Difficile de savoir si le chevalier de Ramsay est déjà franc-maçon lorsqu'il rédige et publie son unique roman. Pierre Chevallier, par exemple, ne nous rend pas la tâche plus aisée, lui qui affirme : « C'est en tout cas au cours du séjour...
moreDifficile de savoir si le chevalier de Ramsay est déjà franc-maçon lorsqu'il rédige et publie son unique roman. Pierre Chevallier, par exemple, ne nous rend pas la tâche plus aisée, lui qui affirme : « C'est en tout cas au cours du séjour en Angleterre que Ramsay fut reçu Franc-Maçon à la Loge Horn en mars 1730. Fut-ce toutefois une première initiation, ou bien une seconde ? La question se pose, parce que les Voyages de Cyrus parus en 1727 contiennent des allusions aux mystères de l'Ordre » 1. Quoi qu'il en soit, ce bildungsroman est écrit en français, mais connaît aussitôt un projet d'édition anglaise. Ramsay est alors proche des milieux jacobites qu'il fréquente en France, mais également dans le Comtat Venaissin. C'est aussi, comme l'écrit Auguste Viatte, « le converti de Fénelon » 2 , l'homme qui a entrepris la publication des oeuvres de son maître et qui continue à défendre vaille que vaille la doctrine du Pur Amour. Ainsi, sa double situation d'opposant politique et de membre d'un courant mystique en délicatesse avec l'Église a souvent favorisé une lecture purement biographique de son unique roman. Nous n'entendons pas ici contester cette interprétation légitime et pertinente. Mais nous voudrions avant tout examiner le message spirituel que la forme du roman d'apprentissage permet de transmettre. Nous voudrions aussi comprendre comment les thèses développées dans ce récit ont pu avoir une influence sur l'écriture du Discours de 1736. Pour cela, nous situerons brièvement Les Voyages de Cyrus dans leur contexte littéraire ; puis nous apprécierons les enjeux spirituels de l'ouvrage avant, enfin, d'examiner les éléments du roman qui perdureront dans le Discours. Nous n'avons pas ici pour but de passer en revue tous les enjeux théoriques et métaphysiques du roman. Nous ne proposons simplement que la première approche d'une piste qui reste encore largement à explorer. Nombreux sont les critiques qui ont eu la tentation de faire des Voyages de Cyrus une simple imitation des Aventures de Télémaque. Il est vrai que l'ouvrage exploite une ellipse historique pour y mettre en scène l'éducation d'un prince appelé à régner un jour. Ainsi Robert Granderoute, dans sa thèse intitulée Le Roman pédagogique de Fénelon à Rousseau, écrit que « le Cyrus, à l'imitation du Télémaque, est bien une oeuvre pédagogique. Le Télémaque est le roman d'éducation du fils d'Ulysse, de même le Cyrus est le récit d'éducation du fils de Cambyse » 3. Comme chez Fénelon, le