Bibliothquedel 175 Ecol
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Il est peine
utile de faire remarquer que, en ralit les etfectifs des deux armes en prsence
devaient tre trs faibles : en tout cas, Louis, venu de Bavire, et Charles, d'Aqui-
taine, aprs de rapides chevauches, ne devaient avoir avec eux l'un et 1 autre
qu'une poigne de cavaliers, et les renforts qu'ils avaient reus d'un peu par'out
et notamment de Bourgogne, ne pouvaient tre bien considrables.
CHAPITRE 11
L'ALLIANCE AVEC LOUIS LE GERMANIQUE
25 juin 841
19 mars
842)
Suites de la bataille de Fontenoy. nouvelles chevauches en Aquitaine, en
Neustrie et en " France . Lothaire reprend l'offensive et rejette Charles
en Neustrie. Alliance de Charles et de Louis, serments de Strasbourg, fuite
de Lothaire.
Quelque importante qu'elle ait paru aux contemporains
'.
la bataille
de Fontenoy ne devait pas avoir de rsultat dcisif : au lieu de pous-
ser jusqu'au bout leurs avantages, Louis et Charles, par grandeur
d'me , dclare Nithard, ngligrent de poursuivre Lothaire et, sitt
la victoire assure, vers midi, regagnrent leur camp-. Tout l'aprs-
midi du 25, ils restrent inactifs; le dimanche 26, aprs la messe, ils
firent ensevelir les morts, transporteries blesss et proclamrent que
les fugitifs obtiendraient leur pardon s'ils venaient engager loyalement
leur foi ^ Puis ils runirent une grande assemble dans laquelle les
1. Voir les textes cits au chapitre prcdent et notamment
p.
35-36.
2. Nithard, III, 1, d. Millier,
p.
28 : Proelio quidem, uti praefatum est, sirenue
peracto, quid de palantibus peragere deberetur Lodhu\icus et Karolus in eodem
campe deliberare coeperunt. Et quidam, ira correpti, perscqui hostes suadebant
;
quidam autem, et maxime reges, miserantes fratris plebisque et ut judicio Dei et
hac plaga repressi ab iniqua cupiditate resipiscerent et Deo donante deinceps
unanimes m verajusticia devenirent piis visceribus solito more optabant. In quo
negotio Dei omnipotentis misericordia ut prestolaretur suadebant. Quibus cetera
mullitudo assenlientes a proelio et praeda discesserunt et fere mediante die ad
castra redeunt... . Les Ann. Berlin., ann. 841, d. Waitz,
p. 25, disent d'une
manire toute semblable itrop semblable mme, semble-t-il, pour qu'on les puuse
supposer tout fait indpendantes de Nithardl : Palantium autem caedes pas-
sim agitabatur donec Hlodowicus et Karolus pietate ferventes ab eorum inter-
fectione cessandum decreverunt. Quin etiam longius a castris obtentu christianitatis
fugientes persequi desierunt.
3. Nithard, 111, 1, d. MUer, p. 28 : Nam diversis pro rbus diem dominicum
inibi acturos se deliberarunt. In quo, mis^a peracta, amicos et inimicos, fidelee
38 I>ACTIO>J DE CHARLES ET DE LOLIS APRES LA RATAILLE [841]
vques dclarrent qu'on avait lutt uniquement pour la justice et
l'quit, que la victoire tait un jugement de Dieu et qu'eux-mmes,
ils n'taient responsables de rien ;
ils invitaient ceux qui, dans cette
affaire, s'taient laiss guider par la colre, la haine, l'orgueil ou par
quelque mauvaise passion confesser leur faute et faire pnitence
;
enfin, pour la rmission des pchs de ceux qui n'taient plus et pour
obtenir la protection de Dieu dans l'avenir, ils ordonnrent un jene
de trois jours '. Trois nouvelles journes lurent donc encore passes
dans l'inaction (27-29 juin)-.
Pendant ce temps, Lothaire avait pu tranquillement se diriger sur
Aix-la-Chapelle^. Ppin, de son ct, avait pu reprendre le chemin de
l'Aquitaine *, et il tait dj loin quand Bernard de Septimanie, qui,
le 25 juin, tait rest trois lieues du champ de bataille dans une
prudente expectative, envoya son fils Guillaume dire Charles qu'il
se faisait fort d'obtenir la soumission du rebelle. Guillaume devait en
mme temps prter serment de fidlit au roi si celui-ci consentait
le mettre en possession de l'hritage de Thierri de Bourgogne dont il
se trouvait le dpositaire
^.
Charles, sans difficult, fit bon accueil
toutes ces propositions
"^
; et, remettant plus tard la poursuite de
et iafideles pariter sepulturae tradebant
;
plaga correptos ac semivivos eodem modo
pro viribus ex animo refovebant. Post lies qui fuga evaserant miserunt, oferentes
si reverti sanafde vellentomnia delicta remitti. De mme encore les Ann. Berlin,
loc. cit., disent que le 25 juin, aprs la bataille, Louis et Charles firent savoir aux
vques n ut die crastina qua ejusdem rei gratia in loco eodem stativa habuerunt
mortuorum cadavera, prout temporis oportunitas sineret, sepulturae mandarent.
1. Nithard, 111, 1, d. Millier,
p.
29.
2. Ihid. : Proque his omnibus triduanum jejunium inventum immoque libenter
ac clbre celebratum est
.
3. Ann. Berlin., ann. 841, d. Waitz, p. 25 : Hlotharius terga vertens et Aquas-
granii perveniens...
;
Ann. Fuld., ann. 841, d. Kurze,
p.
32 : Et Hlutharius
quidem ipsa die ad Aqueuse palatium coepit reverti.
4. Nithard (III, 2, d. Millier,
p. 29), dclare, en effet, que Charles, le 30 juin
a diversis pro rbus et maxime propter Pippinum, ut illum sibi subdere studeret,
in Aquitaniam ut proficisceretur ratum duxit.
5. Nithard, III, 2, d. Miiller,
p.
29 : Xam Bcrnardus dui Septimaniae,
quanquam a loco pracdicti proelii plus minus leuvas trs defuerit, neutri in hoc
negotio supplementum fuit
;
victoriam autem ut Karoli esse didicif, filium suura
Willelmum ad illum direxit et, si lionores quos idem in Burgundia habuit eidem
donare vellet, ut seilli commendaret praecepit. Insuper jactabat se posse necnon et
aiebat quod Pipinum una cum suis Karolo foedere quo valeret subdere vellet.
Thierri, frre de Bernard, oncle et parrain de Guillaume, avait, au moment de sa
mort, confi ses biens l'empereur Louis le Pieux, pour les remettre son
filleul le jour o il serait majeur. Voir Histoire gnrale de Languedoc, nouv.
d., t. II,
p. 275.
6. Nithard, III,
2, d. Millier,
p.
29.
[841J
CHEVAUCHE EN AQUITU>E
39
l'uvre commune, le 30 juin, aprs avoir pris rendez-vous pour
le l" septembre Langres
', les deux frres se sparrent, Louis
regagnant la Bavire, Charles se dirigeant avec sa mre vers la Loire
d'o il comptait aller recevoir la soumission de Ppin-.
Passant par Saint-Benot-sur- Loire, o nous le voyons donner au
monastre tabli en ce lieu une chasuble qu'il avait enleve la cha-
pelle de Lothaire ^, Charles entra en Aquitaine. Mais il ne tarda
pas s'apercevoir que les dernires assurances de Bernard n'taient
pas plus solides que les prcdentes : Ppin, pressenti par le duc de
Septimanie, refusa de se soumettre et seuls quelques-uns de ses parti-
sans, se dtachant de lui, consentirent venir prter serment de
fidlit
*.
Le roi dut se contenter de ce mdiocre rsultat et se diriger
en hte vers le nord o l'appelaient de pressantes affaires.
En quittant le champ de bataille de Fontenoy, il avait, en effet,
dpch en France le comte Alard avec mission de rallier les
anciens fidles passs Lothaire au cours de l'anne prcdente. Mais
il tait dj trop tard : Lothaire avait eu le temps de rpandre partout le
bruit que Charles tait mort dans la bataille, que Louis, bless, s'tait
enfui et qu'il tait lui-mme victorieux. Aussi, peu de Franais
avaient-ils rpondu l'appel d' Alard, et encore lui avaient-ils fait
dclarer Quierzy, o il avait donn rendez-vous leurs dlgus,
qu'avant de se prononcer ils voulaient savoir si oui ou non Charles
tait en vie et qu'ils ne prteraient serment qu'en sa prsence
^.
1. NitbarJ, III, 2, d. Millier, p. 29, dit, en elet, qu'an peu aprs Charles dut
prcipiter sa marche propter conventuin quod cum fratre in Lingonicam urbem
kal. septembris condixerat .
2. Nitbard, ibid. : Cumque adversa undique propulsa viderentur ac spes pro-
speritatis cuique hinc inde faveret, Lodhuwicus cum suis Renum petiit, Karolus
vero una cum matre Ligerim adiit. Res autem publica inconsultius quam opor-
teret omissa, quo quemque voluntas rapuit perfacile omissus abscessil. Cf. Ann.
Fuld., ann. 841, i. Kurze, p.
32 : Hludowicus vero et Karlus castris potiti
coUectis ac sepultis eorum cadaveribus, qui ex sua parte ceciderant, ab invicem
discedunt.
Etant donn qu'ils avaient employ jener les journes des 27, 28
et 29 juin, c'est seulement le 30 que les deux rois purent se mettre en marche.
3. Miracula S. Benedir.ti, I, 41 (par Adeleriu<) : NaU inter cetera qaae
huic loco contulit munifica affluenti sua largitate sacerdotale indumentum quoi ex
capella fratris sui Lotbarii abstulerat dum ex bello reverteretur Fontanetico devo-
tissime praebendo concessit... {Les miracles de saint Benoit, d. E. de Certain,
p. 86; Mon. Germ., Script., t. XV,
p. 498).
4. Nithard, III, 2, d. Millier, p. 29 : (c Quod quidem Pippinus audiens, paalo
ante desideratum cum illo foedus inire distulit. Bernardus quidem ad illura venit,
sed ut illi se commendaret minime acquievu. Qaidam tamen a PipiQO desciverun t
et hoc tantum praefata expeditio Karolo profuit quod illos sibi foederatos recepit. >>
5. Ibid.
40 CHEVAUCHE E?} >'EUSTRIE
[841]
Certains autres, sous la direction de Gombaud, n'avaient mme pas
cach leur hostilit
'.
Aussi Alard, se repliant sur Paris, avait-il
inform le roi de la situation, l'invitant venir au plus vite pour parer
aux attaques possibles et pour obtenir par sa prsence l'adhsion des
fidles
-.
Quittant donc l'Aquitaine, Charles se dirigea vers la Seine par la
route de Tours au Mans
^.
Le I" aot, nous le voyons entre ces deux
villes, Bannes *, sur le Loir, o il enlve Sigismond, pour la resti-
tuer l'vque du Mans, l'abbaye de Saint-Calais, qu'il lui avait
donne au dbut de l'anne
'"
en change d'un serment de fidlit
vainement attendu depuis lors
^.
Passant ensuite au Mans
'^,
Charles
1. Nithard, III, 2, d. Millier,
p. 30 : At Guntboldus ceterique coadunati supra
praefatos Karoli misses irruere se simulabant et utique fecissent si ausi essent.
2. Ibid. : Quapropter ad Karolum Adhelardus et ceteri miserunt, mandantes
ut quantolius posset venire satageret quatinus et illis adjutorium praeberet et si
Franci, uli aiebant, ad illum venire vellent scire posset. Ipsi vero Parisiacam civi-
tatem adeunt adventum Karoli praestolatun.
3. Jbid. : Quod cum Karolo niinciaretur protinus his in partibus iter direxit.
Comme nous Talions ^oir passer Bannes, puis au Mans, il est visible qu'il a
rejoint Tours et pris la route de Tours au Mans.
4. Canton de Meslay, arr. de Laval (Mayenne).
C'est Vaas que les com-
mentateurs les plus rcents de la Table de Peutinger font franchir le Loir par
la voie romaine de Tours au Mans : au lieu de suivre le trac de la grand'route
actuelle, elle aurait pass par Brches, faisant ainsi un coude marqu vers l'ouest
(voir Dictionnaire archologique de la Gaule publi par la Commission de topo-
graphie des Gaules, t. I", 1875, p. 399; Table de Peutinger, d. Desjardins, p. 28;
Ernest Desjardins, Gographie historique et administrative de la Gaule romaine,
t. IV, 1893, p. 139; A. Longnon, Atlas historique de la France, texte, p. 28, et
carte II). Vaas se trouvant une dizaine de kilomtres en aval de Bannes, on ne
s'explique gure le passage de Charles en ce dernier endroit (o il n'existait pas
de palais, semble-t-il) qu'en supposant ds cette poque l'existence d'une bonne
route passant par Dissay-sous-Courcillon et Chteau-du-Loir. La route nationale
actuelle, qui suit ce trac, passe seulement un kilomtre et demi de Bannes.
5. Voir ci-dessus, p. 22.
6. Gesta Aldrici, dans les Mon. Germ., Script., t. XV,
p.
32d, et d. Charles
et Froger,
p. 159 . Vertente autem tempore et praedicto Sigemundo ad memo-
ratum regem, domnum videlicet Karolum, filium Hludovici imperatoris, minime
venlente et facto maximo proelioin pago Altisiodorenseinter Karolum et Hlotharium,
in quo jam a Domino Deo et Salvatore nostro data est jam dicto Karolo Victoria et
eo per partes Conomannicas remeante nec tum niemorato Sigemundo ad euni veniente,
redditur kal. augusti in villa cujus vocabulum est Bona super fluvium Liz in pago
Cenomannico a praescripto domno Karolo legibus praefato Aldrico j)er juditium
multorum nobilium et sapientum virorum praedictum monaslerium cum omnibus
ad se pertinentibus.
7. Ann. Jiertin., ann. 841, d. Waitz,
p.
20 ; Karolus, dispositis, quantum
oportunitas rerum si\it, Aquitanicis partibus, per Cenomannos, Parisios atque
Bellovagos Franciam permeans...
[841]
CHEVAUCHE EN (( FRANCE ))
41
fut bientt rejoint par Alard pnc, prs de Meulan
'.
Il s'y dcida
faire en France une tourne rapide par Paris, Beauvais, Com-
pigne, Soissons, Reims, Chlons, de faon tre Langres pour la
date fixe -,
tout en se montrant aux fidles et en accueillant ceux qui
voudraient venir lui
'.
Mais la faible escorte du roi n'inspira pas
plus confiance aux Franais qu'elle n'en avait inspir aux
Aquitains, et la plupart se drobrent sous divers prtextes
'.
Le voyage de Charles servit tout au moins dtruire la lgende si
habilement rpandue par Lolhaire sur l'issue de la bataille de Fon-
tenoy
''.
A Reims, d'o Ebon, destitu jadis par Louis le Pieux, puis
1. Nithard, III, 2, d. Mller,
p. 30 : Ad Seqaanam auteru ut pervenit, Adhe-
lardum una cum ceteris in Spedonna obviam habuit... .
Epne, arr. et cant. de
Mantes (Seine-et-Oise).
2. Voir ci-dessus, p.
39.
3. Nithard, I!I, 2, d. Millier, p.
30 : Et quanquam propter conventum quod
cum fratre in Lingonicam urbem kal. septembris condixerat, quoniam imminebat,
anxius esset, ratum duxit ut saltem citato cursu per urbem Belvacensera ac deinde
per Compendium et Suessionis, hinc per Remensem et Cadelonensem Lingonicam
peteret urbem. Rapprocher de ce texte celui des Ann. Berlin, cit p. 40, n. 7,
et o il, est question du passage par Paris.
4. Nithard, III, 2, d. Millier
p.
30 : Franci vero eandem paucitatem quam et
Aquitanii spre.erant spernentes, variis fictionibus illi se per praesens subdere dis-
tulerunt.
5. S'il fallait ajouter foi au texte de Nithard (III,
2i,
tel qu'on le lit dans le
manuscrit unique auquel nous en devons la conservation, Charles, lors de son
sjour Soissons, aurait, la requte des moines de Saint-Mdard, opr la trans-
lation de leurs reliques dans une glise nouvellement construite et aurait donn
Tabbaye la villa de Berny. La crmonie est mme place avec prcision par
l'auteur des Annales Sancti Medardi Suessionensis au 6 des calendes de septembre,
c'est--dire au 27 aoiit (.1/on. Genn., Script., t. XXVI,
p. 520), ce qui cadre parfait
tement avec les renseignements que nous possdons par ailleurs sur l'itinraire
du roi ce moment et avec un autre texte de Nithard (cit plus haut, n. 3)
sui-
vant lequel Charles avait dcid, en quittant pne, de passer par Beauvais, Com-
pigne et Soissons. Mais on peut hsiter attribuer Nithard le passage en ques-
tion, car parmi les reliques dont Charles aurait opr la translation, on trouve
notamment les corps des saints Marcellin et Pierre, dont les moines de Saint"
Mdard voulaient toute force et par tous les moyens se faire passer pour dten-
teurs, bien que le transfert Seligenstadt en et t attest par Einhard (Cf.
Marguerite Bonduis, la Translation des saints Marcellin et Pierre, fasc. 160
de la Bibl. de Vcole des hautes tudes, sciences histor. et philol., spcialement
les
p.
41 et suiv.). Ce sont l sans doute les raisons qui ont amen le dernier di-
teur de Nithard, M. Ernst Millier, considrer le passage tout entier comme inter-
pol par le copiste du manuscrit, qui, on le sait, tait moine prcisment Saint-
Mdard de Soissons (Nithard, Histor., d. Millier, p. 30). M. MuUer promet de
s'expliquer prochainement sur ce point dans un article qu'il compte faire paratre
dans le Xeues Archiv. Peut-tre
y
apportera-t-il des preuves dcisives en faveur de
sa thse. Mais, tout en hsitant affirmer la ralit du fait attest par le passage
42 CHEAAUCHE E>' (< FRANCE [841]
rinstall par LoUiaire ', s'tait enfui son approche-, il reut un
message de Louis le Germanique lui annonant qu'attaqu nouveau
par leur frre, il lui tait impossible de se rendre Langres
\
Avis
au mme moment par l'abb de Saint-Quentin Hugue et par le comte du
Maasgau Gilbert qu'ils taient prts se soumettre s'il venait dans leur
pays, Charles rebroussa chemin, se dirigeant sur Saint-Quentin
*.
Le
1"
septembre, il tait sur la route de Reims Laon, Corbeny^,
d'o il dlivrait un diplme en faveur des moines de Saint-Maur-des-
Fosss^. A Saint-Quentin, l'abb Hugue vint, selon sa promesse,
lui prter serment de fidlit': abb la fois de Saint-Quentin, de
Saint-Omer et de Lobbes. sa soumission tait un important appoint*.
Del, Charles se dirigea sur Mastricht, afin d'aller
y
recevoir les
serments du comte Gilbert^, forant, sur son passage, les gens de la
Hesbaye reconnatre son autorit
^.
en cause,
quelles que soient d'ailleurs les rserves faire sur la mention de
telle ou telle relique,
nous avouons que la prcision des Anyiales Sancti-
Medavdi est troublante. Sans doute le compilateur de ces annales, Gobert de
Coincy, n'crivait qu'au milieu du xiii sicle; mais il semble bien ici avoir eu
sous les yeux un texte plus ancien et diffrent de N'ithard.
1. Voir ci-dessus, p.
18.
2. Epistola concilii Ti-icass. ad Nicolaum papam, dans les Historiens de
France, t. VII,
p.
591 ^ : Et hoc modo, ut diximus, per illud temporis spa-
tium Ebbo Rhemensem ecclesiam tenuit donec Carolus resumplis viribus et copiis,
Sequanam transmeavit et in Belgicam reglonem iterum reversus fuit. Quod audiens
Eljbo, relicta Rhemensi ecclesia, ad Hlotharium secessit... Ce passage est repro-
duit par Flodoard dans son Historia ecclesiae Retnensis II, 20.
3. Nithard, 111, 2, d. Millier,
p.
30-31 : Remensem urbem petiit; quo cum
venisset, nuncium recepit quod Lodhuvicus ad con%-entam quod in Lingonicam
urbem condixerant venire non posset eo quod Lodbarius in regnum illius hostili
manu irruere vellet. Sur la situation de Louis cette date, voir Diimmler, Gesch.
des ostfrnk Reiches, 2"
d., t.
1, p.
163 et suiv.
4. Nithard, III, 2, d. Millier,
p.
31 : Mandaverant etiam Hue avunculus ejus
nec non et Gislebertus cornes Mansuariorum, si in illis partibus isset, ad illum se
una cum ceteris esse venturos...
5. Canton de Craonne, arr. de Laon (Aisne].
6. Par cet acte, Charles, l'exemple de son pre, prend sous sa protection
le monastre de Saint-Maur-des-Fosss auquel il accorde l'immunit (Historiens
de France, t. VIII,
p. 430, n" 5).
7. Nithard, III, 3, d. Miiller,
p. 31 : Ergo tam pro fratris adjutorio quam et ut
hos, si ad illum venire vellent, recipere posset, ad Sanctum Quintinum iter
direxit. Quo quidem Hugonem, sicut mandaverat, ob\iam habuit.
8. La remarque a t faite par M. Meyer von Knonau, Ueber Xithards vier
Bcher Geschichten,
p.
35. On sait en outre, que Hugue tait un des fils naturels
de Charlemagne : voir Ann. Berlin., ann. 844, d. Waitz, p. 31.
9. Nithard, III, 3, d. Miiller,
p.
31. : Et inde in partes Trajecti iter direxit.
10. Ann. Berlin., dinn. 841, d. Waitz
p.
26 : c Hasbanienses adit sibique plus
amore quam timor concilit.
[841]
NOUVELLE OFFENSIVE DE LOTIIAIRE
Parvenu Vis, mi-chemin entre Lige et Mastricht, il apprit
que Lothaire, inform de sa chevauche, s'apprtait, de Thionville',
se jeter sur lui. Craignant de s'exposer aune surprise s'il continuait
sa marche, Charles se borna envoyer Hugue et Alard solliciter
Gilbert et les siens de se joindre lui- et fit demander secours
Louis, qui, au surplus, tait son oblig, puisque, comme il le lu^
rappelait, il l'avait, par sa diversion dans le pays mosan, dlivr des
attaques de Lothaire ^ Enfin, il envoya ce dernier l'vque de
Noyon Immon pour le rappeler une fois de plus aux sentiments qui
convenaient un frre et un parrain, au respect des volonts pater-
nelles et des serments changs, ajoutant d'ailleurs que Dieu avait
prononc entre eux Fontenoy. Il l'invitait, en outre, prendre
piti du peuple et de l'glise et ne pas provoquer de nouveaux mas-
sacres en envahissant le royaume d'autrui
'.
Ces dispositions prises, Charles se replia sur Paris pour aller
y
attendre l'arme de Louis et celle des fidles que, de tous cts, il
avait fait convoquer '. Lothaire se mit sa poursuite avec une forte
arme de Saxons, d'Austrasiens et d' a Allemands et parvint
Saint-Denis avant la fin de septembre. Il
y
trouva une vingtaine de
barques. Comme les eaux taient basses, il comptait pouvoir facile-
ment passer la Seine et ne s'en cachait pas
^.
Charles rsolut de l'en
empcher : il plaa des troupes Paris, Melun, fit garder tous les
1. Lothaire tait arriv Thionville le
1"
septembre pour
y
tenir une assem-
ble. Voir Miihlbacher, Reg.,
2'
d., t. I, n" 1088.
2. Nithard, III, 3, d. Millier, p.
31 : Lodharius autem ut haec audivit, omisse
Lodhuvico, quem paulo ante perseqai statuerat, a Warmatia ad conventum quod
Teotonis villani indixerat iter arripuit et qualiter super Karolum irrueret intendit.
Quod cum Karolus in Wasiticum didicisset, Hugonera et Adhelardum ad Gisle-
bertum una cum ceteris quos foedere quo valerent sibi adnecterent direxit..
.3. Ibid. : Rabaonem etiam ad Lodhuvicura dirigens, mandat qualiter pro suo
adjutorio illis in partibus isset, quod Lodharius, audiens, illo omisse, supra se
cum omnibus copiis ire pararet monensque ac deprecatur ut quantotius posset solito
more adjutorium illi praebere studeret.
4. Nithard, III, 3, d. Miiller, p.
32.
5. Ibid. : Et his ita compo&itis idem ipse Parisiacam urbera adiit tam l'ratris sui
Lodhuvici adventum quam et ceteros fidles sues quos undique convocaverat
praestolaturus. Cf. Ann. Bertin., ann. 841, d. Waitz, p. 26 : Karolus Loti-
ciam Parisiorum regressus...
6. Nithard, 111, 3, d. Millier,
p.
32 : ... Reppererat autom inibi naves plus
minus XX; insuper quoque Sequana, uii mense septembrio solet, exigua erat
iransitumquc perfacilem praestabat. Quam ob rem jactabant se sui facile transire
posse et hoc uiique simulabant se maxime velle.
44 NOUVELLE OFFENSIVE DE LOTHAIRE [841]
gus et tous les bateaux qui se trouvaient clans l'intervalle et alla lui-
mme prendre position aux environs de Saint-Cloud, prt repousser
Lothaire. s'il tentait de traverser, et porter secours aux autres postes,
s'ils taient attaqus
'.
Un systme de signaux tablis de place en
place devait permettre de le tenir au courant
-.
Une crue soudaine du
fleuve Aint lui faciliter la tche''. Lothaire, dsesprant de forcer le
passage, fit proposer son frre de conclure une paix, aux termes de
laquelle ils s'engageraient abandonner leurs allis respectifs,
Louis et Ppin; moyennant quoi, Lothaire reconnatrait Charles la
possession de tous les territoires situs au sud de la Seine, sauf la
Provence et la Septimanie^ En ralit, insinue Mthard, Lothaire
pensait ainsi tromper la fois ses deux frres et parvenir occuper
tout l'empire )> \
Charles ne se laissa pas prendre ces propositions, d'ailleurs peu
avantageuses pour lui, et rpondit qu'il se refusait rompre les enga-
gements qu'il s'tait vu forc de conclure avec Louis; qu'en outre il
ne pouvait renoncer au pays entre Seine et Meuse, dont il tenait le
gouvernement de son pre et dont presque toute la noblesse se trou-
vait ses cts. 11 proposait, par contre, l'hiver approchant, de
conclure une trve jusqu'au printemps ; on verrait alors soit faire la
paix, soit, si les ngociations n'aboutissaient pas, rgler le diffrend
par les armes. Jusqu' cette date, chacun se contenterait du royaume
qu'il devait la volont paternelle^.
1. Nithard, III, 3, d. Millier,
p.
32 : Ergo Karolus quosdani Parisium et Mili-
donem cuslodiri praecepit, quosdam vero ubicumque vada vel navigia esse noverat
residere fecit; ipse vero e regione Sancti D\'onisii juxta Sanctam Fludualdum castra
in meditullio posuit, ut et Lodhario, si ita oporteret, transituoi prohibere aut, si
alicubi super suos irruere vellet, illis succurrere posset.
2. Ibid. : Et ut perfacile dinosceretur quo in loco adjutorium praeberi
deberet, more mariiimo signa in locis congruis atque oustodias disposuit.
3. Ibid. : a Insuper autem Sequana, mirabile dictu, dum nos nusqaani eo in
tempore infra duos menses pluvias esse novimus, repente are sereno tumescere
coepit ac sponte his in locis vada ubique prohibuit.
4. Ibid. : Cumque Iiaec ita se habercnt, cernens Lodharius transitum inibi
undique sibi prohibitum, eo tenore cum Karolopacem inire se velle mandavit, ut
foedus quod Karolus cum fratre suo Ludhovico sacramentis firmaverat omisisse
et ille contra foedus quod cum Pippino nepote suo similiter sacramentis firma-
verat omitteret et haberet Karolus a Sequana partem occiduam absque Provinciani
et Septimaniam essentque quasi pace perptua foederati. Les Ann. Berlin.
ann. 841, d. Wailz,
p.
26. signalent do mme que Cliarles transit Sequanae
flumine, Hlotharii molitionibus diu obstiiit et que Lothaire, transpositione fluvii
prohibitus w, dut se retirer.
5. Nithard, III, 3, d. Miiller,
p.
33 : .< lie autem vera sic se utrosque faci-
lius decipere posso putabat omneque imperiam hac arte iuvadere sperabat.
tj. Ibid.
[841] RBELLION DE IIILDEGARDE A LAOX
45
Ces contre-propositions furent rejetes par Lothaire
S
qui, sans
plus tarder, partit de Saint-Denis pour aller rejoindre Ppin-.
Contournant Paris, il franchit la Marne en face de Bonneuil ^,
le
21 octobre
%
et put de l sans difficult remonter la Seine jusque
vers Pont-sur-Seine, traverser le fleuve et se diriger sur Sens ^, o il
comptait retrouver Ppin
^.
Charles, qui s'apprtait, de son ct, aller rejoindre Louis, apprit
ce moment" que sa sur Hildegarde
^
avait fait prisonnier
Laon un de ses fidles nomm Augier^. Aussitt, bien que le jour
tombt dj, il part avec une faible escorte
';
il chevauche toute la
nuit et, malgr une forte gele, arrive le lendemain, ds dix heures
du matin, devant la ville, aprs avoir parcouru tout d'une traite plus
de vingt-cinq lieues". Les habitants, effrays de cette brusque arrive,
1. Nithard, 111,3, d. Millier,
p.
.33 : Quae quidem Lodharius more solito sprevit.
2. Ibid. : ... et a Sancto Dyonisio obviani Pippiao, qui ab Aquitania ad
illum veniebat, Senones iter direxit.
3. Appel aujourd'hui Bonneuil-sur-Marne et situ dans le canton de Saint-
Maur-des- Fosss, arr. de Sceaux (Seine), environ 25 kilomtres de Saint-Denis.
4. Mhlbacher, Reg.,
2"
d., t. I, n 1090.
5. Ann. Berlin., ann. 811, d. Waitz,
p.
26 : Hlotharius transpositione fluvii
prohibitus, superiores ipsius expetens partes, per Mauripensem pagum Senones
pntrt. Le pagus Mauripensis
, ou Morvois, tait situ sur la rive droite de
l'Aube et comprenait le pays de Pont-sur-Seine. Cf. Longnon, Atlas historique de
la France ; texte,
1"
partie, p.
111.
6. A^oir le texte de Nithard cit n. 2.
7. Le 18 octobre, il tait encore Saint-Cloud, car Nithard, qui se trouvait avec
lui, crit la fin de son livre II, ch. 10 : Dum haec super Ligerim (corr. Sequa-
nam), juxta Sanctum Fludualdum consistens scriberera, ecclipsis solis hora prima,
foria [tertia], XV kalendas novembris in Scorpione contigit. b Nous venons de voir
d'ailleurs que c'est seulement le 20 que Lothaire dut quitter Saint-Denis, puisqu'il
tait le 21 Bonneuil.
8. De sa femme Ermengarde, Louis le Pieux avait eu cinq enfants : Lothaire
Ppin, Louis, Rothrude et Hildegarde. Cf. la gnalogie publie dans les Mon.
Germ., Script., t. IX, p. 303.
9. Nithard, 111, 4, d. Millier,
p.
33 : Interea nunciatum est Karolo quod soror
sua Hildigardis Adelgarium quendam ex suis captum haberet et in urbe Laudu-
ncnsi una secum custodiri fecisset.
10. Ibid. : Qua pro re expeditos ad hoc opus Karolus sibi delegit ac protinus
decedente jam die his in partibus festinus perrexit. >>
11. Ibid. : Per totam siquidem noctem iter faciens, impcdiente gelu praevalido.
hora fere diei terciainsperaie subito sorori et civibus cum infinita multitudine nun-
ciatur Karolus adesse .. Peut-tre
y
a-t-il lieu dans ce texte de corriger l'indi-
cation d'heure
;
car la chevauche que Charles aurait faite est vraiment bien extra-
ordinaire, et, d'autre part, Nithard dit, deux lignes plus loin, que les habitants de
Laon, se croyant assigs par une t'orte arme, pacem sub una eadcmque nocte
petunt . Ne serait-ce pas que Charles est arriv la tombe de la nuit, vingt-
quatre heures environ aprs avoir quitt Paris ?
46 PRISE DE LVO>'
I841j
sans mme essayer de rsister, relchent Augier et promettent de se
rendre le lendemain. Mais, entre temps, les soldats de Charles, pris
d'impatience et nervs par les fatigues de la nuit prcdente, se
prcipitent l'assaut: la place et certainement t en proie
l'incendie et au pillage si le roi, par des menaces et des promesses,
n'avait russi calmer leur fureur ^ Comme il avait t convenu avec
les assigs, il se retira Samoussy-, huit kilomtres de Laon
; le
lendemain, il
y
reut sa sur, qui lui prta serment de fidlit et lui
rendit la ville-'.
Aprs avoir t en reprendre possession, Charles partit rejoindre
le gros de son arme qu'il avait laiss aux environs de Paris \ Le
() novembre, nous le trouvons Saint-Denis
=>;
mais il ne fit qu'y
passer, et, franchissant la Seine, se dirigea vers le Perche^.
Lothaire, accompagn de Ppin, qu'il avait retrouv Sens", se
lana sa poursuite et tenta en mme temps de gagner son parti
la duc breton Nomino
^.
Mais il choua sur tous les points : Xomino,
qui ne songeait qu' sauvegarder son indpendance^, refusa de le
reconnatre pour souverain
;
quant Charles, il russit chapper"^,
1. Nithard, III, 4, d. Millier,
p.
34.
2. Canton de Sissonne, arr. de Laon (Aisne).
3. Nithard, III, 4, d. Mller,
p,
34.
4. Ibid. : Urbi sua jura statuit et ad suos quos circa Parisiuni omiserat, his
ita peractis, rediit.
5. Par un acte dlivr ce jour l, il concde son fidle Hermand, vassal de
Louis, abb de Saint-Denis, un domaine sis en Parisis dans la villa de Boissy-
Sa^int-Lger {Historiens de France, t. VIII,
p. 427, n* 1
;
Tardif, i^/onwmets his-
toriques,
p. 94, n 138).
6. Nithard, III, 4, d. Mller, p. 34 : Nam Karolus partem eiercitus Sequa-
nam trajecit et in saltum qui Pertica vulgo dicitur direxit. Dans un acte du
14 octobre 843 en faveur des moines de Moutiers-Saint-Lomer, Charles le Chauve
rappelle qu'il leur a dj concd un diplme confirmalif de leurs privilges lors-
qu'il a pass par leur abbaye aprs la mort de Louis le Pieux. ^I. F. Lot qui a
donn cet acte une dition critique et en a fait l'objet d'un examen dtaill,
{Mlanges carolingiens, IX, dans le Moyen ge, t. XII, 1908, p.
2ol-274), a fait
observer
(p. 268) que Moutiers-Saint-Lomer est en Perche et qu'il est, par suite,
lgitime de rapprocher du texte de Niihard ce passage du diplme de 843.
7. Nithard, III, 4, d. Mller, p. 34 : Senones autem Lodharius Pippino recepto...
>>
8. Ibid : Quos, quoniam Lodharius vel se vel suos impedire timuit, primum
iasectari statuit. Qua quidem re sperabat se et hos facile delere et hoc terrore sibi
residuos subjugare maximeque Nominoium Brittannorum ducem suo subdere domi-
natui posse.
9. Cf. F. Lot, Mlanges d'histoire bretonne, p. 38.
10. Nithard, III,
4, d. Millier,
p.
34 : Sed frastra haec omnia expleturus adiit,
dum nihil horum ad ctrectum perduxit. Nam exercitus Karoli omuis ab eo salvus
ovasit, insuper ex suis neminem recepit, et Nomenoius omnia quae illi mandaverat
insolenter spi'evit.
[842] JONCTION DE CHARLES ET DE LOUIS
47
et sachant que Louis cherchait le joindre avec une forte arme, il
dcida d'aller sa rencontre
'.
11 arriva Chlons-sur-Marne pour Nol- et se rendit de l
Troyes''. Suivant, semble-t-il, la route romaine qui de Chlons se
rendait Autun, il avait dj d atteindre Avallon* quand il apprit
que Louis se heurtait sur les bords du Rhin,
vraisemblablement
du ct de Strasbourg,
Ottokar, vque de Mayence'. Coupant
droit travers l'Auxois, il prcipita sa marche sur Toul et franchit les
Vosges au col de Saverne'^. Cette marche rapide suffit faire fuir
Ottokar", et les deux frres purent faire leur jonction Strasbourg, le
14 fvrier 842-.
Comprenant dsormais qu'il ne pourraient triompher dfinitivement
de Lothaire qu'en restant troitement unis, ils conclurent dans cette
ville une alliance prcise et solennelle. Les dtails de la crmonie
nous ont t heureusement conservs. Les deux rois commencrent
par haranguer leurs sujets, chacun dans sa langue, d'abord l'an,
Louis, en francique, puis Charles en roman : u Vous savez ,
dclara
1. Nithard, III, 4, d. Mller. p.
34 : His ita se habentibus, repente nun-
tiam accepit (Lodharius) quod Lodhuvicus et Karolus una cum ingenti exercita
aller alteri studeret.
2. Ann. Berlin., aim. 841, l. Waitz,
p.
27 : Karolus apud Parisios diutius
diversatus urbem Catalauais nativitatis domiaicae festum iaibi celebratarusadveait.
C'est sans doute par suite d'une confusion que l'annaliste fait ici mention d'un
sjour de Charles Paris : il a oubli la chevauche du roi dans le Perche.
3. Ann. Berlin., ann. 842, d. Waitz, p.
27 : Inde Trecas adiens...
4. C'est ce que suppose l'itinraire indiqu par les Annales de Saint-Bertin
(voir la note 6) : pour que Charles ait d traverser l'Auxois pour se rendre
Toul, aprs avoir quitt Chlons, il faut qu'il ait pris Chlons la route romaine
d'Autun, comptant sans doute rejoindre Louis du ct de la Sane, et qu'il n'ait
t averti qu'aux environs d'Avallon de l'endroit exact o son frre se trouvait.
5. Nithard, III, 4, d. Millier, p.
35 : Interea audiens Karolus quod Otgarius,
Maguntiae sedis episcopus, una cum ceteris Lodhuwico fratri suo transitum ad se
prohibuisset... Cf. Diimmler, Gesch. des ostfrank. Reiches., 2 d., t. I,
p.
170.
6. Ann. Berlin., d. Waitz, p.
27 : Inde Trecas adiens, per Alsensem
pagura et Tallam civilatem, Vosegi saltu transposito... ;
Nithard, III, 4, d. Ml-
ler, p.
35 : lier per Tullensem urbem accelerans, Elisazam ad Zabarnam introiif.
7. Nithard, III, 4, d. Millier, p.
35.
8. NitharJ, III, 5, d. Millier,
p.
35 : Ergo XVI kalendas marcii Lodhuvi-
cus et Karolus in civitate quae olim Argentaria vocabatur, nunc autem Strazburg
vulgo dicitur, convenerant
;
Ann. Berlin., ann. 842, d. Waitz, p.
2? : a ...pnes
Argenloratum urbem fratri Hludowico conjungitur ; Ann. FulL, ann. 842, d.
Kurze,
p.
33 : ...occurilque ei (Hludowico) Karlus apud urbem Argenloratam
qurie nunc Strazburgus vocatur.
4
48 SERMENTS DE STRASBOURG [842]
chacun d'eux, combien de fois, depuis la mort de notre pre,
Lothaire,s'acharnant aprs mon frre et moi a conspir notre perte et
tent de nous faire prir. Voyant que ni les sentiments fraternels ni
les sentiments chrtiens ni aucun moyen ne permettaient plus de con-
te ciller la justice avec notre dsir de paix, nous avons d recourir au
jugement du Dieu tout-puissant, dcids nous incliner devant les
dcisions de sa volont. Et vous savez aussi que, grce sa misri-
corde, nous avons obtenu la victoire et que Lothaire. vaincu, s'est re-
tir avec les siens l o il a pu. Par amour fraternel, par piti pour
(( le peuple chrtien, nous n'avons pas voulu le poursuivre et l'anan-
tir ;
au contraire, nous lui avons mand, comme nous l'avions dj
fait, de laisser enfin jouir chacun de ses droits. Sans s'incliner
(( devant le jugement de Dieu, il n'en continue pas moins nous
u poursuivre en ennemi, mon frre et moi, et accabler notre peuple
par l'incendie, le pillage et le meurtre. x\ussi, presss par la nces-
site, avons-nous enfin fix cette entrevue et avons-nous rsolu, pour
lever vos doutes sur la solidit de notre foi et de nos sentiments fra-
ternels, de nous lier par serment en votre prsence. Aucune am-
bition coupable n'inspire notre conduite: nous voulons seulement,
si votre concours et celui de Dieu ne nous fait pas dfaut, accrotre
nos chances communes de paix. Et si, par malheur, il m'arrive de
violer le serment que j'aurai jur mon frre, je relve chacun de
vous de l'obissance ([u'il me doit, je le dlie du serment qu'il
({ m'a jur.
Puis Louis prta, en langue romane, le serment suivant : Pour
u l'amour de Dieu, pour le salut du peuple chrtien et notre salut
(( commun, dornavant, autant que Dieu m'en donnera le savoir et le
pouvoir, je dfendrai mon frre Charles et l'aiderai en toute cir-
constance, comme on doit selon l'quit dfendre son frre,
(( pourvu qu'il en fasse autant mon gard
;
et jamais je ne conclurai
avec Lothaire aucun arrangement qui, de ma volont, puisse tre
nuisible mon frre Charles.
Charles, en francique, s'engagea dans la mme forme vis--vis de
son frre Louis, et leurs fidles ou quelques-uns d'entre euxjurrent,
leur tour, chacun en sa langue : Si Louis (ou Charles) respecte le
serment qu'il a prt son frre Charles (ou Louis) et que Charles
'ou Louis), mon seigneur, de son ct, rompe le sien, si je ne puis
((
l'en dtourner, ni moi ni aucun de ceux cpie j'en pourrai dtourner,
9
'.
Les vques ne convoqueront les prtres au synode que deux
fois (par an et aux poques dtermines par les canons et ne les
y
retiendront que le temps ncessaire.
|5 1. Ceci dit, trs nobles souverains, qu'il nous soit permis d'avancer
que c'est votre discorde qui a dchir Sainte glise. Si vous souhaitez
un rgne heureux ici-bas et votre salut en cet autre monde o vous
(( aurez rendre compte au roi des rois de cette glise dont le gou-
vernement vous a t confi, si vous voulez carter les pestilences
multiples et pernicieuses de la corruption, si vous voulez rtablir
sur les vtres et sur vos adversaires votre autorit royale et sei-
gneuriale
,
prenez soin de conserver entre vous la Charit, d'un
(( cur pur, de bonne foi... Aidez-vous l'un l'autre par de bons
(( conseils et de prompts secours, car il est crit : Le frre aid par le
1. Annales BetHiniani, p. '.][. : Intereafratrum...(4oy.
p
123,note 3. ,Omnes quoque
discordiarum satores cauturos sollicitius exsecraturosque et statum ecclesiaruni,
iraminentibus necessitatiljus foedissime rbus dilaceratum ac personis minus con-
trruis. id est laicis, vulgo contraditum. redintegraturos sese promittunt. Unde et
ad Pippinum, Landbertuni alque Nomenogium pacis gratia missos pariter desliaant,
ut f'ratri Karolo oboedientes fidles de cetero permansuri occurrere non dilerant;
sin alias, eis temporeoportuno viriliter conglobati, eorum infidelitatibus ulciscendia
se interminando profecturos proaunciant. .
Annales Xantenses : 844... post
haec autem Lotharius, Ludewicus atque Karolus convenerunt ad biedenliofe et
post coalationein eorum in pace discesserunt a se {Mon. Genn., Script., t. H,
p. 228).
2. Capitularia, d. Krause, t. II,
p.
112. Les trois mss. qui nous ont transmis
ces capitula les l'ont prcder du titre suivant : Secunlur capitula quae acta sunt
ia sinodo secus Teudonis villa habita, in loco qui dicitur ludicium, quando trs
fratres gloriosi principes, Hlolharius videlicet, Hludowicus et Karolus simul
convenerunt, anno V'.regni Karoli; cui synodo Drogo Meltensis episcopus praesedit
consensu eorundem reguni. Quae et ipsi principes ante se fidelesque eorum reiecta
capitula adprobaverunt et se eadem servaturos, au.\iliante Domino, promiserunt,
inorise octobrio, indiclione seplima. Ce sont moins des canons de synode
(comme le disent. Calniette
p. 5; Dummler, t. I, p. 256; Pfisler,
p. 120; Lesne,
p. 254), que des propositions. Le mol synoiiis doit s'enten Ire plutt d'une assemble
que d'un concile proprement dit. Drogon prside ras<eml)le, non comme
cvque et commeclerc, mais comme reprsentant du pape. C'est ce titre que tous,
mme les rois, lui cdent le pas.
Judicium est Ytz, Alsace-Lorraine, cercle et
canton de Thionville.
[844]
COLLOQUE DE THIONVILLE 125
(( Jrre
est comme une ville forte. En place de la discorde rpandue
(( chez vos peuples par les machinations du diable, servez la paix,
cette paix que le Christ montant au ciel a laisse ses disciples
comme le plus grand des prsents, en leur disant : Je vous laisse la
paix, je vous donne ma paix. Sans la paix, personne ne verra Dieu.
2.
Les glises devenues veuves par suite de la discorde des trois
frres doivent sans simonie, ou bien recouvrer leurs pasteurs rguli-
rement dsigns et consacrs, ou bien, si elles en sont prives pour
quelque cause que ce soit, en tre pourvues sans retard.
Aimoin
(1. I, c. 9, 10) donne la substance de ce rcit, mais ne cache pas que les paens
ont lev un tribut : le bruit courut que le roi s'y tait refus, mais que certains
grands se laissrent corrompre par les pirates : intcrea, simulato languore, lega-
tionis causa dirigunt ad praecellentissimum regem Carolum, ut eos cum pace
fidles suscipiens, ad propriam, dato regni iributo, redire permitteret patriam. His
ita placitis, rege quidem nolenre, principibus tamen quibusdara, ut fatebatur.
muneribus laesis etc. j
1. Le sjour du roi dans les valles de l'Oise, de la Maine, de la Loire,
en avril, mai, juin, semble impliquer que les pirates ne sont plus menaants
sur la Seine ds avril. D'autre part, l'exemple des annes 860-861, 866, 876,
montre qu'il fallait des semaines, et parfois des mois, pour lever des sommes, mme
moins considrables qu'en 845. Le plus probable est que les pirates descendirent la
Seine et attendirent le tribut sur le cours infrieur du fleuve. S'il est certain que le
gros des pirates gagna la Frise, puis le Danemark (voy. notes suiv.), il est possible
que des bandes aient encore inquit le cours infrieur et mme moyen du fleuve
la fin de 8l5 et au del, car les moines de Saint-Germain, rfugis Esmans, prs
Montereau, regagnent leur abbaye cito >,
aprs un an et deux mois d'absence
\Translatio, c. 21), donc en mai 846. Le retour du corps de Germain, dpos
Combs-la-Ville, fut plus tardif encore. Le cortge prit par Thiais (Seine, cant.
Villejuif), suivit la Bivre, au passage de laquelle se trouvait l'vque-abb Evrouin.
11 porta sur ses paules le saint corps et le dposa dans l'abbaye sur l'autel de saint
Etienne, o. il demeura jusqu'au 25 juillet, jour anniversaire de sa translation .
Les ossements furent alors replacs dans le sarcophage {Translatlo, c. 21-27.
p. 85-90). On ignore la date du retour des Gnovfains.
2. Annales Bertiniani,
p.
33 : Nortmanni alveo Sequanae remenso, maria
repetunt, cuncta maris loca finitimadiripiunt, vastant atque incendiis concremant. 9
M. Levillain [Loup de Ferrires, dans la Bibliothque de l'cole des chartes.
t. LXIIl,
p. 89-96) croit qu'ils ont ravag cette occasion la celle de Saint-Josse,
prs Quentowic. On montrera li&if?., 1909) que le passage des Annales Bertiniani
sur lequel il appuie cette conjecture a un tout autre sens.
Sur la fuite probable
des moines de Saiut-Riquier cette poque, voy. plus haut p. 132, n. 1.
3. Ayi7iales Bertiniani,
p. 33; Annales Fulde)ises,
p. 35; Antmles Xantens''s.
an. 845. Cf. Dummler, t. I,
p. 283; W. Vogel,
p.
101-104.
140 RETOUR ET MORT DE RAGNAR [845
1
la Seine taient des Vikings
,
qui avaient agi sans l'aveu de leur roi.
Or, vers la mme date, Horic avait en personne dirig une expdition
contre Louis le Germanique. A la tte d'une flotte, value avec exag-
ration six cents navires, il avait remont l'Elbe, mais il avait t battu
par les Saxons. Peut-lre avec le secours de Hagnar et de ses compa-
gnons et-il t vainqueur. Au moment oii les Yikings dbarquaient et
allaient trouver leur roi, celui-ci tait entr en ngociations avec Louis
le Germanique. Un envoy de ce dernier se trouvait mme la cour
d'Horic. Le roi danois ne se laissa pas blouir parles exploits de Ragnar
qui lui montrait les ferrures de la porte de la Cit de Paris, et se
vantait d'avoir soumis au tribut un royaume. L'unit morale de l'em-
pire franc subsistait. Horic renvoya celui des rois francs, avec lequel
il tait en relation, Louis le Germanique, les prisonniers chrtiens et
les trsors enlevs sur les bords de la Seine. Ragnar prit, ds son
retour, d'une mort mystrieuse'.
La prise de Paris et le paiement d'une ranon produisirent une
impression de stupeur dans toute l'Europe occidentale. Quelques
semaines, quelques jours mme, avaient suffi et l'honneur du regnuni
Francorum tait tomb dans la boue*. Sans doute, plus d'une
reprise des centres importants avaient t la proie des barbares :
Duurstede, l'emporium de la Frise, ds le rgne de Louis le Pieux
';
Quentovvic', Rouen ', Nantes", au dbut du rgne de Charles. Mais
1. Translatio sancti Get-mani, c. 30-31,
p.
91-93
;
cf. c. 14-15, p. 80; Ainiales Ber-
tiniani,
p.
33
;
Annales Xantensen, 845.
Cf. Dmmler, t.l,p. 283-285 ;W. Vogel,
p.
112-115.
Cet pisode sera tudi en dtail dans le mmoire annonc pag:e
prcdente, note 2.
2. Les poignantes lamentations de Paschase Radbert sur la prise de Paris sont
provoqus par l'vnement de 845, selon la plupart des critiques (voy. entre autres:
Wencii,
p. 118; Dmmler, t. I,
p. 287, note 1
;
Traube dans Poetae lut. aevi Ka-
rol., t. III,
p. 39, note
8), W. Vogel,
p. 108; je les dis occasionnes par les vne-
ments de 856-857 dans mon mmoire : la Grande Invasion normande de 856-S62
(Bibliothque de l'cole des chartes, t. LXIX, 1908, p. 14). A vrai dire, les argu-
ments en faveur de l'une et de l'autre opinion ne sont point preniptoires. Les
chapitres 2-4
(p.
70-72) del Translatio sancti Germain prsentent avec les lamen-
tations de Radbeit, une ressemblance de ton et d'expression qui s'explique et par le
sujet et par une commune imitation du style biblique. Cf. les sentiments' exprims
dans les prambules des articles des synodes de Meaux et de Paris, en juin 845, et
fvrier 846 [Capitularia, d. Krause, t. II,
p. 396). Cf. pour Loup de Ferrires,
p. 129, note 2. L'ide que les dvastations des Normands sont un chtiment de
Dieu devient le thme favori dos crivains ecclsiastiques du temps.
3. A trois reprises, en 834. 835, 836. Voy. Amiales BerLiniani,
p. 9, 11, 12 et
les Annales Xantenses.
4. En 812. Voy. W. Vogel, op. cit.,
p. 88.
5. En 811. 2bid.,
p.
84.
6. En 813. Voy. plus haut, p. 79.
[845]
SY>ODE DE BEAUYAIS
141
ces vnements dplorables avaient t le rsultat de surprises. Jamais
les Normands n'avaient os affronter des forces rgulires. Aussitt
que le souverain avait fait mine de marcher contre eux, ils s'taient
enfuis
'.
Cette fois, ils taient remonts au cur du royaume, s'taient
empars d'une cit considre comme une sorte de capitale, au moins
commerciale. L'arme des Francs n'avait mme pas os combattre
l'envahisseur. 11 avait fallu acheter sa retraite. Comment s'expliquer
l'efTondrement subit de la puissance des Francs ? Nul doute que dans
l'opinion, surtout en Lotharingie et en Germanie, on ne ft remonter
au roi Charles la responsabilit de ce dsastre ignominieux
-,
Il est toujours commode de tout rejeter sur un bouc missaire
^.
Les
ecclsiastiques trouvrent une autre explication : l'indiffrence mle
de mpris avec laquelle on avait trait les propositions que le Seigneur
avait inspires aux vques dans les assembles de Thionvilleet de Ver
recevait son chtiment. Dieu seul avait pu permettre qu'une poigne
de brigands vnt surprendre la Cit et mettre le royaume ranon^.
L'unique remde la colre divine, c'tait de s'employer relever
l'glise de l'tat lamentable o elle languissait en rformant le clerg
et en lui rendant les biens dont elle jouissait au temps de l'empereur
1. Aiasi en 835, S37, 839 (^>ui. Bert.,
p. 11, 13, 22 .
2. Les Anmles Fulden-ies s'abstiennent de qualifier la conduite du roi et de
ses sujets. Les Annales Xantenses, dont nous avons cit le texte
p. 138, note 3, ne
gardent point de rserve. A les en croire, les pertes des Normands auraient t
leves (t ibique ceciderunt ex eis plus qnain sexcenti viri ;. Cette assertion ne
saurait tre prise au srieux, comme fait Diimmler {op. cit., t. I,
p. 283). Elle a
laiss M. Vogel sceptique
(pp.
cit.,
p. 107, n. 1).
3. M. Vogel
^p. 106) est plein de piti pour le jeune prince qui, l'instigation de
rarcLe\que (sic) Hincniar, se met genoux dans l'glise de Saint-Denis avant
dartronter les pirates > cf. plus haut,
p. 135). Ce roi habile et faux, fait pour la
diplomatie plutt que pour le commandement militaire, n'avait pas la personnalit
puissante d'un Robert le Fort qui fait passer son intrpidit dans le cur des soldats.
M. Vogel oublie que vingt et un ans plus tard, en 866, l'intrpidit de Robert qui
commandera l'arme franque n'empchera pas davantage la droute et dans des
circonstances tout fait analogues. Ds l'anne b46, l'empereur ne fera gure
meilleure figure que son jeune frre en face des barbares : ceux-ci brleront
Dursteedc sous ses yeux et se rembarqueront avec leur butin sans que Lothaire
puisse les en empcher (voy. Aymales Xantenses, an. 846
;
Annales Fuldenses,
p.
36 : cf. Parisot, le Roijautne de Lorraine, p. 61).
Le caractre personnel de
Charles, quel qu'il ft, ne suffit donc point expliquer les dfaillances des armes
flanques. Les causes en sont bien autrement profondes.
4. Cf.
p. i:y et
p. 110, note 2.
142
SYNODE DE BEAUVAIS
[845]
Charles. La mesure la plus urgente, c'tait de mettre fin l'anarchie
de la grande province ecclsiastique de Reims en lui donnant un
archevque. Les paens n'avaient certainement pas vacu Paris*, que
Charles convoquait un grand concile Beauvais pour le milieu
d'avril-. Outre les prlats de la province de Reims, les vques
Rothadus de Soissons, Simon de Laon, Renier d'Amiens, Loup de
Chlons-sur-Marne, Erpouin de Senlis, Imnion de Noyon, tait
venu l'archevque de Sens Ganelon, avec ses suffragants, Erchanr de
Paris, lie de Chartres, Agius d'Orlans-'. Le roi lui-mme tait pr-
sent l'assemble. C'est que l'aflaire tait d'une importance non seu-
lement religieuse, mais politique au premier chef. Il fallait absolument
que Charles vt la tte de la province non une crature de Lothaire,
mais un homme lui dvou. Le prtre Hincmar, moine de Saint-
Denis, qui l'avait accompagn pendant l'expdition de Toulouse, dont
le crdit est ds lors attest et l'influence manifeste, lui sembla
1. Los paens, entrs dans Paris le 29 mars,
y
restrent peu de temps (voy.
p.
139. note 1). Comme le synode tait runi Beauvais, ds le 18 avril pour le moins,
on peut juger de la hte avec laquelle il fut convoqu. On peut mme se deman-
der si le dsir d'en finir avec l'alVaire de l'archevch de Reims n'a pas incit le
roi traiter tout prix avec les Normands.
2. Celte date est atteste par Hincmar qui, dans une lettre crite Charles le
Chauve en 868, lui rappelle que le synode a t tenu anno incarnationis dominicae
DCCCXLV., mense aprili, anno
^'1.
regni vestri, in Belgivaco civitate (Hincmar,
Opra, d. Sirmon'l, t. II, p. 321). Hincmar se borne peut-tre reproduire une
mention qu'on trouve dans plusieurs copies des articles promulgus Beauvais,
notamment dans une copie qui remonte au ix sicle, et suivant laquelle le synode
a t tenu apud Belvacum civitatem anno incarnationis dominicae DCCCXL\'.,
mense aprili, anno VI regni domni Karoli, indictione VII {Capilulavia vegnm
Francorum, d. Krause, t. II,
p. 387). Dans ce dernier texte, les chiti'res de Tin-
diction sont videmment errons, car ils correspondent l'anne 844, qui ne peut
tre en cause. D'ailleurs, l'an VI du rgne, indiqu de part et d'autre, nous repor-
terait 846; mais cette date elle-mme ne saurait tre retenue, car le prambule des
articles vots au synode de Paris, en fvrier 846, fait allusion au synode de Beau-
vais et, sans prciser l'poque, le place entre le synode de Ver (dcembre 844) et
celui de Meaux (juin 815). La date d'anne est, au surplus, confirme par l'pitre
qu'adressrent au pape, en 868, les Pres du concile de Troyes : Anno autem
incarnationis dominicae DCCCXLV. Carolus synodum episcoporum regni sui
apud Belgivacum civitatem provinciae Rhemensis convocavit {Histoi-iens de
France, t. VII, p. 591). Flodoard [Hist. codes. Rem., livre III, c. 1, dans les
Mon. Germ., Script., t. XIII, p. 474), reproduit d'aprs Hincmar la date de 845,
sans l'indication du mois. Dans son De praedestinatione fcf. p.
suiv., note 2'i,
Hincmar place le concile de Beauvais, dix ans aprs la dposition d'Ebon, laquelle
est de mars 835.
Sur la date de jour, cf.
p.
suiv., note 2.
3. La liste dos cvqucs prsents est donne par la note place en tte des arti-
cles (voy. note prcdente).
[845] SYNODE DE BEAUVAIS 143
l'homme del situation
'.
Inutile de dire que ce choix eut l'assenti-
ment de l'vque de Paris, de l'archevque mtropolitain de Sens et de
ses sufragants, de l'abb et des moines de Saint-Denis, non moins
que des vques de la province de Reims; ou plutt, par une fiction,
on feignit que l'initiative de ce choix vnt de ces derniers-. Au con-
cile de Beauvais, Hincmar fut lu mtropolitain de Reims, vers
le milieu d'avril
''.
Mais, aussitt celte crmonie termine, ce fut aux prlats,
y
com-
pris le nouvel lu , de prsenter au roi leurs dolances, presque
leurs conditions^. Us rclamrent de lui le respect des droits et usages
du clerg, la restitution des biens enlevs depuis le temps de Charle-
magne et de Louis le Pieux, l'abrogation de tous les actes qui en
avaient illgalement dispos, la suppression de toutes les redevances
leves abusivement depuis lors en terre d'glise; ils demandrent enfin
que le roi poursuivt de tous ses moyens les oppresseurs du clerg.
Sous une forme respectueuse, trs ferme au fond, c'taient les mmes
1. Hincmar avait accompagn le roi en Aquitaine (voy.
p. 121). Il joua certai-
nement un rle au concile de Ver ^voy.
p.
12^-129!.
2. Hincmar prtend que l'initiative de la tenue du synode de Beauvais vint des
vques sutfragants du sige mtropolitain de Reims et que le roi ratifia leur clioix :
Transacto autem decennii tempore post depositioneia ipsius Ebonis, conveneruiit
episcopi Remoruni dioeceseos ad synodura Belvacensium civitaiis et obtinuerunt
consensu domni Karoli rgis gloriosi quendam ex dioecesi Senonensi et parocchia
Parisiaca apud archiepiscopum et ci\italis ipsius episcopum ceterosque provinciae
ejusdem coepiscopos, Hincmarum, venerabilis monasterii sanctorum martyrum
Dionysii sociorumquc ejus monachum
;
quem cum decreto canonico cleri et plebis
Remorum ecclesiae eidem metropoli ordinaverunt episcopum, sicut dioeceseos
Remorum episcopi in praefata synodo evidentissimis et regularibus studuerunt
ostendere documentis j {De praedestinatione, c. 36 dans ses Opra, d. Sirmond,
t. I,
p. 327). Cf. (du mme), Epislolaad synodum Suession. et Epistola ad yico-
lautn papam {Opra, t. II,
p.
272-273, 303).
La Xarratio clericorum Remen-
sium dit plus justement : Karolus rex eandera ecclesiam longo post tempore
reverendo viro Hincmaro gubernandam commisit {Historiens de France, t. VII,
p. 230). Cf. Dans un diplme du
1"
octobre 845 (plus bas,
p.
152, note 1), ou
lit : Electo et ordinato munere sancti spiritus per Dei et nostram dispositionem
in eadem saucta sedc Hincmaro archiepiscopo. t
L'ancien arche\que dpos
Ebou, si longtemps la crature de Lotliaire, venait d'encourir la disgrce de l'em-
pereur. 11 s'tait rfugi auprs de Louis le Germanique, qui le g'raiifia de l'vch
de Hildesheim. iielon Sclnors {Hinkmar,
p. 38 et 476-180) celte concession sera;t
antrieure au synode de Beauvais et aurait l'acilit sa tche.
3. Le 18 avril, Charles fait don en pleine proprit au fidle Nithadus du domaine
de Hannapes en Laonnois (.-Visne, arr. Vervins, cant. Wassigny), domaine que
celui-ci tenait jusqu'alors en bnfice du roi. L'acte est donn Beauvais {Ilislo-
riens de France, i. VIII, p. 470, n" 52;. L'lection (rilincmar doit tre proclie
de cette date du 18 avril.
4. Capilularia, d. Krause, t. II, p. 387-388.
10
144 SYNODE DE BEAUVAIS [845]
rclamations qui avaient t formules dj l'anne prcdente au sy-
node de Ver. Cette fois, l'aristocratie laque, humilie par la dfaite,
n'osa s'y opposer. Le jeune roi prit envers les vques des engage-
ments solennels pour toute sa vie . tendant la droite, il jura sur
son pe en invoquant Dieu et ses saints. C'est le renouvellement
des promesses faites Coulaines, avec plus de solennit encore,
et qui annonce l'engagement envers l'glise que Charles et ses suc
-
cesseurs prendront lors de leur couronnement
'.
Au lendemain de l'assemble de Beauvais, Charles, au lieu de reve-
nir sur Paris et la Seine, se dirige sur l'Aisne et l'Oise. On le voit au
dbut de mai Samoussy-en-Laonnois - et Compigne -,
sans qu'on
1. Note du IX* sicle place en tte des articles par plusieurs copies : a Quae (capi-
tula) collata sunt inter eundera principem domnum Karolurn et episcopos regni
sui et eadem isdem princeps gloriosus, Deo teste, sub fidei suae adstipulatione se
servaturum promisit erga omnes ecclesias et episcopos regni sui {CapituL, d.
Krause, t. H,
p. 387). Longtemps aprs, en 868, Hincmar rappellera Cliarles qu'
Beauvais il a pi'omis cum maxima contestatione aux. vques prsents et
futurs d'observer ces articles tout Jamais (lettre au roi en faveur dHincmar,
de Laon, Opra, d. Sirmond, t. II,
p.
321
;
et dans Migne, Patrol. lat., t. CXXV,
col. 1066) Cf. son admonffio au roi: Et hoc cum aliis capitulum quod subse-
quitur in Belgivaco civitate anno VI. regni vestri, coram Deo et angelis ejus, in fide
et dextera vestra i)er spaiam vestram jurantes, sicut praesentes episcopi qui ad-
fuerunt petierant, illis et caeteris episcopis regni vestri ac successoribus suis et
eorum ecclesiis, cunctis diebus vitae vestrae vos servaturos promisistis petenti-
bus (Mansi, Co7iciUa,t. XVI, col. 782; Migne, t. CXXV, col. 1066).
2. Le
1"
mai, tant au palais de Samoussy (Aisne, arr. Laon, cant. Sissonue\
Charles l'atifle la vente faite l'abbaye des Fosss par le fidle Aton, qui venait de
s'y rendre moine, des domaines qu'il tenait en pleine proprit de la munificence
royale; c'est savoir : dans le pagus dit Otlinga Sa.conia, dans la centaine de
Noron (Calvados, arr. et cant. Falaise), Airan (ih., arr. Caen, cant. Bourgubus),
dans le pagus de Bessin, dans la centaine de Cingal (com. Moulines, arr.
Falaise, cant. Bretteville-sur Laize), Fontenay (F.-le-Marmion, arr. Caen, cant.
Bourgubus, 6 kil. de Bretteville-sur-Laize). (Tardil, Cartons des rois, n." 151,
sous la date errone de 846*.
Le fidle Aton avait obtenu du roi en pleine
proprit les domaines du Bessin et de VOtlinga Sa^conia n sous les tentes
prs de Rennes , au mois de novembre prcdent (voy. p. 87, note 3).
3. I e 5 mai, au palais de Compigne, Charles ratifie l'all'ectation aux besoins des
moines de Montier-en-Der, opre par le recteur (abb laque) Aumer, d'un certain
nombre de domaines appartenant ce monastre, c'est savoir : Sommevoire
(Haute-Marne, arr. Vassy), Mertrud (i7>/rf.), Thil (Aube, arr. Bar-sur-Aube), Ville-
sur-Terre {ihid.), Saint-Christoplio (ihid.), Prcy-Saint-Martin (ibid.), Braux-le-
Saint-Pre (ibid.), Chei)pe8
(Marne, arr. Chlons)
;
le roi leur accorde, en outre,
l'immunit (Historieyis de France, t. VllI,
p. 476, n 53; Lalore, Cartulairrs
du diocse de Troyes, t. IV, p. 125; Roserot, Rpertoire hist. de la Jlaute-ilattie
,
2
partie, n 24).
[845] SYNODE DE MEAl X
145
sache exactement la raison de ce dplacement en cette direction
'.
Le synode de Beauvais n'avait rien termin. Un second synode tait
ncessaire pour formuler un programme dtaill de rformes et ta-
blir le texte d'une srie d'articles que le roi put examiner de concert
avec l'aristocratie laque lors du giand plaid annuel qui se tenait au
dbut de l't. C'est cette fin que les mtropolitains des provinces de
Reims et de Sens et leurs suffragants, ainsi que l'archevque de
Bourges, se runirent Meaux le 17 juin-.
L'uvre des synodes antrieurs simplifiait beaucoup leur travail.
Discute maintes reprises ds le temps de Louis le Pieux, expose
en grand dtail l'empereur dans un rapport'' rdig par les vques
en 829, la question de la rforme ecclsiastique n'avait cess depuis la
paix de Verdun d'tre l'ordre du jour et plusieurs mesures avaient
mme dj t promulgues qui eussent apport, si elles avaient t
appliques, im soulagement sensible aux maux dont l'glise souffrait.
Les vques s'en rendirent compte et, considrant qu'il faut s'em-
ployer non seulement faire du nouveau, mais conserver ce qui a
t fait et que les bonnes dcisions doivent tre observes et non
abroges , ils commencrent par dcider qu'il convenait de remettre
sous les yeux du roi quelques-uns des articles qu'il avait dj
approuvs ou qui lui avaient t dj soumis
*.
Les articles promulgus lors de l'assemble de Coulaines, en novem-
1. Quinze jours aprs le concile de Beauvais, le roi aurait-il t installer
Reims l'archevque lu? Hincmar
y
fut consacr le dimanche 3 mai (Annales
Ij ionys a Remenses dans Mon. Germ., Script. ,t, XIII
p. 82; cf. Hincmar, lui-mme,
qui crit que le synode de Meaux, 17 juin 845, s'est ouvert moins de deux mois aprs
son ordination : Opra, t. II,
p. 303; cf. Schrors, p. 39.)
De Saraoussy Reims,
il n'y a, par la voie romaine (l.aon-Reims), qu'une cinquantaine de kilomtres, le
double de Reims Compigne (par Soissons). Les dates des diplmes pour Aton
et l'abbaye de Montier-en-Der (voy. notes prcdentes) ne sont donc pas un obstacle
cette hypothse.
2. Prambule du synode de Paris (de fvrier 846) : ... Wenilo videlicet Seno-
nicae sedis acliiepiscopus cuin suifraganeis suis, Hincniarus quoque sanctae metro-
polis ecclesiae Reraorum episcopus cum coepiscopis suis et Hrodulfus Bituricae
civiialis archiepiscopus, ceteris etiam Domini sacerdotibus legatis ^el scriplis suam
pracsentiam exhibentibus, in Meldensem ecclesiam de suis civitatibus convenerunt,
ibique secundum synodalis ordinis censuram rsidentes, anno dominicae incarna-
lionis DCCCXLV.piique rgis Karoli succrescente fliciter VI.,cujus consensu sub
divino nutuilluc conventum est XV. kalendag julii i Capitularia, d. Krause, t. II,
p. 397).
3. Capitularia, t. II,
p. 26, n 196.
4. Les actes du synode de Meaux ne nous sont parvenus que sous la forme ou ils
furent promulgus quelques mois plus tard au synode de Paris (fvrier 846); mais
il est vraisemblable qu'on n'y fit alors que des retouches insignifiantes (voir plus
loin, p. 158). On en trouvera le texte dans les Capitularia regurn Francorum, d.
146 STNODE DE MEAUX [845]
bre 843, oflraient cet gard un intrt de premier ordre, puisqu'ils
avaient t souscrits par les reprsentants de l'aristocratie laque et
ecclsiastique et qu'ils avaient reu force de loi*. Les vques les
reproduisirent en tte de leur programme, en
y
joignant la copie pres-
que intgrale des articles vots l'anne suivante (octobre
844)
par
l'assemble piscopale de Ytz et approuvs par les trois fils de Louis
le Pieux 2, puis celle des articles vots en vain par quelques-uns d'entre
eux aux synodes de Loire (octobre 843) et de Beauvais (avril
845)''.
Tout cela tait insuffisant : ce n'taient gure que des dclara-
tions de principes ou des mesures mal coordonnes. S'inspirant de
toutes les polmiques auxquelles la question avait donn lieu et du
grand programme labor en 829 *, les vques rdigrent un grand
nombre d'articles nouveaux visant la rpression des abus commis par
les laques, l'abrogation des actes illgaux conclus depuis le temps de
Charlemagne et de Louis le Pieux au dtriment des glises et enfin la
rforme du clerg. Ils protestrent d'ailleurs nergiquement contre
l'accusation qui leur tait lance de n'obir dans leurs revendications
qu' la plus basse cupidit : ce qu'ils veulent, dclarent-ils, c'est le
rtablissement del rgle, le respect de la religion et des ministres de
cite, t. II,
p.
3S8-421, n 293. Cette dition, due V. Krause, n'est pas tous de points
satisfaisante. M. Koniger a tabli, dans un mmoire intitul Zu den Beschliissen
der Synoden von Meaux 845 und Koblen: 922 {Neues Archic der Gesellschaft
fur
altre deiitsche Geschichtskunde, t. XXXI, 1906, p. 379-398) que plusieurs
copies importantes avaient cliapp Krause et qu'il fallait ajouter au texte qu'il
a publi tout un a'ticle entre les articles 79 et 80. Cet article supplmentaire n'a,
d'ailleurs, pas de porte politique.
1. Aussi, en tte de la copie qu'ils en donnent, les vques signalent-ils le fait avec
insistance : Capitula ex conventu habito in villa quae dicitur Colonia consensu
principiset episcoporum ac ceterorum fidelium prolala et confirmata et ab omnibus
Dei fidelibus necessario observanda (Capitul. rey. Francorum, d. cite, t. II,
p. 398,.
2. En
y
faisant quelques coupures, pour abrger, et en supprimant tout fait
l'article 5 (Capitul. reg. Francorum, d. Krause, t. II, p. 115)
qui autorisait le main-
tien provisoire d'abbs laques, sous certaines conditions. Cette suppression est
significative.
3. Les articles 1, 2, 7 et 8 du synode de Beauvais n'ont pas t reproduits, mais
uniquement, semble-t-il, parce qu'ils faisaient double emploi avec de nouveaux
articles ou ne prsentaient plus grand intrt.
On remarquera que les actes du
synode de Ver n'ont pas non plus t reproduits, videmment parce qu'ils furent
jugs trop violents.
4. Voir en particulier les articles 4, 9, 12, 16, 17, 22, 24, 25, 26, 27, 31 du pro-
gramme de l'an 829 (Capitul. rey. Francorum, d. Krause, t. II,
p.
29-39). Ces
articles tant presque exclusivement consacrs des questions d'ordre ccclsias-
ti(iue et religieux, nous n'insistons pas sur les rapports qu'ils prsentent avec ceux
du synode de Meaux.
[845] SYNODE DE MEAUX
147
Dieu; ils veulent une glise forte et respecte, qui puisse opposer
une barrire au\ instincts violents de la socit corrompue
'.
Et leur
sincrit ne saurait faire doute quand on observe la place considra-
ble que tiennent dans l'ensemble de leur programme les mesures
relatives la rforme du clerg lui-mme.
Mais ce sont les autres articles qui nous intressent surtout ici
Quelques-uns ont t simplement insrs au milieu de dispositions
prises dans les synodes antrieurs afin de les complter. Ce ne sont
pas, comme bien on pense, les moins caractristiques. C'est ainsi
qu'aprs avoir transcrit la protestation adresse au roi dans l'assemble
de Yiitz contre l'usage de confier les abbayes des laques, les vques
runis Meaux crurent devoir ajouter un long passage o ils fltrissent
cet abus scandaleux
-.
Ils s'indignent que des laques osent usurper le
gouvernement des mes et disposer des choses sacres. Sous peine
d'excommunication, ils leur prescrivent d'abandonner immdiatement
les abbayes, font dfense quiconque de recevoir d'eux Ibabit mona-
cal et interdisent aux vques de tolrer la continuation de ces dsor-
dres. C'est, de mme, dans quatre articles additionnels, annexs aux
actes du synode de Beauvais ^,
qu'on trouve dictes les mesures les
plus prcises destines faire rentrer l'glise en possession des biens
dont elle avait t dpouille et prvenir le retour des abus :
1"
nces-
sit d'une grande enqute poursuivie sans dlai dans tous les comts
par des missi. que le roi choisira parmi les reprsentants du clerg
et de l'aristocratie laque, afin de vrifier les titres de proprit bni-
ficiaire ou allodiale de tous ceux qui dtiennent des biens ayant
appartenu l'P^tat ou aux u vassaux royaux sous Charlemagne ou
sous Louis le Pieux;
2'
annulation des actes de prcaire et d'change
conclus pendant les vacances des siges piscopaux par des vques
intrus
;
.S*" interdiction de concder dornavant des biens ecclsiasti-
ques en prcaire autrement que dans des conditions soigneusement
prcises ici et interdiction quiconque, mme au roi, d'intervenir en
quoi que ce soit dans ces concessions
;
4
ncessit pour les vques de
se bien renseigner avant que de conclure un change.
1. Note ajoute par les vques au texte de l'article 3 de Yiitz : Haec auteni
loca sacrata non ideo ab illis, qui [e]a tenere non debent occupari prohibemus, ut
a nobis illa cupide possideri quaeramus, sed ut hi quibus ea habere non licet licita
habeant et illi qui aJ regiminis onera portanda a Domino vocati sunt divina mys-
teria essequantur (Capital, reg. Francorum, d. Krause, t. II, p. 400, ligne I).
Dj en 829 les vques avaient cru devoir se laver longuement d'un pareil reproche
(ibid.,
p.
36-37, art. 23); de mme Ver, en dcembre 844 (ib/d.,
p. 386, ligne 29).
2. Capitul. reg. Francorum, d. Krause, t. II,
p. 400-401, art. 10.
3. Ibid.,
p.
403-404, art. 20-23.
148 SWODE DE MEAIX
|845
De nombreuses dispositions sont prises, en outre, pour empcher les
laques de gner les prtres dans Texercice de leurs fonctions sacerdo-
tales et assurer ces derniers la considration publique et la tranquil-
lit : le roi n'entrera qu'avec respect dans les demeures des vqucs; il
pourra
y
loger, mais condition de n'y faire que de couris sjours et de
n'y pas amener de femmes (art. 20 : il lui sera interdit, lui et sa
suite, devenir, au mpris des immuni ts, faire des rquisitions dans les
cits piscopales prs desquelles il passera art. 27^
; il devra laisser aux
vques les loisirs dont ils ont besoin pour accomplir leur ministre,
surtout au moment des grandes ftes religieuses art. 28
; il leur per-
mettra de se runir en synodes provinciaux au moins une fois ou deux
par an, quelle que soit la situation politique (art. 32! : il veillera ce
que les hospices construits pour hberger les plerins et dtourns
de leur usage soient au plus tt restaurs et remis la disposition de
ceux pour lesquels ils ont t fonds art. 40
;
il pourvoira la situa-
tion misrable des monastres placs dans la mainbour loyale par les
fondateurs et indment alins depuis lors art. 41 ; il enverra des
enquteurs s'informer des biens ecclsiastiques que lui et son pre
ont tort donns en alleu et s'emploiera dans la mesure du possible,
corriger les effets de ces alinations art. 4'2); la simonie sera svre-
ment proscrite (art.
43( ;
l'vque aura seul le droit de disposer des
biens de son glise et, en cas de maladie, ce sera l'archevque ou.
s'il s'agit d'un mtropolitain, ce sera aux vques comprovinciaux
lui choisir un conome )> ou administrateur art. 47 : interdiction
aux laques, sous peine d'excommunication, de dtourner les prtres
de leur office (art.
49) ;
les violateurs des glises et des monastres, les
oppresseurs des clercs seront traits en sacrilges 'art. (O-fil : ceux qui
n'acquitteront pas les dmes et les redevances dues l'glise seront
excommunis et. en cas de rcidive, chtis par l'autorit royale
(art. 02-03
;
les ravisseurs de nonnes seront condamns la pnitence
publiqueet mme frapps d'anathme s'ils refusent d'abandonner celle
qu'ils auront sduite art.
67) ; le roi donnera chaque vque un acte
(/rac/or/a) l'autorisant requrir la force publique au cas o il serait
empch d'accomplir en paix son ministre art, 71 ; le roi enfin ces-
sera de confier les chapelles de ses domaines des lacpies, et c'est
aux clercs seuls que les dmes devront tre verses (art. 78,.
Mais le moment n'tait point venu encore o les vques devaient
obtenir satisfaction.
La tourmente normande, les rclamations de l'aristocratie ecclsias-
[845] TRAIT AVEC PEPIN
149
tique n'empchaient pas le roi d'avoir l'il sur les vnement
d'Aquitaine et de Bretagne. Vaincu dans la personne de ses marquis
,
humili par les Normands, Charles ne crut pas tre en mesure de
reconqurir l'Aquitaine et de chtier les Bretons simultanment. Ds
l'hiver, nous l'avons dit', il semble tre entr en composition avec
son neveu, par l'ontremise de l'vque de Poitiers. Vers la fin de juin
ou en juillet -, Charles et Ppin II eurent une entrevue la limite de
la France et de l'Aquitaine, au monastre de Saint-Benot-sur-Loire.
Ils tombrent d'accord. Charles reut l'hommage de Ppin, qui jura de
lui tre l'avenir fidle comme un neveu doit l'tre son oncle, pro-
mettant de lui venir en aide dans la mesure de ses forces autant de
fois qu'il serait ncessaire. Moyennant quoi, il reut le gouvernement
[dominatiis] de toute l'Aquitaine, exception faite du Poitou, de la
Saintonge et de l'Angoumois, que Charles se rserva'. Alors ceux
J. Voy. p. 130, note 3. Evrouia accompagna ensuite Charles dans son exp-
dition contre les Bretons. Voy. plus bas, p. 153, note 3.
2. Le diplme en faveur de Saint-Florent (voy. note suiv.) semble prouver
que ds le 13 juin le roi tait sur la Loire, Saint-Benoit. Mais il est certain que
le roi a assist au concile, tenu Meaux (voy. Krause, t. II.
p. 420-421). Celui-ci s"est
rassembl le 17 juin (voy.
p. 145, note 2) et a d prendre plusieurs jours. Charles
n'a gure pu arriver sur la Loire que vers la fin de juin au plus tt. De mme
rvque de Troyes Prudence, qui a certainement pris part au concile, semble bien
avoir assist l'entrevue de Saint-Benot-sur-Loire (voy. note suiv.). De mme,
Hincmar qui a accompagn le roi dans son expdition de Bretagne (voy.
p. 152,
note 1). Pour s'expliquer la date du 13 juin, peut-tre doit-on avoir recours
l'hypothse d'une discordance entre Vactuyn et le datum dans la date du diplme.
La convocation de l'assemble gnrale a d concider avec la tenue du con-
cile.
3. Annales Bertiniani,
p. 32 : Cf Karolus agrum Floriacum, in quo sancli Bene-
dicti monasterium consistit, duodecim ab Aurelianorum urbe leugis, veniens, Pip-
pinum Pippini filium suscipit et receptis ab eo sacramentis fidelitatis, quatenus iia
deinceps ei fidelis sicut nepos patruo existeret et in quibuscumque necessitatiba
ipsi pro viribus auxilinm ferret, totius Aquitaniae dominatum ei permisit, praeter Pic-
tavos, Sanctonas et Ecolinenses. Unde et omnes Aquitanici qui eatenus cum Karolo
fuerant ad eundem Pippinum continue sui conversionem efficere studuerunt.
Il est visible que l'auteur de cette portion des Annales Bertiniani, l'vque de
Troyes Prudence, reproduit dans son analyse les termes mmes du trait et du
serment prt par Ppin Charles. Sans doute Prudence a-t-il assist l'entrevue.
Le passage que l'on vient de lire se trouve au milieu du rcit de l'anne 845, mais
sans aucun lment chronologique. Mais nous possdons un diplme par lequel
Charles, la prire de Didon, abb de Saint-Florent, sur la Loire, au payus
de Mauge, concde en bnfice ce monastre le domaine de Poc en Anjou,
appartenant l'glise cathdrale Saint-Maurice d'Angers et tenu jusqu'alors en
bnfice par des vassaux royaux, condition que Didon et ses successeurs payent
chaque anne l'glise Saint-Maurice le cens accoutum.
La date, conserve
dans le Livre noir de Saint-Florent du xii" sicle, folio 3 (l'original des Archives
150 TRAIT AVEC PEPIN [845]
des Aquitains qui jusqu'alors avaient t avec Charles s'empressrent
de se tourner vers Ppin
'.
tant donne la situation, on peut dire que cette convention tait
pour Charles un succs diplomatique. Il conservait ou gagnait les trois
grands pagi o il comptait des dvouements solides. Il isolait
Lambert et les Bretons de Ppin II. Enfin, il maintenait sur
ce dernier une autorit politique d'une nature vague, il est vrai,
de Maine-et-Loire est mutil) est ainsi conue : Data idibus junii, anno V.,
indictione VL, rgnante Karolo gloriosissimo rege. ctum in monastcrio sancti
Benedicti. 5 C'est cette concidence entre les Antiales Bertiniani et le diplme
montrant le roi Saint-Benoit-sur-Loire qui permet de dater de juin l'entrevue
de Charles et de Ppin II. Dans le diplme l'indiction, comme il arrive souvent,
est fausse : elle correspond 843. M. Ren Merlet, qui a publi la premire dition
de cet acte {Guerre d'indpendance de la Bretagne sous Nomino, p.
22i, a tort
d'carter l'anne 843 en invoquant le sige de Toulouse. Le diplme pourrait tre
de 843 si l'on tenait l'indiction, car du 8 mars 843 (ou le roi est Vernantes en
Anjou) au 20 juin (o on le retrouve Compigne) l'itinraire du roi est inconnu :
on sait seulement qu'il a parcouru l'Aquitaine (voy.
p. 62). Mais l'anne du
rgne, qui est 5, ne peut valoir pour 843. La seule date inadmissible est celle de
844, qu'adopte prcisment l'auteur de l'Inventaire sommaire des archives dpar-
tementales de Maine-et-Loire. Srie
//, p.
l. En juin 844, Charles tait, nous
l'avons dit
(p.
120. note
1),
Saint-Sernin sous Toulouse. Diimmler (t. 1, 288),
date l'entrevue de juin en se rfrant Wenck
(p.
125). Ce dernier place le lieu de
l'entrevue en juin a zu donna an der niederen Loire , c'est--dire Saint-Flo-
rent, mprise vidente icf. Dummler, t. I, p. 2SS note 1), mais qui ne peut s'ex-
pliquer que par le fait que ^Venck a eu connaissance, on ne sait comment, de l'exis-
tence du diplme pour Saint- Florent, encore qu'il ft indit.
La cession d'une
partie de l'Aquitaine Ppin est rappele l'article 5 du Conventus Suessio-
nensis du 22 avril 853 : Ante hoc tempus venerandi concilii, optinente Pippino,
Pippini rgis filio Hludowici piissimi augusti filio, Aquitaniam, etiam consen-
tiente avunculo ejus, glorioso rege Karolo, cui eadem provintia in partem opti-
gerat, ecclesiastica disciplina et militari soluta eadem regio a suis indigenis
valde vastata et multi illic impune illicita perpetrarunt. L'diteur des Capilu-
laria (t. II, p. 265), Krause, voit dans ce passage une allusion l'anne 848.
L'erreur est patente : c'est en 848, au contraire que les Acjuitains revinrent
Charles. Voir encore VaiJnuntiatio de Louis le Germanique au premier colloque
de Meerssen (plus bas, p. 177, note 1).
I. En dpit des derniers mots de Prudence (voy. note prcdente), il semble
que nombre d'Aquitains aient prouv de la rpugnance accepter l'autorit de
Ppia. Dans la leltre 31, adresse Ganelon, archevque de Sens, Loup de Fer-
rires n'ose encore affirmer que tous soient rallis Ppin : De Pippino, unde
vestra quaesivit paternitas, nihil certi in palatio dicebatur. Leviter tantum fama
jactabat cos qui nuper ab eo descivissent in concordiam redituros. Quidam vero
de Aquitania vcnientes etc. (d. Dummler, ioc. cit.,
p. 39). Cette lettre a t crite
entre le 12 et le 22 novembre 845 (voy. Levillain, oj). cit., dans la Bibl. de l'cole
des chartes, t. LXIII,
p. 73). Puisque Prudence tient la plume au moment o
tous sont rallis Ppin, le passage des Annales Bertiniani reproduit plus haut
(note prcdente) ne saurait avoir t rdig avant l'extrme fin de 849 au plus tt.
n
[845]
CAMPAGNE COTRE ?iOMI>O 151
mais qui n'en faisait pas moins du jeune roi d'Aquitaine son inf-
rieur
'.
Libre d'inquitude du ct de l'Aquitaine, Charles entreprit de se
venger dos Bretons.
Un an auparavant Nomino avait dvast le border et pouss jus-
qu'au Mans-. Laouraine tant protge par Vivien, c'tait le grand
pagus du Maine, une vritable province^, qu'il fallait songer tout
d'abord protger. Pendant tout l't et l'automne de 845, le roi ne
quitte pas cette rgion^. Au dbut d'octobre, il se tient toujours
1. Wenck
(p. 126) et Diimin^er (t. I,
p. 283) veulent que Ppin ait t reconnu
par Charles comme souverain pleinement indpendant. Ce dernier invoque un
diplme du jeune roi d'Aquitaine dat du 25 juillet 84T en faveur de Heti, arche-
vque de Trves. 11 appert de cet acte que Ppin restitue, d'accord avec boni
honiines !> (qui les dtiennent), un domaine de l'glise de Trves sis en Aquitaine,
Cancilla (lisez Cantilla, Chautelle, Allier, arr. Gannat) dans le pagus d'Auvergne
et Ebrizania dans le Limousin (Beyer, Mitteli'heinisches L'rkundenhuch, t. 1,
p. 80, n" 72; cf. t. II,
p.
592-3, n 103). Mais, d'autre part, dans un diplme
du mme Pcpin ide846) renouvelant un acte d'immunit de Charles en faveur de
l'abbaye de Saint-Chaffre-le-Monastier, en Velay, la prire de l'abb Gautier,
on lit : Obtulit etiam reverendam patroni nostri Caroli rgis invictissimi aucto-
ritatem, nostri videlicet avunculi {Historieris de France, t. VllI,
p. 357, n 4;
Histoire de Languedoc, t. II, col. 26'J, n 128; Cf. Ren Giard Catalogue des
actes des rois d'Aquitaine, dans la Bibliothque de l'cole des chartes, 1901,
p. 527, 529, n"' 37, 40). En quoi la vassalit ou la situation subordonne de Ppia
l'empchait-elle de dlivrer des diplmes? La fureur de Lothaire contre Charles,
en 846, parce que Gilbert, vassal de ce dernier, a t en Aquitaine pouser une
fille de l'empereur, ne se comprendrait pas si ce pays n'tait soumis l'autorit de
Charles. M. Levillain considre que l'accord de Saint-Benoit-sur-Loire est un acte
de foi et de vassalit. Charles ne s'est pas engag envers son neveu, comme a
fait celui-ci envers son oncle. Il conserve ses droits sur l'Aquitaine. Voy. le Sacre
de Chatoies le Chauve dans la Bibliothque de l'cole des chartes, 1903, p.
45.
2. Voy. plus haut, p. 119, note 1. Je pense avoir montr {Mlanges d'histoire
bretonne,
p. 41-45) l'inanit d'une opinion qui place en 845 une invasion de Nomi-
no en Anjou, suivie de la destruction de Saint-Florent-le-Vieil.
3. Aux viii* et IX* sicles, le Maine forme comme un petit royaume dont le titu-
laire est un fils de roi. Charles l'avait obtenu du vivant de son pre. 11 le donnera
un instant son fils Louis le Bgue.
4. Le 12 aot, Charles, la sollicitation personnel'e de l'abb Markward,
accorde l'immunit aux domaines de l'abbaye de Priim situs dans son royaume
{Historiens de France, t. VlII, p. 477, n" 54 ;
H. Beyer, Mittelrheinisches
L'rkundenhuch, t. I, p. 81, n 74). L'acte est donn Mediana Villa o je recon-
nais avec R. Merlet {Guerres d'indpendance, p. 6,
note 3)
Mayenne (Mayenne).
On voit, en outre, Charles ratifier la restitution la congrgation de Marmou-
152 CAMPAGNE CONTRE KOMINO [845]
l'ouest du Mans
'.
Le 19 de ce mois, il est la frontire de la Breta-
tier, opre de son contentement et avec son dcret, par l'abb Renaud, d'un cer-
tain nombre de domaines afifects spcialement l'entretien des religieux. La dato
de lieu est Noviomo villa, c'est--dire Noyen-sur-Sarthe (Sartlie, arr. La Flche,
cant. Malicorne), au sud-ouest du Mans. La date de jour prsente une difficult.
L'original, aujourd'hui disparu, at consult aux xvii* etxviii' sicles par plusieurs
rudits. Selon dom Martne (Bil)l. nat., ms. lat. 12 878, fol. 24) la date tait
ainsi conue : Data 111 calendas februarii, anno VI, indictione VIll, rgnante
Karolo gloriosissimo rege; et c'est videmment la lecture de Martne qu' repro-
duite Mabillon (Annales Benedict'mi, t. II, p. 747) puis dom Bouquet (Historims de
France, t. VIII, p. 475, n 50j. Mais Gaignires (Bibl. nat., ms. lat. 5441^, fol. 10)
et dom Eyme libid., Coll Moreau, t. I, fol.
162),
qui donnent une reproduction
figure de l'original, ont lu setbr. le nom du mois. Cet accord permet de pr-
frer 111 kal. septembris et de placer l'acte au 30 aot 845 et non au 30 jan-
vier 846. Avec cette lecture tous les lments chronologiques concordent, l'in-
diction 8 appartenant 845. Elle s'accorde avec l'itinraire qui rend difficile la
prsence de Charles dans le Maine encore la fin de janvier 816.
Un diplme en faveur de Saint-Germains-des-Prs (Tardif, Cartons des rois,
n 148', qui montrerait Charles Aix-la-Chapelle le 10 juillet 845, est un faux.
I. Le I<" octolire, Charles, aprs lecture du testament de saint Remy faite en
prsence de ses fidles tant clercs que laques [inspecto coram coetu /delium nos-
trorum tam ecclesiastici quam laicnlis ordinis), restitue Notre-Dame et
Saint-Remy de Reims, ainsi qu' l'archevque Ilincmar, les biens de l'glise
de Reims qu'il avait donns en bnfice temporaire ses fidles pendant la vacance
du sige piscopal, savoir Epernay et Luilly, et tout ce qu'ont tenu le
comte Eude et Richouin; la villa Cormicy avec son glise, tenue par le prtre
Ravan
;
tout ce qu'avaient Pardulus (vque de Laon), l'abbesse Augeard, Robert,
le clerc Amaubert, Aumer, Jean le Mdecin ntc, ainsi que les clors et laques
un instant sous la vassalit du roi commends par celui-ci audit prlat.
(Flodoard, Historia eccl. Remensis, 1. III, c. 4. Cf., un recueil de formules
conserv dans un ms. du xii' sicle. Codex Udalricl Babenbergensis, ms. de la
bibliothque de Vienne, n 398).
La date est ainsi conue : <s Actum in pago
Andegavensi in villa Avegio {sic, pour Avezio). Il s'agit certainement d'Avess
40 kil. l'ouest du Mans, 15-25 au nord-ouest de Nogent (cf. note prcdente)
et de Roz (voir plus bas). Cette localit n'est pas dans l'Anjou, mais dans le
Maine. Les localits mentionnes dans le diplme se retrouvent seulement dans le
prtendu Grand testament de saint Remy (Scriptores rerum Merovinyi-
carum, t. III, p.
312-43). Les mots sancti liemigii aprs testamenlo dans le
diplme de 845 tel que le donne Flodoard, seraient une interpolation d'un faus-
saire du milieu du xi* sicle selon Krusch dans le Neiies Archiv, t. XX, p. 562 et
suiv., et Script, rerum Merovitigicantm, t. III,
p.
243 : Post vocahulum tcsta-
mento, quod ut in aliis fjusdem rgis charlis ^cf. Bouquet, VIII, 588, n 183, a.
803; p. C39, n"244, a. 872; Du Cange, s. v. testamentum) pro charta ipsa ibi accipitur,
xerh sancti Kemig a addita sunt. II suffit de se reporter aux diplmes invoqus
jiour voir que le cas est diffrent. Dans l'acte de 845, connu par Flodoard, c'est
mute la phrase inspecta coram coetu fideliu m noslrorum tam ecclesiastici quaiu
lalcalis ordinis testamento sancti Remigii qui devrait tre interpole. Le Codex
l'dalrici ne contient pas, il est vrai, les mots incrimins; mais c'est tout naturel
jiuisquc ce codex est un formulaire o l'on supprime les noms propres. Les argu-
ments de M. Krusch apparaissent donc sans porte et il
y
a lieu de croire que le
|845j
CAMrAOE CONTRE >OMI>O
153
fT.vi', Reanes
^.
Puis on le voit reculer en Anjou'. Sans doute, il
altencl des troupes. Peut-tre voit-il son action paralyse par la
prlandii Grand testament x> a t in\oqu et produit ds le premier semestre de
lepiscopat d'Hincmar.
Le 10 octobre, la prire de l'abb Enjoubert, Charles donne au monastre des
Fosss (plus tard Saint-Maur-des-Fosss) la villa appele Ad illum brogilum
(Neuville-sur-Sarthe, 9 kil. du Mans', prcdemment restitue l'glise du Mans
par Louis le Pieux, la requte de l'vque Aldric, lequel avait pri ledit Enjou-
bert d'y tablir des moines suivant la rgle bndictine [Hhtorietis de France,
t. VIII,
p. 479, n" 56). L'acte, conserv en original (Arch. nat., K. 11 n" 2-), porte
Actum in villa Rausiaco . 11 s'agit de Roz sur la Sarthe (Sartiie, arr. Le
Mans, cant. La Suze,\ On ne comprend pas que Charles qui se dirige .--ur Rennes
(voy.
p. 151, note 4) et se trouve Avess sur la ligne Le Mans-Entramnes-Rennes,
et rtrograd d'Avess 30 kil. environ en arrire. Nous sommes en prsence
videmment d'une divergence entre Vactum et le datum. L'itinraire exige que
Charles ait pass d'abord par Rausiacus ; plus forte raison si cette localit doit
tre identifie non avec Roz, mais avec Saint-Georges du Rozay (Sarthe, arr.
Mamers, cant. Bonntable) comme le suppose M. Levillain (Loup de Ferrires, dans
la Bibliothque de l'cole des chartes, t. LXIII, anne
1902, p. 74).
1. Rennes n'a pas t considr comme faisant partie de la Bretagne avant
les x-xi* sicles.
2. Charles concde en toute proprit son fidle le comte Vivien le petit mo-
nastre de Cunault (Trves-Cunault, Maine-et-Loire, arr. Saumur, cant. Gennes)
o repose le corps de saint Maxenuel, situ en Anjou, sur la Loire. [Historiens
de France, t. VIII,
p. 480, n" 57; cf. Poupardin, Monuments de l'histoire des
abbayes de Saint Philibert,
p. 109, n" 5). L'acte est pass Redonis civitate r.
Le fidle Vivien dtenait aussi des biens ecclsiastiques dans le Maine. Hric nous
raconte, que la villa Cadriacus a.n' le Maine avait une glise, ddie saint
Germain d'Auxerre, trs frquente par la population. Le princeps Viuianus qui
tenait alors ce domaine
(
qui tum eidem dominahatur fundo), se mettant un jour
table, fit percher sans faon ses faucons sur le porche de l'glise
;
quand il .se leva, il
trouva ses oiseaux morts, pendant aux bout des courroies qui les attachaient (Mira-
cula sancti Ger^nani Autissiod , 1. 1, c 6 dans Duru, Bibliothque historique de
l'Yonne, t. II, p. 147-148). Ce domaine de Cadriacus est un de ceux que l'abb
Renaud, frre de Vivien, restitue aux religieux de Marmoutier le 12 aot 847)
(voy.
p. 151, note 1). L'anecdote est donc antrieure cette date; mais sans doute de
peu, 1 ar Cadriacus rpond Cherr, situ dans la Sarthe 2 kilomtres de la Fert-
Bernard, sur la ^oie romaine de Chartres au Mans. II est probable que Vivien
accompagnait ou dirigeait l'arme de Charles lorsque cet pisode se produisit.
Avegio, o le roi donne un diplme le I"' octobi"e, pourrait tre identifi Avez
non loin de Cherr, mais une autre identification est prfrable (voy.
p. 152, note I).
3. Le 21 octobre, le roi, la prire d'Evrouin vque de Poitiers et archichape-
lain, accorde deux diplmes au monastre de Glanitofolimn en Anjou (Saiut-Maur-
sur-Loire, Maine-et-Loire). Par le premier il lui fait don en toute proprit de l'glise
de Saint-Vrain sise Gennes {ibid., arr. Saumur) avec ses dpendances,
y
compris
le march, et de six manses (factos\ Chavagnos (ibid., arr. Angers). Parle second
il concde, mais titre bnficiaire, tout oc que tenait le fidle Itliacius (sans doute un
Espagnol, vu son nom), c'est savoir : une maison seigneuriale {casaindominicata),
une glise et six manses [facti) Bess (Maine-et-Loire, arr. Saumur), un couriil
t 5 1/2 manses Rili ((6ed.), la terre Saint-Cyrice< Sion (Loire-Inf., arr. Chteau-
154 DFAITE DE BALLON [845]
famine qui dsole le pays
'.
Il veut mme rtrograder jusqu' Tours
et donne rendez-vous en cette localit ses fidles pour le 11 novem-
bre. Mais ce mouvement s'arrte. Le bruit court que la division s'est
mise entre les Bretons. Un parti hostile ?somino est, dit-on, prt
se joindre Charles; il lui demande seulement de s'approcher de la
Bretagne pour pouvoir se grouper autour de lui-. Abus par des
racontars fallacieux, sansavoiravec lui des forces suffisantes. Charles
revient sur ses pas travers l'Anjou et pntre en Bretagne vers le
cours infrieur de la Vilaine. 11 est pris au pige : le 22 novembre, il
est envelopp par Nomino dans un endroit marcageux, Ballon. Sa
petite troupe est crase et lui-mme s'chappe grandpeine ^ Un
briand) etc., Poc (Maine-et-Loire), condition que les a recteurs du monastre
s'acquitteront des nones et des dmes envers les glises propritaires de ces
domaines (P. Marchegay, Archives d'Anjou, t. I, p.
372 et 361,
ns
29 et 19).
Le diplme porte pour date de lieu : Actum Novienle villa . Il
y
a plu-
sieurs Noyant ou Noyent en Maine-et-Loire. Noyant-la-Gravoyre dans l'arron-
dissement et le canton de Segr semble le plus admissible, comme situ prs
de la voie romaine de Rennes Angers : Rennes, le 19 octobre (voy. note pr-
cdente), le roi pouvait tre rendu en cette localit deux jours aprs.
1. Annales Bertiniani,
p.
32 : Fams valida Galliae inferiora consuniit, adeo ut
multa hominum milia eadem invalescente absumpta sint. La comparaison avec
les annes 846 et 847 montre que Prudence dsigne par les mots Galliae infe-
riora la France * et la Neustrie, par opposition l'Aquitaine.
2. Lettre 31 de Loup de Ferrires, adresse Ganelou, archevque de Sens :
Cum ad regem proficiscerer et praemisissem quid me facere vellet. ipse vero
praecepisset ut l'estivitate beat! ^Martini (11 novembre), ad monasteriura ejusdem
praeclai'i confessons ei occurrerem, eum vero utilitas publica alio traxisset, missis
iterum nuntiis per aniicos optinui cum gratia licentiara revertendi. Cur autem
sicut constituerat dominus noster res ad sanctuni Martinum non accesserit haec,
ut nuntii nostri retulerunt, causa fuit quod Britanni, sibi praeter solitam dissi-
dentes, regem nostrum Britanniam versus evocaverunt, ut pars quae contra Nome-
noium sentiebat ad eum tuto deliceret. (d Diimmler, loc. cit.,
p. 39). Cette
lettre a t crite entre le II et le 22 novembre. Voy. Levillain, loc. cit., p.
73.
3. An^iales Bertiniani, p.
33 : Karolus Brittaniam Galliae cum paucis minus
caute adgressus, deBcientibus suis rbus sinistra forluna universis, Cinomannos
festinato revertitur, reparatoque esercitu eandem part impetere . Ce texte est
videmment dfectueux. La copie retrouve par M. Poupardin nous donne videm-
ment la bonne leon et nous laisse croire que la traliison ne fut pas trangre
la dfaite de Charles : e Karolus Britannie Galliam cum paucis nimis caute
adgressus, deficicntibus suis, rbus sinistra fortuna inversis, Cinomannos festinato
revertitur (Bibl. deVcole des chartes, t. LXVl, 1905. p.
391-395);
Chronicon
Fontanellense : c Anno 846 {sic.) Franci Britanniam ingressi, propter difficultatem
locorum et loca palustria, X kd.\. decembris, commisso cum Brittonibus
praelio, Brittoncs superiores effecli sunt (Historiens de France, t. Vil,
p. 41) ;
Chronique de Xantes.
p.
32 d Cui (Nomenoio) venit obviam Karolus rex cum insigni exercita, datoque
interea praelio, saperatus est Karolus, multis Francorum millibus occisis (sur
ce passage, voy. F. Lot, Mlanges d'histoire bretonne,]). 71-73).
Six chartes de
l'abbaye de Redon (Ille-et-Vilaine) mentionnent dans leurs dates la bataille entre
Charles et Nomino [Cartulaire de Redon, n'* 121, 160 , Appendice n* 21, 22, 23, 24)
sans en indiquer, du reste, le rsultat
;
les quatre dernires donnent le nom du
lieu du combat : in loco qui dicitur Ballon 9.
Le rcit de cet vnement
donn par M. de La Borderie \Histoire de Bretagne, t. II,
p.
48-50, 467-474) est
inexact. Il dpeint Charles la tte d'une e immense arme /), parce quil utilise
UQ passage de Rginon qui se rapporte en ralit 851. La correspondance de
Loup de Ferrires (voj'. plus Inut et note suivante) justifie pleinement l'assertion de
Prudence que Charles s'est jet tmrairement sur les Bretons cum paucis . En
novembre, au surplus, l'ost tait disperse. M. de La Borderielc sait bien (cf.
p. 50),
mais, s'appuyant sur les chartes de Redon dont on vient de parler, il place la
bataille (contre le Chronicon Fontanellensej la fin de juin, ce qui est une erreur
complte (voy. Levillain, loc. cit., p. 74). Son identification de Ballon ice lieu
aurait t situ au lieu dit la Bataille, 1500 mtres au nord-est du bourg de Bains,
lequel est 6 kil. au nord de Redon) a t conteste par M. R. de Laigue (dans le
Bulletin archologique de l'Association bretonne, i'^ srie, t. XVIII,
p. 247-257; cf
la rplique trs sense de M. de La Bordevie, ibid.,
p.
258-266). Ballon est le nom
d'un petit monastre dont l'abb, en compagnie de celui d'un autre petit tablisse-
ment Busal, disputa l'abbaye de Redon une partie du tonlieu des na\ires
Balrit et Busal. Nomino ordonna une enqute laquelle prirent part des
vieillards de Peillac, Bains, Renac et Sixt (localits situes au nord-ouest,
nord et nord-est de Redon). 11 en rsulta que seul celui qui possdait Bains
{c'est--dire l'abbaye de Redon) avait le droit de percevoir le tonlieu [Carlul. de
Redon, n" 106, p. 80). Balrit est reprsent par le moulin et le chteau dits
Beaure, sur la rivire d'Oust, 7 et S kilomtres au nord-ouest de Redon. Busal est
la chapelle Saint-Men, juste en face, sur la rive gauche de l'Oust (Desmars,
Statistique historique du canton de Redon, 1869, p. 4H). Ballon devait tre prs de
Redon, vers le nord, mais, quoi qu'en dise M. de La Borderie, tout proche de Busal
et prs de la rivire, puisque le Chronicon Fontanellenae nous parle de la diffi-
cult des lieux et des marcages . De Saint-Men au confluent de l'Aff et de
l'Oust s'tend en effet un marcage bord de deux hautes collines dont les pentes
abruptes tombent pic dans les eaux (R. de Laigue, loc. cit..
p. 247). C'est
dans ces parages que Beppolenus et une arme franque, ayant pass la Vilaine et
travers l'Oust sur un pont, luttrent trois jours contre les Bretons de Gurec
en
5'.
: a Enferms entre des dfils et des marais, ils prirent plutt jiar la
boue que par le glaive , nous dit Grgoire de Tours (livre X, c. 9).
I. Loup de Ferrires, lettre 32, adresse Louis <l abbatam summo i : t Dici
156 FUITE DE CHARLES ,'845]
Charles s'enfuit au Mans. L il rassembla quelques troupes. Son
intention, un instant, aurait t de recommencer l'altaque contre la
non potest quanto nuper dolore adfectus siin, cuni in liac reipublicae calaniitnfe
fliciter fallax fama disperserai vos quoque inler alios Cicidisse... Praeierea doinini
nostri rgis ads-ersitati condolens et ereptioni supra moduni congaudens... . Dans
le reste del lettre, Loup rcrimine contre le roi, dpeint la misre de l'abbaye de
Ferrires. Il n'ose prier Louis de sol'iciter du repos pour ses hommes, quoiqu'ils
en aient grand besoin; il le charge de remettre au roi une co)ifjratulationis char-
tula et lui demande ce qu'il doit faire des dons annuels o qu'il a encore entre les
mains. Cf. Levillain, lac. cit..
p.
7.5-76.
vous ne pouvez le nier
ont t viols
; enfin tous les ordres
ecclsiastiques ont t bouleverss. Pour comble d'audace, Nomi-
no a outrag le pape Lon, auquel Dieu a donn la primatie de
l'univers n. Nomino avait sollicit du pontife d'tre inscrit dans
son livre , c'est--dire d'avoir ses prires. (( 11 te le promit par
lettres si tu obissais ses avertissements ;
non seulement tu n'as
rien fait de ce qu'il mandait, mais tu n'as pas mme reu cette
lettre; et, parce que tu ne voulais pas t' loigner du mal, tu as
craint d'entendre des conseils salutaires. Nomino a accueilli
Lambert le rvolt. Il revendique la terre des Francs, oublieux que,
ds l'origine, ceux-ci ont assign aux Bretons, sur leur demande, des
limites fixes. Tous ces pchs entranent la damnation. Que Nomi-
no, qui est un vieillard, songe sa mort prochaine et se proccupe
de son salut.
L'ptre synodale', sous sa forme ncessairement vhmente, tait
au fond conciliatrice-. Les vques francs dclarrent qu' leurs yeux
le tort le plus grave du chef des Bretons tait d'avoir ddaign la
lettre du Saint-Sige dont ils avaient un double. Ils l'assuraient qu'elle
ne renfermait rien qui pt le blesser et s'offraient le lui prouver en
lui envoyant une seule fois le lgat. Si Nomino veut revenir de
meilleurs sentiments, les vques s'efforceront d'obtenir de notre
pieux prince qu'il te traite bien, toi et ta postrit d. Les partisans de
Lambert et ses complices bretons, condamns l'anathme s'ils per-
sistent dans leur rbellion, verront leur repentir accueilli favorable-
ment parles Pres qui imploreront en leur faveur la clmence du
roi.
Nomino et Lambert rpondirent ces bnignes propositions par
une campagne nergique et dcisive. Aprs avoir mis garnison dans
Rennes, le roi s'tait loign sans oser pntrer en Bretagne. Les deux
allis vinrent aussitt mettre le sige devant la cit. Prise de peur, la
garnison capitula et fut envoye prisonnire en Bretagne. Ensuite ce
fut le tour de Nantes, qui fut emporte. Puis, avec une indicible
furie
, Nomino promne ses ravages jusqu'au Mans, avec la coopra-
tion du u tyran Lambert, tratre sa race. Du troupeau des captifs,
on fit deux parts : la masse fut relche aprs avoir t dsarme ; les
seigneurs , dont le comte Amaury, le peu heureux dfenseur de
1. Elle a t traduite par R. Merlet {loc. cit.., p. 18) et L. Levillain (tude sur....
Loup de Ferrires, loc. cit., 1902, p. 303).
2. C'est ce qui a chapp totalement M. de La Borderie [Hist. de liret.,
t. Il,
p. 62).
222 OFFENSIVE DE NOMINO ET DE LAMBERT [850-851]
Nantes, rejoignirent en Bretagne les prisonniers faits Rennes'.
Pour satisfaire sans doute une vieille rancune de Lambert, Nomino
chassa de Nantes l'vque Aitard, un Tourangeau dvou au roi Charles
qui lui avait donn l'vch sept ans auparavant, et il le remplaa par
un Yannetais, Glard. La victime partit aussitt pour Rome porter
sa plainte Lon IV
'.
Nomino et Lambert, tout en poursuivant fond leurs avantages,
semblent avoir craint un retour offensif de Charles : le soin qu'ils
prirent d'enlever les portes et d'abattre en partie les remparts de
Rennes et de Nantes, ne peut, ce semble, s'expliquer autrement ^ On
perd la trace du roi depuis le mois de septembre 850. II ne parat pas
avoir regagn la valle de l'Oise, car le 16 janvier 851, nous le retrou-
vons Chartres*. Le mois suivant, il a repris le chemin habituel
1. Chronicon Fontanellense : a Anno DCCC L... Rex Carolus cum eiercitu
usque ad Redonas oppidum pervenit ibique custodiam disposuit. Sed eo ab urbe
recedente, Nomenoius et Lantbertus cum fidelium copia eandem ufbem oppugnare
moliti sunt. Quo metu territi custodes nostri in deditionena venerunt, in Britan-
niamque exiliali sunt. Dam haec in Britannicis finibus geruntur, classis Danorum...
Jpsis diebus Amalricus cornes et alii plures Nomenoio duce Brittonum et Lantberto
tyranno in Nannetis urbe capiuntur. Indeque ad Cinomannis cura indicibili
furia pervenerunt, Lantberto tyranno proditore [gentis suae?] haec cooprante;
seniores vero capti in Britaflniam directi sunt, reliquis populis iuermibus reversis.
(A. Duchesne, Script., t. II, p. 389j.
2. Les renseignements donns par la Chronique de Nantes au chap. xii
(p.
39-41), sur l'expulsion d'Aitard et son remplacement par Glard, sont dpars
par plusieurs bvues chronologiques. Il en est de mme aux chap. ix
(p. 25) et x
(p. 27)
qui rapportent la nomination d'Aitard l'vch de Nantes, du consentement
du roi Charles , et ses constestations avec Lambert qui avait voulu construire
sa demeure dans le principal chteau del cit .
Le pape Lon IV condamna
l'usurpation de Glard par une lettre adresse Nomino qu'Aitard rapporta de
Rome vers le dbut de 851. Voy. cette lettre, conserve partiellement, dans Migne,
Patrol. lat., t. GXV, col. 673; cf. la lettre de Nicolas
1"
Salomon (dans la
Chronique de Nantes,
p.
57 et 60).
3. Annales Engolisme^scs : DCCC L... Et Nomenoius Redones et Nannetis
capiens partem murorura portasque earum destruxit .
Chronicon Aqui-
tanicutn {Id.). {Mon. Germ. Script., t. XVI,
p.
486 et t. II,
p. 253.)
4. Charles, dplorant que les occupations du sicle l'empchent de prendre
soin des pauvres de l'abbaye de son saint patron Denis, tablit l'instigation tl'un
des religieux, Dieudonn, la fondation suivante : les revenus d'un domaines du fisc,
Lcudelinicurtis tn Parisis, avec la fort de Madan (rserve faite du droit de chasse)
seront affects d'une manire gnrale aux pauvres entretenus par l'abbaye; en
outre, la nourriture quotidienne de cinq indigents qui recevront des vlcmonts
neufs chaque anne Pques; le jour do la Cne on prendra douioe pauvres dont
on lavera les pieds et qui recevront chacun un denier {Historiens de France,
t. VIII,
p. 497, n' 79; "Tardif, Cartons des rois, n" 160). L'acte, conserv encore en
original, est dat de l'an 11 du rgne et de l'indiction 12 et donn Carnotinas
[851]
MORT DE >"OMINO 223
de la Bretagne : il est Tours
^
et
y
tient peut-tre une assemble
*
o l'on traite des moyens de repousser l'invasion des Bretons et
des rebelles qui se maintiennent au cur de la Neustrie. Quelques
jours aprs, le 7 mars, la mort presque subite du vieux ]Nomino,
survenue Vendme, dbarrasse le jeune roi du plus terrible adver-
saire qu'il et rencontr aprs le Viking Ragnar-*. Nomino parat
civitate i>. L'indiction correspond l'anne 819; mais alors Charles, Pronne en
janvier, Quierzy en fvrier-mars, ne s'est certainement pas rendu en Neustrie.
Force est donc de prfrer l'an du rgne qui reporte l'acte au 16 janvier 851.
1. Charles, la prire du trs fidle Vivien, a recteur de Saint-Martin de
Tours, ratifie la donation faite par celui-ci aux moines de Cormery, dirigs par
l'abb Oacre, dans le but de remdier leurs besoins tant de nourriture que
de vtements; c'est savoir : le bnfice de Godaud fils de Godaud Chambon
(Indre-et-Loire), Lur(fcZ.
),
Crisseium ; des matistones dites a aux Roches , dpen-
dance de la villa de Retz (Maine-et-Loire), pour abrger la route des navires
et pcher du poisson (une trane de filet est autorise dans la Loire : (Histo-
riens de France, t. VIII, p. 507, n 92;
Bourass, Cartulaire de Cormery,
p. 37)
L'acte, dont l'original n'a pas t conserv, a certainement t remani,
mais il n'y a pas lieu de croire que la date ait t modifie. L'indiction 13, en
retard d'une unit, doit tre sacrifis l'an du rgne : en etfet, en fvrier 850,
Charles n'tait plus en Touraine mais en France (voy. plus haut, p. 209;, note
3,
un passage du Chronicon Fontanellense). Le diplme doit donc tre dat de
Saint-Martin de Tours, 10 fvrier (14 kl. mart.) 851.
2. Cette supposition se fonde sur la date d'une charte de l'abbaye de Cormery
donne le
1" fvrier l'an 11 du rgne de Charles, Tours, in concilio publico
(Bourass,
p. 39). On a dit plus haut
(p.
220, note
3)
que le mot concilium peut
s'entendre d'une assemble royale, et aussi d'un mallus local. La concidence de
la date de cette charte avec la prsence de Charles, atteste par un diplme (voy.
note prcdente), rend la tenue d'une grande assemble vraisemblable.
3. Annales Bertiniani,
p. 38; 851 (fnitio). Xomenogius Britto moritur t> ;
Chronicon Fontanellense
; a. Anno 851, indictioue XIIII, Nomenoius dus Brittonum
divino judicio malae intentioni fidem (leg. finem) ddit, sicque in finibus Franco-
rum mortuus est ;
Annales Engolismenses : <s. 851. Nomenoius, jubente Deo,
ab angelo iniquitatis nonis martii percussus interiit s ;
Chron. Aquitanicu^n :
851. Nomenoius, jubente Deo, ab angelo percussus interiit. b
La Borderie
{Hist. de Bret., t. II,
p.
474-476) a contest la date du 7 mars donne par les
Annales angoumoisines pour la mort de Nomino et il la place entre le 8 et le
15 juillet. Son argumentation, appuye sur une interprtation des chartes de
Redon et des conjectures, n'a convaincu personne (voy. R. Merlet, Guerres d'ind-
pendance,
p. 20; Levillain, Loup de Ferrires, loc. cit., 1902, p. 306, note 2j et il
n'y a pas lieu de s'y arrter. Plus dlicate est la dtermination du lieu et des cir-
constances de la mort du duc breton. Un compilateur breton, Pierre Le Baud,
rapporte dans son Histoire de Bretagne, rdige entre 1498 et 1505, que Nemi-
noius... passa le fleuve de Maienne avecques son exercite
; et, comme il trouvast
la cit d'Angers presque toute dserte et vuide de ses habitans parce que les Nor-
wegiens l'avoient par auant prinse et destruicte
{!),
il l'assaillit de toutes pars
et entra par force dedans; et adoncq st vioUer les temples de la dicte cit o
le demeurant des citoyens estoient fuiz et entrez refuge, dont les ungs tarent
15
224 MORT DE NOMI>O [851]
avoir t une physionomie complexe, trs curieuse. Il est des plus
regrettable qu'on puisse seulement l'entrevoir au travers des trop
brefs passages des annales franques qui n'en parlent que pour le
occis, les aultrs prias et emmenez captifs,' laquelle chose moult despleut Dieu,
si comme manifestement il apparut aprs. Et quant il eut ainsi degast celle cit,
il s'en dpartit et conduisit celle exercite scelon les rives du fleuve de Loyre,
qui se plunge en Maienne au dessuz de laditte cit, bruslant et destruisant les
territoires d'Anjou, du Maine et de Touraine, depuis Loire jusques Neustrie,
parvint jusques k Vendosme, o il s'arresta attendant
y
recueillir ses osts qui
estoient espanduz par lesdits territoires affin d'assaillir le pais de Chartres. Mais
comme j
partie de son exercite commenczast gaster celle grant plaine qu'on
appelle la Beausse, il devint soudain enferme et par gravit de doleur finit dedans
briefs jours sa vie. (Nous reproduisons, non l'dition d'Hozier, Paris, 1638,
in-foL,
p. 111, mais la copie du xv^ sicle, Bibl. nat., ms. des nouv. acquis,
franaises 2615, fol. 80, recto et verso).
Une autre compilation de Le Baud sur
riiistoire de Bretagne, rdige vers 1480 pour Jean de Chteaugiron, et contenue
dans le ms. fr. 8266 de la Bibl. nat., ne donne pas ces dtails touchant la der-
nire expdition et la mort de Nomino. Le Baud se bornait traduire pour ainsi
dire mot mot des textes anciens (tel la Chronique de Nantes, comme l'a tabli
dans son dition R. Merlet). Il semble bien que ce soit le cas ici, quoiqu'une tra-
dition lgendaire recueillie par Rginon (voy. note suiv.i semble placer Angers ou
prs de cette ville, et non Vendme, le chtiment suprme inflig par le ciel au
Breton. Malheureusement le rcit de Le Baud ne concorde pas avec l'itinraire
(voy.
p. 222, note 4
;
223, notes I, 2). Si, au lieu d'tre Chartres le 16 janvier, Tours
le 16 fvrier, le roi tait, au contraire, Tours en janvier, Chartres en fvrier,
tout irait bien : Charles recule pas pas devant Nomino; celui-ci, d'Angers,
remonte la valle du Loir jusqu' Vendme et meurt au moment o il se prpare
< entrer dans la Beauce et se porter sur Chartres o se tient son souverain.
Le mouvement de recul du roi Cliarles de Tours Chartres aurait commenc
aprs le 16 fvrier (voy.
p. 223, note 1); c'est peu aprs son arrive en cette der-
nire ville que le roi franc aurait appris la maladie puis la mort de son ennemi.
Ce systme exige que dans le diplme en faveur do Saint-Denis ip. 222, note
4)
il
y
ait une discordance entre le Datum (16 janvier, concession en un lieu quel-
conque, peut-tre Saint-Denis o, semble-t-il, d'aprs l'expos du diplme, le roi
aurait t prier, sans doute la Nol de 850) et VActum (remise l'imptrant,
Chartres, fin fvrier ou mars 851). Le.s exemples de ces discordances sont si nom-
breux qu'il est sduisant d'adopter ce systme qui a le mrite d'tre cohrent et
logique. Le rcit de La Baud conciderait ainsi parfaitement avec celui du Chroni-
cuyn Fontanellense : aprs s'tre empars de Rennes et de Nantes vers septembre-
octobre 850, Nomino et Lambert se jettent sur l'Anjou, le ravagent, entrent dans
Angers, puis, remontant la valle da Loir en dvastant tout sur leur passage, par-
viennent, l'un (Lambert?) jusqu'au Mans, l'autre, Nomino, jusqu' Vendme,
o il meurt presque subitement, le 7 mars 851. 11 n'y a qu'une campagne, vrai
dire, poursuivie de septembre 850 mars 851, et non deux, comme le prtend
La Borderie (Hist. de Bret., t. II,
p. 63).
L'invasion do l'Anjou par Lambert et les Bretons se trouve confirme par un
passage des Gesta sanctorum Hotonensium : In illis diebus orta est turbatio
non raodica inter Karolum regem Francorum et Nominoium ducom Brittanniae.
Sicque actum est ut Landeberlus cornes adhereret Nominoi principi, deserens
[851] MOKT DE >O.MlNOl
225
signaler l'excration du peuple chrtien'. Sa mort parut provi-
dentielle aux Francs. ]\ul doute que le clerg
y
ait vu le doigt de
Dieu
-.
Nomino disparu, restaient son fds rispo, non moins intrpide,
(lominatum rgis Karoli. lavasitque totam proviatiam Namaeticam simul et An-
degaviam ex obtentu ducis Britanniae. Porro omnes amici rgis hue illucque dis-
persi sunt. Eo vero tempore erat quidatn abbas, Gausliuus nomine, ex mona-terio
sancti Mauri ia territorio Andegavensi. Hic venit ad saactum Dei locum Rotonea-
sem, ubi sanctus Ipotemius requiescit, .suscepitque eum venerabilis
abbas cum
summa diligentia. Permansit autein in sancto loco per quattuor ferme menses.
(Mabillon, Acta, saec. IV, part, ii,
p.
218; collationn sur le ms. lat. 662 des
nouv. acquisitioa latines de la Bibl. nat., fol. 17). Cet abb Josselin est celui que
nous avons vu
(p.
178, note 3) obtenir du roi, le 14 juillet 847, l'instigation de
son parent Evrouin, la survivance de l'abbaj'C de Saint-Maur-sur-Loire
(Glan-
feuil); c'est le futur vque et dfenseur de Paris contre les Normands. Son
sjour Redon ne fut sans doute pas volontaire : il faisait partie de ces senioi-cs
capti in Britanniam directi dont parle le Chronicon Fontanellense (voy.
p. 222,
note
1). On peut supposer qu' la mort de Nomino il fut dlivr d'une captivit
adoucie par la bienveillante dfrence que l'abb Conwoion devait un descen-
dant de Charlemagne. Cette captivit ayant dur environ quatre mois, l'inva-
sion de l'Anjou se placerait, par hypothse, vers la fin de nomembre 850.
1. La Borderie (t. II,
p.
63-70) a consacr Nomino et aux desseins qu'il lui
suppose des pages tranges. 11 reproduit mme comme vieille ballade bretonnantc
sous une forme orne peut-tre une fabricition de La Villemarqu, le soi-disant
Tribut de Nomino. On nous dispensera de discuter de pareilles conjectures.
2. Aux tmoignages du Chronicon Fontanellense et des Annales Angoumoi-
sines qui \oient l'un la main de Dieu, l'autre celle du diable (1' ange d'iniquit i
dans la fin de Nomino, il faut joindre la lgende angevine que nous a transmise
Rginon, au dbut du x^ sicle. Au moment o le cruel dvastateur des glises
s'apprtait monter cheval, saint Maurille, vque d'Angers (au v sicle),
lui apparut et le frappa mortellement la tte de sa crosse : Anno dominicae
incarnatioais DCCC LXU {sic) Nomeneius rex (.sic) Brittonumjmorilur, divino nutu
percussus. Nam, cum ecciesias Dei deva.staret et confinia crudeliter depopularetur,
eo quod Carolo debitam fdelitalcm servarent (cf. p. 223, note 3, in fine), quadam
die, cum equum ascendere ve'lct ut coeptam malitiam consummaret, repente
viditante se sanctum Maurilionem episcopum astare sibi haec torvo vultu et terribi-
libus oculisingeminantem : Desine, jam, crudelispredo, ecciesias Dei devastare .
His dictis, baculum quem manu gestabat elevans, eum in capite percussit. Qui a suis
in domo reportatus vitam cum regno finivit. Fuit autem iste Maurilio episcopus
Andegavensis urbis, cujus civilatis tormini coherebant finibus Brittanniae, et ide
ab eis graviter depopulabantur. Filius Nomenoi Herispoius regnum paternuru
obtinuit. (d. Kurzo,
p.
79-80
1. Rginon, moine de l'abbaye lof haringienne de Pruni.
qui possdait de nombreux domaines en Anjou et sur la frontire de la Bretagi.e
(voy. dans le Moyen ge, 1908, p. 2Q&), doit cette circonstance de pouvoir nous
fournir sur les Bretons nombre de renseignements emprunts des sources
orales. Sur la cruaut de Nomino et son ddain des glises, voy. encore les Mira-
cula sancti Maglorii{cL F. Lot, Mlanges d'histoire bretonne, y>. 474
, et une charte
de son fils Erispo qui donne la moiti du plou de Bains l'abbaye de Redon
22 ) DEUXIME COLLOQUE DE MEERSSEN [851]
non moins heureux, et le tyran Lambert. Tous deux rentrrent
aussitt en Bretagne ^ Puis Lambert continua la lutte contre ses
compalrioles de Neustrie avec ses partisans et des auxiliaires bretons,
mais avec un moindre succs que Nomino". Aussi Charles rassur
repassa la Seine et crut le moment venu de sceller la rconciliation
i\\ec SCS frres dans un colloque solennel dont sa lutte contre Ppin,
Guillau me de Gothie, les Bretons, Lambert avait retard la tenue de
deux annes.
L'anne Si^) avait vu la rconciliation de Lothaire et de Charles^,
le ferme maintien de l'amiti fraternelle de Charles avec Louis le
Germanique K En 850, Louis et Lothaire, leur tour, avaient resserr
leurs liens : ils s'taient rencontrs Cologne, en juin, puis avaient
pass plusieurs jours chasser ensemble dans la fort d'Osning
(Eggegebirge), en "Westphalie
;
leur union tait si troite que beau-
coup de gens s'en merveillaient
"'.
Puisque tout tait la paix et
l'amiti, puisque chacun des Carolingiens tait dans les relations
les plus cordiales avec ses deux frres, le moment tait venu de
cder aux conseils des grands, de sceller la concorde par un congrs
qui renouvellerait et complterait l'uvre si longtemps oublie de
l'entrevue de Ylitz^, raliserait le programme propos Meerssen
en 847 et achverait l'uvre de concorde fraternelle que Louis le
Germanique n'avait cess de poursuivre avec une remarquable tna-
considerans gravitudinem peccatorum meorum et gravitudinem peccatoram
patris mei Nominoe {Cartulaire de Redon,
p. 371, note 1). Cette charte, du
10 mars 851, est postrieure de trois jours seulement la mort du prince breton.
On peut croire que sa fin, succdant de si prs aux reproches des Pres du concile
d'aot 850, a sembl, mme aux Bretons, un chtiment du ciel. Cf. F. Lot, M-
langes...
p. 15, n. 2 ( rectifier avec ce qui est dit plus liant,
p.
2i3, note
3).
1. Ds le 10 mars, Erispo, Salomon et autres chefs bretons sont Redon. Voy.
la charte cite la fin de la note prcdente.
2. Chronicon Fontanellense : a Anno DCCCLI, indictione Xllll, Nomenoius ..
mortuus est. Sed nec sic Lantbertus ad fidem flexus est, sed propriam gentem in
qua natus est, Brittones cohorlans, inseculus est infeliciter, non tamen sine suo-
rum hominum ac Briltonum damno . (Duchesne, Scriptores, t. II,
p. 389).
3. Voy. plus haut,
p.
198.
4. Voy. plus haut,
p. 201.
5. Diplme de Lothaire pour Hatto, abb de Fulda (dans Dronke, Cod. diplom.,
p.
2^0) Annales Xantenses (dans Mon. Germ., Scrijjt., t. Il,
p. 229). Cf. Miihlba-
cher, lieg., 2^
d. n 1143; Diimmler, t.
1, p. 347; Parisot,
p. 41, note 4.
6. Calmette, la Diplomatie carolingienne,
p.
18. Sur cette entrevue de Meers-
sen, voy. encore Diimmler, t.
1, p. 347-349; Parisot, p. 41; Faugeron, De fraier-
nitate (Rennes, 18GS)
;
E. Bourgeois, le Capitulaire de Kiersy, passim.
[851
J
DEUXIME COLLOQUE DE MEERSSEX 227
cit'. C'est cette fin que les trois souverains s'assemblrent nou-
veau au palais de Meerssen- vers le mois de mai 851
'.
1. M. Calmette {op. cit., p. 18, n. 2) veut que l'initativo soit venue de France :
Charles aurait envoy Hincmar en tourne diplomatique la cour impriale et la
cour de Germanie. 11 invoque l'appui deux lettres de l'archevque au roi de France,
connues par une brve analyse de Flodoard {Hist.eccl. Rem., H F, 18 ;d.Waitz, Mon .
Germ., Scrij^t
,
t. XIII, p. 509) et combat Schrrs [Hinkmxr,
p. 520),
qui n'ose fixer
de date prcise entre 846 et 850, et Waitz, qui propose dubitativement l'anne 817.
L'argumentation invoque contra cette dernire date ( en 817 Hincmar tait loin
A'ire persona grata la cour impriale 9) ne porte plus depu's le mmoire de
M. [.esne dont on a parl plus haut
(p.
181, note 3). En ralit, ile-st impossible de
savoir si ces lettres doivent tre rapportes au premier ou au second congrs de
Meerssen, peut-tre mme la paix de Pronne de janvier 849.
2. Annales Bertiniani, p.
38:4 HIotharius,Hludowicus et Karolus apud Mars-
nam palatium conveniunt. Ubi etiam fraterne paucis diebus morati, haec communi
procerura suorum consilio atque consensu decernunt propriorumque nominum
monogrammatibus confirmant;
Chronicon Fontanllenae : Ipso anno (851),
placitum magnum et gnrale factum est a tribus gloriosissimis fratribus Clothario,
Carolo et Ludovico, magnis regibus, in loco quodam juxta flumen Mosam
;
Annales Xantensei : 851 .. conventus namque regum nostrorum tune erat apud
Mosamfiuvium.
Deux des trois manuscrits qui nous ont conserv ai complet les
actes de Meerssen, dont un du ix, l'autre du x ou du xi' sicle, font prcder le texte
de cette note : i Haec quae secuntur capitula acta sunt anno DCCCLI. incarna-
tionis dominicae, quando trs fratres reges, Hlotharius scilicet, Hludowicus et
Karolus, secus municipium Trejectura, pnes locum qui dicitur Mirsna, iterum
convenerunt et consultu episcoporum et ceterorum fidelium eadem capitula sub-
scripserunt manibus propriis et inter se ac inter fidles suos perpetuo se conser-
vaturos promiserunt b {Capitulay^ia, d. Krause, t. II,
p. 72).
Les actes de l'as-
semble ont t presque intgralement transcrits par Prudence, si sec d'habitude,
dans les Annales Bertiniani, ce qui prouve bien l'importance qu'il
y
atta-
chait.
3. Comme on l'a vu la note prcdente, aucun document n'indique explici-
tement quel moment de l'anne 851 fut tenu le second congrs de Meerssen.
L'itinraire de Lothaire ne peut tre d'aucun secours pour en dterminer la date
(Parisot, p. 41, note 5). Louis le Germanique ayant rsid Ratisbonne de la Nol
de 850 au 22 mars 851 pour le moins (Miihlbacher, Iteg.,
2^ d., n" 1397-1393), il
est certain que le congrs ne saurait tre antrieur avril. Pradence {Annales Ber-
tiniani, d. Waitz, p. 38) et le Chronicon Fontanellense en parlent, du reste, aprs
la mort de Nomino, survenue le 7 mars (voy. plus haut p. 223, note
3) ;
au milieu
d'avril, le 19, Charles est toujours en Laonnois, au palais de Servais (diplme
conserv en orig., dit dans les Historiens de France, t. VIII,
p.
507, n" 93,
la
date de 850). D'autre part, en revenant de Meerssen, Charles tint le plaid gnral
Roucy (Aisne, arr. Laon, cant. Neufchtel) et entreprit aussitt aprs sa quatrime
expdition en Bretagne. On le voit en Anjou, Juvardeil (Maine-et-Loire, arr. Se-
gr), le 16 aot (diplme en faveur d'Anchier,dans les historiens de France, t. VIII,
p
518, n 105). Sans doute est-il dj en Anjou ou prs d'y entrer le 3
juillet, car
cette date il ratifie un change entre Doon et Eude, respectivement
vque et
comte d'Angers (Ch. Urseau, Cartulaire noir de la cathdrale d'Angers,
p.
24)
.
Dam ce dernier acte il existe une discordance entre Vactum et le datum : concd
2^28 DEUXIME COLLOQUE DE MEEUSSEN [851]
Les dlibrations durrent peu
*.
On se contenta de poser un cer-
tain nombre de principes gnraux destins rgler les rapports des
trois royaumes, sans vouloir, comme en 847, laborer un jilan d'action
commune contre les rebelles. On carta aussi, prudemment, tout ce
qui avait trait la rpression des abus commis par les laques aux
dpens des glises. Sans doute prfra-t-on laisser chaque souverain
le soin de rgler pour son compte, du mieux qu'il pourrait, cette ques-
tion pineuse, pour ne pas dire insoluble, inscrite au programme du
premier congrs de Meerssen. Les rois dcidrent l'oubli du pass,
des torts rciproques ; ils s'engagrent vivre dsormais en bonne
harmonie, n'avoir plus entre eux que des rapports loyaux et francs,
comme il convenait des u pairs , et ne plus rien machiner les uns
contre les autres (art. 1). Il se promirent aide et conseil mutuels en
cas de danger et s'obligrent reporter sur les fds de celui d'entre eux
qui viendrait mourir le premier la fidlit jure au dfunt (art.
"2
et
3).
11 fut spcialement stipul qu'aucun des trois contractants
ne donnerait ni asile ni protection aux sujets rvolts des deux
autres, mais s'emploierait avec ses frres assurer leur chtiment
(art.
4). Mme engagement enfin fut pris au sujet des coupables qui,
pour chapper aux peines ecclsiastiques, s'enfuiraient du royaume
auquel ils appartiendraient pour se rfugier dans les tats voisins
(art. 5).
C'tait, on le voit, avec quelques prcisions nouvelles, la reconnais-
sance des principes dj proclams par les vques et accepts par les
rois lors des confrences tenues Ytz sept ans auparavant-. Et,
comme pour mieux couronner l'difice, Charles et ses frres jugrent
bon d'adopter, en finissant, l'idal de concorde universelle que le
clerg, depuis la mort de Louis le Pieux, n'avait cess de prcher dans
toute l'tendue de l'ancien regnum Francorum : concorde non seule-
ment entre les rois, mais entre les rois et leurs fidles, que les trois
princes s'engagent de concert garantir contre tout arbitraire
;
concorde des fidles entre eux pour l'uvre commune de restaura-
tion de l'glise et de l'tat ; communion de tous en Dieu ;
entente de
]e .3 juillet en Anjou, le diplme a t dlivr Lzin (12 kil. de Redon, au nord-
est) entre le 18 et le 22 aot. Le plaid de Roucy se trouve ainsi dat de juin, ce
qui est justement, sous le rgne de Charles, l'poque ordinaire \x placitum gn-
rale; et l'entrevue de Meerssen se place, approximativement, en mai.
1. t Paucis diebus morati >, dit Prudence
(p.
227, note
2;
qui a certainement pris
part la confrence.
2. Voy plus haut, p. 123.
[851]
DEUXIME COLLOQUE DE MEERSSEN
2'29
tous contre ceux, quelque rang qu'ils appartiennent, qui viendront
troubler ce rgime de paix (art. G, 7, 8).
Souscrits et promulgus par Lothaire, Louis et Charles, aprs qu'ils
en eurent dlibr avec les grands des deux ordres, laque et ecclsias-
tique, ces articles, selon l'usage, furent lus en prsence de la foule
assemble*
; et, en les communiquant ses sujets, Charles se flicita
d'tre parvenu dissiper toute cause de dissentiment entre ses frres
et lui et de pouvoir enfin se consacrer tout entier la pacification et
la rorganisation de son propre royaume
-.
1. Voir la fin des actes et des adnuntialiones (Krause, p. 74) et la note con-
temporaine en tte du document.
2. AdnunUatio KaroU (Krause, p. 74).
TABLE DES MATIRES
Pages.
AVERTISSEMENT m
INTRODUCTION
La crise de l'empire carolingien sous Louis le Pieux
LIVRE PREMIER
LE PARTAGE DE L'EMPIRE
(juin 840-aot 843)
CHAPITRE PREMIER.
L'ouverture des hostilits et la bataille de
FoxTENOT
(20
juin 840-25 juin 841)
13
Invasion du royaume de Charles par Lothaire et trve d'Orlans
(p. 13). Chevauches en Aquitaine et en Neustrie, passage de la Seine
(p. 21). Rupture avec Lothaire, jonction de Charles et de Louis le
Germanique, bataille de Fontenoy
(p. 26).
CHAPITRE II.
L'alliance avec Louis le Germanique (25 juin 841-
19 mars 842)
37
Suites de la bataille de Fontenoy, nouvelles chevauches eu Aqui-
taine, en Neustrie et en France
(p. 37). Lothaire reprend l'ofi^ensive
et rejette Charles en Neustrie
(p. 43). Alliance de Charles et de Louis,
serments de Strasbourg, fuite de Lothaire
(p.
47).
CHAPITRE III.
Les ngociations pour la paix et le trait de
Verdun
(19 mars 8i2-aot 843)
52
Partage de l'empire entre Charles et Louis Aix-la-Chapelle i
p. 52).
Ngociations avec Lothaire prs de Mcon
(p. 54). Chevauche en
Aquitaine
(p.
56). Confrence de Coblence
(p. 58),
Mariage de
Charles, nouvelle chevauche en Aquitaine
(p.
60). Trait de Verdun
(p. 63).
232
TABLE DES MATIERES
LIVRE DEUXIME
DU TRAIT DE VERDUN AU DEUXIME COLLOQUE
DE MEERSSEN
(aot 843-vers mai 851)
CHAPITRE PREMIER. La prise de possession du royaume
(aot 8i3-dcembie 844) 71
Situation de Charles
(p.
71). Rvolte de Lambei-t et de Xomino,
prise de Nantes
(p.
75). Assemble de Germigny et expdition en Bre-
tagne (p. 84;. Assemble de Coulaines : opposition de l'aristocratie,
6 charte 9 impose au roi
(p. 90). Sige de Toulouse
(p. 97j. Mesures
en faveur des Espagnols de Gothie
(p.
107). Dfaites en Angoumois et
en Herbauge, chec du sige
(p.
112). Colloque de Thionville
(p. 119).
Synode de Ver
(p. 126).
CHAPITRE II.
Les premiers dsastres (845-847) 13U
Entre des Normands dans la. Seine et prise de Paris
(p. 130).
Synodes de Beauvais et de Meaux
(p.
141). Trait avec Ppin
(p. 149).
Dfaite de Ballon
(p.
151). Premier synode de Paris
(p. 157). Hostilit de
Lothaire
(p.
159). Assemble dEpernay : l'aristocratie contre l'piscopat
(p.
162). Trait avec Nomino
(p.
166). Premier colloque de Meerssen
et assemble de Bonneuil
(p.
168). Deuxime synode de Paris, rconci-
liation de Lothaire et d'Hincmar ip. 179). Accalmie
(p. 182).
CHAPITRE III.
Retour de foutuxe (848-851) 186
Campagne en Aquitaine contre les Normands
(p.
186). Sacre de
Charles Orlans, fuite de Ppin
(p.
192). Rconciliation de Charles et
de Lothaire Pronne
(p. 196) Synode de Quierzy : condamnation de
Gottschalk
(p. 199). Nouvelle campagne en Aquitaine, prise de Tou-
louse, soumission de la Gothie et de la Gascogne
(p.
201). Schisme de
l'glise bretonne, nouvelle expdition en Bretagne, mort de Nominoo
(p. 211). Deuxime colloque de Meerssen : la concorde
(p. 226).
IMPRIMERIE DE J. DUMOULIN, A PARIS
] 46.7.09
AS
Bibliotli^ue
de
l'cole
1d2
ratique
des
hautes
^
tudes.
Section
des
fasc.175
sciences
historiques
et
philologiques
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