'ont pas la même idée de la distinction qui doit être faite entre la notion d'objet et celle de but. Par exemple, Jennings utilise l'expression .objet. et «but. comme une expression unique c'est-à-dire sans distinguer entre ses deux termes: Voyez KY. JENNINGS, fTreaties* in M. BEDJAOUI (s.l.d.), lnterna!Îonal Law.- Achievment$ and PTOJJpeets, vol. I, Paris, UNESCO, ]991, p. 145. Par contre, la doctrine française en général considère l'objet et le but comme deux notions tout à fait distinctes. O'est le cas de Rousseau qui différencie l'<<objel ou effet dirtcl et immédiat de l'ac/et du .but ou résultat dt l'effet juridique produit par l'actt.: Ch. ROUSSEAU, Droit inlernational public, vol. 1, Paris, Sirey, 1970, p. 272. Voyez auBSl, S. SUR, L'interprétation en droit international public, Paris, L.G.D.J., 1974, pp. 227-231. Toutefois la doctrine française est loin d'être unanime sur ce point: voyez à ce sujet, P. REUTER, .Solidarité et divisibilité des enga.gements conventionnels., in, Y. DINSTEIN and M. TABORY (eds.), International Law at a Time of Perplexity_ ES8ays in Honour of Shahlai Rosenne, Dordrecht, M. Nijhoff, 1989, p. 628; M. GoUNELLE, La nwlivation de6 actes en droit international public, Paris, Pedone, 1979. pp. 47-49. (76) La O.I.J. a eu expressément à. distinguer les deux notions dans l'appréciation des obligations qui pesaient sur les Etats parties aux litiges qui lui étaient soumis. Par exemple, dans l'affaire des Actions armies frontalieres tt tran4rontalièrM - Compétence de la Cour et recevabilité dt la requête (NicaraguafHondurM), Arrêt du 20 décembre 1988 (O.I.J., Rec. 1988, p. 89, §46), l , .. ! ~ :~ : : ;.- t, ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 613 29. La difficulté réside dans la ce.ractérisation preCIse de ce qUI constitue chacune de ses notions vu qu'eUes sont souvent confondues. L'expression .objet et but» a été employée par la Cour internationale de Justice dans l'avis relatif aux Réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide . Selon la Cour, l'expression semble vouloir signifier: .[ ... ] ce qui est essentiel aux fins de la convention [ ... ]t, de manière à ce que si ce but venait à manquer .la Conventi on elle-même so trouverait ébranlée dans son principe comme dans son applica.tion. (77). 30. De même, il est intéressant de relever l' une des prétentions de la Guinée·Bissau da ns l' affaire de la Délimitation de la frontière maritime entre la Guinée et la Guinée-Bissau. Selon cet Etat, dans l'interprétation de l'Accord franco· portugais de 1886 qui était en cause, une distinction devait être faite entre l'objet et le but de l'Accord. Et de préciser que le but de cet Accord était la délimitation et son objet les possessions des deux Etats (78). 31. Malgré son utilité, cette clef de lecture de l'objet et du but ne permet pas de fixer la substance propre à chacune des notions en cause. L 'obligation découlant de l'article 18 de la Convention de Vienne Be trouve de ce rait confrontée à une difficulté d' objectiva· tion de la notion d'objet et de but (79), laquelle difficulté peut limi· 1& Cour IL dit: . ( ... ] une telle solution !Jerait de fa-çon évidente contra.ire tlLnt li, l'objet qu ' au but du Pacte •. Cette vision se retrouve dans l'affaire des Plalea-fOf'f7tU pitrolüre.a - E%uplioJU prilim;Miru (République 1 8 lamjq~ d 'Iran G. Etata-Unis d 'A miril'/iU), Arrêt du 12 dëcemhre 1996 (C.I.J., lùc. 1996, p. 810, § 18 et p. 813, §27) da.ns laquelle la Cour exami na séparément les vio· lations potentielles du but et oelles de l'objet du traité en cause. Dans l'affaire du D,.oit d'aailt (Colombie/Pérou), Arrêt du 20 novembre 1950 (C.J.J .• ReG. 1950, p . 282), la. Cour a examiné sépa· rément l'objet de la Conventi on de La. Havane (fLa Convention de La Havane [... ] a. eu pour objet, comme J'indique son prea.mbule, de fixer les règles que les Etats signataires sont tenus d'observer pour la concellllioD de l'asile da.ns leurs relations mutuelles.). (77) Avis relatif aux Rûerve.a à la C07lot:en1Î07lo pott,. la prevvdioll et la ripre88ion du. crime dt. génocide, R ec. 1951, p. 27. (78) Délimitation. de la Jrontibe 1naritime f7l.tre la Guinée et la Guinée- Bissau, Sentence du 14 février 1985, 1.L.R., vol. 77 , p . 636. La nature fl exible de la notion a. été expresséme nt recon· nue pa.r la. C.D.I . lors de la présentation du projet d'articles sur la succession d'Et·ats devant j' Assembl êe gémirale des N&.tions Unies: «La. Commission entend établir un critère juridique objectif internat-ional de compatibilité qui , s'il eat a ppliqué de bonne foi , devra.it offrir une règle ra.isonnable, !tOupie et pratique. L'incompatibilité avec le but et l'objet du traité et le change· ment radic&1 des conditions de l'application du traité, notions employée8 dans d'autres contextes par la. Convention de Vienne sur le droit de.a tra.itea, constituent en l'Occurrence [ ...1des c rit è re~ satisfaisa.nts permettllnt de t enir compte des intirêta de tous leI! Etats concernés, de toutes les situations possibles et de toutes les catégories de traitel,., in, A.C.D./., 1972, vol. Il, pp. 237 et Buiv. et p . 317. (79) Lea commentaires de la C.D.T. ne sont d 'a ucun secou rs à ce sujet. Voyez, par exemple, Sir G. FIT'lMA URICK , Rapport sur le droit des traitê8, A .C.D./., 1956, vol. Il, p. 104, projet. d'Inti· des 30(1) (c) et 33(2). Voyez aU8si , Si r H. WAL OOCK, Premier rapport Bur le droit des t-raités. 614 L. BOISSON DE CHAZOURNES , A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE ter son effectivité et son efficacité et, par ricochet, exacerber les contentieux entre Etats signataires (80). 32_ Un éclairage de la théorie générale du droit des obligations permet d' affiner certains contours de cette définition. D 'après cette théorie, le but ou la «eause. d' une convention désigne l'objectif ou la fin poursuivie par ladite convention. Quant à l'objet d'une convention, il est défini comme: tL'ensemble des droits et des obliga.tions que le contrat [ou la. convention] est destiné à faire naître. (81) [ou plus précisément] d'opération juridique que les parties à une oonvention cherchent à. réalisert (82). 33. Il résulte de ces deux définitions que les notions d'objet et de but font appel à des critères distinctifs. Le but renvoie à un <critère fonctionne!. en ce sens qu'il met en relief la finalité poursuivie par un traité. Quant à l'objet, il fait appel à un ,critère matériel» axé sur le corpus de normes à établir pour réaliser l'objectif poursuivi par un traité. De ce fait, l'objet et le but d'un traité sont deux éléments complémentaires et interdépendants. Comme l'explique JeanPaul Jacqué: .L'objet d 'un acte réside dans les droits et obligations auxquels il donne na.issance. L'objet d'un a.cte c'est donc .la. norme qu'il crée. Lorsque la Cour veut définir l'objet d 'un traite, elle analyse le contenu de celui -ci, c'est-à-dire les obligations qu'il crée à la charge des parties et les droits qu'il leur confère. A.C.D.J., 1962, vol. H , pp. 46-61, projet d'articles 9(3)(b) et 12(3)(b). Pour P. Reuter, il a.urait éte interel!&ant d' adopter une formule teUe que u ' e.bstenir d'actel! de nature il. porter atteinte à la légitime attente de ses partenairesl/, da Commit!8îon indiquerait (aillsi] que la question de la violation de la bonne foi doit être examinée au cas par cas, compte tenu des déelarations qui ont eté faites , de l' objet du traité et de "ensemble des circonstances. Par exemple, daRI! le cas très fréquent d'un traité 6conomiqne comprena.nt des engagements en matière douanière, si un Etat procède à. des importations massÎves ou à des exportatioI18 massives avant ['entrée en vigueur du traité, de manière à souffrir moins de l' execution de ses engagements, cet a.cte peut être ou n'être pas contraire il. la bonne foi; cela dépend des circonstances. Une telle formule serait peutètre trop souple, mais elle aurait, semble-t-i1 l'avantage de mieux respecter l'autonomie du principe de la bonne foi, de mieux isoler l'observation de ce principe de l'exécution même du traité ,. AC.D.I., 1965 , vol. l , p. 101. (SO) A titre d'illustration. il est intéressant de relever les différentes concept·ions êt.atiques de la notion d'objet et de but qui apparaissent au gré des circonstances. Voyez par exemple le Mémoire du Gouvernement des Etats-Unis, COl'UtquencM juridiques pour le, }?/Qù ck la préseRC'Al continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud -crout africai.n) nmwlulanl la Résolution 216 (J910) du COMât de Sécurité , C.I.J., Mlmoirell. plaidoiries et docu-nunta. 1911, vol. T, pp. 843 et suiv., sp. 863-864. Voyez a.ussi J'affaire concernant l'Accord relatif aux serviCts aériens du 27 mars 1946 entre les Etaf,-Unis et la Ir'raMI!. R.S.A .• vol. 18, pp. 417 et suiv., sp. p. 428. Voyez enfin l'avis sur la Licéité de l'emploi ou de la menace d'arme8 nucléaires (C.l.J., Rea. 1996) nota.mment les paragraphes 60 et 61 qui témoignent de l'interprêtation divergente des Etats sur l'objet et le but des traités sur la. limitation ou l'élimination des armes nucléa.ires. (8I)G. CORNU. Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 1987, p. 584. (82)J. GHEb1'IN , Traite de droit ait.'Ï/. La fo rmation du contrat. Paris , L.G .D .J , 1993, p. 569. ARTICLE 18 ~ CONVENTION DE 1969 615 Si l'objet d'un acte est toujours une norme, chaque acte se caractérise p&r le conten u de la norme qu 'i] crée. CependfLnt les droits et obligations créés par l'acte ne constituent pas une fin en e ux-mêmes. Ils ne sont que le moyen d'atteindre un résultat donné. Et c'est le résultat qui forme. pour le ou les a.uteurs de J'aote, le but recherché. (83). 34. D 'aucuns ont proposé uue démarche objective (84) afin de préciser plus en avant l'objet et le but du traité (85). Il s'agit essentiellement d'identifier l'objet et le but dans le préambule du traité (86), dans son titre (87), dans les travaux préparatoires ainsi (83) J.-P. JACQUe:, Elémenla pour une théorie de l'acte juridique en droit international public. Paris, L.G.D.J., HH2, p. 142. (84) Cette démarche objective pou rra.it consister en une interprêtB.tion t éléologique de la convention internationale concernêe. A ce titre, la. jurisprudence du Tribunal pénal inte rnat ional pour " ex- Yougosla.vie est intêre88ante: voyez Affaire Dvd:o 'J'adie, cas no TT f94/ l , arrêt relatif il. l'appel de la. défense concernant l'exception préjudicielle d'incompétence (2 octobre 1995). Voyez ausai dans IR; même affaire et dans la même perspective, l'opinion séparee du juge AbiSaab. (85)J. DEHAUSBY et M . SALEM, SOUf'U8 du droit i?iUmali01l4l. Le& traitu. Interpri1ation. Prinûpu, règlu el 71KlMelu applicaUu à l'i1lterprétation, Juris·Classeurs 1995, fascicule 12·6, p. 24. Selon ces auteurs, la notion d'objet du traité est objective : . Ce sur quoi po rte le traité - c' està-dire la matière (ou les matières) que les parties sont convcnucs de régir - résulte en effet objectivement de l'instrument lui-même [ ... }. De 19." enfin, l'a.ppel l\U but du traité pour déterminer l'étendue de son objet: ce qui ju stifie la. liaison entre le9 d eu); notions •. (86. Voyez par exemple l'a .. is s ur les Ri8ert:es à la Convention. /fUT la préventio1J d la repruIlion du crime de ginoeide, op. cit . .'!~p ra noto '/4, p. 23. De même, dan9 l'affaire dei Pri.'!'cs d'eau à la Meuse (C.P.J.J., 1937, Série A , N° 70, p. 13), la. C.P.J.!. s'êta.it basée d'a.bord sur le préambule d'un traité german o·belge de 1863 pour établir son but. Dans l'avis sur l'Inter(op. dt. &'Upra note 62, p. prétation de la Convention de 1919 8'Ur le travail d~ nu.it des !~me& 383) , le juge Anzilot.t.i, dans son opi nion di88ident.e, s'est l'iféré en gra.nde partie au preambule de 1& Partie XlII du Traité de Versailles pour déterminer le ehamp des compétenceB de l'Organisation internationale du Tra"l"a.il. D'autres exemples de recours au préambule pour déte rminer l'objet et le but d'un t.raité 88 trouvent dans l'arrêt de la C.!.J. relatif à l'affaire relative aux Droits des res&orli.uant.'!' amtiricaina au .Maroc (Frame c. Etats-Unis d'Amérique), arrêt du 2; août 1952 (C. LJ ., Ree. 19â2, pp . 196-197) et dans l' arrêt de la C.I.J . rela..tif au Differend territorial enlre la Libye et le Tdw4 , arrêt du 3 février 199-4 (C.T.J ., Ret.. 1994, pp. 25-26, §52). Voyet également, Pratiqucll &tttvicll pour la préparation du conventions internationale.! du travail : Manuel de bonne.! pratiq!U8 rédrn;tio1l.ncllc.'!', BTT, Conseil d'administration, 292e ses· sion, mars 2005 , doc. GB.292jLILSj3. (87) J. KLABBERS, t Some Problema Regarding The Objoot and Purpose of Trellties., }i'i717ti8h Yearbook of lnlerMtional Law, 1997, p. 158 : .it is submitt.ed, that· reCOUrBe to the tit.le of a t.reaty may often offer a convenient. shortcut in t.he process of identifying 8. treaty's .object and purpose. Especial1y where the preamble and the text of a treaty indicate several possible object and purposes, recourse to the treatY'9 title ma.y be of sorne he1p. Thus, while one of the objec· tives of the Chernieal Well.poIl1J Convention, as 1isted in its prea.mble, il! the desire to .promote free tra.de in chemica)a as weil as international cooperation and exchange of scientific and tech· niesl information [ ... ) in order to enhance the economie and teehnological developmeot of ail States parties., it can hardly he ffiaintrunoo that this particular objective should qualify as t.he abject and purpose of a treaty besring the title Convention on the Prohi\;)ition of the Development, Production, Stockpiling and Use of Chemical Weapons and on their destruction. Of oourse, the title of a treat.y will only oITer a pre9umpt.ion regarding the treaty' s object and purpose, which will have 1.0 be substantîated by closer analysis of other factors , but it doeB not appear to he a presumption which will often be rebutted in practiee. And where it will be rebu tt.ed, the treaty has been se riou91y misna ed~. 616 L. BOISSON DE CHAZOURNES , A.-M. LA ROSA ET M.M. ,mENGUE que dans les dispositions du traité (88). Ces différents éléments d'appréciation devraient être cumulés pour garantir l'objectivation la plus parfaite possible desdits objet et but. Comme le démontrent Isabelle Buffard et Karl Zemanek : df one wisbes ta escape the vicious cirolo, a two-atage procedure may belp. ln a firet stage, a prima fade assumption of the abject and purpose of a treaty must be farmed by having recourae to the tit.1e, preamble a.nq, if available, programmatic articles of the treaty (89). This assumption must then be /ested in a seoond stage against the text of the treaty and a.1I other a·va.iJable material and, if neccssary , adjuated in the light of that test (90). The result of that pracess can thcn be used as a. guideline in the interpretation of other trcaty provisions or for assessing oompliance with thern . (91). 35. Dans certains domaines du droit international , on peut imaginer une démarche objective de recherche de l'objet et du but d' un traité par la référence à d'autres textes conventionnels. En droit international de l'environnement, par exemple, l' une des techniques utilisées est celle de la négociation de conventionscadres. Ce type de convention a pour but de fixer des principes directeurs en matière de protection de l'environnement et de créer des institutions. Les principes sont destinés à être précisés par des règles plus détaillées dans des protocoles et même parfois dans des annexes à ces instruments conventionnels (92). Un Etat ayant (88) Voyez J' affajre des Activités militaires et paramilitaÎ1'1l8 au NicaTagoo d contTt cûui-ci (Nicaf'agualEtQ,t.g · U'ltM) , arrêt du 27 juin 1986, C.I.J., Ru,. 1986, p . 136, §272 : _Selon la Cour, on ne peut prétendre qu' un acte est de nature i\ priver un tralte de $On objet et de 80n but ou à empêcher la bonne e:lécution Bi la. possibilitë d' un tel acte était prévue dllnsle traitë lui -même et s' il a été stipulé que le traité n'y 'fera. pas obstacle', de telle sorte qu'il ne violera. pu leB termea exprè~ du traite •. li f!Lut rappeler en outre que les juridictions peuvent a ... oir recours Il d ei! textes différenh au traité e n cause pour a.nalyser 90n objet et lion but ; voyez, pa.r e xemple, l' affaire Golder , dans laquelle la Cour européenne det! Droit8 de J' Homme s 'e8t référêe au Statut du Com~eil de l' Europe pour déterminer le champ d' application de l' artiele 6, § 1 de la Convention e'lropéenne des Droif.!! de l'Homme (arrêt du 21 fevrier 1975, Série A , nO 18). (89) Ces auteurs démontrent ootte hypothèse en prenant l'exemple de la Charte des Nations Unies. Son objet et son but sont definis tant d&Ils le prêambule que dans les articles l, 2 et 55. V(lyez 1. BUl'l'ARD et K. ZHMANEK, .The Object Md Purpose of a Treaty : An Enigma. h, Au,Jtria" Review 0/ (nt~raio1W and European Law, 1998, pp. 334 - 335 , (90) Ibid., pp. 336-337. Les auteurs donnent ici l'exemple de la Convention de Vienne sur les relations diplomat.iques. Si le but est clairement prêcisé dans le préambule de la Convention pour détenniner 80n objet, il faut alors se référer à ses dispositions substa.ntielles dans leur ensemble. 1989 du (91) Ibid., p. 333. Voyez de même, l'affaire relative à la. SenteMe arbitrale du 31 juil~t 12 novembre 1991 (GuÎnie-BiJJJJau c. Sénégal) (C.I.J., Ru. 1991, p. 72 , §§65-56), dans laquelle la C.I.J. a utilisé une méthode similaire en refusant de faire primer le préambule de l'acoord d'arbitrage lIur les termes de J'article 2 du même accord pour déterminer l'objet et le but de ce dernier. (92) Sur ce type d'instruments, voye1_ A, KISS, d.es tn.ités-oadres : Ulle technique juridique ca.ractéristique du droit international de l'environnement., A.F.D.I ., 1993 , pp. 792-797; voyez auni , L . B OISSON de C HAZOURNES, ,La gestion de l'intérêt commun à l'épreuve des enjeux eoonomiques - Le protocole de Kyot.o sur Jes changements. c1imatique.n, A./i'.n .l ., 1997, pp. 700-715. ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 617 ratifié une convention-cadre s'obligerait en vertu de l' article 18 à ne pas pri ver de son objet et de son but non seulement ladite convention mais aussi lea protocoles et autres instruments attachés à la convention. En effet, ceux-ci visent à renforcer ou à garantir la continuité de l'objet et du but dégagé dans la convention-cadre. Une telle déduction s'appuie par exemple sur la Convention de Vienne du 22 mars 1985 pour la protection de la couche d'ozone aux termes de laquelle: .Aueun Etat ni aucune orga.nisation d'intégration économique régiona.le ne peut devenir Partie à. un protocole sans être ou devenir simultanément Partie à. la Convention. (93). Il découle de cette disposition que l'expression du consentement à être lié par un protocole à la Convention de Vienne sur 1.. protection de la couche d'ozone oblige préalablement l'Etat concerné à être lié également par ladite convention. Si celle-ci n' est pas encore entrée en vigueur, on devrait considérer que cet Etat ne saurait priver, en vertu de l'article 18 alinéa b) de la Convention de Vienne, tant la convention-cadre que le protocole additionnel de leur objet et de leur but du fait que ces différents instruments constituent une unité juridique. 36. De même, en droit international du travail, l'adoption par l'O.I.T. de conventions vise, aux termes mêmes de la Constitution, à mettre en place, au sein des Etats IneJDhres des ~régimes de travail réellement humaino sur lesqueis se fonde la justice sociale , essentielle à une paix universelle et durable. Pour atteindre un tel objectif, c'est-à-dire la mise en oeuvre de ces conventions au niveau national , le système élaboré empêche les retours en arrière. Ainsi , la Constitution de l'O.I.T . prévoit qu ' il n 'est pas permis d ' interpréter le but et l'objet d ' une convention internationale comme autorisant les Etats membres, au moment de l'adoption de la convention par l'O.I.T. ou de Sa ratifica.tion par l'Etat, à amoindrir ou affecter des dispositions plus favorables qui existent déjà au regard de la loi ou de la pratiqne nations- (93) Article 16. Voyez aussi, J'article 14 du Protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif aux substances qui appaunissent la couche d'ozone, aux tennes duquel: .Sauf mention contraire dans le present Protocole. les dispositions de la Convention relatives à ses protocoles s'appliquent au présent Protocole.. Pour Je texte des instruments, voyez L. BOISSON de CHAZOURNRS, R. DES- et C. RoMAN O. Proltclion internationale quu. Paria, Pocione, 1998, p. 571 et p. 586. OAONt ;~ .,~' ,.; - , k~ ~ i "j: d~ l'environ:rtement. Recueil d'instruments juridi- 618 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENG:UE les (94). Sur cette disposition, deux observations, au moins, peuvent être formulées. D'abord, il semblerait qu'elle n'oblige pas les Etats à maintenir un régime de protection qui soit supérieur à ce que la convention prévoit (95). Toutefois - et c'est le second point - cette disposition doit être lue à la lumière d'un principe plus général, «à savoir que les conventions internationales du travail fixent· des normes minima" et ,les Etats peuvent à tout moment accorder des conditions plus favorables que celles qui sont prévues par les conventions qu'ils ont ratifiées» (96). A cet égard, il a été estimé que, dans le contexte des conventions internationales du travail, (l une fois les mesures prises et un certain degré de protection [ ... ] atteint, le système existant de protection ne peut être démantelé à moins que cela ne s'accompagne de l'adoption d'un système alternatif qui accroît plutôt que diminue la protection fournie. (97). 37. On remarque toutefois dans la pratique que l'identification des éléments d'appréciation en vue de déterminer objectivement le but et l'objet d'un traité n'est pas systématiquement suivie. La C.I.J. elle-même ne précise pas clairement dans ses décisions 'comment elle a procédé pour identifier l'objet et le but des traités en cause, semblant se baser sur son intuition ou une sorte d'intime conviction (98). Elle a, même en certaines circonstances, accepté la possibilité d'une pluralité d'objets et de buts (99). (94) L'article 19, paragraphe 8 de la Constitution de l'O.I.T. dispose en effet que: ~En aucun cas, l'adopt.ion d'une convention ou d'une recommandation par la Conférence, ou la. ratificat.ion d'une convention par un Membre ne devront être considérées comme affectant toute loi, toute sentence, toute coutume ou tout accord qui assurent des conditions plus favorables aux travailleurs intéressés que celles prévues par la convention ou la recommandation •. (95) Demande du gouvernement polonais relative à l'article 10 de la Convention (n C 30) sur la durée du travail (commerce et bureaux), 1930: Bulletin officiel, vol. XVII, n C 1, l~r février 1932, pp. 48-49; demande du gouvernement suédois relative à l'article 20 de la Convention (na 57) sur la durée du tra.vail à bord et les effectifs: ibid., vol. XXIII, n 1, 10 avril 1938, pp. 34-37. (96) Voyez les travaux de la Commission de la législation internationale du travail de la Conférence de paix de 1919, qui a rédigé la Constitution de l'O.T.T.: ibid., vol. 1, avril 1919-août 1920, pp. 209-212. (97) C'est la Commission d'experts de l'O.I.T., organe indépendant chargé de la vérification de l'application des convent.ions int.ernationales du travail, qui a apporté cett.e précision: Rapport III (partie 4A), CIT, 70èm~ session, 1984, p. 270 (observation de la. Commission adressée au Canada sur la. convention (no 111) relath.e à la discrimination dans l'emploi et la profession). (98) Voyez leB a.ffaires relativeB à l'Application de la Convention de 1902 pour régler la tutelle des mineurs (Pays-Bas c. Suède), Arrêt du 28 novembre 1958 (C.I.J., Rec. 1958, pp. 68-71) et aux Activités militairtM et paramilitaires au Nicaraf!1Ul- et contre celui-ci (Rec. 1986, pp. 136-138. §§272-276 et p. 140, §280). (99) Voyez Aff. des Droits de"res8ortis,sants américain" au Maroc, op. cit. supra note 83, p.196. Q ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 619 38. Les difficultés juridiques liées iL l'interprétation de la notion de signature ne sont pas d'ampleur similaire à celle rencontrées pour la notion d'objet et de but d'un traité. Cette notion appelle néanmoins également une clarification conceptuelle. 2. - La notion de signature 39. La signature détermine le champ d'application ratione tempori8 de l'article 18 de la Convention de Vienne. En d'autres termes, l'opération de signature d'un traité désigne le moment premier à partir duquel l'obligation de s'abstenir d' actes qui priveraient un traité de son objet et de son but devient en principe opposable à l'Etat signataire. Il faudrait toutefois préciser que la signature n'est pas la seule manière pour un Etat de manifester son intention de devenir partie à un traité. Un échange de notes ou d'instruments peut également exprimer une telle intention, pour ce qui est des traités multilatéraux. L 'article 18 a été modifié en ce sens lors de la Conférence. Il a été prévu que: ',. fa.) lorsqu' il a. signé le tra.ité ou a. échangé des instruments constitua.nt le traité sous réserve de ra.tification, d'acceptation ou d'approbation [ ... ]t (l00) '! 40. La signature telle qu'entendue juridiquement dans l'article 18 de la Convention de Vienne mérite certaines clarifications conceptuelles. Elle apparaît comme un «camaïeu» car elle peut renvoyer à des mécanismes très proches les uns des autres et parfois difficilement distinguables. Tout d'abord, la signature opère de mal)ière différente lorsqu'il 8' agit de traités multilatéraux ou bilatéraux. Pour les traités multilatéraux, la signature intervient après que le texte ait été voté ou adopté par la conférence diplomatique ou l'organe plénier de l'organisation internationale (101). En revanche, les traités bilatéraux sont ell général arrêtés et authentifiés par un acte unique: la signature (102). 41. Ensuite, au sens de ]' article 18, la signature se distingue d'autres modalités prévues par la Convention de Vienne. En effet, (100) Conféren ce, deuxième session, p. 31. Voy ez notamment l'am endement proposé par la délégation polonaise: doc. off. AG :NU A/CONJo'.39/L.16, Do c. off., C.R.A., 2emo sess .. lO " m~séa.nc e plénière, p. 31. (101) La signature est parfois remplacée par (a signature du President ct du Secrétaire gênéral de la Confêrenœ. C'est la procédure suivie a.u sein de 1'0.1.'1'. (102) NO UYEl'\ Quoc DINH , A , PULET et. P . DAILLlER, Droit international pv.blie. 7 em" éd., Paris, 1•. G.D.J., 2002, p. 134, nO H . 620 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE en vertu de l'article 10 de cette Convention, peuvent être utilisés le 'paraphe. et la «signature ad referendum. ou ,signature différée». Le paraphe consiste dans l'apposition des initiales des négociateurs, et la signature ad referendum n'est donnée qu'à condition d'être confirmée par les autorités compétentes. Ces deux techniques permettent, elles aussi, l'établissement définitif ne varietur du texte du traité et son authentification. 42. Le problème est de savoir si l'obligation de s'abstenir d'actes susceptibles de priver un traité de son objet et de son but est opposable à un Etat qui n'a fait que parapher ou signer ad referendum ledit traité. En effet, aux termes de l'article 10 de la Convention de Vienne, les deux techniques ont une valeur provisoire et doivent faire l'objet d'une confirmation ultérieure. La signature à laquelle fait référence l'article 18 de la Convention de Vienne est une signature définitive. Le caractère définitif de cette signature est défini ratione personœ ou selon un critère organique en ce sens qu'elle est subordonnée à la capacité d'une autorité, d'une personne à engager son Etat, par le biais des pouvoirs qui lui sont dévolus (103). L'utilité du paraphe et de la signature différée tient justement dans le fait que le négociateur ou le plénipotentiaire ne sont pas habilités à signer mais peuvent donner au traité une solennité particulière en réservant la signature définitive à une autorité politique hiérarchiquement supérieure. 43. Une autre difficulté réside dans le fait qu'actuellement, dans le cas de bon nombre de conventions internationales multilatérales, les Etats signent l'acte final et le traité reste ouvert à la signature et à la ratification pendant une durée déterminée. Ce délai passé, les Etats peuvent adhérer au traité. Ainsi, un Etat se trouvera soumis à l'obligation de ne pas priver un traité de son objet et de son but s'il signe le traité mais non s'il ne le signe pas et se réserve le droit d'y adhérer ultérieurement (104). 44. Toutefois, dans certaines circonstances, les Etats peuvent être induits à signer un traité en raison du fait que la signature leur octroie le droit de participer à d'autres travaux susceptibles d'influer sur l'objet et le but du traité. C'est le cas, par exemple, du (103) Sir G. FITZMAURICE, Rapport sur le droit des traités, A.C.D.I., 1956, vol. II, p. 123. ~upra note 10, p. 36. (104) Ph. CAHIER, o-p. cit. ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 621 Statut de la' Cour pénale internationale adopté à Rome en juillet 1998. Aux termes de l'Acte final de la Conférence ayant donné jour au Statut, il est prévu que sera créée une commission préparatoire ayant notamment pour fonction d'élaborer des propositions concrètes concernant les dispositions pratiques à prendre pour que la Cour puisse être instituée et puisse commencer à fonctionner (105). Ces mesures comprennent notamment l'élaboration d'un projet de règlement de procédure et de preuve et d'une définition des éléments constitutifs des crimes relevant de la compétence du Tribunal. Cette commission préparatoire est notamment composée des représentants des Etats qui ont signé l'Acte final (106). Or, il est évident que les travaux entrepris par la commission préparatoire sur ces textes sont susceptibles d'influer, ou à tout le moins de contribuer à préciser, l'objet et le but du Statut et par conséquent, les futurs travaux de la Cour. On pourrait imaginer utiliser cette technique pour, d'une part, inciter les Eta·t s à signer le traité, leur permettant ainsi de contribuer à la. configuration du régime et , d'autre part, les empêcher de poser des actes qui aillent à l'encontre de l'objet et du but du traité sans engager leur responsabilité internationale 3. - Une clarification du régime de l'acceptation de8 traité8 a) La variabilité de l'acceptation 45. L'intérêt de l'article 18 de la Convention de Vienne réside principalement dans le fait qu'il offre aux Etats deux étapes dans le processus d'acceptation des traités. D'une part, l' alinéa a. de l'article 18 renvoie à une acceptation provisoire Ou «acceptation transitoire. (107) par le biais de la signature. Cette derniére ne rend pas applicable un traité da.ns l' ordre interne ma.is elle présume de la. volonté de l'Etat signataire d' analyser et d'évaluer objectivement les conditions dans lesquelles il pourrait s'engager définitivement et d' a.pprécier s'il dispose des capacités pour le faire. C'est du reste, ainsi que cela a été exposé plus haut, le système mis en place au (105) Doc. off. AC NU A/CONF.183/1O, annexe l, résolution F . paragraphe 5. (106)lbid .• paragraphe 2. D'autres Etats peuvent être invités à. a'y joindre. (l07) Dana l' affaire rela.tive aux Riserves à la Oon~ti 8ft,.. la prl vention et la répres8ion du criml!: dl!: gbtOâdl!: (op. cit. 8upra note 74, p. 28), la C.I.J. Il souligne que la signature etablit un _statut transitoire •. 622 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE sein de l'O.I.T. lorsque les Etats membres sont priés de soumettre il, leurs autorités compétentes les textes des conventions adoptées en vue d'un débat national sur l'opportunité de les ra.tifier(108). L'article 18 alinéa a) de la Convention de Vienne impose il, l'Etat signataire, dans cet intervalle de réflexion , de s'abstenir d'actes qui priveraient un traité de son objet et son but. L 'incertitude créée par cet article porte sur le point de savoir qui peut exiger l'exécution de cette obligation. Est-ce n'importe quelle partie il, la Convention de Vienne! S'agit-il des Etats avec lesquels seront ultérieurement conclus des traités particuliers! Dans cette dernière hypothèse, estce que ce sont les Etats qui, comme eux, auront signé sous réserve d'acceptation, de ratification ou d'approbation ou les Etats qui ont déjà ratifié, accepté ou approuvé (109)1 La Convention de Vienne n'apporte pas de réponses précises à ces questions. 46. D'autre part, l'acceptation prévue par l'article 18, alinéa b) de la Convention de Vienne consiste en une acceptation définitive découlant de l'expression du consentement à être lié. A partir de ce moment, l'Etat devient effectivement partie au traité. Il est tenu de s'abstenir de priver le traité de son objet et son but tant que ledit traité n'est pas entré en vigueur. Dans le cas de l'acceptation définitive, la situation est toute différente de l'acceptation provisoire puisque l'Etat a donné son consentement. Les traités multilatéraux sont de plus en plus nombreux il, exiger, pour leur entrée en vigueur, un certain nombre de ratifications et d'adhésions. Il apparaît donc normal que les Etats qui ont exprimé leur consentement il, être lié par le traité s'abstiennent d'actes qui pourraient priver le traité de son objet et de son but avant son entrée en vigueur. Lorsque les membres de la C.D.I. ont discuté de cette règle, à la. suite du rapport de Sir H. Waldock selon lequel la ratification rend l'Etat +virtuellem.ent partie au traité., ils n'ont pas mis en doute l'existence de cette obligation (110). Certains auteurs ont estimé l' hypothèse d'actes contraires à l'objet et au but d'un traité tellement exceptionnelle dans la période allant de l'expression dn consentement de l'Etat à l'entrée en vigueur du traité, qu'ils ont considéré qu'elle ne méritait pas qu'on la cite dans la Convention de Vienne (Ill). Pourtant, l'œuvre de la Con(108) Voyez $up ra , paragraphe 36. (109)J . NISOT, op. cit. &upra note 10, p. 501. (110) A.C.D./., 1965, vol. l , pp. 97-110. (Il t) Ph . CAHIE R, op. cil. .supra note lO, p. 37. ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 623 vention de Vienne dans ce domaine ne semble pas épuisée. En effet, l'article 18, alinéa b) pose un problème important: il s'agit de la possibilite d'un retrait du consentement. Ce problème se pose particulièrement lorsque le traité prévoit la possibilité de le dénoncer (112). Comme M. Yasseen, l'a fait remarquer à la C.D .I., si un Etat peut se retirer après l'entrée en vigueur, a fortiori devrait-il pouvoir le faire avant. Cependant la C.D.!. ne s'est pas attardée sur ce problème. Cette situation crée de ce fait un vide juridique à l'actif (ou au passif) de l'article 18 de la Convention de Vienne. b) Le;; limites ratione temporis de l'acceptation !' .1· 47. L'article 18 de la Convention de Vienne ne fait pas de l'obligation d' abstention une obligation ad infinitum. Le droit de rétractation de l'Etat est expressément prévu tant après la signature qu' après le consentement à être lié par un traité. i) Rétraction après la signature 48. Aux termes de l'article 18, alinéa a), l'Etat est tenu de s'abstenir: t[ ... ] tant qu'il n'a. pas manifesté son intention de ne pa.s devenir partie au traité •. Cette limite posée par la disposition présente un double flou juridique. 49. D' une part, il s'agit du flou résultant d'une thèse que la délégation française a avancée à la Conférence de Vienne pour appuyer ses inquiétudes sur la formulation de l'article 18, alinéa a) , en faisant valoir que t[ .. . ) la manière la plus claire pour un Etat de manifester son intention de ne pas devenir partie au traité est precisement de réduire à néant J'objet du tra.itê. (11 3). Or, une telle position semble, a priori, faire abstraction du principe de bonne foi dans les relations internationales (114) et pourrait s'avérer contraire au principe général du droit ,s elon lequel «nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude •. (112) Voyez les observations de la Finlande, A.C.D.I., 196.5, vol . II, p. 4-5, et des Pays-Bas, A.C.D.J., 1966. l'ol. Il, p. 359. (l13) Conférence, première session, Doc. off., C.R.A., l ~ " sess., 19tme 8., p. 109. (Il") Voyet infra, para.graphes 56 et 8uivants. 624 L. BOISSON DE CHAZOURNEB, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE 50. Le second élément d'incertitude tient au fait que l'article 18, alinéa a) ne précise pas la manière par laquelle l'Etat signataire pourrait manifester son intention de ne pas être lié par le traité. Faudrait-il une note diplomatique ou une déclaration du ministre des Affaires étrangères au Parlement suffirait-elle (115)1 En outre, on a pu affirmer que .des raisons politiques très légitimes peuvent interdire [à l'Etat] une manifestation d'intention autre que discrète, lui commander de se borner à garder le silence» (U6) . L'article 18 reste silencieux sur cette question. Ce qui pourrait faire penser que la manière de ma.nifester l'intention sera déterminée in concreto et en fonction des circonstances rencontrées par chaque Etat. 51. Dans son opinion dissidente dans les affaires du Plateau Continental de la Mer du Nord, le juge Lacbs - contrairement à. la Cour qui est restée silencieuse sur ce point - a mis en relief cette condition de la .manifestation de l'intention de ne pas être lié par un traité, qui, lorsqu'elle n'est pas remplie, implique des obligations pour l'Etat signataire dudit traité. Selon lui, . La. République fédéra.le d 'Allemagne a. signe la. Convention su r le plateau continental [ ... ). Ce fait [ ... ] ne saura.it être 8&08 influence sur les rela.tions entre cet Etat et la. Convention. Certes, il n'implique pas l'obligation de ratifier la. Convention et ne suffit pas en soi il obliger la République fédérale â. se conformer à ses dispositions. Toutefois, il implique assurément un lien entre l'Etat en question et le traité auquel cet Etat n'est pas encore partie [ ... ]. La République fédérale n'a fa.it iL a.ucun moment de déclara.tion qui puisse être interprétée comme une répudiat ion de la Convention ou co mme l'abandon de 80n intention de la ratifier. [ ... ] Tant que cette ra.tification n'a pas eu lieu, la République fédérale ne peut être cOnBidérée comme une partie à la. Convention. Il se peut en effet que le gouvernement ait changé d ' ILVis, comme oola arrive aux gouvernements, ou que le Parlement refuse en fin de compte la ratifieation . Toutefois, l'acte de signa.ture doit être examin é da.ns le contexte d'autres aetes volontaires et positifs accomplis par la Républiqu e fédérale dans ce domainet (117). Et le juge Lachs de procéder à une description et à une analyse d'actes du gouvernement allemand qui, selon lui, expriment une intention d 'être lié par la Convention sur le plateau continental après la signature de cette dernière. L'un de ces actes était la proclamation du 22 janvier 1964, par laquelle la République fédérale d'Allemagne déclarait notamment qu'elle: (115) Ph. CAHIER, op. ett 8Upra note 10, p. 36. (1l6)J . NISOT, op. d" ,",pra note 10, p. 502. (111) Afraires du Plateau ooftlintlltal dt la Mer du Nord, op. cil. 81tpra note 29. pp. 232-233. ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 625 t[... ) soumettra prochainement aux corps légÎslatifs un projet de loi d'adhésion à cette convention afin de creer la base constitutionnelle de ratification [ ... ]. Afin d'éliminer les incertitudes d'ordre juridique qui pourraient surgir dans la situation a.ctuelle, en attenda-nt l'entrée en vigueur de la Convention de Genè\'e su r le plateau continental et 8a ratification par la R épublique fédérale d'Allemagne, le Gouvernement fédéral estime nécessaire de faire dès li. présent la déolaration suivante: En faisan de l'évolution du droit international général, teUe qu'elle s'exprime dans la pratique récente des Etats et en particulier dans la signature de la Convention de Genève sur le plateau continental, le Gouvernement fédéral considère l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles du lit de 1& mer et du sous-sol des régions sous-marines adjacentes à la côte allemande, ju!:tqu'à. une profondeur de 200 mètres et - pour autant que la. profondeur des eau x sur-jacentes permet l'exploitation des ressources naturelles même au·delà de cette limite, comme un droit souverain exclusif de la. République fédérale d'Allemagne [ ... ]. (liB). L'on ne peut qu'adhérer à l'interprétation faite par le juge Lachs des actes du gouvernement fédéral allemand et de leur portée sur la valeur juridique de la signature de la Convention sur le plateau continental: tLa. proclamation du Gouvernement fédéral du 22 janvier 1964 fait donc état de l'évolution du droit international général telle qu'elle s'exprime dans la prat·i que récente des Etats et en particulier dans la signature de (a Convention de Genè\'e sur le plateau continental. Une opinion est ainsi exprimée sur le caractère et la portée du droit sur le plateau continental. Elle constitue en fait un jugement de valeur sur l'état du droit en la matière. On 19.Îsse même nettement entendre que la simple signature de cette convention, a. une époque où elle n' était pas encore entrée en vigueur, montrait que ~el-ci traduisait le droit international général. La République fédérale a considéré !:ta. propre signature comme un élément constitutif de cette preuve, en y attachant done beaucoup plus d'importance qu'on en attache nonnalement a. la signature d'instruments soumis à. ratification. Si les mots ont un sens, on ne peut interpréter ceux·là que comme 19. reoonn8.issance par la République fédérale du fl:\it que la Convention de Genève éta.it l'expression du droit internationa.l général [... ]. (119) . Les déclarations pourraient ainsi être une voie parfaite de manifestation de l'intention d'être ou de ne pas être lié par un traité (120) (118) Ibid., pp. 233 -234. (119) Ibid., p. 235. (120) Voyez l'opinion dissidente de Ga.van GRIFFITH da.ns Sentence du 2 juillet 2003, Di8putt COftc>1Jrning Ar/icl~ 9 01 t1l:>1J OSPAR Con~t!i (lrlandt c. Royaume·Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord), Cour Perma.nente d'Arbitrage, p. 71, §§l7. IS . Pa.r rapport iL la. Convention d'Aa.rhus sur l'accès iL l'informa.tion, la pa.rticipation du public au proce8llus décisionnel et l'accès il. la. justioe en matière d'environnement que le Royaume-Uni avait signé ma.is non r&tifié, l'arbi· tre Griffith Il. considéré que: .United Kingdom has maintained its intention to be bound by, and to implem en t, the obligations of the Aa.rhus Convention. Most recsntly, in its ProposaI for a Revi~d Regime for Public Access 1.0 Environmental Information, the Department of the Envi· ronment, Food and Ruul Affairs (tDEFRA.) reiterated that d'k t UK i8 committed 10 ra/i/ying "", 626 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE ou encore permettre de reconnaître des normes qui font non seulement partie du traité mais s'avèrent être également l'expression du droit international général. Seulement, un Etat qui souhaiterait que sa déclaration soit acceptée comme exprimant son intention de ne pas être lié doit a contrario et de bonne foi admettre qu'une déclaration exprimant l'intention d'être lié le soumet dès lors à l'obligation de ne pas priver le traité de son objet et de son but avant la ratification. La grande force probante qui s'attache à des documents de cette nature est difficilement contestable. Comme l'a rappelé également le juge Lachs: dl est évident que les intentions, le comportement et la politique des Etats peuvent changer, mais la valeur et le crédit des décla.rations faites par les gouvernements seraient sérieusement ébranlés si l'on méconnaissait des jugements de valeur d'une telle importance ou si l'on considérait qu'ils ne lient pas les gouvernements qui les ont émis.(121). Avant lui, la Cour internationale de Justice, dans l'affaire des Pêcheries, avait considéré que: «On ne saurait interpréter un tel la.ngage [les déclarations étatiques] que comme l'expression réfléchie d'une conception juridique [ ... h (122). 52. En aucun cas, l'on ne saurait considérer le silence comme un signe de rejet du traité en question. L'article 18 fait jouer une présomption d'acceptation d'un traité signé, présomption qui ne peut être renversée que par une preuve contraire expresse: la déclaration de l'intention de ne pas ratifier ledit traité. Accepter le silence revient à créer un flou ratione tempori8. En effet, le temps ne saurait être un alibi pour un Etat signataire lui permettant de porter atteinte à l'objet et au but d'un traité. Non seulement, il est difficile d'objectiver la période à partir de laquelle un Etat signataire peut ne plus se sentir lié par l'obligation contenue dans l'article 18 mais en plus, la pratique a démontré que parfois un Etat signataire peut attendre très longtemps avant de procéder à la ratification du traité (123). the Aarhus Convention M .saon tU po.s.sible» [ ... ] Renee, alt.hough the formaI act of ratification that would establish on the international plane the consent of the United Kingdom to bebound by the Aarhus Convention has not yet occurred, the United Kingdom's intention to treat the Aarhull Convention as a binding instrument is unequivocally confirmed. (italiques danll l'original). Disponible lIur http://www.pca-cpa..org/PDF/OSPAR%20Awa.rd.pdf (121) Affaires du Plateau continental de la Mer du Nord, op. cit. 8upra note 29, p. 236. (122) Arrêt du 18 décembre 1951, affaire des Pêcherie6 (Royaume-Uni c. Norvège), C.I.J., Rec. 1951, p. 136. (123) C'est le cas notamment dell Etats-Unis avec la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, que lell Etats·Unis ont signé en 1948 mais qu'illl n'ont ratifiée qu'en 1988. ARTICLE 18 - OONVENTiON DE 1969 627 53. Ce point de vue trouve un reflet dans la position prise par les Etats·Unis à propos du Statut de la Cour pénale internationale. Cet Etat a annoncé, le 6 mai 2002, son intention de ne pas être lié par ce Statut qu'il avait pourtant signé le 31 décembre 2000. L'Administration Bush, par la voie de son Sons-Secrétaire d'Etat pour le contrôle des armes et la sécurité internationale, a envoyé une lettre au Secrétaire général des Nations Unies précisant que les Etats-Unis n'avaient aucune intention de devenir partie au Statut (124) et qu'ils (124)Voye~ Je texte de la lettre sur: http://www.state.gov/r/pa/pra{ps/2002/9968.htm (dernièrement consulté le 1er juillet. 2005). Voyez aussi la déclaration du Se<lrétaire il la Défense, Donald Rumsfeld, sur le sta.tut de la. Cour: cEarlier toda.y, tms administration a.nnounood the President's decision ta formally notify the United Nations that the United St-a.t.es will not beoome a. party to the IntemaHonal Criminal Court treaty. The V.S. declarntion, which was delivered to the Secreta.ry General this morning. efTectively reverses the previous U.s. govemment deeision to beoome a. signatory. The lCC's entry ioto foree 00 July lat means that our men and women in uoiform - 811 weil as current and future U.S. officiais - cou Id be at riBk of prosecution by the .CC. We inl.end to make dear, in several waya, t.hat the United States rejects the jurisdictional claims of the ICC. Tbe United States will regard &s iIIegitimate any attempt by the Court or State parties t.o the treaty to 8I!sert tbe ]00'11 jurisdiction (wer American citizens. The U.S. has a number of serious objeetions to the ICC - among them, the lack of adequate checks and balances on powers of t-he IOe prosecutors and judges ; the dilution of the U.N. Security Council' s authority over international criminal proseoutions; and the lack of an efTecth'e mechanism ta prevent politicized prollecutions of American service me mbers and officiais. These flaws would be of cancern at any time, but they are particularly troubling in the midst of a difficult, dangerouB war on terrorisffi. There is the risk that the ICO could attempt ta assert jurisdiotion over V.S. service members, as weil as cirilians, involved in counterterroriat and ather military operat.ions - somet.hing we cannot allow. Natwithstanding these objections ta the trcaty, the United States respects the decision of thase nationll that have chosen to join the TCe. But they, În toUrD, will need ta respect our decision not to join the IOe or toplace our cit· izens under the jurisdiotion of the Court. Unforlunately, the ICC will nat rCflpect the U.S. decision to s1:.8.y out orthe treaty. To the contrary, the ICC provisions olaim t.he authority to detain and try American citizens - U.S. soldien, sailors, airmen and Marines, as weil Ils curreot and future officiaIs - even though the United States bas not given its coment to be bound by the trea.ty. When t·he TOC treaty enten! into faree this summer, U.S. citizens will be exposoo to the nsk of prosecution by a courl tbat is unacoountable to the American people, and that hae no obligation to re:e:pect the constitutional rights of our citizens. Tbe United States understandably finds tbat troubling and unac· ceptable. Clearly the uiste nce of an International Criminal Court, which attempts to claim jurisdiction over our men and women in unifonn stationed around the world, ,,'ill neeessarily complicate U.S. military cooperation .,.ith countries that are partiftl to the tOC treaty - because thœe countries may now incur a treaty obligation to hand m·er U.S. nationals ta the court, et"en ot"er U.S. objec· tions. The United States would consider any sucb action ta be iIIegitimate. We obviously intend ta 1woid such actions. Fortunately t-here may he mechanisms within the trtaty by which we can work bilatemlly with fri ends and allies, to the extent t.hey are willing. ta pre\'ent the jurisdiction of the treaty and thus &\Toid complications in our military cooperation. Obviously, Countries that have not· ratified the treaty would be under no such obligation to oooperate with t·he court. By putting V.S. men and women in uniform at risk of politicized prosooutions, the ICC could well creste a powerful diaincentive for U.S. military engagement in the world. If so , it could be El- recipe for iaolationism 90rnething that would be unforlunate for the würld, glven that our country ie committed to engage· ment in the world and ta contribut.ing ta a more peaceful and stable world . FOr a atrong deterrent, it is critieal that. the U.S. be learung fot'ward, not back. We muet be ready to defend our people. our interestB , and our way of life. We have an obligation ta protect our men and women in unifürrn from th.is court and to presen'e America's ability ta rtmain engaged in the world. And we intend to do SO.f (disponible sur http://www.defenselink.millnews[May2002jb05062002_bt233·02.html[dernièrement consulté le I~r juillet 2005]). 628 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE estimaient en conséquence qu'aucune obligation juridique n 'était née de la signature intervenue plus d'une ,mnée auparavant. Cette déclaration reflète peut-être les craintes de cet Etat que son silence puisse permettre de lui opposer le fait que certaines des mesures entreprises par lui, depuis la date de la signature, vont à l'encontre de l'objet et du but du traité et contreviennent, de ce fait, à l'obligation édictée à l'article 18, alinéa a) de la Convention de Vienne. . ii) Rétraction après avoir exprimé le consentement à être lié 54. Pour ce qui est du consentement à être lié par un traité, l'article 18 alinéa b) stipule que l'Etat doit s'abstenir d'actes susceptibles de priver un traité de son objet et de son but, lorsqu'il a exprimé son consentement à être lié par le traité . [ .. . ) da.ns la. période qui précëde l'entrée en vigueur du t.raité et il. condition que celle-ci ne soit pas indûment retardée ... Ici , la principale incertitude juridique porte sur la durée de l'obligation d' abstention. C' est pourquoi, durant la Conférence de Vienne, un amendement conjoint de l'Argentine, de l'Equateur et de l'Uruguay, proposait de fixer un délai de douze mois (125). La C.D.!. avait quant à elle proposé un délai de dix mois avant de convenir qu'il faudrait laisser s'écouler un «délai raisonnable» avant que ne s'éteigne l'obligation d'abstention. Certains auteurs ont critiqué vivement le critère du retard dans l'article 18 alinéa b). Selon M. Nisot: .n n'est pas extraordinaire que plus d'une année s'écoule entre la clôture des négooiations dont est issu un traité et son entrée en vigueur. Entre-temps, l'Eta.t qui ft, ratifié, accepté ou approuvé se trouve , du fait de J'alinéa b) de J'artiole 18, sous le coup d 'une obliga.tion dont il ne oonna.it ni l'étendue réelle ni la. durée. 1) pâ.tit de son zèle. (126). Cette incertitude qui caractérise l'article 18, alinéa b) conduit à penser que l'appréciation du caractère indu du retard relève en grande partie de l'appréciation de chaque Etat. III. - EFFETS .TURIDIQUES DE L ' ARTICLE 18 , ALINÉA A) 55. L'article 18 alinéa b) de la Convention de Vienne semble, aux yeux de certains, constituer un pléonasme juridique. En effet, per- (125) Doo. AG NU A/CONF .39/C.l/L. 131. (126) J. NJSOT, op. cil. &'Upra note 10, p. 502. ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 629 sonne n'oserait contester la validité et même le caractère de règle du droit international coutumier, à l'obligation de ne pas priver un traité de son objet et de son but une foi s exprimé le consentement à être lié par ledit traité. Ainsi, certains auteurs ont donc considéré inutile d'intégrer une telle disposition dans la Convention de Vienne. Même si cette opinion peut être fortement relativisée si on prend en compte, comme il a été vu, les problèmes juridiques liés à la question de l'acceptation définitive d'un traité, il demeure exact à bien des égards que c'est l'interprétation de l'article 18 alinéa a) de la Convention qui pose des problèmes. Tant la valeur de l' obligation qui en résulte (1) que les sanctions de la violation de l'article 18 alinéa a) (2) se heurtent à toute t e ntative de systématisation juridique. 1. - A propos de la réalité de l'obligation .. 1 1 L 56. L'article 18, alinéa a) de la Convention de Vienne n'est pas une zone ou un champ de non-droit qui tendrait à faire de cet article une disposition vide de sens. Il est encore moins un terrain de contre-droit qui viendrait perturber ou .s'écarter du droit international commun> (127) en m atière de traités. Il participe d ' un souci réel: celui de la bonne assise du principe de bonne foi dans les relations internationales. L'obligation contenue dans l'article 18, alinéa a) ne peut être isolée juridiquement du principe de bonne foi. En d'autres termes, la reconnaissance de la bonne foi comine principe général de droit entraîne par ricochet la reconnaissance des règles qui .permettent sa· mise en œuvre effective et efficace. L ' article 18 alinéa a) est l'un des moyens de mettre en œuvre le principe de bonne foi dans les relations conventionnelles. Son introduction dans la Convention de Vienne en fait une véritable obligation juridique et non pas une simple obligation morale (128). 57. Selon la conception ancienne en droit international, le traité obligeait les parti es dès la signature car la ratification ressortissait (127)Jbid., p. 503. (128) Comme l'ont aJfirmê certains, tels que le RaTv{Jrtf, R ~6 eaTch in Intent/1/ÎOtial Law qui, dana 80n commentaire de projet de convention sur les traités, estime qu'il ne faut pas voir dans l'obligation de l'Etat signataire ta legaJ dut Y, e.g., a duty under internationallaw » mail une obli- gation tef good faith merely, for which there is no JegaJ aMction •. Voyez Supplêment., A.J.l.L., vol. 29, nO "" pp. 781 ct 787. 630 L. BOISSON DE CHAZOURNES , A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE d'un devoir et non d'une discrétion (129). Un exemple illustrant la doctrine ancienne quant à l'effet de la signature est souvent cité: En 1903, la. Colombie refusait de ra.tifier le Traité Hay-Herran qui accordait aux Etats-Unis d'Amérique le droit de construire un canal â. travers l' isthme de Panama faisant alors partie du territoire colombien. Le secrétaire d' Etat américain Ha.y, écrivant a.u Général Reyes , s'exprimait comme suit: «The tWQ Governments, in agrceing ta the trea.ty through their dul)' authorized rep~n ­ tatives, bind themselves, pending its ratification, not only·not to oppose its consummation, but 81so to do nothing in contravention of its termSi (130). 58. Cette conception ancienne était représentée par deux théories dominantes: d'une part, la théorie du mandat calquée sur le droit privé et postulant une obligation de ratifier (131); d'autre part, la tbéorie de l'effet rétroactif de la ratification en vertu de laquelle la signature est une source ordinaire d'obligations dans le sens que «le traité engageait dès sa signature sous une espèce de condition résolutoire revenant à la ratification. (132). 59. L'article 18 de la Convention de Vi enne opère une distinction nette entre la pbase de signature et la phase de ratification. De jure et de facto, la signature est autonome et induit une ou des obligations spécifiques. 60. La signature d ' un traité induit bien une obligation juridique de comportement aux termes de l'article 18 de la Convention de Vienne. Il est vrai qu ' à l'échelon des relations internationales, la portée de l'obligation est plus délicate à préciser. Aux termes de l'article 18, d'Etat doit s'absteni... Comme l'explique Jean-Pierre (129) Comme l' explique R. Km,B, fla rat.ifioation n' est qu'un acte subordonné ayant effet rétroaotif., op. cil. ffUpra 27, p. 185. (130) Paper" on ,h ~ Forei(Jn Rdationll of the United Statu. vol. 44, 1903, p. 299 cire par R. KOLR, op. àl. 8Upra not-e 27, p. 185. L' auteur cite, dans la même perspective, le rapport de ]'Atlorney-Oe1Wltal et du Qu~en '8 Advowle du Royaume-Uni en date du 15 mai l851, rédigé il. propos d'un traité octroyant une constitution aux îles Bay dont la ratifica.tion par le Honduras faisait encore défaut. Solon R. Kolb, ~les auteurs s'inspirent d'une doctrine d'effet rétroaotif de la ra.tification: ~Th&t Altho' the Convention bctween Her Maj esty and the Rcpublic of Honduras ha.a Ilot yet been ratified , yet the ratifications, when exchllnged , will relate bllck 1.0, and oonfirm the Convention [ .. . ). No ACt can in the mea.ntime be properly done by H er M.ajesty, whilst the ratifioation of the Treaty is under consideration, which may a.~ al! affeot any of the stipulations of the treaty [ ... ]t; ibid., p. 186. (131) Voyez Harvard Drall, pp. 770 et 8uiv .; voyez également R. KOLB, op. cit. 8upra note 27, p. 185. (132) Voye1. J .M. JON.K8. op. cil. 6U.pra note 12, pp. 66 et Buil>" .: .!le rêfèrcr aussi il. la. plaidoirie de p, DF. VISSCH.ER, affa.ire d e 1& SfltnC~ a1"bitrl~ rendue pa' le Roi d 'E, pagne It 23 dÙ~1Itb,e 1906, op. cil. 8up,a note 28, pp . 161·162. ARTICLE 18 ~ CONVENTION DE 1969 631 Cot, (Ion ne demande pas aux gouvernants une action positive» (133). 61. Dans l'affaire Iloilo cette obligation d'abstention avait été mise en exergue. En l'espèce, entre la signature et la ratification du traité du JO décembre 1898, portant cession des Philippines par l'Espagne aux Etats·Unis, les insurgés philippins créèrent nombre d' incidents qui lésèrent des intérêts britanniques. Les troupes amé· ricaines n'occupèrent Iloilo que bien après l'évacuation des troupes espagnoles, et ne purent empêcher l'incendie de la bourgade par les insurgés. A la Grande·Bretagne, qui mettait en cause la négligence coupable du gouvernement américain , la Commission mixte anglo· américaine répondit que les Etats·Unis «n'avaient. aucune obligation d'étendre leur contrôle sur Iloilo , que cc fût en vertu du traité en instan ce de ratification ou d ' une autre source de droit. (134). 62. C'est cette thèse qui est reprise par l'article 18 de la Conven· tion de Vienne qui pose seulement une obligation d'abstention. On peut regretter un tel contenu en ce sens que la bonne foi devrait parfois obliger les Etats à agir positivement pour préserver l' objet et le but du traité envisagé. 63. Trois questions majeures relatives aux limites et à la portée de l'obligation d'abstention se posent. Premièrement, l'obligation d' abstention est·elle antinomique d'une ,mise en œuvre anticipée ou provisoire» du traité! Il semble qu'en vertu ·du principe de l'auto· nomie de la volonté, les parties peuvent décider d'appliquer une convention avant sa ratifica.tion, aux modalités convenues par elles (135). La pratique internationale offre des exemples de situa· tions dans lesquelles un traité signé mais non encore entré en vigueur a fait l'objet d' une application provisoire afin de préserver l'objet et le but du traité en question. Ce fut le combat des EtatsUnis à propos de la Convention sur le droit de la mer. Selon la Foreign Affairs Division, .Three years of prepa.ratory meetings were required before the Conference could convene , and it may be necessary to hold more than one substantive (133) J.-P. eûT, op. cil. 8upra note 15, p. 155. (134) A.D. Mc NAIR, The Law of TreatiM, Oxford , 1961, p. 201. (135) Sur ce point, consulter le commentaire de l'arti ole 25 de la Convention de Vie nne, au sein du present ouvrA-ge. Voyez P. PICONE, L'applita:ione in \lia pro!Jvi8oria degli OCCQrdi i1lternazionali, Naples, E. Jovene, 1973 ; D. VIGNE S, . Une notion ambiguë: La mise en appli cation provisoire des t.raitês., A.F.D .J., 1972, pp . 181 et 8uiv. 632 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE negotiating session before final agreement is reached. Beyond that time, the process of national ratifications could delay implementation of the treaty even further. In t,he meantime, the nccd increases for an internationally accepted system for orderly use of the oceans ... Ethere is a] calI for the establishment of a new international order in the oceans at the earliest possible date. Accordingly the United States has proposed that the t,reaty articles on the deep seabeds and fisheries be applied provisionaUy without waiting until complet,ion of the national ratification process for the ocean treaty as a whole. If the Law of the Sea Conference produces a treaty that accomodates the Întercsts involved, provisional application eould serve to settle eurrent and ineipient disputes among nations, enable international law to keep up with deep sea mining t,eehnology, and alleviate the plight of fishermem (136). J La pratique américaine témoigne d'autres exemples d'application anticipée. Tel a été le cas du GATT ou encore de l'accord relatif à la Conférence des Nations Unies sur le blé (137). 64. Ces exemples tirés de la pratique conventionnelle internationale démontrent que l'article 18 de la Convention de Vienne pourrait développer une fonction purement préventive qui tendrait à permettre aux Etats signataires d'une convention internationale, soit unilatéralement soit ensemble, de mettre en œuvre certaines dispositions fondamentales de ladite convention en attendant son entrée en vigueur et cela en vue de préserver son objet et son but. La mise en œuvre anticipée ou provisoire de ces dispositions empêche qu'il soit porté atteinte à l'objet et au but du traité en question et oblige l'Etat qui ne veut pas appliquer provisoirement le traité à manifester clairement son intention de ne pas être lié par le traité. Loin d'être antagonistes, l'article 18 et l'article 25 de la Convention de Vienne - ce dernier traitant de la question de l'application provisoire -, sont au contraire complémentaires (138). (136) l.L.M., 1974 p. 455. (l37) Ibid" pp. 407·460. (138) Nous ne partageons pas l'avis du Conseiller juridique adjoint du département d'Etat américain, Mark B. Feldman qui, en réponse a la quest.ion d'un sénateur qui s'interrogeait sur les liens entre l'application provisoire et l'obligation pour un Etat de ne pas prendre d'action a l'encontre de l'objet et du but d'un traité avant la ratification, a considéré qu'il n'y avait pas de lien direct entre les deux: ~Ther is no direct relationship between provisional application and the obligation of treaty partners not to take actions prior to ratification that would defeat the object and purpose of the treaty. Provisional application meanB that treaty terms are applied temporarily pending final ratification. The obligation not to defeat the object and pm'pose of the treaty prior to ratification could, in theory, necessitate pre-ratification application of provisions, if any, where non-application from the date of signature would defeat the object and purpose of the treaty. Such provisions are ra.re. In the majority of cases the obligation not to defeat the object and purposes of the treaty means a. dut y to refrain from taking stepe that would render impossible future application of the treaty when ratified. Both provisional application of treaties Fl ~ . 1; ~- ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 633 65. La deuxième question porte sur l'obligation d'abstention. Cette dernière est-elle compatible avec l'obligation de prendre des mesures positives en faveur du traité en cause? Selon R. Kolb, .la bonne foi n' interdit que la mise en échec de la substance d ' un traité. Elle ne peut commander une action alors qu'on ne sait pas si le traité entrera jamais en vigueu ... Cette vision rejoint de près la jurisprudence ancienne qui consacre le caractère .abstentionniste. de l'obligation contenue dans l' article 18 de la Convention de Vienne. Ainsi , les Etats ne sont tenus qu'à une obligation de ne pas faire et non il. une quelconque obligation de faire. C' est ce qui ressort de l'affaire des Répandions allemandes dans laquelle l'arbitre a approuvé la position allemande quant il. l'aliénation de certains biens : .Le Gouvernem ent allemand reconna.ît que ce serait contra.ire à. la. bonne foi si, après la aigna.ture, il avait pris des mesures quelconques pour faire passer les droits et intérêts allemands en mains non allemandes. Mais il conteste qu'il fût obligé de l'empêcher et de saisir, avant l'entrée en \'igueur du Tra.ité ( ... ] lcs droits et intérêts en question. (139). La pratique diplomatique s'inscrit dans la même logique comme le reflète cette affirmation de l'Ambassadeur américain Richardson: dntemational Law imposes no obligation upon a signatory ta a treaty ta comply with its tenns priar ta cntry into force with respect to that signatory, other tha.n the obligation in good fllitb to refra·in From a.cts which would defea.t the object and purpose of the treatp (l40). 66. Si le principe demeure qu'en vertu de l'article 18, la signature induit essentiellement une obligation d ' abstention, il se pourrait, dans certains cas, en droit international, que la signature génère une obligation de prendre d es mesures positives en faveur du traité en cause, à tout le moins pour assurer le statu quo par rapport aux conditions prévalant au moment de la négociation (141). La doctrine et and the obligation not to defest the object and purpose of treaties prior to ratification are recognized in customsry international law , in ~he Vien na Convention on the La.w of Treaties ., A.J .I .L., 1980, p. 933. (139) R.S. A_ , vol. l , p. 522. (140) M. NASH LEIOIi. op. oit. supra note 52 , p. 692. (141) M . Lachs avait des inquiêt udes allant dans le même sena : ,[ ... ] il faudrait examiner l'bypothèse suivante : dix Etats aiguent un traitê de désarmeolent en 1965 et assument une obligation aux termes de l&quelle ils décident de Muire leurs forces armées d'un tiers, le traité devant entrer en vigueur le 1er janvier 1966. Dans l'intervalle, J'une des parties accroît les effectifs de ses forces années durant les mois restants de l'annêe 1965. Suffit-il de dire que l'Etat doit s'abstenir de tout acte par l'effet duquel l'objet du t.raitê serait réduit à. nêant ? Ne (a.ut·jl pas admettre que les Etats Rignataires sont t enus, en J' absenoe d ' une dispoRition expreRse en la. mlitière, de maintenir Je statu quo de ma.niére à. ne pas rendre nulle la. presomption qui est à. la base même de J'accord 1[ ... ]" A.C.D.I. , 1965, vol. J, 789· 'M seance, p. 108. 634 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE la pratique jurisprudentielle et diplomatique précitées apparaissent à cet égard en déphasage avec l'évolution et les nouveaux défis auxquels 'est confronté le droit international, notamment en matière d'anticipation. Le droit international de l'environnement peut nous servir à nouveau d'exemple car, dans ce domaine) l'on fait face à l'irréversibilité. Imaginons, par exemple, un traité de protection des espèces menacées et de lutte contre le commerce d.e celles-ci comme la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) (142). Un Etat signataire d'un tel traité serait-il légitimé, au nom de l'obligation d'abstention, de laisser continuer la capture, la chasse et le commerce de ces espèces menacées sur son territoire nationa11 Nous ne le pensons pas car, par cette abstention, l'Etat signataire qui n'a pas encore manifesté son intention de ne pas être lié par le traité, prive de facto le traité de son objet et de son but qui est la sauvegarde des espèces menacées. Si l' Etat laisse perdurer ces agissements jusqu'à la ratification du traité, certaines espèces peuvent disparaître et l'entrée en vigueur future du traité ne pourra en aucun cas restaurer ou faire t1resBusciter:+ les espèces disparues. Le traité aura alors été largement privé de son objet et de son but au nom du .droit de s' abstenir>. Le phénomène de l'irréversibilité exige qu'un Etat signataire d'un traité international anticipe non pas dans le sens d'une application provisoire du traité - quoique cela puisse être une solution - mais dans le sens de la mise en œuvre proprement-dite de l'article 18. L'abstention peut commander une action positive, c'est-à-dire l'adoption de mesures visant à prévenir que le traité soit dénué de son objet et de son but fondamentaux, sans toutefois que l'Etat procède à une application stricte et précise des obligations contenues dans ledit traité. 67. On le saisit, l'article 18, de lege tata comme de lege feranda, pourrait signifier pour des Etats signataires qu'ils sont tenus' de prendre des mesures positives en faveur du traité en cause. L'objet et le but d'un traité donné peuvent insuffler une telle orientation à la signature. 68. La troisième question porte Sur le fait de savoir si l'obligation d'abstention peut aller de pair avec celle de soumettre l'instrument (142) Voy ez texte de la Convention in L . BQISBOI>' de CHA ZOURNES , R . DESQAONt et C. ROMANO , op. cil. &upra note 90, p. 170. j ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 635 signé aux autorités constitutionnellement compétentes en vue de la ratification (143). Dans cet esprit, d 'après la thèse avancée par Oppenheim et Lauterpacht, l'obligation qu' énonce l'article 18 obligerait au moins l'Etat signataire à soumettre l'accord aux a utorités compétentes nationales pour autoriser la ratification (144) . Bieu que la Constitution de l'O. I.T. soit antérieure à la Convention de Vienne sur le droit des traités, elle fournit une illustration intéressante en ce sens, offrant une voie juridique de concrétisation de l'obligation pour un Etat signataire de ne pas priver un traité de son objet et de son but. Aux termes de la Constitution de l'O.I.T. , nous l'avons v u , les Etats membres s'engagent à so umettre, dans un délai imparti , les conventions adoptées p ar l'Organisation aux autorités dans la compétence desquelles entre la matière en vue de les transformer en loi ou de prendre des mesures d'un autre ordre (145). La bonne foi ressort bien de l'article précité de la Constitution de l' O.I.T., en ce sens que chaque gouvernement membre de l'O.I.T. est tenu de présenter l' instrument en question aUx organes internes compétents en vue de sa ratification. En outre, un délai précis est fixé pour faire part du résultat de cette consultation interne. Aucun Etat membre ne saurait priver la convention internationale du travail concernée de son objet et de son but tant qu 'il n'a pas manifesté son intention de ne pas être lié. La Constitution de l'O.I.T. va d'ailleurs plus loin que l'article 18 dans la portée de l'obligation. Dès l' adoption d'une convention par l'O. I.T. , tous les Etats membres, qu'ils aient voté ou non en faveur de l'adoption de ladite convention) sont tenus de la soumettre à leurs autorités internes compétentes en la m atière. L ' interaction entre la Constitution de l'O .I.T. et l'article 18 de la Convention de Vienne tient d ans la relation entre l' obligation de ne pas priver une convention internatio(143) Dans le projet d'a rti cles relatif au droit des traités soumis il. la. C.D. 1. en 1953, Sir H. Lauterpacht ajouta. à. l ' obl i g a~ion de ne pas priver un t raité de Hon objet et. de son but, l'obljgation de sou mission des inst rumentH signés. L' article 5 (2) (a.) du Projet prévoyait. que la lIigna.ture d' un trAite entraine "obliga.tion de bonne foi _de soumettre l' inlltntment a ux autoritéll cons· titutionnelles compétentes a.fin qu'elles J'exa.minent en vue de 88. ratification ou de BOn rejet. ( ... ]t, voyez le Rapport sur le droit des traités par Sir H . LA UTKRP ACHT, A.O. D.I., 1963, vol. Il, pp. 108 et suiv. Les raisons principales qui ont conduit Lauterpacht à. développer une telle idée sont qu'mn équilibre équi t,abJe entre les droits et les devoirs issus de la signa.ture appelle l'obli· gation postulée [ ... ] Puisque la. signature du texte confere certains droits, il est nécessaire qu'il existe une contrepartie de devoirs. et qu'_( ... ] il ne den ait pas être permis li. un Et.at de se corn· porter vis"à.-vis d'un traité aigné [ ... ] tas if it had no concern with itl. (144) L. OPPENHEIM (H . LAUTKRPACHT éd.), op. dt. 8up ra note 13, vol. I, p. 890. (I45)Article 19.5 bl de la Constitution de l'O. I.T., à l'ad resse: http://,,"ww .ilo.o rgjpublic! frcneh jabout/iloconst..htm (consulté le jer juillet 2005). 636 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.- M. LA ROSA ET M.M. MBENGUE nale du travail de son objet et de son but (telle que stipulée par l'article 18) et l'obligation de manifester son intention de ratifier ou de ne pas ratifier ladite convention au terme d'une période donnée (telle qu'exposée par la Constitution de l'O .I .T .). Ainsi, le vide juridique créé par l'article 18 de la Convention de Vienne sur le mode d'expression de l'intention de ne pas devenir partie au traité et sur la période pendant laquelle devrait s'exprimer ce.tte intention aux fins de transparence juridique, est clairement comblé par la Constitution de l'O.I.T. Mais, en sens inverse, la Constitution de l'O.I.T. dévoile une autre limite de l'article 18 alinéa a) de la Convention de Vienne : c'est la limitation de son champ d'application aux Etats signataires ou ayant échangé des instruments constituant un traité. L'interprétation des termes de l'article 18 alinéa a) laisse penser que la simple adoption d 'une convention dans le cadre d'une conférence internationale ne crée pas d'effet juridique opposable à un Etat, alors que dans le cadre de l'O.I.T., l'adoption d'une convention crée une obligation minimale pour tous les Etats membres de l' Organisation. Il serait raisonnable de penser de lege feranda que l'application de l'article 18 alinéa a) s'étende également aux Etats qui ont voté en faveur de l'adoption d' une convention, et non pas seulement aux signataires d 'un traité, cela afin de ne pas exclure du champ d'application de l'article d'autres modes d'acceptation provisoire notamment un vote positif lors d'une conférence internationale (146). Cela p ermettrait également de consolider le principe de bonne foi dans les relations internationales. L'idée serait d'aboutir, (J46) Voyez l'opinion de Sb. ROSKNNE: .[ ••• } Je Ra.pporteur spécia.l "" peut-Hre fai t une erreur en prenant la signature oomme point de départ pou r fai re jouer l'obligation, car il est Bouvent prévu dans les conventions multilatérales que les partic8 originaires peuvent. ohoisir entre la signature suivie de ratification et l'adhésion sallB signature, les deux procédures étant mises sur le même pied. [... 111 faudrait dire que l'obligation incombe aux Etats qui se sont déclarés ouver· t ement en faveur de l'adoption du traité. Au CO Urll de la négociation d'une convention multila· , et ils ne s'en font pal faute, voter contre certaines clauses ou certains térale, les Eta.ts peu~·nt articles, mais à. la fin des t ravau x, il est rare que les pa.rticipants votent cont re J'ensemble du lexte: la pratique la plus courante est de s' 3bstenir ; or, & moins qu' il ne soit procédé â. un ..ote par appel nominal, il peut n'être pas toujou rs mat ériellement possible de determiner quels Etats se sont effectivement abstenu s. Vu que la. pratique de l' adhésion sa.ns signature Be repand de plus en plus, il semble que ri en ne justifierait que l'on fit reposer l'article sur la procédure classique de la signature suivie de ratification [ ... 1. Un autre inconvénient de la méthode qui consiste à donner cette importance prééminente à la signatu re et à. ses conséquences tient & ce fait que cer· tains traités ne sont pas signés, mais authentifiés seulement, comme c'est le cas pour lcs conventions int.ernationales du t ravail , ainsi que de la recente Convention pour le règlement des diffé· rends relatifs aux invest.isse mellts entre Etats et. nationa.ux d'autres Eta.ts, éla.borée par la Ba.nque interna.tionale de reco nstruction et de développement ... • , A.C.D.I. , 1965. vol. J, 788im"scssioll, p . 10 1. ARTICLE 18 - CONVENTION DE 1969 637 dans le cadre de la rationalisation du droit des traités, à la confirmation d'une obligation de ne pas priver un traité de son objet et de son but dès la phase de conclusion de la négociation et de paraphe d'un traité, ainsi que de préciser les conditions de forme et de fond de mise en œuvre de cette obligation. A l'heure actuelle, il ne g' agirait pas d'un développement impromptu du droit international mais plutôt d' un développement durable de ce dernier. 2 . - Sanctions du non-respect de l'obligation énoncée à l'article 18, alinéa a) 69. La violation de l'obligation contenue dans l'article 18, alinéa a) doit pouvoir, conformément au droit international général, engager la responsabilité de l'Etat signataire d 'un traité. La frontière entre l'obligation morale - en se plaçant dans l'hypothèse selon laquelle l'article 18 alinéa a) serait une règle morale - et l'obligation juridique n'est pas aisée à établir. Toutefois l'introduction d' une règle morale dans le droit positif interne ou international confère à cette règle tous les caractères et toutes les conséquences de la juridicité. 70. En réalité, là n'est point le vrai débat. L'un des soucis de la C.D.I., en plus de la codification, était celui du ,développement progressif du droit international>. L'article 18 participe de cette symbiose entre ,l' existant. et le , souhaitable., la , tradition; et la ,modernisation. en droit des traités, l'objectif étant bien évidemment la consolidation du droit international. 71. Dans la perspective de sanction de la violation de l'article 18, il peut être difficile d'établir la responsabilité de l' Etat signataire ou de celui qui a exprimé son consentement à être lié. Faut-il que les actes tendant à priver un traité de son objet et de son but soient analysés in concreto , c'est-à-dire qu'ils soient ca·ra·ctérÎsés par un élément subjectif, intention ou mauvaise foi j Ou, au contraire, suffitil de qualifier le résultat objectivement (in abstracto) j 72. L'a.rticle 18 pourrait permettre de battre en brèche des incertitudes juridiques du droit international applicable aux traités. En effet, on pourrait imaginer se référer expressément - ou même implicitement - à cette disposition en vue de produire des effets préventifs, soit en incitant les Etats à signer les traités et, de ce fait , 638 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET MBENGUE ~l.M à les obliger à ne pas priver ces instruments de leur objet et de leur but, soit en prévoyant leur application provisoire. En outre, l'on pourrait certes se fonder sur cet article aux fins d'exiger des Etats qu'ils prennent des mesures spécifiques entre le moment de la signature et celui de la ratification. Ces mesures pourraient comprendre notamment la présentation des textes adoptés aux autorités nationales compétentes en vue de susciter un débat d", fond sur l'opportunité de leur ratification et l'obligation de faire rapport sur ces mesures. L'on baliserait de ce fait l'obligation prévue à l'article 18. Ces aspects n 'épuisent pas la matière. Il ressort clairement que l'article 18 peut offrir, dans le contexte du développement progressif du droit international, des voies d'exploration afin d'améliorer l'effectivité et "efficacité des traités internationaux. LAURENCE BOISSON DE CHAZOURNES, PROFESSEUR À LA FACULTÉ DE DROlT DE L'UNIVERSITt DE GENÈVE, DIRECTRICE DU DÉPARTEMENT DE DROIT INTERXATIONAL PUBLIC ET ORGA.:NIS ATION INTERNATIONALE ANNE-MARIE LA ROSA CONSEILLER JURIDIQUE, COMITÉ INTERNATIONAL DE L.'\ CROiX-ROUGE (C.Le.R.), GENÈVE ET ?1AKANE MoïSE MBENGUE ASSI STANT D'ENSEIGNEMENT ET DE RECHERCHE À LA FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ DE GENÈVE CONVENTION DE VIENNE DE 1986 ARTICLE 18 OBLIGATION DE NE PAS PRIVER UN TRAITÉ DE SON OBJET ET DE SON BUT AVANT SON ENTRÉE EN VIGUEUR « Un Etat ou une or~anist internationale doit s'abstenir d'actes qui priveraient un traité de son objet et de son but: a) lorsque cet Etat ou cette organisation a signé le traité ou a échangé les instruments constituant le traité sous réserve de ratification, d'un acte de confirmation formelle, d'acceptation ou d'approbation, tant que cet Etat ou cette organisation n'a pas manifesté son intention de ne pas devenir partie au traité; ou b) lorsque cet Etat ou cette organisation a exprimé son consentement à être lié par le traité, dans la période qui précède l'entrée en vigueur du traité et à condition que celle-ci ne soit pas indûment retardée. » L'article 18 de la Convention de Vienne de 1986 reprend de façon substantielle les t ermes de son homonyme de la Convention de 1969 en prenant en compte la situation des organisations inter· 640 L. BOISSON DE CHAZOURNES, A.-M. LA ROSA ET M.M. "BENGUE nationales comme signataires ou parties potentielles à un traité international. LAURENCE BOISSON DE CHAZOURNES, PROFESSEUR À LA FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVEJU)ITÉ DE GENÈVE , DIRECTRICB DU DtPARTEMENT DE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ET ORCANISATION INTERNATIO:SALE ANNE-MARIE LA ROSA CONSEILLER JURIDlQUE, CoMITÉ INTERNATIONAL DE LA CROIX -ROUGE (C.I.O.R.), GENÈVE ET MAKANE MOïSE MBENGUE AssISTANT D'ENSEIGNEMENT ET DE RECHERCHE À LA FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ DE GENÈVE