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Une vie hantée par le paranormal
Une vie hantée par le paranormal
Une vie hantée par le paranormal
Livre électronique311 pages4 heures

Une vie hantée par le paranormal

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À propos de ce livre électronique

Depuis sa jeunesse, Christine, bretonne de sang et de cœur, est hantée par des phénomènes paranormaux qui défient toute logique. Dans son récit véridique, elle vous plonge dans un monde où des bruits résonnent dans la nuit, où des lumières s’allument et s’éteignent sans raison, où des objets disparaissent et réapparaissent, où des esprits mystérieux s’intéressent de trop près à elle et à ses enfants.

Christine vous prend par la main et vous entraîne au fil des pages dans son combat contre l’inconnu, cherchant à percer le mystère de ces présences agressives qui perturbent son quotidien.

Entre frissons et révélations, ce livre vous tiendra en haleine et vous fera remettre en question tout ce que vous pensiez savoir sur le paranormal.
LangueFrançais
Date de sortie22 oct. 2024
ISBN9782383856948
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    Aperçu du livre

    Une vie hantée par le paranormal - Christine Le Run

    Mot de l’auteur

    À travers ces pages, je vous raconte mon histoire, mon parcours parsemé d’incertitudes et d’épreuves dans le monde envoûtant et dévorant de l’invisible. Mes écrits témoignent de faits réels sur d’autres mondes qui coexistent avec le nôtre. Ce livre n’est dentelé d’aucun mensonge ni d’exagération, mais reflète la réalité telle que je l’ai vécue.

    Certains pourront penser que ce sont des hallucinations ou des illusions, mais pour ma famille, mes amis témoins et moi, ces phénomènes représentent une réalité bien réelle et souvent déconcertante impactant profondément notre quotidien. Ils ouvrent la voie vers un monde au-delà de notre compréhension actuelle, celui que nous appelons le monde invisible. Cependant, d’autres mondes existent encore, au-delà du temps, au-delà de l’espace, nous menant à des rencontres incroyables.

    Au fil des années, j’ai été témoin de phénomènes étranges et inexplicables qui se produisent régulièrement chez moi. Non, pas une simple histoire de fantômes, mais une réalité troublante, façonnant mon existence d’une manière profonde et inattendue. Des objets qui se déplacent mystérieusement, des bruits inexpliqués qui résonnent, des voix qui chuchotent, des ombres mystérieuses qui semblent se mouvoir sans source apparente.

    Certains appelleront cela l’extraordinaire, mais lorsque le surnaturel fait irruption le long de votre vie, il remet en question la force de l’esprit face à l’inconnu, défiant nos croyances et la perception du monde qui nous entoure. Il nous dirige vers une recherche incessante de compréhension et de résilience dans un monde où la frontière entre le réel et l’irréel demeure floue.

    Nous ne sommes pas les seuls à vivre dans notre dimension. Mais à votre avis, lequel est le plus dangereux, le monde visible ou le monde invisible ? Dans les autres dimensions, on touche du doigt d’autres réalités moins terrestres et plus évidentes. Ces dernières remplacent notre réalité actuelle enfermée dans cet espace-temps qui nous réduit, qui nous conditionne en petits humains. Les hommes sont imprévisibles et nombreux se prennent pour des immortels prétentieux alors qu’ils ne sont que des feuilles de papier à cigarettes devant ce monde des Êtres de l’invisible.

    Un de ces mondes est sombre et terrifiant. Il n’apprécie guère que l’on parle trop de lui et devient vite impatient. En effet, entrer en contact avec lui n’est pas un divertissement inoffensif. Aujourd’hui, une ambiance lourde charge la maison plus que d’habitude. C’est angoissant.

    Je regarde dehors un petit bosquet, quelques oiseaux chantent joyeusement perchés sur les branches des arbres, une voix venue de nulle part me parle. Je l’entends, c’est la même qu’autrefois. Je la reconnais à son intonation douce, mais aux paroles fermes. À présent, il est temps pour moi de refermer ces portes. Je suis fatiguée. Je rêve de paix et de redevenir ce petit grain de sable tel que j’étais à ma naissance.

    Je vous invite à lire mon histoire où la réalité est parfois bien plus étrange que la fiction.

    1

    Voici bientôt quarante-cinq ans, je rencontrais Elisa, celle qui allait devenir mon amie, ou plutôt redevenir mon amie.

    Mes parents cherchaient à acheter une maison en Bretagne. Cette Bretagne nichée entre terre et mer, si belle, si sauvage, si énigmatique et tellement fascinante ; terre de pirates, de lavandières et de korrigans, terre nourricière de créatures surnaturelles, hébergeant le royaume de Merlin qui dort pour l’éternité dans la forêt de Brocéliande, se souvenant des exploits du Roi Arthur et des chevaliers de la Table ronde. Là-bas, on est vraiment ailleurs, la croyance spirituelle est reine, l’imaginaire est roi. L’ambiance y est mystérieuse et chaque mangeur de galettes et buveur de lait Ribot, au caractère bien trempé, connaît une légende à vous raconter.

    Tout n’est qu’enchantement. Les paysages y sont époustouflants en commençant par les immenses côtes sauvages dentelées par les vents et les marées ; les landes parsemées de bruyère ; cette mer poinçonnée de phares ; la douceur des eaux turquoise par endroits, la dureté des eaux bleu marine par d’autres ; les immenses plages de sable fin et les nombreuses grèves de galets où le sable ne se découvre qu’en marée basse ; les petites criques où l’esprit n’existe que pour admirer la beauté offerte et où seule l’âme peut se connecter aux énergies de l’instant ; les falaises abruptes aux feuilletés d’ocre et de noir, creusées à force d’inlassables vagues assaillantes, jouant les sentinelles du territoire breton, fier de leur éminence malgré les meurtrissures.

    Et si vous regardez bien la mer, vous pourrez apercevoir des dauphins ou trouver des phoques gris au bord d’une île. Sans oublier, les énormes rochers acrobates de la plage de Saint-Guirec dans le bourg de Ploumanac'h qui vous offriront un spectacle majestueusement irréel, laissant à chacun la possibilité d’imaginer leur histoire.

    Pas un seul Breton ne vous dira que la Bretagne est une région de France. Pour eux, elle est un pays, un pays à part entière que chacun vit au plus profond de son âme. Évidemment, tout individu chauvin idolâtre sa région dans son cœur. Cette identité bretonne ne cesse de battre et résiste de siècle en siècle malgré les colonisations, les pressions cléricales et politiques. Ça ne s’explique pas, c’est une véritable histoire d’atavisme, d’amour et de passion.

    Nous avons vécu en Bretagne quelques années, à Saint-Malo, avant de nous installer dans les Hautes-Pyrénées, région montagneuse et vallonnée. Nous attendions impatiemment les vacances afin de renouer avec nos racines. Mes parents, mes deux jeunes frères et moi y partions dès que possible.

    Mon père, nostalgique des Côtes-d’Armor, sa région natale, avait toujours eu envie d’y posséder un pied-à-terre. Ces Côtes-d’Armor, qui tirent le nom du breton Armor signifiant la mer, s’enroulent autour de Saint-Brieuc. Le patrimoine architectural est exceptionnel. Villes médiévales, cathédrales, églises de taille impressionnante édifiées même dans les villages les plus reculés de la campagne, et de nombreuses chapelles émaillent les lieux. Les maisons sont principalement habillées de pierres, certaines en pan de bois et couvertes de toit en ardoise. Aucun panneau de signalisation de ville ou de village, ni même de circulation, ne manque de traduire le nom breton en français, ou l’inverse peut-être.

    La clémence de la météo contrariant son éternelle réputation de Bretagne pluvieuse favorise la pousse de la végétation. De flamboyants hortensias, de magnifiques agapanthes, des mimosas, des eucalyptus embaument les jardins.

    Ma famille paternelle habite Paimpol, charmante petite ville bordée par la Manche, à une quarantaine de kilomètres de Saint-Brieuc. Je connais bien la région et j’adore de m’y rendre. Paimpol, à l’origine, était une ville de pêcheurs connue pour le départ des goélettes à l’époque dite de la grande pêche à la morue, où 120 goélettes firent naufrage à cause d’intempéries ou d’abordages emportant plus de 2000 marins. Les plus jeunes n’avaient que huit ans. Théodore Botrel a immortalisé cette période noire par sa chanson « La Paimpolaise ».

    Hébergés chez une tante à Ploubazlanec, à proximité de Paimpol, j’aimais me rendre à la croix des veuves, à la pointe de Pors-Even, imposant monument de granit anthracite, protecteur immuable des marins, dressé en hauteur face à la mer. Cette croix nommée Kroaz Pell, ornée d’une pietà sur une face et de la Trinité sur l’autre, est en fait incomplète par l’absence de sa barre transversale et repose sur une superposition de trois blocs de granit. Dans ce lieu herbeux, la croix des veuves majestueuse et solitaire prend son rôle de gardienne à cœur. Et je suis certaine que si nous prenions le temps de l’écouter, nous l’entendrions pleurer, renvoyant tel un écho les prières des femmes de marins.

    La nostalgie me prenait alors en pensant à elles, en attente du retour de leur enfant, de leur mari ou d’autres membres de leur famille, après sept longs mois d’absence. Elles se rendaient sur ce lieu pour prier afin que leurs hommes reviennent sains et saufs. Au mois d’août, au mois du présumé retour, elles venaient scruter l’horizon bleu dans l’espoir de voir apparaître les larges voiles d’une goélette, mais parfois, leur attente était vaine.

    Je revivais cette attente dans leur longue robe noire usée par la besogne, leurs cheveux emprisonnés sous une petite coiffe de dentelle blanche raidie par l’amidon, le cœur lourd et inquiet. L’angoisse me saisissait. J’attendais aussi le retour de quelqu’un sans savoir qui. Le manque me tenait, les soupirs m’envahissaient, les rêves me sauvaient. J’étais jeune, mais un vide au fond de mon âme m’empêchait d’atteindre la sérénité.

    Cette immensité d’eau moutonnée m’impressionnait. Elle avait déjà avalé tant de vies, englouti tant de bateaux. Ce paysage, ces pensées, une impression de souvenirs douloureux me renvoyaient à ma petitesse et étrangement aussi à un désir absolu de liberté et de bonheur. Adossée à la croix, j’humais les embruns de ce dominateur qu’est l’océan, indomptable et dévorateur, clair en surface et aux sombres abysses. Assise à présent sur la troisième marche de la croix, ce bleu vert démesuré et ourlé de blanc me fascinait. J’aurais désiré que l’océan me fasse présent de sa force et de sa détermination.

    Je me sentais tiraillée entre cette vie terrestre et le monde de rêves où je me réfugiais sans cesse. Un garçon, aux cheveux bruns, au visage familier, aux yeux enfantins, quelques années de plus que moi, me tenait tendrement dans ses bras. Aucune séduction, non, il me comprenait et me rassurait comme un grand frère l’aurait fait. Tout simplement, il me protégeait. Aussi loin que je me souvienne, sa présence m’avait toujours accompagné dans ma vie. J’aurais voulu me blottir réellement contre lui, mais il n’existait que dans mes rêves.

    Un ami imaginaire, comme il est dit. L’imagination est une fonction importante dans toute vie humaine, elle permet de s’abandonner, de lâcher prise durant un moment, laissant la porte ouverte à toutes sortes de rêves. Ces derniers reflètent généralement l’inconscient de la personne. Certains rêves sont en fait des rêvasseries, d’autres nous donnent l’impression de les vivre réellement. Au fond de mon être, je le vivais, le ressentais. Parfois, je remarquais sa présence près de moi lorsqu’il s’asseyait au bord de mon lit, sa pression pliait mon drap tout en enivrant le lieu d’une odeur iodée. Alors, le sachant près de moi, la paix m’envahissait. Mon ami savait m’apaiser, sécher mes larmes et soulager mes angoisses. Un sentiment d’attachement profond nous liait. En son irréelle présence, je devenais sereine et le manque qui m'habitait disparaissait comme par miracle.

    Mais je n’avais que onze ans et, à cet âge-là, qui aurait pu comprendre de telles pensées ? Et je m’en allais, déçue qu’un majestueux trois-mâts ne soit pas venu me chercher. La nuit, je devenais dans mes rêves un marin. L’océan bleu marine encerclait le navire. Les vagues forçaient le bercement, accentuaient le roulis. Les déferlantes se ruaient contre le bateau. Une impression d’être en enfer me tétanisait, la violence de l’eau me projetait hors du bateau, alors la rudesse du froid me saisissait, mes bottes lourdes se remplissaient d’eau, mes poumons aussi. Je me sentais attirée vers le fond. Je me réveillais… Et, plus de quarante ans après, je ressens toujours les mêmes émotions devant un trois-mâts. Ma gorge se noue, mon cœur se drape de nostalgie.

    J’aimais me rendre à la pointe de Bilfot où la vue offre un superbe panorama de la baie de Paimpol tant à marée haute qu’au moment de l’étal où les hautes falaises se révèlent, les îlots rocheux apparaissent. Dans l’ivresse du vent de la pointe de Minard, je fermais les yeux, un désir de liberté me transportait. Un petit chemin étroit et escarpé, mélange poussiéreux de terre et de cailloux, m’entraînait en contrebas, me donnant le sentiment que la reine mer n’attendait qu’une maladresse de ma part pour me dévorer.

    Mon endroit préféré était la chapelle de Sainte-Barbe située dans un lieu-dit, tout proche de Paimpol. Je m’asseyais sur un banc à côté de mon ami Yves, caché sous sa casquette de marin, qui avait toujours un geste d’amitié pour les passants connus et inconnus, son petit couteau dans l’autre main à tatouer le banc en bois au gré du vent et de ses envies. Et moi, rêvant face à la mer, écoutant d’une oreille distraite les blagues distillées par mon ami.

    De nombreuses chapelles me ravissent également. Deux d’entre elles m’impressionnaient, tout particulièrement, celle de Perros-Hamon et celle de la Trinité à Pors-Even. Nombreux sont les récits de marins sauvés d’un naufrage après avoir demandé protection à Notre-Dame de Perros-Hamon. Un profond respect au fond du cœur, la peur au ventre, je pénétrais à l’intérieur. Je ressentais des choses que je taisais. Des présences m’entouraient. Je les ressentais, je les voyais, mon ventre se nouait. Je n’osais détacher mon regard du sol de crainte de me retrouver face à un fantôme. Mais, je n’avais que douze ans et, à cet âge-là, qui aurait pu comprendre de telles sensations ? J’aimais faire sept fois le tour de la seconde située en contrebas de la croix des veuves, malgré les ronces qui envahissaient les murs, dans l’espoir qu’un de mes vœux soit exaucé, ce qui le fut des années plus tard.

    2

    C’était en 1978. Tous les après-midis, la même rengaine, nous roulions dans l’espoir de satisfaire le désir de mon père : trouver une maison. Bien sûr, il avait écumé toutes les agences immobilières à proximité. Et en cette fin de journée, en passant à Kermanac'h, sur la route de Plouézec, un panneau affichant « Maison à vendre » attira son attention toujours à l’affût. La maison se trouvait là, sur la gauche, au sommet d’une côte. Une maison typique, le toit en ardoise, les murs en pierres, de petites fenêtres et surtout un jardin, si on pouvait appeler ainsi ce bout de terrain tout en friche. Sur le côté droit de la maison s’élevait une grande croix de bois scellée sur un socle de pierre, comme si elle était là pour protéger l’intersection des chemins ou les lieux.

    Une vieille dame semblant nous attendre devant le portail nous regardait. Mon père descendit du véhicule, l’accosta et lui demanda quelques renseignements au sujet de ce bien à vendre.

    Je fus saisie. Cette dame, je la connaissais. Ses cheveux blancs coiffés en un chignon serré, de grands yeux bleus délavés par l’âge avancé, une robe noire et un gilet sans manche de couleur foncée, elle tenait dans ses mains une bouteille. Aimantée, je descendis à mon tour, précédée par ma mère. Je restais immobile, muette, scrutant les faits et gestes de cette dame. Tout en restant à distance, je la regardais. Elle semblait provenir d’un autre monde, tant de sa personne émanait émotions et vibrations. Elle se tenait là, son allure tout à la fois simple et altière inspirait du respect. Ce n’était pas une vieille dame comme les autres. Elle dégageait naturellement de la noblesse et du charme. C’était un mélange de félicité et de souffrance, elle était à la fois présente et irréelle. C’était l’absolu, mon Absolu.

    J’étais fascinée, elle que je n’avais jamais vue de mon existence, et pourtant il me semblait la connaître. L’envie de lui crier « C’est moi, vous me reconnaissez ? » m’obsédait. Doucement, je m’approchai d’elle. À cet instant, elle s’enquit auprès de mon père : « Vous venez de Lourdes ? ». Je l’entendis lui répondre oui. Elle montra la gourde d’eau de Lourdes qu’elle tenait entre ses mains et rétorqua un doux sourire aux lèvres qu’elle le savait. Je fus subjuguée.

    Nos regards s’accrochèrent, j’eus l’impression qu’elle fouillait jusqu’au fond de mon être, l’impression qu’elle pouvait lire en moi. J’étais hypnotisée. Oui, c’est certain, je la connaissais. Elle me sourit et me toucha la joue, mais mon ressenti était autre. Comme si j’avais enfin retrouvé une amie perdue de vue depuis très longtemps. Un soulagement, une envie de crier que j’étais heureuse, un désir de la serrer fort entre mes bras, mais les circonstances ne s’y prêtaient pas. Et personne n’aurait pu comprendre. Juste elle, peut-être…

    Étrangement, la propriétaire de la maison, c’était elle. Mes parents prirent rendez-vous pour la visiter. Les jours passèrent, ils avaient revu la vieille dame, moi pas. Continuellement, la question d’où je la connaissais me taraudait. Aucune réponse. Même pas le souvenir de quelqu’un à qui elle pouvait ressembler. Non, la réponse venait d’ailleurs.

    Et, puis comment savait-elle que nous venions de Lourdes ? À la plaque d’immatriculation, peut-être ? Non ! Ça n’aurait pu qu’être un hasard, qu’une supposition ! Mais, pourquoi alors, avait-elle cette bouteille d’eau de la grotte de Lourdes ? Pure coïncidence ? Non ! Quelque chose d’étrange se tramait forcément là-dessous. Je taisais mes pensées, mes ressentis et mes interrogations à ma famille.

    L’achat de la maison, évidemment, se concrétisa. Mon père était fier d’avoir pu réaliser son rêve, ma mère semblait ravie pour lui. Et pourtant, cette maison n’avait rien d’exceptionnel. Deux pièces constituaient l’essentiel de la demeure: le sol en terre battue, une auge en pierre en guise d’évier, pas de salle de bain, juste une bassine, et évidemment pas de toilettes à l’intérieur, juste un cabanon au fond du jardin. Le jardin agrémenté d’une dépendance était bordé sur un côté par de magnifiques pieds de rhubarbe, tout le reste était envahi par des ronces. Dans cet abandon, quelques rosiers et quelques pieds d’hortensias avaient survécu. Et cette fameuse croix en bois où l’on découvrait, dans une petite niche vitrée, une statuette blanche de la Vierge.

    La vieille dame avait déménagé chez sa fille, à peine un kilomètre plus loin. Je prenais mes repères, fis la connaissance de Marie habitant quelques maisons plus loin. C’était une cousine au troisième degré du côté de mon père, une gentille fille de mon âge, aux longs cheveux châtains, aux yeux bleus, vaillante, mais déjà éprouvée par une vie difficile.

    Ma cousine connaissait cette vieille dame prénommée joliment Elisa. Elle s’empressa de me raconter quelques anecdotes à son sujet, dont certaines paraissaient invraisemblables. Elle la décrivait comme une sorcière. Ainsi que les deux sœurs d’Elisa, Angèle et Soïzig. Toutes les trois étaient très redoutées dans le passé. Cependant, Elisa était la plus crainte des trois. Il valait mieux être son ami que son ennemi. Pour preuve, ma cousine me raconta que, dans le temps, un sac de pommes de terre lui fut dérobé ; Elisa cria vengeance, demandant que le coupable se dénonce. Le lendemain, un voisin très proche fut pris d’une terrible fièvre et mourut quelques jours plus tard. Le larcin fut découvert chez lui. Marie me raconta également que sa grand-mère avait assisté à des scènes de colère entre les trois sœurs où les lits se soulevaient, les assiettes volaient toutes seules. L’air sérieux, tout en regardant ma cousine parler, je riais sous cape, m’imaginant la scène qui me semblait sortie d’un film fantastique.

    Certaines fins d’après-midi avec Marie, nous allions nous promener sur la grève de Boulgueff, un endroit idyllique pour se ressourcer. Nous parcourions deux kilomètres à pied, dont un à travers bois, avant d’atteindre cette grève. L’ambiance de la verdure bordant le rivage, du bruit régulier des vaguelettes claquant sur les galets, des remous de l’océan berçant quelques bateaux ancrés, des cris poussés par des mouettes volant au-dessus de nous, telles des gardiennes du lieu, nous ensorcelait. Nous installions quelques galets plats pour nous fabriquer une assise confortable pour regarder le soleil disparaître dans la ligne d’horizon. Le murmure des vaguelettes me berçant à mon tour, je partais dans mes songes. Je me trouvais enfouie dans une cape noire au toucher feutré et rêche, sa large capuche au rebord matelassé recouvrait mon front. Je priais devant un autel, mon cœur était lourd. Je me retournais, mon ami imaginaire me tendait la main pour m’emmener loin de ce monde terrestre, son âme liée à la mienne. Puis, revenant à la réalité, je tournai ma tête vers Marie et nous restions à bavarder tout en essayant quelques ricochets sur l’eau. J’étais apaisée, je le savais à mes côtés.

    Ma cousine avait l’âme d’une vraie Bretonne, imprégnée de superstition. Elle débordait d’admiration pour les événements étranges, ressemblant à une encyclopédie sur les légendes, les mythes et les coutumes. Une fille pleine de bon sens avec qui il était agréable de discuter. Je me demande si toutefois, il ne lui arrivait pas de broder un peu sur les histoires ! Comme tout Breton, son angoisse majeure était d’entendre le grincement des essieux de la charrette de l’Ankou. Elle m’expliqua sa peur : l’Ankou représente la mort, un homme grand et maigre, vêtu d’un manteau noir, aux longs cheveux blancs, couverts d’un chapeau noir à larges bords, les yeux couleur de feu. Il porte une faux qu’il aiguise avec un os humain. Debout sur sa charrette, lestée de pierres, il les jette l’une après l’autre pour contrebalancer le poids des dépouilles qu’il charge. Il circule la nuit, cherchant ses pauvres victimes. Ma cousine croyait dur comme fer que le simple fait de l’approcher, de l’entendre ou pire, de lui parler suffisait à causer la mort de la personne ou d’un proche. Moi, je préférais croire à l’existence de l’île d’Avalon où dort le Roi Arthur.

    Parfois, nous accompagnions nos grand-mères à la cathédrale Saint-Tugdual de Tréguier pour un moment de recueillement devant la sépulture illuminée de mille bougies implorant protection et grâces à Saint Yves, patron de la Bretagne. Nous les accompagnions également à des pardons, ces pèlerinages religieux du saint ou de la sainte d’un lieu, chantés par des cantiques. Mon âme s’imprégnait de cette ambiance tandis que ma grand-mère et sa sœur retrouvaient leurs amies.

    3

    Marie et moi travaillions dans une ferme proche de nos maisons, à ramasser des fraises tôt le matin, à écosser les haricots paimpolais et à biner la terre pour ramasser les pommes de terre. Travailler durant les trois mois d’été m’était imposé par mon père. Le travail n’était pas désagréable, mais seulement harassant. Je rentrais à la maison courbaturée, et surtout ballonnée d’avoir avalé, afin d’éviter les réprimandes, les fraises non mûres cueillies par erreur. Puis, au fil des jours, ces matins de labeur durant les trois mois d’été me plurent. Les après-midi étaient chômés.

    Dans cette ferme, au moment de la collation de dix heures, on nous servait du chocolat pour les plus jeunes, du cidre et du vin pour les plus âgés, ainsi que de succulentes galettes dorées, confectionnées chaque matin par une vieille dame, bien en chair et portant la coiffe, s’appelant Louise. Elle gérait tout le service, étant la mère de la patronne des lieux. Cette dame teintée de gaieté, dotée d’un savoir-faire sûrement inné à cuisiner de généreuses galettes aux couleurs légèrement foncées par la farine de sarrasin, me plaisait. Elle avait toujours le sourire aux lèvres, ce qui permettait à ses pommettes d’intensifier la beauté de son visage ridé. Ses yeux respiraient la bonté de son âme. Ma cousine me confia qu’elle avait eu dans le passé des histoires avec Elisa et qu’elles ne s’appréciaient pas beaucoup.

    Louise venait parfois m’accoster, nous discutions de banalités. Un jour, j’engageai la discussion sur la maison de mes parents afin de parler d’Elisa. Comme je m’y attendais suite aux dires de ma cousine, Louise me mit en garde contre Elisa, me conseilla de faire attention. Ne comprenant pas, je lui avouais pourtant mon admiration pour cette dame que je n’avais vue qu’une seule fois. Elle me rétorqua que cela ne l’étonnait pas et rajouta qu’Elisa possédait un puissant charisme, puis me sourit. Je pourrais lui en parler si j’en ressentais l’envie. Louise était douce, la miséricorde même. On eût dit que la vie était pour elle un intermède, se réjouissant seulement du bonheur des autres. Le matin, il était agréable de croiser son sourire offrant des bolées d’énergie positive à toute personne qui lui demandait.

    Pourtant Elisa, malgré toutes ces allégations, continuait à m’intriguer. Je posais sans cesse des questions à son sujet à ma mère, qui elle-même semblait très intriguée par le personnage. Et enfin, un jour, à force de la harceler, je fus autorisée à lui rendre visite chez sa fille. J’étais aux Anges et remerciai ma maman.

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