VERS UNE NOUVELLE CITOYENNETE
Docteur Lionel Comte
Extrait de « LE REENCHANTEMENT DU MONDE » - ouvrage collectif - Publisud - Paris - 1993
INTRODUCTION
Si les principes de l'Humanisme transcendent le temps et l'espace il semble que ses modalités
d'application soient au contraire assujetties aux contingences de l’époque. C'est probablement la
raison pour laquelle certains à certains moments critiques de l'Histoire une véritable actualisation de
l'Humanisme paraît devoir s'imposer.
" Il y a crise dans une société quand l'écart entre l'individu et le citoyen se creuse" écrivait Maurice
Merleau-Ponty dans les années 1950.
Un demi-siècle plus tard il ne paraît pas exagéré d'affirmer que s'il y a un constat sur lequel un
consensus se dégage dans notre société c'est celui d’une crise profonde et affectant tous les domaines.
Les explications et analyses ne manquent pas ; certains voient la cause de cette crise dans le choix de
telle ou telle option économique, d’autres dans la disparition de ce que la conscience collective
appelle "les valeurs", ou encore tout simplement une "crise de confiance" ; confiance en qui, en quoi,
nul ne le dit. Mais derrière ces manifestations ou ces prétendus diagnostics quel est le dénominateur
commun si ce n'est l'Homme : vous, moi, chacun de nous.
Car enfin, au-delà de nos différences, au-delà de ce qui fait nos individualités, nous sommes
tous, en tant qu'êtres humains, soumis à des systèmes de réponse communs ; qu'ils soient d'ordre
physiologique, psychologique ou comportemental.
Partant de ce fait, nous allons tenter sur la base de mécanismes reconnus, en l'occurrence ceux
du stress, de proposer une "grille de lecture" qui a pour objectif de structurer la masse des
informations, et par conséquent des interrogations, qui non seulement nous parviennent mais le plus
souvent nous submergent, nous tétanisent et font de nous des êtres de plus en plus impuissants dans
monde qui a taut besoin de réponses adaptées.
Nous verrons comment l’extension brutale de notre champ d'information peut être, à travers le stress,
la cause d’une part de la flambée des maladies dites de civilisation et d'autre part de conduites
inadaptées voire suicidaires qui caractérisent les pays occidentaux. Heureusement, grâce à la
compréhension des raisons de ces mécanismes, nous pourrons nous sentir à même de dégager une
logique à la survenue d'un certain nombre de ces faits que nous déplorons et à l’égard desquels nous
nous sentions jusqu'alors impuissants.
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Comprendre pour pouvoir agir ; agir et réconcilier ainsi en chacun de nous l'individu et le citoyen. Ne
serait-ce pas la clé, ou en tout cas l'une des clés de cette crise dont nous constatons les effets chaque
jour un peu plus. Comprendre pour devenir un acteur pleinement engage, aspiré par une confiance qui
fait que tout acte contribuant à cette nouvelle citoyenneté n'est plus vécu comme imposé mais
consenti.
Visite l’intérieur de la Terre,
pénètre en alchimiste au cœur de la matière,
pour en saisir les lois.
Et séparant alors le subtil de l'épais,
rectifiant le chaos pour y planter une œuvre
agissant sur la foule pour en faire des hommes, leur donner un espoir,
façonner une éthique. (Pr René Buvet)
L'humanisme ne serait-il pas entré dans une nouvelle ère en devenant, après avoir été l’engagement
d'une certaine élite, l’affaire du plus grand nombre, un acte fondamental de la vie ?
En effet, au cours des siècles, grâce à des êtres qui avaient accès à des plans de conscience élevés
l'Humanisme a pu ancrer dans le quotidien des hommes, des principes spirituels de liberté, de
conscience et de responsabilité. L’accès du plus grand nombre à la connaissance et plus largement à
l’information a radicalement changé ces notions. D’accordée ou de concédée par une élite à des
individus soumis, la liberté est devenue un droit fondamental même s'il est encore trop souvent
bafoué. La conscience et la responsabilité, qu'il est d'ailleurs difficile de dissocier, imposaient un
consensus collectif jusqu'à une date très récente entre "soumis" et "dirigeants". La disparition de ce
système de repères, dont la morale est une partie fondamentale, contraint nos contemporains à se
mettre en quête d'un "nouvel ordre", d'un nouveau système de pensée et de vie composé de valeurs
stables.
Des valeurs stables ? Pourquoi ne pas prendre le système biologique comme matière élémentaire ?
Nous revenons au classique "Connais-toi toi-même" enrichi des acquis récents de la biologie ;
biologie comprise dans le sens de la connaissance des interactions qui gouvernent les principes de la
vie. Des principes communs à tous les individus sont alors ressentis, contrairement aux "lois
humaines" qui sont l'objet d'un processus de rejet dont nous analyserons les causes, comme les
éléments d‘une "loi naturelle" ; c‘est-à-dire d'une "loi" dépourvue de caractère artificiel ou
circonstanciel et surtout exempte de toute manipulation par une quelconque autorité. Mais revenons
aux interactions qui gouvernent les principes de la vie dont le cœur est constitué par les mécanismes
du stress.
Le concept du stress présente l’avantage de mettre en relation l‘Homme et son Environnement. De ce
fait il constitue une "grille de lecture" permettant de dégager une logique des comportements de notre
société, de transcender les paradoxes apparents qui la caractérisent et de conduire chaque homme vers
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une responsabilité consentie. Le ton quelque peu magistral adopté pour la présentation de ce texte, et
que l'on pourra à juste titre regretter, nous est imposé par l'obligation d'exposer de manière mécaniste
et linéaire une approche qui dans sa perception et sa pratique est en fait de nature radicalement
différente puisque systémique et circulaire.
Contraints que nous sommes, pour communiquer par écrit, d'accepter ces conventions sémantiques
morcelantes qui nous obligent à décrire par le menu le contenu des berges alors que l'essentiel est
dans ce pont qui les relie.
LE STRESS : MATRICE DE TRANSFORMATION
Le stress des fins de mois, le stress de la mère de famille, le stress du cadre, le stress du chômeur, le
stress du sens de l'existence, le stress des transports en commun, le stress du passage à la retraite, le
stress du retard.... bref, le stress est partout ; à tel point que le mot lui-même est devenu stressant !
Mais qu'est-ce que le stress ?
Au début du siècle, les ingénieurs utilisaient ce terme pour désigner la résistance des matériaux. C'est
en 1950 que Hans Selye, professeur de médecine canadien et universellement reconnu comme le
"père" du stress, proposa ce mot pour qualifier en termes simples ce que par ailleurs en termes
médicaux il appela "le syndrome général d’adaptation". Syndrome général d'adaptation, telle est donc
la définition médicale du stress. Mais quelle en est sa signification ? Quelle que soit l’information,
encore appelée "stimulus", l’organisme réagit toujours de la même façon. L’ensemble des symptômes
qui se produisent alors dans l’organisme a pour but de donner les moyens à l’individu d'assurer son
adaptation ; adaptation de son Environnement à lui-même ou de lui-même à son Environnement.
Le stress c'est la vie
Le stress est donc un phénomène parfaitement naturel dont la finalité est de permettre d’assurer notre
survie en nous donnant les moyens de nous adapter aux différentes circonstances de l’existence. Un
autre fait important à prendre en considération pour bien comprendre la réalité du stress est que la
réponse fournie est toujours de nature biologique, que l’information causale soit physique,
psychologique, sensorielle, philosophique ou sociale. L'information peut être également consciente ou
inconsciente, douloureuse ou agréable ; d'où le terme de syndrome général. Une grande joie est
génératrice de stress tout autant qu‘une grande peine ! Toutes deux nous imposent une adaptation à la
situation génératrice de cette joie ou de cette peine. Les symptômes qui constituent cette réponse
reflètent la volonté de l’organisme de passer à l’action pour s'adapter. Ce passage à l'action dans le but
de s'adapter peut se faire soit sous forme de lutte soit sous forme de fuite.
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Pourquoi le stress est-il nocif ?
L'ensemble des réactions biologiques qui se produisent dans le corps d'un individu (ou de tout autre
être vivant) constitue en quelque sorte un mécanisme de défense, une réaction à 1'égard de
l‘Environnement. S'il n‘y a pas passage à l’action, ces réactions biologiques qui avaient, à 1'origine,
pour finalité de contribuer à notre survie se retournent contre notre intérêt du fait de leur persistance.
C'est cette persistance des réactions biologiques qui transforme un phénomène initialement "positif "
en un phénomène secondairement “négatif ".
Qu'est-ce qu'une réaction de stress ?
Si nous prenons l’exemple d'une information surprenante qui nous parvient ou d'une agression, même
bénigne, par exemple : apprendre une mauvaise nouvelle ou se heurter malencontreusement, que se
produit-il ?
Instantanément et de manière réflexe nous prenons une inspiration profonde, nos muscles se mettent
en tension, le cœur augmente son rythme, une sensation de "bouillonnement" intérieur peut être
perçue reflétant à la fois une accélération de la circulation sanguine et une augmentation de la tension
artérielle, une constriction digestive ressentie... en résumé, un ensemble de phénomènes normaux si
nous devons passer à l'action.
Si l'action se produit, sous forme de lutte ou sous forme de fuite, notre organisme retrouve alors son
équilibre peu de temps après avoir reçu cette information ou vécu cette agression. Cet état d‘équilibre,
appelé homéostasie, se trouve restauré car l’organisme a pu "consommer" dans l'action ces différentes
réactions biologiques. Par contre, si le passage à l'action ne se fait pas, ces réactions auront tendance à
persister et s'ajouteront aux précédentes réactions également "non consommées". Nous devenons ainsi
l'objet d'informations qui nous submergent et auxquelles nous ne savons plus répondre ; en d’autres
termes, nous sommes littéralement tétanisés, envahis par un sentiment plus ou moins profond
d’impuissance. La sensation que nous qualifions dans notre langage courant de "stress" est due en fait
à l'accumulation de ces réactions physiologiques auxquelles nous n'avons pas pu ou pas su donner
suite par une action adaptée.
Dans un tel état, même une information gratifiante ou "positive" risque d'être vécue par nous comme
une agression et le moindre prétexte sera saisi pour se libérer d'une partie de ces tensions sous forme
de violences ou d'agressions plus ou moins caractérisées à l‘encontre de soi-même ou d'un tiers.
Pourquoi le stress est-il un phénomène de société ?
La mise en cause du stress dans un nombre grandissant de circonstances n'est pas ce que l’on pourrait
appeler une "explication facile" mais bien au contraire une réalité dont les ramifications s'avèrent
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chaque jour plus nombreuses. Il n'est pas, bien entendu, dans notre intention de vouloir tout expliquer
par le stress quoique ce phénomène soit la matrice essentielle de transformation de l'individu.
L'explosion des moyens de communication, des vecteurs d’information et l’accélération des mutations
que vit notre époque soumet chacun de nos contemporains à une obligation sans cesse croissante de
s'adapter. Jusque dans la première moitié de ce siècle, le champ d'information de chaque individu était
son village, à la limite son canton. A toute information reçue, il pouvait répondre par une action
adaptée. Chaque individu était ainsi en mesure d'adapter son comportement à un environnement qui
lui-même était peu sujet à évolution. Depuis l'aube des temps le champ d'action de chacun recouvrait
son champ d'information à quelques exceptions près. L'Homme n'était soumis qu'à des situations de
stress aigu ; l’adaptation était plus ou moins facile mais elle pouvait s'opérer.
Depuis l'inondation de notre société par les moyens de communication, le monde entier est devenu un
grand village ; chaque "villageois" est informé en direct de ce qui se passe à Beyrouth, à Bogota ou à
Sarajevo comme s'il s'agissait d'une proche banlieue. Notre champ d’information a donc explosé alors
que dans le même temps beaucoup de nos contemporains ont constaté que leur champ d'influence et
d'action s'était considérablement rétréci. Ce fossé grandissant dû à l’extension de notre champ
d'information d'une part et au rétrécissement de notre champ d'action d'autre part est la cause de
l’installation dans l’organisme d'un état de stress chronique.
L’homme moderne, submergé d'informations est devenu pratiquement incapable d'apporter une
réponse adaptée aux stimuli qu’il reçoit. Cette impossibilité d'agir d'une manière adaptée aux
informations reçues, ce qu’il est convenu d'appeler la lutte, est la cause de la prolifération des
maladies dites de civilisation. Cette inhibition de l’action, pour faire référence au terme médical, est
génératrice d'une sorte de pression intérieure croissante qui de plus en plus souvent trouve sa
résolution dans une conduite agressive ou suicidaire. La lutte s'avérant impossible par manque de
stratégie personnelle ou tout simplement par manque de moyens matériels seule la fuite sous forme de
destruction personnelle ou d’agression de tiers apparaît comme la "solution" pour soulager cette
pression intérieure insoutenable. il est facile de percevoir, en filigrane de cette description des
principes du stress, les faits marquant l’actualité de cette fin de vingtième siècle.
Lutter ou fuir ?
Longtemps les fuites géographiques ont constitué l’unique réponse salutaire lorsque la lutte pour la
survie devenait impossible. S'adapter pour survivre ; telle est l'obligation qui s’applique aussi bien aux
individus qu'aux groupes, aux nations voire aux civilisations. L'histoire est jalonnée de ces grands flux
migratoires, certains au sein des continents d’autres en direction du Nouveau Monde. De nos jours la
fuite géographique est devenue pratiquement impossible pour les habitants des pays à niveau de vie
élevé qui sont pris dans un véritable étau. D'un côté, un grand nombre d'entre eux vit comme une
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agression l’arrivée massive de migrants fuyant les pays économiquement sous-développés ; de l'autre,
ils se trouvent eux-mêmes dans l’impossibilité de fuir car les informations dont ils disposent leur
démontrent qu‘aucune autre situation géographique ne leur sera plus favorable.
C‘est probablement la raison pour laquelle apparaissent de nouvelles formes de "fuite" qui,
malheureusement, n'ont pas de caractère libérateur. Attardons-nous quelques instants sur ces
"conduites de fuite" car elles constituent une très grave menace pour l'équi1ibre de notre société. Il
n'est peut-être pas inutile de rappeler auparavant que le mode "mineur" de ces conduites inadaptées est
représenté par des phénomènes aussi communs que l’irritabilité, l’agressivité verbale ou encore les
mesquineries. Un certain nombre d'autres comportements participent de ce même mécanisme : la
surconsommation médicamenteuse, des achats inconsidérés, une hyper-spécialisation professionnelle,
les excès de tabac et d'alcool, une sexualité débridée, le recours à la drogue, l’adhésion à une secte, les
intégrismes.... et situation extrême : le suicide. Notre propos n'est pas ici de vilipender la fuite mais de
rendre attentif à son mécanisme insidieux.
La fuite est indispensable à la survie à condition d'être conscient du processus, que ce mouvement soit
transitoire et enfin qu'il permette de préparer une action de lutte. A ce propos le lecteur pourra avec
profit se rapporter à l'ouvrage de Henri Laborit, probablement le plus grand spécialiste du stress, et
intitulé "L'éloge de la fuite".
Telles sont les conséquences de ce que l‘on pourrait appeler le paradoxe de la liberté. Plus le degré de
développement économique est élevé plus l’information est accessible, plus elle rend conscient, et par
voie de conséquence plus les possibilités de fuite libératrice se restreignent. Nous allons tenter dans le
paragraphe suivant de dégager une unité d'action qui pourrait servir de fil conducteur à l’élaboration
d'un projet transcendant les paradoxes auxquels sont confrontés les hommes vivant dans les pays
développés.
UN MONDE DE PARADOXES - UN MODE EN MUTATION
Un projet ne peut naître que s’il est alimenté par l'espoir d'une situation meilleure. Et pour éviter une
cruelle désillusion, tout individu porté par un espoir se doit de disposer de repères pour conduire son
labeur.
La survie matérielle, la morale et l'autorité étaient depuis des millénaires les repères qui permettaient à
l'Homme de lutter avec un espoir de progrès et de libération pour lui-même, ses proches ou ses
descendants. Ces repères, après avoir jalonné et permis les progrès de l'humanité, semblent être
aujourd'hui rejetés ; chacun d'eux étant l'objet d'une véritable mutation.
Survie matérielle et survie non-matérielle
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Tant que le monde pouvait se résumer à une juxtaposition de millions de petits "mondes agricoles", le
projet de chaque homme était clair à défaut d’être facile. Ce projet avait pour objectif d’assurer une
survie matérielle à lui-même et à ses proches, dans le cadre d'un univers restreint et avec des règles du
jeu issues des lois de la nature. A l'intérieur de chaque homme, l'individu et le citoyen se côtoyaient,
se respectaient, ne faisaient qu'un. Le citoyen devait défricher, labourer, semer si l'individu voulait
récolter. Chacun savait ainsi, parce qu'il y était confronté, qu'il ne pouvait transgresser certaines lois
sous peine de ne plus être en mesure d‘assurer sa survie ou celle de ses proches.
En un mot, l'homme était confronté à "la loi qui constate", pour utiliser les mots de Bergson qui
précise : " Plus l’obligation tend à devenir nécessité, plus elle se rapproche de l‘instinct dans ce qu'il a
d'impérieux ".
L'arrivée de l'ère industrielle bouleverse complètement le mode de vie et les repères de l'Homme. Ce
dernier se retrouve inscrit dans des cycles de production dont la dimension le dépasse. De paysan
soumis à la "loi qui constate" il entre dans la peau de l'ouvrier soumis à la "loi qui ordonne" ; une loi
qui revêt pour lui un caractère de plus en plus lointain, voire artificiel. La rébellion du fragment de
citoyen qui pouvait encore exister dans une grande partie des hommes est parachevée par le succès de
la doctrine marxiste ; ici, plus question de cycles à respecter, seule la lutte des classes est censée
conduire au progrès. Éros a cédé la place à Thanatos ; la sournoise dynamique de mort a pris le pas
sur la dynamique de survie. Et comble de cette perversion même les hommes et les mouvements ayant
déclaré une guerre ouverte au marxisme sont gagnés par Thanatos. A trop vouloir combattre un
adversaire on risque fort d’être gagné par ses défauts. Et pourtant, cette ère industrielle a bien des
côtés séduisants pour l'ouvrier avec tout ce qu'elle apporte à la satisfaction de ses besoins primaires et
de ses besoins de sécurité. Attardons-nous quelques instants avec Abraham Maslow sur cette notion
de "besoins" considérés comme les éléments dynamiques de la vie de l’Homme. Abraham Maslow
considère que la réalisation personnelle d'un homme passe par cinq degrés de besoin. La satisfaction
de ses besoins primaires, tels que boire et manger, est la condition de base. Lorsque celle-ci est
obtenue, l'individu accède à la phase des besoins de sécurité caractérisée par les acquisitions, les
réserves ou encore l'épargne. Si ces deux niveaux de besoins sont atteints, l'Homme entre dans une
dynamique de besoins non-matériels ; il éprouve le besoin d’appartenance à un groupe dans lequel il
se reconnaît. L'adhésion à un groupe qu’il considère comme valorisant entraîne chez lui le
développement d'un langage et de comportements spécifiques à cette sorte de nouvelle famille. Ce
dernier mot est employé à dessein car toute atteinte ou toute menace concernant le groupe
d’appartenance est vécue comme une menace personnelle. Viennent ensuite les besoins de
reconnaissance ; considérer que l'on appartient à un groupe est une chose, mais combien plus
valorisant est le fait d'être reconnu par ce groupe. C'est lorsque survient la véritable reconnaissance
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que 1'Homme peut entrer dans la période de "réalisation de soi" qui constitue le degré ultime de
satisfaction.
Autrement dit, l'être humain vit d’expansion ; d’expansion matérielle, certes, mais également
d'expansion non-matérielle. La première s'opère sous la forme d'acquisition de richesses lui
permettant de répondre à ses deux premiers niveaux de besoins. Les besoins d'appartenance, de
reconnaissance et de réalisation de sa personne constituent le deuxième plan, celui de l'expansion nonmatérielle. Très souvent, l’ignorance de ces notions entraîne l'individu à revendiquer sous forme
matérielle, par exemple une augmentation de salaire, ce qui est en réalité un besoin non-matériel de
reconnaissance du travail bien fait. Savoir décrypter ces besoins cachés est fondamental dans la
gestion des relations que nous avons à nous-même et aux autres. Il est important que chaque personne,
et en particulier celle qui a des responsabilités humaines, comprenne ces mécanismes afin de procéder
à ses choix en toute conscience. L'autre intérêt de la prise de conscience de ces mécanismes est de
pouvoir orienter sa vie vers des satisfactions réelles, profondes et durables. C'est un des objectifs
auxquels doit tendre une pédagogie du changement.
Mouvement de "l'épais" vers le "subtil" ; telle pourrait-être la définition de ce changement auquel
notre société en crise semble confrontée. Ainsi les repères engendrés par la nécessité d'assurer la
suivie matérielle laissent désormais la place a des repères qui collectivement sont de nature non
matérielle. Cette évolution du "matériel" vers le “non-matériel" est rendue, dans les pays nantis,
encore plus indispensable du fait de l’exacerbation de la demande en termes matériels aux dépens des
pays les plus pauvres. Mais qu'advient-il dans ce monde en changement de cet autre repère qu'est la
morale ?
Morale ou éthique ?
La morale peut être définie comme un code de conduites collectives exprimées par un groupe, une
ethnie, une race, à un moment plus ou moins reculé de son histoire dans le but de sauvegarder son
intégrité ou d'assurer sa survie. A la lumière de cette définition, il apparaît que la morale ne serait pas
composée de valeurs spécifiquement universelles ; ce qui est moral pour une ethnie ne l'est peut-être
pas pour une autre ; ce qui est moral à une époque risque de ne pas l’être a une autre. La morale serait
donc variable avec le temps et l'espace. Un autre caractère de la morale est l'expression fréquente de
ses préceptes en des termes menaçants voire répressifs. L'être humain la vit comme imposée par
l’extérieur.
En une époque caractérisée par son degré de stress, les valeurs morales sont ressenties avant tout
comme des contraintes supplémentaires par une partie croissante de la population, en particulier celle
qui a la sensation de ne pas bénéficier des fruits du progrès. Longtemps l'autorité et la morale furent
les berges qui donnèrent les limites aux Hommes pour leur permettre de creuser le cours de leur vie.
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Grâce à ces limites les générations successives ont pu construire des projets et se nourrir ainsi
d'espoir. Ces projets bâtis sur les piliers de la morale et de l’autorité donnaient des directions
d'actions. Ces actions communes à des milliers d'hommes construisaient une véritable solidarité, les
rassemblaient. La morale était moteur de l'Unité.
Les autorités politiques et religieuses longtemps gardiennes de ces valeurs morales les ont
progressivement intégrées au point de les confondre avec leur pouvoir. L'évolution du niveau de
conscience et de responsabilité des individus, fruit du progrès humaniste, aboutit à une sorte
d'intolérance à ce pouvoir moral exercé par les autorités parentale, politique et religieuse. La morale et
l'autorité sont alors rejetées non pour ce qu’elles sont mais parce que synonymes de contraintes et
d'interdits sans apporter la moindre lueur d’espoir en retour.
L'éthique, à la différence de la morale, pourrait être définie comme un code de conduites
individuelles. Elle serait ainsi supérieure à la morale en ce sens qu’elle est universelle et individuelle ;
universelle car les valeurs qui la composent transcendent le temps et l'espace ; individuelle parce
qu’elle vient de la profondeur de l'Homme et n’en a que plus de vérité et de sincérité. Le code éthique
n’est pas imposé par l’extérieur ; il s'impose à l’intérieur de l'individu. Il est librement consenti. Les
valeurs qui composent l'éthique dépassent les valeurs morales ; elles intègrent ces dernières. Si la
morale a comme raison d’être la survie de l’Homme, l'éthique va au-delà de l’espèce et considère
toute forme de vie comme essentielle. En mutant de la morale à l'éthique l'Homme passe de ce fait de
l’anthropocentrisme au biocentrisme. La Vie est au centre de l'Univers ; l'Homme est à son service.
Notre propos ne cherche pas à opposer morale et éthique, mais à montrer l'évolution naturelle de l'une
en direction de l’autre ; une évolution naturelle mais progressive car les obligations morales
demeurent indispensables pour une majorité d'individus qui ne sont pas encore nés à cette "conscience
éthique". L'action humaniste doit donc s’attacher à favoriser et à maîtriser cette évolution de
l’Homme. Sur le plan de la diffusion, si la conscience morale pouvait se répandre par l’exhortation, la
conscience éthique ne peut se développer que par l'exemplarité. Significatif est le parallèle que l'on
peut établir avec ce que Bergson appelle la "morale sociale" et la "morale humaine" dans « Les deux
sources de la morale et de la religion » : " On pourrait donc dire que la seconde morale diffère de la
première en ce qu'elle est humaine, au lieu d'être seulement sociale. Entre une morale sociale et une
morale humaine la différence n'est pas de degré mais de nature…./....plus l’obligation tendra à devenir
nécessité, plus elle se rapprochera de l’instinct dans ce qu'il a d'impérieux". "Les grands
hommes..../....n'ont pas besoin d’exhorter ; ils n'ont qu'à exister ; leur existence est un appel. Car tel
est bien le caractère de cette autre morale."
Savoir et pouvoir
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Conscience morale et mode d'exercice du pouvoir participent souvent des mêmes principes. A l'instar
de la morale le pouvoir, suivant son mode d‘exercice, peut être soit une source d‘épanouissement soit
une source d’oppression.
Une évolution très nette en ce domaine se fait sentir dans le monde du travail. L’obligation de survie a
été pour bon nombre d'entreprises l'occasion d'opérer une véritable mutation dans le concept du
pouvoir. Grâce à cette courageuse révolution du comportement de leurs dirigeants, ces entreprises se
sont non seulement maintenues en survie mais ont constaté une progression très nette de leurs
résultats en même temps qu'une amélioration objective du bien-être de leurs collaborateurs. Une fois
encore nous constatons que tout progrès réel et durable repose sur l'intégration progressive dans le
monde matériel de valeurs universelles.
Cette obligation d’évolution concernant les rapports entre savoir et pouvoir telle que nous l'avons
esquissée à partir du monde du travail semble encore frapper à la porte du monde de la santé. Or la
demande du public en ce domaine est manifeste : chacun éprouve le besoin d'être considéré en adulte
et demande à être intégré dans la démarche qui concerne sa propre santé. Ce secteur ne serait-il pas
celui qui devrait en premier être impliqué par cette évolution ? L'heure n'est-elle pas venue
d'envisager la transmission d'une partie de ce savoir en élaborant une sorte de pédagogie de la santé
reposant sur ce fameux " Connais-toi toi-même" actualisé ?
En résumé, notre société développée, collectivement parvenue à un état de conscience adulte,
supporte de moins en moins qu'il soit décidé à sa place. Enfant, obéir c'est subir ; adulte, obéir c'est
coopérer dit-on. Les gouvernants laissent la désagréable impression de ne pas avoir compris ce
changement fondamental. Ils continuent de réglementer sans discernement comme si les administrés
étaient des enfants alors qu'une majorité d'individus aspire à ne plus être des agents d’exécution, mais
à devenir de véritables acteurs du changement.
Toujours analysé sous l'angle du stress, cet ensemble de situations paradoxales évoquées plus haut
apparaît donc comme l'expression d'un besoin fondamental lié à des réactions collectives et
inconscientes de survie. Les habitants des pays développés se comportent alors collectivement et donc
souvent inconsciemment comme s'ils considéraient d'une part, que leur survie individuelle était liée à
la survie collective et que d’autre part, seule leur implication active pouvait influencer le cours des
événements. Les prémices d'une aspiration à une nouvelle citoyenneté se manifeste ; il s'agit d’en
discerner son contenu au travers de cette multitude de paradoxes qui reflètent un monde en mutation.
Avec le savoir et le pouvoir nous touchons là au nœud de cette rupture entre l'évolution des valeurs
dans la cité et la fixité des valeurs dans les institutions. L‘ouverture sur un autre concept de pouvoir
répondant à la demande sociétale latente se heurte dans les pouvoirs et les contre-pouvoirs à ce qui
fonde individuellement l’identité de leurs dirigeants et leurs organisations. De plus il est vain de
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penser que les contre-pouvoirs pourront changer quoi que ce soit puisque pouvoirs et contre-pouvoirs,
comme nous l'avons déjà évoqué pour le marxisme, sont animés par une dynamique commune.
Lorsque les pouvoirs (et contre-pouvoirs) out perdu leur légitimité les leviers du changement sont
limités : faire évoluer le système vers le totalitarisme, assister à sa désagrégation puis subir son
écroulement en espérant reconstruire après ou être l'acteur délibéré de l’accélération de sa destruction?
Sera-t-i1 possible d'éviter, ou en tout cas d'amortir, cette phase intermédiaire de chaos qui apparaît de
plus en plus inéluctable du fait de l'indécision des pouvoirs ? L‘accès de l’ensemble de la société à un
monde de connaissances jusqu'alors réservées à une élite permettra-t-il d'enclencher cette
restructuration fondamentale indispensable à notre survie et d'éviter ce chaos ?
Science et conscience
La vie n'a pas fini de nous surprendre. La conception que chacun en a dépend de ses convictions
philosophiques ou religieuses, des épreuves personnelles mais également du concept forgé par le
consensus scientifique de notre culture cartésienne. Cantonnée jusque vers le milieu de ce siècle à
l'étude de l'inanimé, la science en étendant son domaine depuis quelques dizaines d'années à
l'observation des systèmes vivants, entraîne un complet renouvellement de la pensée rationnelle. Tout
ce qui touche à l'Homme est bouleversé, même les plans les plus profonds de sa conscience.
Poussé par la volonté de comprendre 1'univers le scientifique a découpé, séparé, morcelé son
environnement. Ce processus lui a permis de percer un grand nombre de mystères auxquels il se
trouvait confronté conduisant par la même occasion l’ensemble de la pensée occidentale dans cette
voie du morcellement. Emporté par ses découvertes, il s'est laissé entraîner dans une sorte de frénésie
à travers laquelle il cherchait inconsciemment à se libérer d'une contrainte qu'il discernait mal mais
dont il sentait l'omniprésence.
Le scientifique était animé par la conviction qu'il percerait le mystère du monde le jour où il aurait
atteint la brique fondamentale, l’unité de matière inséparable servant de substrat à l'ensemble de
l'univers. Cette unité de matière était l'atome : (a-tome), "qu'on ne peut séparer". Tout se déroulait
suivant cette logique jusqu'au début de ce siècle lorsque quelques grands physiciens attelés à percer le
mystère de l’atome eurent le courage personnel et scientifique de transcender certains paradoxes
auxquels leurs recherches approfondies les avaient confrontés.
Pour illustrer ces faits nous rapporterons deux citations, l'une de Niels Bohr, l’autre de Werner
Heisenberg tous deux Prix Nobel à dix ans d'intervalle pour leurs travaux sur la structure de l'atome et
la physique quantique. "Parallèlement aux leçons de la physique atomique (...) nous devons nous
tourner vers les problèmes épistémologiques auxquels des penseurs comme le Bouddha et Lao Tseu
ont été confrontés, en essayant d'harmoniser notre situation de spectateurs et acteurs dans le grand
drame de l’existence." " L'importante contribution du Japon à la théorie de la physique (...) indique
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peut-être une certaine parenté entre les idées philosophiques traditionnelles de l'Extrême-Orient et la
substance philosophique de la théorie quantique."
Des découvertes émanant de divers domaines de la science allant de la psychophysiologie à la
physique en passant par l’anthropologie convergent dans leurs constats révolutionnaires. Cependant
leur diffusion est retardée car elle se heurte à plusieurs obstacles ; tout d’abord l’étrangeté des
constats, ensuite la rareté de ceux qui font la synthèse d'informations issues de domaines aussi
différents et enfin peut-être la vanité de mandarins qui tiennent leur pouvoir de la pérennité du savoir
actuel.
La sémantique à son tour peut apporter un éclairage intéressant sur cette confrontation. Pour les
sémanticiens Korzybski ct Whorf les langues européennes nous imposent un modèle fragmenté de la
vie en négligeant la relation. Par leur structure sujet-attribut, ces langues modèlent notre pensée, nous
obligeant à tout concevoir en termes de causalité linéaire alors que de nombreuses langues orientales
sont structurées différemment et peuvent exprimer des idées non linéaires.
La résistance aux changements est quelquefois désarmante pour ne pas dire décourageante. Les
apports de la biocybernétique et plus récemment ceux des structures dissipatives parviendront-ils
enfin à battre en brèche les dernières résistances à l’obligation de réviser le concept scientifique sur un
mode global, dynamique et systémique ? La situation est grave car le mode de pensée actuel est
assujetti à l’approche réductionniste. Les tenants des pouvoirs qu’ils soient d’ordre médical, politique,
managérial ou encore économique fonctionnent avec ce type de pensée et tiennent précisément leur
pouvoir de la persistance de ce système alors qu'un besoin croissant de changement commence à
revêtir des formes violentes.
Les solutions sont globales. Et c'est d'une part en considérant les inter-actions entre les différents
secteurs de la société et d'autre part en étant animés par la foi et non par la mentalité de ceux qui
analysent les défaites que des solutions pourront se dégager. Il n'y aura pas de "sauveur" mais des
personnes qui sauront par leur exemple personnel en mobiliser d’autres et faire en sorte que des
solutions de groupe se dégagent et fassent tache d'huile.
Cette évolution repose sur une contagion des processus personnels de transformation ; transformations
fécondées par la conscience et confortées par la science. La contagion se faisant par des réseaux
informels ou organisés, des ouvrages écrits ou encore des colloques avant que les médias ne
deviennent complices d’un véritable embrasement. Le domaine de la santé est probablement le secteur
avec celui de l’éducation où les processus de transformation ont le plus de chance de se produire et de
gagner ensuite les secteurs adjacents.
Cerveau gauche et cerveau droit
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Les récentes découvertes ont montré le rôle déterminant du cerveau droit dans le processus de mise en
relation entre les différents éléments d’un tout. Le cerveau et le corps sont en interaction permanente.
Chaque fois qu'une information parvient à l’individu elle est traitée par le cerveau ; ensuite elle
s'inscrit dans le corps par l’intermédiaire, essentiellement, des mécanismes biologiques du stress.
Cette inscription dans le corps, véritable in-formation au sens littéral du mot, conditionne en retour
l’ambiance mentale créant ainsi une boucle d'auto-entretien et d'auto-renforcement entre le corps et le
mental.
Si le corps est chargé de tensions, toute information reçue sera interprétée par le mental de manière
analytique c'est à dire hors de son contexte et si les tensions sont importantes l’interprétation pourra
même s'avérer totalement pessimiste voire négative.
Inversement, toute information sera traitée "positivement" si le corps est complétement libéré de ses
tensions parasites. L’interprétation de la réalité dépend donc de "l’ambiance intérieure" dans laquelle
l’individu est plongé au moment de la réception de l’information. C'est la raison pour laquelle les
psychotechniques connaissent un tel engouement ; elles permettent en effet par l’apprentissage d'une
relaxation musculaire profonde et consciente, dc créer ce changement d'ambiance. Cette relaxation
corporelle favorise 1'utilisation préférentielle du cerveau droit dont une des fonctions essentielles est
de replacer tout élément dans son contexte et lui donner ainsi sa pleine signification. Par contre le
cerveau gauche, s‘il peut aménager des informations dans le cadre conceptuel existant, n’a pas la
capacité d'engendrer de nouvelles idées.
Toute percée conceptuelle ou toute découverte fondamentale est en relation avec une prise de
conscience du cerveau droit. L'intuition, qui préside entre autres à de nombreuses découvertes
scientifiques, ne serait-elle pas alors le fruit de cette capacité du cerveau droit à traiter globalement
une masse d'informations, et à en exprimer l’essence dans une formule lapidaire ? D'où la nécessité
d’inclure dans le système éducatif occidental, qui a tendance à privilégier l'utilisation du cerveau
gauche, des techniques psychocorporelles (relaxation, sophrologie, yoga...) qui permettent, grâce à
l'activation du cerveau droit, de découvrir une autre réalité basée sur une perception globale,
dynamique. Ce mode de perception rejoint la théorie générale des systèmes : tout paramètre d'un
système quelconque interagit si intimement avec les autres paramètres qu’il est impossible de séparer
la cause de l’effet ; un même paramètre pouvant être à la fois cause et effet. L'expérience le montre,
cette nouvelle façon d'aborder la réalité engendre dans la conscience des individus un éclairage
soudain et nouveau sur leur propre vie, le sens de cette dernière mais également sur le rôle ou la
responsabilité qui leur incombe. De spectateurs d'un monde qu'i1s ne comprenaient plus, ils se sentent
tout à coup plongés dans un autre monde, pourtant le même, par lequel ils se sentent totalement
concernés et dans lequel ils sont à présent acteurs.
13
Perception mécaniste et perception systémique
Perception, analyse, synthèse et action constituent la logique de toute démarche cohérente. L’absence
de passage à l’action pour apporter des réponses adaptées aux problèmes de notre époque - carence
que nous constatons unanimement - résulte probablement d'une difficulté dans les premières phases
de cette démarche. Ces premières phases - perception, analyse et synthèse - ne peuvent en effet se
dérouler qu'a l'aide de "grilles" permettant d’effectuer une certaine lecture de la Réalité (mais qu'estce que la Réalité objective ?). La fausseté dans la perception et dans l'analyse de la Réalité
caractérisent le mode de pensée paranoïaque. Cette fausseté du jugement est redoutable pour deux
raisons qui conjuguent leurs effets négatifs. D’une part elle peut, à l'aide d'un axiome totalement faux
mais relayé par une logique implacable et donc séduisante, conduire à justifier une action guerrière au
sens le plus large de ce terme. D'autre part cette fausseté du jugement étouffe toute prise de
conscience juste de la Réalité et par voie de conséquence interdit toute mesure d'intégration et donc
d'adaptation. C'est la négation même du progrès. Touchons-nous là, avec cette obligation de
changement de perception de la Réalité, au nœud gordien de notre époque, voire de notre civilisation?
Cette perception de la Réalité conditionne en effet notre conscience qui à son tour modifie notre
perception dans un processus circulaire d'auto-renforcement. Le moindre de nos actes, aussi matériel
ou anodin soit-il, est assujetti à notre lecture du Monde. La même information peut être perçue
comme destructrice à un certain niveau d'intégration et au contraire comme constructrice si elle est
perçue à un niveau supérieur d'intégration. Prenons un exemple physiologique : chaque minute, 50
millions de globules rouges meurent dans notre corps ; considéré à un strict niveau local d’intégration,
ce sont autant de destructions. Par contre, ces mêmes informations-destructions, resituées dans un
niveau supérieur d’organisation (ou de complexité pour employer le terme scientifique adapté),
deviennent alors des informations-constructions. Ces niveaux supérieurs de complexité comme le
sang et plus encore l’organisme permettent ainsi, par le point de vue global qu'ils apportent, de
comprendre l’utilité constructrice et l’intérêt pour la survie de ce qui d'un point de vue local apparaît
comme destructeur et synonyme de mort. Par analogie, suivant sa grille de lecture, 1'être humain
pourra être amené à l’égard d'un phénomène soit à le combattre car jugé dangereux soit à
l’accompagner ou le favoriser car vécu comme salutaire.
Comme nous l'avons déjà souligné, notre époque est marquée par l’explosion des moyens de
communication. Ces "machines infernales" créées par les hommes pour se rapprocher les uns des
autres semblent se retourner contre eux. Tels des apprentis sorciers, ils ont lancé un mouvement qu‘ils
ne contrôlent plus car ils n’ont pas su s'y adapter. Jusqu’à cette explosion, il y a quelques dizaines
d’années, il était possible à chaque individu de considérer la Réalité comme une juxtaposition
d'éléments. Chaque chose existait et se définissait en soi ; la spiritualité demeurait un domaine
totalement étranger à la science, la médecine à la cybernétique, la conscience à la macro-économie,
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etc. Chaque paramètre du monde ou de la réalité n'était soumis qu'à ses propres conditions locales.
C’était le règne sans partage d'une réalité mécaniste, d'une organisation mécaniste et d'un
fonctionnement mécaniste de l'individu. Le tout n'était qu'une somme de parties. Ce mode de lecture
perpétué par l’éducation scolaire et renforcé par le système de formation des élites renforce
l’inadaptation de l'Homme à ce qu'il a lui-même créé. Inadaptation dont les conséquences
individuelles et collectives, à travers les effets négatifs du stress, sont comme nous l’avons vu
multiples, de plus en plus graves et malheureusement encore trop souvent insoupçonnées.
Ce n'est qu'à partir d'un tel changement de "grille de lecture" dans la perception que chaque homme a
de lui-même et de son Environnement qu'en lui pourra s'opérer la réconciliation de l'individu et du
citoyen le conduisant ainsi vers une nouvelle citoyenneté.
VERS UNE NOUVELLE CITOYENNETE
Lois, valeurs, autorité, morale... tous ces repères sont rejetés comme s'ils étaient la cause des maux
dont souffre notre époque ! Mais en fait ce que nos contemporains rejettent ce ne sont pas ces valeurs
en soi mais le pouvoir et plus précisément la forme d’exercice du pouvoir qui leur est attachée. Plus le
niveau de conscience et de responsabilité d'un individu ou d'un groupe est élevé plus l’intolérance à
une conduite imposée est grande, surtout si les incarnations de ces repères ont perdu toute valeur
d'exemplarité. C’est ainsi que toute action exercée par une autorité et faisant référence à ces repères
est alors vécue comme une contrainte ou une répression, de ce fait génère un surplus de stress et
produit le contraire de l'effet recherche. L‘autorité pourra un temps croire à l’efficacité de son action
cependant que la personne ayant "subi" cette action n'aura de cesse de libérer sa charge tensionnelle
antérieure additionnée de celle générée par cette action vécue par lui comme répressive. L’autorité
convaincue de son obligation de faire respecter "l'ordre" fourbira alors une nouvelle loi ou fera
référence à une autre valeur pour, non pas faire respecter l'ordre comme elle en est convaincue, mais
pour asseoir et conforter son pouvoir. La spirale de l’incompréhension s'accélère et le fossé entre les
individus et ceux qui incarnaient la "citoyenneté" se creuse contribuant ainsi à l’aggravation de la
crise. La masse des "dirigés" est parvenue collectivement à un niveau de conscience et de
responsabilité adultes et ne supporte plus que des dirigeants s‘adressent à eux comme on s'adresse à
des enfants. Qu'il y ait des dirigeants et des dirigés est indispensable, mais la nature de leurs rapports
doit désormais évoluer vers une relation de type adulte-adulte. Rappel de notre leçon de la physique
quantique : A ou B n'existent pas ou ne peuvent être définis en soi ; c'est la relation qui détermine ce
qu'ils sont ou ce qu'ils font. I1 faut se demander à quel moment les différentes autorités
comprendront- elles enfin que c'est en changeant la nature de leur relation avec les "administrés" que
ces derniers pourront réconcilier l'individu et le citoyen et contribuer à la résolution de cette crise.
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L'action humaniste, génératrice par nature d'espoir et de progrès, se doit d’intégrer et de véhiculer
cette approche nouvelle où l'essentiel est dans la relation entre toutes choses. Le mode d’exercice du
pouvoir qui correspond à cette évolution des consciences est fondé sur la réalité d'un projet, la
capacité à mobiliser en transcendant les clivages et surtout la responsabilisation. Une véritable
responsabilisation qui permette à chacun de se sentir investi personnellement et de considérer le projet
auquel il participe comme émanant de lui-même et non imposé par une autorité.
Concernant la gestion des affaires publiques : une autre forme de responsabilité politique est appelée à
naître dont les nouveaux dirigeants devront être animés ; une dynamique que l’on pourrait résumer
ainsi : vision globale, action locale. Autrement dit, ce seront des hommes dont l'état d'esprit est centré
sur la relation entre les différents secteurs d'activité de la Cité ; ils auront pour mission d’une part de
contribuer à l'analyse globale et permanente des situations et des interactions et à faciliter la mise en
place d'actions locales exemplaires. Faciliter et non « faire à la place ». Le seul niveau d’action des
responsables politiques se situant au niveau central ; autrement dit : pour des décisions et actions qui
ne peuvent être faites par les niveaux dits intermédiaires.
La société occidentale, parvenue à un tel degré de complexité c’est-à-dire d'inter-relations entre les
éléments qui la constituent, ne semble pas avoir d'autre choix que celui de cette approche globale et
systémique. Il serait alors intéressant de disposer d'une vision globale qui permette à chacun, s'il le
souhaite, de répondre par une action locale adaptée à la fois à son intérêt et à celui de la société. De
même, les grandes lignes d'une "pédagogie du changement" permettent de cerner certains moyens
répondant à cette demande de citoyenneté. Enfin la réalisation d'expériences localisées, relayées par
des réseaux et les médias, pourrait s'avérer intéressante pour favoriser, alimenter et étendre cette
aspiration à une nouvelle citoyenneté.
La santé en trois dimensions
Un décalage, sinon un fossé, se creuse entre ce que propose le corps médical en matière de santé et ce
que semble attendre le public. Ce décalage repose essentiellement sur la confusion qui résulte de la
définition même de la santé. Cette dernière a été définie en 1948 par l'Organisation Mondiale de la
Santé comme étant "un état complet de bien-être physique, moral et social". Cette définition apparaît
comme très proche de ce que le public semble attendre des professionnels dits de la santé. L’Homme
est un être global, avec ses dimensions physique et morale mais également avec une dimension
sociale de plus en plus déterminante sur sa santé et ses comportements. C'est précisément dans cette
relation à l'Environnement que se situe le stress dont nous avons souligné les graves conséquences
individuelles et collectives. Cette crise latente que chacun ressent affecte également le monde de la
santé ; n'est-ce pas le signe de l’urgence pour la médecine d’intégrer dans sa pratique ces trois
dimensions de l’Homme ?
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En effet, pour les praticiens - qui sont en fait des professionnels du soin - la santé semble se cantonner
à une lutte contre la maladie. La conception universitaire de la santé, la formation des étudiants et la
rémunération des praticiens reposent sur ce concept restrictif de lutte contre la maladie laissant à
penser que seule cette dernière a une logique. Notons au passage qu'il s'agit encore d'un exemple de la
perversion engendré par le système de pensée réductionniste ou la seule constante semble être celle de
l’entropie croissante c‘est-à-dire un processus inexorable de dégradation de l'Univers ; Univers auquel
appartient l’Homme ! C'est pourquoi à plusieurs reprises nous avons souligné l'apport de la théorie de
Prigogine concernant les structures dissipatives. Sa contribution est fondamentale non seulement dans
le domaine de la chimie qui lui valut le prix Nobel mais surtout dans la résolution de l’énigme
fondamentale : le passage de l’inanimé à la vie.
S'adapter pour survivre avons-nous dit à plusieurs reprises, éclairé par les mécanismes du stress ; cette
obligation s’applique aussi bien aux individus qu'aux groupes, aux pays voire même aux professions.
Et si tout le monde reconnait que la médecine a contribué de manière déterminante aux progrès dont
chacun de nous bénéficie il n'en demeure pas moins que la profession médicale dans son ensemble se
doit de renouveler son approche de la santé pour s'adapter à un monde en mutation et répondre ainsi
aux attentes légitimes de ceux qu'elle a pour mission de maintenir au mieux de leur être. A l'aube du
troisième millénaire ne serait-il pas temps, dans l’exercice de la profession de santé, d'accorder une
place prépondérante à l'éducation santé ? La matière ne manque pas, les lois biologiques s'avèrent de
remarquables supports pédagogiques et pratiques, le public le demande et la collectivité en tirerait de
substantiels bénéfices par une responsabilisation individuelle accrue. Une partie croissante des
praticiens pourrait alors devenir des éducateurs en santé. La pédagogie reposerait sur les grands
principes que nous avons évoqués plus haut et serait exercée dans le cadre scolaire, dans les
entreprises, dans des stages de préparation a la retraite... Des évaluations permettant de comparer en
premier lieu l’efficacité de telle ou telle approche ou technique, ensuite de mesurer les résultats par
comparaison avec des groupes n'ayant pas bénéficié de cette éducation, enfin de relayer ces actions
par des reportages médiatiques constitueraient les axes de développement de cette contagion invitant à
une nouvelle citoyenneté.
La réalisation d'expériences dans le domaine de l'éducation santé, le nouveau langage développé,
l’ouverture engendrée sur les autres secteurs de la société constituent à travers cette conquête d'un
nouvel espace de liberté autant d'éléments favorisant, par le biais des médias, cette évolution vers un
monde auquel chacun aspire sans savoir comment y apporter sa contribution.
Pédagogie du changement
" Visite l'intérieur de la Terre
pénètre en alchimiste au cœur de la matière
pour en saisir les lois...“
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Après avoir permis l'accès à la connaissance du monde de l'inanimé et bâti sa démarche sur les lois de
la conservation la Science, en abordant la connaissance du vivant, a découvert ou redécouvert les lois
de transformation... En effet, de tout temps des esprits éclairés avaient entretenu la flamme de cette
conviction que Tout est mouvement ; pour Lao Tseu "Rien ne dure, seules les lois de transformation
sont éternelles" ou pour Goethe "Alles ist Übergang". Nous touchons peut-être ici à la merveilleuse
alchimie de la Conscience et de la Science, la première précédant toujours la seconde en faisant naître
une conviction que l'autre a pour mission de transformer en certitude.
Eveil de la conscience que la fécondation par la science transforme en une quête permanente ; n’est-ce
pas là que réside toute la noblesse d'une vraie pédagogie ? Il y a près d'un siècle et demi Kierkegaard
définissait la pédagogie en ces termes : "L'enseignement commence quand toi le Maître tu apprends
de l’élève, quand tu t'installes dans ce qu'il a compris, dans la manière dont il l'a compris". Le vrai
pédagogue transforme donc l'élève plus qu'il ne lui apprend mais il est également transformé par ce
dernier à travers la relation pédagogique qui a été instaurée. Le moment ne serait-il pas alors venu de
développer un langage nouveau permettant de passer d'une discipline à une autre en dégageant dans
chacune ce qui fait son essence ? Peut-être découvrirait-on alors que la musique, le développement
d'une entreprise, la physique quantique ou encore l’expansion de la conscience obéissent aux mêmes
lois d'évolution, participent à une même dynamique vers l'Unité.
Unité, voilà peut-être le but ultime de la pédagogie. En effet ce mot prend son origine dans paidea qui
à l'époque de Platon évoquait une matrice éducative créée par l'ensemble des disciplines. Le langage
du corps, c'est-à-dire la communication idéale des fonctions entre elles ou des organes entre eux,
pourrait constituer la matrice de ce nouveau langage semble-t-i1 indispensable à une nouvelle façon
de penser l’Homme et l'Univers. Chacun étant concerné par sa santé et son bien-être serait ainsi
disposé favorablement à l’égard d'un langage qui le concerne directement. Le corps, ou plus
précisément l’organisme, constitue à cet égard le "tableau noir" sur lequel certains de ces principes de
transformation seraient découverts intellectuellement puis vérifiés par le vécu. Chacun est plus enclin
à pratiquer un exercice physique ou mental si ce dernier, en plus de ses hypothétiques effets à long
terme, procure un bien-être immédiat et vérifiable. L'expérience montre en effet que la motivation
repose de plus en plus sur une adhésion affective dont le sujet peut vivre à court terme le résultat
positif. A partir des principes ainsi découverts et expérimentés, c'est-à-dire inscrits dans la réalité de
l'élève, un élargissement à d'autres domaines devient alors possible : la cellule familiale, l’école,
l'entreprise, l’économie, l'écologie...
En résumé, cette pédagogie du changement rejoint la pédagogie de la santé en ce sens qu'elles
reposent toutes les deux sur un langage qui tente d'établir une communication entre les différentes
réalités auxquelles l'individu est confronté. Ce langage s'adresse à la fois au cerveau gauche puisqu'i1
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s'appuie sur des éléments rationnels établis par la science et que nous avons abordés plus haut mais
également au cerveau droit en favorisant la création de ponts grâce à l’utilisation fréquente de
formules analogiques, de paronomases ou encore de métaphores. Enfin la mise en application
personnelle de ces principes de changement permet aux participants de vérifier que le stress peut être
vécu positivement en devenant propulseur vers un niveau plus élevé de conscience et de
responsabilisation.
Société en quête d‘idoles ou société en quête d'idéal ?
"...Agissant sur la foule pour en faire des hommes
leur donner un espoir, façonner une éthique."
Notre société, en carence d'idéal se cherche des substituts en se créant des idoles ; c'est peut-être la
raison d'une part de sa prise de distance à l’égard des professionnels du pouvoir et de l'autre de sa
quête à travers les médias d'objets d'identification, de modèles plus ou moins réussis qu'elle
s'empresse de stariser, de diviniser et d'imiter.
Ces "professionnels du pouvoir" auxquels nous faisons référence recouvrent aussi bien les hommes
politiques que le patronat, les dirigeants syndicaux, les mandarins universitaires ou encore les
journalistes. Chacune de ces corporations, du fait précisément de son pouvoir et de l’autorité morale
que la collectivité lui accorde, a pour mission d’être attentive aux mutations sociologiques, aux
évolutions profondes qui se font jour et d'anticiper sur les conséquences qui peuvent en découler.
Gouverner, c‘est prévoir dit-on ; globalement toutes ces corporations ont failli à leur mission, même si
l'on peut dénombrer en leur sein de nombreux professionnels courageux qui ont tenté de les faire
évoluer. Complices, elles se sont partagé les honneurs délaissant trop souvent les devoirs et les efforts.
Or la société a profondément changé et la majorité que l'on dit silencieuse risque de l'être de moins en
moins si ces différentes corporations n'effectuent pas rapidement les mutations indispensables. La
première de ces mutations, probablement la plus difficile à accepter mais en même temps celle qui
conditionne toutes les autres, est celle du passage à la co-évolution.
Autrement dit plus la complexité du monde augments plus l'inter-dépendance entre les hommes est
forte. A l'instar de la physique quantique ou les concepts de cause et d'effet sont dépassés les notions
de dirigeants et de dirigés, d'enseignants et d’enseignés, de soignants et de soignés... sont à leur tour
frappés par cette obsolescence. Non pas que les hiérarchies de compétence soient à remettre en cause
mais les relations prévalant à l'exercice de ces compétences doivent évoluer d'un mode parent-enfant
vers un mode adulte-adulte. Les relations de cause à effet, d'enseignant à enseigné s’estompent, voire
disparaissent pour donner naissance à un partenariat dans l’évolution. Last but not least, le passage du
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discours à l’action et de l’exhortation à l’exemplarité, constitue la caractéristique sociologique
fondamentale de cette fin de 20ème siècle.
L'action humaniste, par son inscription dans le ici et maintenant, se doit d'intégrer ces paramètres
sociologiques et par conséquent médiatiques : "Faisons nos dieux meilleurs et les hommes seront
meilleurs", autrement dit : attachons-nous à construire des modèles d'action qui répondent à la fois
aux contingences de ce “ici et maintenant" et aux valeurs universelles de l'Humanisme. Tôt ou tard, à
la demande du public, les médias saisiront l'intérêt d'être le relais de telles actions.
La médiatisation pourrait se révéler alors un outil capital dans le développement de cette nouvelle
citoyenneté à condition de répondre aux plus hautes aspirations de l'individu. Est-il utopique en effet
de penser que de grands patrons puissent mobi1iser l'ensemble de leur entreprise en intégrant dans
leur management cette nouvelle citoyenneté, ou que des collectivités locales - une grande métropole,
un département, une région - favorisent le développement d’expériences scolaires, ou encore qu'un
grand groupe d'assurances investisse dans la prévention-santé ? Dans le droit fil de ces actions ayant
pour objectif d'expérimenter de nouvelles pistes serait-il également utopique de penser qu'une partie
importante du grand public accueille favorablement des émissions télévisées pédagogiques relatant
ces actions synonymes de renouveau et d'espoir légitime ?
En cette époque de crise qui est la nôtre, où les plus grandes espérances ont cédé la place à la crainte
de profonds cataclysmes, c'est en définitive à cette petite chose fragile qu'est notre conscience, à ce
"roseau pensant" dont parlait Pascal, qu'est suspendu l’avenir de l’Homme et du Monde. Jamais
probablement dans l'histoire de l’humanité, l'Homme et le Monde ne se sont retrouvés dans une telle
interdépendance, dans une telle conscience qu'il suffit d‘un rien pour que tout s'embrase. Mais n'est-ce
pas dans la certitude même de cette faiblesse que, mesurant nos risques, nous en faisions notre
chance? Peut-être sommes-nous appelés à voir mourir le monde qui est le nôtre afin que sur ses
cendres renaisse un autre monde. Mais l'Homme, conscient des profondes exigences de sa conscience,
a-t-il de plus exaltante certitude que de se dire que c'est en lui-même que s'opère la mutation vers une
nouvelle citoyenneté ?
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