Documentos Fraceses
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politique et littraire de
la Compagnie de Jsus
: compos sur les
documents indits et [...]
Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France
Crtineau-Joly, Jacques (1803-1875). Histoire religieuse, politique et littraire de la Compagnie de Jsus : compos sur les documents indits et authentiques (3e dition, revue,
augmente et enrichie d'une table alphabtique des matires) par J. Crtineau-Joly. 1851.
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HISTOIRE
RELIGIEUSE, POLITIQUE ET LITTRAIRE
DE LA
COMPAGNIE DE JSUS.
VI.
COMPAGNIE DE JSUS
COMPOSE
PAR J. CRTINEAU-JOLY.
Ouvrage orne de portraits et de fac-simil.
TROISIME DITION,
REVUE, AUCHENTE ET ENRICHIE D'UNE TABLE ALPHABTIQUE DES MATIRES.
PARIS,
M
POUSSIELGUE-RUSAND, DITEUR,
RUE DO PETIT-BOURBON SAINT-SULPICE, 3.
V
LYON,
J.-B. PLAGAUD, LIBRAIRE,
GRANDE
RU MERCIERE, 39.
1851
HISTOIRE
DE LA
COMPAGNIE DE JSUS.
CHAPITRE PREMIER.
Expulsion des Jsuites de Russie Leur situation dans l'Empire. Jalousie des
Popes et des Universits Alexandre charge les Pres des Missions de Sibrie
et d'Odessa. Le duc de Richelieu et l'abb Nicolie. Brzozowski, Gnral
des Jsuiles, et le comte Joseph de Maistre. Leur plan pour manciper l'ducation. Exigences des Universits. Brzozowski s'adresse au comte Rasou-'
moflski. ' Les trangers dans le corps enseignant. Les Jsuiles demandent
que le Collge de Pololsk soit rig en Universit. Alexandre hsite. Le
comte de Maistre prend parti pour les Pres. Portrait de Joseph de Maistre.
Ses lettres au ministre de l'instruction publique. Le (Czar ordonne que le
Collge des Jsuites devienne Universit. Projet des Jsuites de passer en
Espagne pour y rtablir l'Institut, en 1812. La Socit biblique et le prince
Galilzin, ministre des cultes. Caractre d'Alexandre Ier.
11 adopte l'ide des
Socits bibliques.Les Evoques du rite romain encourags par le prince
Galilzin entrent dans la Socit biblique. Les Jsuites refusentd'en faire partie.
Ils la combattent. Accroissement des Catholiques. Causes de cet accroissement. Alexandre Galilzin embrasse le Catholicisme. Colre de son oncle.
Lctlre du Pre Billy. Les Socits bibliques prparent la chute de la Compagnie. Moyens employs pour y parvenir. Les ides del Sainte-Alliance
exploites contre les Jsuites par les Protestants et les schismatiques grecs.
Ukase qui exile les Jsuites de Saint-Ptersbourg. Alexandre base sur des motifs religieux son dcret de proscription- Vlnvalide russe et le Pre Rozaven.
Causes secrtes des mnagements de l'Empereur l'gard des Jsuiles. Saisie
M.
CHAI'. I.
HISTOIRE
cardinal Consalvi les rassure. Plan de l'intrigue miplie pour modifier les
Constitutions. La Congrgation s'assemble
Puurci cherche a se dbarrasser des Pres qui se dfient de lui. La Congrgation frappe de dchance
le Vicaire-Gnral. Louis Forlis est nomm chef de l'Ordre de Jsus. Con
damnation de ceux qui ont voulu porter la discorde dans l'Institut. Commis
saires nomms pour la rvision du Ratio studiorum.
!>E LA COMPAGNIE DE
JSIS.
'
CHAI'. I.
HISTOIRE
nait au milieu des glaces. Trois Pres de la. Compagnie dsigns
,
par le Monarque, se rendirent ses voeux; dans la mme anne
d'autres partaient pour Odessa. Cette naissante colonie devait
deux Franais la part la plus merveilleuse de ses prosprits. Le
duc de Richelieu et l'abb Nicolle voyaient, chacun dans sa
sphre triompher le plan de gouvernement et d'ducation qu'ils
,
avaient propos. Ils demandrent des Jsuites pour donner leur
oeuvre l'extension dont elle tait susceptible'; il fallait agrandir le
cercle des progrs socianx. Les Missionnaires de l'Institut avaient
le don des langues. Par la persuasion ou par la charit ils prenaient un ascendant irrsistible sur les barbares ; il les runissaient en famille afin de leur apprendre peu peu bnir le
joug de la civilisation. L'Empereur voulut s'associer aux projets
de Richelieu et de Nicolle ; d'autres enfants de saint Ignace furent envoys par lui Odessa. Cette ville devint le centre d'une
nouvelle Mission qui rpandit en Crime le bienfait du Christianisme.
Le Pre Thadde Brzozowski tudiait le travail de l'Ordre dont
il tait le chef ; il connaissait la pense dominante de l'Empereur, pense ne tendant rien moins qu' propager l'instruction dans les terres les plus recules. Afin de seconder un aussi
louable projet, Brzozowski ne craignait pas de s'engager dans
un conflit avec les ambitions universitaires. Dou d'une rare
intelligence, esprit tenace et patient, il se sentait appuy par un
homme qui jouissait la cour de Russie d'une autorit plutt
due son gnie qu' son titre diplomatique. Le comte Joseph
de Maistre, ambassadeur de Sardaigne auprs du Czar, s'tait,
avec la franchise de ses convictions et la roideur un peu absolue
de son caractre, prononc en faveur des Jsuites. 11 les soutenait comme une des clefs de la vote sociale; et, dans ce laborieux enfantement d'un jplan d'ducation populaire, il excitait
Brzozowski crer son Institut une position indpendante.
Les Maisons des Jsuites taient subordonnes aux Universits
de leur ressort. Il importait d'affranchir les collges de ces tiraillements intrieurs que l'esprit de monopole ne cesse de susciter, et qui compromettent l'avenir. Des discussions s'taient
plus d'une fois leves entre l'Acadmie de Vilna et les Pres de
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
Pololsk. L'Universit dsirait, force de surveillance chicanire et de prescriptions minutieuses, altrer dans son essence
l'ducation donne par les Jsuites. Elle les entravait dans leur
marche et leurs progrs elle voulait que les jeunes gens sortis
,
du Collge de la Compagnie vinssent recevoir dans son sein le
complment de l'instruction.
L'Universit de Vilna, renforce d'un grand nombre de docteurs trangers et de rgents cosmopolites, affichait alors des
principes anti-catholiques. Elle avait le droit incontest de pro*
fesser la Religion de l'Etat, d'exiger mme que cette Religion
ft respecte dans toutes les chaires ; mais ce droit ne s'tendait
pas jusqu' discuter la foi des autres sujets russes et chercher
la tuer sous l'arbitraire. Les Jsuites, l comme partout, invoquaient la libert. Soumis l'inspection de Visiteurs universitaires les Pres ne s'opposaient point aux rigoureux examens
,
dont leurs lves taient l'objet. Cet tat d'infriorit lgale ne
nuisait en aucune faon la Socit de Jsus ; mais il entretenait dans les esprits une irritation qui, la longue, pouvait empcher les Novices de la Compagnie et les professeurs de Vilna
de se livrer des tudes srieuses. Cette question de prminence avait souvent t traite aux deux points de vue. Le dbat
l'avait agrandie; peu peu elle tait devenue une question
d'Etat. Le Pre Brzozowski s'efforait de mettre un terme
cette instabilit, et, le 24 aot 1810, il crivait au comte Rasoumoffski, ministre de l'instruction publique : Deux corps
en rivalit s'empchent mutuellement de nuire. 11 est sans doute
trs-important que la jeunesse de l'Etat soit leve dans des
principes de patriotisme, dans des sentiments de soumission de
,
respect et de dvouement pour la personne du Souverain; mais
quelle certitude a -t-on que ces sentiments soient soigneusement
inculqus dans les Universits, dont beaucoup de professeurs
ne tiennent l'Empire que par les appointements qu'ils reoivent, qui ont des intrts diffrents et indpendants de ceux de
l'Etat, et qui, par l mme, paraissent plus propres teindre
qu' enflammer le patriotisme dans le coeur de la jeunesse?
Le mode d'enseignement des Jsuites et ses rsultats se trouvaient attaqus par tous ces hommes appels de l'Orient et de
I. HISTOIRE
l'Occident pour fconder la Russie. Les enfants de Loyola dfendaient leur Ratio studiorum. L'Universit, jalouse de ses
privilges et se confiant dans son monopole pour immobiliser le
progrs littraire ou scientifique, demandait assujettir les Pres
ses lois et ses rglements. Les Jsuites, au contraire, prtendaient que du libre concours des diverses mthodes il devait
surgir une gnration plus forte. Dans le but de stimuler l'mulation sans faire craser l'un par l'autre, ils proposaient l'Em,
pereur d'riger leur Collge de Polotsk en Universit, sous la
surveillance immdiate et spciale du gouvernement. Le 11 septembre 1811 le Gnral de l'Ordre adressait au comte Rasou,
moffski une note dans laquelle on lit : Nous ne demandons
absolument rien que d'tre maintenus dans la possession des
biens dont nous jouissons actuellement. Ce qui rend les Universits si coteuses l'Etat, ce sont les honoraires des professeurs que l'on est souvent oblig de faire venir grands frais
des pays trangers. .Quant nous, notre Ordre fournit tous les
professeurs dont nous avons besoin, et chacun de ces professeurs donne tous ses soins et tout son travail sans aucun salaire,
sans aucune vue de rcompense temporelle, et uniquement pour
satisfaire au devoir de sa vocation.
Cette correspondance du Pre Brzozowski avec le ministre
du Czar, ces notes qu'Alexandre consultait, et qui s'accordaient
si bien avec son esprit de justice et les prires de ses sujets catholiques ont quelque chose de rellement habile ; elles forment
,
une vritable thorie de l'ducation. Ce que les Jsuites et les habitants de la Russie-Blanche sollicitaient tait de toute quit.
Alexandre le comprenait ainsi ; mais, autour de lui et dans les
rgions infrieures du pouvoir, il existait des prjugs, des ambitions des rivalits de secte ou de culte s'opposant cet acte
,
d'mancipation. Les uns montraient la Religion grecque en pril, les autres proclamaient que bientt les Jsuites auraient envahi les diverses branches de l'administration publique ; tous s'accordaient dire que la Compagnie abuserait de la libert pour
touffer les autres corps enseignants. Il paraissait peu prs impossible aux enfants de Loyola d'obtenir ce qu'ils demandaient,
lorsque le comte Joseph de Maistre se jeta dans la mle avec
O
'
CHAI'.
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
CHAP. I.
HISTOIRE
cette prodigalit d'images et d'aperus nouveaux qui saisissent ;
puis, lorsqu'il s'est empar de son sujet, il arrive, dans sa
quatrime lettre, son but principal. Les trois premires notes
appartiennent la pense philosophique ; les deux dernires,
dans leur ensemble et dans leurs dtails, sont consacres la
Socit de Jsus. Joseph de Maistre l'tudi dans ses rapports
avec les peuples "ainsi qu'avec les rois. Plaant sous ses yeux le
tableau des folies et des crimes qu'a produits l'esprit rvolutionnaire, il.s'crie avec un accent prophtique que les vnements de 1812 n'ont pas plus dmenti que ceux de 1845 :
Cette secte, qui est la fois une et plusieurs, environne la
Russie, ou, pour mieux dire, la pntre de toutes parts et l'attaque jusque dans ses racines les plus profondes. Il ne lui faut
pour le moment que l'oreille des enfants de tout ge et la patience des souverains. Elle rserve le bruit pour la fin. Aprs
avoir trac ces lignes, toujours plus vraies mesure que s'tend
le cercle des rvolutions et que se propage d'une si nfaste manire l'incurie des princes, Joseph de Maistre ajoute : Dans
un danger aussi pressant, rien n'est plus utile aux intrts dor
Sa Majest Impriale qu'une Socit d'hommes essentiellement
ennemis de celle dont la Russie a tout craindre, surtout dans
l'ducation de la jeunesse. Je ne crois pas mme qu'il ft possible de lui substituer avec avantage aucun autre prservatif.
Cette Socit est le chien de garde qu'il faut bien vous garder de
congdier. Si vous ne voulez pas lui permettre de mordre les
voleurs, c'est votre affaire ; mais laissez-le rder au moins autour
de la maison et vous rveiller lorsqu'il sera ncessaire, avant
que vos portes soient crochetes ou qu'on entre chez vous par la
fentre.
L'crivain diplomate a rponse chaque objection. Il tablissait tout--1'heure comment les Jsuites entendent la souverainet; par des images empruntes aux moeurs militaires, il va
dmontrer qu'ils n'ont jamais" cherch crer pour eux une
autorit en dehors de l'autorit. Les Jsuites, dit-on, veulent
faire un Etat dans l'Etat; quelle absurdit! autant vaudrait dire
qu'un rgiment veut faire un Etat dans l'Etat, parce qu'il ne veut
dpendre que de son colonel, et qu'il se tiendrait pour.humili,
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
GHAP.
I. HISTOIRE
laire ; un long regret les avait suivis sur la terre d'exil. Ils pouvaient rendre la famille des Bourbons bienfait pour outrage
,
et, victimes d'une erreur de Charles III, travailler efficacement
la restauration de sa postrit. Le 28 aot 1812, Brzozowski
se dcide avec cinq Pres de l'Institut passer en Espagne, afin
d'y prparer le retour de sa Compagnie. L'Espagne tait le champclos ouvert tous les ennemis de l'ide rvolutionnaire. Les Jsuites se proposaient d'aller y combattre avec les armes qui leur
sont propres. Dans le mme temps, Louis-Philippe, duc d'Orlans faisait demander ce pays insurg contre la France l'hon,
neur de continuer sous le drapeau espagnol son apprentissage de
la guerre et le moyen de rhabiliter un nom si fatalement compromis dans les excs de 1793. Au mois de novembre 1812, le
ministre des cultes, prince Alexandre Galitzin, rpond en ces
termes au Gnral des Jsuites :
Trs-rvrend Pre,
J'ai mis sous les yeux de Sa Majest impriale la lettre du
30 octobre que vous m'avez adresse, ainsi que la note que vous
avez l'intention de prsenter la Junte suprme concernant le
rtablissement de votre Ordre en Espagne. Sa Majest m'a ordonn de vous faire connatre qu'elle ne mettait point obstacle
l'excution de votre projet, sans vouloir autrement y prendre,
part; cet objet, par sa nature ne pouvant que lui tre entire,
ment tranger, attendu que l'tablissement en question ne doit
avoir lieu que hors de son empire, a
Tandis que les Jsuites cherchent regagner le terrain que la
Philosophie du dix-Jiuitime sicle leur fit perdre, il s'organisait
au sein de la Russie une agrgation d'intrts qui devait prparer
leur chute. Cette agrgation tait la Socit Biblique. L'invasion
des armes franaises sur le territoire moscovite avait rapproch
l'Angleterre du cabinet de Saint-Ptersbourg. L'Angleterre tait
l'allie naturelle des Etats dont Napolon se dclarait l'ennemi.
Elle offrit Alexandre de l'aider dans sa lutte contre l'homme
qui rvait l'anantissement de la Grande-Bretagne. Pour, arrhes
de ce trait, qui allait changer la face de l'Europe, elle obtint,
ds 1811, que la Socit biblique de Londres, cet immense bazar
DE LA COMPAGNIE DE Jf.SUS.
1 I
12
CHAP. I.
HISTOIRE
dont distance il devient impossible de se rendre compte. L'Anglicanisme prenait pied sur les rivages de la Mer Noire comme
sur les bords de l'Ocan Glacial; il s'tendait jusqu'aux frontires de la Chine. Servant d'aveugles instruments sa propagation, les prlats catholiques, excits par Galitzin, encourageaient leur troupeau favoriser cette oeuvre, dont ils ignoraient
les tendances. Les Jsuites ne se prtrent pas ce mouvement
vers l'hrsie. Plus exercs que les Evques russes aux luttes
de la pense, plus porte de comprendre le mal rsultant de
cette innovation, ils la combattirent avec une fermet que les
prires, que les menaces de Galitzin, jusqu' ce jour leur protecteur et leur ami, ne purent jamais vaincre. Le Pape Pie VU
exprima par un bref l'archevque de Mohilow sa surprise et
sa douleur; il le blma d'avoir coopr au triomphe de l'Anglicanisme. Ce blme, si justement dvers sur le prlat, tait
un hommage indirect rendu aux disciples de saint Ignace, qui,
mieux pntrs du vritable esprit de l'Eglise, avaient refus de
faire eause commune avec l'erreur. Les partisans des associations bibliques se trouvrent offenss; ils s'imaginrent qu'ils
auraient dans les Jsuites d'infatigables adversaires, que leur
succs serait entrav chaque instant, et, sous l'inspiration du
ministre des cultes, ils se ligurent contre la Compagnie. Elle
venait de rsister un dsir de Galitzin, Galilzin appelle les colres de l'Universit au secours de ses esprances. On attendit
le moment propice pour faire clater la conjuration.
La propagande anglicane s'organisait sous le couvert des ministres russes comme sous celui des prlats du rite romain et
du rite grec. Les Jsuites songrent la contre-miner. Ils composrent un catchisme dans l'idiome du pays pour les enfants
ns de parents catholiques ; mais Galitzin n'en autorisa pas l'impression. Les choses taient dans cet tat, lorsque de nouveaux
vnements ravivrent des blessures encore saignantes au coeur
du ministre. La faveur dont jouissait le Collge des Jsuites de
Saint-Ptersbourg allait toujours croissant; Polotsk, ils comptaient sur leurs bancs un grand nombre de jeunes gens des premires familles de l'Empire. Placs entre un dsir bien naturel
le proslytisme et le devoir tacite de respecter la conscience de
DE LA COMPAGNIE DE JSUS
13
leurs lves, devoir qu'ils s'taient impos eux-mmes, les Jsuites n'avaient jamais donn le moindre sujet de plainte sur un
point aussi scabreux. Catholiques jusqu'au fond des entrailles, ils
formaient l'honntet ainsi qu'aux belles-lettres des enfants
appartenant toute espce de culte, mme au rite grec; et, dans
l'espace de plus de quarante annes, leur circonspection n'avait
jamais t mise en dfaut. Jamais on n'avait pu les accuser de
trahir la confiance des parents au profit de la Foi romaine. Cependant le nombre des Catholiques augmentait chaque anne.
Ces retours vers l'Unit taient dus l'action des familles
franaises migres, la lecture des ouvrages religieux, et surtout au zle plein de prudence des Jsuites. Le Czar avait ferm
les yeux sur un tat de choses n'ayant rien d'alarmant pour la
scurit du pays. Les nouveaux Catholiques se distinguaient dans
le monde et la cour par de nouvelles vertus. Alexandre ne voulut pas les faire repentir d'avoir cd au cri de leur conscience.
Prince qui comprenait admirablement la libert de la pense, il
n'osa pas la parquer dans les limites de l'arbitraire lgal. Il cherchait la vrit, il ne trouva pas mauvais que les Russes suivissent son exemple. Les conversions taient assez rares nanmoins,
parce que les Pres ne les accueillaient, ne les sanctionnaient
qu'aprs de longues preuves. Ces conversions restaient inaperues, lorsque, vers le milieu du mois de dcembre 1814, le
jeune prince Galitzin, neveu du ministre des cultes, embrassa
publiquement le Catholicisme. Voici en quels termes le Pre
Billy, dans sa correspondance indite avec ses confrres de
France, rend compte de cette conversion : Notre Pre de Clorivire, crit-il de Saint-Ptersbourg, le 1er mars 1815, est
la tte d'un nombreux noviciat Paris, rue des Postes. Il y aura en France une Compagnie de Jsus de fait ayant qu'elle y
existe de droit. Quant notre existence ici, Ptersbourg, elle
est trs-utile sans doute, mais trs-prcaire-et bien tracasse,
surtout depuis l'absence de l'Empereur. La jalousie des Popes
et des Evques russes en est la principale cause. Le ministre des
cultes, prince Alexandre Galitzin jeune homme encore, qui se
,
laisse mener par ses Popes, ne nous laisse pas en repos dans
toutes les occasions qu'il trouve ou qu'il imagine propres sa-
14
CHAP. I.
HISTOIRE
tisfaire leur aniinosit et la sienne. Depuis un ou deux mois, il
s'en est prsent une qui a fait le plus grand clat et qui aura
des suites. Un jeune prince, Alexandre Galitzin, neveu du ministre des cultes lve depuis deux ans de notre Institut, g
d'environ quinze annes, excellent sujet sous tous les rapports,
pit, diligence, succs dans les tudes, politesse, docilit, attach singulirementjusqu'alors la Religion grco-russe, voulant
y attirer ceux de ses amis, mme les Jsuites, par zle pour leur
salut, prenant pour cela, deux ou trois fois la semaine, des leons d'un docteur en thologie russe, s'est tout--coup trouv chang au point de se dclarer catholique aux dernires ftes de Nol. Quel tonnement pour tout le monde, et surtout
pour ceux qui l'avaient vu et entendu parler en faveur de la Religion russe ! Appel par son oncle, le ministre des cultes, qui
lui reprsente les dangers qu'il court, vu la loi qui dfend en
Russie d'attirer un Russe la Religion catholique, il rend compte
de sa foi avec nettet et fermet, et dit qu'il est prt la signer
de son sang.
On le tire de notre Institut, et on le met au corps des pa
ges avec son petit frre. En mme temps, dfense lui et tout
Jsuite d'avoir ensemble aucune communication. Redoublement
de surprise. On lui dcouvre une haire et une discipline. Qu'est
ceci, bon Dieu ? 11 avait attrap ces instruments de mortification
dans la chambre d'un Jsuite qui avait quitt Ptersbourg pour
aller Polotsk. On le fait paratre devant des Evoques et des popes qui f interrogent et argumentent contre lui. Il rpond toutde manire tonner tout le monde, et les met eux-mmes ad
metam non loqui. On attribue aux Jsuites sa facilit de controverse quoique les Jsuites n'y soient pour rien. On attend
,
le retour de l'Empereur pour savoir la dcision de cette affaire.
En attendant, les Jsuites ne reoivent plus de Russes leur Institut, mais seulement des Catholiques, afin de se soustraire aux
tracasseries des popes. Mais il y a encore d'autres sujets de rancune. Plusieurs personnes marquantes sont souponnes d'tre
Catholiques : des espions sont chargs de les observer. C'est
une vraie perscution. Les Missionnaires Jsuites de la Sibrie ont
dfense de rendre catholiques les Tartares idoltres; ils doivent
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
15
se contenter de donner leurs soins aux Catholiques. On leur dfend mme de confesser et d'administrer les Grecs-Unis, qui
n'ont point de prtres de leur communion. Chose inoue! voil
o en est la tolrance tant prne de ce pays sous le ministre des
cultes Galitzin. La ville de Ptersbourg offre en ce moment un
spectacle curieux : deux princes, Alexandre Galitzin, l'un oncle
et l'autre neveu, le premier, perscuteur outr de la Religion
catholique et des Jsuites; le second, Catholique zl et imperturbable dfenseur de ses matres et ne demandant qu' mourir
,
pour sa Religion, vivant de manire mriter cette grce, si
cette grce de prdestin pouvait se mriter. Aprs avoir essay
vainement l'argument de l'cole pour le ramener au schisme,
on essaie l'argument des plaisirs : on le mne la comdie. Jusqu'ici cet argumenta chou comme les autres.
Dans l'intimit de leur correspondances, les Jsuites dclinent
toute participation la conversion du fervent Nophyte. Ils ne
s'en glorifient pas, ils ne s'en accusent point. Le jeune Galitzin
a pris de lui-mme ce parti. Le Pre Billy raconte avec navet
les diverses phases de ce retour la Foi romaine, et il s'arrte
l. Le prince Alexandre dclare qu'aucun disciple de l'Institut
ne l'a engag changer de culte, il soutient mme qu'il n'a pas
pu en trouver un pour recevoir son abjuration. La lettre du Pre
Billy corrobore pleinement ces faits. La vrit ne servait pas assez
activement l'amour-propre froiss du ministre et la colre des
popes : ils organisent une conspiration dans laquelle ils font entrer tous les intrts de secte, toutes les vanits universitaires,
tous les prjugs de nation. Il importait de disposer les esprits
une leve de boucliers contre les Jsuites : on s'applique dnaturer leurs actes les plus indiffrents ; on altre le sens de leurs
paroles, on les pie dans la chaire, on les suit jusqu'au pied des
confessionnaux et de l'autel. Le Pre Balandret jouit SaintPtersbourg d'une confiance mrite; il est Franais : ce fut sur
lui qu'on dirigea les plus minutieuses perquisitions. On interroge
les lves des Collges de l'Institut, on presse ceux qui en taient
sortis depuis deux ou trois annes de rvler les obsessions auxquelles ils ont d tre soumis pour embrasser le Catholicisme.
Ces jeunes gens rpondent que les Jsuites ne les ent-etinrent
lb'
CHAP.
HISTOIRE
jamais de la diffrence des religions, et qu'ils les laissrent pratiquer la leur en toute libert.
Galitzin et la Socit biblique minaient le terrain sous les
pieds des Pres, le mtropolite Ambroise et les Universits les
secondent avec une rare adresse. Il faut prvenir l'Empereur et
l'Impratrice qui, leur retour aprs la campagne de 1815 et le
trait de Paris, doivent porter le dernier coup la Compagnie.
Tout est arrang dans ce sens. Les conversions ne se multipliaient pas plus que par le pass ; mais les autorits les environnent d'un clat inquitant. Jusqu'alors on a tenu secrets ces imperceptibles retours l'Unit, on en fait tant de bruit que, dans
chaque famille, on put croire l'action dterminante d'un Jsuite'. Les grands intrts qui se dbattaient dans le monde,
Napolon vaincu, l'Europe triomphant Waterloo de la France
puise, les Bourbons rtablis sur le trne, la Sainte-Alliance
promulgue, tous ces vnements disparaissaient Saint-Ptersbourg devant l'attitude silencieuse de quelques Pres de l'Ordre de Jsus. Le Czar jetait son glaive dans la balance des affaires
europennes, et ce glaive la faisait pencher au gr des diplomates moscovites. Alexandre avait impos la loi au Congrs de
Vienne; il avait inspir Louis XVIII une Charte constitutionnelle; les rois lgitimes le saluaient comme le librateur des
monarchies. Toutes ces gloires venues la fois, et qui devaient
enivrer a"orgueil ses sujets, s'effaaient au contact de quelques
obscures prdications dans.une glise catholique. La Russie se
plaait la tte des nations, et ses ministres ainsi que ses voques affectaient de plir d'effroi parce qu'un petit nombre de
dames de la cour renonaient aux plaisirs trop bruyants pour
couter dans la solitude la voix de Dieu parlant leurs mes.
Cette situation, que les Jsuites n'avaient point provoque, les
exposait un double pril. On les accusait de faire des proslytes
qu'ils n'avaient jamais connus ; il s'en prsenta leur tribunal
quelques-uns dont il devenait impossible un prtre de repousser le voeu. La perscution appelait la Foi, elle engendrait des
Nophytes. Sur ces entrefaites, l'empereur Alexandre arrive dans
sa capitale. Les grandes crises auxquelles il prsida, l'abaissement des uns, l'lvation des autres, les inconcevables changeT.
17
vi,
18
I. HISTOIRE
chez elle, leur accorda un asile, et assura leur tranquillit sous
sa puissante protection. Elle ne mit aucun obstacle au libre
exercice de leur culte ; elle ne les en dtourna ni par la force,
ni par des perscutions, ni par des sductions ; mais en retour
elle crut pouvoir attendre de leur part de la fidlit, du dvouement et de l'utilit. Dans cet espoir, on leur permit de se vouer
l'ducation et l'instruction de la jeunesse. Les pres et les
mres leur confirent sans crainte leurs enfants pour leur enseigner les sciences et former leurs moeurs.
Maintenant il vient d'tre constat qu'ils n'ont point rempli
DE LA COMPAGNIE DE JSUS,
49
:l'ann,1800;
-'-'
Sign :
ALEXANDRE.
20
CIIAP.
i.
HISTJOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
21
GHAP.
HISTOIRE
'
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
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I. HISTOIRE
Voil, Sire, des faits qui prouvent combien je dsirais d'loigner
CHAI'.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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GHAP.
I.
HISTOIRE
in
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
27
pie et leur font changer de croyance. Les mmes principes dirigent leur conduite dans le gouvernement de Saratof. Les
bulles des Papes et les lois de l'Empire dfendent d'engager les
Grecs-Unis de passer au culte catholique romain; cependant le
Pre Gnral des Jsuites opposait leurs rglements une autre
bulle qui permet aux Grecs-Unis, dfaut de prtres de leur rite,
de se prsenter la communion par-devant les prtres catholiques romains. Mais les Jsuites dpassent mme les dispositions
de cette bulle. Ils rpandent leur sduction dans les endroits qui
ne manquent pas de prtres du rite grec-uni. En 1815, j'ai rappel au Pre Gnral des Jsuites le contenu suivant du dcret
imprial du 4 juillet 1803 : Cette tolrance, qui porte le gou vernement s'abstenir de toute influence sur la eonscience
des hommes dans les affaires de Religion, devrait servir de
rgle aux autorits catholiques dans leurs relations avec les
Grecs-Unis, et leur interdire toute espce de tentatives pour
dtourner ces sectaires de leur culte, Si la Religion dominante
ne se permet cet gard aucun moyen coercitil', combien plus
une Religion tolre doit s'en abstenir !
Dans les colonies aussi, les Jsuites, en sduisant les individus de la profession vanglique, rpandent dans les familles
les germes de trouble et de division. En 1801, les Jsuites employaient jusqu' la violence pour convertir des Juifs : conduite
incompatible, selon les termes du dcret imprial du 12 aot
1801,. tant avec les principes gnraux de la religion chrtienne,
qui ne souffre aucune coaction, qu'avec les lois positives de l'Empire, qui punissent svrement toute espce de sduction. On a
t oblig de rclamer l'assistance, des autorits locales pour arracher les enfants juifs de la maison des Jsuites.
principes
Mais,- si quelques faits ont t rprims alors, les
existent toujours, et ls Jsuites continuent s'y conformer dans
leur conduite, malgr tous les ordres contraires du gouvernement.
L'usage mme qu'ils font de leurs biens ne se trouve pas en harmonie avec les prceptes de la charit chrtienne. L'tat des
paysans qui habitent les terres possdes par les Jsuites dans la
Russie-Blanche prouve combien peu cette Socit s'occupe de
leur bien-tre.
28
CHAP.
I.
HISTOIRE
Dans ce passage du rapport officiel, le Ministre, on le voit, cherche a intresser la sensibilit de l'Empereur et lui prsenter les Pres de la Compagnie de
Jsus comme des matres durs et cruels qui ne prennent aucun soin de leurs
paysans. Les terres appartenant aux Jsuiles avaient t le thtre des guerres de
1812. Elles s'taient vues dvastes -aussi bien par les armes ennemies que par
les Iroupcs amies. 11 devait donc ncessairement s'y rencontrer plus de misre
qu'ailleurs. On laissait les plus indigents ou les plus vagabonds errer jusqu'aux
portes de Plrsbourg; mais ce n'tait pas les Jsuites qui leur dlivraient des
passe-ports et qui les autorisaient a mendier. Les Jsuiles ne pouvaient pas se
substituer au gouvernement' cl si colle pnurie a t conslale par l'Empereur luimme, c'est bien plutt aux officiers de police de la province qu'il faut s'en prendre
qu' la Compagnie, dont le seul devoir tait de secourir les paysans vivant dans ses
1
dou'aiues.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
29
.intolrance cruelle, minent les fondements des Etats, l'attachement la Rel:gion de la patrie, et dtruisent le bonheur des
familles en y portant l'esprit de discorde. Toutes les actions des
Jsuites ont pour mobile l'intrt seul, comme toutes elles ne se
sont diriges que vers l'accroissement illimit de leur pouvoir.
Habiles excuser chacun de leurs procds illgaux par quelque
rglement de leur Compagnie, ils se sont fait une conscience
aussi vaste que docile.
tmoignage du Pape Clment XIV, les Jsuites,
D'aprs le
ds leur tablissement, s'taient livrs de basses intrigues,
avaient des disputes continuelles en Europe, en Asie, en Amrique, non-seulement entre eux, mais encore avec les autres Ordres monastiques, comme avec le Clerg sculier et les tablissements de l'instruction publique ; ils agissaient mme contre les
gouvernements. On se plaignait de leur doctrine, contraire aux
bonnes moeurs et au vritable esprit du Christianisme ; on les
accusait surtout d'tre trop avides des biens de ce monde. Toutes
les mesures prises par les Papes pour mettre fin ce scandale
ont t inefficaces. Le mcontentement croissait, les plaintes se
succdaient, les esprits se rvoltaient, et les liens mmes du
Christianisme se relchaient. Quelques-uns des monarques catholiques, ne voyant point d'autres moyens de dtourner l'orage qui
menaait de destruction leur Eglise, se virent obligs d'expulser
les Jsuites de leurs Etats. C'est dans ce sens que s'exprimait
alors le Pape, dont la pntration dcouvrit la cause de tant de
maux dans les principes fondamentaux de,la Compagnie des Jsuiles, et qui s'est dcid, en consquence, dissoudre cette
Compagnie pour rendre l'ordre et la paix l'Eglise.
Lors de l'loignement des Jsuites de Saint-Ptersbourg-, il
30
CtAP.
HISTOIRE
les fonctions de leur sacerdoce dans les colonies, et que, do l'autre ct, les Jsuites se montrent plus coupables que jamais, j'ose
proposer Votre Majest Impriale d'ordonner ce qui suit :
Les Jsuites, s'tant mis par leur conduite hors de la protec
tion des lois de l'Empire, comme ayant oubli non-seulement les
devoirs sacrs d la reconnaissance, mais encore ceux que le serment de sujet leur imposait, seront renvoys hors des frontires
de l'Empire, sous la surveillance de la police, et ne pourront jamais y rentrer sous quelque forme et dnomination que ce soit.
Dix autres articles, rglant,, expliquant ou corroborant le dcret d'expulsion, s'attachent clans leurs dtails rendre plus dur
cet exil, qui ne se base sur aucun fait certain. Puis le ministre
des cultes conclut ainsi :
Impriale daigne agrer ces pro En cas que Votre Majest
positions, j'oserais la supplier de charger les ministres de l'intrieur, des finances et moi, chacun pour ce qui"le regarde, de
l'excution immdiate des articles ci-dessus.
C'est ainsi qu'un terme sera mis en Russie l'existence des
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
31
'32
CHAP.
I.
HISTOIRE
33
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
Catholiques. Dans toutes les villes o s'lve une maison de l'Ordre, des commissions furent nommes par le gouvernement;
elles se composrent d'un Magistrat, d'un Ecclsiastique sculier
et d'un Religieux. Ces commissions avaient ordre d'interroger
inviduellement chaque Jsuite, de lui promettre des avantages
sans bornes et la faveur du pouvoir, s'il voulait renoncer l'Institut. Trois ou quatre vieux- Pres, sur prs de sept cents, se
laissrent sduire.
Pour se former une ide, mme imparfaite, de l'existence laquelle les Jsuites s'taient vous, il ne faut pas seulement les
tudier au milieu des cits ou parmi les enfants qui bnissaient
leur nom et acquittaient, par une reconnaissance dont les preuves
subsistent encore, les bienfaits de l'instruction chrtienne ou de
Tducation premire. Ce ne fut point l qu'ils apparurent plus
grands par le sacrifice de toutes les joies humaines que parle travail ; mais il importe de jeter un regard sur les Missions que le
gouvernement leur donna dfricher. Ds le 5 avril 1805, le Pre
Fidle Grivel crivait des bords du Volga un de ses amis de
France : Il n'y a que vingt mois que la Compagnie est charge
de ces Missions, et dj il y a un changement notable. Il y a cent
mille Catholiques rpandus dans le gouvernement de Saratof ; ils
sont diviss en dix Missions, dont six sur la rive gauche et quatre
sur la rive droite du Volga. Chaque Mission est compose de
deux, trois, quatre ou cinq colonies ou villages. Ma Mission est
Krasnopolis, sur la rive gauche. J'ai neuf cent soixante-deux
communiants en quatre colonies ; chacune a une assez jolie glise
de bois.
Ce n'est pas ici un Japon, ni un pays de Hurons, ce n'est
vi.
84
CHAP. I;
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
35
dveloppement
salles
d'asile
de
l'enfance
de
extraordiun
pcces
naire. L bienfaisance des femmes aidait la charit du Jsuite :
il triomphe eh peu de temps des prventions et ds instincts
mauvais.
Coince avait rendu chaste et pieuse la gnration naissante-, il
vdilldt la faire libre. Des lois iniques pesaient depuis trois sicles
sur ls"Catholiques ; ddht les Protestants de Sude taient parvenus nier les droits de citoyens. Polir ces mancipaters de la
pense humaine, les Catholiques ne sont plus que des Juifs du
quatorzime sicle, auxquels on refuse les privilges de la patrie et
mme l'honneur de mourir sous le drapeau national. Le Jsuite
entreprend de dtruire cet abus de la force; Le marquis de Pallucci se trouvait gouverneur de Riga au nom du Czar. Le Pre
Coirtbe lui communique ses plans de rhabilitation; Pallucci les
adopt, il s'engage les favoriser. Il assemble les notables de
LivOhi, il leur soumet les propositions que ie Jsuite a in->
spires ; un cri de rpulsion s'chappe de toutes les bouches. Le
Jsuite est accus de semer la perturbation dans ce pays et de
tendre au renversement des lois ecclsiastiques et civiles. La menace ne l'effrayait pas plus que les insultes : on songe lui susciter d'autres obstacles. Un procs lui est intent; mais, aprs six
mois d dbats judiciaires, l'Empereur publie un dcret qui garantit aux Catholiques la libert de croire et de prier en com-
mun;
Jusqu'alors ils n'avaient pas mme eu l triste privilge de
faire ouvrir leurs pauvres ou leurs malades les portes des
hospices publics. Coince avait triomph du Protestantisme, il
conoit l'ide d'offrir un asile aux souffrances dont il est le seul
consolateur. Tous les moyens lui manquent; nanmoins cet
homhie sait esprer contre toute esprance, et ; sans autre levier que son zle mener bonne fin les entreprises les plus ar,
dues. Un hpital tait par lui jug indispensable : il intresse le
marquis de Pallucci ses projets. Le Jsuite parle ^ il fait parler; il meut les cceurs* il rveille'dans les mes le sentiment
de l piti, et le 16 juillet 184 la premire pierre de l'difice
tait pose. Le 15 aot 1815 ; cette demeure, de l'indigence re-*
cueillait toutes ls misres. -
36
CIIAP. I.
HISTOIRE
Mais l'orage dirig par les Socits bibliques commenait
gronder sur la Compagnie de Jsus. Le Pre Coince tait l'un
des adversaires de leur systme : le premier il reoit ordre d'abandonner cette nouvelle patrie que ses sueurs ont arrose et o,
de
de
miracles
fcond
il
de
volont,
puissance
tant
la
a
sa
par
civilisation. Il faut renoncer ces oeuvres si laborieusement enfantes ou abjurer l'Institut de saint Ignace. Les Jsuites compagnons du Pre Coince et Coince lui-mme n'hsitent pas un
seul instant. Ils taient entrs proscrits dans l'empire de Russie,
ils en sortirent proscrits. Les Catholiques se pressaient autour
d'eux avec des prires et des larmes. Coince et Krukowski pleurent avec leurs fidles, mais le sacrifice tait consomm ; les
Jsuites-partirent. Le peuple leur tmoignait ^sa tristesse par de
touchantes effusions. Le gouverneur de Riga ne craint point de
s'associer ees regrets; le 13 juillet 1820 il adresse au disciple
de l'Institut la lettre suivante, touchant rsum des bonnes
oeuvres accomplies.
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
37
88
I. - HISTOIRE.
la voix de leur chef, aucune" ne recule, et, dans l'abandon de
leur correspondance intime, voici de quelle manire ils acceptent cette vie de tribulations. Le Pre Gilles Henry, Jsuite
belge, crit de Mozdok, le 29 juin 1814 : On vient de publier
ici l'ordre de renvoyer tous les Polonais. Tout en entrant dans
leur joie, je me sens-le coeur singulirement afflig de vpir partir ces pauvres malheureux, que nous ayons comme rgnrs
en les transformant en agneaux, d'ours qu'ils taient. Maintenant mes dpenses me paraissent agrables, et je ne prvois
qu'avec peine le moment o je ne devrai plus me priver de mon
pain, de mon dner pour en nourrir l'affam, de mon manteau, de mes bottes et mme de mes bas pour en revtir les
membres prcieux, les frres bien-aims de mon Sauveur. Il
me semblera qu'il me manquera quelque chose lorsque je n'aurai plus l'occasion de revenir couvert de vermine. Si j'avais
quelque chose regretter, c'est de m'tre trop dfi de la Providence c'est de ne pas m'tre priv davantage de mon repos
,
pour allger leurs douleurs.
Dans une autre lettre du 13 juillet 1814, ce mme Jsuite
crit encore : On a t dans de grandes alarmes Astracan,
on a cru que le Rvrend Pre Suryn tait tomb entre les mains
des paens. Depuis sept ans, j'ai, chaque jour, de pareilles
craintes sur le compte de notre Suprieur. Mais seraitrce donc
un malheur, si l'un de nous, en exerant le saint ministre,
tait fait prisonnier ? Heureuse captivit qui probablement briserait les chanes par lesquels l'enfer tient les montagnards en
captivit ! Serait-ce un malheur si l'un de nous tait dvou
la rage des paens? Nous voulons arborer l'tendard de la
Croix et le sang des Martyrs n'est-il pas. la semence des ChrGHAP.
tiens ?
Le 10 aot de la mme anne le Pre Henry n'ambitionne
,
plus le martyre. Il raconte les calamits auxquelles ses pauvres
Chrtiens et ses soldats captifs se voient en butte. Ici ce sont des
nues de sauterelles qui dvorent les moissons et empoisonnent
l'air; l c'est la peste avec toutes ses horreurs; puis, aprs
le rcit de ces flaux,-le Jsuite ajoute en sollicitant grce poursa charit : Il me reste demander pardon des dpenses que
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
39
j'ai faites. Comment agir? Quelle rgle observer lorsqu'un malade meurt faute de pain, sort de l'hpital sans chemise ? Qu'auriez-vous fait si vous eussiez rencontr le fils de M. le comte
Potocki sans bas, sans souliers, sans-culottes, sans chemise?
Pourrait-on me reprocher d'avoir demand son mouchoir la
premire dame que je rencontrais, ses bottes un cosaque, sa
chemise un autre ? Mille cas semblables se prsentent. Depuis Pques je suis sans argent, et je dpense par mois trois
cents roubles. Grce la divine Providence, je n'ai pas de
dettes. Personne ne serait rest en vie pour porter de nos nouvelles en Pologne; mais j;_ai fait instance auprs du gnral,
et, quoiqu'il n'y ait ici aucune troupe pour }es remplacer, il
vient d'envoyer par une estafette ordre de faire partir de suite
tous les Polonais de Mozdok, les malades mmes sur des voitures. Quels douloureux adieuxje vais recevoir ! J'en reois de
plus consolants des moribonds qui, au moment de rendre l'me,
tournent encore les yeux vers moi, comme s'ils voulaient me
dire : A vous revoir dans le ciel, mon cher Pre. ,
Telles sont les vastes conspirations dont les Jsuites S'Occupent sans cesse. Ce que le Pre Henry retrace avec tant de navet tous les autres, disperss dans l'empire de Russie, le con,
firment par leurs crits et encore mieux, par leurs actes. Le jour
et la nuit ils sont entre les dsespoirs de la peste et la pnurie
de secours humains. Ils subviennent tous ces maux; et,
lorsque l'arrt de proscriptionleur est signifi sur cette terre dsole, le Pre Gilles Henry adresse au Pre Grivel sa dernire
lettre. Elle est ainsi conue :
Depuis seize ans que nous sommes Mozdok, au pied du
mont Caucase, nous avons tent inutilement de pntrer dans
l'intrieur des terres occupes par des gens barbares, Paens ou
Mahomtans, qui regardent comme une bonne oeuvre le massacre d'un Chrtien. Cependant nos travaux n'ont pas t inutiles pour les colons du pays, et surtout pour les troupes qui
passent sans cesse en ce pays, de la mer Caspienne la Mer
Noire et de Mozdok la Gorgie. Depuis l'invasion, de la Russie par les Franais, nous n'avons pas eu un moment de repos.
Le gouvernement russe a envoy ici douze mille Polonais pri-
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6HAP. I.
HISTOIRE
sonniers, sans foi, sans moeurs ; mais l'exil et les maladies les
ayant attaqus, nous en avons profit pour les ramener de
meilleurs sentiments, et Dieu a bni nos travaux.
A Mozdok, nous avons deux cents Catholiques, Armniens
fidles; et,.comme il passe ici beaucoup d'trangers qui vont
ou reviennent de Russie en Gorgie ou en Chine, et qu'on ne
trouve ni hospice ni htellerie, nous avons bti un grand hospice o tous les voyageurs sont admis indiffremment, et gratis
autant que nous pouvons. Nous avons eu occasion de donner
l'hospitalit plusieurs Anglais. Nous avons lev une grande
glise. Aprs avoir tant travaill pour le bien de cet Etat, on
veut nous renvoyer comme tous les autres Jsuites. Mais, non
contents de nous chasser, on voudrait nous dshonorer en nous
rendant apostats. On nous a fait des promesses et des menaces.
Nous avons rpondu qu'avec la grce de Dieu, nous voulions
vivre et mourir dans la Compagnie de Jsus.
On les expulsait du Caucase au moment o l'Asie allait se
rouvrir devant eux. Les Armniens, dlivrs du joug des Perses
et tombs sous la domination de la Russie, montraient une vive
rpugnance embrasser le schisme des Grecs. Ils invoquaient
des Missionnaires pour se confirmer dans leur Foi. La Perse
faisait le mme voeu ; elle demandait les membres de la Socit
de Jsus que l'empereur Napolon lui avait fait entrevoir un
jour. Lorsque le Gnral Gardanne conclut, au mois de janvier
1808, alliance avec la Perse, Napolon, qui voulait se faire accepter en Asie comme l'hritier direct des rois ses prdcesseurs, fit insrer dans le trait Une Clause vraiment extraordinaire. II exigea protection pour les Jsuites que la France aurait
le droit d'envoyer en Perse, et cela au moment mme o ils
taient bannis de son empire et o le Pape ne les avait pas
rendus l'existence '. Mais ce nom de Jsuite retentissait au
Le trait conclu entre la France et la Perse contient, l'article 15, les clauses
suivantes :
Les Prtres qui se trouveront en Perse pour instruire et diriger les Chrtiens
seront honors de toute la bienveillance de Sa Hautesse, condition qu'ils ne s'ingreront point dans ce qui regarde la Foi musulmane, et qu'ils ne se permettront
rien de contraire cette Religion. Les Prtres, Moines et Religieux de la loi de
Jsus qui habiteront la Perse pour remplir les fonctions de leur culte, se trouvant
l'ombre del protection impriale, ne seront vexs ni tourments par personne,
et eux-mmes ne mettront jamais le pied hors du sentier du devoir, et ils ue de1
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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42
CHAP.
I.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
43
44
CHAP. I.
HISTOIRE
Rvolution franaise, la maison n'avait subi aucun changement.
Devenue communaut de prtres dont le savant Marchetti tait
le chef, elle fut presque entirement compose d'anciens Jsuites.
Ils.y vivaient, ils y mouraient, ils y taient ensevelis. On avait
vu parmi ces vieillards les Pres Alberghini, Hervas, bibliothcaire du Pape, Franois de Sylva, Lascaris, Ximenez et Vlasco
y terminer une carrire que les travaux scientifiques illustrrent
beaucoup moins que les vertus sacerdotales. Tout tait maintenu par eux dans la mme rgularit ; ils n'avaient interrompu
ni une crmonie ni une instruction dans l'glise. Muzzarelli y
avait mme fond les exercices du Mois de Marie, que plus tard
tous les diocses de la Chrtient adoptrent.
Dans sa sollicitude pour l'accomplissement de ses voeux,
Pie VII ne se dguisait point que l'loignment du Gnral entranait des retards invitables, et que son sjour en Russie ferait
natre des difficults pour l'excution de la bulle de rtablissement.
Au moment mme o cette bulle fut publie, le 7 aot 1814, il
dsigna le Pre Louis Panizzoni pour remplacer Brzozowski dans
les Etats Pontificaux, jusqu' ce que le Gnral lui-mme et
pris d'autres mesures. Le 21 dcembre, Jean Perelli fut nomm
Provincial de Rome et Vicaire-Gnral. Proscrits sur tous les
points du globe, les Jsuites s'taient rfugis autour de la chaire
de Saint-Pierre comme dans un asile ouvert l'infortune. Il n'y
eut pas de ville, pas de bourg en Romagne qui ne ret quelque
Pre espagnol,'portugais ou napolitain. Les Missionnaires du
Paraguay, du Chili, du Prou et du Brsil augmentrent bientt
le nombre de ces exils. Au milieu des travaux qu'ils s'imposaient pour le salut des mes ou pour la gloire littraire de leur
patrie, ils conservrent vivant le souvenir de l'ancienne Compagnie ; ce Blisaire collectif de l'Eglise qui, aprs avoir arrach
la Catholicit aux treintes du Protestantisme, tait condamn
par un Pape l'inaction et la mort. En apprenant que la Socit se reconstituait, ils accoururent Rome. La libert dont
ils avaient joui ne servait qu' leur faire mieux appcier le bonheur de l'obissance.
Quelques mois se sont peine couls depuis le 7 aot 1814,
et dj les Jsuites occupent les collges de Terni, de Ferrarc,
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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46
t. HlSOiRE
fonder et d'entretenir. En 1819 l'Ordre de Jsus perdait un de
ses rhmbres : celui-l avait t souverain, et il s'appelait dans
l'histoire Charles-Emmanuel IV, roi de Srdaigne et de Pimont.
Au milieu des cruelles preuves que la fin du dix-huitime
sicle accumulait sur la tte des monarques, Charles-Emmanuel,
ne en 1751, avait t rserv deux bonheurs bien rares dans
l'existence d'un prince. Son ducation fut confie au cardinal
Gerdil ; il eut pour pouse Glolilde de France. Les calamits de
l'Italie taient leur comble, lorsqu'eri 1796 Charles-Emmanuel
monta sur le trne. La rsistance devenait-impossible; le nouveau roi; partant pour l'exil, accourut saluer la Chartreuse de
Florence le vieux Pontife Pie Vf, tran lui-mme en captivit.
Le 7 mars 1802, il perdit Cette Clotilde, dont la saintet est un
des plus beaux fleurons des couronnes de France et d Srdaigne. Le 4 juin de la mme anne, il renona, eh faveur de son
frre Viclof-Emmanuel, un diadme qu'il n'avait ceint que
pour suivre le deuil de la Monarchie. Retir Rome, il ne
voulut plus entendre parler que des choses du ciel. Le Pre
Pignatelli et les Religieux les plus illustres des diffrents Instituts devinrent ses amis et ses commensaux. Quand la Compagnie
de Jsus se vit rappele l'existence, il tmoigna le dsir de
lui consacrer ses derniers jours. Son voeu fut enfin exauc, et,
le 11 janvier 1815, il entra au Noviciat de Saint-Andr, sur le
Qttirinal. Il revtit l'habit de la Socit. Autant que ses infirmits le permirent, il s'astreignit de point en point l rgle;
il pria, il mdita, tandis que les.autres Monarques couraient
dans les Congrs la poursuite de leurs royaumes morcels par
la Rvolution. Calme et heureux dans sa cellule, il laissait ses
derniers jours s'couler du milieu des Novices, qu'il aimait
comme un pre, et l'avenir desquels il s'intressait avec un
coetir de vieillard qui a vu gronder sur sa tte tous les orages.
Le nouveau Jsuite ne Vcut que quatre ans parmi les Frres
qu'il s'tait choisis. Il expira le 7 octobre 1819, et; comme il
l'avait demand, on l'ensevelit avec le costume de la Compagnie1.
CHAP.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
47
48
I. HISTOIRE
Au commencement de septembre, ces Pres touchent Rome.
Rien ne s'oppose plus la tenue de l'assemble. Mais, le 6, le
cardinal dlia Genga mande qu'il faut ajouter de nouveaux Assistants ceux dj en exercice, et que, pour rgler les difficults
touchant la Congrgation, des commissaires seront nomms. Les
cardinaux dlia Genga et Galeffi sont leur tte. Le 14, trois
nouvelles lettres de dlia Genga parviennent coup sur coup : la
premire confre au Vicaire-Gnral toutes les prrogatives du
chef de l'Ordre, et, selon qu'il l'a dsir, elle lui adjoint d'autres
Assistants; la seconde dclare que, pour remdier aux nullits
et aux irrgularits, le Saint-Pre souhaite que dlia Genga et
Galeffi prsident l'lection; la troisime resta secrte.
Les Jsuites connaissaient l'affection que le Pape portait la
Socit; ils savaient qu'il voulait conserver intactes ses Constitutions; ils ne conurent donc mme pas la pense de l'accuser
ou de le souponner; mais l'intrigue leur semblait vidente.
Dans la manire d'agir, dans.les entretiens de Ptrucci, ils trouvaient une preuve palpable de sa participation. Une mesure extrme pouvait seule sauver la Compagnie d'un pril dont les
causes taient encore pour eux un mystre ; la mesure fut adopte. Les Assistants, les Provinciaux, les dputs, au nombre
de dix-neuf, adressent une supplique Pie VII. Deux Pres la
remettent au cardinal Consalvi,- secrtaire d'Etat. Consalvi tait
plutt un grand diplomate, un homme du monde, qu'un ecclsiastique. Il aimait peu les Jsuites, qu'il regardait comme un
nouvel embarras politique, au milieu des complications de l'Europe. Mais il savait tre juste; il ddaignait de seconder de sa
toute-puissante autorit un complot qui allait faire rejaillir sur
la tiare le contre-coup d'une trame obscure. Il affirma aux deux
Pres qu'il appuierait leur supplique, et qu' partir de ce moment ils pouvaient regarder l'intrigue comme vaincue.
Cette intrigue, dont le Vicaire-Gnral tait l'agent, sans ert
mesurer la gravit, avait pour but de modifier les Constitutions
dans plusieurs de leurs points essentiels, et d'amener le Souverain-Pontife par lassitude ou par dgot, laisser crouler le
,
monument que ses mains avaient rdifi. La discorde clatant
au sein de la Compagnie, au.moment mme o il s'agissait de
CHAP.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
49
procder l'lection d'un Gnral, devait forcer Pie VII au repentir ou tout au moins l'empcher de soutenir un Ordre qui
,
ne savait pas rester uni, pour tcher de se montrer fort. Le calcul tait habile ; ceux qui l'avaient fait espraient que tout marcherait selon leurs vues. Dlia Genga, dont la religion avait t
surprise, se rangeait de leur ct ; ils n'ignoraient pas que Consalvi, absorb par les soins du gouvernement extrieur, ne prendrait pas longtemps la dfense de la Compagnie de Jsus, et que
les cardinaux Matti, Pacca et Galeffi ne pourraient jamais faire
prvaloir leur amiti pour l'Institut contre un plan si bien combin. Il fallait que l'lection du Gnral devnt une impossibilit
morale, afin que le Saint-Sige se dcidt dnaturer son oeuvre. On travailla la russite de ce projet.
Consalvi avait promis que la Congrgation se runirait immdiatement; le 3 octobre un rescrit pontifical en ce sens est
adress la Socit. Le Vicaire-Gnral cherche encore surseoir ; il se croit appuy par le cardinal dlia Genga ; dlia Genga
est excit par les meneurs que la Compagnie renferme dans son
sein; ils prtendent l'anantir ou s'en rendre matres. Consalvi
n'a pas eu de peine pntrer leur intention ; Pie Vil ordonne
que le jour de l'ouverture de l'assemble sera dtermin la
majorit des voix. Cette majorit ne se fait pas attendre, elle dcide que le lendemain la Congrgation se runira. Ptrucci la
prside ; mais peine a-t-il ouvert la session que, pour se dbarrasser d'un lecteur aussi clairvoyant que Rozaven, il affirme
que les dputs de^France et d'Angleterre ne sont pas investis de
pouvoirs rguliers : il leur enjoint de sortir de la salle. Ces Profs obissent sur-le-champ. Les difficults souleves par le Vicaire sont examines par les autres et rsolues la pluralit des
voix. Les dputs expulss rentrent pour exercer leur droit, et la
Congrgation^ se dclare, l'unanimit des suffrages, lgitimement convoque et runie.
Cette fermet dconcertait les trames hostiles ; le Pre Pitroboni est l'un des fauteurs du complot, il refuse d'intervenir
l'lection ; il arrache Ptrucci une protestation contre la lgiti- '
mit de l'assemble ; il force mme ce dernier insinuer qu'il
aura recours un tribunal extrieur. Le pril tait imminent;
4
vi.
50
CHAP. I.
HISTOIRE
par un dcret solennel, la Congrgation frappe de dchance le
Vicaire-Gnral ; le lendemain 11 octobre, Pitroboni est exclu.
Le cardinal dlia Genga tait son protecteur ; il pouse sa querelle, il veut faire partager au Souverain-Pontife son irritation
contre les Jsuites. Pie VII refuse d'associer le Saint-Sige des
intrigues dont Consalvi lui a dcouvert le jeu ; il passe outre, et
le 18, la vingtime Congrgation est en permanence. On remarquait parmi les Pres, Fortis, Rozaven, Billy, Charles Plowden,
Andr Gallan, Sino, Szvietokowski, Montesisto, Vulliet, Delfa,
Raymond Brzozowski, Korsack, Landes, Grivel, Grassi et Ganuza.
Le mme jour Louis Fortis se vit nommer Gnral de la Socit
au deuxime scrutin.
Le Pre Vincent Zauli, thologien de la Sacre-Pnitencerie
,
Jean Rozaven, Augustin Monzon, et Raymond Brzozowski furent
lus Assistants, Monzon, Adrnoniteur du Gnral, et Joseph Koricki, Secrtaire de la Compagnie.
Quand le pouvoir fut rgulirement tabli, on constitua un
tribunal pour juger les Profs qui avaient ambitionn le pouvoir
ou essay de porter le dsordre au sein de l'Institut. Le 27 octobre, ce tribunal condamna Ptrucci et Pitroboni. Ils se soumirent la sentence, ils reconnurent leur faute, et les Jsuites se
contentrent d'un repentir tardif. Mais les deux chefs apparents
du complot n'taient pas les plus coupables. Il y avait au sein de
la Compagnie des jeunes gens dont l'exprience n'avait pas
mri la fougue de caractre, des esprits inquiets aspirant tout
rformer ou tout briser, et qui, rcemment entrs dans l'Institut, voulaient l'appliquer leurs fins particulires. La Congrgation les jugea dangereux, soit comme rformateurs sans intelligence, soit comme Religieux faisant servir leur tat une
ambition coupable. Elle les expulsa.
Ces mesures taient ncessaires pour assurer le repos de l'Ordre de Jsus. Quand elles furent prises, la Congrgation s'occupa
de rendre les dcrets dont elle sentait l'urgence. Par le sixime
elle confirme, en tant que besoin est, les anciennes Constitutions, rgles et formules de l'Institut. Par un autre elle fortifie,
elle explique de nouveau le voeu de pauvret, afin de prvenir les
abus que peut entraner la runion de tant de Pres qui, pen-
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
51
CHAPITRE II.
Le Pre Landes arrive en Gallicie. Le Clerg el le peuple demandent des Jsuites. Un Collge se fonde Tarnopol. L'archevque Raczynski revient
52
CHAP. II.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
53
54
CHAP. II.
HISTOIRE
cipe dmagogique a, par le contact des ides et par l'enthousiasme des peuples, rveill des sentiments d'indpendance religieuse et d'affranchissement au coeur de la Germanie. Il fallait
peu peu ramener les esprits aux ralits de la vie et aux exigences de la situation, Franois Il.est fatigu des secousses qui.
ont agit la premire partie de son rgne; le prince de Metternich aspire calmer l'Europe. Aprs tant de glorieux dchirements, le souverain et le ministre pensrent que le meilleur moyen d'atteindre ce but tait l'ducation. Un. Collge fut
fond Tarnopol. En peu d'annes il devint si florissant que la
population de Tarnopol s'accrut de plus de moiti, et que de
toutes les extrmits de la Gallicie les parents accouraient pour
confier leurs enfants auxPres de l'Institut. Les Juifs eux-mmes
se laissrent entraner par l'exemple ; ils firent taire leurs prjugs de race, et ils voulurent que leurs fils fussent levs par les
disciples de saint Ignace.
Le bien que les Jsuites faisaient retentit au coeur du prince
Raczynski, archevque de Gnesne et primat de Pologne. Avant
la suppression, en 1773, il a t membre de la Compagnie. Sa
jeunesse s'coula dans les travaux qui prparent la profession ;
il s'est engag par des voeux solennels ; il dsire reprendre la
fin de sa vie le joug qu'il a port avec tant de bonheur. Il sollicite, il obtient du Saint-Sige la faveur d'abdiquer les dignits
de TEglise. Aprs quelques annes passes au Ges de Rome,
le vieil archevque, redevenu Jsuite, prend la route de Gak
licie. Les Pres ont une rsidence Przemysl ; on la lui assigne
pour retraite, et il y meurt, tandis qu'Antoine de Gotasza, Evoque de la ville, jette les bases d'un Noviciat pour la Compagnie.
Un autre se cre Stara-Wies.
Deux ans aprs son rection, le Collge de Tarnopol comptait
plus de quatre cents lves. Au mois d'octobre 1823, l'Empereur veut encourager par sa prsence les matres et les disciples. Le Pre Szvietokowski, Provincial, le reoit dans cette
maison, qui, aprs avoir t improvise, improvise autour de ses
murs une nouvelle ville. La gnration naissante se faonnait aux
ides d'ordre et de travail ; les Jsuites, dont le nombre s'accrot
d'anne en anne, tendent le bienfait de leur apostolat; le peu-
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
pie les a pris en affection ; les prlats les emploient toutes les
oeuvres du ministre; leur action retentit jusqu'aux portes de
Cracovie. Pierre Klobuszycki, archevque de Colocza et leur ancien frre dans l'Institut, les invite passer en Hongrie. Le
prince de Lobkowitz et l'Evque Thomas Ziegler les installaient
dans l'ancienne abbaj'e des Bndictins de Tyniec. Il s'agit de
renouveler un peuple pauvre qui rige l'ivrognerie en systme :
les Jsuites, encore plus pauvres que lui, se dvouent celte
tche. On les voit bravant la rigueur des hivers, rompre ces
hommes grossiers le pain de la parole de vie. Ils savent qu'il
leur sera difficile de dompter des vices presque accepts comme
une seconde nature; leur persvrance l'emporta. Ce fut dans
ces.excursions vangliques que mourut sous le poids des fatigues Potrykowski, jeune gentilhomme polonais, qui avait abandonn son pays pour se faire Jsuite. Le cabinet de Vienne suivait d'un oeil attentif les progrs et les tendances de la Socit;
il la contemplait aux prises avec les obstacles, et il recueillait
de la bouche du gouverneur de la province les loges que chacun faisait de l'Institut. Au mois de novembre 1827, l'Empereur, conformment un dcret de la chancellerie de cour, en
date du 22, donne aux Pres une marque officielle de sa confiance.
Dans l'espoir, ainsi s'exprime le Souverain, que les Jsuites
admis dans mon royaume de Gallicie rendront des services utiles
par l'instruction et l'ducation de la jeunesse comme aussi par
les secours temporaires donns aux Pasteurs qui ont charge d'mes ; qu'ils mettront un frein salutaire l'impit et la corruption des moeurs ; qu'ils feront de leurs lves de bons chrtiens
et des sujets fidles, et que, par cela mme, ils contribueront
la vritable civilisation et au bonheur de mes sujets ;
bien agrer la demande respectueuse qu'ils m'ont
Je veux
prsente, et je leur permets de pouvoir vivre dans mon royaume
de Gallicie, selon les constitutions de leur Ordre et selon les
voeux qu'ils ont mis conformment leur Institut.
En consquence, je leur permets de continuer, sans qu'on
,
puisse les inquiter, correspondre pour le maintien de la discipline avec le Gnral de leur Ordre sur les objets qui ont rapport
56
II. HISTOIRE
leur rgime intrieur et leurs Constitutions approuves par
CHAP.
l'Eglise.
sacerdoles
fonctions
qui
Nanmoins,
quant
concerne
ce
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
57
-58
CHAP. 11.
HISTOIKE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS
59
Evque de Gratz, qui, le premier, offrit aux Jsuites une rsidence Gleisdorff pour y commencer un Noviciat. Cet Evque
s'occupait activement de la rforme de son Clerg. Il pensa que
les meilleurs cooprateurs acqurir se rencontraient dans la Compagnie de Jsus : il sollicita leur introduction en Styrie. Le but
avou du cabinet de Vienne tait d'amener les Pres crer une
Province allemande compltement distincte de la Province de Pologne. Le Pre Loeffler souscrivit cet engagement, que constate
un dcret imprial du 22 novembre 1828. Le 2 avril 1829, le
Pre Jean Mayr, accompagn de deux autres Jsuites, prit possession du couvent.de Gleisdorff. Des intrts particuliers s'opposent ce premier tablissement. Les Jsuites se voient bientt
sans asile et obligs, pour vivre en communaut, de s'installer
Gratz dans une maison o habitaient de nombreuses familles et
une cantatrice du thtre.
Les Pres envoys en Styrie ne demandent rien pour eux, rien
pour leur Ordre. Ils se dvouent endurer les tracasseries inhrentes tout tablissement nouveau. Des difficults de dtail
naissent chaque pas;.ils ne s'en proccupent que pour laisser
au temps le soin de les rsoudre. Quand elles sont aplanies, ils
ne tirent pas plus vanit de la bonne que de la mauvaise fortune.
A les voir si indiffrents sur tout ce qui n'branle pas l'intgrit
du Sige apostolique ou les fondements de la socit religieuse,
on dirait que le succs, comme la dfaite, n'est pour rien dans
l'ensemble de leurs devoirs ; ils acceptent avec une gale soumission la joie et la douleur. A Gratz o ils ne peuvent trouver une
demeure convenable, ils campent en attendant le jour o cette
demeure s'offrira. Pendant ce temps, le Pre Stoeger fait clater
dans les glises sa parole inspire, les Novices se forment au
bruit du monde, quelquefois mme celui du thtre. Trois annes s'coulent ainsi ; puis, quand cet tat anormal commence
se rgulariser, Jacques Stoppar, secrtaire du Prince-Evque,
et Xavier Weninger, docteur en thologie, entrent au Noviciat,
avec dix-sept jeunes gens. Quatre mois aprs, leur nombre tait
doubl.
L'archiduc Maximilien, le Vauban de l'Allemagne, a pour les
Jsuites une de ces estimes raisonnes, telle que Waldstein, Spi-
CO
CHAI'. II
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
61
02
CHAP. II.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
63
04
CIIAP. II,
HISTOIRE
liaient ae voir sans asile et sans esprance de dvelopper le Catholicisme dans lu Grande-Bretagne, lorsqu'un noble et riche Anglais, Thomas Weld, se sent touch des malheurs dont ses coreligionnaires sont menacs. Le continent se ferme aux anciens Jsuites, qui m renoncent pas a former un Clerg indigne, afin de
\m remplacer dans leur patrie; Thomas Weld leur ouvre 1* Angleterre, Cette famtte, qui attache son nom toutes les hautes infortunes, et qui, aprs avoir .reu les Jsuites proscrits, viendra
trente-sept ans plus tard, mettre son vieux chteau de Lurworth
k disposition te Chartes X banni de France, possdait une terre
dans te Laneashe. Cette tore se nommait Stonyhuret.
Thomas Weld k consacra aux dbris-de la Socit de Jsus et
aux lvts qt les suivent dans leur exil. peine installs dans
W: lfe <f\i@nu eher la Re%ia, les enfants de Loyola, qui ne
pmweftlt jlu$ serenouveter, s'occupent avec ardeur combler
les i?s que la n*t fait en Maireissant lents rangs. Ils iforanent
prtes aniss iTOHis iptlMstaits, les jeuises gens qo par
terotrt bas tenns fannilte te Murage et la foi dont ils Ireit et
tr^aweirt r^seajute, JLes Pres te finsItMt sofprim ne s'taient
ps ftiastms ain staiwe et am titijBs, par JIMS Clcnent XI
mmt feipe l'artiste <ite slMitiik Ils stsmftaent en eux um jrrcisipe
tite xfe twffiBsrt toffls tes Mfe aoeiiaujps.. TOB 1a plmpart de leras
Tprr5 li^esfe, 51s (cwpieTOt pft e wwweaix wmeuaenifs, (pas
tffifflBBBOiitSBs &sastes fet e jplns laiitoies n8fcEs amiiaiHraiieiHt
ftft wa few te SatiiffltJSSIge & nworfaBr te fcnef aSe feragawlL Ce <ti
[passt tu Misse 4 m tesfc, b miBTCisiliemse ffloerMiiH
ite IHOtatae te Siittlt gwatoe, tes tenues tii^pi^liintoe m ffiie VI
te
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fa l-
m'waeiit
<attttt<eteg8iw<Br(BiBBrit,oettajiii, ma iMoans
iii
itors lis aacwe siltettiam qpi'tsujpaiMaiift,, si^jffiarat le YioeaiiitefffinSttrJliefeiiiOHrjpBiieriiiStJBietexEsnafesaiiie. Ira dbaseafiBItttipssMe (ipOTittEiJiJsgtiessainitDes ommOTideineiiteton ffiiroe. ILe
iiB'ttflte-BiSi!!Jlsg^rriitEre uamlfeESBiile H'iBudiemieffinwince IHtrmwqm Qp'Ul tuit iitsnoncBr oee jpmjjdt. Un 1111 lorsque Fie Mil
lit piS%ncmeiit atiteiiis ll'ass&fiamffi dles JJisuifces (en Hussie:,
IlS;fen^iiisw'ftitfe'tterttllaimfime(flflmnnilE.iloes (dbstadles (taient
C5
DE LA COMPAGNIE DE JESUS,
aplanis ; Grubcr sollicite du Saint-Sige le droit d'agrger l'institut ceux qui dsirent y mourir aprs avoir vou leur vie au
triomphe de l'Eglise. Le Souverain-Pontife leur accorda cette
faveur. Le Pre William Strickland fut charg d'lever au degr
de Profs le Pre Marmaduke-Stone, recteur du nouveau Collge
anglais, et de l'tablir Provincial. Le 22 mai 1803, cette solen-
vi.
CHP. II.
. HISTOIRE
l'Institut allait se propager rapidement ; un obstacle surgit de
l'autorit tatti qui devait concourir cette propagation.
k diversis reprises f de srieux conflits avaient clat entre les
Missionnaires et quelques Vicaires apostoliques* Les Jsuites s'y
talent vus mlas plutt pour les besoins de la cause catholique
qne par esprit ta domination. Les droits des uns et des autres
n'avaient pas t bien dfinis on bien compris, et, dans l'administration de i'iglisi d'Angleterre,, il surgissait de temps autre
des dissentiments qui plus dune fois compromirent le prsent
et l'avenir. In ft.ce de ht position faite aux disciples de saint
Jgn&oe,' on aurait pu erere que ces dbats ne se rveilleraient
point, et que ehseua, dans la sphre de ses pouvoirs, tavailleif.t" I l'oeuvre commune. Il n'en fat pas ainsi. Les Jsuites
eurent
adversaires tts-prononcs dans quelques-uns de ces
prlats ; ils en reneontrrentqui, l'exemple de Fillastre Milnef,
stJetfifit eompttement aree eux.
Dans la suntation aetmeUe, de pareils eonlits ne sont plus postes> Bu Angleterre tout psusso sons le taiwan de la pubiet.
Cette pniMt a sans aiate-ses eunrs TulonlaiireSj ses fraudes
Ht&nfe Cftuufte toutees}* de kifi qui vit (fa monopole; mas
la pressa anglaise, jpsqu'alois s ktnsffl aux Jsuites et nfol&ante, pamft enfin* is Famae 1810, nstenir des sentiments
i'pM. CdHat te temps des mteigiies poMqiHS : elles lieraient
(>
te
se urfpfef et se jpnitckmer eemninie one pttBssatwxliais m maswmmA Se ptsews et tties, qui maanpKra ks
^sgmwssensitSi&s fc fe-merasijie sefe, les lisnfcs ne se sont
*ril& Ji aganmoi 4ms hmmumb fi raiioat Fmegpe. "Eut JIKS
les wgMs uToandt JHS vm la SaiBipgitiB-iltaoe Je mm adion A
jttts tard
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nwritos pi h M*
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piws tiirttin^liKi' ft
fa
te
te
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
67
68
II. HISTOIRE
Au milieu de ces dmls, leur zle ne se ralentissait pas. Le
31 juillet 1810, jour de la fte de saint Ignace, Thomas Weld,
le bienfaiteur de l'Institut, expira saintement dans le Collge
qu'il avait fond. Chaque anne augmentait le nombre des lves de cette maison ; chaque anne aussi les Jsuites gagnrent
du terrain. Ils avanaient sans bruit, touffant leur triomphe
d'aujourd'hui sous leur esprance de demain et ne donnant rien
au hasard. En 1816, le Pre Grivel, nomm Visiteur de la Province par Brzozowski, n'eut qu' approuver ce qui tait dj
fait et les plans en voie d'excution. Le Pre Charles Plowden
fut par lui choisi pour Provincial. En 1820 Plowden mourut et
Nicolas Sewall le remplaa. Six annes aprs, le Pre Brooke
tait appel succder Sewall.
Mais, durant cet intervalle, de notables changements s'introduisirent dans la lgislation anglaise. Les Catholiques, tolrs
jusqu'alors, avaient revendiqu leurs droits d'hommes libres et
de citoyens. C'tait une rparation des iniquits passes, la conCHAP.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
69
cnF. H. BasiamtE
les
31 an
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itail6|iiBBi MranmBimt^rauwiiiS]pr^^
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B^poepifiiifficltaltafljiIlBapfiiEifliijogjlte fair ItelRiBt^tefcltoinitiiBVata-aiiuffliiDiii
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(BsutliHiasielt ltsj (aslta (ftmfl ife E piiiwnteiiltniiar lia saaillalli, Biiuii <QUG mes
aulffi tfft as (fcjtiliraiiHffi J^|[aMifikRis(iiUialffiiM]sEHUiiipT!im.Sur (fe asgmlte mMMis oji
fc
soepagiiwpiraiUljitiiiirlhimSiit^, de nanoiilllBs(ItiiuMoifflitlisiimqoeitljami'idf&fliIoellBi^iiiiuu'
Itajniailtiiojje mt ilte mjniiur- Jloe Sifiat. Eiioe Tma/k mmaHMii ftaift; tefnuniiims;
fatiffes (JifiIHuHtjBUM!,, (uaniiui! aiilaoeiijims;ttanijjius_ midt " lftuBoe. ilhiiiE lia SoiiiniiillE
liiujjpiill^, mpifBiiaiiiJaiBiJliiijnusaii' gjlifi Moi Itans SiiiwffitliipItikiiB, (Qtn Iles oewailt anoeiiiiisi aIfiatiatfce ifc lliBmlfiniuiittK :: iJEtinaj Il aiuBnfi flls SJ'J ffllaiBrtt.HNfffiifuisi lldrc tt
iMiifsjrnniuiBniiiiBjlt.EmitniaiaiBEij[injiii)ii:: Mmuiij.rHte*$mlSkffwil llroiiii. twwnnixr
fc
iffteffiaull,
!neai&(r(ito(|inB.. OtasBi miajBallBffiiiiifltulL 1k fcraija, ffl*a Siaimui rirliitlJjuIWIiiiii uiniwBiaStBJiO te iiujmufjBaL nuitftran-;; miiis (ufi iffiniitiins,, Sin)iiiiui(Bs!iltelilliiEiIu; Sa
mmkn IBwlkimiiiitw: mmfmit <6u flimiitmitt,, ms miliiti Uiaiis owiif milte (fMianjjlinmaf.
i!i!ttiB(#i6iiini|ltlilkiiilis*ijlbBtapcfc llafimltinjrnpiiJliismtjailBiitelIlEiiiiwasiilil
S^ifinjtiistti3ijfa,,te(awitair]SEsiiiiiliB(j)il(itt linlainaj(te iSriirtte-BiHiiHiiaiDteBml
!(-s'Wlinliai-|jnpntairjiMiaiaui|te(Ba^^
tlut Bijil)iItesiiaaijrtti(fiB6 (m Se H8S8 flW il aKBillipn amoinmil'oeuittim IflEyiHfu osiitlftaJIKjSHBft,ait te S&sSmrinfiijjntliiralljl^a(UWtattiIhi!Iiunai(^, noepiffliraiIti[BB(teiaiiioe::
OtsJl lia pu (MmimmUi pwra; BSWSJ ta (niito #i!f UBIBB nmiasUDimih. fin Wii,
MfinujuijmiiiiisllijtJtedtejuoeauiisaiult iftiiiu^ ife (iti jaloeiBiiaiift ttmite aa fanllta on
laiilHiil(tan*% sajin (Be lfifiiiiai..
llfBB IRifitEaaitaj,mifcfl[|[!ii& niitUgira; HK iMrltMUtowj)! loeis lia ffiiii wiiniii)j},3ii(atoi111
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
71
72
II, mSTOUlK
virant de Fnqint protestante et die la longanimit chrtienne.
Ds les preiniersjouis de sa fondation, l'Ordre de Jsus avait en
pour elle des coBBoIatenis et, des aptres; tontes les poques il
sut ln~ m offrir. Jls, quand l'bistitnt vt. son existence menace,
les Irlandais, dont la proscription durait toujours, eurent des larmes de regret donner aux Pres qui les avaient soutenus dans
cette preuve de trois sicles. Les Jsuites n ont pu raliser en
ee pays qu'un bien sains retentissement, sans auenn de ces avantages sociaux dont le monde les crot si proccups. Cependant ils
ne renoncrent, jamais une terre o tout semblait condamn an
dsespoir. Le bref Domms tu: Eeerapt.ar ayant ananti la Compagnie de Jsns, les enfants de Loyola, .l'exemple du troupe,
ne se laissrent pas dcourager par l'abandon dn berger. Rome
licenciait sa meilleure milice la Teille mme-dnjour o le SaintSige allait tre attaqu sur tons les points 1a fois.Les Jsuites,
en obissant an bref pontifical, ne mirent pas devoir dserter
le poste confi leur garde.
Ds taient pauvres comniie un Irlandais; mas ce dnftinent, qui
prenait sa source dans la charit, ne les inquita gure. Us mirent en commun lenr indigence, et, en travaillant la moisson
que Dieu rservait leur zle, ils attendirent des jours pins sereins. Le Pre Bdiaid felaghan, on viens Missionnaire des
Philippines, dont les mains et la langue portentles traces du martyre endur pour la Foi, dirigeait les Jsuites sculariss, lis n'avaient pu fonder en Irlande nm tabussement afin de recevoir les
jettmes gens que, dans un avenir prochain, ils 'espraient agrger
lenr Ordre sorti de ses mines; le Collge de Stonjbuist dilata
son sein. D'antres se rendirent, Paenne, o ils achevrent lettres
tudes. En 1807, Richard Caliaghan tait mort charg d'annes et.
de bonnes oeuvres; en 1811, le trpas dm Pre Thomas Betagli
rompit la dernire chane qui, en Irlande, attachait les nouveaux
Scolastiques l'ancienne Compagnie. Betagh*, dont le nanti est,
encore populaire Bnhliirt et dans les campagnes de l'Irlande,
avait trouv dans son coeur l'loquence qui remue si vivement les
de ce peuple. Le Pre Kenncj lui succde an mois de no- instincts
CHAP.
na fwwsurs msne^e, (et na HwwnMiefflA lui Huit liier pair Des C^alIfiKsItiuiuffis.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
73
vembre. Avec cette patience que rien ne peut abattre, les Jsuites se mettent l'oeuvre comme si dj le Souverain-Pontife avait
rendu la vie leur Institut.
Ils s'avouaient les inconvnients de cette ducation cosmopolite qui dplace les individus et leur donne dans la jeunesse des
ides moins patriotiques. L'Irlande, selon eux, avait le droit devoir lever ses enfants sur sa terre proscrite, afin qu'un jour,
nourris de ses malheurs, ils pussent avec plus de force rclamer
son affranchissement Ce fut cette pense qui inspira Kenney,
dj suprieur du sminaire archipiscopal, le projet d'un collge
national. Il le cra Clongovves, non loin de Dublin. La restauration de l'Institut augmenta tellement ses prosprits qu'en 1819
il comptait dj plus de deux cent cinquante disciples. Dans la
mme anne, les bienfaits de Marie O'Brien permirent d'en btir
un autre dans le district de King's-County. Il fallait relever les
Irlandais de l'abtardissement moral dans lequel la politique anglaise essayait de les tenir. A ce peuple auquel la grande voix de
Daniel O'Connell, un lve des Jsuites, apprenait ce que c'est
que la libert, il importait de donner l'intelligence de ses devoirs
d'abord, de ses droits ensuite. La Compagnie de Jsus se chargea de la premire tche, O'Connell remplit la seconde.
Depuis Henri YIII jusqu' Cromwell, et de Cromwell aux rois
de la maison de Hanovre, tout avait t mis en oeuvre afin de dgrader les Irlandais et de les asservir par une ignorance calcule.
On avait abus de leur passion pour les boissons enivrantes ; on
les plongeait peu peu daus cet tat de torpeur qui fait de la vie
une espcede sommeil bestial. On habitua ces populations toujours
catholiques parle coeur, des dbauches que l'autorit eut l'art
dplacer sous l'invocation de quelque saint populaire dans l'le.
Pourvu qu'il reste aux Irlandais assez de vigueur corporelle rserve fconder la terre dont les fruits et les moissons paieront
le luxe et les plaisirs de l'Angleterre, on ne s'occupe ni de leur
bien-tre, ni de leur sant, ni de leurs familles ni de leur existence. On les fait ouvriers sans aucun salaire, ou soldats dans les
Indes sans esprance d'avancement. Tout fut combin contre
eux, et cette situation aurait pu, en se prolongeant, amener de
cruels rsultats, lorsqu'un concours de circonstances inoues dans
74
CHAP.
n.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
75
"
76
CHAP.
II.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
77
conChacun
sa
veau monarque.
78
CHAP. II.
HISTOIRE
quis, les promesses faites et les lois acceptes. Celte lutte, naissant dans les ftes d'une intronisation, devait amener Guillaume
rsipiscence.
Conseill par les fanatiques du Protestantisme, ou enivr des
loges intresss, dont les ennemis de tout culte ne cessaient de
le combler, le roi des Pays-Bas recula devant les charges de la
couronne. Il avait contenter deux nations rivales que le hasard
runissait sous le mme sceptre ; le Hollandais s'obstina ne jamais devenir Belge. Dans les premiers jours de son rgne, en
1814 et en 1815, il avait proclam la libert et abrog de criants
monopoles; bientt il chercha renverser d'une main ce qu'il
tablissait de l'autre.
Les Jsuites vivaient sans prendre aucune part aux dbats religieux et politiques sur l'interprtation de la loi fondamentale.
Tout--coup, le 3 janvier 1816, Guillaume ordonne aux Pres de
Distelberg d'avoir se sparer immdiatement. A cette injonction, les Jsuites rpondent : Un seul mot de l'Evque suffit
pour nous disperser ; si le prlat ne prononce pas cette parole, la
force arme saura bien, sans effort, expulser les paisibles habitants de cette maison. Le Pre Leblanc, qui, aprs la mort de
Fonteyne, a t nomm suprieur, communique l'abb Lesurre,
vicaire-gnral de Gand, la rponse qu'il a faite. Maurice de Broglie est absent; il crit que c'est Je devoir d'un capitaine de ne
point abandonner, sans les dfendre; ses fidles soldats ; qu41 ne
permettra point que les Jsuites soient exposs aux traits de leurs
ennemis, et qu'il faudra le percer lui-mme avant d'arriver eux.
Puis il ajoute : Je veux que toutes les portes de mon palais leur
soient ouvertes, afin qu'ils s'y retirent en aussi grand nombre
qu'il pourra en contenir.
Le prlat n'est pas encore satisfait de cette dclaration. Il accourt Distelberg, il encourage les Jsuites, il les fortifie dans
leur dessein. Guillaume apprend cette rsistance, il en redoute
l'clat pour ses plans ultrieurs, il se dtermine la vaincre. Des
troupes marchent contre le Noviciat : les Jsuites se dispersent
leur approche ; le palais piscopal les reoit. Ce premier ferment
d'opposition attire sur la tte du prince de Broglie les tenaces
colres de Guillaume. L'Evque de Gand, ds le mois d'octobre
>>
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
79
' Histoire du royaume des Pays+liasj par St. d Grlacho, picuiier prsident
80
CUAP. II.
HISTOIRE
de son recueil :
On eut certainement pris pour insens, on et peut-tre perscut comme un sclrat celui qui, aprs le 18 brumaire ou l'poque du Concordat, mais surtout en
1814 et au commencement de 1815, eut cru possible qu'avant 1818 un Evque
serait condamn en Belgique, sous un Prince non catholique et par un tribunal
sculier, une peine criminelle, infamante, pour avoir souscrit, avec tous ses
coordinaires, et rendu public un jugement doctrinal sur la question de la licit ou
de l'illiccil d'un serment; crit deux lettres ou Saint-Pre relativemeul-aux prires
publiques que le Priucc pourrait demander ; reu une rponse conforme au voeu du
gouvernement; donn immdiatement d la publicit celle rponse avec le. double avantage de tranquilliser par l tous les esprits, et de justifier la demande
que le gouvernement avait faite et l'acte public et solennel par lequel il y dfrait.
Bien moins encore et-on pu croire que sans ncessit, que sans utilit, contre toute raison, on eut excut de la coudamnatiou ce qu'elle pouvait emporter de
plus ignominieux pour la personne du condamn, de plus outrageant pour la Religion dont il est le ministre cl de plus insultant pour la nation reste fidle au culto
de ses pres.
Cette insulte publique au Catholicisme, raconte M. de Gerlache a la p. 343
du premier volume de son Histoire du royaume des Pays-Bas, cette profanation
d'un caractre vnrable et sacr ne liront qu'exciter un sentiment gnral d'indignation et de dgot pour leurs auteurs. Quant l'Evque de Gand, il dut se
trouver trop honor d'une fltrissure qui rappelait involontairement chacun le
supplice de son divin matre. Nous u'avous pas besoiu de dire qui l'on comparait ses perscuteurs.
181
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
81
vi.
82
II. HISTOIRE
Il n'y restait plus qu'un petit nombre de Profs. Enrls sous
les drapeaux de l'Eglise, ils combattirent avec Le Maistre et Bruson en qualit de volontaires. Leurs armes furent la prire et l'tude, la rsignation et l'exercice de la charit. La Belgique osait
peine rsister au souverain qui prenait tche d'obscurcir ses
qualits royales par le plus inconcevable des garements. Elle
avait des instincts catholiques, et Guillaume s'efforait de les
froisser tous les uns aprs les autres. Chaque mot de libert sorti
de sa bouche tait une nouvelle provocation au despotisme. Les
Jsuites, quoique peu nombreux, exeraient sur les masses une
relle influence. Leurs paroles, leurs conseils, leur attitude, leur
silence mme, tout tait matire soupon, et par consquent
incrimination. Les agents hollandais investis par Guillaume
des emplois publics, les rfugis de tous les pays auxquels il accordait une impolitique hospitalit ne cessaient de reprsenter
les disciples de Loyola comme les ennemis de son gouvernement. On les accusait de rgner en France sous le manteau fleurdelis des Bourbons, Guillaume de Nassau ne voulut pas qu'il ft
dit que la Compagnie tenait un autre royaume entre ses mains.
Elle avait ouvert des retraites o les prtres sculiers et les laques confondaient leurs prires, et se faonnaient la pratique
des vertus chrtiennes. En 1824, le Monarque enjoint aux Evoques d'avoir prohiber ces exercices spirituels. La querelle religieuse tait assoupie; les Belges avaient courb la tte, les
ministres de Guillaume lui persuadent qu'il faut en finir avec
l'enseignement catholiqueMoins d'une anne aprs, le Collge de Beauregard Lige,
dont le directeur M. de Stas avait appel son aide quelques professeurs Jsuites, se fermait l'instant o le roi allait en donner
l'ordre. Le petit sminaire de Culembourg tait rserv au mme
sort, quand les archiprtres d'Amsterdam et d'Utrecht, unis aux
Vicaires apostoliques de Hollande, rsolurent de ne cder qu'
la violence. Guillaume tait parvenu fatiguer l'opposition mme
catholique : il pouvait rgner tranquille. Cette espce d'apathie,
ce sentiment d'indiffrence qu' une heure donne on signale
dans les partis les plus vivaces, se faisait jour. Le roi ainsi que
Goubau et Van Maanen, ses confidents, crurent que le moment
CHAP.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
83
tait venu d'asservir la Belgique au profit de la Hollande, et d'craser l'Eglise romaine sous le joug du Protestantisme.
La cration du Collge philosophique de Louvain, les mesures
vexatoires, les entraves mises la libert d'ducation et au droit
imprescriptible des pres de famille rveillrent dans les coeurs
une esprance que de nouveaux dboires avaient fait ajourner.
Les Frres de la doctrine chrtienne distribuaient aux enfants
des pauvses et aux jeunes ouvriers une instruction approprie
leurs besoins ; ils leur apprenaient tre sobres, pieux, actifs et
soumis. Ils en faisaient des fils obissants, afin que plus tard ils
pussent devenir de bons citoyens. On accusa les instituteurs de
l'indigence de rpandre l'Ultramontanisme dans la Belgique, et
d'y comploter une rvolution. Aux yeux de la cour de Guillaume,
ils ne furent que des Jsuites dguissi. Les Jsuites taient la
terreur de ce roi, qui contractait alliance avec les libraux de
toutes les sectes pour assurer le triomphe de sa pense hrtique.
11 fit fermer les Ecoles des Frres ; les Collges de la Compagnie
avaient eu le mme sort. Cette royale dloyaut, que les journaux anticatholiques de France et des Pays-Bas salurent avec
des cris d'allgresse, rendit une nouvelle force l'opposition parlementaire et aux familles chrtiennes. Des lois taient portes
pour tuer l'avenir de l'enfant qui aurait tudi ailleurs que dans
les coles salaries par le gouvernement. L'ambition et l'intrt
particulier passrent aprs le besoin de sauvegarder la Foi et les
bonnes moeurs. Guillaume s'obstinait, le peuple commena
murmurer. Il se faisait en France contre les Jsuites une guerre
si inconcevable, que les Belges avaient cru pouvoir sacrifier leurs
compatriotes, membres de l'Institut de Loyola, aux prjugs des
ministres et la ncessit de maintenir la paix. L'alliance signe
entre les Constitutionnels et les Catholiques n'allait pas jusqu'
froisser le souverain dans son attente. Ils proclamaient les Jsuites dangereux, tout en dclarant qu'ils n'ajoutaient aucune foi
aux calomnies dont les accablaient la presse librale et le gouvernement des Pays-Bas. Cette dviation au principe de vrit ne
porta point bonheur l'opposition coalise. M. de Gerlache lui
1
84
CHAP. II.
HISTOIRE
mme, qui avait appuy une pareille tactique dans ses discours,
ne tarda pas s'en repentir 2.
Guillaume avait espr qu'il pourrait donner force et dure
son gouvernement en tchant de se crer une popularit que les
rvolutionnaires de France avaient conquise si bon march.
Comme eux et avec eux, il s'effora d'exploiter le nom des disciples de saint Ignace ; il prtendit les rendre responsables de tous
les dsastres et de toutes les erreurs. Les Belges ne furent pas
aussi crdules que les partisans de la Charte de Louis XVIII. Au
mois de novembre 1827, un crivain alors clbre par ses ouvrages anticatholiques, M. de Potter, fit tomber des mains du
monarque protestant cette arme du Jsuitisme : Maudits Jsuites, s'criait le chef de l'opposition constitutionnelle dans les
ils ont fait bien du mal! car pour nous dfendre
Pays-Bas
contre eux, on nous a, comme le cheval de la fable, sells, brids
et monts. C'tait si commode de pouvoir rpondre aux Franais
qui, aprs quinze jours de sjour Bruxelles, nous disaient:
Quoi ! pas de jury ? Non, mais aussi pas de Jsuites.
que, pour l'amour de la paix, nous voulions faire au gouvernement, que nous
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. II.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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88
HISTOIRE
Religieux, ne s'pouvantant pas plus de la misre que des perscutions. Fontanes et Champagny les honoraient de leur estime,
le comte de Rambteau, prfet du Simplon, veut les expulser.
Les vnements furent plus forts que la volont de l'Empereur.
En 1814, le petit Collge de Sion devint le berceau de la Province de la Haute-Allemagne. Les compagnons du Pre Sino
avaient t prouvs par de longues souffrances; ils s'taient dvous pour le Valais, le Valais leur en tient compte. Le baron de
Stockalper, un des premiers magistrats du canton, propose de
rendre aux Jsuites leur ancien Collge de Brig, converti en forteresse par les Franais. La proposition est accueillie avec enthousiasme; cet enthousiasme se propage parmi les Catholiques.
Pierre-Tobie Yenni, Evque de Lausanne, tourne ses regards
vers la Compagnie ; il va l'introduire Fribourg, lorsqu'il reoit
de Goeldlin de Tieffenau, Vicaire apostolique, une lettre qui le
confirme dans sa pense. Tieffenau lui mandait :
Fond sur l'exprience, je suis intimement persuad qu'il
n'y a pas de remde plus efficace opposer aux maux de notre
sicle que de rappeler dans nos cantons suisses la Compagnie de
Jsus, nouvellement rtablie par notre saint Pre Pie VII. Cette
Socit fournirait une seconde fois des dfenseurs la puissance ecclsiastique, des instituteurs la jeunesse chrtienne ; elle
rglerait les sciences, ferait fleurir,la pit et la continence parmi
le Clerg, et serait pour le peuple un rempart contre les corruptions du sicle. Quant moi,, je dsire ardemment de voir les
Jsuites introduits dans l diocse qui m'est confi. Je vous
souhaite de tout mon coeur le mme bonheur pour le vtre.
Canisius avait vanglis la Suisse. Son tombeau Fribourg
tait l'objet de la vnration gnrale ; ce fut en s'appuyant sur
ce souvenir que les Catholiques invoqurent des Jsuites. Les
prlats helvtiques les rclamaient comme des cooprateurs indispensables; le baron d'Aregger, avoyer de Soleure, marche sur
les traces du Clerg. Il forme le projet d'appeler la Compagnie
dans cette ville. Au mois de juin 1816, le grand Conseil se runit; il dcrte qu'elle est tout jamais exclue du canton. Cet
chec, qu'avaient inspir des rpulsions individuelles, des rivalits locales et des craintes habilement entretenues par les adCHAI'. 11.
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
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II. HISTOIRE
demande, que l'avoyer Teehtermann se chargea de raliser. On
avait vu en Italie et en Allemagne les Jsuites abandonner les
dignits dont ils taient revtus pour mourir dans leur Socit
rajeunie. Antoine Hausherr, Joseph de Schaller et Laurent Doller, trois vtrans de la Compagnie, s'empressent d'imiter ce
dvouement filial. En 1821, Louis Fortis runit dans une ViceProvince, dont le Pre Godinot est cr chef, la Suisse, les Missions de Hollande et de Belgique, ainsi que la Saxe.
Tandis que les cantons catholiques contractaient alliance avec
les Jsuites, et que le Pre Jean Roothaanparcourait le Valais en
rpandant partout des fruits de salut, un orage grondait Fribourg sur les disciples de Loyola. Depuis prs de vingt ans, les
Cordeliers y taient chargs de l'instruction primaire. A la tte
de cette cole apparaissait le Pre Grgoire Girard. Un nouveau
mode d'enseignement avait t introduit par ses soins ; c'tait la
mthode lanastrienne, l'enseignement mutuel et les ides de
Pestalozzi combins et modifis avec une ingnieuse habilet. Le
plan du Pre Girard tait neuf; comme toutes les nouveauts, il
dut subir les alternatives de la discussion. Il eut des partisans
et des contradicteurs. Les Jsuites n'avaient pas encore pntr
Fribourg, et dj l'Evque de Lausanne, juge comptent en matire d'ducation, s'tait prononc contre le mode adopt. 11 avait
mme demand au grand Conseil de l'interdire. Lorsque le Collge eut t mis entre les mains de l'Institut, les Pres, se conformant aux prescriptions piscopales, n'agrrent pas les principes de Girard. On saisit ce prtexte pour les accuser d'avoir
impos au prlat la condamnation du Cordelier. Ses amis s'agitent ; les ttes s'chauffent. A cette poque, tout devenait matire insurrection. Dans la nuit du 9 au 10 mars 1823, on se
porte en tumulte sur le Collge. Le Pre Girard n'avait cherch
qu' tre utile aux enfants dans la sphre de ses attributions ; son
nom sert de cri de ralliement contre les Jsuites : on les menace
de mort, on les outrage dans leur silence. L'meute n'tait qu'un
premier essai des forces radicales ; elle s'apaisa devant l'indiffrence publique. Le Pre Girard avait eu, sans le vouloir, des
auxiliaires qui compromettaient sa cause. Le 26 mai, l'Evque
.
de Lausanne, exposant les motifs de son interdiction, justifiait
.
CHAP.
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
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92
CHAP. II.
HISTOIRE
rgents, directeurs des mes et catchistes. Le traitement allou
par les gouvernements aux professeurs employs dans les Collges
n'excde jamais six cents francs, et c'est avec cette modique
subvention qu'ils doivent vivre et porter partout la bonne nouvelle de l'vangile. Ils sont dans le Valais ainsi qu' Fribourg
instituteurs et missionnaires ; mais leur zle ne s'arrte pas ces
deux cantons. A Schwytz, Zug, Uri, Unterwald, Lucernc,
Genve, Soleure, Neuchtel et Berne, il y a des catholiques qui les invoquent, des prtres qui sentent le besoin de se
fortifier dans la vertu, des villages abandonns qui rclament avec
instance les consolations et les secours de l'Eglise. Ce sont les
Jsuites qui exaucent ces prires, qui rpondent ces voeux. Ils
se mettent, partout et toujours, aux ordres des Evoques ou des
Vicaires apostoliques ; ils se multiplient, afin de propager la charit dans les coeurs et de vaincre l'esprit d'indiffrence ou de
doute. Ils marchent, ils travaillent sans relche. A Dusseldorf, ils
habitent une partie de leur ancien Collge; ils rveillent dans
cette ville les sentiments de Foi et de pit ; ils y combattent avec
succs une nouvelle secte de Momiers, dont le comte de Beck
s'est constitu le champion. A Hildesheim, les Pres Liisken,
Van Everbroeck et Meganck, avec treize autres Jsuites, sont
occups des mmes soins. A Brunswick, les magistrats protestants ne veulent plus se sparer du Jsuite que l'Evque d'Hildesheim envoya comme un messager de paix. A Dresde, o le
Pre Gracchi possde la confiance de la famille royale, et o il
dirige tout la fois la conscience du Monarque, l'hpital de la
ville et tous les enfants catholiques, une meute clate en 1830.
C'est sur les Jsuites seuls qu'elle veut frapper : elle assige donc
la maison o rsident quelques Ecclsiastiques sculiers. Gracchi
est au milieu d'eux ; il entend les imprcations et les menaces de
la foule. Il se prsente elle : Vous demandez les Jsuites?
s'crie-t-il ; je suis seul de mon Ordre dans cette maison, et me
voici. Gracchi tait connu, tait surtout aim par sa charit.
La multitude s'incline devant lui, et le tumulte est apais.
Peu d'annes auparavant, l'Allemagne protestante s'tait
mue Tabjuration de Frdric-Ferdinand, duc d'AnhaltKoethen. Dans un voyage que ce Prince fit Paris en 1825,
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
93
protestants.
94
II. HISTOIRE
A cette poque, la presse rvolutionnaire se croyait tout
permis contre les enfants de saint Ignace. En France, on les
attaquait avec le sarcasme quotidien et la phrasologie parlementaire. En Allemagne o les haines ont quelque chose de plus
srieux, on essaya de battre en brche la Compagnie de Jsus,
en lui prtant des attentats contre les personnes. Le nom du
Pre Beckx avait du retentissement ; il se mlait un acte dont
les susceptibilits luthriennes s'taient montres profondment
blesses. Dans la Saxe et dans le duch de Brunswick, principalement les esprits s'agitaient. La tempte qui, en juillet
,
1830, avait clat sur la France, faisait fermenter le levain rvolutionnaire ; les Protestants se servirent de cette exaspration
pour perdre Beckx. Un journal, devant sa clbrit son fanatisme anticatholique paraissait Leipsick sous le titre de la
Sentinelle canonique (der canonische Wachter). Vers la fin
de l'anne 1830, Hurlebusch, prsident du consistoire du duch
de Brunswick, signe et publie dans cette feuille une dclaration
par laquelle Je Pre Beckx Kcelhen, et le Pre Lsken Hildesheim, Jsuite octognaire, avaient tent de convertir un protestant de Wolfenbttel. On affirmait encore qu'ils avaient os
lui mettre le poignard la main pour assassiner un prdicateur
de Brunswick.
Uu pareil fait, jet dans la polmique une pareille poque,
dut ncessairement voquer beaucoup de crdulits assez robustes
pour accepter et propager le mensonge. L'attentat du Pre
Beckx devint le sujet de toutes les conversations et de toutes les
terreurs. La calomnie d'Hurlebusch portait coup; il voulut l'entourer d'une notorit encore plus grande. Il publia une brochure
dans laquelle les circonstances du crime et de ta provocation
taient racontes avec un luxe de dtails qui ne permettait plus
le doute. Timpe, le nophyte du Jsuite transform en Vieux de
la Montagne avouait que le Pre Beckx lui avait enseign que
,
tuer les hrtiques tait une oeuvre mritoire devant Dieu. Le
pasteur de Brunswick avait t la premire victime dvoue
son poignard. Ce pamphlet, qui faisait reculer la civilisation de
deux ou trois sicles, fut rpandu profusion dans toute l'Allemagne. Il servit de lecture aux enfants des coles protestantes;
CHAP.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
95
on l'affichait l'entre de ces mmes coles, on le distribuait dans les villes, on le colportait dans les campagnes.
Le Pre Beckx adresse une rclamation au journal protestant,
Ainsi que cela arrive trop souvent avec la libert de la presse
devenue un monopole au profit de quelques-uns, cette rclamation ne servit qu' alimenter la polmique et raviver l'imposture. Le Pre Beckx avait tout ni; le journaliste dmontra
que cette timide assertion tait une preuve de plus, constatant
la vrit des dires d'Urlebusch. Il ne restait au Jsuite qu'
traduire son accusateur devant les tribunaux de Wolfenbiittel.
Les magistrats taient protestants ; mais le disciple de l'Institut avait foi dans leur justice, foi surtout dans son innocence. Beckx mettait son honneur de prtre catholique sous la
sauvegarde de la loi. La loi tait luthrienne, elle essaya de
rester muette. Cependant il fallut bien prononcer sur un attentat qu'on avait si longtemps exploit. Hurlebusch fut condamn comme calomniateur. Il eut recours au tribunal d'appel.
Les magistrats se virent dans l'obligation de confirmer la sentence qui est insre dans la Gazette officielle de Brunswick,
sous le numro 167, de l'anne 1833.
Le prsident du consistoire protestant tait condamn faire
amende honorable et par crit aux deux enfants de saint Ignace.
Pour essayer de gagner du temps et de se soustraire l'humiliation d'un aveu, Hurlebusch entreprit un voyage dans les
montagnes du Harz; il y mourut frapp d'apoplexie foudroyante.
Timpe, son complice, dont les Luthriens s'taient d'abord
faits les protecteurs, prouva ensuite toutes les vicissitudes attaches aune honte divulgue. Il erra de Wolfenbultel Dsseldorf,
deDsseldorf Cologne. Ce fut dans cette ville que, pouss par
le remords, il rtracta devant les tribunaux les imputations dont
il avait charg les Pres Lsken et Beckx. Sa rtractation est
entre nos mains, ainsi que tous les documents relatifs cette
affaire qui occupa l'Allemagne pendant trois annes. Ils prouvent jusqu' l'vidence la malice des uns et la crdulit des autres malice et crdulit qu'il est si facile d'exciter lorsqu'il
,
s'agit d'un Jsuite.
Les nouveaux lments qui constituent la socit europenne
96
II. HISTOIRE
ne permettent plus aux enfants de saint Ignace de prendre une
part active aux ngociations du monde et aux affaires ecclsiasti ques. Le Saint-Sige ne peut plus les revtir du caractre de lgat ou de Nonce extraordinaire et les envoyer travers le monde,
comme Psquier-Brouet, Franois de Borgia, Canisius, PosseCHAP.
vin et Tolet, pour discuter, pour rgler les intrts de la Catholicit tantt avec les rois, tantt avec les peuples. Le cours naturel des choses a remis la Socit de Jsus dans la position que
son fondateur lui avait trace, et dont elle ne sortit qu' son
corps dfendant. Elle est devenue plus religieuse que jamais
dans un sicle o la politique dborde et o chacun se fait une
obligation de citer son tribunal individuel les actes des princes
et les tendances des gouvernants. En.face d'une pareille confusion
dans les ides et dans les pouvoirs, les Jsuites ont sagement pens
qu'il ne leur restait plus qu'un rle jouer. Pour atteindre la
fin que l'Institut leur propose, il importait de s'abstenir de toute
participation aux vnements publics, d'en accepter sans joie ou
sans regret le contre-coup, quel qu'il ft, et de marcher en silence, mais toujours, mais partout, vers le but qui leur tait offert.
Leur action ne devait plus se faire sentir que dans les Collges ou dans les Chaires vangliques ; ils n'avaient mission que
d'apaiser les tumultes de l'me, que de fortifier la pit, que de
conduire la jeunesse au bonheur et la paix par une ducation
chrtienne. Ils ne se dpartirent jamais du plan laiss par le lgislateur de la Compagnie. Ce plan les exposait des soupons,
des accusations, des outrages ; ils s'y rsignrent.
principaux membres del Socit, ainsi
Les Gnraux et les
s'expriment les crivains protestants de la Revue d'Oxford et de
Cambridge l, ont toujours t et sont encore des hommes d'un
grand caractre, prudents, mais avec plus de rsolution qu'on
n'en trouve chez ls gens du monde; ce sont des hommes l'esprit froid et lucide et au coeur chaleureux, que l'on n'a jamais
tax d'insensibilit ; des hommes auxquels on peut se fier dans
les affaires, qu'ils traitent avec une grandeur de procds bien
diffrente de cette petite finesse qu'on prend quelquefois pour de
i Revue d'Oxford et de Cambridge, 1845. Parmi les rdacteurs de celle Revue
l'on compte lord John Manner el M. Snrylhe, membres du Parlement.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.'
"97
l'habilet. Sous la conduitede ces admirables guides, et combattant sans relche pour la cause de la vertu, de la puret, de l'ordre civil et religieux, marche la grande arme des Jsuites, grande
non par le nombre , mais par les oeuvres, et compose de prdicateurs loquents, de missionnaires auxquels/les plus rudes travaux ne font point perdre l'urbanit des manires, d'hommes de
lettres au got sr et l'imagination vive, de savants ayant la
passion de l'tude sans en avoir la monomanie, d'hommes vivant
dans le monde sans tre mondains.
C'est sous ces traits que des Anglicans peignent les vieux et les
nouveaux Jsuites. Les Anglicans commencent rougir de la
crdulit et de l'injustice de leurs devanciers ; en Suisse, le mouvement des ides n'avait pas, en 1831, sanctionn une pareille
quit. Les Jsuites restaient trangers aux commotions agitant
l'Europe. Oft avait pris leur nom pour servir d'tendard aux esprances rvolutionnaires ; lorsqu'elles crurent leur triomphe assur,
ce fut aux Jsuites qu'elles essayrent de reprocher la lenteur de
leurs suecs. Le Collge de Fribourg prosprait : il tait une
source de richesses pour le pays, un gage de scurit pour les familles. La France, la Belgique et l'Italie se trouvaient aprs 1830
dans une position voisine de l'anarchie ; le canton de Fribourg
s'y associa en portant au pouvoir certains Radicaux, qui ne proclamaient la libert que pour rgner par l'arbitraire. La Compa^gnie de Jsus tait menace dans son existence ; mais le contact
et la responsabilit du commandement calmrent peu peu les
efferverscences radicales. C'tait l'opposition de 1818 qui triomphait ; elle n'osa pas s'aliner le peuple et le Clerg en appliquant
ses doctrines. Les magistrats et le grand Conseil de Fribourg faisaient cause commune avec la dmocratie agissante ; le nouveau
gouvernement sacrifia ses hostilits au bien-tre du plus grand
nombre. Le Radicalisme fit sa paix avec les Jsuites ; depuis ce
jour, rien dans ce canton n'a troubl la bonne harmonie.
98
CHAP. II.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
99
CHAPITRE III.
La restauration des Bourbons et la France de 1814.
Le prince de Talleyrand
conseille Louis XVIII de rtablir les Jsuiles. Hsitation du roi.
Mesures
que prend le ministre disgraci.Siluation des Pres del Compagnie en
France. Le Pre Varin el les Pres de la Foi
Les Jsuiles en prsence de
la Charte constitutionnelle. Leur existence est-elle lgale? Le Pre Varin
fonde l'Institut des Dames du Sacr-Coeur, de la Sainte-Famille et de NotreDame. But de celte triple fondation. Le Pre Delpuits cre la Congrgation.
Ses
but.
commencements
et
son
de l'glise gallicane font appel aux Jsuites pour leurs petits sminaires. Fon
dation de huit maisons. Le cardinal de Baussct et les Pres de la Compagnie.
Mauvais lerraiu sur lequel ils se placent, -r- La presse constitutionnellese fait
l'adversaire de l'Institut et de la royaut. Mort du Pre de Clorivire. Simpson lui succde. Sa lettre aux suprieurs.Les vritables monita scrta des
Jsuites. Leur politique mise nu. Commencement des Missions.Les Evques forcent les Jsuites devenir Missionnaires. Les Pres se rsignent l'impopularit pour obir aux ordres des prlats.Mission de Brest. L'meute el la
libert. Les principaux Missionuaires de la Compagnie. Le Pre Guyon.
Effet produit par ses Missions. L'abb de La Mennais avec les Jsuites. Lettre
du Pre Rozaven au Pre Richardot sur la neutralit garder envers le systme de
M. de La Mennais.Confrence de Rozaven et de La Mennais. Le Pre Godinot
et. l'auteur de l'Essai sur l'indiffrence. Leur correspondance. Mconleulement de La Mennais. Le Pre Raymond Brzozowski partisan de ses doclrins. La Mennais appelle les Jsuites marcher sous son drapeau.Mt. de Carn
' blme les Jsuites.
Les partis extrmes invoquent ou fltrissent les Pres.
Influence qu'on leur suppose. Le Pre Ronsin la lle de la Congrgation.
OEuvres de l Congrgation. La Chapelle des Missions-Etrangres Exercices des Congrganislcs. Fondations pieuses. La Socit des Rounes-OEu-
100
CHAP. III.
HISTOIRE
Une rvolution aussi dcisive dans les ides que dans les
moeurs venait de s'accomplir en France. Cette rvolution, dont
le foyer permanent tait Paris, ragissait toutes les extrmits
du monde. Malgr les dsastres militaires et la chute de l'Empire, la France, trahie par la victoire, rgnait encore moralement
sur l'Europe. Le retour des Bourbons, l'enthousiasme universel
qui les accueillit, les prit=icipes de religion, de monarchie et d'ordre que Napolon avait su remettre en vigueur, tout tendait
persuader qu'il serait possible un jour de dominer les instincts
dmagogiques. Il n'y avait qu' suivre la ligne trace par
l'Empereur avec une si prudente nergie. Il ne fallait restaurer du pass que ce qui tait bon et acceptable en soi, qu'ouvrir aux ides nouvelles un lit dont la mesure devait se combiner
avec-tous les intrts. Les vnements furent plus grands que les
hommes : les Bourbons succombrent sous la tche que la Providence leur imposait.
Aprs les premiers lans d'une joie dont les tmoignages clatrent avec unanimit, la France de monarchique que Bonaparte
l'avait faite, se vit tout--coup ramene ses errements rvolutionnaires. Il la laissait religieuse : les Bourbons allaient permettre qu'on corrompt sa Foi. Lorqu'en 1815, aprs la bataille de
Waterloo, le prince de Talleyrand, prsident du Conseil, voulut
s'entendre avec Louis XVIII sur les moyens employer pour pacifier les esprits et consolider le trne, l'ancien Evque d'Autun
ne craignit pas de dvoiler au roi sa pense : Sire, lui dit il,
Votre Majest espre se maintenir aux Tuileries : il importe donc
de prendre ses prcautions. Une sage et forte ducation peut
seule prparer les gnrations nouvelles ce calme intrieur,
dont chacun proclame le besoin. Le remde le plus efficace pour
y arriver sans secousse, c'est la reconstitution lgale de la Compagnie de Jsus. Louis XVIII en tait encore aux arrts des Par-
DE LA COMPAGNIE DE JSUS
101
102
CHAP. III.
HISTOIRE
assez rapproch, la Compagnie ne devait tre qu'un souvenir.
Les Pres de la Foi de Jsus* dont l'abb Varin tait suprieur, et
qui n'avaient pas suivi l'exemple de leurs associs allant se runir
la Compagnie de Jsus, ressuscite en Russie, commenaient
voir se raliser le plus cher de leurs voeux. Ils s'taient dvous
l'Institut de saint Ignace lorsque tout lui semblait hostile. Ils
avaient espr qu'ils seraient comme les pierres d'attente destines la reconstruction de l'difice. Ils demandaient y tre
agrgs au moment o l'Europe faisait servir le succs de ses
armes la restauration des ides d'ordre.
L'intention de l'abb Varin se manifestait par les oeuvres. Les
Pres de la Foi avaient, ainsi que les anciens Jsuites, partag
et adouci les maux de 1 Eglise. Ils s'taient vus proscrits par Napolon : ils sollicitaient l'honneur d'tre proscrits encore. Parmi
ces Pres, qui ont dj fourni la Socit de Jsus des hommes
tels que Rozaven, de Grivel, Kohlmann, Sino et Godinot, on
remarque Germain DumoucheL, Eloi Dutems, Edmond Cahier,
Nicolas Jennesseaux, Augustin Coulon, Antoine Thomas, Pierre
Cunet, Leblanc, Gloriot, Debrosse, Sellier, Barat, Roger, Gury,
Ronsin, Loriquet, Joubert, Boissard, Bquet et Ladavire. Ces
prtres sont connus Paris et dans les provinces par leur zle
clair et par une charit qui sait se rendre aimable. Le Pre de
Clorivire a t pendant ce temps investi des pouvoirs ncessaires
afin de rtablir la Socit en France et d'accueillir individuellement dans son sein les Pres de la Foi, dont les services passs
furent accepts comme un Noviciat anticip. Ils ont combattu, ils
ont enseign: ils possdent donc des amis et des lves. Quelques jeunes ecclsiastiques, des laques mme se proposent pour
renforcer les rangs des vieux Jsuites. Ils se prsentaient dans les
conditions exiges par saint Ignace : ils sont reus, car, dans ce
moment de transition, l'Ordre sent de quelle importance il est
pour lui de s'offrir l'Eglise aussi nombreux que possible. Les
choses en taient l, lorsque Pie VII publia la bulle qui rtablissait la Socit. Les Jsuites de France comprenaient les difficults
de leur position et celles que le gouvernement de Louis XVIII se
suscitait comme plaisir. Us ne voulurent pas user du droit de libert que la Charte confrait tous les Franais. Ils se voyaient d-
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. III.
HISTOIRE
5 octobre. 1814, appelaient les Jsuites. Us leur confiaient les
fonctions les plus difficiles du saint ministre; ils les chargeaient
de l'ducation. Ces Jsuites, soumis, comme les autres prtres,
la juridiction piscopale et aux lois du royaume, ne recevant que
des prlats le privilge de prcher, de confesser et d'enseigner,
se contentaient dans leur for intrieur de suivre la rgle de saint
Ignace de Loyola. Comme corporation, ils n'avaient, ils ne sollicitaient aucune existence civile, nul droit de possder ou d'acqurir, nulles prrogatives dans l'ordre religieux ou politique,
aucun caractre que celui de prtre franais.
Des dcisions judiciaires ont jadis, il est vrai, dtruit la Compagnie de Jsus : un dit royal sanctionna ces dcisions. Les lois
rvolutionnaires, tout en les frappant de nullit, leur donnrent
une nouvelle vigueur lorsqu'elles proscrivirent les corporations
religieuses et sculires. Mais l'autorit de la chose juge ne s'tend que sur le pass, sur l'tat de choses qui subsiste au moment
o l'arrt est intervenu; elle ne saurait exercer aucune influence
sur l'avenir. La Constitution de 1791, d'accord avec la loi
de 1790, dclare ne plus reconnatre les voeux perptuels de Religion ; le dcret du 18 aot 1792 supprime J toutes les Congrgations et confrries dans les termes les plus gnraux et les plus
absolus. Ces lois furent virtuellement abolies aussitt que Bonaparte eut pris les rnes de l'Etat ; il se fit un devoir et une gloire
de relever les autels. Comme la Religion catholique ne peut vivre
sans voeux et sans congrgations, l'Empereur fut oblig de subir
cette exigence, qu'il encouragea, qu'il combattit, qu'il tolra
tour tour, selon les calculs de sa politique ou les impulsions du
moment. Les Pres de la Foi, par un dcret de messidor an xn,
Art. 8. Il n'estau surplus on rien drog notre ordonnance du 22 juin dernier, qui maintient provisoirement les dcrets et rglements relalifs l'Universit.
Sont seulement l'apports lous les articles desdils dcrois et rglements contraires la prsente.
Art. 9. Notre Minisire secrtaire d'Etal de l'intrieur est charg de l'excution
de la prsente ordonnance.
Donn au chteau des Tuileries le 5 octobre de l'an de grce 1814.
Sign Louis.
Par le roi : Sign L'ABB OE MOMTESQUIOU
Ce dcret fut rendu lorsque Louis XVI tait dj prisonnier au Temple. Il n'est
pas sanctionn par.le roi, el, ans termes tncnvs do la Constitution il n'a par Consquent jamais cl obligatoire.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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106
C1IAP.
III.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS,
107
obtenir l'essenlicl.
Tout tait reconstituer dans l'Eglise de France; Portalis se dvoua cette
tache, et, avec l'aide du Premier Consul, il parvint son but. M. de Crousciihes
et la roiitessc de Grammrml avaient mis le Pre Varin en rapport avec le conseiller de Bonaparte. Portalis connut et apprcia la plupart des futurs Jsuites.
II devint leur ami, el il les protgea souvent contre les dnonciations de la police.
C'est ainsi que le 18 fructidor au x il rend compte par crit Bonaparte de ses
entretiens avec le Pre Varia dont Fouch avait saisi la correspondance. Plus
,
lard, en 1804, Portalis parat abandonner
ses protgs; mais au milieu de ses injustices calcules, on sent encore percer les bienveillantes intentions du minislie
des cultes eu faveur des associations religieuses que le cardinal Fesch dfendait.
108
CHAI*.
lit HISTOIRE
,.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
109
villes. Grenoble, Rennes, Nantes, Lisieux, Toulouse et Poitiers obtinrent leur Congrgation relevant de celle de Paris ; Lyon
eut la sienne aussi, mais distincte et indpendante. Dans l'espace de quelques annes, de 1801 1814, le Pre Delpuits
compta, au nombre de ses Nophytes, des personnages qui devaient honorer l'piscopat, la pairie, les armes et la science.
Dans ls registres de la Congrgation, on lit chaque page des
noms devenus illustres. Ici c'est le mdecin Lannec et Alexis de
Noailles, les trois Gaultier de Claubry et le comte de Breteuil,
Nicolas, Robert et Justin de Maccarthy et le mathmaticien Binet,
Louis-Charles de La Bdoyre et le jurisconsulte de Portets, le
savant Cauchy et le duc de Bthune-Sully, l'loquent Hennequin
et le duc de Rohan , le docteur Gruveilher et le marquis de Mirepoix, Ferdinand de Berthier et le marquis de Rosambo. Sur
ces mmes listes se prsentent des jeunes gens ou des hommes
faits, que le Clerg a vus ou voit encore sa tte. On y remarque
des Evques, tels que Brute, Martial, Forbin de Janson, Feutrier,
de Mazenod et de Jerphanion ; des prtres, qui, comme le Sulpicien Teyssre et les abbs Carron, Desjardins, Mansuy, de
Retz et Auge rendirent l'Eglise et au royaume des services
,
qui ne' sont pas oublis. En 1810, la Congrgation rvlait son
influence ; elle contrariait les projets antireligieux de l'Empereur :
elle fut supprime par un dcret. L'abb Philibert de Bruyard
,
devenu plus tard Evque de Grenoble, se chargea d'en runir
les membres pars. Elle vcut silencieuse et proscrite jusqu' la
chute de Napolon. En ce moment, l'abb Legris-Duval, dont
le nom est populaire par l'onction de sa parole et une charit sans
bornes, dirigeait les Congrganistes se rassemblant dans une
chapelle intrieure des Missions-Etrangres. Au mois de septembre, il confia ce patronage au Pre de Clorivire, nomm
depuis peu de jours suprieur de la Socit de Jsus en France,
et cherchant en cette. qualit en runir les dbris >
Tels furent les soins des Jsuites : ils fondrent des institutions dans le temps mme o l'ide de leur rtablissement paraissait une chimre ; ils allaient s'organiser quand le retour de
Bonaparte, au 20 mars 1815, les dissmina de nouveau. Aprs
les cents jours, il leur fut permis d'esprer quelques annes de
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CHAP. III.
HISTOIRE
calme : il rsolurent de les employer au triomphe de la Foi et
l'ducation. De grandes choses avaient t obtenues par de faibles
moyens. La persvrance avait triomph des obstacles, et, au
milieu de la crise qui abattait le trne imprial, ils sentaient que
leur concours aurait une salutaire efficacit. Ils se reconstituaient
en silence; mais ce travail intrieur n'empcha pas les Pres de
se livrer aux oeuvres extrieures. Les uns prchrent dans les
villes, les autres professrent dans les Collges, tous cherchrent
se donner des frres, car leur petit nombre et la vieillesse de
plusieurs taient un sujet d'inquitude pour l'avenir. Us dsiraient que les Novices pussent se former l'cole des matres
qui, aprs avoir vu les derniers jours de l'ancienne Compagnie,
achevaient leur vie dans les angoisses de l'exil et dans les luttes
du martyre. C'tait pour des Jsuites un prcieux enseignement;
le ciel ne le refusa point leurs voeux. Ils appelaient des jeunes
gens pleins de zle, de pit et de science, il s'en prsenta sur
tous les points.
La Restauration de 1814 runit les partis dans un seul. On
tait fatigu du crime, de la gloire, surtout de cette guerre ternelle qui tuait les gnrations presque au berceau. La France
avait soif de la paix, de l'ordre et du bonheur de la famille.
Louis XVIII tait destin la faire jouir de ces biens. Il s'essaya
au rle de souverain-constitutionnel, quand il n'aurait d songer
qu' tre le pre de la patrie.
La Rvolution tait vaincue ; elle se rallia sous le canon que
la Charte permettait de tirer contre les ides religieuses et sociales. La Rvolution s'avouait condamne par son fait l'impuissance; elle se transforma en amante forcene du sceptre
constitutionnel. Elle adopta la Charte comme le palladium de ses
esprances, comme le blier avec lequel il lui serait facile un jour
d'branler le trne des Bourbons. Les lments de force et d'autorit taient partout : il n'y avait qu' s'en servir avec discernement. Louis XVIII laissa douter de la puissance dont la force
des choses l'investissait. 11 courtisa une vaine popularit, il flatta
les indiffrents, il trembla devant ses adversaires, il craignit d'encourager ses amis. Il eut toutes les faiblesses de l'amour-propre,
sans avoir un seul jour un vritable lan d'orgueil royal ; il ne
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
'111
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CHAP. III.
HISTOIRE
leurs vieilles antipathies, leurs jeunes passions et- leur exprience pour tromper les hommes. On vit donc les dbris de l'a
Philosophiedu dix-huitime sicle et les Constitutionnels de 1818
faire cause commune contre les Jsuites.
L'Eglise de France tchait de se reconstituer dans les limites
que la Charte lui imposait : elle crait des, coles ecclsiastiques ;
beaucoup d'Evques se montraient jaloux d'en confier la direction - l'Ordre de Jsus. Par le bien opr dans les tablissements o elle prenait racine, il tait facile de prvoir celui qu'elle
raliserait plus tard. Les Jsuites avaient un plan d'tudes, des
professeurs habitus l'enseignement, des traditions qui leur
apprenaient les moyens de se faire aimer des jeunes gens et
d'obtenir leur confiance. L'piscopat bnissait ces dbuts, et le
cardinal de Beausset, l'une des lumires du Clerg, en constatait
lui-mme les fruits. Le 28 juillet 1819, il crivait au Pre
Cunet : Bien peu d'annes ont suffi, Monsieur, aux respectables directeurs du petit Sminaire de Sainte-Anne pour oprer
de grands biens. Son utile influence ne s'est pas renferme dans
les limites du diocse qui l'a vu natre. Elle s'est dj tendue
sur une grande partie de la Bretagne. Cet tablissementest appel
rendre des services inapprciables toutes les classes de la socit par le bienfait d'une ducation vertueuse et d'une instruction approprie toutes les conditions.
principal de-son institution est sans doute de pr Le but
parer ch?s sujets a l'tat ecclsiastique, mais il sera toujours heureux que ceux d'entre eux qui ne s'y trouveront pas appels par
une vocation suffisante aient au moins reu , dans leur premier
ge, les principes et les habitudes de religion et de morale qui
forment les bons chrtiens et les bons citoyens.
Voil, monsieur, le vritable point de vue sous lequel j'ai
113
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
toute la satisfaction que lui donne la prosprit toujours croissante du petit Sminaire de Sainte-Anne.
Vous connaissez, Monsieur, l'estime que j'ai toujours pro
fesse pour votre respectable association. Je l'ai proclame dans
toutes les occasions qui ont pu s'offrir moi dans le cours d'une
vie dj bien avance.
De semblables lettres arrivaient de tous les diocses aux enfants de saint Ignace. Le Clerg et les Catholiques reconnaissaient
leur qualit de Jsuites ; mais, pour ne pas compromettre l'Institut ou par un reste d'habitude, on ne les acceptait dans les relations ordinaires de la vie que comme prtres sculiers. Cette position mixte avait des inconvnients qu'aucun avantage rel ne
balanait. Elle offrait prise aux conjectures; elle pouvait faire
accuser la Socit de manoeuvres tnbreuses ; elle permettait
des ministres hostiles ou mal disposs de prendre ombrage d'une
prcaution dont personne ne s'occupait. Les Pres n'avaient pas
cru devoir solliciter une autorisation d'existence lgale qui, dans
l'tat des choses, aurait pu compliquer les intrts de l'Eglise.
La Charte leur garantissait la libert, ils n'osrent pas aller plus
loin. Par dfiance du mauvais vouloir administratifou pour donner une impuissante satisfaction leurs ennemis, ils cachrent .^
leur titre de membres de l'Ordre de Jsus sous une dnomination
clricale. Cette concession enhardit le Libralisme. Les Jsuites T
redoutaient l'clat ; la demi-obscurit dans laquelle ils s'enveloppaient se transforma tout--coup en un sourd complot contre la
Charte. Us ne gagnaient du terrain que sur les champs de bataille
de l'ducation ou de la chaire : on les souponna de tendre par
des voies occultes au gouvernement de l'Etat. Us avaient espr
que le mystre les protgerait contre les mensonges dont l'ancienne Socit tait tombe la victime, ce mystre fournit des
armes la calomnie. Ils craignaient de s'avouer Jsuites, le Libralisme prit tche d'en voir et d'en mettre partout. Ce parti
n'tait pas encore aguerri ces attaques de plume, cette incessante polmique qui, dlayant toujours la mme imposture
sous mille couleurs diffrentes, l'inculque enfin dans l'esprit des
masses comme un fait avr.
Le journalisme, naissait l'art qu'il surnomma depuis la vie
vi.
'
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CHAP. III.
HISTOIRE
intellectuelle. Fond par des censeurs qui firent leurs premires
armes sous Fouch et sous Savary, il apprenait balbutier le nom
de la libert. II se faonnait l'hypocrisie constitutionnelle, il
essayait son pouvoir encore mal affermi, il se crait dj l'interprte jur de l'opinion publique. Dans tous les pays cette facult
de parler chaque matin aux multitudes est un droit dont il sera
toujours impossible de ne pas abuser ; en France, l'abus se signala mme avant le bienfait. La presse rvolutionnaire de 1817
1830 ne ft point vnale, elle trafiqua rarement de ses opinions; mais, part cette justice que l'histoire doit lui rendre, il
faut bien dire qu'elle poussa aussi loin que possible le cynisme
du mensonge. Elle s'tait donn deux adversaires combattre,
la Religion et la Lgitimit. On la vit les poursuivre avec un
gal acharnement. Quand elle s'aperut que ses efforts n'taient
pas toujours couronns par le succs, elle chercha une dnomination qui, en sauvegardant les apparences monarchiques, devait
cependant confondre l'Eglise et le trne, les prtres et les royalistes dans la mme haine. Le nom de Jsuite fut invent.
Tandis que cet orage s'amassait sur leurs ttes, les Pres de la
Compagnie se portaient partout o le salut des mes et la voix
des premiers pasteurs les rclamaient. Dans la maison de la rue
des Postes, au Noviciat de Montrouge, dans leurs petits Sminaires, ils organisaient la prire et l'tude. Sous l'inspiration du Pre
de Clorivire, ils cherchaient beaucoup moins s'tendre qu'
se perfectionner. Mais, au mois de janvier 1818, Clorivire, accabl sous le poids ds annes, sentit que son bras n'tait plus
assez fort pour gouverner. Il avait rtabli en France la Socit de
Jsus, il aspirait mourir simple Jsuite dans cette maison o
il avait command. Le 9 janvier 1820 il expira. Quelques mois
plus tard, le 5 octobre, le Pre Barruel le suivit dans la tombe *.
'Augustin de Barruel, dont les ouvrages furent longtemps populaires, tait entr fort jeune dans l'Ordre de Jsus. Pendant la Rvolution franaise, il affronta
souvent la mort. C'tait un homme d'un courage encore plus grand que son talent.
En 1793, il entreprit de ramener l'Eglise le vieux GobeJ, qui avait mme apostasie
son apostasie constitutionnelle et son tilre d'Evque intrus de Paris. Barruel le
convainquit, il l'braula; mais le Jsuite voulait lui faire publiquement rtracter son serment, Gobel ne s'en sentait pas le courage: Eh bien ! lui dit un jour
Barruel, ce sera moi qui lirai eu chaire, dans la Mtropole, votre rtractatiou :
je la lirai, vous prsent ; on s'emparera de nos personnes ; on nous; tranera l'chafaud, et de l nous monterons tous deux au ciel. Gobel persista dans son
refus, et cependant, quelques mois aprs, il prit sous le couteau rvolutionnaire.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
115
Louis Simpson avait succd Clorivire^ avec le titre de Provincial. Ancien Jsuite franais, esprit d'ordre et intelligence
pratique, Simpson s'tait ^depuis longtemps runi Stonyhurst
aux Pres de la Province d'Angleterre. Tradition vivante, il devait, par son exemple et par ses leons, faire fleurir l'ancienne
discipline et les vieilles lois. A peine fut-il choisi que, le 25 novembre 1818, il adressa la lettre suivante aux chefs qu'il donnait plusieurs petits Sminaires : En vous tablissant suprieur de cette Maison, il est de mon devoir de vous communiquer
l'ide qu'un sjour de vingt-sept annes dans diffrentes maisons de la Compagnie m'a fait concevoir de son gouvernement.
C'est une exacte copie de celui de l'Eglise : il est donc vraiment
paternel. Le suprieur d'un Collge, d'un Sminaire ou de toute
autre maison est la source de toutes les autorits subordonnes
par lesquelles il la gouverne; car il exerce le commandemerft
qui lui est .confi moins par lui-mme que par ses collaborateurs, et c'est en soutenant et en faisant respecter les autorits
infrieures qu'il fait respecter et aimer la sienne. Nos Constitutions lui donnent un ministre, qui est comme sa main droite,
puisque par lui il maintient la discipline domestique dans l'intrieur de la maison. Elles lui donnent un procureur pour tenir
les recettes et les dpenses; ce procureur doit rendre compte
tous les mois au suprieur en prsence de son ministre; un prfet d'Eglise pour tout ce qui regarde le service divin ; un prfet
des classes pour ce qui regarde les tudes; des professeurs et
rgents pour gouverner sous lui chacun sa classe, enfin des prfets de moeurs pour surveiller les lves durant les tudes et les
rcrations.
Le suprieur, instruit par les comptes qu'on lui rend des
temps marqus, ou qu'il se fait rendre toutes les fois qu'il le juge
propos, sait et voit pour ainsi dire tout ce qui se passe, rectifie
ce qui n'est pas bien. Corrige ce qui est mal, et dirige tout sans
entrer dans un dtail infini qui absorberait tout son temps et
l'empcherait de s'occuper de choses plus importantes, et surtout d'tudier l'Institut et d'en acqurir une profonde connaissance, sans laquelle il ne sera jamais qu'un suprieur trs-imparfait et indigne de commander ses gaux et de les conduire
,
116
CHAP. III.
HISTOIRE
la perfection laquelle il,doit tendre aussi bien qu'eux. Un
suprieur de l Compagnie doit toujours tre prt couter ses
infrieurs, mme les plus petits d'entre eux, avec patience,
douceur, bont, affabilit ; ne jamais laisser voir qu'on l'ennuie
ou qu'on l'importune. Toutes les fautes d'un suprieur sont dangereuses : c'est pour lui la matire d'un srieux examen. Il est
bon qu'il soit craint, mais il est bien plus important qu'il se fasse
aimer. C'est ce qu'il obtiendra aisment s'il vit avec eux comme
un pre avec ses enfants, s'il sait les dcharger quand ils ont
trop d'ouvrage, les consoler dans leurs peines, animer; leur courage dans les difficults, prendre soin d'eux dans les maladies,
ne rien ngliger alors, ne rien pargner pour le rtablissement
de leur sartt, prvenir mme leurs indispositions par une nourriture saine et abondante, un logement salubre; accorder leurs
demandes si elles sont justes, si elles ne le sont pas, ne pas les
rebuter, mais leur faire sentir doucement l'injustice ou l'irrgularit de leur demande ; et surtout ne jamais les laisser sortir
mcontents ou ulcrs de sa prsence.
La mme manire d'agir doit avec proportion avoir lieu
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
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CHAP. III.
HISTOIRE
accuss de tenir dans leurs mains orgueilleuses les rnes de tous
les Etats catholiques et le gouvernail de l'Eglise, lorsqu'on proclame qu'ils commandent imprieusement au Vatican, aux Tuileries, l'Escurial et partout, le Pre Roothaan, Gnral de
l'Ordre, adresse ses frres une encyclique : De amore Societatis et Inutitttti nostri. L'ostentation leur dit-il le 7 juillet
,
1830, et l'esprit de vanit sont tout--fait opposs l'esprit de
notre Compagnie, qui est absolument consacre procurer le
bien des autres et la gloire de Dieu et non point chercher
,
une gloire humaine qui, ds-lors qu'elle n'est point le fruit des
bonnes actions, devient vaine et trompeuse et aboutit enfin
l'opprobre. Mais tout ce qu'il y a de grand dans la rputation et
dans l'honneur sera vraiment digne de notre Institut, si, selon
l'esprit de notre vocation, nous nous efforons d'tre utiles tous
les hommes et par les exemples d'une vertu non vulgaire, et par
une doctrine solide, et par les ministres spirituels auxquels nos
Constitutions nous appliquent. Ainsi ce sera cette ombre, telle
quelle, de gloire, qui s'attachera ce que nous ferons de bien, et
ce ne sera pas nous qui nous attacherons cette ombre vaine.
Le Pre Roothaan ne se contente pas de cette apprciation des
honneurs et du pouvoir au point de vue religieux. On a prtendu,
on a rpt que l'humilit des Jsuites, comme individus, tait
relle., mais qu'ils ambitionnaient la gloire et l'influence pour leur
Compagnie. Le Gnral dveloppe ainsi son opinion devant les
Pres de l'Institut. Sa pense exprime, c'est la pense et la volont de tous. Je n'ignore pas, ajoute-t-il dans la mme encyclique, combien cette accusation, si elle s'adresse tous les
membres de l'Ordre, est fausse, outrageante et invente par
ses ennemis pour le rendre lui-mme odieux. Cependant, si un
seul des ntres tait anim de cet esprit de superbe, j'en serais profondement afflig; et je craindrais, non sans quelque
fondement, que la faute d'un seul ne devnt funeste au corps
entier ! Quoi donc! nos rvrends Pres et trs-chers Frres en
Jsus-Christ, cette recherche de la gloire humaine qui serait un
opprobre pour la Religion en particulier et qui apparatrait un
crime devant Dieu, pourrait-on se persuader que, si c'est au
nom de l'Institut qu'on s'y livre, elle deviendra lgitime et un
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. III.
HISTOIRE
chaque jour l'on dressait rquisitoire contre les Jsuites. Ils suivaient la lettre les avis et les ordres de leurs chefs, car les adversairsies plus partiaux de la Compagnie lui ont toujours plutt
-fait un crime qu'un mrite de son aveugle obissance. Avec de
telles instructions pour guide, elle ne devait jamais s'carter de
la voie droite. On ne connaissait pas ces instructions : on improvisa des Jsuites de fantaisie. On les rva riches et omnipotents, parce qu'on ne descendait pas dans leur vie. On imagina
qu'ils allaient tre redoutables, parce qu'il tait convenu dfaire
peur de ce fantme. On les supposa mls tous les vnements,
parce que, pour les besoins de la polmique quotidienne, il fallait inventer un mirage propre entretenir la crdulit, tout en
fomentant dans les masses la haine du prtre.
Cette haine trouva bientt Un aliment. Les Evques ne se dguisaient pas qu'il tait urgent de vivifier l'esprit des populations,
qu'au sortir des bras de la terreur rvolutionnaire on faisait tomber dans ceux de l'athisme lgal. Les divers ministres, qui se
succdrent rapidement au pouvoir, semblaient, depuis 1815,
se coaliser contre l'Eglise et la monarchie. Il fallait opposer un
frein ce dbordement de passions ; l'piscopat eut recours aux
Jsuites. Il pensa que par la sage vivacit de leur zle et par la
force mme qu'ils empruntaient au levier de l'association, ils
pourraient ressusciter les merveilles des premiers temps de la
Compagnie. On forma le projet de rgnrer peu peu la France
par les Missions.
Le 4 aot 1806, Portalis, dans un. rapport l'empereur Napolon, disait : Depuis longtemps les Missions sont connues dans
l'Eglise, et elles y ont fait de grands biens.
Les pasteurs locaux n'ont pas toujours les moyens de s'accrditer dans leurs paroisses ; mais indpendamment de tout
,
fait particulier, il rsulte de la commune exprience qu'il est
des dsordres auxquels les pasteurs ordinaires ne peuvent porter
remde. Ces pasteurs sont les hommes de tous les jours et de
tous les instants; on est accoutum les voir et les entendre;
leurs discours et leurs conseils ne font plus la mme impression.
Un tranger qui survient et qui, par sa situation, se trouve en
quelque sorte dgag de tout intrt humain et local, ramne
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
121.
422
III. HISTOIRE
rle, qui les dominaient par l'loquence, qui popularisaient le
repentir et la vertu. C'tait une rvolution au profit des ides de
travail et d'amlioration sociale. L'Eglise remplaait le club ; les
cantiques pieux succdaient aux chants lubriques ou sanguinaires ; la foul se pressait dans les temples ; lie accueillait avec
joie ce retour vers le Christianisme. On dnatura le principe qui
produisait d'aussi merveilleux rsultats. Il importait d'opposer la
force brutale des dmonstrations pacifiques ; ce fut Brest que
l'on tenta l premire rsistance. Le 21 octobre 1819, le Courrier franais annona : La Mission qui devait avoir lieu Brest
a avort ; les habitants prfrent les inductions morales aux inductions jsuitiques. Afin d'chauffer les esprits, on prtend
que le cur de la ville ne veut pas recevoir les enfants de Loyola.
Des menaces sont profres, des plans sont dresss pour faire
chouer la Mission. Le cur dment le refus qu'on lui attribue.
On a dit que l'Evque de Quimper est hostile aux Jsuites ; le
prlat accourt : il bnit leurs premiers travaux, et, le 24 octobre,
les glises de Saint-Louis et de Notre-Dame de Recouvranee
s'ouvrent la multitude qui se presse-autour de la chaire. Cette
affluence devenait inquitante; les Constitutionnels se mettent
en campagne pour expliquer de quelle manire ils entendent la
libert. Le Clerg ne cde pas aux injonctions du parti ; on le
confond dans l'anathme qui frappe les Jsuites. L'autorit municipale est mconnue et outrage jusqu'au moment o elle
passe l'meute; alors on l'enivre de louanges.
C'tait une tourbe de jeunes gens ou d'hommes trangers au
pays, qui dictaient la loi ; leur nombre pouvait se constater
chaque heure; mais, sachant qu'ils seraient toujours forts contre
la faiblesse, hardis contre l'indcision et la pusillanimit, ils
poussrent la resistan.ee. Le 25, l'Evque de Quimper mande
au sous-prfet : Il est permis d'tre surpris que, sous le gouvernement du roi qui a donn une Charte pour assurer la libert
des cultes et qui a proclam la Religion catholique la Religion de
l'Etat, cette Religion ne puisse jouir Brest de cette libert. Je
ne rclame que la protection de la loi et non sa svrit. Ce n'est
pas moi de tracer aux autorits la manire de la faire respecter. Le 27, il s'adresse au Maire pour dplorer cet attentat. L'CHAP.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. III.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
125
les esprits forts de l'estaminet, n'empchaient pas les Pres d'tudier la marche des ides, de s'appliquer en seconder ou en
suspendre le progrs, selon qu'elles leur paraissaient utiles ou
dangereuses. A peine ne, la Compagnie de Jsus tait, comme
aux premiers jours de sa fondation, devenue un centre o le
prtre, le philosophe et le savant accouraient chercher la lumire.
Les Jsuites la rpandaient sur les uns, ils la recevaient des autres. Ils s'associaient au mouvement que la science imprimait
toutes les tudes, et ce fut alors qu'ils se virent engags avec
l'abb de La Mennais dans une de ces discussions qu'il importe
de juger sur pices.
Dans ce temps-l, Flicit de La Mennais tait un vigoureux
gnie attaquant les ennemis du Catholicisme avec l'arme de l'loquence et de la raison. Esprit lucide et passionn, coeur plein
d'amour et de colre, l'crivain breton cachait un caractre de
fer sous une maladive enveloppe. Son opinitre dialectique, son
ironie tincelante de verve, son style puissant lui avaient en
quelques annes conquis une clbrit dont l'humble candeur du
prtre faisait hommage l'Eglise. L'abb de La Mennais dfendait
les Jsuites, parce que leur cause tait juste ; il les aimait, parce
qu'il lui avait t donn de les voir de prs. Lorsque le systme
philosophique prsent par lui dans le deuxime volume de l'Indiffrence en matire de Religion eut engendr la discorde parmi les thologiens, quelques nuages ne tardrent point altrer
la bonne harmonie existant entre les disciples de saint Ignace et
le Tertullien du dix-neuvime sicle. Les questions qu'il soulevait
lui attirrent des pangyristes et des censeurs. Les uns le salurent comme un dernier Pre de l'Eglise, les autres le critiqurent
avec des paroles dont la fraternit sacerdotale et le respect d
un immense talent auraient pu modrer l'acrimonie. Dans ce combat, qui prpara si tristement la chute de La Mennais, il y eut de
graves torts reprocher aux deux partis. L'crivain se portait le
dfenseur le plus absolu de l'autorit. Avec un ton imprieusement dogmatique, avec une hauteur ddaigneuse, il citait son
tribunal, il jugeait sans recours les coles anciennes et modernes.
Il substituait sa propre raison individuelle au sentiment presque
universel de l'Eglise.
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CHAP. III.
HISTOIRE
Ce systme comptait de nombreux partisans ; il en fit surgir
mme autour des Jsuites. Dans leurs maisons, dans les Sminaires et mme dans le monde, on rtrograda tout d'un coup vers
ces poques o la Scolastique tenait les esprits attentifs et surexcitait les intelligences. Une pareille situation offrait plus d'un danger. Le Pre Richardot, Provincial de France, prit des mesures
pour les conjurer : il interdit les controverses publiques sur ces
matires, et le 12 octobre 1821, le Pre Rozaven lui crivait de
Rome :
Vous avez parfaitement fait de supprimer les thses o l'on
combattait le systme de M. de La Mennais. Outre qu'il ne nous
convient en aucune manire de nous dclarer contre un homme
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
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CHAP. III.
HISTOIRE
que sur le dcret 41e de la cinquime Congrgation Gnrale, il
fit dfense d'enseigner ou de combattre les doctrines du thologien novateur. Il est bien entendu, ajoutait Fortis dans cette
encyclique du 4 octobre 1823, qu'il n'entre nullement dans notre intention de censurer et de condamner aucune de ces propositions ou autres semblables, ou de vouloir que ceux qui les
soutiennent perdent aux yeux des ntres quelque chose de leur
rputation de pit et d'attachement la Religion. Mais nous
jugeons qu'il ne convient pas d'enseigner dans nos coles ces
propositions avant qu'elles aient t approuves par celui rl'autorit" duquel nous faisons profession de rendre une entire soumission d'esprit.
Nous rie nous donnons pas pour les disciples de Descartes ou
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DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
lettre prcdente ; mais, je Vous l'avoue, la demande de communiquer la correspondance de mon Suprieur m'a trangement
surpris, et j'ai cru que mon silence vous suffirait pour comprendre ma rponse.
donc
faut
Il
m'explique.
Vous
insistez,
dsirez
je
et
vous
que
vi.
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CHAP. III.
HISTOIRE
communiquer de ce que le Pre Gnral croirait devoir nous
crire. N'a-t-il pas d'ailleurs quelque droit d'esprer qu'on ne
le souponnera pas de manquer dans sa correspondance, quelle
qu'en soit la matire , ce que lui prescrivent la justice, la prudence et la charit ? Vous invoquez le principe qui dfend accuse.
Il est possible qu'en certain cas ce principe soit vrai ; mais il est
certain que ce n'est pas ainsi que la Compagnie entend user du
droit qu'elle a de dfendre ; il est mme notoire qu'elle a trssouvent dfendu de soutenir des opinions sans les accuser le
moins du monde. La ncessit et le prix de l'uniformit lui suffisent pour proposer des dfenses.
Me permettez-vous, monsieur l'abb, de hasarder encore
un mot? O en sommes-nous, et quelle est notre position respective? La bonne intelligence qui a rgn entre nous viendraitelle donc s'altrer? Nous avons des opinions diffrentes sur des
questions laisses la libert : usons de cette libert les uns et
les autres, mais avec simplicit, sans amertume et mme sans
vivacit. Dans un temps o la cause commune doit nous runir
et nous runit certainement de coeur, je veux, de mon ct,
viter, et travailler efficacement ce que tous ceux sur lesquels
je puis influer vitent tout ce qui peut tendre donner le spectacle dont les ennemis de la Religion ne manqueraient pas de
,
se prvaloir, d'une division qui nuirait aux deux partis devant
Dieu et devant les hommes. Et je vous prie de ne pas regarder
comme compliment l'assurance formelle des sentiments les plus
intimes de vnration, d'estime et de profond respect avec lesquels j'ai l'honneur d'tre, etc.
Devant cette lettre, dont la fermet n'exclut ni la gratitude ni
l'affection, l'abb de La Mennais aurait d ne pas pousser plus
loin ses exigences; mais, comme tous les hommes qui la clbrit est venue, il tait entour de nophytes trop fervents, de
flatteurs enthousiastes ou intresss. On Jui persuada que ce n'tait pas lui reculer en face d'une neutralit cachant des desseins hostiles. Il s'adresse encore une fois Godinot; le Provincial ne juge pas propos de rpondre sa dernire lettre. A
partir de ce jour, les feuilles publiques dvoues l'abb de La
Mennais commencent faire feu sur la Socit de Jsus.
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
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nr. HISTOIRE
Passant un autre ordre d'ides qui dans ce temps-l paraissaient inhrentes aux principes de La Mennais, le Pre Roothaan
disait : Comme on voit en certains pays se rveiller les questions de la puissance du Pape sur les rois dans les matires temporelles, cette occasion nous rappelons tous les ntres les
prceptes imposs, en vertu de la sainte obissance, par les
Pres Claude Aquaviva et Mutio Vitelleschi. Ces prceptes dfendent expressment tous les ntres de s'occuper le moins du
monde de pareilles matires ni dans les crits, ni dans les discours ou leons publiques, ni mme dans les conversations particulires.
Ainsi le premier acte du chef des Jsuites, de mme que le
dernier de son prdcesseur, tait de proscrire tout ce qui, de
prs ou de loin, pouvait se rattacher la politique. On les peignait comme les porte-tendards de l'Ultramontanisme ; on prtendait qu'ils envahissaient, au nom de Rome, toutes les avenues
du pouvoir, et, dans le secret de ses conseils, voil les seuls
ordres que dicte le Gnral. Pour que la Socit de Jsus se pronont sur les doctrines de l'abb de La Mennais, les suprieurs
de l'Institut dclaraient qu'il fallait attendre la dcision de l'Eglise : ils ne prenaient d'engagement ni pour ni contre. L'Eglise
intervint, elle condamna : alors la neutralit des Jsuites fut explique. Cette neutralit apparente cachait un loignement vritable. La Mennais ne se l'tait pas dguis; mais, plus perspicace que ses adeptes, il avait tenu compte aux enfants de Loyola
de leur modration. Tandis que les admirateurs de son systme
i'aisaient cause commune avec le Libralisme afin d'touffer la
Socit de Jsus, lui, plus matre de sa pense, appelait cette
mme Socit d'autres combats. Il rvait pour le monde catholique de nouvelles destines. Dans l'espoir de les raliser, il sentait qu'avant tout il importait de s'appuyer sur les Jsuites. Le
30 aot 1829, le Gnral, en recevant l'autorit suprme, se
maintenait dans la position que Fortis avait adopte; nanmoins
jfieu de jours auparavant, le 2 aot de la mme anne, La Mennais crivait au Pre Franois Manera, Turin :
CHAP.
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
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CHAP. III.
HISTOIRE
trainte de conniver, au moins par le silence, des erreurs trsdangereuses, d'o il rsultera une apparence de duplicit et
d'intrigue, qui la ruinera trs-prpmptement dans l'opinion.
Toute force aujourd'hui consiste se prsenter franchement au
combat, se montrer ds-lors tel qu'on est, et dominer les
intelligences par la supriorit des talents et des doctrines, en
un mot, ne compter que sur soi et sur la vrit. Sans cela,
nulle dure, nulle vie. Et qui peut entreprendre, avec plus d'avantages et de succs que les Jsuites, cette grande guerre, cette
guerre sacre ? Seulement je crois qu'elle exigerait un peu plus
de libert intrieure qu'il n'en existe parmi eux ; et, sur ce point,
je dsirerais, je l'avoue, quelque modification dans leurs rgles.
Tout cela, au reste, n'est que l'avis d'un homme sans consquence et sans autorit, mais, j'ose l'assurer, dvou de coeur
la sainte cause de Dieu et de l'Eglise et tous ceux qui la dfendent, quels qu'ils soient. Continuez, mon bon Pre, je vous
en prie, de l'aimer un peu malgr ses misres qui sont grandes,
et de prier pour lui, et croyez qu'il vous est et ne cessera de vous
tre tendrement dvou en Jsus-Christ.
F. DE LA MENNAIS.
En se reportant l'poque o cette lettre fut.crite, il est facile de se rendre compte des illusions et des sinistres prvisions
qui agitaient l'me de l'auteur de l'Essai sur l'Indiffrence.
Cette nature exceptionnelle, qui avait froiss tant d'amourspropres, finissait par se sentir froisse son tour : elle se repliait sur elle-mme. Du fond de l'abme qu'il entrevoyait, La
Mennais appelait les Jsuites son secours. Le Pre Manera,
quoique jeune encore, tait un de ces caractres qui, par l'intuition du gnie, savent se rapprocher des grandes douleurs.
Profond thologien, tout la fois littrateur et philosophe, il
aimait dans l'crivain franais cet ensemble de qualits qui rend
le gnie vnrable mme aux yeux des hommes forcs de combattre ses erreurs. Il n'eut pas de peine lui dmontrer que les
disciples de Loyola n'avaient jamais t en avant ou en arrire de
leur sicle, mais qu'il ne leur appartenait pas de prendre en tout
l'initiative. Sa rponse fut celle d'un ami et d'un guide plein de
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
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CHAI.
III.
HISTOIRE
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III. HISTOIRE
aucune affaire ecclsiastique. Leur correspondance la plus secrte ne met sur la trace d'aucun complot, soit contre la Charte,
soit contre les liberts publiques et l'Universit. Us demandent
seulement vivre dans leurs maisons; cette prire est toujours
repousse, ce voeu n'est jamais accueilli qu'a moiti. Les documents que nous avons sous les yeux constatent cette position ; en
les parcourant, on sent que les Pres de l'Institut ne sont jamais
assurs du lendemain. Nanmoins, s'il fallait s'en rapporter
l'oppositionlibrale, ce serait cette mme Compagnie de Jsus
qui aurait inond la France de ses Congrganistes et de ses protgs. Elle rgnerait la place des Bourbons ; elle gouvernerait
sous le couvert des ministres ; elle dominerait les uns, elle intimiderait les autres ; elle tiendrait surtout l'Episcopat et le Clerg
CHAI'.-
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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vait, offrant tous tes regards ces paroles : Cor unum et anima
tna, symbole de l'union et de la charit fraternelle qui devait
rgner entre des hommes appartenant aux diverses classes de la
socit. On ne crait aucune distinction d'ge ou de rang. Au
vestibule de cette chapelle, les diffrences de condition s'effaaient
pour faire place l'galit devant Dieu. Le jeune tudiant
s'asseyait ct du prlat ou du pair de France. Le Prfet de la
Congrgation et ses deux assistants avaient seuls des siges rservs. Ces pieux exercices duraient ordinairement de sept heures
et demie neuf heures et demie du matin. Ils commenaient par
la lecture de la vie du saint dont l'Eglise clbrait la fte. On
chantait ensuite le Veni Creator eiX /ive maris Stella; on priait
en commun pour l'Eglise et pour la France ; on procdait la
rception des probationnaires. Alors le Pre Ronsin montait
l'autel pour dire la messe, que les Congrganistes, toujours peu
prs au nombre de deux cents, entendaient genoux, et laquelle ils rpondaient avec les acolytes. La plupart y communiaient. Quand le saint Mystre tait consomm, Ronsin parlait
ses auditeurs de leurs devoirs, il les encourageait la persvrance, il les excitait la pit. Aprs l'exhortation, tous invoquaient le secours de la Vierge, et ils se retiraient en silence.
Dans le plan adopt par les Jsuites, prier en commun tous
les quinze jours n'tait pas assez. Les premiers Congrganistes
multipliaient les oeuvres de la charit chrtienne : ils se visitaient
dans leurs maladies ou dans leurs afflictions; ils distribuaient des
aumnes ; ils venaient en aide l'indigence ou au malheur ; mais
ce zle se renfermait dans des bornes troites. Jusqu'en 1820, il
n'avait pas franchi l'enceinte de la Congrgation. A cette poque, l'abb Legris-Duval, sous l'inspiration des Pres, fonda la
Socit des Bonnes-OEuvres ; aprs lui, Borderies, Evque de
Versailles, et l'abb Boudot, grand-vicaire de Paris, en eurent la
haute direction. Cette Socit se partageait en trois sections embrassant les hpitaux, les prisons et les petits Savoyards. Le
bien s'oprait simultanmentet sur une triple chelle. Les riches,
les heureux, les puissants du sicle acceptaient tour tour avec
joie la mission de descendre dans les hospices et dans les cachots : ils apprenaient aux infortuns ou aux coupables qui y
DE LA COMPAGNIE DE JSCS.
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HISTOIRE
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III. HISTOIRE
au Quirinal et aux Tuileries. On supposa que ce Jsuite , beaucoup plus connu dans les hpitaux que dans les ministres, disposait son gr de la fortune, de l'autorit et des emplois. Le
Pre Ronsin eut tout--coup un de ces pouvoirs magiques qui
ne se rencontraient jadis que sous la baguette des enchanteurs.
Il n'exista plus de monarque dans l royaume, plus de ministres,
plus de Chambres lgislatives plus de justice plus de magis,
,
trats. Le Pre Ronsin inspira tout, il absorba tout. Cette image
CHAP.
l'on juge donc de l'effet d'une association secrte qui jamais ne. semblait avoir
dit son dernier mot, et laquelle tous les projets du gouvernement du roi, toutes ses nominations, depuis les fonctions de prfet jusqu' celles de garde-champlrc, paraissaient des hommages obligs, gages de conqutes plus dcisives
encore.
A la page suivante, M. de Carn dveloppe sa pense. 11 dit : Le seul rsultat
de ces tripotages, dmesurment exagrs, du reste, par l'esprit de parti, fut de
procurer au gouvernement l'appui de quelques intrigants pris dans les filets de
i'anibilion. La majorit du ministre eut vraisemblablement aim se sparer de
ces Irs-iusignifianles intrigues et mettre au grand jour l'exigut du fantme
qui faisait si grande peur dans l'ombre.
Il est prsumable, il est trs-vrai, que certains intrigants profitrent de la Congrgation, des Missions, de la Religion mme, pour les faire servira leur fortune
ou leur parti. Qu'en rsulle-l-it-contre la Congrgation, les Missions et la Religion? n'a-l-on pas vu d'autres intrigants, les mmes peut-tre, abuser d'un principe diffrent, et demander la Rvolution de juillet le trop plein de faveurs qu'ils
n'avaient pu obtenir de la Congrgation? FauHl pour cela impuler au trime et
aux pouvoirs issus du mouvement de 1830 de ne se laisser dominer que par des
ambitieux sans conscience ou par des hypocrites!
Les royalistes n'taient pas assez habiles ; alors comme aujourd'hui, il ne rgnait
pas entre eux assez d'union pour qu'on put les souponner d'avoir, l'aide de la
Congrgation, consacr un plau de dfense mutuelle. Diviss sur les hommes ainsi
que sur les choses, s'isolaut ou se calomniant, aspirant sans cesse commander et
refusant toujours d'obir, irrits contre l'ingratitude des princes et les enivrant
d'loges, les royalistes taient incapables de concevoir iyi plan, de le suivre et de
l'excuter. Ils ne venaient pas la Congrgation comme royalistes, mais comme
Chrtiens. Le dsir de parvenir et celui de prolger ont pu crer des influences
et des clientles; mais de l inspirer une direction politique, violenter les engagements pris, changer les nuances adoptes, il y a loin. On trouvait parmi les
Congrganistes des hommes appartenant foules les fractions parlementaires. La
Foi es runissait dans une prire commune, et au dehors ils marchaient dans des
voies tout opposes. La Congrgation ne put donc jamais tre le lien d'aucune
pense politique.
11 y eut cependant un centre d'influence trs-rel, mais compltement distinct
de la Congrgation. Ce centre a besoin d'tre connu, et celle rvlation servira
expliquer ce qui jusqu' ce jour est rest un mystre pour le public.
Vers les dernires annes de l'Empire, il se forma dans le Rouergue et dans les
provinces du Midi une association dont le but tait d'acclrer la chute de Napolon, espce de franc-maonnerie religieuse et mouarchiqBe qui prit le nom de
Chevaliers de l'anneau. Quand la Restauration eut succd au rgime imprial,
celle socit secrte, au lieu de se dissoudre, lendit constamment dvelopper,
rgulariser son organisation. Elle eut son point d'appui Paris et des comits
dans toutes les provinces. Les hommes d'action Tavaient cre, les politiques et
les habiles s'en emparrent lorsqu'il n'y eul plus de dangers courir. Le duc Mathieu do Montmorency la prsida. Elle lint d'abord ses sances rue Casselle, n 6,
145
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
vi.
io
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III. HISTOIRE
tune de tous taient la merci du Jsuite, il ne fut pas difficile
de faire admettre que les Congrganistes entraient pour leur part
dans ce faisceau d'attributions.
On les accusa d'obstruer les avenues du pouvoir, de se couvrir du masque de la Religion afin de se frayer un chemin vers
les honneurs ; on proclama qu'il fallait: tre pieux, c'est-;-dire
hypocrite* pour conqurir une place lucrative. On parla de destitutions et d'avancements scandaleux; on bera la curiosit
toujours avide des lecteurs de journaux, de toutes les fables que
le Constitutionnel, rdig par M. Thiers, put inventer. Du bureau de rdaction ds feuilles quotidiennes, ces fables se rpandirent dans toute la France. Elles y furent accueillies par- les
adeptes du Libralisme avec une fervente crdulit. Des citoyens
qui croyaient peine en Dieu jurrent, sur la parole de quelques
crivains tels qu'Etienne, Eratry, Jay, Jouy, Martial Marcet,
Thiers et Bohain, que rien n'tait mieux avr. Ils frmirent
aux rcits que chaque soir l'imagination des journalistes brodait
sur la puissance occulte de la Congrgation. Elle n'existait qu'
Paris *, les dpartements se persuadrent qu'elle les enveloppait dans ses innombrables rseaux. Elle couvrait le pays de ses
membres,'elle brisait tout ce qui lui faisait obstacle ou ombrage,
tout ce qui lui paraissait suspect, tout ce qui ne se dvouait pas
elle. On la voyait braver la magistrature et l'piscopat, proscrire les liberts civiles et les liberts de l'Eglise gallicane, appeler au parjure, corrompre ou effrayer, dominer par la sduction
ou par la terreur, s'asseoir au foyer de chaque famille, dpouiller
la veuve et l'orphelin de son hritage 2, et tenir chaque inCHAP.
estait, p.
108 :
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
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CHAP. 111.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
149
Dans
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III. HISTOIRE
son. action prmdite et produisant un effet systmatique;
mais, craignant de laisser trop de prise ceux qui branlaient
le trne,, il sacrifiait la vrit timide aux outrages incessants de
l'erreur. Les choses en arrivrent au point qu'il ne fut plus possible de continuer l'oeuvre qui s'tait dveloppe. Le Libralisme
se montrait absolu, car il n'ignorait pas que, plus il serait exigeant, plus il trouverait auprs du trne des hommes disposs
par la peur lui faire de honteuses avances. Il vocifra avec tant
d'ensemble cpiitre la Congrgation, il cra au Pre Ronsin un
pouvoir si inconcevable!, que l'autorit ecclsiastique elle-mme,
effraye des clameurs, crut les apaiser en sollicitant sa retraite.
C'tait un dsir n d'une pense de conciliation : le Jsuite s'y
rendit l'instant mme. Dans les premiersjours de fvrier 1828,
il abandonna Paris.
La Congrgation tait alors son point le plus florissant ; elle
comptait prs de douze cents noms inscrits sur ses registres.
Dans la situation des esprits, il tait impossible qu'un Pre de
l'Institut se charget de la diriger. L'abb de Rohan et l'abb
Matthieu, tous deux plus tard archevques de Besanon, acceptrent l'hritage de Ronsin. En 1830, cette Congrgation fut dtruite avec la plupart d^s tablissements dont elle tait la mre
et la nourrice.
Une association militaire fonde par Bertaut-Ducoin, capitaine
au 2e de la garde royale, exista pendant quelque temps sous le
titre de Congrgation de Notre-Dame-des-Victoires. Elle avait
sort rglement particulier, et, vivant en dehors de celle du Pre
Ronsin, elle se composait d'officiers des rgiments de la garde.
Plus tard, quelques gnraux et un grand nombre d'officiers de
la ligne y furent agrgs. C'tait dans une chapelle de l'glise de
Saint-Thomas-d'Aquin que la Congrgation se runissait. Bertaut-Ducoin tant mort en 1823, le duc de Rivire prsida ces
assembles, o l'on priait en commun, o l'on cherchait amliorer la destine du soldat en le rappelant par l'ducation ses
devoirs envers Dieu. Dans la pense des fondateurs, l'association
militaire devait rester secrte. Des indiscrtions firent connatre
le nom de ses membres. Quelques-uns sans doute avaient espr
que ce serait pour eux un titre la faveur ; la majorit n!y vit
CHAP.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
151
qu'un arrt de proscription. Sans en tre surpris, ces soldats entendirent le Dauphin dclarer qu'il ne recevrait jamais de Congrganistes chez lui. Le mal tait sans remde ; la presse battait
en brche cette pieuse socit ; elle en grossissait outre mesure
l'importance ; elle dnonait avec acharnement ceux qui ne rougissaient pas de leur Foi ; elle se faisait provocatrice, afin d'exciter dans l'arme des rivalits qui pouvaient amener de sanglants
conflits. Les militaires rsolurent de dissoudre leur Congrgation,
et, au moment o le Pre Ronsin cdait l'orage, on les vit effectuer leur projet.
L'impit, qui avait form une indissoluble alliance avec le
Libralisme, triomphait des Congrgations; elle leur prtait
toutes les forces vives du royaume, et elle venait de les vaincre
par une calomnie sans cesse rpte la foule. Le journalisme
avait la mesure de la faiblesse des Bourbons ; il connaissait leur
dsir de popularit. Le ministre Martignac se proposa de le satisfaire. L'opposition, enhardie par ces lchets officielles, parut
immoler ses rpugnances dynastiques au bonheur de la France.
La France ne voulait plus de Jsuites ; eux seuls avaient sem la
discorde entre le souverain et le peuple, eux seuls entretenaient
dans les coeurs ces sentiments de dfiance que chacun serait heureux d'abjurer au pied du trne le jour o la raison publique obtiendrait vengeance contre les disciples de Loyola et le partiprtre. Charles X et le Dauphin ne purent rsister cette amorce ;
et la cour, se laissant doucement bercer par de trompeuses flatteries crut qu'il n'y avait qu' sacrifier les Jsuites pour s'en,
dormir au bruit inaccoutum des caresses du Libralisme.
152
CHAP. IV.
HISTOIRE
CHAPITRE IV.
Les Jsuites et l'enseignement. Dispositions des Evoques en faveur de la Compagnie. Ses succs. Jalousie de l'Universit. Le Pre Loriquet SaintAcheul. Son Histoire de France. Examen des reproches qu'on adresse
cet ouvrage. Le marquis de Bonaparte, lieutenant-gnral au nom de
Louis XV11I. Imprcation contre l'Empereur. M. Dupin Sainl-Acheul.
Ses relations avec les Jsuites. Les cordons du dais et les vengeances de
parti. Prvisions du Pre Loriquet. Les Jsuites de Saint-Acheul accuss
de gouverner la France. Leur influence vritable. Le Constitutionnel et
ses mensonges. Le comle de Hontlosier publie son Mmoire . consulter.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
153
154
CHAP. IV.
HISTOIRE
adversaires de l'Institut. Les Jsuites possdaient Saint-Acheul,
prs d'Amiens, une cole dont le nom tait devenu un cri de
ralliement pour les Libraux. Saint-Acheul recevait dans ses murs
les enfants des familles les plus illustres de France. Les belleslettres y florissaient avec la pit; les devoirs, les tudes, les
plaisirs, tout y tait rgl dans une mesure parfaite. Cette maison modle avait pour chef un homme d'un caractre tout la
fois doux et ferme, d'un esprit pntrant et plein d'amnit antique. Le Pre Loriquet, n Epernay le 5 aot 1767, se consacrait l'ducation de la jeunesse ; il avait crit dans ce but plusieurs ouvrages lmentaires et entre autres une Histoire de
France. Compos une poque o les passions politiques taient
dans leur effervescence, cet abrg en portait de temps autre une
vive empreinte. Les vnements et les hommes de la Rvolution
y taient jugs sans mnagement, comme ils avaient agi. On remarquait surtout dans la seconde dition des passages auxquels
personne ne s'tait arrt d'abord, mais que la raction en faveur
de Napolon et la haine du Libralisme contre les Jsuites acceptaient comme l'opinion immuable de la Socit de Jsus. On ne
s'inquitait pas si le Pre Loriquet, ramen, ainsi que ses contemporains, des ides plus calmes, avait corrig, mond ou
adouci ces passages dans les ditions subsquentes. On ne tenait
compte pour le Jsuite ni des enthousiasmes de 1814, ni de l'irritation de 1815; il avait partag l'entranement gnral; on ne
prenait que lui partie. Son ouvrage fut le type du fanatisme et
de la mauvaise foi. On y lisaiti :
Ainsi se termina la journe dite du 18 brumaire. Les Parisiens depuis longtemps accoutums aux rvolutions, restrent
,
tranquilles spectateurs de celle du 18 brumaire. Ils avaient oubli,
ce semble, que le chef qu'elle leur donnait tait celui-l mme
qui avait gorg leurs frres dans les rues de la capitale : du moins
ils ne savaient pas encore ce que sa longue domination devait
coter de sang et de larmes la France ; mais il entrait dans les
desseins de la Providence d'tablir sur leurs ttes celui qu'elle
destinait tre la verge de l'Europe et l'excuteur de la justice
contre un peuple coupable de tous les forfaits del Rvolution.
1
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
155
Aprs avoir racont la campagne de Russie et ses fatales consquences, Loriquet ajoute des rflexions qui disparurent plus
tard de son oeuvre.
Telle fut, dit-il 1, l'issue de l'entreprise la plus insense,
mais aussi la plus funeste, dont les annales du monde nous aient
conserv le souvenir. En parcourant l'histoire ancienne et
moderne, on reconnatra que jamais runion d'hommes si formidable, soit par le nombre, soit par la valeur, soit parla discipline n'prouva de plus affreux revers. Pour trouver une ca,
tastrophe qui y soit comparable, il faut remonter jusqu' Pharaon
et aux six cent mille Egyptiens engloutis dans la Mer Rouge.
rendre attentif aux vues de la Providence,
Que si l'on veut se
on reconnatra dans le dsastre des Franais le chtiment des
dvastations, des massacres, des sacrilges, des atrocits de toute
espce, dont se rendait coupable depuis vingt ans cette arme
toujours recrute d'enfants de la Rvolution, et dvoue, moins
encore par tat que par habitude et par got, tous les genres de
crimes et de forfaits. La justice divine s'en tait servie pour promener la terreur et la dsolation sur toute l'Europe. Ds que
cette verge redoutable eut rempli sa mission, elle fut son retour
brise par le souffle du Tout-Puissant, et elle disparut de la terre.
Si l'on considre de plus que Dieu avait sur la France et sur la
famille de saint Louis des vues de misricorde, on concevra sans
peine qu'il entrait dans l'excution de ses desseins de les dlivrer
l'une et l'autre d'une gnration impie et sanguinaire, qui, aprs
avoir dvor l'Europe, aurait dvor son propre pays et ternis
la domination du tyran dont elle tayait la puissance et servait les
fureurs.
Nous blmons ces jugements trop svres peut-tre. Loriquet
lui-mme, dans des ditions postrieures celle de 1816, fit justice de la plupart des exagrations ; mais alors chacun se croyait
oblig de jeter la pierre Napolon et son arme. Quand le Jsuite s'exprimait ainsi, l'homme dont tous les partis proclament le
patriotisme, Chateaubriand, faisant expier l'Empereur sa gloire
et ses attentats-, s'criait 2 en 1814, et rimprimait en 1816 :
1
156
CHAP. IV.
HISTOIRE
expliquer les fautes de cet insens? Nous ne par Comment
lons pas encore de ses crimes. Puis, aprs avoir racont l'assassinat du duc d'Enghien, Fauteur de la Monarchie selon la
Charte ajoute : a II ne reste celui qui s'est abaiss au-dessous
de l'espce humaine par un crime qu' affecter de se placer audessus de l'humanit par ses desseins, qu' donner pour prtexte
un forfait des raisons inaccessibles au vulgaire qu' faire pas ,
ser un abme d'iniquit pour la profondeur du gnie.
Chateaubriand en parlant de Napolon ', il a
Il a , continue
plus corro'mpu les hommes, plus fait de mal au genre humain
dans le court espace de dix annes, que tous les tyrans de Rome
ensemble, depuis Nron jusqu'au dernier perscuteur des Chrtiens. Les principes qui servaient de base son administration
passaient de son gouvernement dans les diffrentes classes de
la socit : car un gouvernement pervers introduit le vice chez
les peuples, comme un gouvernement sage fait fructifier la vertu.
L'irrligion, le got des jouissances et des dpenses au-dessus
de la fortune, le mpris des liens moraux, l'esprit d'aventure,
de violenceet de domination descendaient du trne dans les familles. Encore quelque temps d'un pareil rgne, et la France
n'et plus t qu'une caverne de brigands.
Arrivant la conscription, qu'il appelle le code de l'enfer,
Chateaubriand raconte 9 :
On en tait venu ce point de mpris pour la vie des
hommes et pour la France d'appeler les conscrits la matire premire et' la chair canon. On agitait quelquefois cette grande
question parmi les pourvoyeurs de chair humaine, savoir : combien de temps durait un conscrit ; les uns prtendaient qu'il durait trente-trois mois, les autres trente-six. Buonaparte disait
lui-mme : J'ai 300,000 hommes de revenu. Il a fait prir,
dans les onze annes de son rgne, plus de cinq millions de
Franais ; ce qui surpasse le nombre de ceux que nos guerres
civiles ont enlevs pendant trois sicles, sous les rgnes de Jean,
de Charles V, de Charles VI, de Charles VII, de Henri II, de
Franois II, de Charles IX et de Henri IV. Dans les douze deri De Buonaparte et des Bourbons, par M. de Chateaubriand, p.' 9.
5 Ibidem, p. 2, 6 et 17.
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
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158
CHAP. IV.
HIST01BE
Bonaparte nous mprise assez pour croire que nous pouvons abandonner un
souverain lgitime el bien-aim pour partager le. sort d'un homme qui n'est plus
qu'un aventurier ; il le croit, l'insens ! et son dernier acte de dmence achve de le
*
faire connatre.
Le procs-verbal de dchance et des constitutions du Snat, en 18U, n'accusait-il pas encc'e Napolon d'avoir entrepris la guerre dans l'intrt de sou am-
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
15Q
160
CHAP. IV.
HISTOIRE
Saint-Acheul, comme la Congrgation, servit de cri de guerre
au parti. C'tait le plus brillant collge d'Europe, on en fit un
sjour o l'ignorance et l'hypocrisie furent le point de dpart
offert la jeunesse. Les hommes les plus minents de l'poque y
faisaient lever leurs enfants, de grands orateurs, d'illustres crivains, des chefs de l'Eglise, tels que le vicomte de Bonald, le
comte de Szei, premier prsident de la Cour de cassation,
Quand la lettre dont nous citons quelques fragments eut t rdige, on la lui fit
sacrifier un sentiment d'humilit; il l'ensevelit dans ses papiers. Le Pre Loriquet n'est plus : nous croyons devoir publier un passage de la rponse qu'il
adresse ce membre de la Chambre des pairs.
Monsieur, c'est l'auteur d'une Histoire de France attaque par vous devant la
Chambre des pairs qui prend enfin la libert de vous crire. Le 29 avril dernier,
vous m'avez appris, et bien d'autres encore, que, dans cet ouvrage j'avais donn
Napolon les titres de marquis de Ruonaparle et de lieutenant-gnraldes armes de Louis XVIII; non content de le dire, vous l'avez soutenu devant la noble
Chambre ; vous n'avez pas recul mme en prsence de loulcs les ditions runies, lesquelles vous donnaient, pardonnez-moi l'expression, le dmenti le plus
formel.
Je dois la vrit, combattue par vous avec tant do persistance, d'en appeler
au tribunal de votre conscience et de rclamer personnellement contre une assertion mensongre, que, du reste (car je crois votre bonne foi), vous n'avez pu reproduire que tromp vous-mme par des ou-dire, par des rapports dnus de tout
foudcincnt.
Sans doute, il peut se trouver un faussaire capable de faire ce qu'on appelle
un carton, de mettre telle sottise qu'il voudra sur un feuillet dtach, el de substituer, dans quelques exemplaires, le faux texte au texte vritable de l'auteur.
Supposez donc que le feuillet postiche existe, et qu'il vous tombe sous la main,
et que vous puissiez le prsenter la Chambre des pairs... Mais les cent mille exemplaires, lires et rpandus de toutes parts depuis 1814, sont encore l pour protester
contre l'imposture; mais l'ouvrage strotyp existe, toujours le mme depuis prs
de trente ans, chez l'imprimeur, et son immuable existence est une rclamation
perptuelle, irrcusable ; mais le feuillet, ou peut tre la feuille entire clandestinement substitue la vritable, si toutefois elle exisle, examine de prs par des
connaisseurs, donnera toujours, par la diffrence mme du caractre el du papier,
de quoi confondre le coupable cl le ridicule auteur de cet odieux guet apens. Enlin, il y a aujourd'hui, soit Paris, soit Lyon el dans toute la France, tant d'tablissements, tant de matres el de matresses, tant de milliers d'lves qui, depuis
1814, ont eu, ont mme encore cet ouvrage entre leurs mains! Veuillez les interroger en tel nombre qu'il vous plaira; pour abrger les recherches, indiquez-leur
seulement le chiffre de la page maudite; faites-vous mme aider, dans cet important travail, par M. Porlalis, qui a t pour vous uno'auloril : vous me direz ensuite, ou plutt encore la Chambre des pairs, devant laquelle vous vous tes fait
mon dnonciateur, combien vous aurez trouv de personnes qui aient lu, dans
mon Histoire de France, la sotte phrase du marquis de Ruonaparle, lieutenantgnral des armes de Louis XV11I.
M. de Sze, dfenseur de Louis XVI devant la Convention, fut accueilli a
Saint-Acheul par les matres et .par les disciples avec toute sorte de respects.
L'hymne
0 Richard ! 6 mon roi !
L'univers l'obandonne!
Sur la terre il n'est donc que moi
Qui s'intresse ta personne;
Itjl
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
VI.
11
ffl -.:<
'-'-' CHAP.
IV,
HISTOIRE
vie s'tait tablie entre lui et les Pres. Le 2 juin 1826, il fit
trve ses loquentes occupations pour venir se reposer auprs
de ces Jsuites que la presse attaquait avec une vhmence inoue. Le 2 juin tait' le jour de la fte du Sacr-Coeur. M. Dupin
y assista. Au moment o la procession droulait ses nombreux
anneaux d'coliers chantant les louanges de Dieu, le Pre Loriquet s'approche du clbre lgiste; il l'invite prendre l'un des
cordons du dais. M. Dupin s'excuse en disant : Mais je n'en
suis pas digne. Avec une spirituelle malice, le Jsuite reprend:
effet, n'en est digne sur la terre. Forc dans
Personne,, en
les derniers retranchements de sa modestie intresse, M. Dupin
accepte, l'honneur qui lui est dfr, et, la joie au front, il traverse les verdoyantes alles et les chemins jonchs de fleurs que
le Saint-Sacrement dut parcourir. M. Dupin s'loigna le 3, mais
le spectacle qu'il avait eu sous les yeux tait encore prsent
son coeur. Au moment de quitter Amiens, il crivit au Pre Loriquet pour lui tmoigner sa reconnaissance. J'emporte avec
moi, lui mandait-il dans ce billet, le souvenir des plus douces
' motions que j'aie prouves de ma vie.
Ces motions trouvrent Paris un violent correctif. M. Dupin a le courage de la vrit jusqu'au moment du danger. Ce
moment arriv, il recule, parce que, avant tout, il a besoin d'loges. Le 17 juillet de la mme anne, quelques jours aprs la
procession de Saint-Acheul, le Pre Loriquet, crivant sa famille, disait : Toute la France retentit de la visite que M. Dupin nous a. faite. Les plaisanteries ont plu sur lui de toutes les
plumes librales, je ne sais s'il aura le courage de revenir.
M. Dupin ne revint pas, et Loriquet, dans les annales indites
du petit Sminaire de Saint-Acheul, en donne les vritables motifs : Il avait, dit-il, en racontant l'odysse du Dmosthnes libral, l'ambition de parvenir tre dput, et cette poque il
ne pouvait l'tre que par l'appui d'une faction. Or, les journaux
de cette faction, ayant vu ce qu'il venait de faire Saint-Acheul,
s'levrent tous la fois contre lui, le traitrent de transfuge, de
dvot, de cagot, de Jsuite. En mme temps, les pamphlets en
vers, en prose, les traits malins, les pigrammes, les sarcasmes
tombrent sur lui de toutes parts. Au lieu de les braver et de
DE LA COMPAGNIE DE-JSUS.
163
164
CHAP. IV.
HISTOIRE
Ces instructions secrtes donnent la mesure des Jsuites. Ils
crurent qu'il valait mieux se laisser emporter par l'orage que de
trahir une apparence de devoir. Us restrent donc en butte aux
traits de leurs ennemis. Saint-Acheul tait, comme la Congrgation, un lieu dsign aux vengeances et aux accusations. Le
nom de Loriquet, ainsi que celui de Ronsin, fut un talisman qui
fit tomber devant lui les portes les mieux gardes des Tuileries et
des Ministres. Loriquet devint le canal de toutes les faveurs;
et, au moment o la France constitutionnelle le proclamait l'arbitre'suprme des affaires, le pauvre Jsuite crivait son frre
le 5 novembre 1827 : Ce serait vous tromper que de vous promettre ma recommandation auprs de'M. de Rainneville. Les
choses ne se font pas chez lui par recommandation,. moins que
ce ne soit celle du mrite qui commande la prfrence," le mrite
suprieur. Mes recommandations, quand il m'arrive d'en faire,
ce qui est fort rare, se bornent l'indiquer. M. Alphonse de
Rainneville a t mon colier en rhtorique, et a fini ses tudes
ici : il n'est pas tonnant que je sois li avec lui. Loriquet
refuse mme un frre son intervention, il la refuse en termes
positifs ; et, abandonnant la terre pour s'lever de plus hautes
considrations, il ajoute : Puisque nous en sommes sur les confidences, je vous rappellerai qu'il y a aujourd'hui quatorze ans que
notre pre est inhum, que cela nous vieillit fort, que notre tour
approche, et qu'il serait, selon moi, bien triste d'tre surpris, surtout aprs une longue vie durant laquelle on a eu tout le temps
de se prparer.
A Paris et dans le monde, on ne voyait pas les disciples de
l'Institut dans la ralit. Comme l'historien, on ne les suivait
pas jusque dans leurs relations les plus intimes ; on se contentait
de les juger sur le portrait que la passion en traa. On les improvisait intrigants et ambitieux, afin d'entretenir dans les
masses la sourde irritation qu'on esprait un jour faire clater
contre la monarchie. Ainsi que la Congrgation, Saint-Acheul
fut mis l'index de la presse librale ; les autres maisons ou
petits Sminaires de l'Ordre subirent le mme ostracisme. La
presse, la tribune et le barreau dcouvrirent partout des Jsuites.
Le Constitutionnel, dans ses rves, les entrevit riches millions ;
,
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
165
il' annona que toutes les grandes terres vendre taient leur
proie 1, llles surveilla avec autant d'exactitude sur tous les points
du globe. Il se fit l'interprte des douleurs paternelles ; il fora
l'Europe s'attendrir sur les cruauts dont les enfants levs par
les Jsuites lui semblaient tre les malheureuses victimes 2. I!
annona mme en frmissant que l'Inquisition, telle que Philippe il d'Espagne la concevait, allait tre tablie en France, et
que les Pres de la Compagnie seraient les Torquemada des premiers auto-da-f.
Ce systme d'imposture tait si bien pass en habitude,
que
Capefigue lui-mme s'est cru oblig de fltrir une pareille tactique. Le Constitutionnel, dit-il 3, s'levait contre l'envahissement du parti-prtre ou administratif : aussi sa popularit
s'accroissait-elle d'une manire immense. Le dfaut de cette politique, dfaut inhrent la mission qu'elle s'est donne, tait
d'adopter un peu lgrement les plaintes que la passion et les
petites haines locales pouvaient inspirer. Les unes se trouvaient
fausses, les autres dnatures ; mais les dmentis, qui n'arrivaient
pas par le Constitutionnel ses abonns, n'altraient en rien
le systme de plaintes et de griefs qu'il avait adopt contre le
gouvernement.
Un ennemi plus redoutable pour les Jsuites s'lanait alors
Au mois d'avril 1825 le Constitutionnelraconta que les Pres viennent d'acheler au prix de onze cent mille francs l'ancienne abbaye du mont Saint-Martin, prs
de Saint-Quentin, el le rdacteur de celte feuille s'crie dans sa vertueuse indignation : O les Jsuites prennent-ils tant de millions? ils faisaient donc le commerce?
ils voulaient crer une nouvelle succursale de Saint-Acheul!
Peu de jours aprs, le notaire charg de la vente de l'immeuble crivit au Constitutionnel que l'abbaye de Saint-Martin n'tait pas encore vendue.
Une autre fois, dans son numro du 13 aot 1819, le mme journal affirme que
les Jsuites ont tabli leur quartier-gnral au village d'Ecole, une lieue de Besanon, qu'ils y font construire un vritable palais qui a dj coul 400,000 francs,
el que de l ils travaillent diriger les lections. Or, il n'existait dans ce temps-l
aucun Jsuite en Franche-Comt, ni mme dans l'est de la France.
2 Les 22 el 23 janvier 1826, le Constitutionnel raconle l'histoire d'un infortun
jeune homme que les Jsuiles de Rrig en Valais ont jet dans un cachot, qui s'chappa, erra pendant un mois entier, et fui enfin renconlr couvert de haillons el
dans le plus affreux dni'unenl. Afin que rien ne manque au rcit, le Constitutionnel, contre son habitude, a le malheur de nommer ce jeune homme. Il annonce
que c'est le fils de M. Courvoisier, procureur-gnral Lyon M. Courvoisier dment toute celle fable, el dans sa lettre il dit au journal ce que son correspondantde
Genve mrite bien peu de confiance, et que les Jsuites de Brig se donnent avec
beaucoup de bont et beaucoup de soin l'ducation des lves qu'on leur confie.
1 Histoire de la Restauration par un homme d'Etat, t. vi, p. 180 (Paris, 1832).
1
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CHAP. IV.
HISTOIRE
dans la mle. Le Constitutionnel et le Courrier venaient,
par un jugement solennel, de rencontrer des complices dans la
Cour royale de Paris, Les magistrats de 1825 n'avaient vu qu'un
excs de zle gallican au fond de ces attaques. Ils prtendaient
que l'introduction des Jsuites en France et l'attitude ultramontaine d'une partie du Clerg les avaient suffisamment provoques.
Par un aveuglement que la Foi des peuples dplorera longtemps,
ils ne rendaient pas un arrt contre l'esprit rvolutionnaire,
mais un service l'incrdulit. Sans le vouloir peut-tre, ils
accordaient un droit d'impunit et d'audace aux crivains qui,
par ambition ou par fanatisme, se faisaient les irrconciliables
ennemis de l'ordre lgal et de la Religion. Ce funeste arrt des
3 et 5 dcembre 1825 devait enfanter de nouveaux assaillants : le
comte de Montlosier parut. C'tait un vieil athlte de la monarchie, un homme dont les ides fodalement rtrogrades faisaient
plir de frayeur les Libraux de 1826, un crivain qui, dix
annes auparavant, leur avait dit : Les atrocits de la Rvolution ne sont pas dans le coeur humain, elles sont dans le coeur
de vos doctrines 1. Mais le comte de Montlosier avait des
rancunes jansnistes satisfaire; il mit au service de l'impit
constitutionnelle son nom, ses vertus prives, son austre figure,
son besoin de faire du bruit et ses imptueuses colres contre les
empitements du parti-prtre. Il fut enrl avec des acclamations
sans fin; on le reut comme un librateur dans ce camp o
tout lui avait t hostile jusqu' ce jour. Un besoin commun
runissait encore sous le mme drapeau les btards de Voltaire
et les parodistes de Port-Royal. Cette alliance engendra une
catastrophe. On oublia les griefs passs pour se prodiguer l'encens ; on se donna des airs de dvouement patriotique et de martyre ; puis on marcha l'assaut de la Congrgation et de l'Eglise,
sous le commandement de la nouvelle recrue. Le Mmoire
consulter sur un systme religieux tendant renverser la
Religion, la Socit et le Trne, fut publi ; il devint l'vangile
de tous les crivains, de tous les avocats, de tous les banquiers,
de tous les conspirateurs prtant la rvolution leur plume, leur
faconde, leur argent ou leur libert.
1
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. IV.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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Montrouge; il tait deux heures aprs midi ; j'avais pass la barrire d'Enfer, et me trouvais vers le milieu du faubourg le long
des maisons, sur la route d'Orlans. Tout dans le quartier tait
tranquille : tout--coup je me sens frapp l'paule gauche d'un
si rude coup, que je crus qu'on m'avait lanc un pav. Je me
retourne l'instant, et je vois ma poursuite un homme qui avait
les bras levs pour me frapper une seconde fois ; il tait arm
d'un croissant de jardinier, dont le manche me parut avoir six
huit pieds : je fais un mouvement pour viter le coup de l'instrument que je voyais au-dessus de ma tte, et je tombe sur la boutique d'une revendeuse de fruits, d'o je roulai sur le pav: je
ne pus donc viter le coup qui me menaait, et je le reus l'paule droite. Malgr ces deux coups et ma chute, j'eus assez de
force pour me relever tout de suite et m'!oigner de quelques pas.
Je me retournai alors une seconde fois, pour voir si cet homme
continuait me poursuivre, et je vis deux ou trois femmes,qui
se mettaient devant lui pour l'arrter. Dans ce moment, ma premire pense fut de me rapprocher de cet homme, pour lui adresser des paroles de paix et d'dification; cependant, dans la
crainte de commettre une imprudence et de m'exposer tmrairement, je pris le parti de continuer ma route; je me contentai
de lui dire que je lui pardonnais de bon coeur.
Etant arriv la maison, on visita les parties de mon corps
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CHAP. IV,
HISTOIRE
leurs, le Seigneur ne voulait pas laisser impuni un attentat commis sur la personne d'un de ses ministres, et on verra bientt
comme il exera sa justice contre le coupable. En effet, le lendemain, vers midi, le commissaire de police du quartier de l'Observatoire se rendit auprs de moi, et m'enjoignit de lui faire ma
dclaration. Je lui tmoignai d'abord la peineque j'prouvais cder sa demande; mais comme il observa que je ne pouvais m'en
dispenser, j'y consentis, et j'obtins de lui qu'il insrerait dans
son procs-verbal : 1 que je ne faisais ma dposition que pour
obir l'autorit ; 2 qu'aucune poursuite ne serait faite en mon
nom ; 3 enfin, que je pardonnais de bon coeur cet homme.
Ce fut le commissaire de police qui me raconta de quelle
manire la chose tait parvenue sa connaissance. Il me dit donc
que cet homme n'tait rentr chez lui que le lendemain vers les
quatre heures du matin ; que s'tant jet sur son lit, il poussa des
cris "de douleur, et que les personnes de la maison tant accourues au bruit qu'il faisait entendre , il leur dit qu'on avait voulu
l'assassiner; elles virent en effet couler le sang de plusieurs blessures qu'il avait la poitrine. Le commissaire du quartier, tant
averti, se rendit chez cet homme qui lui fit la mme dclaration ;
maison s'aperut bientt qu'il ne s'agissait pas d'un assassinat
qu'on et tent de commettre sur sa personne, puisque la partie
des vtements qui rpondait aux plaies n'tait pas perce : il ne
fut donc pas difficile de le convaincre que c'tait lui-mme qui
avait fait des tentatives pour se donner la mort. C'tait sans doute
la crainte de tomber entre les mains de la justice qui l'avait port
ce nouveau crime. Il avait fait confidence l'un de ses enfants
de l'attentat qu'il avait commis la veille 1, et celui-ci en fit l'aveu
au commissaire. Un chirurgien fut appel; il dclara que les
plaies ne lui paraissaient pas mortelles ; mais il s'tait tromp. Le
Seigneur avait dj, pour ainsi dire, voqu cette cause son
tribunal redoutable.
Aprs avoir montr les soins que la Providence prend de
J>
'
fut avr dans le temps que l'assassin du Pre Debrosse se Irouvail une table
de cabaret, devisant avec d'autres ouvriers de la guerre d'Espagne, donl on prtendait que les disciples de l'Institut taient les moteurs. Au moment o le Pre Debrosse passa dans la rue, un des htes de l'estaminets'cria : n Tiens, en voila un de
C's calolins ! Le meurtrier ces mots saisil son arme l se prcipita sur le Jsuite.
11
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
171
ceux qui sont consacrs son service en ordonnant, selon sa promesse , ses Anges de dtourner les coups mortels qui allaient
m'tre ports, il voulut donner ensuite un exemple terrible de sa
justice contre les perscuteurs de ses Ministres. Il n'eut besoin
pour cela que de livrer le coupable aux remords de sa conscience.
11 fut donc la fois son accusateur, son juge et son propre bourreau ; il ne survcut qu'environ vingt-quatre heures aux coups
qu'il s'tait ports. Heureux s'il a su profiter de ces moments prcieux que Dieu lui a laisss dans sa misricorde ! On m'avait
cach sa mort pendant plusieurs jours, et je n'en fus instruit
qu'au moment o je me disposais aller le voir pour l'aider
rentrer en lui-mme. Voici quelle avait t l'occasion de son premier crime : il tait dans un cabaret avec plusieurs autres ouvriers. Lorsqu'ils me virent passer, ils se dirent l'un l'autre :
Voici un Missionnaire; il faut s'en dfaire, etc. C'est d'aprs le
dfi qui lui en fut fait que ce malheureux se mit me poursuivre.
Il tait g de soixante-cinq ans, et avait pass pour honnte
homme jusqu'ici.
C'est avec ces misricordieuses paroles qu'un Jsuite s'entretient de l'homme qui menaa ses jours. Cet attentat aurait d
loigner le souvenir de Montrouge des discussions, que la presse
alimentait de mme qu'un incendiaire alimente le feu qui consume la demeure de son ennemi. Il n'en fut pas ainsi. On prit
le Noviciat partie, comme on prenait chaque maison sparment. L'audace croissait avec le succs, On avait graduellement
habitu le peuple qui se prtend le plus spirituel de la terre une
nourriture de mensonges. On abusa de cette crdulit sans
exemple, et on monta jusqu'au sublime de l'absurde. Les Jsuites disposaient des grands pouvoirs de l'Etat, et cette imprieuse Socit n'avait jamais os forcer ses esclaves reconnatre
l'existence lgale de l'Institut. Ils vivaient subrepticement
,
presque de raccroc, quand un mot de leur bouche pouvait briser
le trne et mutiler la Constitution. Personne ne fit cette remarque ; elle tait si naturelle que chacun l'oublia.
Montrouge fut reprsent comme un chteau-fort, une place
de guerre environne de fosss, flanque de bastions et hrisse
d'artillerie. Les oreilles du Constitutionnely entendirent l'exer,
172
CHAP. IV.
HISTOIRE
pistolet.
sur pices officielles, et nous n'y dcouvrons aucun vestige de ces intrigues. Cependant une lcllrc du Pre Fortis, Gnral
de l'Ordre, semblerait faire allusion des faits de celle nature. Le 17 janvier 1824,
il crit au Pre Godinot, en lui apprenant sa nomination de Provincial : On se
plaint moi de ce que plusieurs des ntres Paris se rpandent trop au dehors et
se mlent d'affaires qui ne nous regardent pas. On a mme dit que l'archevque de
Paris n'tait pas content de nous, parce qu'il s'imagine que la Compagnie favorite
et soutient les prtentions du Grand-Aumniercontre les siennes. S'il en esl ainsi,
c'est un trs-mauvais service que ces Pres rendent l'iustilul. 11 esl du devoir de
Votre Rvrence de prparer el d'appliquer sur-le-champ un remde ferme el efficace un si grand mal. Avec une lettre du Pre Richardot engageant le Pre de
Mac-Carthy ne pas s'occuper des affaires ecclsiastiques du diocse de Strasbourg,
c'est la seule trace que nous puissions trouver de ce rseau de manoeuvres qui enveloppait,disait-on, toule l'Eglise de France; encore celle trace est-elle plutt un
avertissement, ou une prcaution, qu'une ralit.
Nous tudions la Compagnie de Jsus
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
173
l'galit;
ami de la Rpublique;
>; Gardeau,
Sournilly, ennemi des tratres.
Mironbcl, ami de
174
CHAP. IV.
HISTOIRE
Martial Marcet franchissait du premier pas les bornes du possible ; et cette gnration de 1826, si fire de sa force d'esprit,
si glorieuse de ses lumires, il infligeait le plus humiliant des
opprobres intellectuels. Cet homme peignait les Jsuites vivants ;
quelle que soit notre rpugnance citer de pareils crits, il faut
bien enfin donner satisfaction la raison publique outrage. L'apostat de Montrouge, rchauff dans le sein du Libralisme, faisait ainsi le portrait du Pre Gury.
Sa volont, un seul regard mme peuvent mouvoir mille
bras arms de poignards pour assassiner les princes et dtruire
les empires. Depuis dix ans les provinces se remplissent de ses
esclaves redoutables, et tous les jours de plus terribles encore
sortent de ses mains... Dans un appartement obscur de Montrouge, tous les huit jours, l'entre de la nuit, les Novices serendent, la suite du Pre Gury, au pied des statues d'Ignace et
de Franois-Xavier, pour entendre les mystres de la Socit. L
chaque Novice est oblig de dnoncer toutes les fautes et les discours de ses confrres ; chaque Novice genoux est oblig de
dclarer ses gots, ses penchants, ses dfauts, son caractre et
ses dispositions l'gard de la Compagnie. Ils jurent tous d'immoler leur volont propre, de n'pargner rien pour exterminer
la race des mchants et d'abattre aux pieds de leur Pre Ignace
toutes les couronnes de l'univers. Ils vont, la suite de leur Prematre, fouler aux pieds les vanits du monde, reprsentes par
un roi revtu de ses ornements royaux, environns de sceptres
briss, de couronnes fracasses et de dbris de trnes. Tout autour on voit les nations du monde charges de chanes, figures
par trois animaux, le taureau, le lion et l'aigle, et par un gnie
sublime qui reprsente en particulier les nations de l'Europe.
s .... On remplit de haine pour le monde tous ces jeunes coeurs
dj pervertis par le barbare fanatisme. On dit mme, et je ne
l'cris qu'avec effroi, que le Vendredi-Saint, aprs la crmonie
de la Passion de Jsus-Christ, tous les Novices vont frapper d'un
coup de poignard la statue de Ganganelli, qu'ils croient enchan
par des liens de feu dans les enfers ; celles d'un roi de France et
de son ministre Choiseul, et encore celles de Pombal et de son
roi faible qui laissa opprimer la Socit.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
175
Roche-Arnauld exciterait les fureurs de la faction qu'il a dvoile. A la vrit, il arrache le masque d'une main vigoureuse : son
indignation ressemble quelquefois la colre ; un peu plus de
modration aurait peut-tre plus de force. Il semble en convenir
lui-mme dans la lettre qu'U nous adresse aujourd'hui; mais la
176
CHAP. IV.
HISTOIRE
manire dont il se justifie ajoute peut-tre l'importance de ses
rvlations. Au reste, quoi qu'on puisse penser de la forme de
son livre, le fond n'en est pas moins extrmement curieux, les
faits qu'il rapporte, et qu'il dfie ses adversaires de dmentir,
ne sont pas moins de nature produire la plus profonde sensation 1.
Aprs de pareilles turpitudes, il n'y avait plus qu' arrter la
presse dans ses dbordements ou qu' mourir de honte sous ses
coups. Les Bourbons et le ministre Villle acceptrent les fourches caudiries qu'elle dressait devant eux. Le cabinet auquel le
vicomte de Martignac prte son nom acquitta le legs que ses prdcesseurs lui avaient impos.
Dans ce combat dont les esprits prvoyants ne se dguisaient
pas les consquences, les crivains indpendants ne s'abandonnrent pas au moment mme o tout les abandonnait. Il y avait
prostration de la force royale, puisement chez les gouvernants.
On craignait de froisser des prjugs dont la source tait connue, on essayait d'atermoyer avec les difficults que tant d'impritie avaient cres ; il se rencontra des hommes qui s'exposrent intrpidement au choc. Dans ce duel suprme, ils jouaient
plus que leur vie. De Bonald, Bellemare, Picot, Saint-Chamans,
Laurentie, Martainville ne redoutrent pas d'affronter les sarcasmes que le Libralisme tenait en rserve. La Gazette de France
t Vingt annes aprs,
177
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
vi.
12
178
CHAP. IV.
HISTOIRE
taient prvus, les Evques vinrent leur tour protester en faveur de la libert religieuse et du droit des pres de famille. Cette
protestation se rattache d'une manire si intime aux annales de
la Socit de Jsus, qu'elle a ncessairement ici sa place avec les
ordonnances du 16 juin 1828.
micile considr par rapport de simples individus qui l'occupent sans affecter
d'autres litres et sans prtendre d'autres avantages que ceux qui appartiennent
tous les sujets du roi, que font cela vos dils? que font-ils surtout maintenant avec
les lois que la'Rvolution nous a imposes et l'Etat politique que la Restauration a.
fond? La Rvolution, plus librale de proscription que M. de hoiseul et les Parler
ments, remplac l'abolition particulire de l'Ordre des Jsuites par l'abolition gnrale de tous les Ordres religieux; mais en mme temps, plus consquente peuttre et plus quitable au moins ce point, elle a rendu aux Religieux de tous les
Ordres abolis la plnitude de leurs droits civiis. La Rvolution et surtout la Restauration ont effac jusqu'aux dernires traces des interdictions civiles et politiques
qui s'attachaient autrefois de certains voeux religieux ; et elles y taient condamnes
peine de scandale et d'absurdit. Car, si le Juif fait tout ce qu'il veut, quoique
Juif, si le Protestant fait tout ce qu'il veut, quoique Protestant, plus forte raison
le Catholique, ft-il Religieux, plus forte raison l'homme de la Religion de l'Etat,
ft il Dominicain ou Jsuite. 11 y avait aussi autrefois des dits contre les Protestants
et.les Juifs; ils ont disparu : n'est-ce pas ces dils devant les lois qui ont accord
indistinctement tous les Franais la libert civile, la libert politique el la libert
de conscience ? et vous rclamez courageusement une exception de servitude et do
dpendance au privilge d'intolrance et d'interdiction eu faveur de ces dits de
prdilection qui avaient frapp les Jsuites? Allez! allez, hommes libres, apprenez donc qu'il n'est pas vrai que vous le soyez, si votre gal ne l'est pas.
Vous dites encore : Mais les Jsuites se soumettent par des serments, des engagements, des promesses un souverain tranger. Je ne le crois pas, et cela
n'est pas. Mais d'ailleurs de deux choses l'une : ou ces engagements seraient incompatibles- avec leurs devoirs envers leur souverain naturel, ou bien ils ne le seraient
pas. S'il ne l'taient pas, qu'auriez-vous dire? S'ils l'taient, qu'auriez-vous a
faire? Voudriez-vous en conclure que celui qui aurait contract cet engagement
aurait perdu la qualit de Franais? Quand je l'accorderais, malgr quelques difficults qui vieunent de l'article 17 du Code civil, qu'y gagneriez-vous? cet homme
serait tranger; prtendriez-vous donc interdire aux trangers la facult d'avoir eu
France des habitations communes? Dchirericz-vous l'article 11 de votre Code civil?
jlumilicriez-vous votre haine au point de les expulser comme trangers, n'osant et
ne pouvant les expulser comme Jsuites?... Songez-y... et puis, je reviens au serment : o est-il? et que contient-il? Vous dites aussi : Leur ambition est extrme.
Quelle piti I de quel sicle nous parlez-vous, s'il vous plat? l'ambition des Moines avec des journaux, des lections et des chambres? l'ambition des Moines avec
l'esprit de ce temps ! Tambiliou ! puissant motif, en effet, pour empcher les gens
de vivre paisiblement chez eux et d'y prier Dieu comme il leur convient ! Celte passion-l est aujourd'hui si faible et si rare ! si peu de gens en sont possds ! les ennemis des Jsuites surtout en ont si parfaitement purg leur me simple et modeste! '
Vous n'en voulez point! Cela est bien superbe el bien absolu. Mais, si les pre?
.
de famille en veulent, eux qui sont quelque peu intresss, je pens, cette question,
sera-ceau nom del libert que vous les contraindrez y renoncer ?-Vous n'en voulez
point! cl si les Evques en veuienl, eux, ou pour desservir leurs glises, ou pour
diriger les coles qui sont sous leur dpendance, sera-ce au nom des franchises de
l'Eglise gallicane et par respect pour les droits de l'piscopat que vous leur rsisterez? Vous n'en voulez point ! et si l'on vous montre l'instituteur protestant, juif,
mabomlan, que vous approuvez et encouragez, sera-ce au nom de la tolrance et- de
l'galit constitutionnelle que vous repousserez et que vous proscrirez l'instituteur catholique qui sera Jsuite ! Oh ! que nous sommes libres, et que votre impartialit m'difie !
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. IV.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. IV.
HISTOIRE
rent point le but qu'elles se proposaient, l'Evque d'Hermopolis
avait essay de conjurer la tempt eh accusant le jeune Clerg
d'un zle qui n'tait pas toujours "selon la science. Ses paroles
furent accueillies la Chambr des dputs avec des cris de joie.
La majorit de la commission ne voulut pas, a l'exertiple du
ministre Villle, descendre au fond des consciences. Elle dclara
que ls prtres auxquels les vqs, conformment l'ordonnance rglementaire dti 5 octobre 18i4, avaient confi la direction et renseignement de lUrs petits Sminaires, taient choisis
par eux, soumis, comme tous les autres prtres de chaque Diocse, a leur autorit et juridiction spirituelles et leur administration temporelle. Ce n'tait donc pas line corporation, mais
' des individus rvocables l volont des Evques, que la
direction des coles se voyait confie. L'Universit de France
n'existait qu'en vertu d'un dcret imprial du 17 mars 1808;
une ordonnanc royale constituait les petits Sminaires. L'Empereur dsirait que ls enfants appartinssent l'Etat, qu'ils
fussent mouls l'image de l'Etat.Louis XVIII, l demand
de l'piscopat franais, avait drog cet insultant monopole;
il accorda quelques droits aux pfs d famille et un peu de
libert aux Evques.- Selon Fourcroy, le pre de l'Universit
impriale, cette Universit' est une administration qui dpense,
c'est--dire ii caisse qui, pour" se remplir, prlve la dme
dans les champs qu'elle n'a pas cultivs, ranonne les cits,
les parents et les instituteurs. Les Bourbons l'avaient accepte;
mais, dans la pense d limiter ses empitements, ils avaient
concd aux Evques l privilge d'tablir ds petits Sminaires
en dehors d sa juridiction. Les Jsuites n'en possdaient que
huit. L'ductidh qu'ils y donnaient veilla les jalouses susceptibilits d une agrgation d'intrts se prtendant l'Etat enseignant'. L'Universit se rvoltait l'ide d'tre prime par ds
tablissements riviix ou de se trouver dans l'obligation de forcer au travail ses professeurs, afin de ne point tre vaincue. Elle
s'imagina qu'elle h pourrait soutenir la concurrence, et, au lieu
de jouter arrhes gals, elle se retrancha derrire l'arbitraire
que la corruption appelait son secours.
La minorit de la Commission du 20 janvier 1828 discutait
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
iWA
il avait eu soin de compter toutes les chances de succs et de se bien assurer qu'on
ne l choisissait pas pour tirer les marrons du feu; ce furent ses expressions.
184
CHAP. IV.
HISTOIRE
Le rapport, la date du 28 mai 1828, contenait nanmoins
plus d'une trace de faiblesse. L'Universit ne cessait de rclamer
contre l'admission dans les petits Sminaires d'un certain nombre
d'lves qui ne se destinaient pas au Sacerdoce. Les plaintes formules par le monopole universitaire avaient t coutes ; mais
dix-neuf jours aprs, le ministre, tenant et au-del l'engagement pris avec la Rvolution, publiait les ordonnances du 16 juin.
La premire, contresigne par le comte Portalis, ministre de
la justice, statuait qu' partir du 1er octobre, les maisons d'ducation diriges par les Jsuites seraient soumises au rgime de
l'Universit, et que dornavant nul ne pourrait enseigner s'il
n'affirmait par crit n'appartenir aucune Congrgation non lgalement tablie en France. C'tait ressusciter en pleine Charte
les billets de confession et les dclarations de civisme, commander
l'hypocrisie et tuer la libert de conscience. Le Globe, dans un
article sign par M. Dubois, aujourd'hui dput de la Loire-Infrieure et membre du conseil de l'Universit, le sentit si bien que,
deux jours avant la publication de ces firmans, il ne craignait
pas de dire :
Quant aux Jsuites considrs comme individus, ainsi s'ex
prime le journal de MM. Duchtel, Guizot, de Rmusat et Cousin nous l'avons mille fois prouv, et mme on ne nous le
,
conteste plus, ils sont libres de leur croyance ; aucune puissance
humaine ne peut dsormais les atteindre. Considrs comme
Congrgation religieuse, ils sont libres encore, pourvu qu'ils ne
rclament point les bnfices des corporations, bnfices qui ne
le sens exact el peu prs les termes de la dcision. Elle est tellement
combine qu'on la croit l'abri de toute attaque raisonnable devant les Chambres
lgislatives, comme devant tous les tribunaux et tous les Conseils d'Etat o elle
serait examine.
Si la commission a reconnu quelques autres points fonds en droit ou en raison, ils ne sont point de nature gner la conscience et troubler le repos des
Jsuites.
u Quand le rsultat s'est prsent la signature, les dissidents sont devenus
furieux. Ils bondissaient de surprise comme des gens pris pour dupes. La commission a clos ses sances au milieu des menaces et des protestations de la minorit. 11 esl clair que celle minorit se croyait sre d'une voix qui lui a manqu au
dnomenl el qui a fait son mcompte.
Monseigneur l'Archevque parait sur que-la dcision tiendra. M. de Courville
s'est honor b jamais par sa droiture el son dsintressement.Plus tard il recueillera le fruil de sa conduite et de sou courage; Ainsi parle monseigneur l'Archevque.
Yoil
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
185
peuvent tre concds que par une loi. Considrs comme professeurs de mauvaises doctrines, comme affilis un souverain
tranger, il faut, pour les poursuivre, des dlits, et non pas des dlits anciens ; il faut une enqute, un procs nouveau, o la preuve
des dlits soit administre, les individus personnellement coupables, cits, etc. Tout l'attirail des arrts parlementaires n'est rien
ici; il n'y a plus identit de personnes, et, quant l'identit des
doctrines, elle est niable. Il faut de nouveau mettre les doctrines
en cause, et, pourvu qu'il n'y ait pas provocation directe la
rvolte, la destruction de l'ordre tabli ou atteinte aux moeurs,
les doctrines, des Jsuites ne peuvent pas plus tre condamnes
que les systmes d'Helvtius et de Spinosa, de Cabanis et des
physiologistes modernes, du Socinien et du Diste pur.
L'Evque d'Hermopolis, refusant de s'associer aux mesures
que le ministre se proposait de prendre, avait abdiqu le pouvoir '. Cheverus, dsign par le roi pour le porte feuille des affaiLe vnrable Evoque d'Hermopolis, dans des notes manuscrites qui ont l
publies aprs sa mort, rend lui-mme compte de ses entretiens avec le roi Charles X sur ce grave sujet Le monarque avail la main force par son Ministre.
Prtre el prlat, connaissant toute l'tendue de ses devoirs, M. Prayssinous recula
devant les exigences de la. position telle qu'on la faisait, et, en parlant au roi des
ordonnances du 16 juin, ii les caractrisa ainsi : Sire, on ne s'est pas donn le
temps de rflchir ; on dirait que les ministres taient dans un tal d'oppression,
quand ils ont sign l'ordonnance Porlalis, et qu'elle a t arrache par violence;
il semble qu'elle ail l conue dans un esprit de dfiance et de haine contre l'Episcopat et la Religion catholique, tant, dans chacune de ses dispositions, elle est
dure, humiliante et pleine, dans son ensemble, de- prcautions et d'entraves contre les Evques... Je l'avoue, pour rien au monde, je ne voudrais contresigner une
pareille ordonnance ; je n'aurais pas le courage de me perdre jamais dans l'esprit
du Clerg el des gens de bien,
Aprs avoir soulenu que les Jsuites avaient le droit de vivre en France el de
suivre dans leur particulier la rgle de saint Ignace, l'loquent grand-matre de
t'Universil ajoule : Sire,.ils sont Franais comme moi. Ce sont des prtres irrprochables qui lvent Irs-bien la jeunesse, et ici on peut s'en rapporter celle
multitude de pres de famille de toutes les parties de la France qui, depuis quatorze ans, leur ont coud leurs enfants. Quels sonl leurs ennemis acharns? Cesunt
les Protestants, les Jansnistes, les impies, les rvolutionnaires,les plus grands ennemis de la Religion catholique et des Bourbons. Ce sera un grand triomphe pour
ces derniers en particulier que de voir les Jsuites dtruits.
Le 6 juin, Charles X, toujours irrsolu, lit un dernier appel aux Evques.
MM. de Quien, Frayssinous et de Cheverus ainsi que l'abb Des Jardins, vicairegnral de Paris, furent appels donner leur avis. A l'unanimit ils rpondirent :
1" que i'oBdonnance avail plus d'inconvnients que d'avantages; 2 qu'aucun des
quatre signataires de la nouvelle consultation ne voudrait accepter la responsabilit d'un pareil acle; 3" que le roi voyant les choses de plus haut qu'eux, tait juge
de la question politique de sou gouvernement; que si, pour des motifs puiss dans
un ordre suprieur, dans la ncessit, il croyait devoir prendre celte mesure, ils
n'oseraient prononcer qu'elle est condamnable.
1
186
CHAP. IV.
HISTOIRE
rs ecclsiastiques et press de l'accepter, refusa de mler son
noni aux perscutions qu'on prparait la Compagnie de Jsus,
A dfaut de l'archevque de Bordeaux, oh choisit iiri homme
vertueUX, mais d'une bienveillance qui allait jusqu' l'abandon
ds droits de l'piscopat; L'abb Feutrier; Evque d Beauvais,
avait eu plus d'un rapport avec les Jsuites. Il les appelait dans
son diocse; et les enfants de saint Ignace y opraient un bien
que l prlat constate avec une vive reconnaissante. Il n'en accepta pas moins l succession de Fryssinous, et, tout en voquant dans sOn m les craintes manifestes par son prdcesseur,
il se disposa donner ah Libralisme un gage de sa reconnaissante ambition1-. M. Portalis s'tait charg de sacrifier les Jsuites, M. Feutrier ifniola l'enseignement clricaL Par une
seconde ordonnance, il dclara que le nombre des coles serait
limit dans chaque diocse, que celui des lves ne dpasserait
jamais vingt mille, qu'aucun externe n'y serait admis, et qu'au
bout de deUx ans chaque lve serait tenu porter l'habit sacerdotal. D'autres prcautionsaussi impolitiques dans la forme qu'illgales poUr le fond furent prises par la mme ordonnance. Un Evque se faisait l'excuteur de l'piscopat, et, par une drision dont
il ne cbrnprit pas alors la porte, en change d la libert que les
lois accordaient, il promit d'enlever aux chambres douze cent
La dcision antrieure, de mme que cette dernire, prend pour base un
cas urgent, indispensable, de ncessit; mais ce cas; les Evques ne le reconnaissent pas, ne l'avouent pas dans les circonstances. On ne peut donc avec justice les
accuser d'avoir mme indirectement coopr ces ordonnances qu'ils repoussrent.
' S'il faut s'en rapporter au rcit de Frayssinous, l'Evque d Beauvais, son
successeur, aurail longtemps lutt avec sa conscience avant d'accepter la responsabilit de l'ordonnance dii 16 juin. M. l'Evque de Beauvais, raconte l'ancien
ministre, esl effray du danger d'encourir un blme universel; il se trouve dans
de cruelles perplexits-, fondes, non sur l crainte d'offenser Dieu en contresignant
l'ordonnance, mais sur la certitude de se dshonorer aux yeux du Clerg, de
beaucoup de gens de bien et des nombreux amis des Jsuites, el de se mettre dans
le cas de ne pouvoir tre Utile ni au roi ni l'Eglise. En consquence, il prend
son parti avec courage, s'explique devant le roi en plein conseil, refuie de contresigner et donne sa dmission. i>
Ce loyal scrupule doit Unir une place honorable dans la vie de Feutrier. 11 refusait d'adhrer la proscription des Jsuites; le comte Portalis vint son aid;
il rjffrit de prendre sous sa responsabilit les mesures ecclsiastiques qui rpugnaient deux consciences d'Evque. 11 n'y avait qu'Une seule ordonnance, oh
en prpara deux, et c'est par ce subterfuge que l'on fit illusion l'Evque d
Beauvais.
Tel est le rcit de M. Frayssinous. H pallie; il attnue les torts de M. Feutrier,
mais il ne les efface pas aux yedx de l'hisldire.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
187
tels que celui sous lequel nous sommes destins vivre, c'est la
libert de la pense et de tous ses modes de publication : la prdication religieuse est libre; aucune autorit n'enchane la science;
la discussion politique ne reconnat d'autres iimites que les borns imposes par le besoin de protger les droits des citoyens et
de maintenir la tranquillit de l'Etat. Pourquoi donc, tandis que
partout ailleurs la libert rgne, l'enseignement seul est-il
esclave?
Supprimez la iibert d'enseigner et placez l'instruction tout
188
CHAP. V.
HISTOIRE
progrs d la socit, changera avec les majorits et les ministres.
Affranchir l'enseignement est le seul moyen de lui rendre de
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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nistre de l'instruction publique, leur avait arrach le droit de surveiller les coles primaires, droit qui leur tait attribu par un
dcret du 8 avril 1824.
En face d'hommes qui n'taient forts que pour faire le mal et
qui n'avaient d'nergie que pour s'abaisser devant l'ide rvolutionnaire il fallait tenir tte l'orage ou se laisser emporter par
,
lui. On reprochait au Clerg son influence dans l'administration
et son attitude guerroyante ; on l'accusait de ne pas vouloir pactiser avec l'esprit du sicle et de tendre par tous les moyens
satisfaire ses vues ambitieuses. Les uns se plaignaient de son intolrance, les autres de ses prtentions rtrogrades. Une fraction
du parti royaliste s'unissait au Constitutionnel pour rpandre ces
allgations. L'on imputait aux exigences du Clerg des mesures
que la politique seule avait conseilles ; on le disait turbulent et
hautain ; on le dpouillait tout en proclamant son insatiable avidit. On le blmait d'tre courtisan, et, pour le perdre, les Libraux se contraignaient grimacer des tendresses monarchiques. Les Evques eurent la conscience de la tche qui leur
restait remplir : ils adressrent leurs collgues la circulaire
suivante :
Les Archevques et Evques qui se trouvent actuellement
Paris ont employ tous les moyens en leur pouvoir pour prvenir
le malheur des ordonnances du 16 juin 1828. Depuis qu'elles ont
t rendues, ils se sont plusieurs fois runis afin de se concerter
sur la rsolution qu'ils auraient prendre relativement au concours qui leur sera sans doute demand. Ils pensent que ce qu'il
y a de plus important pour la Religion, dans ces circonstances
difficiles, c'est que la conduite de l'Episcopat soit uniforme et
contenue dans les justes mesures de la force et de la douceur.
Leur, douleur est profonde ; ils ne doutent pas que le sentiment
ne soit unanime dans le Clerg, dont ils n'hsiteraient pas se
faire les interprtes s'il ne s'agissait que d'exprimer des dolances ; mais ils dsirent savoir quel est l'avis des Evques de France,
et quelle sera leur dtermination positive sur l'espce d'adhsion
qu'ils sembleraient donner aux dispositions des ordonnances, s'ils
consentaient concourir leur excution de quelque manire
que ce soit. Doit-on garder un silence absolu sur ce point, de-
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CHAP. V.
HISTOIRE
meurer dans une inaction complte, se refuser toute espce de
coopration ne rpondre toutes les demandes que par un ac,
cus de rception, dt-on s'exposer subir toutes les consquences d'une semblable inertie? Les Evques qui se trouvent
Paris pensent unanimement que telle est la conduite tenir. Si
cette mesure tait gnralement adopte il en serait donn con,
naissance au Souverain-Pontife au nom des Evques, en lui
exposant contrdictpirement bas motifs de leur rsolution, et en
le suppliant de vouloir bien, aprs en avoir pes les avantages et
les inconvnients, y confirmer les Evques par son suffrage pu
les diriger par ses conseils et son autorit dans une cause qui
intresse si vivement la Religion et la discipline de l'Eglise,
do recueillir les avis qui a sembl le plus sr et
Le moyen
en mme temps le plus facile, est celui de prier Nosseigneurs
les Mtropolitains de vouloir bien demander nominativement
leurs comprovinciaux ce qu'ils pensent de cette mesure, et ensuite de faire parvenir un centre commun les rsultats partiels
de ces avis. Aprs le dpouillement gnral, la mme voie sera
employe pour faire connatre aux Evques le rsultat dfinitif
qui fixerait la marche suivre. En attendant ce rsultat dfinitif,
qu'on espre ohtenir avant l'expiration du dlai fix par les ordonnances au 1er octobre, on comprendra combien il est dsirable
et mme ncessaire de s'en tenir de simples accuss de rception de toutes les lettres qui seraient adresses relativement aux
ordonnances.
Depuis la Constitution civile du Clerg et le Concile national
que l'Empereur avait essay d'assembler Paris pour forger des
armes contre le Saint-Sige, jamais l'piscopat franais ne s'tait vu dans une position aussi critique. La cause des Jsuites se
compliquait de la question d'enseignement. Le ministre, avec
une perfide astuce, avait combin ses deux ordonnances de telle
sorte qu'il rduisait les Evques au silence ou qu'il les rendait
impopulaires aux yeux du Libralisme en Jes forant d'accepter
la dfense commune de l'Institut de saint Ignace et de la Libert.
Les Evques s'avouaient bien le pige qu'on leur tendait ; les
Jsuites, auxiliaires du Clerg, n'tant pas plus coupables qu'eux,
les prlats ne reculrent point. En dehors d'un devoir de con-
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
191
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CHAP. IV.
HISTOIRE
193
.
soumettre ti rgime de l'Universit; 2 celle de dclarer inhEtbiles l'enseignement des petits Sminaires des matres investis
de la niissiori piscopale, mission divine, d laquelle seule ils
relvent d'aprs les saints Canons ; 3 celle de fltrir les voeUx
de Religion, lorsqu'elle frappe d'interdiction ds instituteursprtres, sur leur refus de dclarer par crit qu'ils ne tiennent
aucune Congrgation religieuse.
Or, ces trois invasions par le pouvoir civil sont d.tbs points
13
194
HISTOIRE
adress au roi de respectueuses observations au sujet des deux
ordonnances ; secondement une trs-grande, mais extrmement
grande majorit, pour que l'on ne cooprt pas d'une manire
active. Dix ou douze Evques seulement ont diffr d'opinion sur
la conduite tenir dans le cas o les choses seraient pousses
l'extrmit, et de ce petit nombre encore plusieurs annoncent
qu'ils suivront l'avis de la majorit..
En consquence, les Cardinaux, Archevques et Evques
promptement cette disposition leurs comprovinciaux. Le Souverain-Pontife est instruit de la conduite des Evques jusqu' ce
jour; des conseils lui ont t demands pour l'avenir. On pense
que le mmoire ne doit pas tre rendu public, du moins pour le
moment; ce serait en compromettre le succs.
Le mmoire dont il s'agit avait t prsent au roi le 1er aot.
Plein de force et de dignit dans son ensemble, il offre nanmoins
quelques hsitations de dtail, de ces termes malheureux qui
compromettent les meilleures causes en leur donnant un cachet
de timidit. Mais ces taches disparaissent compltement lorsque
l'piscopat fait entendre au roi ces magnifiques paroles :
Sire, l'appui des motifs que les Evques ont l'honneur
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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196
iv. HstoR
viri indiscrtion coupable, la Gazette de France en' reproduisit
des extraits. Le 14, elle l'insrait en entier; quelques semaines
aprs, il se rpandait dahs toute l'Europe. Cet clat fournit un
nouvel aliment l'irritation des partis. MM. Portalis, Feutrier et
Vatimsnil s'adressrent leurs subordonns pour rclamer une
active coptioh; l'abb de La Chapelle, directeur des affaires
ecclsiastiques, se regarda comme autoris donner l'piscopat et aux publicistes une leon d'obissance. Il crivit:
laques, des journalistes mme, se croyant le droit de
Des
s'riger en docteurs de l'Eglise, de discuter l'tendue de la juridiction divine de l'EpisCopat, j'ai cru pouvoir vous adresser, ainsi
qu' tous messeigneurs les Archevques et Evques, quelques
rflexions sur l'ordonnanc du 16 juin, sur les coles secondaires ecclsiastiques... Je n puis me dfendre d'tre effray des
dangers d'une rsistance mme passive, et que des craintes imaginaires n produisent des niaux trop rels. Dans tous les temps l
Clerg de France s'est distingu par sa circonspection dahs tous
ses rapports avec l'autorit royale. Ses respectueuses dolances
n'arrtaient point sa soumission quand la Foi, le dogme, la discipline gnrale de l'Eglise n'taient pas videmment attaqus.
Dans une circonstance qui a bien ds rapports avec les circonsthces actuelles, en 1762, lorsque les Jsuites furent bannis de
.
France, le Clerg fit cohhtre combien il regrettait une Congrgation qu'il jugeait si utile la Religion ; mais, loin de chercher
paralyser par une rsistance passive, pi* h refus de coopratien, des mesures que le gouvernement avait prises pour rorganiser les Collges, il y concourut de tout son pouvoir. Ce que le
Cierge de France crut pouvoir faire alors, pourquoi ne pas le faire
aujourd'hui, et, par une coopration franche aux ordonnances,
clm une Irritation que des journalistes imprudents excitent?
Un silence plein de dignit fut la seule rponse du plus grand
imbre; quelques autres lui firent comprendre que l'piscopat
n'avait pas besoin de ses remontrances, et l'archevque d'Amasi lui manda l 16 aot : Monsieur l'abb, je ne puis
m'expliquer l'irrgularit de votre dmarche. Quelle entreprise !
car vous ne pouvez ignorer que les Evques et Archevques ont
prononc presque l'unanimit sur ces ordonnances, que leur
CHP.
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198
CHAP. IV.
HISTOIRE
doit avoir prouv une bien vive et bien douce jouissance en lisant, dans le mmoire les consolantes paroles par lesquelles les
Prlats de son Eglise chrie montrent tant de respect et de soumission pour sa divine autorit. Ah! mon cher Seigneur, entrons
chaque jour encore plus avant, s'il se peut, dans la barque de
Pierre, et-jamais nous ne ferons naufrage.
L'agitation arrivait cependant son comble. Afin de l'apaiser,
on jugea que l'intervention du Souverain-Pontife serait ncessaire. M. Lasagny, conseiller la Cour de cassation, fut envoy
Rome, sans caractre officiel, mais avec mission de faire secrtement connatre au Pape le vritable tat des choses et d'obtenir
de lui qu'aucune censure mane du Saint-Sige ne vnt, sur les
instances des Evques, attiser le feu de la discorde. Le choix de
M. Lasagny tait une garantie pour les deux partis. Lon XII,
l'infaillible autorit de qui le roi et les Evques avaient recours
dans ces circonstances, devait couter la voix de son Nonce Paris; le 15 septembre, Lambruschini adressa cette dpche au
cardinal Bernetti :
Quoique jusqu' ce jour je me sois born informer Votre
Eminence, comme il tait de mon devoir, des dmarches faites par
les Evques contre les ordonnances, et d l'impression qu'elles
avaient produite dans l'esprit du roi et dans celui du gouvernement, toutefois, d'aprs les observations semes et l dans
mes dpches prcdentes, Votre Eminence aura pu remarquer
quelle tait ma manire de voir et mes sentiments l'gard de ces
fcheux vnements. Ds qu'ils eurent lieu, je n'ai pas nglig d'en tudier l'esprit, et, aprs avoir fait avec calme et maturit les observations convenables sur les ordonnances malheureusement publies par le roi, j'ai bien d m'affligr pour des actes
si dplorables ; mais je n'eus pas, et je n'ai pas encore le courage
d'engager le Saint-Sige se prononcer sur cette affaire. Il me
semble que le moment n'est pas encore arriv o Notre SaintPre le Pape puisse ou doive parler. Dans tous les cas, afin de
pouvoir dcider avec maturit et sagesse quel parti il faut prendre il servira beaucoup d'avoir sous les yeux les renseignements
,
relatifs au droit et au fait qui peuvent faire apprcier la prsente
controverse; controverse qui, parles consquences qu'elle est de
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
199
nature produire, devient aussi dlicate qu'elle est grave. J'exposerai ici avec libert ces consquences, afin que Votre Eminence
en fasse l'usage qu'elle jugera propos.
Et d'abord, quant au droit que la puissance laque peut avoir
ncessit de rclamer contre le principe admis jusqu'ici par l'autorit laque touchant les petits Sminaires, savoir, qu'ils ne peuvent exister sans son bon plaisir. La rclamation est certainement
juste et fonde sur les bonnes maximes ; mais malheureusement
200
CHAP. IV.
rr-
HISTOIRE
l'une et l'autre ordonnance, TT- jusqu' ces mots : avec quelque prcision, reste pour le moins beaucoup affaiblie par l'exposition des droits qu'ils accordent au prince dans le paragraphe
qui vient aprs celui que j'ai, indiqu, lequel commence par ces
mots : 7 Que le prince, r o ils disent en propres termes qu'au
Souverain appartient le droit d'inspection et la surveillance ncessaire sur les coles ecclsiastiques, pour assurer l'ordre pur
Hic, empcher les transgressions des lois et maintenir les droits
et l'honneur de la souverainet. Il me parat que ces Prlats, en
admettant un tel principe, ont ruin leur cause d'une manire
irrparable, puisque Ig-Jlp peut maintenant faire tomber toutes
Jeurs remontrances avec: ce raisonnement trs-simple : Vous admettez que c'est moi de surveiller les coles ecclsiastiques
pour empcher la transgression des lois ; mais j'ai remarqu que
la manire dont taient organises }es coles secondaires dites
petits Sminaires tait quivalente aune vritable transgression
des lois qui sont en vigueur dans le Royaume : donc j'ai d les
rformer,
Ainsi Votre Eminence voit que, d'aprs la doctrine tablie
i)
par les Evques, toute la controverse peut maintenant se rduire de la part de la puissance laque, une pure question de
,
fait, savoir, si la manire dont sont rgls les petits Sminaires
est ou n'est pas contraire aux lois.. Or, chacun sait que, dans ces
questions de fait, le Souverain a toujours beaucoup d'avantages
sur des sujets: ; et puis comment en proposer, et comment en
obtenir mme un simple examen? La rclamation des Evques
aurait pu tre plus forte et leur raisonnement plus serr s'ils
s'taient appuys sur le texte du Concile de Trente. Si, avant de
prsenter leur travail, ils me l'avaient communiqu,je n'aurais
pas manqu de leur faire goter mes observations, et je les aurais
galement pris de ne pas prononcer le terrible non possumus,
pour yiter aussi de se mettre dans une position fausse, d'o ils
n'auraient pu ensuite sortir sans compromettre leur honneur...
Quant nous , il convient de ne pas perdre de vue les dispo-
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.'
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202
CHAP. IV.
HISTOIRE
monseigneur l'Archevque et d'autres que, si la "trs-imprudente publication du Mmoire des Prlats n'avait pas eu lieu,
les trois demandes qu'il contient auraient t admises.
Or, maintenant il convient d'attendre encore un peu pour
203
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
204
CHAI". IV.
HISTOIRE
l'archevque administrateur de Lyon qui lui demandait des instructions, lie put
s'empcher de lui mander : Je me permets de vous dire que j'ai la cerlilude
que Monseigneur le Cardinal Bernetti, secrtaire d'Etal du Trs-Saint-Pcre, a
rellement crit une lettre de rponse a M. le ministre des affaires trangres du
roi. Cela est un fait; mais je dois vous dclarer Irs-posilivemenlque des articles
que Votre Grandeur aura pu lire dans quelques journaux de Paris, et particulirement dans la Quotidienne, par rapport celle lettre, sur la personne trs-respectable du Cardinal Bernetli et sur la mienne aussi, sont pleins non-seulement d'inexactitudes et de faussets, mais des plus noires el des plus perfides calomnies.
Monseigneur le Cardinal Bernetli est le plus honnte personnage du monde, el
moi je n'ai pu que'hautement frmir par rapport aux abominables insinuations
qu'o n'a pas rougi de rpandre sur son compte.
DE LA-COMPAGNIE DE JSUS.
205
l'initie point, par des dfiances dont la rapidit de l'improvisation n lui permet pas toujours de calculer la porte.
Le roi avait dit que ls ordonnances ne seraient pas rigoureusement excutes ; mais les Evques pensaient, et avec raison,
que le ministre trouverait moyen d'luder cette promesse. L
ministre voulait vivre; pour cela il fallait l'appui du Libralisme.
Les royalistes s'taient spars de lui, les Catholiques le combattaient outrance : il n'avait donc de partisans que parmi les
adversaires de la Religion et de la Monarchie. Son plan et sa
marche taient connus. Il devait s'opposer toutes les volonts
du roi' afin de conqurir dans les chambres Une majorit quelconque. Cette majorit ne lui serait aumne qu' la condition
d'tre inflexible dans les mesures prendre contre les Jsuites
et contre le Clerg. La dpche du cardinal Bernetti modifiait
sensiblement les dispositions de l'piscopat. L'archevque de
Paris, le Nonce du Saint-Sige et les autres prlats runis dans
la capitale jugrent qu'il importait de mettre un' terme aux dissentiments. Sans accepter nanmoins la lgalit des ordonnances,
il fut dcid qu'un projet de lettre au ministre des affaires ecclsiastiques serait soumis chaque Evque. Le 8 octobre, les prlats firent passer leurs collgues une note secrte qui expliquait
le but de cette dmarche. Elle est ainsi conue :
La note adresse NN. SS. les Evques, sous la date dit
8 octobre 1828, n'a point t numrote, parce que, ayant t
communique au gouvernement, elle n'a point paru devoir tre
comprise dans la srie des notes purement confidentielles.
Utile d'envoyer celle-ci pour mettre NN. SS. mieux
On,croit
mme de juger la position des choses, et de continuer, autant
que possible, cette prcieuse unanimit de conduite et d'expression de sentiments en des actes d'une si haute importance. Sans
doute il rest libre chacun de penser que l'opinion du Souverain-Pontife a pu tre influence par les envoys du gouvernement ; que Sa Saintet a pu ne pas tre informe bien exactement
du vritable tat politique et religieux de la France et de l'effet
plus ou moins favorable de la rsistance des Evques, comme
aussi des consquences probables qui en rsulteraient pour l'avenir. Mais indpendamment de ces rflexions (et de plusieurs
206
CHAP. IV.
HISTOIRE
autres qui peuvent faire natre des craintes bien lgitimes ), toujours est-il que l'Episcopat semble . couvert par les insinuations
et les dsirs qu'a manifests la cour de Rome. On sait que, ds
le commencement de ces tristes affaires, le zle et la fermet des
Evques ont t lous par le Souverain-Pontife ; toutefois, l'espce d'obscurit qui enveloppe les motifs de la conduite prsente
du Saint-Sige a bien son avantage, en ce que les Evques ne
feraient maintenant, par leur dfrence, qu'honorer l'autorit
prpondrante du chef de l'Eglise et conserveraient intacts leurs
droits pour l'avenir. Ce ne serait qu'une condescendance temporaire qui rpondrait une ncessit actuelle ou prsume telle
,
par le Souverain-Pontife. La question de droit demeure entire ,
puisqu'il est certain qu'il n'est intervenu, de la part du SaintSige, ni jugement ni dcision qui combatte ou redresse les
principes poss par les Evques dans leur mmoire, et que Rome
n'a fait non plus aucune concession relle rien qui puisse lgi,
timer ou consacrer pour la suite les derniers empitements du
pouvoir civil sur les droits incontestables de l'Episcopat. Le parti
propos dans la note et la lettre du 8 octobre, signes par Monseigneur l'Archevque de Paris, semble offrir l'avantage de conserver plus facilement l'unit dans le corps des Evques de
France, et de retrouver aussi plus facilement cette presque unanimit de conduite et de dfense dans tous les graves intrts
religieux qui pourraient encore nous menacer.
Il gst d'ailleurs facile d'apprcier combien peu de choses
se rduisent les concessions des Evques s'ils suivent le mode
indiqu ( mode qui a t communiqu au gouvernement, et dont
on sait qu'il se contentera s'il est gnralement adopt ), surtout
si, comme le jugent ncessaire- les sept Prlats dont les noms
sont inscrits on s'en tient rigoureusement ne se servir d'aucun
,
des tableaux du ministre, mais donner, par forme de lettre, les
seuls renseignements dsigns dans la note du 8 octobre, savoir :
un expos libre de la situation du ou des petits Sminaires, qui
contiendrait le nombre actif des lves, le nombre prsum ncessaire, le nom des Suprieurs ou Directeurs qui seraient qualifis de prtres sculiers; enfin une note gnrale sur les ressources pcuniaires du diocse, qui ferait connatre que la plus forte
.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
207
208
HISTOIRE
Le ministre Martignac-Portalis croyait avoir enfin rattach
sa fortune l'opposition rvolutionnaire; le Globe ne lui laissa
pas longtemps cette pense de satisfaction intime. Les Constitutionnels avaient pouss le gouvernement de Charles X mutiler
l'Eglise ; ils allaient attaquer le gouvernement lui-mme, et ils
insultaient le Clerg avec des paroles que l'histoire ne peut
omettre. ' La querelle des Evques, disait la feuille doctrinaire
le 10 septembre 1828, touche sa fin; cette petite fronde de
sacristie meurt sous le ridicule, comme toutes les insurrections
sans force et sans nationalit, qui dbutent par des cris de :
Vaincre ou mourir! et dsarment paisiblement au premier choc.
Il y aurait, en vrit, trop de bonhomie se battre plus longtemps contre ce spectre de l'piscopat; car, si ses clameurs
peuvent encore troubler quelques mes pieuses et crdules perdues et l dans la foule, si quelque danger peut venir de ses
intrigues et de ses menes, il y a bien un autre danger se lais
serprvenir et dtourner notre attention des actes du ministre.
C'est avec le ministre que nous avons affaire.
Au milieu de ces dbats, les Jsuites, que le Libralisme reprsentait comme les dominateurs de la France et comme des
casuistes toujours prts tourner la loi ou violer les serments,
se retiraient de leurs Collges sans profrer une plainte.
L'piscopat avait soutenu une lutte qui tait un glorieux tmoignage de leurs services; les Jsuites jugrent opportun de ne s'y
mler en aucune faon. lisse sparrent de leurs lves, qui versaient des larmes et qui protestaient publiquement contre l'oeuvre
de destruction ; ils entendirent le Clerg rendre hommage leurs
vertus; ils virent les cits les plus importantes du Nord et du
Midi s'associer au deuil de l'Eglise et de la jeunesse; ils ne trouvrent partout qu'estime et regrets. Celte douleur eut une manifestation si saisissante qu'elle se reflta jusque dans les travaux
et les voeux des Conseils gnraux, les vritables reprsentants
des besoins du royaume, et elle n'chappa point au Constitutionnel lui-mme. Le 4 aot 1828, il la signale avec terreur :
Ce qui contraste, dit-il, d'une manire bien plus choquante
avec les sentiments du pays, c'est l'expression des votes d'un
trs-grand nombre de Conseils sur l'instruction publique-. Ils solCHAP. IV.
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
209
licitent une loi pour qu'elle soit exclusivement selon les uns, ou
en concurrence selon les plus modrs, livre des Corporations
religieuses. Le Conseil gnral du Doubs demande que les Congrgations dj existantes soient autorises lgalement. Celui du
dpartement de Vaucluse est plus franc : il vote pour que l'instruction publique soit confie notamment aux Jsuites, dont l'intrt de la Religion et de la Socit rclame le rtablissement.
Ainsi cette perscution de dix ans, organise par le Libralisme et sanctionne par un ministre immolant la Religion et
la Monarchie pour vivre quelques jours de plus sous la protection
des ides dmagogiques, n'aboutissait qu' faire glorifier la Compagnie de Jsus. La presse librale la calomniait, le pouvoir
essayait de la bannir, et le Clerg, la jeunesse, les pres de famille, les Conseils gnraux s'unissaient pour proclamer sa ncessit. La France chrtienne adoptait les Jsuites, la France rvolutionnaire les fltrissait. Pendant ce temps, voil les mesures
qu'ils prenaient pour rsister l'assaut permanent que l'impit
leur livrait. Le Pre Godinot, Provincial de France, crivait, le
7 aot 1828, aux suprieurs des huit petits Sminaires : Aprs
votre distribution de prix, qui doit tre faite sans clat et sans discours qui tendent faire des allusions ou exciter des regrets, vous
donnerez tous les professeurs les huit jours de vacances pleins
que permet l'Institut; puis, tous feront la retraite annuelle avec
le plus de recueillement et le plus de ferveur qu'ils pourront.
Ce fut ainsi que les Jsuites sortirent des tablissements que
les Evques leur avaient confis sous la protection des lois. Les
enfants de saint Ignace ne pouvaient plus rpandre sur la France
les bienfaits d'une ducation chrtiennement librale, les premiers pasteurs des diocses les conservrent ou les accueillirent
comme directeurs, prdicateurs ou Missionnaires. Chacun s'imposa des sacrifices pour ne pas priver l'Eglise des secours que lui
offrait la Compagnie, et, l'exemple de Jean de Cheverus, plus
d'un prlat consacra une bonne partie de son traitement l'entretien des disciples de l'Institut.
La Rvolution venait de faire une large plaie au Catholicisme.
Elle avait pu mesurer jusqu' quel degr Charles X pousserait
les sacrifices. Aprs ce premier succs, elle rsolut de tenter une
14 '
vi.
.
210
CHAP. IV.
HISTOIRE
campagne dcisive contre la Royaut. Le Monarque, aveugl par
de menteuses dfrences, hsitait devant les Libraux ne tirant
leur audace que de la pusillanimit des administrations-. On espra
amener le roi briser de ses propres mains le sceptre que sa
loyaut trop dbonnaire n'osait changer en pe de justice. La
Rvolution avait dit, mme sous les ministres Villle et Portalis,
que les Jsuites rgnaient et gouvernaientJ. Quand le prince de
Polignac fut appel aux affaires, elle ne mit plus de bornes ses
dbauches d'intelligence. Les Jsuites devinrent les promoteurs
des coups d'Etat ; ils furent les conseillers, les agents invisibles
de la raction ; ils formrent avec le nonce Lambruschini une
camarilla de prlats et de courtisans qui n'exista jamais que
dans l'imagination de la presse; ils furent les incendiaires 2 qui
Un homme qui a l calomni lui-mme, mais qui, a force de courage et de
talent, a contraint ses ennemis l'honorer et a lui dcerner publiquement des tmoignages d'estime, le comte de Peyronnet, ancien ministre de la justice et de
l'intrieur, rsumait ainsi, dans ses Esquisses politiques publies en 1829, la situation faite aux Jsuites. Ce passage lail vrai cette poque; nous croyons
qu'il aura longtemps encore un intrt d'actualit :
On a dit que les Jsuites nuisaient la Religion : et qui a dit cela? des hommes qui n'aspirent qu' la ruine de la Religion.
On a dit qu'ils taient ennemis des rois ; et qui a dit cela? des hommes qui
n'aspirent qu' la chute des rois.
On a dit qu'ils taient ennemis de la Charte : et qui a dit cela ? des hommes
qui la violaient ouvertement leur dtriment.
On a dit qu'ils exeraient une influence pernicieuse dans l'Etat : et qui a dit
cela? des hommes dont la funeste influence fait depuis trente ans tous les mal-,
heurs de l'Etat.
n On a dit qu'ils n'taient pas tolrants ; et qui a dit cela ? des hommes qui sont
anims envers eux de la plus coupable intolrance qui ft jamais; intolrance des
hommes qui ne croient point.
On a dit qu'ils taient ennemis de la libert : et qui a dit cela? des hommes
qui les chassent de leurs glises, de leurs cules et de leurs pays ; des hommes qui
blessent la fois dans leur personne la libert religieuse, la libert politique et
la libert civile.
Ni la sottise de l'accusation, ni l'effronterie des accusateurs n'ont suffi. On savait bien qu'on tait tromp, mais on voulait l'tre.
Quand je harais et redouterais les Jsuites autant, que leur plus fanatique
ennemi, je croirais encore que le maintien de la libert de conscience esl d'un plus
grand prix quo leur expulsion, u
t
2 Pendant l'instruction du procs des Ministres signataires des ordonnances de
juillet, M. Dranger, commissaire-accusateur prs la chambre des pairs, reut de
Toulouse une lettre date du 1" octobre 1830. Celle lettre tait ainsi conue:
Monsieur, des malheurs inous me forcrent devenir l'instrument d'un parti
dont j'tais un principal agent dans les incendies qui dsolrent la Normandie, et
qui devaient s'tendre sur la Fronce entire, si j'avais rempli.les instructions donnes ce sujet.
Mais le cri d'alarme des journaux, le tableau qu'ils prsentaient du dplorable
i>
tat de ces victimes et, si j'ose le dire, mes propres senliments, m'inspirrent une
horreur de moi-mme. Je suspendis mon infme mission ; je pris la fuite pour me
1
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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212
CHAP. .IV.
HISTOIRE
coles retentissaient
les
acadmies,
temples,
les
les
lorsque
pas ;
d'un concert parfum d'loges, de bndictions pour lui et pour
chantaient ses vertus, lorsqu'ils s'sa race ; lorsque nos potes
panchaient en allusions louangeuses sur la bravoure de ce nouvel Henri IV, la grce de cet autre Franois Ier, tout cela n'tait
qu'une feinte l'aide de laquelle nous tchions de nous drober
Vous
aux chanes dans lesquelles il s'efforait de nous enlacer.
avez t comme un de ces spectateurs novices qui, assis au parterre pour la premire fois, prennent pour la ralit la scne
qUe l'on joue devant eux. Dtrompezrvous ; pairs, dputs, magistrats, simples citoyens, nous avons tous jou une comdie
de quinze ans 1.
Les Jsuites taient chasss de France, les vritables hypocrites s'y rvlrent. Cette dclaration fut une leon significative; le National ne resta pas en arrire de semblables pandonc la lettre cite plus haut. La chambre des pairs, comme la presse librale,
n'avait plus besoin des Jsuites pour battre en brche la Religion et la royaut; H
ne lui restait plus qu' savoir tre quitable. Le comte Bastard de i'Estang, rappoiteur de la commission d'accusation, ne put s'empcher de dire en parlant de ce
misrable, qui avail si mal choisi son momcnl : Tous les autres points de sa dclaration sont galement claircis, et parlout le mensonge esl constat. S'il se ft
agi d'une affaire moius grave, un pareil incident et l cart sans examen ; mais
il vaut mieux encore"qu'il ne le soit qu'aprs une complte vrification des fails.
Dans ce temps-l, plusieurs coupables esprrent se faire acquitter en se donnant
les Jsuites pour instigateurs de leurs crimes. Ils voyaient que la calomnie avait si
bien russi en faveur de plus audacieux, qu'ils calomniaient leur tour et leur
manire. Berri se proclamait incendiaire du fait de la Compagnie; un jardinier
de Verrires, nomm Troclet, imagina de se justifier ainsi de l'assassinat qu'il avait
commis sur la personne de Bellaure, habitant d'Anton^, son crancier. Il accusa le
Pre Jennesseaux et deux autres Jsuites, qui, le 28 juillet 1830, l'avaient, prtendait-il, charg de leur cacher une malle pleine d'objets prcieux. Devant la Cour
d'assises de la'Seine, 'prside par M. Agier, Troclet reproduisit sa fable. Le Pre
Jeimesseaux ne l'avait jamais connu, jamais 'vu; cela resta dmontr. L'assassin fut
condamn mort le 23 mai 1831, et le Jsuite mis hors de cause. .
1 Dix ans n'taient pas encore couls, et dj la Comdie de quinze ans recommenait. En 1839, un professeur d'histoire remettait en scne le fanlme de la Congrgation, rajeunissait les vieilles fables du Constitutionnel, ressuscitait l'omnipotence magique de Mont-Rouge, etc. 11 faut le lire de ses propres yeux pour y croire.
La Congrgation avait vaincu sous les auspices de M' du Cayla (sic) et de M. de
Villle, crit propos de la guerre d'Espagne (1823) M. Th. Burelle dans sa Continuation de l'Histoire de France d'Anquetil (t. rv, p. 613;. El plus bas, propos
des lections (1823) : La Congrgation mit en jeu toutes ses batteries : Indulgences
plnires pour les lecteurs complaisants, mandements piscopaux , corruption de
sacristie, etc., etc. A la page 618 on lit : Cependant les Pres de Moul-Rouge rclamaient grands cris l'excution des promesses qu'on leur avait faites. La cour,
le ministre leur taient dvous; la part de leurs adeples tait large el belle dans
l'administration. Tout rcemment encore (10 fvrier 1826) ils venaient de faire voler
la Chambre le rtablissementdu droit d'anesse, etc., etc. Est-ce l de l'histoire, du roman ou du pamphlet ?
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
213
214
HISTOIRE
tant Reims serment la Charte, il avait dans sa poche l'absolution de ce parjure, et qu'ainsi le coup d'Etat tait sa pense favorite.
raisonnent et parlent les masses dans
C'est comme cela que
tous les temps ; elles donnent leur soupons une forme matrielle
qui les aide singulirement soutenir le combat.
Devant cette cynique thorie de l'imposture qui, rvle la
France, sera encore mise plus tard en oeuvre avec le mme succs,
il ne reste l'histoire que le droit de .fltrir tant d'impudence et de
prendre en piti la crdulit des hommes.
CHAP. V.
CHAPITRE V.
Les Jsuites Rome. Leur expulsion de Russie devient le salut de la Compagnie. Caractre de Forlis. Ses premires mesures. Les Jsuites rappels dans le Piniont et l Sardaigno. -- Rvolution de Pimont, Victor-Emmanuel abdiqu. Charles-Flix roi. 11 connat les projets des Carbonari.
Sa fermet-les djoue. Les Pres Roothaan et Manera Turin. Le Pre
Grassi confesseur du monarque. Charles-Albert et les Jsuites Les nouveaux Collges et le palais de la reine Gnes. Intrigues pour perdre la Compagnie. Mort de Pie VII. Le Conclave de 1823. Le cardinal dlia Genga
est lu, pape sous le nom de, Lon Xll. Craintes des Jsuites la nouvelle de
" celte lection. Le Pre Rozaven ne partage pas ces craintes. Lon XII rend
aux Jsuites le Collge Romain. Portrait de Lon XII. -- Il protgela Compagnie. Le Pre Ricasoli est charg par lui de l'ducation de ses neveux.
Jsuites qui refusent l'piscopat. .Le comle Michel Szczyll au Noviciat.
Mort de Fortis et du Pape- Congrgation, Gnrale. --. Le Pre Jean Roothaan
est nomm Gnral de la Socit. PieVllI et les Jsuites. Caractre de
Roothaan.Les rvolutions en Europe provoquent l'insurrection en Italie.
Ses premiers efforts tournent contre les Jsuites. Le Conclave choisit le cardinal Capellari pour Souverain-Pontife. Portrait de Grgoire XVI. Les
Jsuites, par ordre du cardinal Zurla, donnent les exercices de saint Ignace
tous les Religieux de Rome. L'insurrection les chasse de leurs Collges. Ils
y rentreiil. La Propagande les charge du Collge Urbain.Le cholra aux
portes de Rome. Cal.onjni.es contre le Pope et les Romains. Prcautions
prises par le gouvernement pontifical. -- Le peuple de Rome el les processions.
Translation de l'image de sainte Marie-Majeure au Ges. Les Jsuites pendant le flau., -r Grgoire X.VJ el les orphelins, ^- Le cardinal Odescalchi renonce la pourpre et entre au Noviciat des Jsuites de Vrone.Sa lettre au Gnral le jour mme o il revt l'habit de l'Ordre. Mort du Pre Odescalchi.
Encyclique du Gural pou.r l'anne sculaire, Les Jsuites .rentrent Venise. Les habitants de l'Ile de Malle demandent des Pres au gouvernement
anglais, t-Lord Stanley seconde leur voeu..rLes Jsuites en Sicile. - Ils sont
mdialeurs.en.tre les partis. Leur attitude Naples. Les Jsuites rappels
en Espagne. Le Pre de Zuiiga Provincial On leur restitue les biens non
alins.-rLe Collge imprial de Madrid.Succs des Pres. La rvolution de
1820 proscrit la Compagnie. Fondation du Collge militaire de Sgovie.
Son but. --- Mort de Ferdinand VII. Piemiers symptmes de guerre civile
On accuse les Jsuites d'tre hostiles au gouvernement constitutionnel. Pour
exciter le peuple contre eux, on rpand le bruit qu'ils ont edipoisonu les ton-
CHARLES ODESCALCHI.
Prtre, de la Conipanie de Jsus.
.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
215
laines, L'meute chez les Pres Massacre des Jsuites de Madrid. Le Pre
Munoz, sauv par les assassins;, protge les autres enfants de saint Ignace. Le
pouvoir constitutionnelen face du crime autoris
Les Corls suppriment la
Compagnie. La maison de Loyola survit la destruction. Les Jsuites cl les
Carlistes. Don Miguel en Portugal. Rappel de la Compagnie. Le Pre Delvaux y conduit quelques Pres franais. Timidil du gouvernement vaincue par
le cardinal Justiniani.. La petile-fllle de Pombal el les Jsuites. Don Miguel
leur restitue le clbre Collge de Combre. Marche triomphale des Pres dans
la province de Beira. Le Pre Delvaux au tombeau de Pombal. Les Jsuites
Combre. L'arme de don Pedro. La guerre civile et le. cholra. Politique et dvouement des Pres. - Don Pedro lche d'attirer les Jsuites dans
son parti. Propositions peu constitutionnelles de ce prince. Don Miguel
vacue Lisbonne. La Rvolution y rgne par l'meute. Les Jsuites sauvs
par un Anglais.Nouveau dcret de proscription contre l'Institut. Les Jsuites de Combre la Tour Saint-Julien. Le barou Mortier les dlivre.
216
CHAP. V.
HISTOIRE
les vicissitudes. La suppression le trouva professeur de rhtorique Ferrare; il ne voulut pas se sparer de la mre qui venait
d'ouvrir son coeur la pit et aux belles-lettres. Ds que la Compagnie fut ressuscite dans l'empire russe, il demanda y tre
agrg, puis il s'effora de la faire accepter Parme et Naples.
C'tait dj un vieillard en 1820; nanmoins, avec une profonde
exprience du coeur humain il possdait une me fortement
,
trempe. Il savait que le bien lui-mme ne doit pas tre prcipit. Il marchait donc avec prudence au milieu des obstacles entravant la route, mais il arrivait au but. Ce but tait l'amlioration
plutt que l'agrandissement de la Socit. Les rvolutions dont
l'Espagne et une partie des Etats italiens taient le thtre devaient ragir sur les Jsuites ; tin les chassait au cri de Vive la
libert/ Fortis les soutient dans ces nouvelles preuves. Il fomle
Rome la maison de retraite de Saint-Eusbe 1. Au mois de novembre 1821, le Pre Tartagni cre le collge de Forli ; quelques
1
Cette maison de Saint-Eusbe est clbre Rome par la relraife que les Jsuites
doutes et par ses incertitudes en matire de religion. Il confra avec le Pre Kohlman, l'ami du protestant Schlosser, et dans son ouvrage intitul : Le Sminaire
ecclsiastiqueou Huit jours Saint-Evsbe, Theiner rend ainsi compte de ses
sentiments : Je pntrai donc dans cette maison de retraite de Saint-Eusbe, mais
dans quelle allenle ! J'tais fermement convaincu que je ne pourrais y passer seulement trois jours. Attir l peut-tre plus par curiosit que par un autre sentiment, je voulais tudier d'un peu prs ces fameux Jsuites dont on parlait tant,
d'autant plus qu'on m'avait dit Vienne beaucoup de mal de leur maison de retraite. J'esprais au moins, si je pouvais m'en tirer salv raie, trouver l le sujet
d'un piquant article de journal. J'avais aussi pris la prcaution de charger mon
ami, i'artiste franais dont j'avais pris cong sous prlexle d'une course la campagne, de me faire rclamer avec instance telle adresse, si je n'avais pas reparu
le douzime jour.
Mais que je fuB surpris! le pieux silence qui rgnait dans cette aimable de.
parlait intimement mon ame; et dj de si heureux commencements
meure
promettaient une heureuse fln. On me conduisit dans une petite chapelle dcore
avec got, dont le style gothique, en portant au recueillement, ajoutait encore
l'impression produite par l'orateur, et o tout contribuait veiller et nourrir la
piet. Le discours d'ouverture de la retraite captiva toute mon me et calma ses
agitations. L'exposition simple et lumineuse de i'objet lev de ces exercices, l'exhortation touchante adresse tous les assistants de s'loigner s'ils ne se sentaient
ni assez de courage ni assez de force pour suivre celte retraile avec les dispositions et les vues exiges par le saint fondateur ; tout cela fil sur moi l'impression
que je souhaitais, et ne me laissa pas douter un instant que je n'en retirasse pour
mou ftme la force qui m'tait ncessaire, et celle paix aprs laquelle je soupirais
depuis si longtemps, et qui depuis plusieurs mois tait l'objet de lant et de si srieuses dmarches.
Augustin Theiner sortit de Saint-Eusbe le 2!) avril 1833. II tait fervent Catholique; il est aujourd'hui prtre de l'Oratoire de Saint-Philippe de Nri.
DE LA COMPAGNIE-DE JSUS.
217
jours aprs, les Pres Rigoli, Gianotti et Chiavero prennent possession de celui de Modne. Le marquis Antoine Visconti de
Milan l'avait dot ; le duc Franois IV en fait l'objet de sa sollicitude spciale. Il confie au Jsuite Gianotti l'ducation des
princes ses fds, et il demande que le l're Camille Pallavicini
soit nomm Evque de Reggio. Pendant ce temps d'autres Jsuites s'lancent sur le sommet des montagnes et au fond des
bois qui avoisinent la ville de Frosinone : c'est le repaire des bandits de la Romagne. Les Jsuites s'efforcent de faire natre le
repentir chez ces hommes farouches ; ils y parviennent.
A peine la Compagnie tait-elle rtablie que, fidle ses traditions de famille, le roi Victor-Emmanuel de Pimont s'occupe
de rappeler les Jsuites dans ses Etats. Il leur ouvre successivement le Collge de Saint-Ambroise Gnes, ceux de Turin de
,
Le
Novarre et de Nice.
Pre Thomas Pizzi conduit les disciples
de saint Ignace Cagliari, dans l'le de Sardaigne ; Joseph Bellotli forme le Noviciat de Chieri. Jean Roothaan est le premier
suprieur de la maison des Provinces Turin, vaste cole o la
jeunesse studieuse embrasse d'un seul regard le cercle de toutes
les connaissances, et o s'enseignent en mme temps la thologie, les belles-lettres, le droit, la mdecine et la chirurgie. La
rvolution de 1821 et les consquences qu'elle entrana firent
natre dans le coeur du Monarque de si tristes prvisions, qu'il ne
se jugea pas capable de rprimer un mouvement dont il avait
suivi les progrs avec effroi. Il crut que, pour l'honneur du trne,
il devait abandonner le soin des affaires un caractre plus vigoureux. Charles-Flix, son frre, jusqu'alors connu sous le titre
de duc de Genevois, fut forc par lui de prendre les rnes du
royaume. Comme partout, la Rvolution pimontaise s'accomplissait pour imposer de nouvelles lois au souverain, pour annihiler le pouvoir et l'offrir dans la rue au premier venu qui saurait corrompre les multitudes. Le nom des Jsuites tait un signal
de proscription. Les Carbonari italiens, allemands et espagnols
avaient contract alliance avec les Rvolutionnaires franais, ces
fils ans de l'anarchie. Le mot d'ordre, le secret des Ventes cachait la ruine des rois sous l'ar.anlissement de l'Ordre de Jsus.
Charles-Flix, qui rsista autant qu'il put l'abdication de
218
'
CHAP. V.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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220
CHAP. V.
HISTOIRE
Palazzo dlia Regina, parce que Marie-Thrse, veuve de VictorEmmanuel, l'habita avec ses filles, l'impratrice d'Autriche, la
reine de Naples et la duchesse de Lucques.
A cette marque inespre de confiance royale, les adversaires
del Compagnie sentirent qu'ils avaient fait fausse route, et que,
pour perdre les Jsuites dans un temps plus ou moins loign, il
ne fallait pas les attaquer de front. Charles-Albert tait alors aim
et estim de ses peuples. Mais, aprs s'tre rendu compte de la
situation, il ne voulait pas reculer devant les prjugs d'un autre
ge, que les amis des lumires et du progrs constitutionnels'efforaient de rpandre. On espra qu'il serait plus facile de miner
la place que de l'enlever d'assaut. On essaya de dire d'abord que
les Jsuites feraient repentir le roi de sa protection. Les Jsuites
imposrent la cour et aux ministres leur immuable volont ; ils
gouvernrent; ils rgnrent. Ces mensonges furent accueillis avec
ddain ; on en fit circuler d'autres. On apprit Charles-Albertque
les Pres taient d'excellents Religieux, de bons directeurs, des
orateurs loquents, de saints Missionnaires; mais leur ducation
ne se trouvait plus en rapport avec les besoins du sicle, elle ne
concordait plus avec la civilisation moderne, car les Jsuites
taient les ennemis de toute ide nouvelle. 11 faudrait, aux enfants levs par eux, un roi absolu comme Amde II et saint
comme Humbert. Le Monarque sourit, et laissa au temps le soin
de trancher la question. En 1847, cette question, remise par
Charles-Albert lui-mme la dcision de l'ide rvolutionnaire,
vint s'engloutir dans la tourmente que souleva le fatal rve de
l'unil italienne.
La Socit de Jsus cessait pour le moment d'tre en contact
avec les rvolutions d'Italie ; elle voit son existence compromise
dans l'lection d'un nouveau Pape. Le 20 aot 1823, Pie VII tait
mort plein de jours et de bonnes oeuvres ; et le Conclave allait
donner un autre Pontife l'Eglise. Pour l'Ordre de Jsus, le
choix n'tait pas indiffrent ; l'Ordre avait des adversaires dans le
Sacr-Collge ; depuis la Congrgation Gnrale, il souponnait
le cardinal dlia Genga de lui tre peu favorable. Ce cardinal avait
en effet pris ouvertement parti contre les Pres. On le savait attach ses ides juste, mais inflexible dans sa volont. 11 n'a,
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
22 i
222
CHAP. V.
HISTOIRE
nral que l'air de Rome ne me convient pas, je suis tout rsign
aller respirer celui de France et mme celui que respira le Pre
Bougeant dans son exil. Qu'on me donne l'emploi de professeur
de logique et de mtaphysique, pro nostris, et mon ambition sera
satisfaite. J'aurais, je crois, un grand plaisir enseigner ces jeunes gens raisonner juste, chose que je vois devenir de jour en
jour plus rare.
La preuve publique et manifeste que le Pre Rozaven fait esprer aux Jsuites de France de la part de Lon XII ne tarda pas
tre officiellement donne. Le Pape ne proscrivit aucun des disciples de saint Ignace entrs en lutte contre le cardinal delta Genga,
pas mme le Pre Rozaven. Bien mieux, le 17 mai 1824, il
publia le bref, Cum multa in urbe, qui restitue la Socit de
Jsus le Collge Romain, dont ses plus illustres matres avaient
immortalis le nom. Le marquis Patrizi, snateur de Rome,
s'tait dj, sous Pie Vil, rendu auprs du Saint-Sige l'interprte des familles ; il avait prsent au Pape une supplique dans
laquelle on lit : Le Collge Romain, sanctuaire ddi aux sciences et la Religion, ancienne proprit de la Compagnie de
Jsus, Sminaire d'une foule innombrable de personnages, clbres par leur saintet ou leur savoir, se trouve encore entre des
mains trangres. Quoique, en vertu d'un acte de Votre Saintet,
qui promet aux Jsuites la restitution de leurs anciennes proprits
non alines, on ne puisse douter que ledit Collge ne leur soit
bientt rendu, nanmoins, le Peuple ne croit pas devoir ngliger les moyens qui lui semblent opportuns pour acclrer cette
restitution et avec elle le complment de ses voeux.
,
.
Le Peuple Romain sollicitait cette faveur au pied du trne
de
Pie VII ; les vnements, plus forts que la volont des hommes,
firent ajourner la demande par un Pape ami des Jsuites. Son
successeur, qu'ils croyaient leur adversaire, exaua cette prire
de son propre mouvement. Le bref de Lon XII commence ainsi :
les tablissements nombreux que la prvoyante sollio Entre
citude des Souverains-Pontifes a fonds dans notre Ville pour
,
procurer- efficacement le salut et les avantages du peuple chrtien,
un rang d'honneur est d sans doute au Collge Romain, ce
Collge qui, lev la gloire de la Religion et des beaux-arts
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
223
224
HISTOIRE
qui tait en vigueur, l'an 1773, des coles publiques auxquelles
nous ordonnons d'adjoindre des chaires d'loquence sacre, de
CHAP. V.
physique et de chimie.
Dans les circonstances, ce bref tait plus qu'une conscration
pour la Socit de Jsus ; il devenait entre elle et le Saint-Sige
un indissoluble lien, car Rome les Papes ne cherchent point
dtruire ce que leurs prdcesseurs difirent. L'approbation de
Lon'XII, sanctionnant et augmentant les faveurs dj accordes
par Pie VII, tait d'autant plus prcieuse aux Jsuites que le nouveau Pontife ne balanait pas porter la cogne dans les abus
que son austre sagesse lui signalait. Toujours maladif, mais
toujours prt se mettre au-dessus des souffrances du corps par
l'inaltrable vigueur de son me, Lon XII devait ressusciter sur
le trne les Pontifes les plus vnrs. Il comprenait les besoins
de son sicle et l'esprit du ministre sacerdotal. Il tait conome
et juste, bienveillant et rigide : il ne lui fut donc pas difficile de
s'entendre avec les Jsuites. Il ne leur avait pas t favorable
avant son exaltation, le trne lui inspira d'autres ides ; le successeur de Pierre ne les cacha jamais. Il comprit que l'Institut
n'tait en butt tant d'hostilits patentes ou secrtes que parce
que les Pres dfendaient la Religion et les gouvernements lgitimes. Il rsolut, par devoir et par reconnaissance, de protger
son tour les disciples de saint Ignace; il ne faillit jamais la
mission qu'il se donnait. A Rome et dans les Etats pontificaux,
il n'avait qu' laisser faire le voeu des populations, il l'encouragea. Il visita souvent les Maisons de la Compagnie, il travailla
la batification de ses saints, accrut par des bienfaits le Collge
Germanique', et dveloppa dans tous les sens cette.Socit dont
' Le Collge Germanique tait dj rtabli sur ses anciennes
premiers lves qui se formrent l'cole des Jsuites de Ferrai'* furent Joseph
De Preux, Evque de Sion en Valais, el Franois Maohoud, Chanoine de celte
calh.lrale. Eu 1819, Fonlaua aujourd'hui archidiacre de Fribourg, se joignit
,
d.ux
Valaisans.
Ce
germe du Collge allemand fut transfr Rome dans la
aux
maison du Ges; en 1825, Lon Xll ordonna que les Germaniques reprissent leur
ancien costume. Maintenant cet tablissement, qui n'a en propre ni maison ni
glise, prospre comme aux plus beaux jours de l'Institut. C'est encore la ppinire
des Evques d'Allemagne. On remarque parmi eux le comte Lubicnski, Evque
de Rhodiopolis; Georges Slahl, Evque de Wurzbourg ; le comle Charles-Auguste
de Reisach, nomm par Pie VI 11 recteur de la Propagande sa sortie du Collge
Germanique, et choisi par le roi de Bavire pour Evque d'Eischladl et coadjuteur de Munich.
225
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
existe Rome une loi religieusement observe. Celte loi veut que, durant le temps
du Jubil, on ne contraigne aucun locataire sortir de la maison qu'il habile.
Lon XII dsira donner tous les Fidles un exemple de respect en faveur des prescriptions anciennes, et les Jsuites ne s'installrent.qu'une anne aprs dans la
maison qui leur appartenait.
VI.
15
226
CHAP. V.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
227
de lie rien dcrter h forme de loi avant qu'on et fait sanctionner- par l'exprience dans ls Provinces de l'Ordre les amliorations introduites. Ce conseil fut adopt.
,
Un nouveau souverain avait t donn l'Eglise universelle;
le 31 mars 1829, le Cardinal Xavier Castigliohe, qu'au dernier
conclave l'Autriche et la France portrent l'lection et que
Pie VII mourant avait dsign pour son successeur; remplaait
Lon XII. Pie VIII ne devait faire que passer stir le Sige apostolique; mais quand, le 22 avril, ls Jsuites vinrent recevoir la
bndiction du nouveau Pontife il s'empressa d leur offrir une
,
marque publique de son amour. Il leur adressa ces paroles : Je
l'ai dit souvent, et, lorsque j'en trouverai l'occsitiftV je me ferai
toujours ri plaisir de le redire j'aime la Compagnie de Jsus.
,
Ce sont des sentiments gravs dans mon coeur depuis l'enfance.
J'ai toujours singulirement honor sairit Ignace et saint Franois-Xavier dont, tout indign que j'en suis, j'ai le bonheur
,
de porter le nom. J'ai tudi sous de clbres Jsuites. Je sais
tous les services qu'ils rendent l'Eglise. L'Eglise ne peut se sparer du Pape, le Pape ne peut se sparer de l Compagnie. Les
temps dans lesquels nous vivons sont si mauvais ! Jamais l'impit ne dploya plus d'audace, plus de hin, plus d'astuce. Un
jour encore et qui sait si l'Eglise ne recevra pas de nouvelles
,
plaies. Unissons-nous tous pour dmbattre les enflerais du Seigneur. Rentrez donc dans vos Provinces, embrasez-les de Par-
deur qui" vous anime. Prchez, enseignez l'obissance et la vertu
dans les coles, dans les chaires,' dans les confessionnaux, par
l parole, par ls ressources de Y intelligence, par ls crits. Que
Dieu bnisse vos efforts ! et soyez srs que vous trouverez toujours
en moi le plus tendre et le plus, affectionne de tous les pres.
la veille des vnements rjtti allaient bouleverser l'Europe et
dsoler l'Eglise catholique, ce discours avait quelque chose de
tristement prophtique. Les Jsuites n se dguisaient pas la gravit des circonstances. Ils se savaient l'objet des terreurs feintes
et des haines relles d l'incrdulit ainsi que du Carbonarisme.
Le Pape les encourageaiti : ils ne se laissrent pas intimider par
ls ennemis de la Religion.
l Le 2 dcembre 1829, Pie V11I, accompagn des cardinaux dlia Somaglia et
228
HISTOIRE
Jean -Roothaan, le nouveau Gnral de l'Ordre, naquit
Amsterdam le 20 novembre 1785. Son caractre, assemblage de
qualits contraires, tait calme et froid au dehors, ardent et sensible l'intrieur. La modration dans les actes comme dans les
paroles tait sa vertu dominante; il la devait autant la force de
sa nature qu' son ducation premire. N catholique au milieu
d'un pays protestant 1, Jsuite dans un empire schismatique, il
avait d connatre de bonne heure le prix de la tolrance. Il
aimait l'tude et la prire, l'enseignement et l'apostolat. Le choix
de ses pairs le plaait au gouvernement de la Socit; il se rsigna au fardeau, et il commanda, ainsi que jusqu'alors il avait
obi, sans ostentation de pouvoir ou d'humilit. Pour tenir tte
aux orages dont l'Institut tait menac, pour fortifier les timides
et enchaner l'imptuosit des exalts, il fallait un courage aussi
persvrant que la sagesse ; Roothaan ne faillit point aux esprances des Profs. Il arrivait la tte de l'Ordre de Jsus dans un
moment o les passions taient surexcites. Ds le premier jour
il se traa une ligne de conduite, et il n'en dvia jamais.
La Compagnie n'ignorait pas que tant de coups taient bien
moins dirigs contre elle que contre le Catholicisme. Elle avait
assum sur sa tte toutes les accusations dont on la chargeait, et,
CHAP. Y.
s'est distingue dans toutes les branches d'tudes el de sciences; les services
qu'elle a rendus sont clatants el ne peuvent jamais tre oublis. El, parlant
de son protg catholique, Van Lenuep ajoute : Je vous recommande. Rvrends
Pres, d'une manire particulire ce jeune homme, dont j'ai apprci si haut le
mrite. Puisse-t-il tre combl par vous de science et de vertus, et puissionsnous le revoir un jour enrichi de ces dons pour lesquels il entreprend un si long
voyage '. n
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
229
persuade que le Saint-Sige lui tiendrait compte de ses sacrifices, elle se dvouait aux outrages en attendant que ces outrages
se transformassent en violence. L'attente des Jsuites ne fut pas
de longue dure. La Rvolution de juillet devint un signal pour
les autres conspirateurs. L'Italie et l'Espagne, le Portugal et la
Pologne s'insurgrent au nom.de la libert. Partout, except
Varsovie et Bruxelles, la libert fit expier sa victoire aux Jsuites. Sous ce nom de Jsuites on confondait la foi des peuples,
l'autorit de l'Eglise et les diverses hirarchies du Clerg. La
Rvolution, jetant enfin le masque, se montra front dcouvert ;
elle aspirait renverser ls trnes pour touffer le Catholicisme.
Comme en France et en Espagne, les Jsuites d'Italie ne furent
plus qu'un accessoire ; on les perscuta pour l'acquit des consciences librales; nanmoins l'insurrection visait plus haut. La
mort de Pie VIII, arrive le 30 novembre 1830, rveilla dans le
coeur des Carbonari romains l'ide de suivre l'exemple de la
France. La France avait eu ses barricades et sa journe des Dupes ; pour embarrasser l'Europe, elle provoqua un mouvement
dans les Etats voisins. Les Carbonari des Lgations ' s'bran' Il nous a t donn de suivre pas pas l'origine et les dveloppements de la
srie politique qui prit le nom de Charbonnerie. Ce n'est point ici le lieu de dire
sous quels auspices royaux elle se fonda dans le royaume des Deux-Siciies, comment elle s'tendit en Italie, en France el en Allemagne. Ce rcit se lie des vnements qui n'ont aucun point de contact avec les Jsuites. U n'est question des Pres
de l'Institut dans les Ventes que pour les massacrer, lorsque le jour du triomphe
sera venu pour elles. Nous croyons donc devoir nous renfermer dans le cercle qui
nous esl trac par les Carbonari eux-mmes. C'esl partir de l'anne 1815 peu prs
que le Carbonarismefitinvasion dans la Romagne, dans le royaume I.ombardo-Vnitien, en Pimont; et partout il voqua, il trouva des sides et des dupes. Les
arfilis la secte commencrent par se mettre aux gages de l'tranger lout en proclamant grands cris l'indpendance de l'Italie. Sous prtexte de la dlivrer du joug
des prtres el de l'Autriche, ils s'organisrent, ils combinrent leurs mouvements,
ils se mirent dmoraliser leurs compatriotes pour les rendre dignes de la libert.
Comme les constitutionnels de France el les illumins d'Allemagne auxquels ils empruntaient la plupart de leurs doctrines et leur rve aiitichriieu, les Carbouari
se firent les ennemis de la Religion et de la monarchie. Ils ne tendaient qu' l'affranchissement intellectuel et politique de l'Italie ; pour y parvenir ils dillcrent le
vice et l'assassinat.
Cette socit tait secrte ; elle eut donc de nombreux adeptes. Les gentilshommes ruins ou ambitieux, les avocats, amants du bruit, les crivains cl les artistes mcontents de leur sort formrent sou noyau. Ils s'adjoiguiient bientt en
qualit de comparses ou de paratonnerres quelques hommes probes, mais crdules
qui, sans tre mis au courant de la conspiration, la servirent nanmoins de leur
influence de leur patronage el surloul de leur fortune. Elle avait enrl dans ses
,
certain
nombre de prtres cl de moims. Ces prtres el ces moines avaient
rangsun
eu vaincre do grands obstacles pour s'engager dans les Ventes; illeuravait fallu
-fouler aux pieds la dignit de l'homme cl la conscience sacerdotale. Us s'taieul
230
CHAP. V.
HISTOIRE
lent comme la Pologne. Les agents de la Rvolution leur promettent l'indpendance ; ils les bercent de l'espoir que le SaintSige va crouler sous leurs coups et qu'ils peuvent triompher
facilement, puisque l'Eglise est veuve de son chef. L'insurrection
gagne du terrain, mais, le 2 fvrier 1831, le cardinal Maur Capellari est nomm Pape sous le nom de Grgoire XVI.
Cette nomination n'arrte point les projets des rvolts. Rome
a un Pontife, ils ne veulent pas'qu'elle ait un Souverain. Un complot doit clater dans la capitale au milieu mme des joies du
carnaval, le 17 fvrier. Le cardinal Bernetti, homme de tte,
d'esprit et de coeur, vient d'tre nomm secrtaire d'Etat. Il connat de longue main les trames rvolutionnaires, son habile fermet les djoue.
Pour mieux faire saisir leur pense, les insurgs des Lgations
arborent le drapeau tricolore ; leur premire, leur seule victoire
est remporte sur les Jsuites. Au mois de fvrier, presque la
mme heure, ils envahissent les Collges de la Socit. A Spolte,
Jrouys assez coupables et assez parjures ppur briser tous les liens les attachant aux
autels, au Sini-Sig ou leur Ordre; Us durent donc se montrer les nophytes et
ls aptres les plus ardents del Charbonnerie. Celle agrgation d'individualits ne
tarda pas former un corps, et une puissance par consquent. Elle tenta des mouvements main arme ; ils furent rprims. Ces dfaites rendirent plus circonspects
les chefs du Carbonarisme.
En mesurant les progrs de la secte, en tudiant ses ramifications dans le monde,
dans le clotre et au ein des Universits, ils remarqurent avec lonnement
qu'aucun membre, de la Compagnie de Jsus n'tait de prs ou de loin affili une
Vente. Les Jsuites, celte poque et en Italie surtout, commenaient reprendre la
direction de l'ducation de la jeunesse; d'infructueuses tentatives furent faites sur
quelques Pres. On comprit alors qu'il valait mieux dclarer la guerre aux enfants
de saint Ignace que de.chercher les entraner dans des voies contraires leurs
veux, leur esprit cl leur volont. On les reconnut comme les enuemis les plus
dangereux des remplois rvolutionnaires ou impies. A dater de ce moment, ou dirigea sur eux toutes les colres.
Nous avons eu, nous avons encore entre les mains uneinfinit de documents relatifs aux diverses priodes des socits Fecrlcs en Europe depuis 1818jusqu'l850.
Nous pouvons tudier sa source ce mouvement qui, sous un nom ou sous un
autre, agita liialic cl qui, des ides de dsordre passe tantt l'exaltation d'un
Pape ou d'un Souverain crdule, tantt la mise en lumire d'une confdration
impossible Ou d'un'dsir,de' nationalit plus irralisable encore. Les Jsuites se tenaient l'cart de toulc passion politique. Ils ne prenaient parti que pour l'Eglise
elles bonnes moeurs ; ils s'occupaient de leurs devoirs sans chercher provoquer
des-insurrections.,Cellealtitude digue d'un prtre cl d'un Religieux les lit dsigner
par les Vcnles comme le bui offert toutes les bailles. Ces haines dont ils n'ont encore prouv qu'un contr-coup affaibli, mais qui, grandissant avec le temps et
surtout avec la faiblesse des souverains, seront uu jour le plus bel loge qui puisse
lrc dcern la Compagnie de Jsus.
Elle n'a jamais eu aucun de ses membres associ de la manire mme la plus in-
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
231
Fano, Modne, Reggio, Forli ainsi qu' Ferrare, ils s'emparent des maisons de l'Institut ; ils en dispersent les matres et
les lves ; ils y cherchent les armes qui ont d y tre dposes
comme dans un arsenal nuisible au peuple. Ils ont proclam la
libert ; la libert n'est pour les Carbonari que le libertinage de
l'intelligence, Leur premier acte est un dcret d'expulsion. Ils
dsirent assurer la victoire de l'galit contre l'arbitraire, et ils
ont recours aux commissions militaires pour se protger contre la
rise publique Ils bannissent les Jsuites au lieu d'aller vaincre les Autrichiens ; ils fabriquent des lois au lieu de cimenter
leur triomphe par une bataill dcisive. Ils menacent de mort,
ils couvrent d'injures des vieillards et des prtres au moment o,
dj tremblants pour leurs jours, ils implorent un refuge sur
quelques vaisseaux trangers, afin de mettre les flots de la Mditerrane entre eux et la justice des hommes.
L'insurrection italienne n'avait de racines que hors de l'Italie.
Elle chassait les Jsuites de leurs Collges, et elle mourait parce
'.
direcle . cet Immensecomplot qui a, tapi n,ui suie vritables intrts de l'Italie, et ls
Pres de la Satit se voient en buite, aux inimitis diverses que le Carbonarisme,
avec tous ses leviers, peut susciter dans les plans de rvolution qu'il a tracs, dans
l,es. rves de libert dont iise berce;, dans les thories de sapg ou de, philanthropie
qu'il a confies au papier, il exist pour lui un ennemi dont fl faut qu'il se dbarrasse loiilmx. Queie Carbonarisme fasse un songe heureux ou nfaste, il s'y mlera toujours un peu, de sang de. Jsuites. L'anantissement de la. Compagnie par
quelque moyen que ce puisse tre, c'est le delenda Carthago de tous ces Catons
qui, comme MoyoiicelH et beaucoup d'aiilrcs, livrait la police autrichienne, lp
secret, le notn ou las lettres d'un ami, lorsque ctle dnonciation peut allger je.
poids d leurs fers. A chaque page de leur correspondance, le cri de Mont aux Jsyites* revient comme u,n ordre du jour pormapent.YaUaire et ses adeptes, conspiraient en riant ou en philosophant pour craser l'iiffdm.. L'infme, c'tait (a Religion catholique. Ls sophistes, les patriotes, les fraiics-maons, les oisifs, los iiid((fre.p(s, n'auraient pas tous.accept de prinie abord, mi pareil thme; il ftftrai'
effray ls timides et veill l'attention de;ceux qui sont chargs du gouvernement
Spirituel au temporel En restreignant aux Jsuites seuls la pense fondamentaledu
^rbopa.i'is.nj.,
oq a calcul que l'on, ie^ecait mqiiis de, sfls.op,Upilils et qqtj Ppu
pourrait arriver au mme but par la rsurrection de toutes les fausses imputations
09111 l'Qnlro d Jsits m v,\{ l'qljl dansics. temps sulrienri,
| A peiu mallrcs de. la vilip, les. Carbonari 4 Bologne tab.liren.1 des Jribunaux
militaires pour juger sans dsemparer ceux qui n'accepteraient p'as avec joie le
honheui' que les ftYolu,liun,n,a.ires. leur imposaient. Les Carbonari s'taient forms
en garde nationale, Une des attributions de la commission fut de punir comme
crime de Use-mnjesl lole insulte en paroles contre la garde civique.
C'e>^ toujours le puime excs, de ridicule eCd de la plus sanglante cruaut. Les
Rvolutionnaires sont partout et toujours les mmes.
I.a Tivolulion de 1848 a donn, ml Italie principalement, le P1" lrgo dveloppements
cc.uc li.aine que ions h pttmptiii's dr mw\'U i'lte et les crits d wintmcivrip\ili<pi"
ne cessaient de surexciter.
.
232
XHAP. V.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
233
234
CHAP. V.
HISTOIRE
Clerg avaient t saisis d'un de ces sentiments qui rendent lches en face d'un devoir sacr.
t
Cette accusation systmatique d'inhumanit, ces cordons sanitaires de honte, jets entre les larmes d'un vieux Souverain et
les douleurs de ses sujets, eurent quelque chose de si profondment cruel, que le Diario di Roma, Moniteur Pontifical, qui a
vu passer tant d'outrages sur la triple tiare, ne se croit plus
oblig garder le silence dont la sagesse du Pape lui fait une
loi. Il se plaint sans amertume; sur les lieux mmes, il raconte
ce qui se passa en ralit. Le mot d'ordre tait donn sur toute
la ligne anticatholique; aucun journal ne songea dmentir
ou prouver son assertion.
Les faits taient cependant bien simples. A peine le flau
indien eut envahi l'Europe, que Grgoire XVI ordonne aux docteurs Cappello et Lupi, deux des mdecins les plus distingus
de Rome, de partir pour Paris et d'observer la marche, les
progrs de l'pidmie et les moyens curatifs employer. Des
prcautions pleines de prudence sont adoptes par le cardinal
Gambrini, ministre de l'intrieur. Le cardinal Sala, prsident
de la commission de sant publique, ouvre de nouveaux hospices. Par ordre de Grgoire XVI, on cre des ambulances
dans chaque quartier, on indique des maison de secours o les
mdecins seront en permanence. Ils devaiept avoir soin des
corps; le Pape veut se reposer gur les Jsuites du soin des mes.
Les Jsuites s'tablissent infirmiers et aumniers de ces hpitaux. Le servit Moralli, par ses exhortations, forme une
compagnie de Dames de Charit qui, tout en yivant dans le
monde, se dvoueront aux oeuvres de la bienfaisance chrtienne.
A l'aspect de tant de prparatifs, quelques citoyen? se sentent
domins par la frayeur; d'autres calculent peut-tre que le cholra doit tre l'auxiliaire de leurs vengeances particulires ou de
leurs rves politiques. Un,e proclamation de Ciacchi, gouverneur
de la Ville, intimide les mchants et rassure les bons. Les bons
taient Rome en immense majorit. Le cholra assigeait la cit
pontificale ; ses habitants ne s'entre-turent pas en s'accusant de
crimes impossibles. Ils. furent plus clairs ou mieux dirigs que
d'autres nations, qui plus tard les calomnirent.
DELA COMPAGNIE-DE,JSUS.
235
Ce mal inconnu tait tomb sur Londres, sur Paris et sur Madrid, les trois capitales de rgnration constitutionnelle, et il
23tj
CHAP. V.
HISOIREi
persvrance.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
237
238
CHAP. V.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
239
240
CHAP. V.
mSTOIRE
Votre Paternit
Le trs-respectueux et obissant serviteur,
la Socit de Jsus.
241
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
vi.
16
242
CHP. V.
HISTOIRE
tant pour chacun de nous que pour la Compagnie en gnral :
Conservez-moi, Seigneur, parce que j'ai espr en vous, et en
vous seul. J'ai dit au Seigneur : Vous tes mon Dieu, vous n'avez
pas besoin de mes biens.
Aprs avoir droul le tableau de la chute de l'Ordre de Jsus,
le Gnral appelait ses frres l'humilit, et il leur disait : Si
nous devons reconnatre que Dieu s'est montr admirable en nos
pres, qu'un jour aussi nos successeurs puissent se glorifier de
la misricorde dont il aura us envers nous. Gardons-nous donc,
mes rvrends Pres et mes trs-chers Frres, de nous lever
jamais en nous-mmes ; et, quand nous ferions de grandes choses
qui nous donneraient quelque droit l'estime publique, n'ambitionnons pas les premires places ou le titre de bienfaiteurs parmi
les hommes. Pensons, au contraire, que ce sont les largesses des
personnes pieuses qui soutiennent notre existence, et que cela
seul est un bienfait de voir que les hommes ne ddaignent pas
nos services : bienfait de la part de ceux qui recourent notre
ministre, bienfait surtout de la part de Dieu, dont nous sommes ou du moins dont nous devons tre les instruments, et devant qui, alors mme que nous aurons accompli tout ce qui nous
tait ordonn, nous ne sommes que des serviteurs inutiles. Quant
moi, je suis persuad que, si nous sommes humbles, il n'est
rien que nous ne puissions esprer de Dieu pour nous et pour la
Compagnie ; mais qu'aussi, sans cette condition il n'est rien
,
que nous ne puissions et ne devions redouter, soit pour nous ,
soit pour la Compagnie tout entire.
Ge fut ainsi que les Jsuites se prparrent aux combats qui les
attendaient peu de mois d'intervalle. La ville de Vrone, secondant les intentions de Grasser, son Evque, et celles des familles les plus illustres, ouvrait aux enfants de Loyola le Collge
de Saint-Sbastien. De grands sacrifies avaient t ncessaires
pour construire le nouvel difice ; les magistrats et les citoyens
s'imposrent volontairement. Les villes d Crmone, de Cividale
del Friuli, de Plaisanee et de Parme suivent cet exemple. Nicolas
Mattei, archevque de Camrino, le cardinal Ferretli, archevque
de Fermo, confient aux Jsuites l'ducation de la jeunesse de
leurs diocses. Le 2 avril 1842, l'empereur Ferdinand signe le
243
avec insistance, avec menaces. Le gouvernement de la GrandeBretagne avait par exprience acquis la preuve que la perscution"
est toujours un mauyais moyen de propagande, Il venait de sortir
de cette voie prilleuse : il ne consentit pas y rentrer pour plaire
244
CHAH. V.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE
0E JSUS.
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CHAP* V*
-^HISTOIRE
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DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. V.
HISTOIRE
doute que le rappel dans vos Etats
Aussi n'avons-nous aucun
de ces Religieux, qui se livreront absolument aux devoirs qui leur
sont imposs, n'y fasse refleurir l'amour de la Religion, le got
des bonnes tudes et la saintet des moeurs du Christianisme,
qui augmenteront de jour en jour.
Ce n'est pas seulement vous, notre cher fils en Jsus-Christ,
que nous flicitons de tous ces biens, mais encore toute la nation-espagnole. Cette nation, que nous chrissons en Notre-Seigneur d'un amour particulier, cause de son constant attachement la religion chrtienne et des preuves de fidlit qu'elle
nous a donnes ainsi qu'au Sige apostolique, sera une des premires ressentir les heureux effets qui rsulteront de l'tablissement de cette illustre Socit, et que nous nous sommes efforc
de procurer tous les Fidles de Jsus-Christ.
Les maux dont le comte d'Aranda et Florida-Blanca avaient accabl l'Institut des Jsuites taient rpars par le petit-fils mme
de Charles III. Dans son dcret du 15 mai 1815, Ferdinand VII,
faisant allusion aux actes de 1767 et aux prires de ses sujets,
s'exprimait en ces termes : Les voeux de tant de notables personnes , qui m'ont donn les preuves les plus signales de leur
loyaut, de leur amour pour la patrie et de l'intrt qu'elles n'ont
cess de prendre la flicit temporelle et spirituelle de mes sujets, m'ont dtermin un examen plus approfondi des imputations faites la Compagnie de Jsus. J'ai reconnu que sa perte
avait t trame par la jalousie de ses plus implacables ennemis,
qui sont galement ceux de la sainte Religion, base essentielle de
la monarchie espagnole. Ce dcret frappait de nullit les jugements et dits rendus sous Charles III. Une Junte royale, indpendante des autres ministres est cre pour rgler tout ce qui
,
concerne le rtablissement de l'Ordre. L'Evque de Teruel la
prVide. Il faut rassembler les Jsuites disperss depuis quarantehuit ans. Emmanuel de Zuniga, Provincial de Sicile, accepte le
titre de Commissaire Gnral : il arrive Madrid avec les Pres
Juan d'Ossuna et Joseph de Silva. II y est reu aux acclamations
du peuple. Les autres Instituts religieux, Franciscains et Dominicains en tte, leur ouvrent proeessionnellement les portes de la
capitale. De Zuniga invite les anciens Jsuites rentrer dans la
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
249
250
GHAP, V,
HISTOIRE
les invoque, afin d possder dans ses murs des hritiers de leurs
vertus.. L'Aragon et l'Andalousie leur facilitent des voies de retour, Le Pre de Zuniga s'aperoit que de nouvelles maisons de
Noviciat sont indispensables pour rpondre tous les besoins :
il en fonde deux autres Loyola et Sville,En 1819,Manrse
et Villa-Garcia jouissent du mme avantage; Cadix faisait valoir
ses titres auprs des Jsuites : au mois de novembre 1818j le
Pre Antoine de Herrefa y conduit sept Pres de la Compagnie ;
six mois aprs, le Collge voyait huit cent soixante coliers s'asseoir sur ses bancs, Un an ne s'est pas encore coul que la fivre
jaune svit dans cette cit. Herrera; quoique octognaire ; se dvoue au service des malades. Atteint par le,flau ; il meurt en lguant la Compagnie l'exemple du martyre de la charit; il ne
tarda pas trouver des imitateurs, Les Pres Andr Morel et
Philippe Zpeda expirent la fleur de l'ge au milieu des moribonds dont ils adoucissent les dernires souffrances;
,
La province d'Espagne renfermait dj trois-cent quatre-vingtdix-sept Jsuites. Des progrs aussi rapides faisaient concevoir
l'Institut les plus belles esprances, lorsque, vers l fin de fvrier .1820, se manifestrent des symptmes de rvolution. Le 1/1.
mars, jour mme de l'agonie du Pre de Zuniga; qui a tant contribu au rtablissementde l Socit en Espagne, l'meute gronde
autour du Collge de Saint-Isidore. Elle vient de proclamer la
Constitution de 1812 ; elle l'intronise Madrid par le blasphme
et par la menace* L; comme partout, les Jsuites furent les premires victimes jetes aux aveuglements dmagogiques. L'insurrection devait triompher ; car le roi n'avait pas assez de coeur
pour la regarder en face. Le Pre Gordon, nomm Vice-Provincial aprs la mort d'Emmanuel de Zuniga; comprend que la tempte sera affreuse; il voit que l'agitation.des esprits et la lchet
du monarque en attireront d'autres sur la Pninsule ; il s'y prpare par la prire. Les Rvolutionnaires espagnols ne cachaient
pas leur intention de spolier le Clerg, d'arracher de Fme -des
masses le principe catholique que les sicles y ont si fortement enracin ; mais pour consommer plus srement leur oeuvre, ils couvraient le Clerg sculier d'un respect drisoire'et ils ne s'attaquaient qu'aux Jsuites.
DE LA C0MPA6NIE DE JSUS.
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n'y avait plus de Pyrnes entre la France librale et l'Espagne cortstitutinnelle Dans les deux pays on marchait l'assaut
de l'Eglise et de la royaut au cri de : Mort aux Jsuites!Ferdinand emVhnmoins l'intelligence de sa position, il essaya de dfendre son trne et la Compagnie ; nanmoins il cde bientt aux
menaces dont il ose se laisser accabler. Il interdit aux enfants de
Loyola d'admettre des Novices dans leurs Maisons, et il abandonne aux Corts futures dcider du sort mme de l'Institut.
L 31 juillet 1820, le ministre propose une loi portant suppression de la Compagnie ; le 14 aot, le' projet fut accept. Dans
cette enceinte o ne retentissaient que des voix ennemies;un seul
orateur, le comte de Maule, eut le courage de servir d'interprte
aux vrais besoins et aux voeux de l'Espagne. 11 parla de libert
des hommes qui se prtendaient libraux, et il ne fut pas cout.
Les Corts prononcrent l'abolition de l'Ordre de Jsus. Ces dputs s'arrogeaient le droit d'initiative royale et de suprmatie
ecclsiastique; cependant, afin de conserver aux yeux du public
une apparence- de justice, ils accordrent une pension de trois
cent quatre-vingt-quinze francs chaque Pre engag par les
voeux du sacerdoce. La pension alimentaire fut une de ces promesses que les rvolutions ne tiennent jamais.
Les Jsuites taient encore une fois disperss : leur vie ne devait tre qu'un combat ; ils acceptent le combat sous quelque
forme qu'il se prsente. En 1821, la peste ravage la ville deTortose;un jeune scolastiqiie, Ferdinand Quralty et deux Coadjuteurs, Franois Jordan et Raymond Ruiz, accourent pour servir
les pestifrs. Le danger tait imminent ; les autorits constitutionnelles s'empressent de mettre un pareil zle l'preuve. On
les place au poste le plus,prilleux; ils y restent. On leur confie
le soin des orphelins, ils deviennent des mres pour tous ces
pauvres enfants. Le dvouement des trois Jsuites excitait l'admiration publique. Le flau commenant disparatre, on sentit que ce dvouement, salu par la reconnaissance des familles, serait un reproche adress aux frayeurs administratives :
les trois Jsuites sont jets dans les fers. Celte ingratitude irrite le peuple; la prison se chang en un lointain exil. Le 17 novembre 1822, le Pre Jean Urigoitia fait partie d'un convoi de
11
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CHAP. V.
HISTOIRE
vingt-cinq Prtres ou Religieux, que l'on dirige sur Barcelone.
Ces captifs sont souponns de ne point aimer la Constitution de
1812; six milles de Manrse, les soldats les massacrent pour
leur prouver qu'elle est humaine. Cne sera pas la dernire fois
que le sang d'un Jsuite coulera sous le fer des Rvolutionnaires
de la Pninsule. Ils avaient bien pu gorger des prtres sans dfense ; ils ne surent pas se battre, lorsque les Franais, commands par le ducd'ngoulme, vinrent dlivrer l'Espagne de cette
honteuse tyrannie. Elle avait supprim la Socit de Jsus ; trois
annes aprs, les Jsuites rentraient dans leur droit et dans
leurs maisons dvastes.
Ces intermittences de bien et de mal, dvie et de mort portaient un grave prjudice l'ducation; l'arme surtout avait
besoin d'une organisation aussi forte que sage. Ferdinand VII,
arrach de sa prison, redoutait de se voir de nouveau expos
aux trahisons que ses coupables faiblesses et son ingratitude
avaient encourages. On lui persuada qu'il fallait reprendre l'difice par la base et former une nouvelle gnration d'officiers
qui, par leur aptitude militaire et leur dvouement monarchique , ne compromettraient pas chaque instant l'obissance du
soldat et l'avenir du royaume. En 1825, on cra donc Sgovie un Collge gnral militaire, o l'on se proposa d'lever les
jeunes gens destins l'infanterie, la ' cavalerie, l'artillerie
et au gnie. Cette pense tait fconde ; pour la dvelopper, on
chargea deux Jsuites, les Pres Gil et Sauri, d'enseigner aux
lves les principes de foi religieuse, de fidlit politique, d'histoire, de belles-lettres et de gographie. Au commencement de
1827, la mme ide prsida l'tablissement du Collge des
Nobles, dont les Jsuites acceptrent encore la direction. Il
prospra avec tant de rapidit que, peu de mois aprs, les enfants
des plus grandes familles s'y runirent. La mort de Ferdinand Vil
interrompit toutes ces oeuvres, dont le succs ne faisait plus
doute pour personne. Celte mort laissait la Pninsule en proie
aux factions; elle avivait une plaie que le temps n'a pas encore
cicatrise. Le testament du roi donnait la couronne un enfant,
et la rgence Marie-Chrisline, mre de la jeune Isabelle.
Don Carlos, dj exil, se*voyait exclu du trne. De nouvelles
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. V.
HISTOIRE
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CIIAP. V.
HISTOIRE
Sauri n'a pas le mme bonheur, il expire en priant Dieu pour ses
meurtriers.
Dans ce 2 septembre espagnol, dont d'autres crimes n'toufferont pas le souvenir, il a fallu tromper le peuple, l'enivrer
presque de terreur pour l'amener voir ainsi passer ses effroyables vengeances. Le peuple sent le courage lui manquer chaque
pas qu'il fait dans cette voie sanglante. On l'anime par de nouveaux spectacles. Les Descamisados n'ont encore tu qu' l'intrieur ; le savant Pre Artigas, le Scolastique Dumont, le Coadjuteur Manuel Ostolaza sont fusills la porte du Collge, et leurs
corps nus exposs aux regards de la foule. Joseph Elola succombe
sous les baonnettes.
Le Sminaire tait tmoin de ces scnes d'horreur; au mme
moment d'autres crimes se commettaient dans le Collge Imprial. Les bourreaux s'y introduisent ; ils pntrent jusqu' la chapelle, mais l ils sont arrts par un ordre suprieur et par le dvouement d'un Jsuite. Munoz, duc de Rianzars et dj peut-tre
l'poux de Marie-Christine, avait un frre dans la Compagnie.
Quelques assassins- promettent au Pre de Carassa de se montrer moins barbares s'il veut leur livrer Jean-Grgoire Munoz.
Ce jeune homme s'tait, comme les autres, rfugi dans la chapelle, et il priait en attendant sa dernire heure. Le che'f des Descamisados s'approche de lui : Ne craignez rien, dit-il, je suis
ici pour vous sauver la vie. Je dois la mienne votre frre, et je
suis heureux de trouver une occasion de lui tmoigner ma reconnaissance. Munoz avait compris qu'un bras puissant veillait
sur ses jours. Je reste, s'crie-t-il, parmi les Jsuites mes
frres. Leur sort sera le mien. Sauvez-les avec moi, ou je mourrai avec eux. Le massacre tait organis avec tant de rgularit,
les meurtriers se montraient si bien disciplins que, sur l'ordre
d'un garde du corps de la reine, les colres, tout--1'heure si
terribles, se calmrentcomme par enchantement. Les victimes
et les assassins restaient en prsence, lorsque tout--coup l.capitaine-gnral de Madrid, Jos Martinez de San-Martin, qui n'a
pris aucune prcaution militaire, qui a laiss grandir et se dvelopper l'meute, parat dans la chapelle. Pour y arriver, il s'est
vu forc de marcher sur les cadavres des Jsuites; sa premire
.-
257
DE LA COMPAGNIE DE JSUSi
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CHAP. V. HISTOIRE
times* furent dposes dans leur tombeau, un dcret royal parut pour annoncer que des mesures inutiles taient enfin prises
contre l'meute. On destituait les magistrats coupables et le capitaine-gnral San-Martin. Un emprisonnait les Descamisados
les plus forcens. Cette tardive justice rvlait son impuissance et
sa participation au forfait, jusque dans la manire de le rprimer.
Les assassins avaient commenc l'oeuvre rvolutionnaire ; ils in>
posrent aux pouvoirs constitutionnels la tche de l'achever.
Le 7 juillet 1835, la Socit de Jsus fut lgislativement supprime en Espagne. On ne s'appuya sur aucun prtexte religieux ;
on ne donna aucun motif politique pour expliquer cette mesur.
Les Jsuites possdaient des terres et des maisons 2 : ce fut leur
plus grand crime aux yeux de la loi que de cupides gouvernants,
que des vnalits subalternes se chargeaient d'appliquer. Les
Pres de l'Institut obirent sans rsistance ce nouveau dcret
de proscription, qui allait s'tendre aux divers degrs de la hirarchie ecclsiastique. On ne jugeait pas, on ne condamnait pas le
Clerg ; on le dpouillait et on l'expulsait. Les Jsuites espapagnols taient sans asile, sans secours d'aucune sorte. La plupart se retirrent dans d'autres Provinces del Compagnie, d'autres ne voulurent pas abandonner leur patrie. Une seule maison
restait debout dans le royaume, c'tait le sanctuaire de Loyola. Le
gnral Rodil en avait dj enlev les suprieurs ; mais, quand
l'insurrection carliste eut pris l'offensive sous Zumalacarreguy,
les Pres, sans se proccuper de la guerre civile dont le
Bastan tait le thtre, se livrent l'enseignement et la prdication. Il fondent un Noviciat dans le Guipuzcoa; ils y recueillent les Jsuites disperss par la tempte. Ils.sont sur le territoire
occup par l'arme carliste, territoire qu'ils n'ont pas choisi,
'Pendant cette journe, il prit quinze Jsuites, sept Dominicains, quaranlequalre Franciscains el huit Pres de la Merci. On ne compta que onze blesss, et
parmi ces derniers plusieurs moururent peu de jours de distance.
Lorsque les Jsuites franais subirent l'ostracisme des ordonnances du 16 juin
i 828, ils cdrent la prire d'un grand nombre de familles catholiques el fondrent immdiatement un Collge a l'embouchure de la Bidassoa, dans un bourg
appel los Passages, une lieue de Saint-Sbastien. Ainsi placs entre la France et
l'Espagne, ils pouvaient rpondre au voeu des deux peuples. Le roi d'Espagne, le
comle de Fournas, capitaine-gnral de la province, et l'Evque de Pampeluno se
montrrent favorables au nouvel tablissement. Aprs la mort de Ferdinand Vil, il
devint un objet de perscution. Mina l'inquila souvent, et enfin, le ih juillel!83i,
Rodil le lit fermer par la force.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
259
mais qui leur est indiqu par la force des choses. Ort prend texte:
de la situation mme de leur ancien Collge de Loyola pour ls '
accuser de carlisme. On annonce que le Pre Gil est en faveur
auprs du prince et que les Jsuites dirigent tous les mouvements.
Ainsi que cela tait arriv dans* d'autres tourments intestines,
la Compagnie s'abstenait de toute participation aux luttes des
partis. Elle intervenait quelquefois dans les deux camps; elle y
remplissait les devoirs du ministre ecclsiastique : elle consolait
les affligs, elle soignait les blesss, elle apprenait -tous
vivre, mourir chrtiennement; mais son action politique n'est
signale sur aucun point. L'arme constitutionnelle proscrivait
ou gorgeait les Jsuites, celle de don Carlos leur offrait aide et
protection. Ils'restrent l o leur prsence tait regarde comme
un bienfait, Le Pre Unanue fut le confesseur du prince, et les
infants continurent, comme du vivant de Ferdinand VII, tre
levs par les Jsuites '. Toujours soumis l'autorit; les disciples
de saint Ignace obirent au quartier-gnral carliste comme ils
obissaient Madrid. Ils crurent que leur prudence ne leur susciterait pas de nouvelles calamits. Aprs la convention de Vergara,
ils rouvrirent leur Collge ; et, comme Espartero voulait se dbarraser de la reine-rgente et des derniers Jsuites, l'tablissement de Loyola fut supprim. La Socit de Jsus n'existe plus
dans la patrie de saint Ignace, de saint Franois-Xavier, de saint
Franois de Borgia et de Layns.
De mme que l'Espagne, le Portugal, appauvri, puis par
les guerres de Napolon, se trouvait livr aux discordes intestines. La dsunion clatait dans la famille de Bragance presque
en mme temps que dans celle de Bourbon. Ces princes n'avaient su ni gouverner leurs royaumes ni rsister l'oppression
trangre. Aprs avoir donn l'Europe le spectacle de leur inertie, ils venaient se disputer quelques dbris de trne et mettre
l'usurpation la place du droit. Cet exemple de querelle fratricide dans les maisons royales tait un encouragement accord aux
rvolutions. Elles en profitrent pour rendre odieux ls infants
Ce fui le Pre Mariano Puyal qui, ds 1824, se vil charg de l'ducation du
an de don Carlos.
1
111s
260^
"'CHAI'. V. -- HISTOIRE'
qui n'invoquaient pas leur secours ou pour avilir ceux qiii le sollicitaient. Les guerres de don Carlos contre Christine, les luttes
entre don Pedro et don Miguel produisirent des rsultats funestes
aux monarchies ; la Socit de Jsus en Portugal en ressentit le
contre-coup.
Don Miguel n'ignorait pas la popularit dont, aprs soixantedix ans d'exil, le nom des Jsuites jouissait encore sur les rives
du Tage. Son trne tait mal affermi, il pensa qu'en rendant
ses sujets les aptres que Pombal leur avait arrachs, il ferait un
acte aussi agrable qu'utile sa patrie. Il n'existait plus de Pres
portugais : par l'entremise du marquis de Lavradio, son ambassadeur Rome, don Miguel fait demander d'envoyer Lisbonne
quelques Missionnaires de la Compagnie. Le gnralat est vacant
par la mort de Fortis. Le Vicaire donne son agrment cette mesure : le Pre Godinot, Provincial de France, dsigne six Jsuites
et deux Frres coadjuteurs qu'il place sous la direction du Pre
Delvaux. Rtablir les enfants de saint Ignace sur cette terre o
la mmoire de leurs services et de leurs souffrances restait grave dans les coeurs, tait une pense qui devait produire d'heureux rsultats ; mais il fallait l'accepter avec courage et ne reculer
devant aucune de ses consquences lgales. Le dcret du 10 juillet 1829, que Delvaux reut Madrid, ne pouvait pas satisfaire
les amis de la Compagnie; il semblait n'tre destin qu' irriter
ses adversaires. Don Miguel avait pris un moyen terme : sans se
prononcer sur le pass, il offrait les Jsuites comme de nouveaux
auxiliaires au Clerg sculier. Considrant, disait-il dans cet
acte officiel, le grave prjudice que souffrent l'ducation chrtienne et la civilisation des domaines de ces royaumes par le manque de ministres vangliques, et voulant aller au devant des
maux de toute nature que la dure rendrait irrmdiables, ayant
toujours en vue le bien de la Chrtient, et par lui la flicit de
mes. fidles sujets, j'ai pour bon d'appeler cette fin la Compagnie de Jius et de permettre qu'elle s'tablisse de nouveau.
Ce laconisme, dcelant tant de craintes, cachait les justices
d'une rhabilitation sous des besoins trop rels. Il ne dut gure
rassurer les Jsuites sur l'avenir, il ne les intimida point cependant. Les Pres comprirent que don Miguel et le duc de Cadaval,.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
2tl
son ministre, taient placs dans une fausse position ; ils crurent qu'il n'appartenait pas aux disciples de l'Institut d'en aggraver les prils. Une porte s'entr'ouvrait devant eux dans ce pajs
si cher saint Franois-Xavier et aux fondateurs de la Compagnie, ils rsolurent d'y pntrer sans discuter le protocole d'admission. Le 13 aot 1829 ils arrivent Lisbonne. Rien n'avait
t prpar pour les recevoir. Ces Jsuites, toujours si opulents,
au dire de leurs adversaires, revenaient la demande du gouvernement, et ils se trouvaient exposs mourir de misre sur la
voie publique. Les Lazaristes pourvurent leurs premiers besoins il* leur offrirent on asile. La duchesse de Lafoens mit
,
plus tard, sa maison de campagne la Maraviglia la disposition
des entants de saint Ignace, et ce ne fut que le 24 octobre que
le ministre de don Miguel s'occupa de leur entretien.
Don Miguel, matre du Portugal et rgnant parla terreur,
ainsi que l'affirmaient les Libraux, n'osait ni avoir une volont
ni manifester un dsir. Prince honnte homme, mais irrsolu et
toujours domin par la crainte de dplaire ses. ennemis, il n'avait pas jug prudent de mettre encore les Jsuites l'oeuvre.
On enchanait leur zle afin de ne pas fournir de nouvelles armes
aux hostilits du dehors. Ces prcautions taient un inutile palliatif; le cardinal Alexandre Justiniani, Prononce du Saint-Sige,
le comprit. Il y avait Lisbonne l'glise du Laureto, destine aux
trangers, et qui, exempte de la juridiction du Patriarche, restait, par un privilge spcial, soumise l'autorit des Nonces
apostoliques. Justiniani dtermine les Jsuites, au mois de mars
1830, y prcher le carme et y donner les exercices de la
retraite. Les Pres Barelle, Mallet, Bukacinski et Pouty se livrent
avec ardeur anx travaux de la prdication et de la confession. Les
Jsuites taient avous ; leur voix se faisait entendre ; les habitants de Lisbonne se pressent autour de leurs chaires. La raction tente par le marquis de Pombal, les doctrines dsolantes
qu'il rpandit pour corrompre le coeur des peuples n'y avaient
laiss que peu de trace. 11 avait affaibli le pouvoir moral de la
noblesse en la dpouillant de sa foi et de son prestige ; mais le
peuple tait rest fidle aux sentiments religieux. Le peuple saluait dans les Jsuites les matres des gnrations teintes ; il
262
HISTOIRE
accourait leur passage, il se prtait docilement leurs leons,
et, pour protester contre les dsastres du dix-huitime sicle, il
entourait de ses hommages les Pres de la Compagnie. Ce retour
d'opinion tait si manifeste que la comtesse d'Oliveira, petite-fille
de Pombal, voulut elle-mme s'y associer. Elle se rendit auprs
du- Pre Delvaux, et, dans une lettre du 27 mai 1830 adresse
par ce Jsuite au Pre Druilhet, nous lisons :
La comtesse d'Oliveira m'a offert quatre de ses fils, toute
<r
fire qu'ils fussent les premiers accepts par les Pres de la Compagnie. Je n'ai pas besoin, nous dit-elle, d'examiner ni de condamner la conduite de mon aeul. S'il a pris la destruction del
Compagnie la part qu'on lui attribue^ c'est nous, ses enfants,
rparer une aussi grande injustice, autant qu'il est en nous ; s'il
t calomni, s'il en est innocent, c'est nous le prouver par
notre empressement vous accueillir.
Tellestaient les dispositions du Portugal l'gard des Jsuites.
Au mois de dcembre 1830, ils s'tablirent dans la maison de
Saint-Antoine, o Franois-Xavier, Simon Rodriguez, Ignaced'Azvedo, Emmanuel Alvars et Gonzalvs de Camra avaientpri,
enseign et vcu ; puis ils commencrent donner leurs travaux
une direction plus uniforme. Les uns, commele Pre Pouty, s'efforcrent, parles secours religieux, d'allger les chanes des prisonniers, les autres cherchrent rveiller dans les mes des sentiments de repentir, de vertu et de pit. Tmoin des succs de
ces quelques Jsuites, le cardinal Patriarche de Lisbonne ne veut
plus demeurer indiffrent au bien qui s'opre par leur intermdiaire : il rend un dcret en faveur de l'Institut. A peu de mois
d'intervalle, don Fortun de Saint-Bonaventure,archevque d'Evora et Grand-Matre des tudes publiques, imite cet exemple. Il
conseille de restituer aux Jsuites leur ancien Collge des Arts
Combre : le 9 janvier 1832, don Miguel signe l'dit qui les remet en possession de cet tablissement,
Le jour de leur entre dans la province de Bera fut un triomphe pour eux, une vritable fte pour le Clerg et pour le peuple^.
Sur les routes que les Pres Delvaux, Pallavicini et Martin parcouraient, tous les villages, toutes les cits, la foule se portait leur rencontre. Le temps et les rvolutions n'avaient pas
C.HAP. Y.
<
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
263
affaibli son amour traditionnel. La reconnaissance et l'espoir clataient en chants d'allgresse^ en dmonstrations unanimes, accueillant le cortge. Le Clerg des diverses paroisses, les Ordres
religieux accouraient, bannires en tte., pour s'unir aux transports et aux bndictions de la multitude ; partout, la vue des
enfants de Loyola, on faisait entendre des cris d'enthousiasme ;
264
v. HISTOIRE
de toutes les cloches de la paroisse qui clbraient le retour de la
Compagnie, tout cela la fois ! Je crois bien que cette impression
ne s'effacera jamais de mon coeur.
Au milieu des divers sentiments que provoquaient dans leurs
mesfttant de souvenirs et les joies si chrtiennement expansives
de la multitude, les Jsuites arrivrent Combre. De nouvelles
ftes, des sollicitudes de toute espce les y attendaient, et,
l'annonce de ces transports d'allgresse, le Gnral de la Compagnie leur crivait: Aujourd'hui hosdnna; humilit. Bientt
peut-tre ce sera : toile, cruci/ige! Le pressentiment du Pre
Roothaan se ralisa ; mais il ne prit point les Jsuites au dpourvu.
Don Pedro pour combattre son frre don Miguel et imposer
,
aux Portugais un gouvernement national, avait rassembl une
arme. Cette arme s'tait recrute d'Anglais, de Franais, d'Italiens de Polonais et de tous les mercenaires que la Rvolution
,
tient sa solde. Repousses de leur patrie, tantt par la loi, tantt
par la crainte, ils n'avaient pour la plupart qu'une vie de dbauche ou de honte expier. L'Europe s'en dbarrassait en les
jetant la suite d'un souverain dpossd qui s'improvisait constitutionnel afin de trouver des allis. Uue guerre fratricide leur
ouvrait le Portugal : ils s'y prcipitrent au nom de la libert ; ils
y introduisirent le pillage et la licence. En face de tant de prils,
le courage des disciples de l'Institut ne resta point au-dessous de
leur tche. Le Portugal tait en feu; les familles se divisaient
selon leurs passions ou leur intrt. Chacun prenait parti pour le
prince ou pour le gouvernement de son choix, quand un flau,
encore plus terrible que la guerre, vint consterner ce pays. Le
cholra est aux portes de ses cits : il envahit les campagnes, il
entasse partout victimes sur victimes; il a fait irruption sous la
tente; il frappe sans relche au fond des hpitaux.
Pour affronter une mort apparaissant sous tant de formes diffrentes il fallait un de ces dvouements qui ne reculent devant
,
aucun pril : les Jsuites en firent preuve. Pendant plus de six
mois, on les vit chaque heure du jour et de la nuit prodiguer aux
mourants les consolations de la Foi et les secours-de la bienfaisance; ils furent les prtres de l'agonie et les mdecins de la
souffrance ; ils s'lancrent partout o une douleur tait signale.
CIIAP.
DK LA COMPAGNIE DE JSUS.
26
Les soldats de don Miguel, ceux de don Pedro faits captifs, les
prisonniers politiques, les coupables, les innocents devinrent
des frres que la charit des enfants de Loyola confondit dans le
mme amour et dans les mmes soins. L'arme miguliste campait sous les murs de Combre : elle se repliait pour couvrir Lisbonne. Ce mouvement militaire provoqua de nouveaux dsastres :
le cholra engendra le typhus. La contagion, que tant de causes
runies devaient alimenter, pargna les Pres ; mais le typhus
ne leur fit pas grce. Bientt ils se virent presque tous en mme
temps aux portes du tombeau: Trancart et Nemkin seuls succombrent.
Dans ce drame, qui se jouait au milieu des combats et auquel
trois armes assistaient, il y eut, del part des Jsuites ainsi
exposs, une longue, une sainte lutte en faveur de l'infortune.
Les deux prtendants de la maison de Bragance se battaient dans
l'espoir de conqurir un trne. Leurs adhrents de l'intrieur ou
du dehors avaient les armes la main pour faire triompher un
principe politique ; les disciples de saint Ignace se sacrifirent
seuls en l'honneur de l'ide chrtienne. Seuls ils restrent sur la
brche, afin de faire entendre quelques paroles d'humanit au
milieu des imprcations de la dfaite royaliste et des chants de
joie de la victoire constitutionnelle. Trop habitus prendre en
piti ces guerres d'opinion pour se crer les serviteurs d'un parti,
les Jsuites n'ont cherch dans la tourmente qu' sauvegarder les
principes de Foi. Ils y ont russi autant que les passions dchanes le permirent; et, dans une lettre du Pre Soimi
Godinot, on trouve la preuve de cette estime inspire aux Pcdristes et aux Migulistes. Soimi crit, le 21 juillet 1834 : Ce
qui nous avait attir la confiance des deux partis, car nous l'avions autant qu'il est permis d'unir les deux extrmes n'tait
,
pas seulement le dvouement que nous avions montr dans le
temps du cholra ni la bonne volont avec laquelle nous nous
prtions toute sorte de ministre, ce fut surtout la discrtion
avec laquelle , autant qu'il nous fut possible, nous nous comportions avec les uns et les autres. Dans nos classes, il n'y avait
aucune, distinction entre le fils d'un Royaliste et celui d'un Constitutionnel : c'est ainsi que le voulait d'ailleurs Sa Majest. Dans
266
CHAP. V.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
267
268
CIUP.
HISTOIRE,
ses administrateurs, il ne trouvait d'obissance que pour Je mal.
On le contraignait le faire, il le fit. Le cardinal Justiniani reut
ordre de sortir de Lisbonne sous trois jours, afin de bien constater la rupture du nouveau gouvernement avec le Saint-Sige.
Les Corts dmocratiques de 1820 avaient gard les Oratoriens
dans le palais des Necessidades, don Pedro les oblige vacuer
sur-le-champ cette habitation.- Avec,une inexprience qui accuse
encore plus d'irrflexion dans le caractre que de vices dans
l'me, ce prince essaie de jouer le rle de librateur. II a fait
ouvrir aux voleurs et aux assassins les portes des prisons. Ces
misrables encourags par les dsordres dont ils sont tmoins,
,
excits par les voeux impies qui retentissent leurs oreilles, se
mettent investir.les glises et les couvents. Ils gorgent,, ils pillent, ils plongent dans les cachots tous les prtres qu'on dsigne
leur vengeance.
Malgr les loyales assurances que les ducs de Tercre et de
Palmella avaient donnes, les Jsuites couraient encore plus de
dangers que les autres Religieux lorsqu'un jeune Anglais
,
,
M. Yvers, se dvoue pour les sauver. Dans cette rvolution de
Portugal les Anglais jouaient l premier rle : ils durent en retirer les plus grands bnfices. Yvers avait si chaudement pous
la cause des Pres de la Compagnie qu'il mit dans leurs intrts
les officiers-de la marine britannique, et, avec autant de courage
que d'adresse, il russit arracher plusieurs enfants de saint
Ignace une mort certaine. Yvers ne put veiller sur tous : ceux
de Combre dont le Pre Mallet tait Suprieur, ne furent pas
aussi heureux. Le gouvernement constitutionnel se montrait
hostile la Socit de Jsus. Don Pedro n'avait pu l'amener. servir ses intrts par une lche trahison; il espra que les menaces
produiraientplus d'effet que les sductions. Les Jsuites restaient
inbranlables dans leur devoir. A Combre, sous.le coup de la terreur et de l'occupation main arme, ils se livraient leurs travaux
habituels, enseignant la jeunesse, visitant les malades et les hpitaux, essayant par leurs sages avis de faire descendre, la paix sur
cette terre dsole. L'influence que la prire et l'autorit de la
vertu donnaient quelques pauvres prtres franais contre-carrait
tous les plans des Libraux. Ils avaient rv qu'il leur serait facile
V.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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270
CHAP. Y. .HISTOIRE
'
lieues de Combre Lisbonne, ils marchrent pied sous un soleil brlant, au milieu d'une grande affluence de Chrtiens implorant genoux leur bndiction et entre deux haies de soldats
qui plus d'une fois mlrent leurs larmes celles de la foule.
Quelques mois auparavant ils avaient parcouru cette mme route ;
alors on jetait sur leur passage des fleurs et des branches d'oranger. Maintenant, proscrits sans avoir combattu, ils recueillaient
le cri de regret qui s'chappait de tous les coeurs. Cette ovation
faite des vaincus tait un mauvais symptme pour les ides novatrices. Les Jsuites dans les fers avaient t salus comme
des martyrs ; l'approche de la capitale, on crut utile d'organiser la contre-partie du triomphe. Le peuple les accueillait avec
un douloureux respect; on enjoignit la populace de se porter
leur rencontre, et, par des hues sans fin, de leur faire expier ces
dmonstrations de pieuse gratitude. L'ordre fut excut ; les Jsuites arrivrent sous le coup des menaces et des outrages. Ils
taient Franais ; le baron Mortier, ambassadeur de Louis-Philippe Lisbonne ne consentit pas les laisser servir de jouet
cette tourbe de libraux mercenaires, enrgiments par l'ancien
empereur du Brsil. On entranait, les Pres vers la capitale pour
diriger contre eux un mouvement et pour les offrir peut-tre en
holocauste aux excs dmagogiques. Le baron Mortier s'oppose
ce plan ; il rclame, au nom de la France, les enfants de saint
Ignace. Sa fermet leur sauva la vie. Il y avait non loin de Lisbonne une prison clbre dans les annales de la Compagnie. C'tait la tour de Saint-Julien, o, sous Pombal, tant de Pres se
virent mourir dans le dnment le plus absolu. On dposa leurs
successeurs cette mme tour ; mais l'active vigilance du baron
Mortier et l'appui de M. Guizot ne leur firent pas dfaut. Le nouveau gouvernement portugais cherchait les garder en apprentissage de martyre ; peu de mois aprs, il fut forc de les rendre
la libert..
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
271
CHAPITRE VI.
La Compagnie de Jsus reprend ses Missions au-del des mers. Reproches qui
ylui sonl:adrcsss. Elle ne veut pas crer de Clerg indigne?Ses motifs.
Elle cherche partout lahlir la liturgieromaine au prjudice des autres rites.
Les Jsuites amricains retournent dans leur pairie aprs la suppression? Le
Pre John Carroll, Washington et Franklin.Le Jsuite fait reconnatre
la libert des cultes aux Etals-Unis. Il est nomm premier Evque de Baltimore.
Lettre de Carroll et du Pre Lonard Neale au Gnral des Jsuites en Russie.
Le Pre Molineux, Suprieur des Missions en Amrique. Le Collge de Georgestown. Difficults de la position des Jsuites. Les Amricains et les ides
religieuses. Le Protestantisme encourage les Missionnaires catholiques. Le
Pre Grassi Suprieur. Le Pre Kohlmann et le secret de la confession. ]f
est traduil devant la Cour suprme de justice. Dfense du Jsuite. 11 fait
triompher la discrtion sacerdotale. Le Collge de Georgeslovvn rig en Universit. Morl de Carroll et de Neale. Six frres dans la Compagnie
Ses
Progrs. Les sauvages demandent des Robes-Noires. Les Ngres del Jamaque foui entendre le mme voeu. Guillaume Du Bourg, Evque de la Nouvelle-Orlans elles Jsuites. Le Pre Van Quiclcenborn partavec des Novices
belges pour le ,Missouri. Yan Quictenborn fonde des Rsidences el un Collge.
Excursion dans l'intrieur des terres. Les Jsuites d'abord n'osent pas se
livrer leur zle apostolique dans les Iribus sauvages. Causes de leur relard.
Les Collges priclitent faute d'argent. Les Jsuites refusent de toucher l
subvention universitaire que la loi les oblige de recevoir. Expulsion du Pre
Kelly. Le cholra aux Etals-Unis. Les Jsuites et les Soeurs de la Charit.
Le Pre Marc-Elroy Frederick-cily. Ses fondations. Marc-Elroy apaise
une sdition d'ouvriers irlandais. Les Jsuites rpandus dans les tals de
l'Union. Leurs travaux. Leurs succs. Ils essaient de civiliser les sauvages
par l'ducation. Van Quiclcenborn au pays des Kickapoas. Comparaison que
font les Indiens entre les Jsuites et les ministres anglicans. Mort de Van
Quiclcenborn.Le Pre Relias chez les Osages. Le Pre Hoolter chez les Potowalomies. Il se fait mdecin el architecte. Les prsidents de l'Union favorisent les-Pres.Les Iribus de l'Orgon veulent les Robes-Noires. Le Pre
de Smel part pour le pays des Tles-Plales. Rception qui lui est faite.Le
Pre Point. Rduction de Sainte-Marie. Vie des Jsuites aux MontagnesRocheuses.Le Pcre Larkin l'anniversaire de l'indpendance amricaine.
Le Jsuite prche devant l'arme el les magistrats des Etals-Unis. Les Pres
la Jamaque. Ils arrivent au Mexique. Leur proscription. Le Pre Arrillaga
au Snat.Le Gnral Sauta Anna les rappelle.Mission de Syrie.Le roi
'Othon et les Jsuites. Le Pre Franco a Syra. Obstacles qui naissent.Le
Pre Blanche! Beyrouth.LesJsuites ne veulent pas renoncera la protection
de la France.Les Catholiques de Calcutta demandent des Jsuites au Pape.
Le Pre Saint-Lger y installe les Missionnaires. Commencement de la Mission.Les mauvais praires repousss par les Anglicans, qui ne veulent plus
avoir affaire qu'aux Jsuites. Cration du Collge de Sainl-Franois-Xavier
Calcutta.Les Evques secondent les Pres. Un Prince indien, Babou-Seal,
fonde un Collge indien pour les Jsuites.Conditions qu'il y met. Les Jsuites acceptent de faire l'ducation des Gentils. Inauguration du CollgcScal. Les enfants de sainl Ignace el les magistrats Anglais. Mort des Pres
More, Erwin efWeld. Infraction aux coutumes indiennes. Les Jsuites per-.
dcnl leur Collge indien
Dveloppement des Missions.LesJsuites Madagascar.La Rpublique Argentine sollicite des Jsuites pour instruire la jeunesse. Elle dcrle leur rtablissement. Les Jsuites refusent de soutenir la
politique de Rosas, Rosas les force a sortir de Bucnos-Ayrcs,11s'ouvrentle
272
Chili et le Brsil.Le commerce de Calomarca et la Nouvelle-Grenade les accueillent.Le Pre Gotleland eu Chine. Travaux des Missionnaires, Le
Pore Clavelin et l'ambassade de M. de Lagrne. Situation des Catholiques
dans le cleste-empire. Les Jsuiles entrent dans le Madur. Obstacles leur
Mission. Les Pres Bertrand et Garnier. Schisme des prtres portugais. La
mort frappe les Jsuites. Enthousiasme des Pres en Europe. Eamus et
mon'flmfr. Succs des Jsuites dans le Madur.
273
vr.
18
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CHAP. VI,
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
275
276
cisme. Ils ont pour principe de laisser la plus entire libert aux
peuples qui ne renoncent pas volontairement aux rites de leur
pays, et ce principe, c'est celui que le Saint-Sige a toujours
adopt. Dans les Chrtients qu'ils organisent, on les voit imposer la liturgie latine; mais cette prfrence ne va jamais jusqu' contraindre les Fidles d'Orient ou d'Occident abandonner
des usages que Rome a respects, ou sur lesquels il lui a plu de
fermer les yeux.
Au moment o la Compagnie tait abolie par Clment XIV,
quelques Jsuites abandonnrent la Grande-Bretagne pour se retirer dans l'Amrique septentrionale, leur patrie, o il n'y avait
jamais eu d'autres prtres qu'eux ; John Carroll les conduisait.
Li l'Institut par la profession des quatre voeux, Carroll ne tarda
pas conqurir l'estime de cette immortelle gnration, qui prparait dans le silence l'affranchissement du pays. Il fut l'ami de
Washington et de Franklin, le conseil de ce Carroll, son parent,
qui travailla d'une manire efficace la Constitution des EtatsUnis. La prvoyance et le savoir du Jsuite taient apprcis par
les fondateurs de la libert amricaine. Attachs au culte protestant, ils allaient consacrer son triomphe par la loi; mais le Catholicisme leur apparaissait avec les Pres de la Compagnie si tolrant,
et si propre civiliser les sauvages, qu'ils ne refusrent pas
John Carroll d'assurer le principe de l'indpendance religieuse.
Carroll fut admis en discuter les bases avec eux : il les posa si
nettement, que jamais la libert des cultes n'a t viole dans les
Etats Unis. Les Amricains s'taient engags la maintenir; ils
ne se crurent point autoriss trahir leur serment, mme par les
progrs que les Missionnaires firent faire la Foi romaine
Quand l'Union fut constitue, le Pape Pie VI, en 1789, songea
donner un guide tous ces Fidles disperss dans les villes et
dans les forts. John Carroll reut le premier le titre d'Evque
de Baltimore; plus tard il devint archevque et Mtropolitain des
autres diocses et lgat apostolique, avec un autre Jsuite, LonardNeale, pour Coadjuteur. Le 25 mai 1803, ces deux prlats,
qui n'avaient point oubli l'Institut de saint Ignace, crivirent au
Pre Gruber, Gnral de l'Ordre, la lettre suivante : Trs rvrend Pre en Jsus-Christ, ceux qui s'adressent Votre Pater-
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. VI.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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Tels sont les voeux que nos confrres dsirent vous voir
exposer en leur nom. En le faisant, nous prions du fond de notre
coeur la Majest divine, afin que de cette ouverture naisse l'esprance et un commencement d'excution pour rdifier la Compagnie et que Dieu vous accorde la vie et les forces ncessaires
,
l'accomplissement d'une pareille oeuvre.
Les deux prlats signataires de cette lettre s'effaaient pour
faire place au Jsuite. Ils sont libres, indpendants, combls
d'honneurs, et, tout en aspirant rentrer sous le joug de Loyola,
ils ne veulent pas mme attacher leur nom au rtablissement de
l'Institut. Ils s'accusent d'incapacit relative, et implorent une
lumire plus vive que celle qu'ils projettent. La rponse de Gruber ne se fit pas attendre. En vertu de l'autorisation accorde par
le Saint-Sige, le Gnral pouvait recevoir dans la Compagnie
les anciens Pres et les jeunes gens qui se prsenteraient,
condition nanmoins que, dans les royaumes o les princes refuseraient de favoriser le voeu du Pape, les Jsuites ne porteraient
pas l'habit de l'Ordre et ne vivraient point en communaut. La
prohibition tait peu appliquable aux Amricains, Gruber les
admit. Le Pre Molineux fut nomm Suprieur de la Mission,
et dans l'espace de quelques annes elle compta parmi ses prdicateurs ses savants ou ses professeurs, Antoine Kohlman,
,
Pierrepinette,Jean
Grassi,Adam Britt, Maximiliende Rantzaw, Pierre Malou et Jean Henry. Ils devaient tre tout la fois
des aptres et de doctes personnages. Concentrs dans le Maryland et dans laPensylvanie, ils voyaient se drouler un vaste
thtre de fatigues. L'Ohio, le Kentucky, la Louisiane, le Missouri et les savanes encore peuples de sauvages se rappelaient au
souvenir des Jsuites. Ces tribus invoquaient les Robes-Noires
pour les fortifier dans la Foi ou pour les conduire au bonheur par
la civilisation.
De grands obstacles surgissaient de la difficult mme de
l'idiome anglais, que les trangers ont tant de peine vaincre,
et surtout de l'esprit gnral dont le pays tait anim. Ce ne
sont plus en effet ici des provinces ensevelies dans l'ignorance
et l'idoltrie, des hommes compltement privs d'ducation.
Aux extrmits du territoire, on rencontre encore, la vrit,
280
'
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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coeur des Amricains ; la forme politique qui constitue les EtatsUnis les loignait encore davantage du renoncement euxmmes. La manire dont le gouvernement y a t fcond donne
en effet l'action dmocratique des bases si larges que l'abus se
produit invitablement ct du droit. La libert est un fruit
dont l'homme se montre avide tout ge et dans toutes les conditions. Les jeunes Amricains, nourris ds le berceau dans ces
ides d'affranchissement absolu, ont t tout naturellement ports en jouir autant que possible et aussitt que possible. On
ne leur apprit pas faire la distinction entre l'indpendance
nationale et la libert individuelle. Dans leur passion de libre
arbitre, ils confondirent ces deux principes opposs : le triomphe
de l'un devint un excs et une cause de ruine sociale par l'autre.
Le joug carter pour les enfants de l'Union, ce fut l'autorit
paternelle ou le pouvoir temporaire des instituteurs qui en drive. S'y soustraire immdiatement est un dsir inn au coeur de
l'homme. En Amrique, on le fomenta, on l'exalta par toutes les
thories d'indpendance. Le peu de svrit des parents ou la
certitude de voir leurs conseils ddaigns facilitrent l'impulsion
de cet esprit insubordonn. Il agissait sur la jeunesse indigne;
il ragit sur celle qui accourait d'Europe pour se consacrer
l'Institut de Loyola ou au Sacerdoce. L'air de libert que ces
Novices inexpriments respiraient dans les Etats de l'Union en
jeta plusieurs au milieu des voies du monde ; mais les Jsuites
s'taient attendus ces checs. Ils persvrrent dans leur plan ;
cette persvrance fut enfin couronne de succs.
Quand la victoire eut laiss les Amricains matres de leur
nous adresser des notes pleines d'inlrt sur les moeurs de ce pays. Avec l'exprience qu'il a acquise, ce Pre combal ce qu'il trouve de trop absolu dans le jugement port sur le caractre amricain. Voici les explications qu'il nous fournil :
c'est le manque
fi La vritable cause que nous n'avons pas de vocalions, crit-il,
de collges dans les villes. Nous n'y avions jusqu' prsent que des pensionnats. Le
Collge de Washington fond en novembre 1848 est le premier lablissemcnl qui
reoil des externes. 11 comple dj plus de ceul qualrc-vingls lves et promet
beaucoup pour le sanctuaire. Quoiqu'on ne puisse nier que la rigueur de l'obissance recommande aux cnfauls de sainl Ignace ne soit faite pour pouvanter un
peu la jeunesse amricaine, je crois cepcndiiiilque le texte de l'histoire est trop fort
conlrc le caractre de ce peuple. Les cnfauls amricains sont Ires-dociles el n'apporlcnl presque pas d'obstacles leur ducation. Il ne faut que rappeler leur mmoire la loi et les rgles; mais avec la force vous ne pouvez rien. Tous les parents,
qui suivent ce principe ont leurs cufanls parfaitement levs.
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HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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,
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HISTOIRE
Missionnaires de la Compagnie. L'Evque de Boston, qui fut depuis le cardinal de Cheverus, archevque de Bordeaux, tait
press d'accepter la coadjutorerie de Baltimore, et il mandait
Rome : Du fond de mon me et en prsence de Dieu, je pense
que parmi les prtres du diocse de Baltimore, il y en a plusieurs
plus dignes que moi, surtout parmi les Pres de la Socit de
Jsus, que leurs excellentes qualits, leur pit, leur zle et leurs
infatigables travaux ne peuvent jamais assez recommander.
Cheverus ne s'arrtait pas lorsqu'il s'agissait de rendre justice
aux Jsuites. Quand le Pre Grassi fut appel Rome avec un
.autre enfant de saint Ignace, l'Evque de Boston crivait : Nous
vous en supplions, que ces deux Pres nous reviennent bientt
escorts de nouveaux compagnons. La moisson est grande, les
ouvriers sont peu nombreux et nous en manquons de tels que la
Socit de Jsus sait en produire. Ceux-l sont des ouvriers inpuisables et annonant la parole de vrit avec justesse et propos.
En 1818, les enfants de saint Ignace se trouvaient au nombre
de quatre-vingt-six. Le Pre Kenney prononait devant le Congrs et le corps diplomatique l'oraison funbre du duc de Berry.
Les Jsuites se mlaient activement au bien qui se projetait. Ils
fondaient Georgetown des coles gratuites o trois cents enfants taient levs par eux, sans distinction de culte. Par la
force seule du principe catholique, ils attiraient la Foi. Chaque
semaine des familles entires abjuraient le Protestantisme entre
leurs mains, et l'on vit mme des ministres anglicans renoncer
aux avantages de leur position pour couter la voix de Dieu qui
les appelait la Compagnie de Jsus '. En prsence de tels rsultats, le gouvernement ne songe point s'effrayer des succs dont
il suit la marche progressive; mais il exige que, comme les autres tablissements d'ducation publique, les Jsuites reoivent
la rtribution que les familles ont l'habitude de payer. C'est une
garantie de loyale concurrence qui semble porter atteinte au voeu
des Pres. Ils consultent leur Gnral. Fortis dcide que soui La conversion la plus clatante fut celle de Barber, pasteur de l'Eglise rforme
el iTileur du Collej><: de Conueclicut. Il embrassa le Caiholicismc avec loule sa famille et entra au Noviciat des Jsuites. Son pouse se fil recevoir au couvent de la
Visitation; quinze ans plus lard leur ills fut admis parmi les Pn s de l'Institut.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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mission est due l'autorit civile; mais que, pour rester dans la
rigueur de la pauvret religieuse, toutes les sommes provenant
de ces rtributions seront offertes publiquement et sous le
contrle de chacun aux indigents, aux hospices et aux prisons.
La rsurrection des Robes-Noires tait annonce dans les
savanes. Les Evques et les Missionnaires qui les visitaient aprs
cinquante ans passs sur la retraite des derniers Jsuites, rencontraient dans leurs courses apostoliques des sauvages parfaiment instruits. Ces sauvages, au dire du cardinal de Cheverus,
savaient leurs prires, ils observaient le dimanche, ils taient
pieux, et, par les traditions de famille, ils maintenaient la Foi que
les Jsuites avaient implante. Les tribus errantes rclamrent
auprs des prsidents de l'Union les Missionnaires qui avaient jadis
bni leurs anctres. Elles les invoqurent pour fconder le dsert
par la prire et le civiliser par l'ducation. Les Osages avaient
donn l'exemple, les Ngres de Saint-Domingue le suivirent. Le
14 septembre 1823, l'abb Tournaire, Missionnaire apostolique
Hati, crivait aux Jsuites : Des Pres de l'Institut ont pendant
de longues annes dirig les missions de ce pays; ils y ont bti
des glises et appris faire vnrer le nom de Jsuite. Leurs travaux y consacrrent pour jamais celui de Pre, dont depuis lors
les sauvages honorent le simple prtre. Les vieux noirs y parlent
encore de leurs bonnes oeuvres ; ils rcitent divers fragments de
prires, seul reste de splendeur et de pit conservs dans le coeur
de ces pauvres gens aprs tant de guerres cruelles. Les Jsuites
abandonnrent le pays, et avec eux la Religion disparut. Voyez
s'il vous est possible de laisser perdre quatre cent mille mes; si
la pit des Jsuites peut y laisser teindre le souvenir de cet
apostolat ; si le portrait horrible qu'en trace la haine, si les vues
de la France sur Saint-Domingue, si quelques autres misres
toutes terrestres peuvent fermer le ciel ces mes de JsusChrist.
Des sollicitations aussi touchantes arrivaient des points les plus
opposs. Ce cri d'une reconnaissance traditionnelle tait un hommage rendu l'ancienne Compagnie de Jsus, la moderne aspirait s'en rendre digne. Mais quand la prire des Ngres parvint aux enfants de saint Ignace, ils se trouvaient dj engags
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vi.
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HISTOIRE
sur tout le littoral de ce district, rpandait la semence catholique.
Simple Frre coadjuteur, il a souvent laiss pressentira Grassi
la porte de son intelligence. Grassi l'apprcie, il dveloppe ses
brillantes qualits, et l'humble Frre est bientt lev la dignit
sacerdotale. Il avait tout ce qui est ncessaire pour entraner les
masses et pour produire d'heureux effets. Son loquence devient
populaire : il la consacre la gloire de Dieu et au triomphe de
l'ducation. Il tablit des collges, des glises, des coles pour les
orphelins ; il fcondela charit chrtienne au milieu des populations du Maryland. Son influence eut quelque chose de si merveilleux, qu'en 1829 un crivain calviniste, M. Schoeffer,
s'criait dans son journal : Chose trange ! la France Gatholique
chasse les Jsuites de son royaume ; elle leur enlve l'ducation
de la jeunesse, et les Protestants de Frederick contribuent, chacun
pour ses cinquante dollars, btir aux Jsuites un collge dans
cette ville l
Telle tait la situation que les disciples de Loyola se craient
dans les Etats-Unis, lorsque Mac-Elroy trouve occasion d'acquitter par un service la reconnaissance de ses frres de l'Institut.
Au mois de juin 1834, cinq six mille Irlandais taient occups
des terrassements sur le chemin de fer entre Baltimore et
Washington. Ils se sparent en deux camps, ils se livrent combat, ils s'insurgent ; puis, retirs dans les forts, ils bravent la
force arme, qui n'ose s'engager leur poursuite. Un pareil tat
de choses inquitait les populations voisines, exposes au pillage
ou l'incendie. Les prires, les ordres, les menaces, tout avait
t inutile. Mac-Elroy est inform de ce qui se passe : il accourt
sur les lieux, il pntre seul dans la fort. Sa prsence suspend
les hostilits. Il fait comparatre devant son tribunal les deux
parties, il leur enjoint de signer la paix ; il congdie les troupes
et ramne leurs labeurs ces hommes que la colre rendait si
dangereux.
Ce que Mac-Elroy ralisait dans Frederick-City, d'autres l'entreprenaient sur divers points du Maryland et de la Pensylvanie.
Les Pres Fenwick, Kenney, Larkin, Mulledy, Verhaegen, Kohlman, Vieng, Dubuisson, Ryder, sont pour la plupart dsigns
par les Evques comme leurs coadjuteurs ou leurs frres dans
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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HISTOIRE
Sur le conseil du Prsident des Etats-Unis, l'Evque de la
Nouvelle-Orlans avait rclam quelques Pres : ils taient venus ; l'oeuvre grandissait avec la Compagnie. Rosati, premier:
Evque de Saint-Louis, les soutenait dans leur rude entreprise.
Van Quickenborn, qui le Pre Thodore de Theux avait amen
un renfort, hsitait se lancer dans des excursions infructueuses.
On tcha de civiliser les Indiens par l'ducation ; une cole fut
fonde ; mais les enfants qu'on y runit ne tardrent pas se sen- '
tir sauvages au milieu mme des soins qu'on leur prodiguait.
Le travail n'tait accept par eux que comme une honte. Quand
on essaya de les initier aux arts mcaniques et l'agriculture,
ils se mirent pleurer et fuir ; on et dit que l'humiliation, dpassait mme les bornes prvues par eux. Les Jsuites nanmoins
ne dsesprrent ni d la Providence ni de leur courage. Les
blancs'contemplaient d'un oeil jaloux les peines inutiles que prenaient les Missionnaires pour manciper les tribus : ils se plaignaient d'tre abandonns ; ils rclamaient un Collge. L'Evque
d Saint-Louis joint ses voeux aux leurs, et, le 2 novembre 1829,
les classes commencent. Ls Protestants ont rivalis de zle avec
les Catholiques pour lever le monument; ils dsirent que leurs
enfants soient assujettis la mme rgle. Trois ans aprs sa fondation, le Collge de Saint-Louis recevaitdu gouvernement central le titre et les privilges d'Universit. Plus tard celui de SaintCharles au Grand-Coteau jouit des mmes prrogatives.
Les Jsuites avaient peu peu dompt ce besoin d'indpendance signal avec un si juste effroi dans la jeunesse. L'ide religieuse pntrait au coeur de ces natures violentes et bonnes tout
la fois ; il oprait des miracles'de soumission. L'Europe catholique, Rome, Vienne et Paris, s'tait intresse ce mouvement civilisateur; l'Anglicanisme ne resta pas en arrire. Guillaume IV, roi de la Grande-Bretagne, fit adresser aux Jsuites
de Saint-Louis la collection des archives britanniques ; le Prsident des Etats-Unis offrit celles do l'Amrique. Les Jsuites
avaient popularis le got de l'tude et l'amour des devoirs pieux.
Leur chaire fut une espce de lien qui rattacha les esprits les plus
opposs un principe commun. Ainsi qu'au Maryland et In
Virginie, ils attirrent les intelligences par le charme de leur paCHAI'. VI.
DE LA COMPAGNIE D.E.JSUS.
293
rle et par la force de leur logique. Vivant en paix avec les Protestants, dont ils possdaient l'estime, ils voyaient de temps
autre des ministres de l'Anglicanisme suivre l'impulsion donne
par Pierce Connelly.
Pierce Connelly tait pasteur du culte rform dans la.ville de
Natchez. L'loge qu'il entend faire de la charit et de la science
des Pres lui inspire la pense de confrer avec eux sur les choses
de la Foi. Il arrive, il est convaincu, il proclame le dogme catholique. De retour Natchez, il vend ses proprits, rsigne sa
paroisse et abjure le protestantisme. Sa femme l'imite. Ils traversent les mers avec leur famille ; ils sont au centre de la Chrtient, et l, sous la direction des Jsuites de Rome, le ministre
anglican se consacre au service des autels par le sacerdoce.
Les excursions chez les sauvages marchaient de front avec les
soins de l'enseignement et du saint ministre. Les Jsuites forment en Congrgation quelques tribus mieux disposes que les
autres. Une glise se construit au portage des Sioux ; d'autres
rsidences sont jetes Saint-Charles, Watkinsonville,
Clarke, New-London, Louisiana, Jefferson et Columbia.
En 1836, le-cacique Blackhawk et son fils Keokuck, qui guerroyrent si longtemps contre la Rpublique du Missouri, se prsentent Saint-Louis : ils demandent des Robes-Noires, de
ces enfants de saint Ignace, dont les anciens de la tribu font de
si touchants rcits. Leur appel est entendu; les Pres Van
Quickenborn etHoocker se mettent en route avec eux; ils arrivent le 1er juin au pays des Kickapoas:
Le gouvernement central ne cessait, dans son intrt, de rpter ces peuplades qu'un culte quelconque tait ncessaire
l'homme. L'Union leur fournissait des pasteurs anglicans; mais
les Indiens, ne les voyant pas venir eux le Rosaire et le Crucifix
la main se prirent douter de cette Religion qui, disaient-ils,
,
n'tait point celle des Franais. Ils avaient d'autres souvenirs encore vivaces au coeur ; ces souvenirs se rveillrent aussitt que
le nom des Jsuites retentit leurs oreilles. Il leur fallut des
Pres : les Pres accoururent au milieu des.forts. La vue des
Robes-Noires fut comme une nouvelle re de salut annonce aux
sauvages de l'Ohio et du lac Eri. Les Piankaskas et les Weas,
,
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CHAP. VI.
HISTOIRE
descendants des Miamis, les Kaskaskias et les Porias s'branlrent pour fter leur arrive. Les Mthodistes en avaient sduit un
grand nombre. Ces Indiens s'taient vus tout--coup abandonns
par les Missionnaires ; ils n'avaient pu s'expliquer cette dsertion
que l'obissance au bref de Clment XIV commandait, et, dans
leur dsespoir, ils avaient abjur la Foi catholique. Ils proposaient de l'embrasser de-nouveau si un Jsuite leur tait accord.
Van Quickenborn connaissait les bienveillantes dispositions du
Congrs ; il affirme ces peuplades qu'elles sont libres d'adopter
le culte qui conviendra le mieux leurs sentiments, et un Pre
de l'Institut leur fut promis.
Peu de mois aprs, le 16 aot 1837, Van Quickenborn expirait sous le poids des fatigues sacerdotales. Fondateur del Province du Missouri, il se sentait revivre dans les hritiers de son
zle ; les Novices forms ses exemples allaient marcher sur les
traces do sa charit. Le Pre Ferdinand Hlias, dans les districts
de Colebrooke, de Gasconade et des Osages, se fait centre pour les
migrants d'Europe et pour les naturels du pays. Il difie des
glises, il cre des coles : c'est ainsi que fut commence la ville
de la Nouvelle-Westphalie. Il n'a sous la main que des colons
allemands f Hlias s'adresse la Socit lopoldine de Vienne et
celle de Lyon. Les subsides qu'il en retire sont insuffisants : il
invoque le concours de ses amis et de ses parents de Belgique.
11 intresse. l'Europe auprgrs de sa Mission. En 1838 le Jsuite
n'avait dcouvert que six cent vingt Chrtiens. Cinq ans aprs il
en dirigeait deux mille sept cents dans les voies du salut parmi
ces colons. Le Pre Hoocker pntre son tour chez les Potowatomies. Ils vivent sous des tentes ils sont en proie une
,
maladie contagieuse qui les dcime. Hoocker se dvoue volontairement toutes ces misres et soutient les courages chancelants. Le froid est si intense qu'il ne peut goter Un instant de
sommeil sur 1 terre o il essaie de reposer ses membres engourdis ; cela ne l'arrte point dans ses projets. Il construit une glise,
afin d'apprendre ces malheureux qu'ils ont un Pre dans le ciel
et un Jsuite ici-bas pour veiller leur, bonheur. L'glise acheve, Hoocker leur persuade qu'ils doivent offrir leurs familles
un abri contre l'intemprie des saisons. Ce conseil est adopt.
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-Cil AI'.
VI.
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ils entendent autour d'eux des aptres de toutes les sectes qui,
cherchant donner leur paresse native une conscration biblique , leur apprennent d'avance msuser du principe mancipateur. Les Jsuites ne se demandent pas, avec le comte de Maistre,
si les Ngres sont dignes du bienfait de l'ducation. Ils. ne disent
pas comme l'loquent publiciste i . L'immense charit du sacerdoce catholique a mis souvent, en nous parlant de ces hommes , ses dsirs la place de la ralit... On ne saurait fixer un
instant ses regards sur le sauvage, sans lire l'anathm crit, je
ne dis pas seulement dans son me, mais jusque sur la forme
extrieure de son corps. Il est visiblement dvou ; il est frapp
dans les dernires profondeurs de son essence morale. Cette
terrible question souleve par le comte de Maistre et combattue
,
.
par les philanthropes , ne proccupe point les enfants de saint
Ignace. Libres ou esclaves, natures incapables de dvelopper les
facults de l'esprit, ou hommes courbant sous la servitude une
intelligence seulement engourdie les Ngres ne seront pour les
,
Jsuites que des Chrtiens. Ils les savent susceptibles d'impressions de Christianisme profondes et durables : c'est de ce point
de vue qu'ils tudient leur mission ; c'est de l qu'ils partent.
Leur prsence fut un stimulant pour le Clerg ; ils parcourent
l'le leur exemple fit plus que leurs paroles.
,
Ferdinand VII, encore matre du Mexique, avait rtabli la Compagnie de Jsus. Le Cabinet de Madrid connaissait l'irritation
des colonies espagnoles. Us les savait disposes la rvolte : il
espra que les Pres de l'Institut, tant regretts dans le NouveauMonde, pourraient conjurer la tempte dont la mtropole tait
menace. L'Amrique du sud n'attendit pas l'effet de cette tactique. En 1817 elle proclama son indpendance, et, parmi les
reproches que ces colonies adressent la cour d'Espagne, elles
l'accusent de nous avoir arbitrairement c'est le texte mme
de leurs griefs que l'histoire va citer privs des Jsuites,
qui nous devons notre tat social, la civilisation, toute notre instruction, et des services desquels nous ne pouvons nous passer.
Ainsi, cinquante ans de distance, l'Amrique du sud ne pardonnait pas encore l'Espagne de lui avoir ravi ses missionnaires,
1
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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HISTOIRE
barbares, parce que, mentionne le dcret, nous mettons de cette
manire l'intgrit de notre territoire beaucoup plus en sret.
Les citoyens des Etas-Unis ont sur les Pres de la Compagnie
la mme opinion que le dictateur Santa-Anna. Ils savent combien
est honor le nom de la-Robe-Noire des Missionnaires. Depuis
vingt ans, des dsordres de toute espce, dsordre dans les lois,
dsordre dans les intelligences, n'ont pu affaiblir le respect inn
que tous ces peuples portent aux Jsuites. Charles III d'Espagne,
un roi catholique, les chassa de cette terre fconde par leurs
anctres dans l'apostolat. Par un contraste providentiel, ils y
rentrent, ramens en triomphe par des rpublicains protestants.
L'arme d'invasion qui, commande par le gnral Taylor, marcha sur le Mexique en 184G, complait dans ses rangs deux Jsuites, les Pres Mac-Elroy et Rey. Sous la bannire-de l'indpendance amricaine et brevets par le prsident des Etats-Unis,
ils allaient reprendre possession, au nom de l'Institut, de ces pays
dont ils furent les crateurs et les lgislateurs. Dans cette arme
de protestants, ils furent les aptres de la.charit chrtienne; ils
se dvourent pour secourir les blesss et les malades. Leur zle
fut rcompens par d'clatantes conversions que dcida leur prudent proslytisme. Ces conversions au Catholicisme n'effrayrent
jamais les chefs d'un peuple libre.
Dans le ple-mle d'insurrections qui affranchissent ou dsolent le Nouveau-Monde et l'ancienne Grce, et qui, de toutes les
extrmits de la terre, semblent se donner la main pour des
rgnrations que la force seule ne pourra jamais consacrer, les
Jsuites ne prennent aucune part ces tumultes de l'indpendance. Rpublique ou monarchie, colonie ou Etat libre, toutes
les formes de gouvernement leur sont indiffrentes, pourvu que
la Foi catholique y prospre avec les bonnes moeurs. Il ne leur
appartient pas de se jeter dans les sanglants conflits, d'pouser
les querelles des uns au dtriment des autres; ils doivent rester
neutres tant que la Religion n'est pas en pril. Leur apostolat'
n'a pour drapeau que la croix; qu'elle triomphe en assurant le
le bonheur des peuples, et l'ambition des Missionnaires sera satisfaite. Ils tendent ce but aux Etats-Unis et au Mexique; dans
les les de l'archipel grec; en Albanie et en Syrie, c'est encore
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HISTOIRE
Cequi est encore plus fcheux, c'est qu'elle,est loigne d toute
habitation. Ainsi nous sommes forcs de la transporter dans un
endroit-plus sain pour nous et plus avantageux pour le bien spirituel du prochain/Mais pour cela nous devons recourir Votre
Rvrence et la supplier de nous aider de tout son pouvoir et de
tout son zle charitable btir une nouvelle demeure.
Nous sommes en tout sept Jsuites cinq Pres et deux
,.
Frres Coadjuteurs. Les Pres de la Rsidence de Syra y sont professeurs au Sminaire fond l'anne dernire par monseigneur
Louis-Blnci, lgat apostolique. Le Pre Henry enseigne la philosophie, la thologie dogmatique et morale ; de plus il a la
charge de Thologien de Monseigneur. L'autre Missionnaire, le
Pre Quralt, professe la grammaire et la rhtorique ; et, comme
il possde bien la langue du pays, il s'occupe aussi prcher et
confesser.
Syra est une ville sans aucun village aux alentours et peu
ple d'environ 4,000 Catholiques ; elle est entirement spare de
l'autre petite ville btie rcemment au bord de la.mer par les
Grecs schismtiques qui l'ont appele Hermopolis. L'le de Tine
peut avoir 8,000 Catholiques rpandus dans plusieurs villages ;
mais la plupart ne sont point mls avec les schismtiques. La
Rsidence se compose de trois Missionnaires (je suis l'un des trois)
et de: deux Frres coadjuteurs. Le Pre Kiizyriski, ne pouvant,
cause de son grand ge, apprendre la langue du pays, dit seulement la messe et a soin de la maison en notre absence. Le
Pre Osmolowski prche et entend les confessions dans notre
glise; c'est l son occupation ordinaire. De temps autre il fait
aussi des excursions dans les villages. Quant moi, je n'ai rien
de fixe ; mon emploi est de parcourir les villages de l'le et les
diffrents diocses de l'Archipel pour y donner les exercices spirituels et y faire des Missions. Souvent mme je suis invit me
rendre Smyrne ou Constantinople pour le mme objet.
Missions, la plus prilleuse fut celle que je
De' toutes mes
fis alors du soulvement des Grecs, Constantinople. Dans la premire crise de cette rvolution, des troupes d'Infidles arms et
furieux infestaient tous les chemins et toute heure. Le GrandSeigneur avait donn des ordres sanglants qui s'excutaient avec
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
307
une cruaut inoue ; et, tandis que le sang de tant de malheureux Grecs coulait ailleurs et le jour et la nuit, nos bons Catholiques ne laissaient pas de venir courageusement en plein jour aux
exercices de la Mission. Ils affluaient dans l'Eglise non-seulement
pendant ces huit jours, mais aussi toutes les fois que"j'y prchais
dans l'espace de trois mois environ. Longtemps avant la fin de
la nuit, une foule de Fidles se pressaient autour du saint tribunal pour faire leurs confessions gnrales : tout cela sans
qu'une seule personne prouvt d'accident fcheux, grce aux
bons soins de la Providence et la protection spciale de la sainte
Vierge.
dsirez savoir, mon rvrend Pre, si nous recueillons
Vous
des fruits abondants de nos travaux apostoliques. Hlas! je vous
le dis en gmissant, depuis cette malheureuse rvolution nos pauvres Missions se gtent peu peu, des vices sans nombre s'introduisent, et surtout l'incrdulit. Nous sommes obligs de travailler beaucoup, de souffrir extraordinairement, je ne dirai plus
pour tendre et accrotre la pit, mais pour conserver seulement
ce qui reste encore de religion dans le coeur des fidles, reste
prcieux qui va diminuant tous les jours.
A Scutari, cette situation pour les Jsuites demands par l'Evque se complique de toutes les vexations que peut inventer
le fanatisme musulman. Ils ont l'appui des Consuls europens;
mais, pour se soustraire l'insatiable cupidit des Pachas et des
Cadis, ce n'est pas assez. En Syrie, o le mouvement catholique
est plus prononc, les enfants de saint Ignace, sous l'inspiration
du Pre Maximilien Ryllo, ne dsertentni la cause de Dieu ni celle
de l'indpendance religieuse. Les Pres Planchet, Soregna, Vatout
et d'Houtant, Beyrouth ; Riccadonna, Zahlet ; Estve, Bifkaia ; Canuti et Obrompalski, Gazir, essaient de recommencer
les grandes missions d'autrefois. Le 28 mars 1844, Planchet crit
au Pre Maillard : Vous tes perscuts et nous le sommes
aussi ; mais nous ne le serons qu'autant que Dieu voudra. Une
partie de notre oeuvre est de souffrir la perscution, et ce n'est
pas la partie la moins glorieuse. Nos Pres qui travaillaient autrefois dans ce pays que nous habitons furent aussi perscuts ;
ils n'en ont pas moins fait de grandes choses pour la gloire de
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HISTOIRE
Dieu, et leurs noms vivent encore environns de l'amour et de la
reconnaissance des peuples.
Ces peuples, ici sdentaires et agricoles, l errants et pasteurs,
forment autant de races varies qui se naturalisent dans cette
trange patrie sans s'y mlanger. En tat permanent de guerre
les uns avec les autres, ils survivent aux vicissitudes qu'enfante
leur turbulence. Il y a des Grecs schismtiques, ternels ennemis
de l'Unit, toujours diviss entre eux, mais se runissant toujours contre Rome ; des Arabes conqurants, avec les Druses
leur farouche postrit ; des Armniens, des Kourdes, des Grecslatins et des Maronites, qui, depuis quinze sicles, sont seuls
rests debout et fidles la mre commune des glises. Le sabre
de l'Ottoman domine toutes ces tribus puises par les massacres priodiques, et parles exactions du matre. Ce matre rgne
en alimentant les discordes intestines, et en livrant au massacre
les populations qu'il veut affaiblir ou dpouiller.
Sur ce coin de terre o se dbattent maintenant de si graves
intrts, au milieu 'des questions politiques voques par l'tat
incertain de l'Orient et par la chute prvue de l'islamisme, les
Jsuites exercent leur part d'influence. Us souffrent avec les Chrtiens, ils les encouragent; ils-ont besoin de l'appui des puissances,
mais un jour viendra o les puissances sefliciteront de le leur avoir
accord. L'Angleterre a dj compris ce besoin: on l'a vue offrir
son protectorat aux Jsuites de Syrie. C'est la France qui dans les
sicles passs, les couvrait de son gide; ils dsirent rester fidles
aux traditions de l'Ordre. L'Autriche et la Sardaigne leur renouvellent les mmes propositions, mais les Pres franais tournent toujours leurs regards vers la patrie. Il leur en coterait
trop de la priver de l'ascendant moral qu'elle doit exercer sur ces
rivages ainsi que clans l montagne et le ministre des affaires
,
trangres, M. Guizot, a plus d'une fois applaudi ce senliment
national.
La Compagnie avait jadis introduit la Foi dans les divers continents indiens ; elle avait successivement cr les nombreuses
Chrtients dissmines depuis le cap Comorin jusqu'au Thibet.
Le sang et les sueurs de ses enfants avaient arros ces plages
o la trace des pas de Franois-Xavier est encore empreinte.
-
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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HISTOIRE
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Dans l'intervalle de quelques annes, le Collge de Saint-Franois-Xavier, dirig par le Pre Chadwich, avait prospr au-del
mme des prvisions. Fabert, Evque de Cochinchine, et Carew,
archevque de Calcutta, favorisaient son accroissement; ils taient
les amis et \e conseil des Jsuites : ils les secondaient dans leurs
oeuvres. Le Gouverneur-Gnral des Indes suivait l'exemple des
prlats. En 1842, Babou-Moussi-Lolle-Seal, l'un des plus riches
princes du Bengale, a vu, a tudi avec une sagacit toute indienne les progrs des lves de la Compagnie. Il est idoltre;
nanmoins il conoit l'ide de fonder ses frais un tablissement o ses jeunes compatriotes seuls seront admis. II veut que
les Jsuites se chargent de leur ducation, mais cette ducation
doit tre toute morale, toute littraire. La maison projete ne
contiendra que les Gentils ; Babou-Moussi exige que les Pres-ne.
leur parlent de Religion que par la candeur d'une vie chrtienne.
Saint Franois-Xavieravait coutume de dire ses compagnons :
voudriez, mais ce
Prenez de chaque homme non ce que vous
que vous pouvez en tirer. En face d'une proposition aussi extraordinaire, les Jsuites, qui n'avaient point oubli le conseil de
l'Aptre des Indes, hsitrent cependant. On les pressait de souscrire aux conditions de Babou ; on leur disait que c'tait l'unique
moyen de vaincre chez les naturels l'horreur qu'ils prouvent
pour le nom ehtien. La Propagande fut consulte; elle donna
son assentiment, et les Jsuites furent introduits dans leur SealCollge par l'archevquede Calcutta, par les princes du pays et
par les magistrats anglais, la tte desquels apparaissait sir
Lawrence Peel. Il reprsentait cette solennit le GouverneurGnral ; il parlait au nom de la Grande-Bretagne, et il fit le
plus magnifique loge de l'Institut de Loyola. Les Jsuites ne
tardrent pas se rendre dignes des encouragements que le Protestantisme leur accordait.
Tant de succs prpars et conduits leur fin, avec le dvouement pour tout levier, annonaient de nouvelles humiliations.
Les rivalits de corps ou de secte ne purent voir sans effroi les
progrs qu'en moins de dix annes la Compagnie avait su raliser. Elle tait revenue pauvre aux Indes, elle y restait pauvre au
milieu des richesses qui l'entouraient ; mais elle avait acquis ur
1
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CIIAP. VI.
HISTOIRE
tel ascendant que les Brahmes, les Schismtiques' et les Mahomfans se coalisrent contre elle. Trois enfants de saint Ignace,
More, Erwin et Weld, pouvaient alors faire front aux attaques.
On les aimait pour leur caractre plein d'amnit; leurs talents
les faisaient admirer, leur inpuisable charit contraignait l'estime. Tous trois moururent coup sur coup, emports par ce dvorant climat.
La perte de ces Missionnaires de l'ducation affaiblissait le crdit des Jsuites. Celle de Weld, l'ami des princes Hindoux,
releva l'audace des ennemis de l'Institut. Us n'attendaient qu'un
prtexte pour clater ; un lger oubli des coutumes indiennes le
fournit. A l'exemple des Anglais, les Jsuites se faisaient servir
par des domestiques tirs d'une caste infrieure. Ils ne s'assujettissaient pas en cela la loi qui pesait sur leurs lves. Cette
faute devint un crime. En Europe, on reprochait aux Pres d'tre
esclaves des usages de l'Indoustan jusqu'au point de compromettre la puret de la Foi ; l'heure o ce vieux grief se rveillait Rome et Paris, une infraction aux mmes usages dtruisait Calcutta la popularit des Jsuites. Babou-Moussi et les
princes cdent au cri de rprobation que les sectes rivales ont
pouss. Le Sal-Collge est retir la Socit, et, comme auparavant, elle continue dans celui de Saint-Franois-Xavier
l'oeuvre entreprise. Elle propage les Missions elle fortifie les
,
Chrtients, elle se fait toute tous pour rpandre dans les
masses le germe des vertus.
On a souvent accus les Jsuites modernes de ne plus marcher
sur les traces de leurs anciens et de renoncer presque au but
principal de l'Institut, qui serait la conversion des Infidles '. On
a prtendu que la Socit n'acceptait qu' son corps dfendant
l'apostolat dans les contres transatlantiques parce qu'elle pr,
frait guerroyer en Europe et s'y tablir sur des bases indestructibles. Les chiffres et les faits sont en contradiction avec ces hypothses. D'aprs les catalogues de 1845, l'Ordre ne compte que
cinq mille Jsuites, et cinq cent dix-huit sont employs aux Mis' Les Missions trangres ne sonl pas le principal but de la Compagnie. Elle en a
trois : ramener les hrtiques au sein de l'Unit, porler l'Evangile aux nations idoltres et entretenir les Catholiques dans la Foi et dans la pratique des vertus chr-
"
tiennes.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
313
sions *. C'est le dixime, la mme proportion qui se trouve depuis l'origine de l'Institut. Mais comme pour rfuter d'avance
,
ces imputations, le Gnral et les Provinciaux de la Compagnie
ne cessent de stimuler le zle des jeunes gens. Dans son encyclique du 5 dcembre 1833 sur les Missions d'au-del des mers,
le Pre Roothaan s'exprime ainsi :
Quels doivent tre mes sentiments, mes rvrends Pres,
en rsulteront comme de vritables pertes : ces paroles de l'Evangile ; Donnez, et on vous donnera, trouvent ici leur application.
Il n'est pas ncessaire d'attendre qu'une Province soit assez fournie de sujets pour pouvoir donner aux Missions quelque chose de
son abondance, et pour ainsi dire de son superflu. Jsus-Christ
voulant que chacun se plaise donner mme de sa pauvret, et
se tienne assur que ce qu'il aura donn ainsi lui sera rendu avec
usure par la bont divine, il dit : Donnez et on vous donnera ;
date et dabitur vobis. Ainsi, devons-nous tre persuads que
plus une Province se montrera librale en ce qui tient cette
Le tableau de toules les annes prcdentes suit la mme progression. Plus le
nombre des disciples de rinstitul augmente, plus la Socit fait passer do Missionnaires au-del des n.ers. En 1845, leur nombre s'lve 518; en 1844, il n'est que
de 471 ; en 1843, de 390; en 1842, de 373; eu 1811, de 3:13. Le chiffre se balance
' ainsi sur chaque catalogue du Gcs, depuis le rtablissementcomme avant la suppression de la Compagnie.
1
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oeuvre, plus elle donnera de bon coeur Dieu et aux Missions ses
meilleurs et ses plus utiles sujets, plus aussi la bont divine aura
soin de l'enrichir de nouvelles recrues et de sujets "non moins
prcieux.
est vrai, largi vos entrailles; vous avez dilat, agrandi votre
tente ; et pourtant vos entrailles no sont pas encore assez dilates, et votre tente n'est pas assez largie. Portez, portez donc
plus loin vos limites. Avancez, avancez toujours. Dilata locum
tentorii tui, et pelles tabernaculorum extende. Voyez votre
droite ces peuples qui vous tendent les bras, je vous les aban-
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
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donne ; ils sont vous. Et votre gauche voyez ces autres peuples qui implorent votre compatissant secours, ils sont galement
vous. Mais voici au-del des mers, des terres inconnues, des
contres assises l'ombre de la mort, un peuple nombreux qui
n'a pas encore entendu la bonne nouvelle. Eh bien! je le rserve
aussi votre vigoureuse jeunesse, il est votre domaine et votre
hritage. Vous pntrerez dans ses solitudes, et sous vos pieds
fleurira un nouveau dsert, et votre voix s'lveront les murs
d'un sanctuaire chrtien, et resplendira de beaut et de puret
une Jrusalem nouvelle, ad dexteram enim et ad loevam penetrabis, et sernen tuum gentes hoereditabit, et civitates dsertas
inhabitabit,
Et quelle est ici pour nous la terre inconnue qui s'ouvre devant notre zle, et le peuple nouveau qui va nous tre confi?
Cette,.terre, ce peuple, c'est Madagascar, contre dont vous connaissez sans doute l'immense tendue, et qui semble d'autant
plus admirablement place sous la main de notre chre province, qu'elle occupe la route mme que doivent souvent parcourir nos ouvriers et amis de la Chine et du Madur.
Ainsi, toutes les poques et en face de tous les besoins, l'Institut s'empresse de rchauffer le zle pour l'oeuvre vanglique.
11 accepte les Missions que le Saint-Sige lui impose; les plus
difficiles ou les plus dangereuses sont celles qui provoquent les
plus saintes concurrences. Madagascar a ses Missionnaires; le
Chili, Buenos-Ayres, le.Brsil, la Nouvelle-Grenade, la Chine et
le Madur possderont les leurs comme les Etats-Unis, le Canada,
les Montagnes-Rocheuses et la Syrie.
Aprs s'tre soustraites par la force l'autorit de la mtropole,
les colonies espagnoles et portugaises essayrent de se former en
Etats indpendants. Elles taient libres; elles se firent dmocrates. A peine ces Rpubliques furent-elles constitues, qu'elles
songrent perptuer dans le coeur des gnrations futures
la Foi et l'enseignement chrtien. C'tait la condition de leur
existence; elles la comprirent. Devenus hommes par le Christianisme, ces peuples, dont l'histoire ne faisait que de commen-,
cer, n'avaient point oubli, dans les guerres de fdration et
d'indpendance, les Missionnaires qui jadis se dvourent leur
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HISTOIRE
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l'initiative. Elle rappelait les Jsuites dans son sein ; elle accueillait avec une filiale allgresse les matres qui venaient achever
l'oeuvre de leur mancipation chrtienne ; elle leur confiait le
soin d'lever la jeunesse et de propager dans toutes les classes
l'amour des lois et de la science. Ainsi, sur tous les continents
o le nom des Jsuites avait autrefois retenti comme le prcurseur de la civilisation, les peuples se liguaient dans un sentiment de pieuse reconnaissance pour en obtenir encore. Ils s'adressaient au Saint-Sige et au Gnral de la Compagnie. Leurs
reprsentants dans les assembles lgislatives rgularisaient ce
voeu des masses, et partout les Evoques s'y associaient. Les deux
Amriques avaient imprime l'lan; la Chine catholique ne,sut
pas y rsister plus longtemps. Bsi, administrateur de Nankin
et Vicaire apostolique du Chang-Tong, sollicite Rome des Missionnaires de l'Ordre de Jsus. Le 27 avril 1841, les Pres Gotteland, Brueyre et Estve l s'embarquent Brest sur la frgate
l'Erigone. Le gouvernement franais a compris que, comme les
anciens Bourbons, il doit faciliter ces dvouements qui tournent
au profit du Christianisme et de la socit europenne. Il prend
sa charge les frais de traververse, et, au commencement de
novembre, l'Erigone dpose les trois Jsuites Macao.
Depuis l'extinction de la Compagnie, ce sont les premiers
Pres qui entrent dans le cleste-empire; ils prtent le serment
relatif aux crmonies chinoises, et que la bulle de Benot XIV
Ex quo singularisa exig. Cette formalit accomplie, ils s'introduisent dans le Chang-Tong. C'est Chang-Hay que Ricci,
l'Aptre de la Chine, a dbut dans sa mission. L vivent encore
en fervents catchumnes les descendants de Paul Sin, son plus
illustre disciple ; c'est l que les Jsuites se dcident faire entendre la parole de Dieu. Leur souvenir tait vivant au coeur des
Nophytes ; les Missionnaires n'eurent donc pas de peine gagner leur confiance ; ils avaient au Nankin et au Chang-Tong
plus de cent quarante-cinq mille Chrtiens maintenir dans la
En annonant au prlat le dpart des trois Jsuites, la Propagande lui crivail le
30 juin : La Sacre-Congrgation se propose de se servir de ces trois Religieux de
la Compagnie et des autres qu'on pourra envoyer dans la suite pour rouvrir la
Mission du Japon lorsqu'il plaira la Providence de faire briller de nouveau la
,
lumire de l'Evangile dans ces rgions dsoles et d'enlever les obstacles qui s'opposent l'entre des minisires de Jsus-Christ.
i
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
319
malades qu'on vous aura amens, vous entendrez les confessions. Vingt par jour, c'est bien assez; cela vous tiendra dix
heures au confessional. Est-ce trop d'une demi-heure pour une
confession de dix, vingt, trente ans, et faite par un pnitent peu
instruit qui ne vous comprend gure mieux que vous ne le com-
320
HISTOIRE
prenez? la messe vous faites une petite instruction de vingt
minutes; vous en faites autant pour ls mariages, quand cela est
possible. Combien de fois ne serez-vous pas interrompu au milieu de ces occupations? On viendra vous chercher pour des malades qui sont bien loin, vu surtout la lenteur des moyens de
transport. Il faut porter sa chapelle avec soi ; c'est presque l'affaire d'une journe. Dans cette excursion, aprs avoir administr
les malades, baptis les enfants et rempli les autres ministres
les plus indispensables, vous revenez comme vous tes all, en
barque ou en chaise porteurs, et c'est un temps prcieux pour
faire ses exercices spirituels. Arriv l'endroit d'o vous tiez
parti, vous vous remettez bientt au confessionnal, moins que
vous ne trouviez d'autres Chrtiens qui viennent encore vous
chercher pour d'autres malades. Vous y courez aussitt, bienheureux si vous ne trouvez pas des morts votre arrive. Le Pre
Estve, qui certes ne se mnage pas, a eu dans son district,
dans l'espace de quinze jours seulement, sept huit Chrtiens
ainsi morts sans Sacrements. Si on vous laisse tranquille, vous
continuez confesser jusqu' huit, neuf, dix heures du soir.
Vous vous couchez souvent onze heures, minuit, pour vous lever quatre ou cinq heures, pourvu toutefois qu'on ne soit pas
venu interrompre votre sommeil pour d'autres malades, ce qui
n'est pas rare. Quand un de ces malades vous fait demander,
direz-vous que vous avez besoin de repos, que l'tat de votre sant le rclame, qu'il faut vous mnager? direz-vous : Attendez
demain? J'entends toutefois tel Pre vous rpondre : J'ai toujours sur la conscience de l'avoir fait une fois : le lendemain,
quand je suis arriv, le malade tait mort ; il ne s'tait pas confess depuis quarante ans. En pareil cas, j'ai trouv la semaine
dernire des confessions de quarante cinquante ans. Les malades n'ont pas plutt t administrs qu'ils ont rendu le dernier
soupir. Mais au moins, au retour de ces expditions fatigantes,
vous pourrez prendre quelques heures de repos. A votre retour,
mon bien cher Pre, vous trouvez des Chrtiens qui attendent
depuis trois, quatre et souvent huit jours pour faire leur confession. Ils ont cependant leurs terres cultiver, leur famille nourrir, et ils vont partir si vous ne les entendez pas. Vous rentrez
CHAP. VI.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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HISTOIRE
car c'tait a l'abngation de l'un des Missionnaires de l'Ordre qu'elle devait sa plus
Lclle glise. Lorsque les Franais pour la premire fois, portrent la guerre dans
,
l'intrieur de l'Inde conlre les Anglais,
le gnral de Bussy demanda un disciple
de Loyola pour accompagnerl'expdilion. Le Pre de Monljustiu fui dsign. 11
gjgna en peu de lemps la confiance de l'arme. L'expdition avait l heureuse et le
butin, immense. On partagea les dpouilles de l'ennemi entre les chefs et les soldats.
Se Jsuite fut Irail comme un colonel, el il lui revint peu prs une somme de
1CO.CO0 francs. Monljuslin la refusa, allguant son voeu de pauvret. Les chefs et
les soldais voulurent le contraindre o cire riche, 'et on le condamna loucher l'argent qui lui tait deslin. Celle fortune inespre n'embarrassa pas longtemps le
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HISTOIRE
Protestants s'opposaientde toute leur force l'action des Jsuites.
On avait vu sans effroi Mahay et Mousset combattre ces causes
de dissolutien catholique ; mais, quand les Pres de la Compagnie eurentpris pied sur cette terre que leurs devanciers avaient
faite chrtienne, la coalition sentit qu'il fallait craser ces redoutables adversaires ou tre vaincue par eux. Elle se mit l'oeuvre.
Les magistrats anglais, moins justes qu' Calcutta, entraient
dans ses intrts ; ils rendirent des sentences par lesquelles on dfendit aux Jsuites l'accs des glises bties par leurs prdcesseurs. Les Pres n'taient que quatre pour lutter contre tant d'obstacles et pour fortifier les Catholiques dcourags ; les Jsuites
n'abandonnent pas leur cause. On leur interdit le droit de prcher et de prier dans les glises ; il transforment en temples quelques cabanes de feuillage ; on les repousse de toute demeure habite, ils se rsignent une existence vagabonde ; on essaie par
d'injurieuses suggestions de leur enlever la confiance des Catholiques, ils se dispersent, ils se multiplient, afin de rveiller
dans les mes les sentiments de Foi. Us vanglisent le Tanjaour
et le Tondiman. Ils sont Trichirapalli, dans la ville d'Aour et
dans leMarawa. Ils parlent, et, leur voix, des glises s'lvent.
En face d'une tnacit qui ne recule devant aucun pril, la ligue
des schismtiques commenait s'avouer son impuissance. On ne
peut puiser le courage des Jsuites ; on a recours au poison.
Les Pres chappent trois fois ces tentatives ; On ose les renouveler jusque dans le sacrifice de la messe.
Au milieu de cette guerre acharne et sous ce climat brlant,
Bertrand, Garnier, Martin et Duranquet se livrent avec une infatigable ferveur aux fatigues de la Mission. Ils ont des courses
de toutes les heures entreprendre pour instruire et fortifier les
Fidles, pour prvenir les dfections et rgnrer ce peuple. Us
doivent marcher sans cesse sous les rayons du soleil comme
travers les roses abondantes de la nuit. Il faut qu'ils soient partout afin que leur action vivifie la charit et donne aux Chr,
tients orphelines assez d'nergie pour rsister l'ennemi cherchant les sduire. Ce voyage, sans autre terme que la mort et
auquel ils se condamnent, les jette en proie toutes les tortures
de la faim, de la soif et de l'insomnie. Ils sont dvors par la
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CHAP. VII.
HISTOIRE
ils sont morts ou ils ont souffert afin de prmunir les catchumnes contre les embches tendues leur Foi. Us se sont aguerris
aux moeurs ainsi qu'au climat du Madur ; la langue tamoule leur
est plus familire. Us commencent donc tendre leurs conqutes
jusque chez les paens. Un Collge s'lve Ngapatam; c'est le
phare de l'ducation brillant sur cette terre inculte, mais que tant
de gnreux trpas ont fconde. Ainsi que l'aptre saint Paul *
crivant Timothe, le Jsuite du Madur peut dire avec tous
les Missionnaires de l'Institut : J'ai bien combattu, j'ai achev
ma course; j'ai gard la foi. Il ne me reste qu' attendre la couronne de justice qui m'est rserve, que le Seigneur comme un
juste juge me rendra en ce grand jour, et non-seulement moi,
mais encore tous ceux qui aiment son avnement.
1
CHAPITRE VII.
Les Jsuites en Belgique depuis 1830.Le Pre Van Lil Provincial. Fondation
de nouveaux tablissements. Mort de Van Lil. Lopold de Belgique el les
Jsuites de Namur. Les Jsuites constitutionnels en Relgique et dmocrates en
Suisse. Leur neutralit dans les affaires d'Elat. La Jeune-Suisse veut les forcer sortir du Valais. Combat du Trient. Les Jsuites demands Lucerne.
Joseph Lcu et les Catholiques. Trois Jsuites en mission dans le canton.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. VII.
HISTOIRE
dehors de ces hommes sans conviction qui pousent tous les partis
pour les souiller par l crime ou pour les avilir par le pillage,
il. y avait au fond du coeur des Belges un profond sentiment de
libert. A peine matres d'eux-mmes, ils demandrent un monarque l'Europe et des Jsuites Rome. Le monarque leur
fut donn, c'tait Lopold de Saxe-Gobourg, qui, peu de mois
auparavant, avait voulu honorer les Bourbons proscrits de France,
en leur offrant pour asile son chteau de Claremont. Lopold
tait n Luthrien, mais il s'engageait respecter, protger
la Religion dominante. Les Catholiques eurent foi en sa parole,
le prince n'y faillit pas.
Vers la fin de 1830, quand la paix commena renatre dans
les esprits, les Jsuites sentirent qu'ils devaient se rendre au
voeu de la Belgique. Le Pre Bruson, accabl d'annes, ne pouvait plus dfricher le champ qui s'offrait aux disciples de l'Institut :
Van Lil le remplaa. Il n'y avait qu' moissonner; la lutte n'tait
plus possible. Van Lil recevait de tous cts des secours et des
encouragements ; le 1er mai 1831, le Collge de Namur est fond.
Quelques jours aprs, le Pre Le Matre rentre dans celui d'Alost.
La Belgique, devenue libre, veut s'attacher plus intimement que
jamais au Saint-Sige. Il faut que les Jsuites servent de ciment
cette union. Un Noviciat est ncessaire, on le cre Nivelles
dans le Brabant. La Compagnie se dveloppait avec tant de scurit ses accroissements promettaient d'tre si rapides, qu'en
,
1832, la Belgique et la Hollande, divises par les intrts dynas-,
tiques, se confondent dans une seule Province de l'Institut dont
le Pre Van Lil est le premier chef. A Anvers, Lige, Tournay, Bruges, Turnhout, Bruxelles , Gand, d'autres Collges s'lvent. Le Collge des Pres franais Brugeletle * devient l'hritier et le continuateur de Saint-Acheul. Les Nonces du
Saint-Sige, Fornari et Pecci, les Evques, la haute magistrature
et les pouvoirs lgislatifs secondent le mouvement imprim par
les Catholiques Belges. Comme partout, on voit les Jsuites MisLe Collge de Brugclcltc, prcsd'Alheu Belgique, fui fond le 29 octobre 1835,
par les soins de M. Dubois-Fournier, de Valcnciennes. 11 avait pour but, comme
ceux deFribourgeldu Passage, de faire revivre les tablissements des Jsuites en
France, tablissements qu'un graud nombre de familles demandaient aux Evques
et la Compagnie. M. Dclplanquc, Evque de Tournai, et M. Labis, son successeur approuvrent celte ide, et bientt le Collge prospra.
1
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HISTOIRE
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HISTOIRE
Ainsi que plusieurs autres cantons, Lucerne avait adopt les
articles de la confrence de Baden et s'tait mis en opposition
avec le Saint-Sige. Le Nonce du Pape transporta sa rsidence
Schwytz, et peu peu la Foi s'affaiblit avec les moeurs. L'ducation publique subit elle-mme cette dcadence. Ce fut dans ce moment que Joseph Leu, riche cultivateur d'Ebersoll, conut la pense de remdier un pareil tat de choses. Leu, c'est le Guillaume
Tell de la Foi catholiquedans les vieux Cantons. Sans instruction
premire, mais avec un sens droit et un amour inn de la justice, cet homme, dans la force de l'ge, se charge de combattre
le Radicalisme par les principes mmes de la libert et de l'galit. Il est aim de l'ouvrier des villes; son nom devient un drapeau dans les campagnes ; il se fait centre du peuple, avec son
ami et son conseiller, le chanoine Melchior Kaufmann ; il use de
cette influence pour inspirer des sentiments de vertu et de religion. Ce fut un missionnaire par l'exemple, un pre de famille
qui prcha le respect d aux lois et la proprit. Son ascendant
sur toutes les classes avait quelque chose de magique ; il voulut le
faire servir l'amlioration de ses concitoyens. Dj, par ses soins,
en 1840, une ptition couverte de onze mille sept cent quatrevingt-treize signatures rclamait auprs du grand Conseil des garanties en faveur de l'ducation del jeunesse. Selon Joseph Leu,
la meilleure de toutes tait de rappeler dans le canton les Pres de
la Compagnie de Jsus. On menaait de dtruire les droits confessionnels des Catholiques ; de nouveaux adversaires, avec l'indiffrence ou l'athisme pour armes, s'apprtaient combattre le
Catholicisme. Les Fidles se souviennent qu'au temps de la rforme de Zwingle et de Luther, les Jsuites ont sauv l'Eglise : ils
les invoquent dans leurs nouveaux besoins. Leu avait dvelopp
cette ide ; afin de la rendre plus populaire, trois Jsuites, Burgstahler, Damberger et Schlosser, vinrent, diffrentes reprises, en
1841,1842 et 1843, vangliser les Lucernois. Les prjugs mis
en avant et les obstacles suscits par le Radicalisme cherchrent
neutraliser ces missions. L'attitude prudente et la doctrine conciliatrice des Jsuites dessillrent les yeux de la multitude. Le
peuple apprit tre meilleur parce qu'il crut. Le 1er mai 1841,
il se donna une Constitution plus en harmonie avec ses croyances,
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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de cause, et son tmoignage ne doit pas tre sans importance: depuis bientt-vingtsept ans que les Jsuites dirigent ses coles suprieures, jamais ces hommes apostoliques, iout dvous a leur importante mission, n'out cherch exercer la moindre
iniluenec sur les affaires politiques.
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CHAP. VII.
HISTOIRE
sont appels, comme professeurs, mettre une opinion sur les
institutions politiques des peuples anciens et modernes, ces dissertations constituent toute la part qu'ils prennent aux affaires
politiques. Leur attribuer en ce genre une participation plus tendue et en dehors de l'enseignement, ce serait, selon nous, s'carter de la vrit.
des Jsuites, de
Que pense-t-on gnralement de l'esprit
mme que de leur influence dans le canton, sous le point de
vue scientifique, religieux, moral et social?
Rponse : Les Jsuites ayant dans le canton de Fribourg,
comme partout ailleurs, des partisans et des adversaires, celte
question serait susceptible d'tre rsolue dans des sens bien diffrents, selon l'opinion politique des personnes appeles y rpondre. Nous croyons nanmoins pouvoir affirmer qu'on ne met
point en doute l'heureuse influence des Jsuites sous le rapport
moral et religieux. Chacun rend hommage leur conduite pieuse,
exemplaire, ainsi qu' leurs efforts pour le maintien des bonnes
moeurs et de la Foi catholique. Si, par la raison qu'on a indique plus haut, leur influence sous le rapport scientifique et
social se trouve diversement apprcie, nous croyons encore
tre les interprtes de la grande majorit de nos concitoyens
en attribuant cette influence des effets aussi bienfaisants qu'utiles.
Les Evques de Sion, de Lausanne et de Coire, tmoins et
surveillants directs de l'action des Jsuites, rendent le mme
tmoignage. Us apprcient en termes pleins d'quit, l'effet moral et scientifique produit par leur enseignement. Ceux de Linz,
de Gratz et de Brixen s'associent aux mmes loges. On a accus les Jsuites d'aspirer dominer les Ordinaires et le Clerg ;
l'Evque de Linz rpond cette objection : Non-seulement ils
se montrent les ministres les plus obissants du Divin Sauveur,
mais encore des modles vivants d'une soumission absolue. Oh!
plt Dieu que tous les prtres fussent aussi faciles gouverner.
Les Lucernois n'avaient consult que les gouvernements et
les prlats dont ils pouvaient esprer quelques avis dpouills
de toute prvention ; ils ne s'taient pas imagins de faire appel
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. VII.
HISTOIRE
coups contre notre premier ennemi; attaquons directement le
Romanisme tout entier.
Dans ce mme mois de janvier, la veille des vnements qui
vont surgir, une autre.feuille protestante, le Fdral^ s'pouvantant de l'imminence de la lutte, essayait de se porter mdiateur
entre les partis, et elle disait : Comme il ne peut plus tre question de principes politiques, pour recommencer en Suisse une
nouvelle rvolution au nom du Radicalisme, on se sert aujourd'hui des Jsuites pour amener un bouleversement dont on se
promet bien de tirer meilleur parti. La haine contre les Jsuites,
quelque vigoureuse qu'elle soit, n peut pas tenir lieu d'amour
pour la patrie ni de dvouement clair ses intrts.
Ainsi qu'en France, la mme poque, le nom des disciples
de saint Ignace n'tait donc qu'un cri de guerre. La calomnie
faisait feu sur eux; le pamphlet, la satire, les indignations de
commande universitaire les mitraillaient de leur incessante artillerie. Le livre d'EUendorf, ple copie des oeuvres de Pascal, de la
Chalotais et de l'apostat Jarrige, circulait partout, distribu par
la malveillance, accept par la curiosit publique. Mais les coups
ports l'Institut devaient frapper plus haut. Les paysans de Lucerne ne se laissrent pas tromper par ces clameurs. Avec tous
les Protestants modrs de Genve et des autres Cantons, ils savaient que les Jsuites n'taient mis en cause que pour affaiblir
le Catholicisme et changer le pacte constituant de l'indpendance
helvtique. Les Lucernois avaient le droit incontest de livrer
l'ducation de leur Sminaire qui leur offrait les garanties les
plus srieuses ; ils demandaient des Jsuites. Le Pape leur conseillait de les introduire dans leur Etat ; au droit acquis, ils surent joindre le pouvoir. On les effrayait des excs du Radicalisme
prparant la guerre civile, et des efforts que Berne tenterait pour
asseoir sa suprmatie. Les Lucernois ne se laissent intimider ni
par les menaces ni par les outrages. Ils n'ignorent pas que, s'ils
reculent une premire fois* c'en est fait de leur nationalit ; ils se
dcident attendre les vnements.
Le Gnral des Jsuites a t longtemps sollicit ; il cde enfin
au dsir du Souverain-Pontife et au voeu des Catholiques de Lucerne. 11 a promis d'autoriser quelques Pres se rendre dans le
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DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. VII.
HISTOIRE
prenant dans les clubs le mtier de la guerre. L rvolution devait clater vers les premiers jours de dcembre 1844 ; elle fut
comprime par l'attitude du peuple. Le Vorort approuvait tacitement ces invasions. Le canton de Vaud proclame le Communisme? Il ne veut plus de Dieu, plus de Catholiques, plus de
Protestants, il met hors de la loi tous ceux qui ont des domestiqus ou des proprits. Sous prtexte d'expulser les Jsuites,
que Lausanne n'a jamais vus dans ses murs, la libert installe un
.
nouveau gouvernement qui, le jour mme, devient le tyran des
consciences et l'arbitre de la vie des citoyens. L, comme partout, l'ide rvolutionnaire procde l'affranchissement par le
despotisme, l'galit par la spoliation.
Dans la nuit du 30 au 31 .mars 1845, les insurgs, qui depuis quelques jours stationnent sur la frontire de Lucerne, pntrent dans le pays. Forts de leur nombre qui, selon leur tmoignage, s'lve onze mille quarante hommes, et comptant
sur leurs affilis rpandus dans l'intrieur, ils avancent. Le Nonce
apostolique, Jrme d'Andra, habitait alors, le chteau de Sonnenberg qu'entouraient les Corps-Francs. C'tait un de ces prtres qui ne reculent jamais devant l'accomplissement d'undevoir.
On essaie de l'intimider pour le forcer prendre la fuite et pour
se servir de sa faihlesse comme d'un moyen de dcouragement.
D'Andra rsiste aux menaces. On l'accuse de Jsuitisme, on
rpand le bruit que le sang va couler par sa faute; sous ces
mensongres inculpations, le Nonce comprend qu'il doit partager les prils des Catholiques, et, reprsentant du Saint-Sige, il
se montra digne de la confiance de Grgoire XVI et de l'estime
des honntes gens.
Le territoire de Lucerne est viol. Lucerne convoque les petits
cantons. Les Confdrs catholiques taient sous les armes ; ils
s'branlent,-ils marchent au secours de leurs frres. Le gnral
de Sonnenberg prend le commandement de cette petite arme,
qui se dvoue la mort pour sauver l'indpendance helvtique.
Les enfants d'Unterwald se trouvent les premiers en vue de l'ennemi. Us constatent leur infriorit numrique, ils attaquent cependant.
Le signal tait donn ; les carabiniers de Lucerne et d'Uri sui-
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. VII.
HISTOIRE
pouvait les attaquer dans leur bravoure, on les outragea dans
leur mansutude. On les reprsenta guids par les Jsuites et
foulant aux pieds avec eux les cadavres des vaincus. Or, dans ces
jours de sanglante et de glorieuse mmoire, il ne se trouvait sur
le canton de Lucerne aucun disciple de l'Institut.
Quelques mois aprs seulement, le 26 juin les Pres Joseph
,
Burgstahler
Simmen et Antoine
arrivrent dans cette ville.
Us y donnrent des conseils de modration et de salut. Ces
conseils ne calmrent point l'irritation des Radicaux. Les CorpsFrancs avaient espr que la mission de M. Rossi leur serait profitable et que le Cabinet des Tuileries interposerait sa mdiation
pour leur donner une victoire diplomatique aprs un chec militaire. L'ambassade franaise essaya en effet de faire comprendre
au Saint-Sige et au Gnral des Jsuites qu'il fallait renoncer
Lucerne. Ses insinuations furent ddaignes, car elles taient en
opposition-avecla volont et les droits des Cantons. Les CorpsFrancs se virent donc rduits aux encouragements honteux et
l'estime de M. Thiers.
Joseph Leu s'tait montr le plus fervent promoteur de la Compngnie de Jsus. Tous les habitants je la Suisse, fidles l'unit,
le saluaient avec vnration pour leur chef, et ce fut sur lui que
le parti vaincu dirigea ses coups. Leu avait puissamment contribu
la dfaite. Ce parti qui vit d'intimidation ou d'gorgement rsolut sa mort. Le 20 juillet, Leu est assassin dans son lit ct
de sa femme et tout prs du berceau de son enfant. Leu expiait
le crime impardonnable d'aimer le Saint-Sige et les Jsuites ;
il mourait parce que sa popularit touffait les esprances rvolutionnaires. On condamna le juste un dshonorant, un
impossible suicide *. L'ide de ce crime soulevait des objections
irrfutables; le Radicalisme crut rpondre tout en annonant
que les Jsuites avaient tu le champion de la Foi et de l'indpendance ou que,pour exasprer les masses, ils l'avaient dcid
se laisser assassiner.
Ce ne fut que le 15 octobre 1845 que les sept Jsuites demands par le canton de Lucerne commencrent les cours de thoi L'assassin de Leu, Jacques Millier, accabl par l'vidence, confessa son crime.
Condamn mort, il la reut de la main du bourreau, le 31 janvier 1 S-'iG.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. VI.
HISTOIRE
ainsi dire, dans leur patrie, ne tardrent pas comprendre que
le pouvoir n'avait aucun intrt les perscuter. Les proccupations politiques leur accordaient tin peu de tranquillit ; ils en
usrent pour se mettre la disposition des Evques et pour enseigner la vertu du haut des tribunes vangliques. Us vcurent
dans une atmosphre d'meutes, au milieu de l'agitation fbrile
des partis, et se tenant l'cart de tous les excs, ils ne demandrent rien, ils n'offrirent rien au nouveau rgne. Etrangers aux
vnements qui se droulaient, ils devaient plus que jamais ne
manifester aucune esprance, ne s'associer aucun complot.
Leur action en dehors des intrts humains n'avait rien dmler avec les passions. Il ne leur appartenait ni de soutenir,
ni d'branler le trne ; les partis ne songrent que plus tard
faire un crime aux Jsuites de cette neutralit.
Leur nom tait oubli; il n'entrait mme plus dans la polmique ; mais lrsqu'en 1832, le cholra et la guerre civile envahirent la France, les disciples de l'Institut ne purent se rsoudre rester dans l'obscurit. La capitale et les provinces
taient sous le coup d'un double flau ; comme l'archevque de
Paris, les Jsuites sortent de leur retraite. La mort plane sur le
royaume ; les perscutions endures ne les rendent que plus ardents soulager le malheur. Il y a pour eux mille risques courir, ils les affrontent tous, afin de mettre la pit du prtre entre
la colre de Dieu et les dsespoirs de l'homme. Dans ces jours
de deuil, les proscrits reconquirent leur titre de citoyens sur la
brche de la charit chrtienne. La France ne reconnaissait plus
de Jsuites ; elle apprit bnir le nom de ces Religieux alors
ignors, qui, les mains pleines de bienfaits, venaient sur les pas
du Pre Loriquet au secours de l'indigence et qui, Paris comme
au fond des provinces, foraient les magistrats consacrer cet
hrosme anonyme '. Saint-Acheul s'tait transform en hpital
Le Pre Barlhs avait t envoy par l'Evque d'Amiens dans la paroisse de
Moislains pour assister pendant l'pidmie le Cur,vieillard infirme el octognaire.
Selon le rapport du secrtaire du conseil de salubrit de la ville de Pronue,
M. Barlhs, pendant loule 11 dure de la maladie, n'a pas cess de prodiguer aux
pauvres cholriques, eu mme temps que le secours de la Religion , les soins de
l'infirmier le plus intelligent et le plus empress, administrant lui-mme ces malheureux les remdes qui leur taient prescrits, les changeant de linge et ne craignant pas de descendre quelquefois pour eux jusqu'aux services les plus vils el les
plus repoussants. Celle charit trouva une rcompense publique, elle 16 sep1
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CliAP. VU.
.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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qualits que le duc de Bordeaux annonait. Le Gnral de la Compagnie de Jsus accomplissait un devoir ; il laissa au jugement des
hommes le soin de mal interprter sa pense. Pour la bien faire
saisir aux Pres Dplace et Druilhet, il voulut leur tracer la marche qu'ils auraient suivre, et le jour de Pques 1833, il leur
adressa cette lettre :
Nous ne devons pas nous le dissimuler ; la gravit et les
prils de l'emploi auquel on vous appelle surpassent infiniment
son clat. Si la Compagnie, dj trop instruite par l'exprience,
est force de penser que les charges de cette nature ne doivent
jamais tre ambitionnes par ses enfants, ni reues par eux avec
joie, elle ne peut, plus forte raison dans les temps mauvais, ne
pas se croire oblige de s'y soustraire de tout son pouvoir et de
les fuir avec une sorte de terreur. Comment russira cette importante affaire? Dieu, le bien public, la Socit, le sentiment
des hommes sages et de nos ennemis, tout, en un mot, nous fait
concevoir bon droit des craintes ou du moins doit nous inspirer
une grande et trs-juste inquitude.
puisqu'il nous a t impossible de refuser ce qu'on sol Mais
licitait de nous avec tant d'instances et que vous avez t choisis
pour exercer cet emploi, je vous recommanderai certains points
que vous aurez observer. Je remplis ainsi un devoir de ma
charge, car j'ai dans le Seigneur une telle confiance en votre prudence religieuse que je ne doute pas que, sans aucune recommandation de ma part, vous eussiez fait de vous-mmes, pour la
plus grande gloire de Dieu, tout ce que je vais dire et peut-tre
plus encore.
qui vous regarde vous-mmes et votre manire
1 Pour ce
de vivre. Prenez pour modles les exemples de ceux de nos Pres
qui, appels autrefois dans les palais des princes, y vcurent si
bien, selon l'esprit de leur rgle, que plusieurs d'entre eux mritrent le nom de bons anges de la Cour. Uniquement appliqus
aux devoirs de leur vocation, ils ne respiraient rien de cet air
corrompu, dont les cours les meilleures et les plus pieuses sont,
blas! si rarement exemptes. Au milieu de l'c!at qui les environnait, ils conservaient autant qu'il leur tait permis une vie
cache en Dieu et trs-loigne des tumultes du monde. Us va-
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CHAP. VII.
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quaient chaque jour des heures rgles et selon nos usages auxexercices de la vie monastique. Si les occupations et les travaux
de leur emploi leur laissaient quelques moments de loisir," ils en
profitaient avec joie", en Religieux toujours fidles pour distri,
buer les secours de leur ministre aux mes chrtiennes, surtout
aux pauvres et aux infirmes. Vivant ainsi pour Dieu, pour euxmmes et pour leurs devoirs, ils conservaient au milieu des Cours
l'esprit religieux, et jusqu' la libert qui, d'ailleurs, leur tait si
ncessaire. Us acquraient en notre Seigneur, eux-mmes et
la Compagnie, une nouvelle estime de la part de ceux des courtisans qui auraient dsir d'abord voir les Pres en user plus familirement avec eux et se mler plus souvent la conversation.
Ce qui est le principal, leur vie modeste, recueillie, solitaire, entirement unie Dieu et uniquement attache leur emploi, faisait descendre les bndictions du Ciel sur leurs importantes
fonctions.
Pour nous, c'est en Dieu et en Dieu seul que nous mettons
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HISTOIRE
cernent, possible, afin qu'il ne les oublie jamais les enseigne,
ments que le Psaume second nous donne (V. 10-etsuiv.). S'il
est quelque espoir de salut pour un prince et pour un Etat, il est
tout entier dans la pratique de ces divines rgles, et sans elles
les plus belles esprances ne sont rien. L'histoire, et surtout
l'Histoire sainte aux Livres des rois, met sous les yeux ce que
doivent esprer les princes, ce qu'ils ont craindre; elle jette
de vives lumires sur les tristes vnements dont nous sommes
les tmoins.
Quant aux exercices de pit, il ne faut en imposer un
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CilAP. VII.
HISTOIRE
dehors ou du dedans, fomentes par la duchesse de Guiche,leur
restaient indiffrentes; il n'en pouvait tre ainsi du vieux roi.
Les fautes passes l'avaient rendu moins confiant en sa propre
force; il,redoutait tout ce qui avait l'apparence de contrarier ses
partisans. On l'accusait d'avoir perdu la monarchie, on lui disait
que son triomphe tait assur si. rien ne drangeait les plans
concerts. Quoique Charles X n'ajoutt que trs-peu de foi
ces dcevantes promesses, il se croyait oblig,-par affection dynastique,, de laisser faire les entrepreneurs de restauration.
Pour tous ces hommes qui accouraient de Paris les mains pleines de projets et ambassadeurs des divers comits, la famille
royale devait tre tenue en tutelle, puisqu'elle n'obissait pas
leur imprieuse prire. Les Jsuites n'taient bons qu' dpopulariser le duc de Bordeaux, ou lui inspirer des ides rtrogrades.
Nanmoins, ces derniers se mirent l'oeuvre; ils travaillaient sur
une heureuse nature ; en quelques semaines ils purent constater
'
ses progrs1..
.
Tandis que ces deux Pres dveloppaient cette prcoce maturit, se formant l'cole du malheur, l'orage s'amoncelait sur
leur tte. Parti de tant de points la fois, de la Quotidienne
et du Journal des Dbats, du National et de la Gazette, il
ne laissait aucune chance d'oprer le bien. Quand les Jsuites
s'taient prsents au roi, Etienne Dplace lui avait dit : Sire,
nous sommes venus parce que vous l'avez voulu, nous nous en
irons quand vous le voudrez. Charles X ne souhaitaitpoint leur
dpart ; mais les enfants de saint Ignace comprenaient qu'il aurait
la main force; ils s'taient d'avance rsigns cette disgrce.
L'intrigue les pressait de toutes parts; peine taient-ils appels qu'on cherchait les congdier. Peut-tre et-il t plus
,
sage de ne faire ni l'un ni l'autre. On les avait arrachs leurs
travaux,, et ils se voyaient un embarras diplomatique, un sujet de
trouble autour des exils, une cause involontaire de perscution
Une lettre du Pre Druilhet, date de Toeplitz, 8 juillet 1833, contient, sur les
-ludes et le' caractre du duc de Bordeaux des aperus el des prdictions qui se
,
sont tous raliss. Ou y lit : Ds ce moment. la confiance s'tablit entre le matre
el l'lve. Val des dfauts, lui dil le jeune Prince, mais je les connais et je dsire sincrement m'en corriger. Monseiguour, il est deux moyens infaillibles.
Oh! quels sont-ils? Rflchir et se vaincre. Ces mots frapprent tellement
1
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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pour la Socit de Jsus. L'obissance due au Gnral et la touchante confiance de l'orphelin royal les soutinrent dans cette
preuve. Le baron de Damas lutta avec eux, il se retira avec eux.
L'Evque d'Hermopolis ft dsign pour les remplacer avec le
mathmaticien Cauchy. Aprs avoir vu couler les larmes du duc
de, Bordeaux et avoir recueilli les regrets de la famille, les deux
Pres abandonnrentPrague, le 3 novembre 1833. Us n'y avaient
sjourn que quatre mois et demi ; mais, dans ce court espace de
temps, il leur fut donn de faire prendre une nouvelle direction
aux tudes et au caractre de leur lve, ils purent donc, en lui
disant adieu, bnir le Seigneur.
Cette vocation inattendue des disciples de Loyola cet appel
,
d'une famille proscrite de France pouvait inquiter la dynastie
d'Orlans, et raviver parmi les Rvolutionnaires la haine contre les
Jsuites. Le roi Louis-Philippe et ses ministres apprcirent sainement alors la vritable position de l'Ordre de Jsus. M. Thiers
lui-mme, qui eut a ce sujet des confrences avec le Provincial,
ne s'alarma ni pour le prsent ni pour l'avenir d'une conduite
toute naturelle, et d'une dfrence que les victimes des ordonnances du 16 juin 1828 tmoignaient au Monarque signataire de
ces mmes ordonnances.
Le jour o Dplace et Druilhet se mirent en route pour remplir le voeu de Charles X, la Compagnie perdait une de ses gloires.
Le Pre Nicolas de Mac-Carthy expirait Annecy le 3 mai. N
Dublin en 1769, dans une de ces antiques familles irlandaises qui
ont tout sacrifi leur Foi, Nicolas de Mac-Carthy s'tait, ds son
enfance, destin au Sacerdoce. La Rvolution suspendit sa vocation, sans interrompre ses tudes et ses bonnes oeuvres. Quand la
paix fut accorde l'Eglise, Mac-Carthy se voua au service des
autels. Dans le inonde, il avait.su comme Tacite le dit d'Agri,
cola, se faire excuser ou louer par la franchise de sa pit ; dans
le sacerdoce, il leva ses vertus jusqu'au sublime de la bont.
La perfection tait un besoin de cette me privilgie ; il la chercha dans la Compagnie de Jsus. Il fut tout la fois le Bourdaloue
et le Massillon de son temps ; il rgna par la parole, selon
l'expression d'un des plus clbres prdicateurs de l'poque. Il
fut cout, parce qu'il tait convaincu ; et, lorsque le trpas vint
352
CHAP. VII.
HISTOIRE
le saisir, l'Evque d'Annecy voulut assister le Jsuite ses derniers moments, afin d'apprendre de lui les joies chrtiennes de la
mort 1.
A quelques annes d'intervalle, le 2 mai 1837, la Compagnie
voyait une pareille unanimit de regrets suivre au tombeau un autre de ses Pres. Un enfant du peuple, Nicolas-Marie Potot, n
Metz, le 22 juillet 1771, attirait autour de son cercueil les mmes
respects que le descendant des Mac-Carthy. La vie de Potot avait
t aussi agite que l'poque dans laquelle il avait vcu. Licenci
en droit, avocat dix-sept ans au Parlement de Metz , soldat de
la Rpublique franaise, chef de bataillon sous l'Empire, il avait
au barreau comme sur les champs de bataille dploy autant de
science que de bravoure. C'tait un de ces hommes que les rvolutions seules peuvent produire. Ses blessures le mettaient dans
l'impossibilit de parcourir plus longtemps la carrire des armes.
A ce coeur, pour qui le repos tait un tourment, il fallait une activit incessante. La gloire militaire lui tait interdite; il chercha
dans la Religion un nouvel aliment. En 1818, il est ordonn
prtre; aussitt il se jette dans les oeuvres de la charit avec cette
ardeur qui l'emportait dans les combats. Il devient le missionnaire
du Pays-Messin, le pre des pauvres, le consolateur de toutes les
souffrances. Au milieu de ces dvouements, Potot qui, malgr
ses soixante-deux ans, garde en son me toute l'nergie de la
jeunesse, aspire entrer dans la Compagnie de Jsus. Il y est
Le Prlat crivait le lendemain, h mai 1833 : Sa belle me n'a pas eu d'absence jusqu'au dernier moment :'la Foi, la confiance et l'amour s'en taient tellement empares , qu'il n'a jamais plus dit un seul mol qui ne ft un clair cleste qui
sortait de ses entrailles comme d'un sancluaire de pit ! Ah ! Monsieur, si le Pre
de Mac-Carthy tail si grand en-chaire par sa sublime loquence il uous a paru
,
tous un vrai gaut sur son lit de douleur. Jamais sermon si touchant,
ni paroles
aussi brlantes que celles que nous avons entendues, pendant plusieurs jours, de
celte bouche mourante. Ses confrres les Jsuites l'onl constamment assist. Mes
bons prtres, mes pieux sminaristes ne l'ont quitl ni le jour ni la nuit : tous ont
ambitionn de recevoir sa bndiction et lous l'ont reue avec, une religieuse re,
connaissance. Jaloux de conserver ce prcieux
dpt, le chapitre de ma cathdrale
m'a demand de le placer dans celle glise, o saint Franois de Sales avait si
longtemps jadis exerc son ministre. Je n'ai pas cru devoir refuser cet honneur et
celle faveur un Clerg qiii y attachait un si haut prix ; el, malgr les dsirs et la
modestie du vnrable dfunt, qui aurait voulu reposer Chambry, au milieu de
ses frres, uous le conserverons dans la cathdrale d'Annecy, el dans quelques
heures mon chapitre el mes autres prtres viendront enlever d'auprs de moi cet
ancien ami pour le porter dans celle glise antique qui tressaillera en recevant un
tel dpt.
1
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
'353
354
.
retraites spirituelles.
Avec le gouvernement de juillet, il n'tait plus possible d'arriver aux honneurs et la fortune par une pit menteuse. L'Eglise ne devenait plus le pidestal des ambitions impatientes. La
tartuferie politique succdait l'hypocrisie religieuse; la eon^
viction seule pouvait, et non sans peine, faire excuser la pratique
des devoirs. En prsence de cet tat de choses, les Jsuites crurent que le principe chrtien devait reconqurir son ancienne
splendeur; ils se dvourent ce travail de recomposition. Les
Evoques les soutinrent, ils les patronrent, et la voix des disciples de saint Ignace retentit sur tous les points de la France. Ils
avaient embrass un rude apostolat. Ils annonaient les vrits
ternelles dans les cathdrales des grandes cits comme au fond
de la plus modeste glise de village ; ils vanglisaieutles riches
et les savants de la terre en mme temps qu'Us distribuaient aux
petits enfants le pain de la parole divine. Cette multiplicit d'oeuvres saintes ne ralisait pas encore l'espoir qu'ils s'taient propos. Il fallait, pour faire porter des fruits de salut aux nouvelles
gnrations, entretenir le feu sacr dans le coeur du Prtre, lui
inspirer l'amour des devoirs sacerdotaux, le conduire par le recueillement une perfection plus entire et ranimer les ardeurs
de la charit que i'isolement affaiblissait quelquefois.
L'usage des retraites ecclsiastiques n'tait pas trs-rpandu ;
}a, disette d'orateurs pariant avec l'autorit de la vertu et de la
science se faisait vivement sentir dans le Clerg, absorb par les
soins pastoraux, U importait de crer une ppinire de prdicateurs qui expliqueraient chaque anne aux Ecclsiastiques
administrant les paroisses les obligations du sacerdoce. Les
Jsuites se consacrrent cette glorieuse mission. Le, Clerg
accepta avec reconnaissance des paroles qui le fortifiaient dans
i'acomplissement de ses voeux. Les Jsuites furent ses guides
dans l'oraison, ses frres dans la charit, ses vicaires dans la
direction des glises. Un sentiment d'mulation les runit dans
la mme pense., et les Evques, heureux de cette fconde fra-
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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ternit, ne tardrent pas s'y associer. Les Pres de la Compagnie devinrent les orateurs de la plupart des retraites pastorales ;
en 1844 ils en donnrent soixante, et ils ne purent bientt plus
suffire aux demandes de l'Episcopat et du Clerg.
Pendant ce temps, d'autres enfants de l'Institut apparurent
dans les chaires de la capitale et des villes le plus importantes.
Us apprirent aux Catholiques bnir le nom de la Compagnie.
On avait ferm l'Ordre de Jsus la carrire de l'enseignement; il lui tait interdit de rpondre la confiance des familles
et de jouir d'un droit proclam par la Charte de 1830. Les Jsuites ne peuvent former des savants, ils travaillent faire des
Chrtiens. Les succs qu'ils obtenaient ne tardrent pas veiller
l'attention des dbris del philosophie du dix-huitim sicle.
11 y avait des vtrans rvolutionnaires qui prenaient
au srieux
les exagrations de la presse librale, et qui, en voyant un prtre
dans un disciple de Loyola, ne demandaient pas mieux que de le
censurer ou de le fltrir par la seule raison qu'il tait catholique.
A ct de ces hommes n'ayant jamais eu que la brutale audace
de la proscription, il surgissait une autre cole qui, traduisant
en apophthegmes clectiques les principes de 1793, enveloppait
ses jalousies de nuages transparents et les soufflait au coeur de
la jeunesse avec une ferveur corruptrice. Cette cole, dont les passions studieuses n faisaient qu'irriter la soif de l'or, des plaisirs
et des honneurs, envahissait toutes les avenues du pouvoir. Elle
avait pris bail la rgnration de l'humanit, et, sous ses prceptes dltres, l'humanit tombait en dissolution comme un
corps gangren.
Ces deux systmes, sans procder par les mmes moyens, tendaient au mme but. Afin d'y arriver plus srement, ils avaient
essay de s'immobiliser dans l'Universit de France. La plupart
des professeurs que l'Etat donnait la jeunesse supportaient
avec douleur le joug auquel ils se sentaient attachs. Us rougissaient de honte en cherchant comprendre les thories d'impit
ou d'indiffrence religieuse qu'on leur inculquait, et plus d'une
fois on avait entendu quelques Universitaires dmasquer courageusement de pareilles manoeuvres. Mais, dissmins dans les
villes de provinces ou sans influence dans Paris, ils n'avaient pas,
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CHAI'. VII.
HISTOIRE
comme les antagonismes du Catholicisme, un centre d'action,
un lien commun, une franc-maonnerie philosophique. De mme
qu'aux meilleurs jours de la Restauration, l'Universit se voyait
dborde. Elle tait sous la frule d'un petit nombre d'austres
intrigants. Malgr M. Guizot et malgr M. de Salvandy, la minorit savait dominer par la crainte ce peuple d'instituteurs. Dj,
le 22 aot 1823, l'abb de La Mennais, s'adressant l'Evque
d'Hermopolis, alors grand-matre, dnonait les audacieux abus
introduits dans les collges.
Une race impie, dprave, rvolutionnaire, crivait l'auteur
de l'Essai sur l'Indiffrence, se forme sous l'influence de l'Universit, Dj dans ses penses aveugles et dans.ses esprances
sinistres, cette jeunesse turbulente mdite des bouleversements ;
elle sait que le monde lui appartiendra, et le monde, dans un
temps peu loign, apprendra, si rien ne change, ce que c'est
que d'tre livr des hommes qui ds leur enfance ont vcu
sans loi, sans religion, sans Dieu.
Une sorte de rgularit extrieure, des actes de.culte exigs
par les rglements, trompent encore, ,sur l'tat des coles, quelques personnes confiantes qui ignorent que ces actes drisoires
ne sont le plus souvent qu'une profanation de plus. Mais ce qui
pourrait paratre incroyable, et n'est cependant que trop certain,,
c'est que, malgr des apparences commandes, on parvient quelquefois ter aux lves jusqu' la possibilit de remplir leurs
devoirs religieux. Ainsi, le chef d'un collge avait rgl le nombre
d'enfants que l'aumnier devait confesser en une heure; un d'eux
ayant dpass le temps fix, et voulant achever sa confession,
fut enlev de force.du confessionnal par un des matres d'tude.
Monseigneur, je lis dans l'Evangile que, les disciples de
Jsus-Christ, loignant de lui les petits enfants qu'on lui prsentait, il fut mu d'indignation et leur dit : Laissez les petits
enfants venir moi,, et ne les empchez pas d'approcher; car
c'est ceux-l qu'est le royaume de Dieu.
Ne pouvons-nous pas adresser l'Universit les mmes pa
roles? ne pouvons-nous pas lui dire : Laissez les petits enfants
qui vous sont confis venir Dieu, Jsus-Christ, et ne les empchez pas d'approcher : ne leur fermez point la voie du salut :
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
357
ne souffrez pas que l'on corrompe par des leons d'impit et des
exemples de libertinage la puret de leur foi et l'innocence de
leurs moeurs. Un compte terrible Vous sera demand de ces jeunes mes que Dieu appelle son royaume : malheur qui les
dpouille de ce cleste hritage, ou qui permet qu'on le leur ravisse ! Trop longtemps on les a spars de leur pre ; laissez-les
revenir lui : que vos coles cessent enfin d'tre les sminaires
de l'athisme et le vestibule de l'enfer.
Ces loquentes colres, autorises par la polmique, mais
auxquelles l'impartialit de l'histoire ne peut pas souscrire sans
examen, taient un cri d'alarme qui retentit dans toutes les familles. La Mennais le jetait au nom de la Religion et de la patrie; jusqu'en 1840, les Jsuites se contentrent de gmir en
secret sur des maux dont il ne leur tait pas permis de tarir la
source. Leur action sur les masses et la confiance du Clerg furent pour les tyrans de l'Universit un perptuel sujet d'inquitudes. Une croisade contre le Clerg fut rsolue. La dnomination de Jsuite avait encore dans quelques souvenirs un prestige
de terreur; on l'exhuma peu peu.
Le premier symptme de cette conspiration se manifesta chez
M. Cousin. M. Cousin avait pouss sa philosophie aux grandeurs.
Il la faisait riche, puisqu'il ne parvenait pas la rendre intelligible. Brillant rhteur, crivain imptueux, il avait, comme tous
les sophistes, l'amour de la domination et du paradoxe. Plac
la tte de l'instruction publique, il voulut y signaler son passage
par une innovation dcelant ses tendances. Il ne trouva rien de
mieux que de glisser au programme officiel pour le baccalaurat
s^leltres les deux premires Provinciales de Pascal. Imposer
la jeunesse un livre condamn par l'Eglise, c'tait un dfi au
Clerg, la famille, l'Etat lui-mme. M. Cousin s'avouait cela ;
mais l'Universit voyait son monopole sap par toutes les intelligences et par toutes les probits. La libert d'enseignement ne
devait pas tre comprime plus longtemps pour le triomphe de
l'clectisme ; il importait d'en finir avec cette promesse qui ne se
ralisait jamais. En habiles tacticiens, les Universitaires se firent
de la Compagnie de Jsus un rempart. On songeait manciper
la famille : tout aussitt ils voquent le fantme du Jsuitisme.
358
CHAP. VII.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE D JSUS.
359
1845.
360.
CHAI'. VU.
HISTOIRE
Voltaire vint en effet ; l'impudique insulteur de Jeanne d'Arc
eut son ovation au sein de l'Acadmie franaise.
Cette meute d'Universitaires, qu'aucune raction, qu'aucune attaque n'avaient provoque et qui s'lanait dans la rue
pour maintenir le Monopole dont la libert s'apprtait faire
justice, tira l'piscopat de sa rserve habituelle. Les Evques vivaient dans leurs diocses, loin de la cour, et, concentrs dans
leurs sollicitudes pastorales, ils ne s'occupaient qu' dvelopper
le germe chrtien. Selon une parole de M. Guizot : La majorit,
la grande majorit du Clerg ne songeait qu' accomplir sa tche
religieuse et morale; elle ne demandait pas mieux que de s'y
dvouer en s'y renfermant. Mais cette abngation ne faisait
pas le compte des turbulences et des vanits de rhteur. Il fallait
engager quelques prlats dans la querelle, afin d'acqurir le droit
de les confondre tous sous la mme accusation de connivence
avec les Jsuites. L'Universit, par son petit troupeau d'enfants
perdus de l'clectisme, avait jet dans ses chaires ou dans ses
ouvrages, de dsolantes doctrines.
Tout y tait Dieu, except Dieu lui-mme; tout, dans leur
thorie, devait tre vrai, except la vrit. Les adeptes les plus
fervents de cette nuageuse philosophie, qui cre l'obscurit afin
d'introniser le scepticisme, envahissait les Facults du royaume.
On les plaait Paris, Lyon, Toulouse, Strasbourg,
Bordeaux, comme des jalons. Leur enseignement tait contraire
aux intrts de la Foi, de la Famille et de l'Etat; l'Etat les laissait agir; les Archevques de Toulouse et de Lyon, les Evques
de Chartres et.de Belley furent les premiers prendre en main
la dfense des principes sociaux. A part leur devoir de pasteurs
des mes, ils avaient, comme citoyens, un droit incontestable
examiner, juger des systmes qui se produisaient par la voie
du professorat ou de la publicit. Dans un temps o l'on discute
les rois et les Pontifes, o les bases de l'autorit religieuse et
civile sont mises en question comme des problmes, l'Universit
prtendait accaparer le privilge de tout nier, de tout dtruire
et celui plus exorbitant de condamner au mutisme les hommes
qui refusaient de porter son joug. Elle tait l'agresseur, et, au
premier mot de rponse, elle criait la perscution.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
361
On devenait intolrant par cela seulement que l'on ne consentait pas laisser quelques pdagogues rpandre en paix leurs
semences de doute. Avec les pres de famille, les Evques rclamaient la libert d'enseignement; on les peint comme des
despotes tendant asservir la pense humaine. Us trouvaient un
362
CIIAP. VII.
HISTOIRE
fait de la diffrence des cultes, de justes gards envers les Pontifes de l'Eglise catholique. Religieux par instinct et par raison,
ne cherchant pas la clbrit , comme M.' Thiers, sur chaque
borne de la rue, il rpugnait l'ide de mler son nom aux excs
que le scepticisme moqueur de son rival allait inspirer. M. Guizot,
aimant le pouvoir pour le pouvoir lui-mme, le prenait au srieux ; M. Thiers n'y voyait qu'un moyen et jamais un but. L'un
dsaprouvait cette croisade sans motifs qui ne devait aboutir qu'
des rsultats sans porte; l'autre s'y jetait, pouss par son insatiable besoin de mouvement.
Quand l'Universit eut pass la revue de ses forces et calcul
le nombre de ses auxiliaires, elle attaqua 'visire dcouverte.
Le 15 avril 1842, deux supplants de l'Ecole Normale se prsentent aux Collges royaux de Charlemagne et de Henri IV.
Dans l'espoir d'imprgner les lves de leurs passions, ils donnent pour sujet de discours franais : Arnauld accusant les Jsuites et dfendant l'Universit. Le zle avait emport trop
loin ces jeunes rhteurs; le grand-matre, M. Villemain, leur
recommanda plus de circonspection. Mais, pour leur fournir un
riiodle d'agression parlementaire, on l'entendit, le 30 juin 1842,
attaquer la Compagnie de Jsus : Quel souvenir plus instructif
aujourd'hui mme, disait-il l'Acadmie franaise, et quelle
polmique plus intelligible pour notre temps que la rsistance
de tant d'hommes clairs et vertueux dont Pascal tait l'me
,
et la voix, et leurs combats passionns contre cette Socit remuante et imprieuse que l'esprit du gouvernement et l'esprit
de libert repoussent galement ! Ainsi, d'aprs le ministre de
l'instruction publique, l'esprit de libert procdait par l'intolrance aux yeux de l'autorit, il n'acqurait droit de vie qu'en
repoussant une classe de citoyens. Ces singulires thories trouvaient de l'cho. On y applaudissait avec fureur; l presse les
commentait chaque jour avec des frayeurs incomprhensibles.
Le pouvoir jetait le cri d'alarme ; toutes les nuances de l'opposition anticatholique prirent ce cri au srieux. M. Dupin, devant
l'vocation des Jsuites, plit sur son sige de Procureur-gnral la Cour de cassation : M. Mignet essaya ses forces 1 contre
1
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
363
Il est hors de doule que les Jsuites ont rendu de trs-grands services Tordre
de choses actuel. Ce sont eux qui ont plaid sa cause Rome ; ce sont eux encore
qui, par leur action, ont ralli une partie du Clerg au nouveau gouvernement.
Partout enfin o leur influence a pu s'exercer, elle a t favorable la dynastie
de 1830. Ils ont blm de la manire la plus formelle l'opposition qu'on faisait son
gouvernement. Ils ont continuellement reprsent l'avnement d'un rgime nouveau comme un effet de la volont de la Providence qu'il fallait respecter, et leur
tendance a toujours t d'loigner les esprits des luttes de la politique pour les occuper uniquement de la Religion.; si bien que les Royalistes qui ont subi leur direction se sont ou rattachs la royaut de juillet, ou du moins dtachs de leurs
opinions, au point de ne plus les regarder que comme un souvenir qui ne devait
devenir pour eux le principe d'aucune action politique.
Et plus loin la Gazette ajoute :
,
Les
services
que les. Jsuites rendaient avaient quelque chose d'intime et de
364
IHSTOIltE
Tous ces rves de cerveaux malades, tous ces dangers factices
auxquels chaque parti s'efforait d'arracher la France, proccupaient fort peu l'attention publique. Le peuple refusait de se
laisser prendre au pige de 1828. On rsolut de faire violence
cette attitude par une meute de toutes les capacits philosophiques et lgislatives.
Dans les premiers mois de l'anne 1843, un livre parut sous
le titre : Le Monopole universitaire, destructeur de la Religion et des lois. Ce livre tait sign par l'abb Des Garets, Chanoine de la Mtropole de Lyon. Jamais peut-tre plus
rude coup n'avait t port l'Eclectisme. C'tait un acte formidable d'accusation, un rquisitoire accompagn de toutes les
pices probantes. Au premier coup d'un pareil canon d'alarme,
retentissant aux oreilles de l'piscopat, des familles et de l'Europe entire, l'Universit, mise sur la sellette, se jugea blesse
mort. Cet ouvrage la saisissait dans ses oeuvres vives, et il en
talait les plaies. N d'une pense catholique, il semblait avoir
l inspir par ces paroles de M. Dubois, membre du Conseil de
l'instruction publique et directeur de l'Ecole Normale * : Rien
de stable, rien de grand ne peut se tenter, disons plus, rien de
moral, car aucune conviction libre ne peut vivre dans un corps
comme celui de l'Universit, sans cesse expose dmentir le
lendemain ce qu'elle professait la veille. II y a longtemps que,
pour la premire fois et les premiers, avec suite, mthode et
fidlit, nous avons rclam contre le monopole, destructeur de
toute croyance et de toute instruction.
Le Monopole, dont, comme on le voit, un des chefs de l'Universit, a lui-mme fourni le titre, dveloppait cette terrible
CHAP. VU.
fut en apparence ; il n'allait a rien moins en elfel qu' rendre les Jsuites odieux
aux lgilimisleset aux rvolutionnaires de toutes les nuances. K dnonait l'E.urupe. les enfants de Loyola comme les points d'appui d'un gouvefuemenl personnel,
comme les auxiliaires secrets du roi Louis-l'hilippe. Celait presque conseiller a CQ
prince de les perscuter pour prouver qu'il n'avait avec eux aucune alliance secrte.
Il n'e-i pas possible que de pareils calculs soient entrs dans le coeur d'crivains re-.
ligieux; uoi-s ne nous y arrtons que pour indiquer quelle fut celle poque la
pnible situation de la Socit de Jsus. Elle s';uil lenuo il l'cart de loule affection,
de toute hostilit politique. Elle se coulcnlait de prcher le bon ordre , la paix, cl
de faire surnager rintrel de la Uiiigion au milieu do lou.tes les convulsions des
partis. On prit lexlc de celte prudence sacerdotale pour lui imputer des actes donl
l'impossibilit lail vidente, mais doul le soupon seul pouvait lui coter fort cher,
' Globe du 5juillet 1828.
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
365
accusation porte par le National en septembre 1842 : L'ducation que donne 1'Universil, disait la feuille rpublicaine, est
impie, immorale, incohrente. Nous renonons tracer ici le
sombre tableau qui est malheureusement sous nos regards ; mais
que nos lecteurs songent un instant ce que le rgime o nous
vivons a fait d'une grande partie de. la jeunesse franaise, et ils
pourront trop aisment suppler ce que nous taisons.
L'ducation premire, dont l'Universit est responsable, a
366
soutenir
de
force
n'est
tant
enseignant
pas
corps
fois, a M. Thiers ne se connaissait pas encore lui-mme ; il ne
connaissait pas surtout l'Universit. Elle tait impuissante parer les coups d'un jouteur ne marchant au combat qu'appuy sur
les blasphmes, sur les textes, sur les propositions, sur les tho ries des chefs et des principaux agrgs du corps enseignant. On
accusa les Jsuites de Lyon d'avoir fourni les matriaux de l'ouvrage de l'abb Des Garets ; on dsigna mme quelques Pres
nominativement. Ce n'tait pas dmontrer d'une manire invincible la fausset du livre ou en paralyser l'effet. Les hrauts
d'armes de l'Universit jugrent bientt qu'ils faisaient fausse
route. Il devenait impossible d'expliquer'et d'attnuer leurs
tristes doctrines, ne respectant pas plus la libert humaine que
les croyances catholiques; on s'effora de dplacer la question.
Comme dans chaque oeuvre, o la polmique domine et o
souvent la colre a d bouillonner au coeur de l'crivain probe,
il s'tait gliss quelques phrases trop vives, nuisant l'ensemble
sans offrir un avantage de dtail. Ces mots amers, dont la philosophie, la tribune et le journalisme surtout ne furent jamais
avares, taient gars dans le Monopole. On les recueillit avec
affectation : on les encadra dans des articles artistement combins ; on les tortura, afin d'en extraire l'outrage provoqu par un
dbordement de principes antisociaux ; puis, en taisant les foudroyantes citations de l'abb Des Garets, on le dnona comme
un diffamateur aux gages de la Socit de Jsus. On ne pouvait
rpliquer ses arguments d'une manire premptoire : on transforma sa plume en stylet de fanatique, s'attaquant aux gloires
les plus pures de l'enseignement. Il avait presque toujours discut, on renouvela en sa faveur le systme que Voltaire employait
contre ses adversaires. La raison et la vrit taient pour lui ; on
tcha de l'craser sous le persiflage.
Les professeurs du Collge de France et de la Sorbonne, qui
guerroyaient depuis longtemps contre la Religion et la Socit
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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368
CHAP. VII.
HISTOIRE
vide. L'abme murmure doucement : Venez moi, que craignezvous? Ne voyez-vous pas que je ne suis rien...
Puis, dans la sixime leon, s'adressant aux Jsuites 4 : Vous
avez quarante mille chaires que vous faites parler de gr ou de
force. Vous avez cent mille confessionnaux d'o vous remuez la
famille; vous tenez dans la main ce qui est la base de la famille;
vous tenez la mre : l'enfant n'est qu'un accessoire... Et que
ferait le pre quand elle rentre perdue, qu'elle se jette en ses
bras en criant : Je suis damne Vous tes srs que le lendemain il vous livrera son fils. Vingt mille enfants dans vos
petits Sminaires, deux cent mille tout--1'heure dans les coles
que vous gouvernez ! des millions de femmes qui n'agissent que
par vous !
Tels taient les leons que l'Etal laissait donner la jeunesse catholique du royaume. M. Quinet, de son ct, et
dans le mme temps, s'attaquait systmatiquement la Compagnie de Jsus. En s'appuyant sur des textes tronqus, dfigurs
ou falsifis, il instruisait le procs des Exercices de saint Ignace
et des Constitutions : la vie morale, spirituelle, affirmait-il 2,
est tarie dans cette loi. Feuilletez-la de bonne foi, sans arrirepense; demandez-vous, si vous le voulez, chaque page, si
c'est la parole de Dieu qui sert de fondement cet chafaudage.
Pour que cela ft, il faudrait au moins que le nom de Dieu ft
prononc, et j'atteste que c'est celui qui y parat le plus rarement 3. Le fondateur se fie beaucoup aux combinaisons industrieuses, trs-peu aux ressources de l'me, et dans cette rgle de
la Socit de Jsus, tout se trouve, except la confiance dans
la parole et le nom de Jsus-Christ.
Pascal avait altr les textes des casuistes de la Compagnie et
produit un ouvrage plein de merveilleuse malice. M. Quinet es!
'
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
369
Les ordonnances donl M. Quinel a tir un si trange parti ont t tudies par
nous avec autant de soin que les faits eux-mmes; il ne-nous sera donc pas difficile de redresser les erreurs du docte Universitaire.
Quelques Pres de la Socit s'taientplaiuts dans les vin et ixe Congrgations
Gnrales que plusieurs rgeuts de philosophie s'cartaient de leurs programmes,
s'oit en trailanl certains sujets du domaine Ihologique, soit en perdant le temps
tablir des discussions oiseuses sur des subtilits et des arguties de l'cole. La Compagnie de Jsus n'tait pas si tolrante que le Collge de France; elle ne laissait
pas ses professeurs le droit de vagabondage ; elle voulait que chacun se renfermt dans ie plan mme de son cours, afin que lout tendit au but commun. La
ix* Congrgation, tenue en 1649, invile le Pre Piccolomini, qui vient d'lre lu
Gnral, porler remde au mal en faisant rentrer les matres dans les limites de
leur programme. Piccolomini, en 1651, adressa aux Suprieurs l'ordonnance que
M. Quinet dnature. Elle est insre dans l'Institut la suile du Ratio sludioriim,
et nous devons montrer de quelle manire M. Quinet en a abus.
Ces paroles : Quoestiones de Deo... proetereantur, sonl extraites de la rgle il
du professeur de philosophie (lnslit. Soc. Jes., I. it, p. 194), et au lieu de celle
formule presque athe : Les questions touchant Dieu doivent tre omises, dont
l'Universitaire clectique se fait une arme, on lit sur le texle original : Dans la
mtaphysique, eu traitant de Dieu el des intelligences, il faut passer les questions
qui dpendent en tout ou en grande partie de la rvlation, w
Quant l'accusation de ne pas permettre qu'on s'arrte l'ide de l'Etre plus
de trois ou quatre jours, M. Quinel s'est servi du mme procd de soustraction.
Dans l'ordonnance du Pre Piccolomini, on ne trouve pas idea Entis, l'ide de
l'Etre seulement, mais l'Elre de raison, Ens rationis, ce qui constitue la plus notable de toutes les diffrences; car l'Etre c'est Dieu, et l'Elre draison est une
de ces subtilits scolastiques donl s'occupaient les philosophes du moyen ge.
Le texte relatif au silence sur la pense de la substance a l soumis aux mmes
mutilations que les prcdents. Nous le rtablissons en entier : Que les professeurs ne parlent pas de la substance ou Etre surnaturel, De substantiel val Ente
supernalurali, lorsqu'ils expliqueront le prdicamenl de la substance.
Dans le langage de l'Ecole, ce mol prdicamenl a le mme sens que celui de catgorie.
La dernire recommandation de Piccolomini relative aux principes n'a pas l
plus heureuse sous la plume do M. Quinet On lit dans l'ordonnance : Que le
prfet des ludes prenne garde qu' l'occasion des priucipes des causes, les professeurs n'entrent dans la question des principes et des processions divines. C'est
tout simplement dfendre aux rgents de philosophie naturelle de s'immiscer dans
les questions thologiqucs et surnaturellesqui 'regardent la Suinte-Trinit. Toutes
les autres citations do M. Quinel reposent sur la mme base. Elles renlrent dans
ce prcepte gnral qui oblige les professeurs de philosophie ne pas empiter
sur le domaine de la iholouio : A'e ad eu traclanda digrcdianlur quai tkcolo2
{/ici
a4
370
CHAP. VII.
HISTOIRE
philosophie du Jsuitisme? il faut premirementne s'occuper que
le moins possible de Dieu, et mme n'en pas parler du tout.
Quoestiones de Do... proetereantur. Que l'on rte s'arrte pas
l'ide de l'Etre plus de trois oU quatre jours. Quant la pense
de l substance, il faut absolument n'en rien dire, nihil dicant;
surtout bien viter de traiter des principes, et par-dessus tout
s'abstenir, tant ici qu'ailleurs, multo vero rnagis abstinendum,
de s'occuper en rien ni de la cause premire, ni de la libert, ni
de l'ternit de Dieu.
fassent rien ! Paroles sacra Qu'ils ne disent rien ! qu'ils ne
mentelles qui reviennent sans cesse et forment tout l'esprit de
cette mthode philosophique. Qu'ils passent sans examiner, non
examinando. C'est le fond de la thorie... Concevez-vous un
moment ce que pouvait tre cette prtendue science de l'esprit dcapite, dpossde de l'ide de cause, de substance et mme de
Dieu, c'est--dire de tout ce qui en fait la grandeur ?
Dans.ces dbauches de l'intelligence universitaire, ameutant
les passions sur les bancs du Collge de France, il y eut pour les
esprits honntes quelque chose de profondment triste. Ils dplorrent cet abus de la science et de la parole ' que le gouvernel M. Lherminicr, professeur lui-mme au Collge de France, a, dans la Revue
des Deux-Mondes du 15 octobre 1843, porl un jugement impartial sur ses deux
collgues : Nous pouvons, dit-il la page 182, parler en loule libert des Jsuites
de MM. Michelet el Quinet. La publication a russi; le coup a porl, trop bien
peut-tre. Les deux auteurs ne s'lonueroul pas que, tout en dfendant les mmes
principes, la libert de l'esprit humain, nous ne partagions pas toutes leurs opi-
nions.
Enlranl pour la premire fois dans la polmique, M. Michle! s'y est lanc a
corps perdu, et il s'est misa combattre avec une animation toul--fait extraordinaire.La vivacit des exclamations do M. Michelet, la franchise de ses exagrations,
foui, jusqu'au dsordre de son style, montre combien il est sincre el convaincu ;
mais, qu'il nous permette de le lui dire, ni la nature de son espril, ni le genre de
son talent ne le destinent la polmique." Pour bien combattre, il faut moins
d'emportement. L'esprit n'est vritablement puissant dans la polmique que lorsqu'il est matre de lui-mme et de sa colre; les combattants novices sont toujours
en fureur; l'olhllc expriment reste calme,il prend son lemps, choisit son terrain
cl frapp avec discernement. Enfin il est d'autant plus redoutable a ses adversaires
qu'il leur fait quilablemeiil leur pari, et qu'il a pour eux une dsesprante el
magnanime justice. En lisant ce que M. Michelet a crit conlre les Jsuites, on se
surprend parfois prendre conlre lui leur dfense : coup sur ce n'est pas l
l'effet qu'il voulu produire...
Ici ine revienl en mmoire celle phrase de M. Michelet : On a dit que je
dfendais, on a dit que j'attendais. Ni l'un ni l'autre... j'enseigne. Faut-il souscrire il celle prlonlion ? Alors la critique historique serait oblige d'lre plus svre, car cllo aurail demander compte a l'crivain de ses jugements, si incom-
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
371
' J/sfjirs
uljingue.
iinizersvltt tte 3t.t\n Kiiflcr, IWi'c sxm, cliap. ix de l'ui. alleoiane do 1817.
372
CHAP. VII.
HISTOIRE
Jsuites exposaient leurs plaintes avec moins de rudesse que
M. Ledru-Rollin, dput radical ; ils ne disaient pas comme lui
au mois de janvier 1844 : Existe-t-il une souffrance plus grande
pour l'individu que l'oppression de sa conscience, que la dportation de ses fils dans des coles qu'il regarde comme des lieux
de perdition, que cette conscription de l'enfance trane violemment dans un camp ennemi et pour servir l'ennemi? Lamartine,
le Protestant Agnor de Gasparin, les publicisles et les journaux
eurent le droit de fltrir la servitude intellectuelle que l'clectisme
faisait peser sur la France; ce droit fut dni aux Pasteurs des
mes, aux Prtres qui est confie la mission d'enseigner. Ils
accusaient plutt avec douleur qu'avec passion. A ces hommes
dont les vertus sont une des gloires de la nation, les pamphltaires de l'Universit se mirent prcher la morale dans des
feuilletons immoraux. Au fond de quelques ouvrages latins destins rvler la puret du prtre les crimes ou les vices qu'il
doit combattre au tribunal de la pnitence, ils cherchrent une
image obscne, et on les entendit pousser des cris de moqueuse
pudeur, comme si la luxure dcoulait pleins bords de l'enseignement thologique.
Pendant ce temps, les disciples de Loyola laissaient l'orage
s'amonceler sur leurs ttes ; puis, retirs dans leurs maisons de
Paris et des Provinces, ils s'tonnaient de l'omnipotence qu'on
leur attribuait. Les choses furent pousses si loin que les chefs
de l'Institut crurent devoir une explication publique.
Il y avait parmi eux un orateur dont la voix tait connue, dont
le* loyales et chaleureuses inspirations avaient souvent excit
dans les mes des sentiments d'admiration et de respect. Le Pre
Xavier de Ravignan fut charg d'apprendre au monde ce que
c'tait en ralit qu'un Jsuite. Sa parole retentissait dans les
chaires, elle fcondait partout des germes de salut. Son nom mme, en une occasion solennelle, frappa les votes de l'Acadmie
franaise, et il y fut justement glorifi par le chancelier de France.
Le 8 dcembre 1842, jour de sa rception l'Acadmie comme
successeur de l'Evque d'Hermopolis, le duc Pasquier, le descendant d'Etienne Pasquier, eut le bon got de rpudier un rle
d'accusateur sans preuves qu'il trouvait dans ses traditions de
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
373
374
CHAP. VII.
HISTOIRE
vertu.
Tel fut le Pre que la Compagnie choisit pour interprte.
Jusqu'alors les enfants de saint Ignace avaient jug prudent de
n'tre Jsuites que dans leur for intrieur. Ce nom est expos aux
anathmes, il peut servir de titre de proscription ; l'orateur chrtien s'en empare avec amour. Son opuscule tait une rponse aux
imputations dont l'Ordre de Jsus se voyait l'objet, un rsum
aussi lumineux qu'loquent de ses moyens et de sa fin. Ravignan
s'exprimait ainsi dans son introductioni :
Qu'avons-nous fait, qu'avons-nous dit, nous Prtres de la
Compagnie de Jsus ? d'o vient ce bruit ? d'o naissent tant
d'orages? Comment donc sommes-nous devenus de nouveau
l'objet de tant de haines, le but de tant d'attaques, la cause de
tant de craintes?
Vous qui appelez sur nous, sur des Prtres, sur des Franais,
De l'existence de l'Institut des Jsuites, par le Rvrend Pre de Ravignan,
de la Compagnie de Jsus, p. 13.
1
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
375
sur des citoyens libres et dvous, toute la rigueur des proscriptions, nous connaissez-vous? nous avez-vous vus, nous avezvous entendus ?
Quelle parole sortie de notre bouche a compromis la tran
quillit publique et le respect d aux lois? Cependant nos deux
cents voix ont retenti dans un grand nombre de Chaires, depuis
les cits les plus populeuses jusqu'aux plus humbles hameaux ?
O sont les autorits civiles qui nous accusent? o sont les
Ibidem, p. 45t.
376
CHAP. VII.
HISTOIRE
charit catholique, embrassant dans son ardente expansion l'humanit tout entire, met au coeur de ses aptres un dvouement
plus tendu que celui du patriotisme ; il est vrai encore que le
Missionnaire, allant porter la lumire de la Foi ses frres idoltres de la Core ou des solitudes de l'Amrique, risque parfois,
en prsence des intrts immortels, d'oublier les intrts d'un
jour qui s'agitent au sein de sa patrie. Mais oublie-t-il pour cela
sa patrie elle-mme? Cesse-t-il d'en porter la douce image dans
son coeur? cesse-t-il de prier pour sa flicit? cesse-t-il d'invoquer les bndictions du Trs-Haut sur ceux qui portent le pesant
fardeau du gouvernement des peuples ?
Oh ! ils ne savent pas, ces hommes qui interdisent au Jsuite
l'amour de son pays, quelle dlicieuse motion de joie il prouve
en retrouvant parmi les tribus sauvages du Nouveau-Monde
quelques-uns des sons de sa langue natale, ou en entendant
dans les mers de la Chine et du Japon le lointain retentissement
de la gloire de ses armes!
Et la France nous serait moins chre, nous, qui ne l'avons
pas quitte ! Nous ne serions pas fiers de ses triomphes dans la
paix comme dans la guerre, de son gnie pour les lettres et pour
les arts, de ses hardies conqutes dans le domaine de la science
et dans les rgions nouvellement ouvertes l'industrie! Nous
n'aimerions pas en elle le vrai foyer de la civilisation chrtienne !
Nous ne serions pas heureux des ineffables consolations qu'aujourd'hui encore elle donne l'Eglise?
Non, il n'a pas renonc son sicle... 11 est bien vrai que
nous n'appelons pas du nom d'amlioration et de progrs tout ce
que la sagesse moderne en son orgueil dcore de ces titres pompeux ; il est bien vrai que nous n'attendons pas de l'avenir une
Religion plus parfaite que la Religion de notre Seigneur JsusChrist, et que l'humanit fconde par les systmes ne nous parat pas en travail d'une re indfinie de vertu et de bonheur.
Mais, sous cette autorit immuable de la Foi, nous n'en ap
partenons pas moins notre temps par nos ides et par nos coeurs,
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
377
moi-mme!
Et moi aussi, humble soldat de l'Unit catholique, c'est pour
lui donner, s'il tait possible, plus intimement et plus compltement mon me et ma vie tout entire, que je suis all chercher
une place obscure dans les rangs de la Compagnie de Jsus.
' Dans l'tat o je voyais la sainle Religion de mon matre en
->
378
CHAP. VII.
HISTOIRE
malheur.
saint fondateur
Certes, en m'enrlant sous la bannire du
de la Compagnie de Jsus, je n'ai pas prtendu me sparer de la
milice sacre de mon pays; simple combattant, j'ai pris seulement un autre poste dans la mme arme.
Ce livre, auquel tait jointe une savante consultation de
M. de Vatimesnil, l'ancien ministre de l'instruction publique
en 1828, fut un vnement. Il plaait la question sur le terrain
que les Jsuites n'avaient jamais dsert. Aux yeux, des gens de
bonne foi., il les rendait forts de leur faiblesse, peut-tre aussi de
cette inertie trop rsigne que leurs amis ne cessaient de stimuler, et que leurs adversaires transformaient en un inexplicable besoin d'action et d'autorit. Le Pre Cahour publia de son ct son
ingnieux ouvrage : Des Jsuiles, par un Jsuite. Dans ce long
conflit, ils ne poussrent pas plus loin la dmonstration de la
vrit. Ils l'avaient dite de deux manires diffrentes : ici avec, effusion, l avec esprit. Ils laissrent l'Episcopat, au Clerg, aux
orateurs et aux crivains indpendants le soin de les venger.
L'Universit s'tait flatte de l'espoir qu'elle aurait enfin raison
de cette Compagnie, dont le succs lui semblait un remords et
un pril. Les rhteurs et les sophistes appelaient leur aide tous
les hommes dont le nom passait pour une autorit ; ils les enrlaient de gr ou de force. Mais plus d'une fois l'Institut de Jsus
trouva dans les intelligences d'lite une justice que la mdiocrit
lui dniait. Il existait encore cette poque un vieux philosoph,
un clbre orateur qui avait gouvern l'Universit. 11 se faisait
gloire d'avoir form par ses leons et par ses discours toute la
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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380
CHAP. VU.
HISTOIRE
culicrs, et que ces derniers ne demandaient pas mieux que de
s'y soustraire. L'heure tait venue ; aucun Evque ne se fait l'cho de ces dolances. Tous combattent pour la libert, tous rendent hommage au zle et la science des Jsuites, leurs coopralcurs dans les soins du ministre. L'piscopat refusait d'accepter
le rle que lui offrait cette conspiration ourdie par l'incrdulit,
on lui fit expier ce refus en le frappant de la mme proscription.
Les archevques et leurs suffragants s'adressaient au roi des Franais, aux assembles lgislatives et l'opinion publique pour savoir si enfin l'ducation chrtienne serait esclave; l'Universit,
ayant ses porte-tendards aux deux tribunes parlementaires, rpondit ce cri de dtresse par des outrages nouveaux.
Le projet de loi amena de vives discussions. D'un ct les
calculs d'une peur intresse grandirent outre mesure les Jsuites; de l'autre on apprit la France scruter les doctrines
que les gnrations nouvelles devaient subir. Sous les convictions noblement formules de plusieurs orateurs, en face des
panthistes de l'Universit, dont les emportements dissimulaient
mal la droute, la Chambre des Pairs ne voulut pas sanctionner tout le systme prohibitif invoqu par le corps enseignant
comme la seule digue opposer aux Jsuites et au Sacerdoce. II
y avait dans ce vieux snat des magistrats, des diplomates, des
administrateurs de foi et d'exprience, tels que le premierprsident Sguier, le comte Beugnot, le marquis de Barthlmy, le duc d'Harcourt, de Brigode, de Frville et de Courtarvel; des temporiseurs qui pressentaient un dsir royal sous
les amendements du comte de Montalivet; des hommes plus
jeunes, plus audacieux, et qui, sur les pas du comte de Montalembert ou du vicomte de Sgur-Lamoignon, exprimaient les
besoins et les rpugnances catholiques. L'Universit avait essuy
un grave chec dans ces dbats. Les chefs de l'clectisme esprrent que la Chambre des Dputs, plus mobile, plus rvolutionnaire contre le Clerg, saurait raviver les passions amorties
et cicatriser par une loi de dfiance les blessures sous lesquelles
saignait encore leur orgueil. M. Thiers leur parut le plus apte
faire sortir le despotisme d'un projet de loi sur la libert.
Sa dextrit de paroles, que les principes religieux ne gnaient
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
381
pas plus que les convictions politiques, l'abus qu'il avait fait de
tous les dons de l'esprit afin de fausser l'histoire, d'nerver ou
de fortifier le pouvoir selon ses caprices ou ses esprances du
moment, le prestige que sa fanfaronne intelligence des affaires
exerait sur une fraction de dputs s'irritant l'aspect d'un
prtre et plissant d'effroi au nom de Jsuite, tout indiquait
M. Thiers comme le dernier mdecin de l'Universit. M. Thiers
seul devait la sauver par une de ses jongleries lgislatives. Il fut
donc le confident de son martyre et le vengeur de son innocence.
Il s'engagea prouver qu'elle tait plus catholique que le SaintSige, plus gallicane que l'Episcopat franais, plus orthodoxe
que l'Eglise universelle, plus dsintresse que les Jsuites dans
la manire de propager l'ducation, plus morale que ces prlats
et ces familles condamnant ou dplorant tant de thories subversives. Un pacte intervint entre les rhteurs compromis et le
pangyriste des excs de 1793. Les Universitaires se chargrent
de recrpir la clbrit de M. Thiers, qui a toujours besoin d'avoir
sa suite quelque entrepreneur de gloire artificielle. M. Thiers
prit forfait l'loge de l'Universit et la censure du Clerg. La
proscription des enfants de Loyola fut offerte comme arrhes aux
deux parties contractantes sur l'autel de la libert d'enseignement.
Quand il s'agit de sa personne, M. Thiers, dont les instincts
gostes et mercantiles prennent toujours les grandes questions
par les petits bouts, possde un rare talent de mise en scne. Il
avait dcid dans les coulisses parlementaires qu'il serait nomm
rapporteur du projet de loi sur l'instruction publique, et, dsirant que son dernier coup de foudre contre la Socit de Jsus
ft annonc par quelques clairs prcurseurs de la tempte, il
commanda le Juif Errant dans les ateliers du Constitutionnel.
C'tait une mauvaise action en dix volumes, un outrage au bon
sens ainsi qu' la littrature, et dont, pour fermer tout jamais
la bouche la calomnie, les Jsuites devraient imposer la lecture leurs adversaires les plus aveugles. Le Juif Errant
patrona le rapport de M. Thiers. Le rapport de M. Thiers commenta les impurets de M. Eugne Sucs. L'un se confectionna
un Catholicisme do hasard, il parla de l'aitgmte religion de
382 '
CHAP. VII. HISTOIRE
ses pres pour tromper les simples ; l'autre se cra humanitaire
et socialiste dans le but de faire descendre l'imposture jusqu'au
fond du coeur des artisans sduits par cette dcevante piti. Le
Constitutionnel tablit une solidarit qui porta malheur au romancier et l'homme politique.
Les Jsuites avaient t subitement levs au rang de ces
puissances fatidiques que le moyen ge pressentait dans de
superstitieuses terreurs. Pour donner une ide de l'effroi que
leur nom provoquait, M. Michelet, s'appuyant sur les fantmes
entrevus dans le dlire, disait, aux applaudissements de ses auditeurs \: Le Jsuitisme, l'esprit de police et de dlation, les
basses habitudes de l'colier rapporteur transportes du Collge
et du Couvent dans la socit entire, quel hideux spectacle !...
tout un peuple vivant comme une maison de Jsuites, c'est-dire du haut en bas occup se.dnoncer. La trahison au foyer
mme, la femme espion du mari, l'enfant de la mre... Nul bruit,
mais un triste murmure, un bruissementde gens qui confessent les
pchs d'autrui, qui se confessentles uns les autres et se rongent
doucement. Ceci n'est pas, comme on peut croire, un tableau
d'imagination. Je vois d'ici tel peuple que les Jsuites enfoncent
chaque jour d'un degr dans cet enfer de boues ternelles.
A la mme poque cependant, ces prtres, qui ont un pied
dans chaque famille, une oreille ouverte tous les secrets, un
espion et un dnonciateur chaque porte, sont inopinment
dpouills par un vol domestique d'une somme de plus de
200,000 francs. Jean-Baptiste Affnaer, d'une famille belge o la
probit et la religion taient hrditaires, frappe, vers le mois de
janvier 1841, la maison de la rue des postes. Il est sans ressources, sans pain; il se dit malheureux. Les Jsuites auxquels un ecclsiastique, son compatriote, le recommanda, l'accueillent avec
charit. Il a t condamn dans la Flandre occidentale comme
faussaire et banqueroutier frauduleux; il cache cet pisode de sa
vie, et, par d'hypocrites dmonstrations, il capte peu peu la
bienveillance des disciples de l'Institut. Plac l'conomat, sous
les ordres du Pre Moirez, il a des appointements aussi modestes
que ses fonctions ; il vit dans une retraite absolue qui convient,
1
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
383
dit-il, autant sa fortune qu' sa pit. Tandis qu'il berce les Jsuites de son dtachement des plaisirs du monde, Affnaer commence dans Paris une existence de luxe et de ruineuses prodiga.
lits. Pour subvenir ses folles orgies, il place sous sa main la
caisse o sont contenus les titres de rente et les diverses valeurs
servant entretenir les Missions au-del des mers, et pourvoir
les autres Provinces de l'Institut de tous les objets religieux ou
scientifiques qu'on ne trouve qu' Paris. Affnaer vole, il dpense,
il vole encore, il vole toujours. Il a des chevaux, des matresses,
des amis et une fausse cief. Il lacre les feuillets des livres de
compte, il transporte, il surcharge les chiffres afin de ne pas
veiller l'attention. Pendant deux annes et demie, il vcut,
jusqu'au jour de sa fuite en Angleterre, sur la confiance qu'il
inspira. Ces Jsuites qui rien n'chappe, restent dans la plus
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385
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
VI.
386
CHAP. Vil.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP.-YII.
HISTOIRE
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devoir les fortifications se hrisser de canons.Pour enlever l'armement, M. Thiers se rua sur la Socit de Jsus. Il ressentit
une indignation constitutionnelle en apprenant qu'il existait sous
le ministre de M. Guizot autant de Jsuites sur le sol natal, que
lorsqu'il tait lui-mme la tte des affaires. Les 2 et 3 mai
1845, ses interpellations tinrent les dputs en moi; mais le
peuple ne se proccupa nullement de ce nouveau tour de prestidigitation. Il sourit des frayeurs de M. Thiers, et surtout de'ses
lans de Foi. Le peuple ne daigna mme pas s'tonner du pril
auquel la Chambre arrachait la France. Comme ce bruit, fait
propos des enfants de saint Ignace, n'avait pour but que de distraire les esprits, on lui donna le retentissement d'une solennit
nationale. C'tait la vrit et la libert de conscience que, malgr
un admirable discours deM. Berryer, on immolait une peur convenue : M. Thiers fit de la religion ; M. Dupin du courage civil;
M. Odillon Barrot de la vertu; M. Isambert de la pacification
l'gard du clerg. M. Martin (du nord), ministre de la justice et
des cultes, resta seul dans son caractre. Il fut lche.
M. Rossi avait attendu le rsultat de ces sances pour entrer
officiellement en campagne. Persuad que les clameurs du Pa' lais-Bourbon retentissent jusque dans l'intrieur du Vatican et
qu'elles y sment un effroi salutaire, il juge que l'heure est
venue de porter un dernier coup. Il adresse au Saint-Sige un
Mmorandum, dans lequel sont relats diffrents motifs que le
cabinet des Tuileries fait valoir, pour prouver que l'Ordre de Jsus ne peut plus exister en France, et qu'il faut le dissoudre sans
retard. Le plnipotentiaire ajoute : Que son gouvernement n'a
jamais eu l'intention de chasser du Royaume ou de molester les
individus qui appartiennent la Socit de Jsus; mais ne pouvant pas se dispenser d'accomplir l'engagement contract devant
la Chambre, il se verrait forc d'user des moyens qui lui sont
propres. Il enverrait aux Prfets et aux Procureurs-gnraux
l'ordre d'excuter sur ce point les lois du Royaume, et, en consquence, le pouvoir civil fermerait les maisons non-seulement
des Pres Jsuites,. niais aussi des autres Congrgations religieuses, except celles qui se trouvent lgalement autorises ; et
on ne saurait, dans ce cas, empcher les consquences d'un
390
CHAP. Vit.
HISTOIRE
choc qui pourrait, entre autres choses, induire peut-tre dans
l'esprit public une confusion entre la cause des Jsuites et celle
du Clerg en gnral. Pour viter ces consquences dsastreuses,
on demande que le Saint-Pre, interposant salutairement son
autorit, veuille bien ordonner aux Pres Jsuites la dissolution
des Maisons et des Noviciats qu'ils ont en France.
A la Chambre des Dputs, la question ne fut pas ainsi pose
par MM. Barrot, Thiers et Dupin, ainsi accepte par les ministres. Il avait t entendu qu'elle serait rsolue sans le SaintSige et malgr le Saint-Sige *. La ngociation ne pouvait donc
aboutir qu' un affront pour lui. D'un ct, on invoquait le concours du Pape ; de l'autre, on proclamait la face de l'Europe
que l'on ne demandait pas mieux que de s'en passer. Le Mmorandum de M. Rossi fut par cela mme regard comme non
avenu. Ce silence tait alarmant; le ngociateur espra le vaincre en faisant mouvoir tous les ressorts prpars de longue main.
L'esprit rvolutionnaire, dans ses nuances mme les plus modres, n'a foi qu'en la force brutale. L'chafaud ou la proscription
sera toujours son dernier mot. La premire tentative de M. Rossi
priclitait ; il chercha la relever par des menaces, par des promesses et par des intrigues de toute nature.
Il annonait officiellement que les Jsuites seuls taient la
cause de la guerre entre le Clerg et l'Universit; qu'ils devenaient de plus en plus impopulaires2 ; que leurs maisons servaient
1
p.
pro-
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. VII.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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minence leur paraissait pleine de dangers prochains, la Cour pontificale se montre encore plus incrdule. Elle sonda le trne de
Louis-Philippe, pour savoir o tait le Henri VIII brisant d'un
seul coup l'Unit et sparant la France de la Communion romaine. Elle n'y trouva qu'un vieillard fatigu de rvolutions, un
vieillard qui s'efforait, en prudent fondateur de dynastie, de
consolider sur la tte de son petit-fils la couronne qui, dans un
temps prvu, allait avoir traverser une minorit toujours orageuse. Le Saint-Sige connaissait de longue date l'piscopat
franais, et il y cherchait en vain les Cranmer qui se prteraient
cet impossible caprice. En voyant le Clerg pauvre des biens
de ce monde et riche seulement de sa Foi si souvent prouve,
Rome, qui possde tous les secrets des schismes, se disait qu'ils
ne sont ralisables que dans des circonstances donnes. Il faut
que le prince ait des passions satisfaire, des trsors partager
entre ses courtisans, des avidits tenter en leur offrant les biens
du Clerg. 11 faut surtout que la Nation entire soit unie son
roi, et que les partis diviss par la politique ne puissent pas se
faire un drapeau de leurs croyances religieuses pour s'insurger
contre un gouvernement leur donnant l'exemple du parjure et
de l'apostasie. Or, la France tait-elle dans ces conditions? Le
roi, dont le Saint-Sige connaissait la prvoyance dynastique,
avait-il intrt jeter la perturbation dans les mes? pouvait-il,
de gat de coeur et sans espoir d'une compensation quelconque, imposer un nouveau culte au peuple franais? Que, dans
les conciliabules de leur impit thorique, un petit nombre
d'hommes se soient imagin de changer la religion du pays, cela
est possible. Rome ne niait pas le fait; mais en voyant les provinces de l'Ouest, du Word et du Midi si pleines de Foi ; mais
en tudiant la situation mme de Paris, elle demeurait de plus
en plus convaincue de l'inanit de ce rve. La Rvolution avait
chou; l'empereur avait recul en confessant son impuissance.
Le royaume trs-chrtien tait catholique jusqu'au fond des entrailles. Personne en France-, Louis-Philippe moins que tout
autre, ne pouvait songer runir toutes les fractions de parti,
pieuses ou incrdules, lgitimistes ou rpublicaines, sous l'tendard, de l'Unit que les ennemis de la famille d'Orlans arbore-
'306
CHAP. VII.
HISTOIRE
raient contre elle. L'ide.-d'une sparation n'tait donc qu'une
menace sans porle ; car, lorsque les esprits sont tout prts
aller, au schisme, le schisme est dj pass dans les moeurs, dans
les croyances. Il existe, et, avec les ardeurs franaises, il entrane le gouvernement lui-mme.
La scularisation des Jsuites, sollicite par de tels moyens,
n'avait aucune chance de russite. M. Rossi avait en vain essay
d'intimider,; il crut que ses promesses seraient plus efficaces.
Les pouvoirs constitutionnels, dont il faisait bon march, ne furent plus d'aveugles instruments de troubles religieux; le ngociateur leur accorda de son chef une pense toute diffrente.
Le Saint-Sige n'avait qu' dissoudre en France la Socit de
Jsus, et l'instant mme une loi serait prsente pour reviser
les articles organiques, contre lesquels Rome avait toujours
protest. Afin d'obtenir un rsultat favorable, M. Rossi avait invent des menaces impossibles ; en dsespoir de cause, il arrivait des engagements irralisables. Le Saint-Sige tient sans
doute beaucoup voir tomber les chanes que porte le Clerg,
mais ce n'est pas par une iniquit qu'il convient la Chaire de
Pierre de prparer le triomphe de k justice. Protger les Chrtiens de Sjrie contre les cruauts musulmanes a toujours t
un devoir des gouvernements chrtiens : Rome ne s'expliquait
donc pas qu'on mt des conditions l'accomplissement de ce devoir, toujours regard par la France comme sacr. On berait la
Cour pontificale de l'espoir d'arracher l'Orient catholique aux
maux qu'il endure; mais, pour faire cesser la perscution de
Syrie, il fallait que le Pape se ft le perscuteur des Catholiques
d'Europe et de la Compagnie de Jsus.
Cette espce de prostitution de la charit, ce trafic de faveurs
et d'injustices, fut repouss Rome comme une mauvaise pense. M. Rossi, aprs s'tre dcid passer son Mmorandum,
avait, pour l'appuyer, mis en jeu tous les ressorts, essay de tous
les piges. Grgoire XVI se renfermait dans la dignit de son silence ; le cardinal Lambruschini restait impassible. Il se contentait de faire savoir l'ambassade que le gouvernement de Sa
Saintet ne pouvait rpondre que ngativement au Mmorandum
et par la rfutation des assertions contenues dans cette, dpche.
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
397
398
CHAP. VII.
HISTOIRE
tent en France depuis plus d trente annes, et aucun d'eux n'a
t cit devant les tribunaux comme coupable d'un dlit. Aujourd'hui mme on ne formule contre les Pres aucune accusation
prcise, et qui, de prs ou de loin, serait justiciable de la loi.
Comment donc le Saint-Sige pourrait-il les priver par une sentence du saint tat qu'ils embrassrent avec l'approbation de l'Eglise catholique?
3 Les vingt-cinq Evques de France qui possdent des Jsuites dans leurs diocses leur rendent tous le tmoignage le plus
honorable. Ils se flicitent des fruits de salut que font germer ces
ouvriers vangliques. Un grand nombre d'autres Prlats ont crit
au Saint-Sige pour solliciter la conservation de ces auxiliaires
indispensables. Le Saint-Sige repoussera-t-il une demande si
juste et si bien motive?
A l'unanimit, la Congrgation extraordinaire dcida que le
Souverain-Pontife ne pouvait et ne devait rien accorder. Grgoire XVI approuva.
C'tait une grande dmonstration ; elle ne cota aucun sacrifice au Pape, car la justice de l'Eglise l'exigeait. Cet acte raviva
toutes les colres ; et, dans le premier tonnement de leur dception, les hritiers du vieux Libralisme oublirent ces paroles
toujours vraies que M. Guizot leur adressait en 1821 avec autant
de justesse que de prvoyance gouvernementale : Partout o
la libert de conscience prvaut, disait l'crivain protestant 1,
tout culte, toute croyance religieuse rclame, juste titre, le
respect non-seulement du pouvoir, mais du public. Leur droit
contre l'outrage drive du mme principe que leur droit la
libert. Pour se pntrer de cette doctrine, la France a besoin,
j'en conviens, de la voir hautement professe et pratique par le
pouvoir. Non-seulement l'irrligion a eu parmi nous la force,
mais elle s'est crue la vrit. Elle a perscut, et parce qu'on rsistait ses dcrets et parce qu'on se refusait ses arguments, le
principe de l'intolrance n'a t autre au dix-huilime sicle qu'au
seizime. Quand ils sont convaincus et matres, les incrdules,
comme les fanatiques, veulent qu'on croie en eux et comme eux.
' Des moyens de gouvernement et d'opposition, far F. Guizot, p. 122 cl 123
(Paris, 1831?.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
:
399
bien qu'il reste aujourd'hui peu d'hommes qui voulussent employer directement contre la Religion les armes du pouvoir,
il en est encore un assez grand nombre qui, chaque occasion
o la Religion se dploie avec quelque hardiesse, s'en tonnent et s'en irritent comme d'un attentat la libert. Celleci a pour eux quelque chose de nouveau et d'imprvu qui les
offense.
Le cabinet des Tuileries et son envoy Rome se trouvaient
dans ce cas; ils ne surent pas profiter de la leon que M. Guizot
leur avait donne vingt-quatre ans auparavant. Il ne restait plus
M. Rossi qu' s'pargner l'humiliationd'un refus ; c'est ce qu'il
fit. Sa ngociation finissait avec la cour de Rome ; le Pape et les
cardinaux n'avaient plus rien voir dans cette affaire. Le ministre de France espra tre plus heureux en demandant que les
Jsuites se prtassent volontairement quelques concessions.
C'tait prsenter la chose sous un point de vue tout diffrent, et,
pour transmettre son voeu, M. Rossi s'adressa au cardinal Lambruschini. Lambruschini n'agissait plus au nom du Pape ni en
sa qualit de secrtaire d'Etat, mais uniquement comme mdiateur officieux: M. Rossi eut avec lui quelques conversations.
L'abb d'Isoard leur servit d'intermdiaire, et il n'exista jamais
de rapports, mme indirects, entre le Gnral de la Compagnie
et le plnipotentiaire franais. L'honneur de la Chaire apostolique tait sauf; elle avait eu le courage de sa position. Le Pre
Roothaan fut appel donner au royaume trs-chrtien un gage
de son amour pour la paix et montrer que la Socit de Jsus
sait faire tous les sacrifices.
Grgoire XVI n'avait donn aucun ordre, n'avait formul
aucun conseil positif ; cependant la Compagnie do Jsus se vit
dans la ncessit de faire quelques concessions momentanes.
Les Maisons de Paris, de Lyon, d'Avignon et plusieurs autres
Maisons de probation ou d'tude, subirent des dispersions passagres ou des diminutions.
Le 28 juin, le Pre Rozaven, Assistant de France, crivait
aux Suprieurs de Paris : Je pense que si nous cdons
quelque chose, il doit tre bien entendu que nous le faisons
400
CHAP. VH.
HISTOIRE
parmi motif de paix, et que nous voulons qu'il soit bien compris que nous faisons la rserve de nos droits, que nous voulons
conserver intacts, et que nous ferons valoir toutes les fois que
nous le jugerons propos. S'il est reconnu qu'on ne peut chasser les propritaires de leur maison, il doit l'tre galement
qu'on ne peut les empcher, d'y donner domicile qui il leur
plat.
Il n'y avait ni incertitude ni ambigut Rome. Le Saint-Sige
avait refus de se joindre l'Universit et une fraction des assembles lgislatives pour violer les droits de "tous les citoyens
franais dans la personne des Jsuites. M. Rossi, qui le23 juin
avait sagement retir son Mmorandum, rdigea une dpche
dans le sens des concessions indiques ; il la communiqua au
cardinal Lambruschini. On ignore si c'est l'ambassade de Rome
ou dans le cabinet du ministre que cette dpche fut modifie.
Toujours est-il que, le 6 juillet, le Moniteur ne tint compte que
des besoins parlementaires, et il annona :
du roi. a reu des nouvelles de Rome. La
Le gouvernement
ngociation dont il avait charg M. Rossi a atteint son but. La
Congrgation des Jsuites cessera d'exister en France et va se
disperser d'elle-mme ; ses Maisons seront fermes et ses Noviciats seront dissous.
A la nouvelle de ce succs que rien n'avait prpar, un sentiment de doute se manifesta dans toutes les classes.'Cependant
peu peu on se familiarisa avec l'ide que le ministre ne pouvait pas avoir invent une pareille dpche, et la douleur des
Catholiques gala peine les joies des ennemis de l'Eglise. Les
journaux dvous la Rvolution ou l'Universit proclamrent
grands cris leur victoire, et, dans le cynisme de leurs aveux,
ils ne craignirent pas d'outrager le Pontife-Suprme. Le Courrier franais, du 7 juillet 1845, reflta ces moqueuses injures,
que la fausset de la note officielle devait le lendemain transformer en louanges.
Nous avions, dit-il, fait trop d'honneur la Cour de Rome
en supposant qu'elle laisserait au gouvernement franais la responsabilit d'une mesure dcisive contre les Jsuites ; Rome a
cd. C'est un nouveau signe de la dcadence du pouvoir spirituel
401
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
l'Eglise catholique ! Alors que les Jsuites se propagent ouvertement sur la terre de France, o- ils s'taient glisss en contrebande, et rencontrent partout l'appui dclar des Evques ; alors
que, de chaire en chaire, de mandement en mandement, de tribune en tribune retentit le cri d'une nouvelle croisade pour la
conqute des Gaules la Foi de Clovis et de saint Louis, le Pape
vient en aide au ministre embarrass de l'excution des lois qui
prohibent la Compagnie de Jsus ; il dsavoue les siens et casse
sa milice. A qui donne-t-il gain de cause? A l'esprit philosophique qui a forc le ministre svir.
Ce sont les inspirations de MM. Quinet, Michelet, Cousin et
vi.
2(i
402
CHAP. VII.
HISTOIRE
tourner la messe, n'taient les Jsuites qu'elle avait en antipathie, et que la suppression de cet lment parasite ferait infailliblement refleurir parmi nous l'auguste Religion de nos pres,
comme dit M. Thiers ; nul doute qu'on lui ait tenu ce langage.
C'est la continuation de la plaisanterie du dix-huitime sicle.
Chaque fois qjie la philosophie s'est efforce d'amener l'Eglise
se mutiler, elle a toujours eu l'esprit de prtendre que c'tait pour
le plus grand bien des principes immortels de la Foi. Le Jsuitisme a trouv ses matres, et a t vaincu par ses propres armes.
C'est avec ces doucereuses paroles que l'on obtint de la Papaut, dans le sicle dernier, le sacrifice fameux de la Compagnie. Est-ce que Rome ne s'en douterait pas? Elle est dupe de
la mme comdie, ou elle feint de l'tre, aveuglment ou par
dbilit. La scne que la philosophie et l'Eglise jouent entre
elles est absolument celle du mdecin et du malade. Que diantre faites^-vous de ce bras-l? Comment?^Voil un bras
que je me ferais couper tout--1'heure, si j'tais que de vous.
Et pourquoi? Ne voyez-vous pas qu'il tire soi toute la
nourriture, et qu'il empche ce ct-l de profiter? Vous avez-l
aussi un oeil droit que je me ferais crever, si j'tais en votre place.
Crever un oeil? Ne voyez-vous pas qu'il incommode l'au:
tre? Croyez-moi, faites-vous-le crever au plus tt, vous en verrez
plus clair de l'oeil gauche. Et l'Eglise suit les ordonnances de
la philosophie !
Un pouvoir est jug quand il en est tomb l.
L'Evque de Langres leva la voix au milieu de tous les blasphmes et de toutes les dolances qui allaient fondre sur la
Chaire de Pierre. C'tait, avec le cardinal de Bonald, les archevques de Paris et de Toulouse et l'Evque de Chartres, un des
plus vigoureux athltes de l'Eglise et de la libert religieuse. Le
14 juillet 1845, il s'exprima ainsi sur les Jsuites :
Ces derniers taient en butte aux prventions et aux mena
ces publiques : on invitait les Evoques les sacrifier ou du moins
les dsavouer ; on esprait oprer leur dissolution par le concours de l'Episcopat, et, pour y parvenir, on reprsentait que le
Clerg tout entier avait souffrir des haines auxquelles ils taient
en proie. Les Evques ont rpondu : Les Jsuites, en tant que
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
403
404
CHAP. VII.
HISTOIRE
L'un niait avoir crit ce que l'autre prtendait avoir reu. La cour
de Rome, qui a une si haute intelligence de la dignit du pouvoir, ne voulut pas sortir de sa rserve habituelle mme pour
triompher de ces rcriminations. Elle obtenait le dsaveu, elle
s'en contenta. Elle n'avait pas trait, elle n'avait rien accord ; il
ne lui vint donc pas la pense de rclamer le prix des concessions qu'elle s'attaeha toujours glorieusement refuser.
Pour aplanir les difficults dont le minislre franais s'tait
malencontreusement embarrass, le Saint-Sige avait dclar
qu'il lui tait impossible d'intervenir d'une manire contraire aux
rgles canoniques et aux devoirs du Pontificat. Grgoire XVI crivait aux Evques de France ! : a Nous n'avons jamais failli
nos fonctions, nous n'y faillirons jamais. Le Vicaire, de JsusChrist tenait admirablement une parole que l'piscopat tait
digne d'entendre. Aucun document, ni public, ni secret, n'autorisait d'une faon quelconque l'opinion qui attribue au SouverainPontife ou au cardinal Lambruschini les mesures spontanment
adoptes par les Jsuites. Dans ces mesures, qui furent approuves ou blmes, mais que le Gnral de la Socit a pu conseiller,
il n'a point t question que les Jsuites perdraient ou alineraient la proprit de leurs maisons. Leur droit d'existence ne fut
pas mis en doute.
Rome ne s'tait engage ni verbalement ni par crit ; mais,
dans les prvisions d'une lutte orageuse l'ouverture de la session des Chambres de 1846, le cabinet des Tuileries dsirait obtenir au moins un tmoignage, quelque peu positif qu'il ft, de
l'intervention pontificale. Au commencement de septembre,
M. Rossi reut une note de son gouvernement qui le flicitait
sur l'heureuse issue de la ngociation. Cette note remerciait en
mme temps le Pape et le cardinal Lambruschini du service
qu'ils avaient tous deux rendu- la France en ordonnant aux
Jsuites de se disperser. M. Rossi s'empressa de la communiquer officiellement au Saint-Sige. Ce stratagme n'avait pour
but que de crer un document authentique et de le publier
comme une preuve de l'action du Pape dans ces vnements.
Grgoire XVI et Lambruschini ne se laissrent pas prendre au
l
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
405
pige. Le cabinet des Tuileries, par l'entremise de son plnipotentiaire, demandait un acte man de la secrtairerie d'Etat,
Lambruschini rpondit peu prs en ces termes : Sa Saintet
est fort surprise des remercments adresss elle et son ministre, puisqu'elle n'a rien accord dans l'affaire des Jsuites.
Si elle et agi, elle n'aurait pu le faire qu'en se conformant aux
saints Canons. Si le gouvernement du roi trs-chrtien des
actions de grces rendre, c'est au Gnral des Jsuites qu'il
faut les adresser ; car il a pris de lui-mme, sans ordre ni conseil du Saint-Sige, des mesures de prudence pour tirer d'embarras le gouvernement du roi. Sa Saintet, dans cette circonstance, admire la discrtion, la sagesse, l'abngation de ce
vnrable chef d'Ordre, et elle a lieu d'esprer qu'aprs les
grands sacrifices que s'imposent les Jsuites franais dans des
vues de paix et de conciliation, le gouvernement de Sa Majest
leur accordera protection et bienveillance.
Il est au-dessous de l'histoire de s'occuper de toutes les intrigues souterraines et de tous les faux-fuyants mis en jeu
Rome ainsi qu' Paris pour colorer cette ngociation et la rendre
au moins acceptable dans la forme. M. Guizot y consacra la
puissance d'un talent qui aurait d tre mieux employ l ; mais
cette puissance ne change point les actes, elle ne modifiera
jamais les faits. Les uns et les autres sont produits. C'est la
France et l'Europe qu'il appartient maintenant de commencer
l'instruction de ce grand procs qui, selon une dernire imposture
du Journal des Dbats, semble tre jug par l'opinion publique
et perdu par les Jsuites.
Dans la sance de la Chambre des pairs du 16 juillet 1845 (Moniteur Au 17),
M. Guizol, ministre des affaires trangres, rendant compte de la ngociation
Rossi, fit trs-bien pressentir les faits que nous venons de raconter. 11 dirait:
Ce que le gouvernement du Roi a fait l'gard de la cour de Rome, la cour do
Rome l'a fait a l'gard de la Socit de Jsus.
Nous ne nous tions pas servis de nos armes temporelles; elle ne s'est pas
servie de ses armes officielles et lgales. Elle a fail connatre a la Socit de Jsus
la vrit des choses, des fails,des lois, l'tal dos esprits en France, lui donnant
ainsi juger elle-mme de ce qu'elle avait faire de la conduite qu'elle avait
,
tenir dans l'intrt de la paix pib ique de l'Uglne,
de la Religion. J'ai uuo vraie
,
cl profonde satisfaction dire que dans celte affaire la conduite de (oui le monde a
l sense, honorable, conforme au devoir de chacun. La Socit de Jsus.a
pens qu'il tail de sou devoir de faire cesser l'tat de choses dont la France se
plaignait.... De toues parts il y a eu acte de libre intelligence cl de bons procds.
1
406
CHAP.
via.
HISTOIRE
CHAPITRE VIII.
Les Jsuites s'occupent de l'ducation publique. Le systme ancien el moderne
d'instruction. La pratique avant le prcepte. Avant de former des lves,
ils veulent former de bons professeurs. Le Gnral de l'Ordre recommande
d'ouvrir des Scolasticats. But de ces maisons. Ecoles normales de la Compagnie. Lettres de Rrzozowski au Pre de Clorivicre. Le Pre Rozaven et
les ludes philosophiques. Prparation au professorat. Demande de rvision pour le Ratio studiorum. Manera, Loriquet, Garofalo,Gil et Van Heck
nomms commissaires.Leurtravail. Retranchements et additions faits au
Ratio. Prooemium d Gnral de la Compagnie. Les deux annes de no- '
vicit. Manire d'ludier des Jsuites. Leur plan pour former les autres.
De quelle manire ils envisagent l'ducation publique.Comparaison du
systme universitaire avec celui de la Compagnie.Plan d'tude des Pres de
Brugelelte introduit dans l'Universit de France par M. Cousin. La Gazette
de l'Instruction publique et le Collge de Fribourg. Le Convillo Dei Nobili
Naples; Etat de l'ducation dans les Deux-Siciles. Ls Jsuites et l'Uni-"
versit de Naples. Rapport au ministre de l'instruction publique par Petit de
Bafoncoiirt. ' Causes d la guerre que les Universits font aux Jsuites.
M. Thiers el le patriotisme. Les lves des Jsuites accuss par M. Thiers de
n'tre pas aussi bons Franais que lui. Protestation des lves.Botta et
Giobrti foilt lin crime aux Jsuites d'arracher du coeur des enfants l'amour de
la famille. L'es Jsuites et leurs oeuvres. Les thologiens et les asctes.
Perrone et Martin. Patrizi et Rozaven. Rooihaan etWeninger. Les orateurs Mc-Carthy et Finelti. Ravignan et. Minini. Les philosophes.
* Buczinski et Rolh'enflue. Dmowski et Liberatore. Vico et Taparelli. Les
dcouvertes astronomiques du Pre de Vico. Secchi et Carffa. Les Jsuites
polmistes. Charles Plowden el Deschamp. Kohlman et Arrillaga. Les Jsuites archologues. Travaux de Marclvi.Les Pres Charles Cahier et Arthur
Martin. Vico et Bresciani. Les grandes familles et; la Compagnie de Jsus.
Conclusion.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
407
408
CIIAP. VIII.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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410
CHAP. VIII.
HISTOIRE
de l'rudition ; mais il n'aura jamais ce jugement sr et cette
exactitude de principe et d'expression qui sont indispensables
un thologien...
Rozaven conclut ainsi : Il faut faire en sorte que les jeunes
gens ne soient envoys dans les petits Sminaires, soit pour rgenter soit pour surveiller, qu'aprs avoir fait leur philosophie.
,
La rgence faite avant la philosophie ne leur sera jamais aussi
avantageuse que s'ils la faisaient aprs. Dans ces commencements
tout cela est difficile, mais il faut y tendre persvramment, et
aux dpens mme de quelquesjinconvnients, car, autant que j'en
puis juger, la science du gouvernement ne consiste pas seulement viter les inconvnients, mais aussi les permettre propos dans la vue d'un plus grand bien.
Tel tait le plan des Jsuites pour les professeurs que la Compagnie allait former dans son sein. Ce plan ne manquait ni de
prvoyance ni d'tendue ; il fut accept et suivi partout. On cra
dans la plupart des capitales, centres de hautes tudes, des maisons pour prparer les Scolastiques l'enseignement. On voulut
qu'ils assistassent tous les cours des hommes clbres dans les
lettres ou dans les sciences. A Paris, l'on fonda mme une maison
o les jeunes Jsuites, sous la direction du Pre Dumouchel, se
livrrent spcialement aux mathmatiques et la physique. Binet,
Leroy, Cauchy, Ampre, Hayl et Querret devinrent, avec Cuvier, leurs matres de prdilection. Ces jeunes gens n'taient distraits de leurs travaux intellectuels que par la pratique des bonnes
i La plupart de ces savants connaissaient les auditeurs que la Socit de Jsus
envoyait leurs cours. Ces savants voulurent donner l'Institut de Loyola une
preuve de leur estime et de leur dvouement. Us offrirent donc des leons particulires aux jeunes gens qui plus tard devaient propager le got des sciences, el c'est
celle proposition que l'abb Hay avait faite que rpond une lettre du Pre Richardol en date du 17 novembre 1821 :
Monsieur l'abb, j'ai appris par M. Dumouchel voire extrme bont pour lui
elpour les lves que je lui ai confis. 11 est de mon devoir de vous tmoigner ma
vive reconnaissance pour une offre aussi bienveillante. Je n'avais jamais eu la pense hardie de porter mes vues si haut, quoique je connusse dj votre zle pour
l'honneur de la Religion et votre dsir de voir le Clerg ressaisir la considration
que les sciences lui avaient autrefois procure. Mais le zle ne vieillit pas, et la
charit de Jsus-Christ vous presse. Croyez, Monsieur, que je sais apprcier
une marque d'affection aussi distingue, et que ma gratitude est sans bornes. Ces
jeunes geus, que je destine professer les sciences dans la suite, pntrs euxmmes de ce sentiment, le perptueront parmi leurs lves, et voire nom, si
clbre dans le monde savant, sera rvr parmi nous d'une manire particulire.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. VIII.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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CHAP. VIII.
HISTOIRE
Comme les devoirs de l'humanit restent plus immuables que
ses passions, l'enseignement de la philosophie ne subit donc pas
les variations continuelles auxquelles les sciences, les arts et la
littrature se voient exposs. Ce qui fut jeune et beau la veille
se trouve souvent vieux et laid le lendemain. Ce qui tait vrai
dans son essence demeure toujours vrai. Ce vrai, ternel comme
l'Etre, domine toute la discussion ; mais la discussion avait engendr l'esprit d'argutie. L'Ecole s'tait jete dans un monde
de problmes qui rendait peu prs inacessible le terrain de la
science philosophique. Avec tous les hommes de leur poque, les
anciens Jsuites avaient d passer sous le joug de cette loi proclame dans les chaires des matres les plus renomms d'Allemagne, de France, d'Italie et d'Espagne. Depuis, une rvolution
s'tait opre dans les ides. On simplifiait l'enseignement, on se
dtachait de toutes les vieilles traditions de l'cole ; on rompait
avec un pass gros de dilemmes, de jeux d'esprit et de syllogismes inutiles. Les Jsuites s'empressent de faire un sacrifice qui
ne dut pas coter leur raison. A toutes les rgles donnes au
professeur de philosophie on en ajouta une xive ainsi conue :
Qu'il ait soin dans les disputes que les lves ne prsentent que
des objections srieuses et solides ; qu'ils s'expriment en termes
clairs et prcis, qu'ils vitent les subtilits et les vaines arguties.
Cette sparation consomme, les Pres entrent dans un nouvel ordre d'ides. Par la rgle xxvae ils tablissent que le professeur de morale philosophique donnera ses lves les principes gnraux du droit public. Ainsi, aucune des Fgrandes
questions qui tiennent en veil les intelligences ne restera trangre aux Jsuites et leurs disciples. Ils les laboreront avec maturit ; ils les dvelopperont avec sagesse, car l'examen de ces
principes est fcond en rvolutions.
La rvision du Ratio studiorum amenait de notables changements dans le systme d'ducation religieuse et philosophique de
la Compagnie. Elle en introduisit de non moins remarquables
dans le plan trac aux professeurs de physique. Autrefois la
physique n'tait que l'accessoire de la philosophie. L'tude des
sciences se trouvait en progrs rel, les Jsuites s'apprtrent
le seconder. Dans la rgle xixe du Provincial on ajouta que les
1
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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Pres chargs de l'examen des aspirants au degr de Profs devraient se souvenir du dix-huitime dcret de la xxie Congrgation gnrale touchant l'aptitude du sujet enseigner la physique.
Dans la rgle xxe, l'tude des mathmatiques est spcialement
recommande comme prparation la physique, et il est enjoint
de favoriser le got de ceux qui dsireraient se consacrer cette
science. La rgle xxxnr9 ordonne de fournir aux Scolastiques tous
les ouvrages et instruments ncessaires l'tude de la physique
et de l'histoire naturelle.
L'tat des classes lmentaires ne s'tait pas aussi sensiblement amlior. Les Universits, comme tous les corps privilgis, s'opposaient au progrs; elles demeuraient stationnaires
par temprament et par calcul. La rflexion cependant dmontrait aux Jsuites que, sans trop innover dans le systme d'ducation premire, il existait des abus qu'il devenait urgent de rformer. Ainsi, au fond des Collges, personne ne songeait l'tude
de la langue maternelle. On parquait les enfants dans une classe
de latin ; on les tranait anne par anne sur les auteurs grecs ou
romains ; on leur enseignait par routine les idiomes morts, les
faits et gestes, la gographie et l'histoire des peuples anciens ; on
les faonnait l'admiration pour Sparte ou pour Rome. Ils savaient les rvolutions d'Athnes et de Perse ; mais ils ignoraient
les vnements dont leur propre patrie fut le thtre. Ils connaissaient toutes ls fables qui s.e rattachent aux hros de l'antiquit ;
les annales de l'Europe ainsi que celles du monde moderne restaient pour eux un livre ferm. Cette incurie tait dplorable ;
les Jsuites l'avaient compris. Ds qu'ils eurent un Collge leur
disposition, ils s'efforcrent de prendre une heureuse initiative.
Les rgles xn, xvin et XXVIII concernant les professeurs des
,
classes infrieures, rompent avec tant de vieux usages. Elles
recommandent l'tude de la langue du pays, la puret du langage
dans les traductions, une bonne prononciation, la lecture et le
commentaire haute voix des meilleurs auteurs nationaux. Ce
qui a t obligatoire pour les enfants, le devient pour les jeunes
gens, et la rgle premire du professeur de rhtorique prescrit les
mmes tendances.
L'exprience avait conduit les Jsuites innover ; ils dsir-
416
HISTOIRE
rent que l'exprience encore sanctionnt leurs innovations. Elles
ne durent avoir force de loi qu'aprs avoir t soumises l'essai.
Lorsque les cinq Pres de la commission eurent achev leur travail sur le Ratio studiorum, ce travail fut examin, discut
par le Gnral et par ses Assistants ; puis, le 25 juillet 1832,
Roothaan adressa la nouvelle dition tous les enfants de Loyola.
Il leur crivait en mme temps pour expliquer les motifs qui
avaient amen l'Institut conformer son antique mthode aux
circonstances prsentes.
Pourrions-nous en effet, leur disait-il dans son Prooemium,
417
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
mence ; ils doivent tre fortifis par des preuves et par des raisonnements solides. D'autres questions, qui jadis servaient plutt
exercer les esprits qu' faire triompher la vrit , ont t mises
de ct pour s'occuper de ce qui est vraiment utile et ncessaire.
11 faut consacrer plus de temps aux sciences physiques et
mathmatiques. Notre Socit n'a jamais regard ces tudes comme
trangres son Institut ; mais nous conviendrait-il de les ngliger
aujourd'hui que sans elles nos coles ne pourraient soutenir leur
rputation et dignement rpondre l'attente publique ?
La plupart des prescriptions du nouveau Ratio studiorum
taient dj mises en pratique avant de se trouver formules
en lois. Dans les Scolasticats et dans les Collges, on avait beaucoup accord au progrs ou la ncessit des temps, sans se relcher en rien de ce qu'exigeait une instruction pure et relle.
Comme par le pass, les jeunes gens qui se vouent la Socitde
Jsus sont soumis une preuve de deux annes. Cette preuve,
entirement consacre aux exercices de la vie asctique, a pour
but principal de jeter dans leurs mes les fondements des vertus
religieuses. On ne leur demande pas les sentiments ou les apparences d'une pit extrieure; on les appelle au vrai courage catholique l'abngation chrtienne. Quand ces annes de silence
,
et de retraite sont coules, le Novice, devenu Scolastique, se
livre avec une nouvelle ardeur au travail de l'intelligence. Les
suprieurs ont mission de le prparer la vertu ainsi qu'au savoir ;
mais, sans songer les jeter tous dans le mme moule ils laissent
,
chacun son caractre et la physionomie particulire de son talent.
Durant les douze premiers mois du scolasticat, le Novice reprend
en sous-oeuvre ses tudes classiques peine bauches dans les
Collges. Aprs, il s'adonne celles qui offrent le plus de charmes
son esprit ; il dveloppe sous les yeux de matres prouvs les
talents qui doivent le pousser vers la littrature ou les sciences.
Ce temps qui, dans la Compagnie, se nomme le Juvnat, est
peine accompli, que le jeune Jsuite commence son cours de rgence. S'il annonce des dispositions pour l'loquence de la chaire,
s'il fait pressentir qu'il est n orateur ou qu'il a tout ce qui est
indispensable pour le devenir, on lui confi durant deux ou trois
annes au plus une classe d'humanits ou de rhtorique. Ensuite
VI.
27
418
CHAP. VIII.
HISTOIRE
on l'applique la thologie, et les Suprieurs la lui font professer
trois ou quatre ans pour mrir sa raison et le fortifier dans les
tudes sacres. Les Pres de l'ancienne Compagnie avaient, par
de longs essais, acquis la preuve que cette laborieuse solitude
tait la sanction donner l'loquence. Bourdaloue et tous les
princes de la parole l'avaient expriment ; les nouveaux Jsuites
marchrent dans la mme voie.
-Une dernire anne est laisse aux orateurs futurs, pour se
nourrir des Saints Pres et des modles qui les ont devancs. Ces
prliminaires remplis, l'homme d'nergie et de conviction se rvle. II a eu le temps de mditer, d'approfondir les vrits ternelles qu'il doit annoncer. Il ne se jette pas, en enfant perdu de
l'inspiration, dans une chaire o parfois le culte du beau et du
vrai est sacrifi de chimriques impossibilits ou des utopies
d'alliance fraternelle. L'orateur jsuite est plutt plein d'enseignements pratiques que de thories ; il ne doit se livrer ni aux
carts du zle ni aux intemprances de l'improvisation. Chez lui,
chaque parole a sa porte ; on ne saisit pas, dans son discours,
une phrase, un mot, un geste peut-tre, qui puisse prter fausse
interprtation. Sr de lui, comme de ses prceptes, il se domine
avant de vouloir dominer les autres. C'est cette force intime qui
rend les disciples de l'Institut si puissants en prsence de tant de
passions religieuses, politiques ou littraires, qu'il leur serait
facile de soulever, pour s'attirer les applaudissements de la foule.
Le chemin des prdicateurs est tout trac ; la route des autres
Novices n'offre pas plus de difficults. Les Scolastiques qui finissent leurs quatre annes de thologie, et qui n'ont d'aptitude
marque pour aucune science spciale, subissent encore de nouvelles preuves de travail ou de mditation, puis enfin le ministre pastoral leur est ouvert. Ils se chargent de ces redoutables
fonctions dans la maturit de l'ge ; ils n'ont ni besoins ni ambition satisfaire. Les dignits de l'Eglise leur sont interdites ; ils y
renoncent par leurs voeux ; ils peuvent donc apparatre dans le
monde comme les guides du Chrtien et les modles vivants du
prtre.
Les Pres de la Socit de Jsus, en entrant au Noviciat,
s'astreignent un plan d'tudes et de conduite auquel ils ne doi-
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
419
420
CHAP. VIII.
HISTOIRE
voulurent amliorer l'humanit et non trafiquer du dsir que
chaque homme a de voir ses enfants participer au bienfait de
l'instruction publique. Dbarrasss de tout souci terrestre et trouvant dans- cette jeunesse, venue de tous les points la fois, une
famille et des amis, les Jsuites ne portrent pas leurs voeux audel de l'horizon qu'ils se limitaient. Suivant le prcepte d'Horace, ils circonscrivirent une longue esprance dans un troit espace. Sans arrire-pense comme sans ambition personnelle, ils
s'efforcrent d'tendre le rgne de la vertu en propageant l'amour
des devoirs et des belles-lettres.
C'tait une tche difficile; ils ne restrent pas au-dessous.
Au quatrime volume de cette histoire nous avons racont les
moyens et les ingnieux artifices qu'ils avaient su mettre en oeuvre pour changer en plaisir ce travail aride auquel l'enfance est
condamne. A peine la Socit de Jsus est-elle reconstitue,
qu'on voit ses membres les plus distingus se vouer avec un indicible bonheur l'ducation de la jeunesse. Ceux qui leur succdrent se firent une obligation de marcher sur leurs traces. Bientt
les Collges de l'Institut acquirent une incontestable supriorit.
A mrit gal dans les professeurs universitaires et dans ceux de
la Compagnie, cette supriorit devait videmment rsulter et de
la perfection toujours progressive du plan et de la stabilit mme
des principes. Au Collge Romain ainsi qu' Saint-Acheul,
Fribourg et Clongowes, Brugelette comme Madrid, Naples
et Stonyhurst, Turin et Polotsk, Gnes et Tarnopol, ils
ne dviaient jamais de la voie trace. Cette apparenpe d'immobilit, qui devient pour les enfants une force attractive laquelle
ils n'osent se soustraire, n'empcha jamais l'Institut de prendre
l'initiative des amliorations. Les disciples de Loyola fournirent
mme l'Universit de France des prceptes que le philosophe
Cousin, alors ministre de l'instruction publique, parat avoir adopts, tout en cachant aux yeux profanes la source o il puisait
ces modles. Les Jsuites appliquaient sans bruit les innovations
que leur exprience jugeait utiles. Us n'en tiraient parti que pour
le bien de la jeunesse; d'autres exploitrent leurs ides pour la
glorification d'un amour-propre ministriel.
Ainsi, en 1838, les Pres du Collge de Brugelette en Bel-
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
421
422
CHAP. VIII.
HISTOIRE
expos les dispositions gnrales, sans lui en rvler la source,
il l'adopta et rsolut de le publier comme son oeuvre propre.
M. Villemain, qui lui succda l'instruction publique, n'eut rien
de plus press que de briser l'difice dont son prdcesseur avait
emprunt l'ide-mre et les dtails aux disciples de Loyola. Le
27 aot 1840, M. Cousin adressa aux recteurs des Acadmies
une circulaire par laquelle il fait connatre le nouveau rglement
des tudes dans les collges royaux et dans les collges communaux de plein exercice. Cette circulaire, paraphrase affaiblie du
plan des Jsuites de Brugelette, est ainsi conue :
Monsieur le recteur, je viens appeler toute votre attention
sur les modifications apportes au rglement des tudes des Collges par l'arrt que je vous communique.
11 est incontestable que l'ducation n'est ni vraie ni complte
si elle n'embrasse pas, avec les tudes classiques proprement dites, de suffisantes connaissances de mathmatiques, de physique,
de chimie et d'histoire naturelle. Mais comment l'enseignement
scientifique doit-il tre combin avec l'enseignement littraire
dans l'conomie du Collge? C'est un problme souvent agit et
diversement rsolu.;.
Deux points sont aujourd'hui mis hors de doute par les rapports de MM. les inspecteurs gnraux et par ceux de MM. les
proviseurs : 1 Les portions d'enseignement scientifiques rparties depuis la sixime jusqu' la rhtorique inclusivement ne
produisent aucun bon rsultat ; 2 cet enseignement accessoire,
infructueux en lui-mme, nuit considrablement aux tudes classiques. Il a donc fallu, monsieur le recteur, chercher une autre
combinaison.
C'est un principe reconnu que les tudes doivent tre proportionnes l'ge des lves. C'est un autre principe galement
reconnu que, dans un mme ge, toutes les tudes doivent tre
analogues pour produire une impression forte et durable. Voil
pourquoi l'exprience'gnrale a plac d'abord les tudes classiques, si bien appeles humanits, parce qu'elles forment l'homme
et cultivent la fois la mmoire, l'imagination, l'esprit et le
coeur. La philosophie, les mathmatiques, les sciences physiques
et naturelles doivent venir aprs : elles s'adressent la rflexion
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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,424
GUAP. VIII.
HISTOIRE
fait d'ducation, puisqu'ils prcdent mme dans cette voie de
progrs le grand-matre de l'Universit et l'loquent traducteur
de Platon, leur adversaire.
Le ministre de l'instruction publique en France rend aux Jsuites un hommage tacite. Dans le mois de mars 1845, la Gazette de l'Instruction publique ne craignit pas d'avoir son jour
de franchise. En examinant le cours d'tudes du Collge et du
pensionnat de Fribourg, elle osa dire : On verra qu'il ne manque ni d'tendue ni de varit. Si, d'un ct, les ouvrages tho
riques adopts pour l'enseignement des langues sont peu connus
et ne sont point suivis dans nos Collges, d'un autre ct, il faut
reconnatre que ce cours d'tudes offre dans son ensemble quelques bonnes amliorations et qu'il remplit plusieurs lacunes de
notre enseignement universitaire.
Ainsi, on peut voir quelle attention les Rvrends Pres
apportent l'enseignement de la langue et l'tude de la littrature franaise. Dans toutes les classes, ils ne cessent d'exercer
les lves sur l'orthographe, l'analyse logique et grammaticale,
et les divers genres de composition franaise ; ils ne bornent pas
leur enseignement aux stricts prceptes de la grammaire et de la
rhtorique. Ds la troisime, les lves apprennent les rgles du
genrepistolaire, et y sont faonns par des exercices frquents.
En seconde, ils reoivent des notions compltes de littrature, et on
leur fait passer en revue ces diffrents genres en prose et posie.
En rhtorique, ils tudient avec tendue les prceptes de l'art
oratoire, et en particulier l'loquence de la chaire, du barreau et
de; la tribune. Des talents trop ngligs et dont les rsultats peuvent tre prcieux pour l'avenir des jeunes gens, la lecture
haute voix et la dclamation, sont l'objet d'tudes spciales dans
chaque classe. Les principes d'aprs lesquels l'histoire est enseigne sont indiqus par les livres mmes ports au programme.
Le cours del philosophie de l'histoire, dit le prospectus, en
prsentant les vnements historiques dans leur enchanement
moral et providentiel, donne une connaissance approfondie d'aprs
les vrais principes.
Quant au choix des auteurs d'explication, il se compose
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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426
DE LA COMPAGNIE' DE JSUS.
427
US
HISTOIRE
mme, au dire d'un des Pres, savant professeur de l'tablissement, ils ont refus d'en recevoir plus de cinq cents, faute de
place. A quelques pas de l, le lyce universitaire del Salvatore
n'a pas cinquante externes.
Les classes sont divises en classes lmentaires et en classes
suprieures ; les premires s'tendent jusqu' la rhtorique inclusivement. Elles comprennent trois annes ou quatre au plus
pour les classes dites de grammaire, qui embrassent l'tude des
principes du latin, du grec et de l'italien ; une anne pour la
classe dite d'humanit, qui correspond la seconde de nos collges, et une anne pour la rhtorique; en tout cinq ans ou six ans
au plus. Les classes suprieures comprennent deux ans, pendant
lesquels les lves tudient la philosophie, les principes du droit
naturel et du droit civil, la physique, la chimie et les mathmatiques lmentaires. Il existe une troisime anne pour les classes
suprieures, dans laquelle on tudie la langue hbraque, l'loquence et les lettres sacres, le droit canon, la thologie et les
mathmatiques transcendantes ; mais presque toujours le cours
des tudes est regard comme fini m bout de la seconde anne,
surtout pour les lves qui doivent entrer dans les carrires civiles. Cette distribution des tudes, compare celle des cjasses
de l'Universit de France, contient, comme on le voit, des diffrences notables : l'tude des langues anciennes est comprise dans
un espace de cinq ou, la rigueur, de six annes, au lieu de sept
et mme de huit annes employes au mme objet dans nos Collges ; secondement, partir de la philosophie, l'tude lmentaire des sciences est concentre en deux annes pleines, au lieu
d'tre intercale' dans le cours des lettres anciennes, partir de
la quatrime classe.
Quant la force des tudes, les lves dans les classes d'humanit peuvent soutenir la comparaison avec ceux de nos Collges pour le latin ; mais il n'en est pas de mme pour la langue
grecque. La seule langue moderne qui y soit enseigne est la langue franaise ; car la France, selon la pittoresque expression
d'un rvrend Pre du Collge de Salerne, est la seconde patrie
de tout k monde. A la rhtorique est joint un.cours d'archologie et d'architecture grecque et romaine. Quant aux cours
CHAP. VIII.
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
4"29
430
CHAP. VIII.
HISTOIRE
el 50.
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
431
Que les pouvoirs publics sont pour les peuples et non les
peuples pour les pouvoirs publics ;
nohlesse, toute dignit, tout emploi, la simple qua Que toute
lit de citoyen obligent se dvouer par tous les sacrifices, celui
mme de la fortune et du sang, au bien de la patrie ;
Que les trahisons et les tyrannies sont des crimes conlre
en France.
Nous avons voulu faire comprendre cette chre France,
que sur son sol tout genou ne flchit point, que toute bouche
ne se tait point encore devant les hardiesses de la rouerie ;
lche et facile ne doit point, ses yeux,
Que la calomnie
prvaloir contre la vrit.
Nous avons voulu qu'elle st que cette ducation calomnie
432
HISTOIRE
attendons sans crainte le
maintenant,
Quant
nous
nous,
jugement du pays ; lui-mme il dira s'il est juste, s'il est sage,
s'il est franais, de jeter l'insulte djeunes hommes nourris de
pareilles leons, et que la chambre, les conseils lus, le sacerdoce, la magistrature, l'arme, le barreau, la presse, toutes les
professions librales, l'agriculture, l'industrie, le commerce,
voient chaque jour offrant leur sang, leurs veilles et leurs travaux pour la gloire et la prosprit de la France.
Devant cette protestation, M. Thiers se tut, car il avait derrire lui un pass de deux sicles et demi qui, comme la gnration nouvelle, pouvait dire si les Jsuites tiennent cole de
lchet, de trahison, de mpris des lois ou des serments.
M. Thiers, il faut en convenir, n'est pas le premier qui donna un
corps cette imposture. Avant lui Carlo Botla, dans son Histoire
d'Italie, avait pouss l'incrimination plus loin que l'historien de
la Rvolution. Selon Botta, dont un prtre, rfugi pimontais,
Vincent Gioberti, reproduisit les paroles dans son introduction
del Primato morale e civile degl' Italiani, les Jsuites ne sont
plus seulement criminels pour touffer dans l'me de la jeunesse
tout amour de la patrie; Botta et Gioberti leur reprochent d'absorber au profit del Compagnie la respectueuse tendresse que
les fils doivent leurs parents.
L'empire que les Jsuites usurpaient sur la volont, ainsi
s'exprime Bottai, tait plein de dangers, parce que leur premire
pense, et ils la mettaient excution, tait d'arracher du coeur
des jeunes gens l'amour de la famille. Les Jsuites agissaient
ainsi pour que leurs disciples fussent plus dvous en tout euxmmes et la Compagnie. Les enfants de la vieille Rome s'criaient : Patrie! patrie! et, prpars ce dvouement, ils faisaient passer la patrie avant leur famille. Les lves des Jsuites
disent au contraire : Les Jsuites! les Jsuites! et au besoin, ils
prfrent leurs matres leurs pres. Parmi ces gnrations, les
unes tendaient l'honneur et la libert, les autres allaient
l'abjection et la servitude.
Botta et Gioberti, son enthousiaste commentateur 2, peuvent
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'
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VI.
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HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
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436
,CHAl\..-yilI. HISTOIRE..
437
1840).
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CHAP. VIII,
HISTOIRE
chologie, s'lve au plus haut rang des philologues et des antiquaires. Les recherches d'Ennius^-Quirinus Visconti sur les muses Pk>Clementino et Cbiaramonti, sont clbres. Grgoire XVI,
en dsignant le Pre Secchi pour la publication du Muse
trusque, semble par ce choix seul mettre hors de ligne le Jsuite. Dans sa critique, la force est toujours unie la modration et plus d'une fois cette impartialit a procur l'crivain la
,
gloire si rare devoir ceux dont il avait jug les ouvrages reconnatre eux-mmes la justice de ses censures. Aprs Bosio, Daringho, Bottari et Boldetti, on croyait qu'il n'tait plus possible
de recueillir quelques faits importants sur les antiquits de Rome.
La Roma sotterranea, du Pre Marchi, dmontra le contraire.
Arthur Martin et Charles Cahier dans leurs Mlanges archologiques, et dans la Monographie des vitraux de la Cathdrale
de Bourges, nous initient aux secrets des vieilles poques. En
expliquant les peintures du moyen ge, Cahier, au dire des savants, fonde une nouvelle science; il rpand de vives lumires
dans la patrologie et la patristique, l'histoire des oeuvres et de la
doctrine des Saints Pres. Artigas tudie les langues orientales;
il dchiffre les inscriptions arabes dont l'Espagne est couverte.
Suivant les pas de James Adams qui, aprs la suppression de
L'Institut, consacra ses loisirs la littrature, Charles Plowden
publie ses lettres de Clericus Laicus. Il est polmiste comme
Kohlman, Arrilaga, Franois Pellico, Curci, Deschamps et
Cahour. Les occupations si multiplies des enfants de saint Ignace
semblent s'opposer cette multitude de travaux intellectuels.
Bresciani, dont la pense est si ingnieuse et le stylesi plein
d'lgance, runit dans ses Prose scelle le prcepte l'exemple. '
D'autres, comme le Pre Wiere, crent des muses et des cabinets, d'histoire naturelle ; ils franchissent les plus hautes montagnes pour se livrer des observations hypsomtriques, ou,
comme les Pres Bosch, Garcia, Carminati, Markijanowicz, Sauri,
En 1841-42-43-M, dcouverte d'un grand nombre d'toiles nouvelles.
Le 23 aot 1844, dcouverte d'une nouvelle comte 'appele la Comte priodique du Collge-Romain(Comptes-rendus, t. xrx, u 10, p. 48*).
Le 25 fvrier 1845, dcouverte d'une autre nouvelle comte de priode inconnue
(Comptes-rendus,1845, mars).
Le 9 juillet 1845, dcouverte de la comble d'Enckc son retour au prilie dans
celle anne (Comples-rcndus, t. xxi, n 5, p. 323).
DE LA COMPAGNIE DE JESUS.
439
Gury, Freudenfeld, Loriquet, Gil, Latini, ils sont rudits, philologues, potes, biographes-ou matres dans l'art d'lever la jeunesse. Les Jsuites, et c'est M. Libri lui-mme qui le confesse >, les Jsuites ont des professeurs pris dans toutes les
sommits de la science, et l'on rencontre parmi ces Pres des
hommes fort instruits. Ce sont en gnral des hommes de bonne
compagnie.
En prsence de tous ces ouvrages, qui, pour les enfants de
Loyola, ne doivent tre qu'un soin secondaire, on s'tonne dj
de la grandeur des oeuvres entreprises et ralises. Il n'y a que
peu d'annes que l'Institut a recouvr l'existence : il a t agit
au dedans et au dehors ; il s'est vu le point de mire de toutes les
attaques, et nanmoins il a march dans sa force vers de nouvelles destines. On condamnait l'impuissance la Compagnie de
Jsus; on l'environnait de haines et de dfiances; on s'efforait
de l'touffer en la montrant aux nations comme l'ennemie de
leurs droits, de leurs lumires et de leur bonheur. Pendant ce
temps, son sein se dilatait pour recevoir les hommes de tout
rang qu'une sainte vocation appelait aux luttes de l'esprit, aux
combats pour la Foi.
La Socit de Jsus, honore par les Pontifes, estime par
les peuples, et devenue la conseillre des rois, avait vu jadis les
hritiers des plus nobles familles de l'Europe se vouer son
service. Cette passion de l'humilit pouvait alors s'expliquer. Le
monde disait qu'un grand de la terre se faisait Jsuite pour dominer par la prire, tandis que ses parents gouvernaient les
provinces, commandaient les armes ou rendaient la justice au
nom du souverain. Maintenant cette hypothse elle-mme n'est
plus qu'une impossibilit. De ses richesses, de sa puissance d'autrefois, la Socit de Jsus n'a gard que son zle toujours actif,
que ses vertus et ses talents. Dans les conditions que la loi lui
trace, elle n'est pas moins fconde que par le pass. Elle n'a
plus d'influence exercer sur les choses de la terre ; elle se renferme dans son action sacerdotale, et pourtant elle voque encore de grands noms ; elle fait natre de ces sacrifices dont les
hommes ne veulent pas comprendre l'hrosme.
>
440
CHAP. VIII.
HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
441
Missions, M. de La Mennais.
IV. Les Jsuites et l'enseignement en France.
Gnralat de Roothaan.
VI. Missions trangres.
Belgique, en Suisse
VII. Les Jsuites depuis 1830 en
et en France.
Les Jsuites et l'ducation publique ; leurs ou Y11I.
vrages.
51
99
J52
214
271
326
406
TABLE ALPHABTIQUE
DES MATIRES CONTENUES DANS LES SIX VOLUMES DE L'HISTOIRE
DE LA COMPAGNIE DE JSUS.
A.
'
ADYSSINIE
(Jsuites en)
I. 394 ;
v. 14.
AORES (Jsuites aux): n. 55, 76.
ACOSTA : quatre frres de ce nom,
Jsuites, m. 3.
ACOSTA ( le P. Joseph ), ami de
Philippe II, favorise les perturbateurs de l'Ordre, m. 3. Naturaliste iv. 280.
,
ADAM (le P. Jean) est appel Sedan par le marchal Fabert, iv. 304.
AROSTATS invents par le Pre
de Gusma et par le Pre Lana-Ter-
n.
421 ;
deux Jsuites, vole les Pres de Paris ; son procs, vi. 382.
AGRICOLA (Etienne), disciple et
ami de Mlanchthon , est converti
par Canisius, i. 37t.
AIGUILLON (le duc d'), ministre
de Louis XV, poursuit l'oeuvre de
Choiseul, v. 289.
ALBE (don Alvars de Tolde, duc
d'), gouverneur des Pays-Bas, n.
104 ; ses cruauts, H. 106.
ALBRONI (le cardinal), minisire
de Philippe V d'Espagne ; ses intrigues, v. 434.
ALBERT, due de Bavire, et les
Jsuites, i. 265 ; n. 32, 42.
ALEMBERT (d') et lessuccs des
premiers Jsuites en France, i. 355;
son jugement sur Aquaviva, m.
.
143; sur les Jansnistes et les Jsuites, iv. 28; ses lettres Voltaire
sur la destruction de l'Ordre, v.
217; ses lettres au roi de Prusse
sur Pelecliou' de Ganganelli, 280 ;
il perscute Boscovich, 373; ses
plainles Frdric II. qui conserve
es Jsuites dans ses Etats, '388.
ALEXANDRE Vil, Pape, flicite la
Rpublique de Venise d'avoir rappel les Jsuites, m. 407; ses difficults avec Louis XIV, v. 299.
ALEXANDRE 1er, empereur de Russie, visite les Pres Polotsk et envoie des Jsuites aux colonies du
Volga, v. 421 ; il leur ouvre la Sibrie, vi. 3 ; il rige en Universit leur
Collge de Polotk, 9; son caraclre : il autorise la socit biblique,
10; il exile les Jsuites de SaintPtersbourg ; causes secrtes de ses
mnagements leur gard , 17 ; il
les bannit de tous ses Etats, 26.
Est-il mort catholique? hi.
ALFANI, juge inique dans la cause
des Jsuites supprims Rome,
v. 293, 320.
ALLEMAGNE (Jsuiles en) : i. 134
264, 371 ; il. 31 , 143, 280, 302;,
m. 138, 301; v. 370. V. Autriche.
ALLEN (William), docteur, puis
cardinal, fonde le Collge anglais do
Douai, transfr ensuite Reims ;
sa lettre au Gnral de la Compagnie, n. 202 ; son apologie, 206 ; sa
lettre sur la persvrance, 241.
ALMIDA (le P. Louis d') au Japon, i. 387 ; n. 133. Quel ngoce il
y a l'ait, 384 ; sa mort, 394.
444
TABLE ALPHABETIQUE
(le Pre Franois), confesseur de Louis XIV, iv. 58 ; il attaque l'auteur des Provinciales, 48 ;
il se porte mdiateur entre le Pape
et le roi au sujet de la garde corse ,
299; sa mort, 312.
ANTQURA (don Joseph do) se
rvolte au Paraguay contre le gouvernement; il' est condamn
mort, v. 80.
ANTILLES (Jsuites aux) : m. 224;
v. 103, 190.
ANTONELLI (le cardinal Lonard)
donne son opinion crite sur la validit du bref de suppression des
Jsuites, v. 316.
AMSTATS (Jsuiles) : m. 362.
AQUAVIVA (Claude) entre dans la
Compagnie, n. 15; il est lu Gnral ; son portrait, 185; son dbut
ANNAT
VI. 438.
P. Basile), membre
du Snat de la Rpublique mexicaine, vi. 303.
ARMAND(le P. Ignace), Provincial,
se prsente Metz, devant Henri IV,
et justifie sa Compagnie, m. 31 ;
son discours au roi Villers-Cotterels, 48; il va dposer La Flche le coeur du monarque lgu
son Ordre, 124.
ARNAULD (Antoine), avocat au
Parlement de Paris, plaide contre
les Jsuiles, n. 368; ses tours d'adresse et de mauvaise foi, v. 7.
AUNAULU (Anglique et Agns),
ARRILLAGA (le
445
DES MATIERES.
Religieuses de Port-Royal; v. 7
et 8 ; leurs trois nices, 61 ; ce que
l'une d'elles prouva la vue d'un
Jsuite, 62.
ARNAULD (Antoine), docleur de
Sorbonne, le Judas Machabe du
Jansnisme, iv. 21. Dans son Apologie pour les Catholiques il jus,
tifie les Jsuites anglais, m.
99;
lv. 128. Ce qu'il a vu dans YImago
primi soeculi, ui. 381; son livre
de la frquente communion el s>'S
attaques conlre l'Ordre, iv. 22; il
provoque la premire Provinciale,
38 ; il ne veut pas d'une paix mnage par les Jsuiles, 61; paix de
Clment IX 63 ; il publie la Per, Foi,
ptuit'de la
67; il attaque
le pch philosophique, 371; il
meurt Malincs, 376.
ARNAULD.(ls) : leurs accommodements de conscience, iv. 7, 13, 26,
37. Arnauld d'Andilly renie le Jansnisme, 49.
ARNOUX (le Pre), confesseur de
Louis XIII, prche au roi la tolrance eu faveur des Protestants et
l'engage se rconcilier avec sa
mre, m. 335; il dispose le duc de
Montmorency mourir de la main
du bourreau 351.
,
AROWSSUTII (le P. Edmond), missionnaire et martyr en Angleterre,
m. 389.
ARTICLES (les quatre) de l'Eglise
gallicane, v. 327; les Jsuites y
adhrent sous Louis XV, v. 211.
ASCTES (Jsuites) : v. 243 ; v.
378.
ASSEMBLE (f) Conslituante de
1789 fltrit la destruction des Jsuites en France, v. 360. Y. Cierge.
ASTRONOMES (Jsuites) : iv. 281 ;
V. 373; VI. 487.
AUBETEIIRE (le marquis d'), ambassadeur do Louis XV Rome,
menace Clment Xlll au nom de
Choiseul, v. 257 ; ses intrigues au
Conclave aprs la mort de ce Pontife 208.
,
AUGER (le P. Emond) tablit des
Collges dans la ' France mridionale et combat les Calvinistes, i.
330 ; il tombe entre les mains des
.
Huguenots, 359; son dvouement
pendant la peste de Lyon 361 ; il
, Calvifait avorter un complot des
nistes contre Lyon, en drangeant
toutes les horloges de la ville, n.
jeune catholique anglais, mis , mort pour avoir travaill la dlivrance de MarieBARINGTON
Stuart, n. 249.
BABINGTON : Y. Macaulay.
BACON (le chancelier) loue les
J-
446-
TABLE ALPHABETIQUE
DES MATIERES.
447
448
TABLE ALPHABTIQUE
DES MATIERES.
CANADA
207 ; v. 106.
de saint Ignace et
de saint Franois Xavier, m. 377.
CANOVA et la statue de Clment Xlll, v 257.
CAPDEVILLE corsaire calviniste,
,
massacre des Jsuites qui se rendent au Brsil, n. 116.
CAPEFIGUE historien, calomnie
,
la Congrgation,
vi. 149.
CARACCIOLI dans sa Vie de Cl,
ment XIV, attribue
au P. Ricci un
mot fameux qu'il n'a jamais prononc, v. 321.
CARAFFA (Vincent), 7e Gnral
de la Compagnie de Jsus, m. 384.
CARRONARI (les) en Italie, vi. 229.
CARDENAS (don Bernardin de),
Evque de l'Assomption, adversaire
des Jsuites, ni. 266.
CARDINAUX Jsuites : Tolet, n.
280 ; Bellarmin m. 9; Pazmany,
302; de Lugo, , 386; Nilhard, iv.
113; Pallavicini, 247 ; Salerno, Tolomei et Cinfuegos, 360.
CARLOS (don), frre de Ferdinand Vil, protge les Jsuites dans
les provinces basques, vi. 258.
CARN (Louis de), crivain catholique blme les Jsuiles , vi. 135 ;
,
il porte
un jugement erron sur la
Congrgation, 143.
CANONISATION
(le P. John) fait reconnatre la libert des cultes auxEtats-TJnis : sa lettre au P.Grnber,
vi. 276 ; il fonde le Collge de Georgetown, 182; il meurt archevque
de Baltimore, 2S3.
CASIMIR (Jean) devient roi de Po.
logne
aprs avoir t Jsuite el cardinal, iv. 115.
CASTRO (le P. Alphonse de) martyr, i. 386.
" CATESBY (sir Robert), principal
auteur de la conspiration des.poudres en Angleterre, m. 64 ; il rvle
le complot en se confessant au Pre
Texmund, 74 ; il pril, en combattant , avec plusieurs de ses compli- '
ces, 80.
.
CATHERINE de Mdicis, rgente de
France, i. 322, 327; elle reunit la
cour et le haut Clerg au Colloque
de Poissy, 333 ; un discours de Layns la dtermine se retirer avec
la cour, 341 ; ses mnagements envers les Calvinistes, n. 77; son
rle dans la Saint-Barthlmy, 96.
CATHERINE II, impratrice de
Russie, conserve les Jsuites dans
ses Etats aprs la suppression de
l'Ordre, v. 392; elle leur obtient
du Pape la facult de demeurer m
statuquo, 395; elle leur fait ouvrir
un Noviciat, 396 ; elle rend compte
au Pape des motifs de cette conduite, 400 ; sa visite Pololsk, elle
autorise les Pres nommer un
Vicaire-Gnral perptuel, 403; elle
envoie Rome Benislawski avec
une lettre autographe au Pape, 408;
sa mort, 412.
CAULET, Evque de Pamiers et
Jansniste, en appelle au Pape dans
l'affaire del Rgale, iv. 319.
CAUSSIN (le P. Nicolas), confesseur de Louis XIII : Richelieu le
fait exiler cause de sa fermet,
m. 352.
CCILL (William), ministre intrigant d'Elisabeth, n. .194 ; sa politique, 218; son ouvrage intitul
Justitia Britannica, 240 ; ses complots, 244.
CCILL (Robert), fils du prcdent
et ministre de Jacques 1" : sa politique dans la conspiration des poudres, m. 61; confiscations et amendes qu'il provoque, 99.
CLBES (Jsuites j, i. 387.
CENTURIONE (Louis), dix-seplime
CAROLL
29
450
TABLE ALPHABETIQUE
DES MATIERES.
451
452
TABLE ALPHABETIQUE
453
DES MATIERES.
des poudres en
Angleterre, m. 6i; de Guillaume
d'Orange contre Jacques H, v. 151;
des Jsuites, dnonce par Luzancy
et TitusOates 129, 131.
CONSPIRATION dite
,
CONSTITUTIONNEL.
V. Journaux li-
braux.
de la Compagnie
de Jsus : leur plan leur but, etc.,
i. 51; Paul IV veut, les modifier,
298; Pie V reprend le projet de
Paul IV, n. 21; des Jsuiles espagnols en demandent la rforme,
266 ; m. 2 ; Sixte V entre dans
quelques-unes de leurs ides, n.
267; la cinquime Congrgation Gnrale maintient les Constitutions
et condamne les perturbateurs,
m. 6; dveloppement de la quatrime partie, qui traite des tudes,
iv. 159; elles tablissent la nonsolidarit des maisons de l'Ordre,
v. 195;-nouvelledition des Constitutions, publie Paris par les
ennemis des Jsuites, v. 368.
CONTRE-RFORMEtablie en Allemagne par les Jsuiles, n. 281 ; ses
succs, 301. '
CONTROVERSISTES (Jsuites), v.
224.
CORBY (le P. Rodolphe), martyr
en Angleterre, m. 391.
CORDOUE (don Antoine de), recleur de l'Universit de Salamanque,
entre dans la Compagnie, i. 239;
il fait supprimer le titre honorifique
don, il. 46.
CORNET (Nicolas), docteur de Sorbonne, rsume les erreurs de Jansnius et les dnonce, iv. 30.
CORPS-FRANCS (les) envahissent
le territoire de Lucerne : ils sont
repousss, v. 337.
CORRA (le P. Pierre), de la famille royale de Portugal, entre dans
la Compagnie au Brsil, i. 391 ; il
est massacr par les Cariges, 393.
CORRA (le P. Gaspar), prchant
devant le due de Bragance, lui
annonce la restauration du Portugal m. 290.
,
CORSE (Jsuites en), i. 264; ni.
CONSTITUTIONS
-.
454
TABLE ALPHABETIQUE
D.
...
CREITON
237,251.
374.
DARU (le
du Portugal, v. 102 ;
de l'Espagne, 107.
DCOUVERTES dues aux Jsuiles
,
284.
iv.
.
commande
DLATION : est-elle
chez les Jsuites, i. 74.
DELLA GENGA. Voyez Lon XII.
DELPINI (le P.), missionnaire en
Hongrie, et Marie - Thrse , v
DCADENCE
historien de l'Universit, blme Fallianco des Universitaires avec les Protestants contre la
Compagnie, n. 81; il loue le Pre
Maldonat, 94.
CRIME (Jsuites dans la), v. 10;
CRIMINAL (le P. Antoine), compagnon de Xvier.i. 178 ; il est le premier martyr de la Compagnie', 194.
CROLLALANZA (le Pre) Soleure :
inscription mise au bas de sa statue, v, 347.
CROMWEL (Olivier), Protecteur
d'Angleterre, opprime l'Irlande, m,
397; sa mort, iv, 121.
CZERNIEWICZ (le P. Stanislas), recteur du Collge de Polotsk, demande
Catherine II la facult d'obir au
bref de suppression, v, 394 ; Pie VI
l'encourage tacitement, 390; il obtient l'autorisation d'riger un Noviciat, 397; il est lu Vicaire Gnral perptuel, 405; sa mort, 409.
CRVIER,
DELPCITS
DES MATIERES.
455
456
TABLE ALPHABETIQUE
DES' MATIRES.
et 164.
457
m. 105.
458
TABLE ALPHABETIQUE
(la) dfend
les Jsuites v. 177; elle les accuse
,
d'avoir abandonn
la cause de
Charles X pour pouser celle de
Louis-Philippe, 363.
GNRAUX (les) de la Compagnie
de Jsus apprcis, m. 372; v. 90.
GOGRAPHES (Jsuites), iv. 271 ;
v. 44..
GOMTRES.(Jsuites),iv. 274 ; v.
374.
GEORGEL, ex-Jsuite, et ss Mmoires, v. 381.
GRARD ( le Pre) impliqu dans
la conspiration des poudres : sa dfense, m. 68.
GERBERON, Bndictin jansniste,
crit contre l'archevque de Reims,
iv. 373; il est arrt Malines, 380;
'il sort de Vincennes, 390. '
G.
GERBILLON (lePre), ambassadeur
GAGLIARDI (le Pre) accompagne, de Chine en Russie, v. 42 ; sa mort,
saint Charles Borrome dans ses 50.
visites pastorales, n. 182.
GERLACHE (le baron de) et l'oppoGALILE condamn par l'Inquisi- sition beige sous Guillaume de Nastion, n. 307; m. 374.
sau, v. 83.
. de), vieux MisGALITZIN ( le prince Alexandre),
GIBEAUM (le Pre
ministre de l'empereur de Russie sionnaire dans l'Indostan : sa chalui conseille la lecture de la Bibh , rit, v 353.
et protge la Socit biblique, v.,
GIL (le Pre), charg du Collge
11 ; la conversion de son neveu militaire de Sgovie, v. 252 ; on le
l'irrit contre la Compagnie, 14; dit en faveur auprs de don Carlos,
moyens qu'il emploie pour en pro- 259.
GIOBERTI (Vincent) calomnie les
curer la chute, 16 ; il saisit tous
leurs papiers et n'y dcouvre rien Jsuites ; Silvio Pellico rpudie sa
24 ; son rapport prcdant l'ukase, ddicace, v 432.
de bannissement des Jsuiles, 26.
GIRARD (le Pre Grgoire), CordaGALLICIE (Jsuites en), v. 52.
lier ; sa mthode d'enseignement
GALLICANISME(le) et le Concordat primaire, rprouve par son Evque
avec la Rpublique franaise, i. 225. et couronne par l'Acadmie franV. Articles.
aise, v. 90.
GARASSE (leP.Fr.), crivain origiGLOBE (le), journal parisien : son
nal, m. 341 ; son Mmoire la Sor- opinion sur les Jsuites, v. 184;
bonne, 34S; ses ouvrages, iv. 229. M. Duchtel y dfend la libert
GARNETT (le P. Henri) est envoy d'enseignement, 187 ; la comdie de
en Angleterre, n. 241; il y est Pro- quinze ans, 211 ; le P. de Ravignan
vincial lors de la conspiration des et la Communion pascale Notrepoudres, ni. 66 ; on la lui fait con- Dame, 272.
natre sous le secret de la confes- GODINOT (le P. Nicolas ), Provinsion 74 ; son arrestation et son cial en Suisse v. 90 ; en France
,
,
,
l'abb
La
procs,
de
85 ; son supplice, 95.
correspondance
avec
sa
GARNETT ( le P. Thomas ),
neveu Mennais , 129 ; rgle de conduite
du prcdent: son martyre, m. 102. qu'il trace ses subordonns,-163 ;
GAUBIL (le Pre) et les enfants ex- il ferme les huit petits Sminaires
poss en Chine, v. 59 ; ses travaux de la Compagnie en France, 209.
scientifiques, 61.
GONDI (le card. Pierre de), Evr
GAZETTE DE FRANCE
-,
DES, MATIERES.
Pre), Missionnaire
au Paraguay, m. 239 ; son martyre,
255.
GONZALVSde Camra (le P. Louis)
prcepteur de don Sbastien, roi de
Portugal, i. 307 ; n. 57 .; sa lettre
Borgia, n. 63 ; sa lettre au cardinal
Rusticucci, 66; sa lettre au roi et sa
mort, 69.
GORDON (le Pre), Missionnaire en
Ecosse, n.. 238, 251.
GOTTELAND (le Pre), Missionnaire
en Chine, v. 31S.
GOTTIFREDI (Alexandre), neuvime Gnral de la Compagnie de Jsus, ni. 386.
GOUDRAN (le prsident de) fonde
Dijon un Collge de la Compagnie
de Jsus, n. 175.
GOVA (le P. Franois) chez le roi
d'Angola, i. 400.
GOVILLE ( le P. de), Missionnaire
en Chine, v. 44.
GRACCHI (le P. Barlhlemv) et la
famille rovale de Saxe, v. 92.
GRAMMAIRES et lexiques dans tous
les idiomes composs par les Jsuites, iv. 187.
GONZALEZ (le
459
460
TABLE ALPHABETIQUE
GUILLAUME DE NASSAU
des,
prince
d'Orange, et la guerre
Gueux,,
en Belgique, H. 100, 148; il est assassin, 310.
GUILLAUME Ier, roi des Pays-Bas:
ses instincts monarchiques et ses
amitis rvolutionnaires, v. 77 ;
il perscute l'Evque de Gand et les
Jsuites, 78; il gouverne despotiquement, 79 ; rvolution en Belgique, les Jsuites rentrent 85.
,
GUILLAUME II, roi des Pays-Bas
laisse les Jsuites fonder des Coll-,
ges dans ses Etals, v. 329.
GUINE (Jsuites en), n. 420, m.
187; v. 105.
Guis (Ambroise) et son hritage
,
v. 172.
GUISE (Charles de), cardinal de
Lorraine, protecteur des Jsuites
,
i. 251.
GUISE (le duc de) bat les Huguenots Dreux ; il est assassin i.
,
360.
DES MATIERES.
I.
sa conversion, i. 16 ; son livre des Exercices, 18; ses tudes, 22; ses premiers compagnons, 25 ; sa vision
la Storta, 29; il s'offre au Pape, 37;
il fonde une socil religieuse, 41 ;
il est lu Gnral de la Compagnie,
son portrait, 49 ; ses instructions
aux lgats, en Irlande, 113 ; son
gouvernement, 150; ses fondations
Rome, 153 ; ses instructions aux
thologiens du Concile de Trente,
124.
HENRI, duc de Bordeaux, lev, 206; sa leltre Ferdinand, roi des
pendant quatre mois, par deux J- Romains, 228 ; sa leltre Franois
suites vi. 344-351 ; sa visite au Col- de Borgia, 240 ; il envoie des Mis,
lge d'Oscott,
sionnaires en Corse, 263; ses rela379.
HENRY : histoire d'un prtendu. tions avec les princes, 270; il crit
Pre de ce nom qui aurait t brl l'arme de Charles-Quintqui part
Anvers, v. 171.
pour l'Afrique, 270 ; son agonie et
HENRY (le P. Gilles) au Caucase : sa mort, 274; Ignace, fondateur du
Collge Romain et du Collge Gersa correspondance, v. 3S.
HERNANDEZ (Jacques), Jsuite es- manique, 275; sa canonisation m.
pagnol, en rvolte conlre l'Institut, 377 ; son plan d'ducation, iv. ,159.
ILLIRICUS (Flaccus) et les Centun. 266.
HILDEGARDE (sainte) : sa prten- riateurs de Magdebourg, n. 39.
due prophtie contre les Jsuites,
IMAGO PRIMI S^CULI, ouvrage compos en Flandre pour l'anne scul. 156.
HISTOIRE de la Compagnie crite laire, m. 380.
INDES orientales (Jsuites aux), i.
par des Jsuites , iv. 260.
HISTORIENS (Jsuites), iv. 261 ; v. 1G5, 385; m. 195; v. 20; VI. 308.
INDOSTAN ( Jsuites dans 1' ), m.
379.
HOOCKER (le Pre) chez les Po- 195; v. 309.
INNOCENT X, Pape : sa dclaration
towatomies, v. 294.
HOFFE (le P. Paul), Provincial, relativement la prtendue bulle
462
TABLE ALPHABETIQUE
101 ;
ses dernires
d'a-
et sa rtractation, m. 363.
JAPON (Jsuites au), i. 186,387;
il 131, 380; in. 146.
JEAN-FRANOIS RGIS (saint); ses
missions, ses vertus, sa mort, ni.
401.
J.
III, roi de Sude; son caractre, ses discussions thologiques, n, 153; il fait prir son frre,
158; son abjuration, 160; conditions inadmissibles (In retour de la
SuJe l'unit catholique, 162; il
retourne au Luthranisme, 169.
JEAN III, roi de Portugal, . 133,
156, 160; ses relations avec Franois Xavier, 1G2, 176, 195.
JEAN IV, roi de Portugal, d'abord
duede Bragance, monte sur le trne,
d'Ecosse, i, 115.
d'Ecosse ds le
berceau n. 237 ; le meurtre de
,
Marie Stuai
t, sa mre, ne le soustrait que pour un temps l'influence d'Elisabeth, 251; soulvement
des Catholiques d'Ecosse, 252 ; il
succde Elisabeth sous le nom de
Jacques 1", et devient perscuteur,
JACQUES V roi
,
JACQUES VI, roi
JEAN
m, 292.
JEAN V,
W:
463
DES MATIERES.
JSUITES : n'ont pas
SUISSE.
Corps-Francs.
Radicaux,
V.
P.'Eudmon) Paris,
m, 341; controversiste, v. 227.
JOGUES (le Pre), martyr chez les
Iroquois, m. 214.
JOSEPH I", roi de Portugal, v. 123;
sa faiblesse, 124; attentat sa vie
et supplices qui s'ensuivent, 150;
son manifeste aux Evques portugais, 156.
JOSEPH Ier, empereur d'Allemagne, iv. 359.
JOSEPH H empereur d'Allema,
gne, au Conclave, v. 273; il dcide
sa mre consentir la suppression de la Compagnie de Jsus, il
s'en approprie les biens, 291; dans
sa visite Catherine II, il se fait
accompagner d'un ancien Jsuite,
402; il scularise les moines, 409.
JOURNAL DES DBATS (le) fait sa
fortune sous Napolon par les feuilletons de l'ex-Jsuite Geoffroy, v.
379; ce qu'il dit du Pre Beauregard, 357 ; il constate et commente
la joie des Napolitains lors du rtablissement de la Compagnie
Naples, 425; ce qu'il dit de Napolon aprs sa chute, v. 158; ses variations l'gard des Jsuites, 358 ;
il annonce qu'il n'y a plus de Jsuites en France, 408.
JOURNAUX LIBRAUX : leurs calomnies contre la Congrgation, vu
146; conlre Sairit-Acheul et les Jsuites, 164; contre Montrouge, 171;
tactique des journaux : systme,
d'imposture continue, 143, 165.
JOUVENCY (le Pre) son manuscrit sur le livre des Exercices, 1.19;
il crit l'histoire de la Compagnie,
JOANNS (le
464
TABLE ALPHABETIQUE
395.
JURISCONSULTES (JSUITES). V.
Ca-
K.
(Engelbert), auteur
protestant, crit l'histoire du Japon, in. 159, 165.
KANG-HI, empereur de la Chipe,
m. 182; il vit dans l'intimit des
KAEMPFER
Jsuites, v. 43 ; il dfend aux Missionnaires de proscrire les crmonies chinoises, 53 ; sa mort, 58.
KAREU ( le P. Xavier ) nomm
Vicaire-Gnral de la Compagnie
en Russie, v. 412 ; il meurt aprs
avoir reu le bref de rtablissement
de l'Ordre en Russie, 421.
KAULEN (le P. Laurent) crit au
Provincial du Bas-Rhin le rcit de
sa captivit Lisbonne sous Pombal, v. 166.
KELLER (lePre), confesseur de
Mximlien de Bavire, publie des
opuscules contre Richelieu, m. 340.
KENNEY (le Pre) relve la Compagnie en Irlande, et y cre le Collge de Clongowes, v. 72.
KIRCHER (le P. Athanase) et ses
travaux, iv. 192, 277.
KOHLMAN (le Pre) fait respecter
le secret de la confession aux EtatsUnis, v. 182.
L.
LA'BBE (le P. Philippe) et les collecteurs des Conciles, iv. 238.
LA CHAISE (leP. Franoisde), confesseur de Louis XIV, iv. 313; sa
correspondance avec le secrtaire de
la duchesse d'Yorck, 13'i;il dtache le roi de madame de Montespan , 317; sa correspondance avec
le Gnral dans l'affaire de la Rgale, 331; il s'oppose au mariage
du roi avec madame deMaintenon,
341 ; sa conduite au sujet de la
rvocation de l'dit de Nantes
343; il soutient Fnelondans l'af-,
faire des Maximes des saints, 375;.
sa mort, 384.
LA CHALOTAIS (Caradeuc de) et son
compte rendu, v. 218.
LA FAYETTE (mademoiselle de),
favorite de Louis XIII, aide le P.
Caussin rconcilier le roi avec la
reine, puis se retire du monde, m.
354.
LAFITAU (le Pre), ami de Philippe
d'Orlans, sort de la Compagnie; il
est nomm Evque de Sisteron,iv.
424 ; il crit l'histoire de la bulle
Unigenitus, 427.
LA GARDIE (Pontus de), ambassadeur de Sude Rome, n. 157.
LALANDE (Franois de), clbre astronome regrette les Jsuites, v.
,
217; sa visite
Clment* XIII, v.
146; son tmoignage sur les PP.
Boscovich et Hell, 373, 374.
LALLEMANT (le P. Gabriel), martyr
chez les lroquois, m. 216.
LA MARCHE (le P. J. Franois de),
Visiteur la Martinique, condamne
le P. Lavalette, v. 198; auteur de
la Foi justifie de tout reproche,
376.
LAMBERT (le Pre) tablit la Mission des Maronites, m. 222.
LAMBRUSCHINI ( Louis ), Nonce
Paris, puis cardinal, conseille
Charles X de faire donner aux Jsuites une existence lgale, v. 179 ;
ses conseils au roi aprs la publication des ordonnances contre les
petits Sminaires, 191 ; sa note au
cardinal Bernetti, 198; sa conduite
dans la ngociation Rossi, 399, 404.
LA MENNAIS (l'abb Flicit de),
met en parallle les Missions catholiques et les missions protestantes,
II. 132; ses rflexions sur la deslruc-
DES MATIRES.
..
,465
466
TABLE ALPHABETIQUE
d'Etat, 414.
Journaux libraux.
LIBERT religieuse en
v. 62.
LIBERTS gallicanes
Angleterre,
et rvolution-
naires, v. 334.
"
~
biliste, iv. 55; sa canonisation, v
228.
de), cra-
teur de l'loquencesacre'enFrance,
iv. 257.
Sfi
DS MATIERES.
4M
468
MARAGNON
v. 89,131,
TABLE ALPHABETIQUE
157.
469,
OES MATIERES.
182.
METTERNICH
MINRALOGISTES
280.
(Jsuiles), iv.
123.
d'Orient, v. 2; jusqu'
quel point les Missions - Etrangres sont propres la Compagnie,
VI. 272.
MODNE (Jsuites ), 1.119; vi. 45.
MOGOL (Jsuites au), n. 417; v.
MISSIONS
24
>
MOLIMSTES (les)
et les Thomistes,
m. 12.
aux), i. 179,
181 ; II. 129, 420.
MONCLAR ( Riperl de) et son
compte rendu dans l'affaire des JMOLJQUES (Jsuiles
suites, v. 218.
.
MONITA SCRTA;
leur
histoire, m:
298 ; les vritables Monita scrta,
v. 116.
MONOD (le Pre), prisonnier de
Richelieu, m. 349.
MONOMOTAPA (Jsuites au), i. 400.
MONOPOLE UNIVERSITAIRE (le)
143.
la Compagnie, n.
Jsuite de
suite, n. 174.
MONTMORENCY (leconntableAnne
de) est sollicit par les Universitaires de perdre les Jsuites, n. 83.
MONTMORENCY (le duc Henri de),
dcapit sous Richelieu, m. 351.
MONTMORENCY (les Pres Florent
etFranois de) en Belgique, m. 330.
MONTOYA (le P. Antoine Ruiz de)
au Paraguay, ni. 239.
MONTOYA (le Pre Jacques Ruiz de)
s'oppose des impts injustes, m.
284.
MONTROUGE Noviciat des Jsuites
franais sous , la Restauration, v.
168.
MORALE PRATIQUE des Jsuiles,
libelle Jansniste condamn Paris,
iv. 65.
MORALE des Jsuites, iv. 45, 240;
relche, 241 ; est-elle immorale ? v.
372.
MORAVIE (Jsuiles en), m. 303.
MORE (Franois-Xavier aux les
du), i. 180.
MORS (le P. Henri), martyr en
et
470
TABLE ALPHABETIQUE.
du massacre, v. 256.
MuRR(Chrislophede), auteur protestant, recueille l'histoiie des quatre derniers JsuResenibarqus pour
la Chine avant la suppression, v.
335; autres rcits du mme auteur,
355, 356;
Mt'zzARELLi (le P, Alphonse) suit
.
Pie
VII dans sa captivit, v. 376.
N,
(Jsuites ), n. 19 262 ;
,
nu 373; iv. 87, 365; v.254, 423; v.
246.
NAPOLON BONAPARTE, empereur
des Franais : sa correspondance
avec le P. Gruber, v. 415; sa campagne de Moscou et ses entretiens
avec le P. Lange, 428; 6a chute,
v. 16 ; il a voulu envoyer des Jsuites en Perse, 40; haines de la
Restauration contre l'Empereur,
155 ; le P. Loriquet l'a-t-il appel
marquis et lieutenant-gnral de
Louis XVIII? 159.
NAS (Jean), religieux et prdicateur Inspruck ; dclame contre
les Jsuites : son auditoire l'abandonne, n. 144.
NATAL (le Pre) la dite d'Augsbourg, n. 37.
NATIONAL (le) : ses aveux aprs la
Rvolution de juillet, v. 212.
NATURALISTES (Jsuites), v. 374.
NALE (le P. Lonard) meurt archevque de Baltimore, et laisse six
de ses frres dans la Compagnie,
VI. 276, 283.
NCROLOGE jansniste, iv. 414.
NGOCE des Jsuiles au Japon, n.
384; la Nouvelle-Grenade, m.
205; au Paraguay, 243 ; Svtlle, 285; Occultus mercatus Jesuitarum, 327 ; accusation du
Pre Norbert, capucin, puis abb
Platel, v. 137 ; quel ngoce Philippe
V leur permet au Paraguay, v. 139;
commerce du P. de Lavalette la
Martinique, 192.
NAPLES
DES MATIERES.
0.
."
''
OULTREMAN (le P.
AS-
TABLE- ALPHABTIQUE
372, 374; il poursuit les Jsuites, PASSERAT (le Pre), Vicaire-Gnproscrits, m. 24; il est en oppo- ral des Rdemptoristes , sa lettre
sition avec les Parlements des pro- au P. Nisard sur le cholra en Galvinces, 26; ses remontrances licie, v. 57.
Henri IV, 35 ; il finit par obir, 45;
PASSINEI (le cardinal Doftiiniil accuse les Jsuiles du crime de que), adversaire des Jsuites sous
Ravaillac et condamne au feu les Benot XIV, v. 136.
livres deMariana et deSuarez, 125; PAUL 111 approuve le livre des
il condamne diffrents opuscules Exercices spirituels,i. 21;situation
de Jsuites trangers qui attaquent de la cour de Rome et de la CathoRichelieu, 342; H supprime l'His- licit sous son Pontificat, 29 ; sa
toire del Compagnie de Jouvency, bulle d'approbation de l'Institut, 43.
iv. 409 ; il est saisi de la banque- PAUL IV, ancien adversairede la
route de Lavalette; v. 197; il con- Compagnie, veut faire Layns cardamne les Jsuites, et fait examiner dinal, 273; il soumet les Constituleur Institut, 203; ses arrts, 207; tions d'Ignace un nouvel examen,
arrt de proscription de la Com- 296 ; il veut modifier l'Institut ,
pagnie, 223, 230 ; arrt contre les 298; ses neveux sont condamns
Jsuites sculariss en 1777 , 358. mort et assists par des Jsuites,
PARLEMENTS en France : leur ori- 314.
gine, leur autorit, i. 252 ; ceux de PAUL V, prend part aux CongrJirovfhce dans l destruction des gations de Auxiliis, m. 13; il lance
l'interdit contre la Rpublique de
suites, v. 218, 222, 226, 230.
PARME (Jsuiies ), i. 42; m. 4; v. Venise, 107; il approuve l'lection
de Vitelleschi, 144 ; sa mort, 374.
254, 410.
PAUL I",, empereur de Russie ,
PARR (William),auteurd'un complot pour faire accuser les Jsuites prend les Jsuites sous sa protecde haute trahison , se rend lui- tion, v. 412; il favorise l'lection de
mme coupable de ce crime, n. 244. Pie VII, et lui demande aussitt un
PARSONS (le P. Robert), Mission- bref de l'approbation de l'Institut,
naire en Angleterre , u. 207 ; sa 414 : le Pape l'accorde, Paul I" est
lettre sur le martyre du P. Cam- assassin, 417.
pian, 234 ; il envoie des Pres en PAVONE (le Pre) et la CongrgaEcosse, 237 ; il rfute l'ouvrage de tion des prtres, m. 373.
PAZMANY (le P. Pierre), MissionCcill, 240; il rconcilie Philippe 11
naire en Hongrie, puis archevque
avec Aquaviva, 270.
PARHAMER (le Pre) Vienne : ca- et cardinal, m. 302.
lomnies sur son compte ,'v. 291 ; PCH PHILOSOPHIQUE ( doctrine
son hospice d'orphelins militaires, du), condamne Rome, iv. 371.
PEDRO II, infant, rgent, puis
348.
PARRENIN (le P.: Dominique) ar- roi de Portugal, iv. 89, 102.
rive en Chine, v. 44; l'empereur PEDRO ( don ), ex-empereur du
Brsil, s'empare du Portugal, v.
l'affectionne; 51 ; sa mort, 64.
PASCAL crit les Provinciales, iy. 264; il tche d'attirer les Jsuites
dans son parti, 266 ; il les chasse,
39 ; elles sont condamnes, 58.
:
PASQUIER
les
Calvinistes et fonde des Collges en
France, i. 330; sa mort, 361.
PELLICO (Silvio) estime-les Jsuites il rpudie la ddicace du rfugi ,Gioberti, v." 432.
PP ( le P. Corne) rconcilie les
Siciliens de Castro-Nuovo, m. 379.
PP (le P. Franois), orateur des
Lazzaroni, assiste Benot XIV la
mort, v. 34g.
PRFIXE (Hardouin de), arche-
DES MATIERES.
473.
139.
et le Jubil
sculaire, iv. 405 ; rgent de France
aprs la mort de Louis XIV, il s'appuie sur les Jansnistes, 413; il
soutient les Collges des Jsuites,
417 ; il se rapproche d'eux, 424 ; il
fait enregistrer au Parlement la
bulle Unigenitus, 424.
PHILIPPINES (Jsuites aux), v. 23..
PHILOSOPHES (Jsuites),iv. 246; vi,
PHILIPPE D'ORLANS
436.
385.
474
TABLE ALPHABETIQUE
couronne murale et ds remerciements de l'empereur pour sa coopration la dfense de Prague assige' par les Sudois, m. 324.
PIANCHET (le Pre), Missionnaire
Beyrouth, yi, 307.
PLOWDEN (le P. Charles) dirige le
Noviciat en Angleterre v. 65 ; sa
mort, 68; ses crits, 438.,
POINT ( le P. Nicolas ), Missionnaire aux Montagnes-Rocheuses, v.
297.
475
DES MATIERES.
PUSYSME et
terre, v. 69.
Pusystes en AngleQ.
(Hyacinthe de), archevque de Paris, et la Commission d'enqute sur les coles ecclsiastiques,
QULEN
VI; 181.
(Pasquier) succde au
grand Arnauld et publie les Ueflexions morales,iv. 376, 377; il est
arrt Malines et convaincu de
complots 380 ; son livre est con,
bulle Unigenitus; sa
damn parla
rbellion contre ce jugemeut, 410.
QUESNEL (Pierre), historien, compare les Jsuites aux sauterelles, i.
157,159; il mutile un texte de Sacchini pour calomnier le P. Ribra,
378; il tronque un autre texte de
Sacchini pour accuser les Jsuites
d'avarice , n. 107 ; son loquente
tirade contre le commerce et les richesses des Jsuites, m. 286.
QUINDENIA (affaire des) portugais,
iv. 437.
QUINET, professeur au Collge de
QUESNEL
476
TABLE ALPHABETIQUE
DES MATIERES-,
477
TA8LE LPHATIm
SALDANHA
DES MATIERES.
410
480
TABLE ALPHABETIQUE
n. U3.
P. Frdric de ) fait
changer la jurisprudence contre les
sorciers m. 322 ; ses posies allemandes , iv. 293.
,
SPINOLA (le P. Andr) meurt
Naples au service des malades, u.
SPE ( le
259.
P. Charles) au Japon,
n. 403; il est l'historiographe des
martyrs, 415; il est arrt, m.
149; son martyre, 155.
STANISLAS (saint) Koslka est reu
dans la Compagnie par Canisius, et
meurt au Noviciat de Rome, n. 38.
STANLEY (lord) admet les Jsuites
Malte et reoit les remercments
des Maltais vi. 243.
, Pre) prche LouSTRADA (le
vain, i. 144; il accompagne Araoz
en Espagne, 147; sa vieillesse,
n. 46.
STRADA (le P. Famien) : ses crits,
iv. 265.
SUAREZ (le P. Franois), thologien clbre de la Compagnie, m.
131, 141 ; sa mtaphysique, iv. 248.
SUDE (Jsuites en), n. 153, 167 ;
m. 406.
SUFFRN (le P. Jean), confesseur
de Marie de Mdicis; rgente de
France, m. 137; confesseur de
Louis Xlll, 337; sa lettre au Gnral sur la doctrine ultramontaine, 345 ; il accompagne la reinemre dans son exil et meurt
Flessingen, 351.
SUISSE (Jsuites en), n. 146, 309;
v. 86, 330.
SULLY, ministre de Henri IV,
s'oppose aux Jsuiles, m. 32.
SPINOLA (le
SUNDERLAND (lord
Spencer, comte
de), ministre de Jacques 11 d'Angleterre, iv. 144.
SYNODE de Dordrecht, m. 328.
SYRIE (Jsuites en)
m. 222 ; v.
,
8; 307.
T.
TABLEAU du seizime sicle,
TAICOSAMA, empereur du
i, 5.
Ja-
DES MATIERES.
481
482
TABL ALPHABETIQUE
d'avoir provoqu le rgicide en An- vi. 9; Georgetown, 283 ; au Misgleterre in, 395. "'
souri ,292'. ' " '
,
URBAIN"VIII, Pape : ses brefs aux
VChrtiens du Japon, in. 100j il
permet Ferdinand 11 d'appliquer
UKASE qui exile les Jsuiles de l'rection de divers Collges'les
Saint-Ptersbourg, v, 17 ; ukase biens ecclsiastiques recouvrs, 311;
de bannissement' de la Russie, 26. il publie les bulles de canonisation
UNIVERSITS : causes de la guerre de saint Ignace et de saint Franoisqu'elles font aux Jsuites, i. 366; Xavier, 377; sa mort, 384.
:
M. 429 ; celle de Cracovie les attaV.
que, ni. 299; celle de Douai leur
ouvre ses portes, n. 105; celle de
Louvain'leur est contraire, i. 367 ; VALDIVIA (le Pre de) au Chili
,
enseignement
de
289;
12;
423;
233.
m.
H.
n.
m.
l'Universit de Naples. compar
VLLA ( le Pre ) au Japon u.
,
celui des Jsuites, v. 425; celle de 134. :
Vilna est jalouse de (eurs succs en
VALIGNANI ( le Pre Alexandre )
Visiteur au Japon, par saseule ner-,
Russie, 3;
UNIVERSIT de Paris, berceau de gie y renouvelle les prodiges de
l Compagnie de Jsus, i. 23; elle saint Franois Xavier, n. 387; il se
en est le Sminaire, 123; son ori- rend en Europe avec une ambasgine, 126; spn mode de gouverner sade japonaise, n. 392; sa rception
et'd'instruire, 129; ses manoeuvres au parlais de Taicosama son rcpour empcher l'tablissement des tour, 398; il arrte la perscution,
Jsuites Paris, 257; ses griefs 409; sa mort, 411.
contre la Socit, 266; elle refuse VALTELINE (Jsuites dans la) , m.
d'admettre l'Institut dans son sein, 376.'
procs entre l'Universit et les
VAN LIL (lePre Pierre) rtablit
Jsuites, 356; n. 79; elle sollicit la Compagnie en Belgique; sa mort,
l'appui des Protestants contre les v. 328
Jsuites, 81 ; elle fait appel aU Par- VAN QUICQUENBORN (le P. Charles)
lement d'une dcision de l'Evque fonde ds Rsidences et un Collge
de Paris en matire de foi, 171; de au Missouri et visite les sauvages,
concert avec les Jsuites, elle se- v. 286; il cultive les Kickapoas,
court les pestifrs, 178 ; elle accuse sa mort; 293, 294.
ls Pres des excs'd la Ligu do!n,t VARDE (le Pre), accus de comelle est elle-mme coupable, 332 ; plicit dans l'attentat de Barrire,
ses doctrines sur le tyrnniclcfe, n. 365.
VARIN ( le Pre ), suprieur des
334; elie fait amende honorable
Henri IV et reprend son procs con- Pres de l Foi, se runit avec eux
tre les Jsuites, 368; so'n'oppositpn la Compagnie de Jsus, yi. 102; il
au roi, ni. 34; elle recommence fonde trois Instituts de religieuses
ses poursuites sous Louis Xlll et destines l'enseignement, v. 106.
dnonce les ouvrags de Bellarmin VASQUEZ (Denis), Jsuite espaet de Suarez, 131 ;'sd jalousie, 338, gnol, provoque des dissensions dans
348; en 1724, elle fait l'loge de la Socit, n. 267; il meurt repenl'Institut, i. 69.
tant, 270.
UNIVERSIT' (!') de France et les
VATIMESNIL (de), ministre de l'inpetits Sminaires, vi.184; aprs la struction publique sous Charles X,
Rvolution de Juillet', elle s'in- empche les Jsuites de s'occuper
quite des succs des Jsuites dans de l'enseignement, v. 207 ; il pule saint ministre, 355; son clec- blie une consultation en leur fatisme et son intolrance, 360.
veur sous Louis-Philippe, 378.
VNRABLES de la Compagnie de
UNIVERSITS confies aux Jsuites : Gandie, i. 150; Dillingen, Jsus dclars tels par la Congr37.3; Pont--Mousson, n. 176; gation des Rites, v. 345.
Paderborn et Prague, m. 301, VENISE (Jsuites), I. 27, 121,
303; Tournoh, 348; Polotsk, 317; m. 108, 407; vu 243.
":
DES MATIERES.
le P. Ferdinand 1 en
Chine, m. 182; il est nomm Prsident du tribunal des Mathmatiques et fond des canons pour l'empereur, v. 40 el 42.
VERJUS (le P. Antoine) accompagne son frre, le comte de rey,
la Dite germanique, iv. 406.
VERMI (ie Pre) sort de la Compagnie pour devenir Evque, et meurt
misrablement, m. 378.
VERSORIS
avocat des Jsuites
,
dans leur procs contre l'Universit
de Paris, i. 357; n. 82.
' VERTOT raconte l'expulsion des
Jsuites de Malte, m. 294. Voyez
483
(saint) fonde la
Congrgation des Lazaristes, uf.
361 ; sa vnration pour la Compagnie, 362; v. 439; il fait passer des
secours en Lorraine, m. 367 ; il
rsiste aux sductions des Jansnistes iy. 5 ; sa dclaration sur le
, la frquente
livre de
Communion,
25.
VIRET (Pierre), orateur calviniste,
discute avec Possevin, i. 360.
VISCONTI (le P. Ignace), seizime
Gnral de l'Ordre, fait revenir Lavalette de la Martinique, v. 190;
son lection et sa mort, 262.
VITELLESCHI (leP. Mutio), sixir
Portugal.
me Gnral de l'Ordre, m. 144; son
VICAIRES apostoliques en Angle- gnralat monotone de bonheur,
terre, opposs aux Jsuites, v. 66. 392; ses lettres d'intercession aux
Vico (le Pre de) et ses'dcou- confesseurs de Louis XIII pour
leurs frres d'Allemagne perscuts
vertes astronomiques, v. 437.
VicTpR-AiiDE duc de Savoie par les Sudois 317; il excommu,
,
puis roi de Sardaigne,
et ls Jsuites, nie l P. Cheminot,
370 ; position
de Sicile, iv.'355.
qu'il prend Rome, 372; Paul V
VICTOR-EMMANUEL roi de Sardai- veut le faire cardinal, 374; sa mort,
,
gne, rend aux Jsuiles leurs anciens 384.
collges il abdique en faveur de
Voeux des Jsuiles, i. 92.
:
VOLTAIRE : son sjour chez les Json frre, v. 217.
VIEIRA (le Pre Sbastien), mis- suites i. 90; son opinion sur les
, du Paraguay,
sionnaire et martyr au Japon, m. Missions
m. 241 ; il
juge le Parlement anglais sous Char160.
VIEIRA ( le P. Antoine), clbre les I", 392; sa lettre indite au
Jsuite portugais, iv. 106; son ta- Jsuite Yionnet, iv. 293 ; son porlent pour la prdication, 265 ; ses trait, v. 181 ; il immole son affectravaux apostoliques au Maragnon, tion pour les Jsuiles son plan
d'attaque contre la Religion, 182.
v. 90.
VILLARS (le marchal de), congrVOTA (le Pre), confesseur et ami
ganlste l'arme et protecteur des de Jean Sobieski, roi de Pologne ,
Congrgations de soldats, iv. 419.
iv. 118; Frdric-Auguste, lecteur
VILLE (leP. Franois de), confes- de Saxe et roi de Pologne, le choiseur de Marie de Savoie, reine de sit pour confesseur; il le rconcilie
Portugal, iv 89.
avec sa famille, il travaille la
VILLEGAGNON (Nicolas Durand de), conversion de la Saxe jusqu' sa
chevalier de Malte, apostat, con- mort, iv. 356.
verti au Brsil par les Jsuites, i. WALDSTEIN , gnral autrichien
dans la guerre de Trente-Ans, ami
393.
VILLLA (le Pre) au Japon,i. 388; des Jsuiles, m. 306 ; sa retraite
dans sa principaut de Friedland,
n 132.
VILLLE (de) : son ministre, v. 315; il rentre en lice, 318.
WALPOLE ( le P. Henri ), mis
179.
VILLEMAIN, ministre de France : mort par Elisabeth ; tous ses frres
son langage la Chambre des pairs, se font Jsuites, u. 253.
WALSH ( le P. Guillaume ) en
v. 234 ; il attaque les Jsuites, v.
362; il prsente un projet de loi sur Ecosse, n. 237.
la libert d'enseignement, 379.
WALSINGHAM ( le P. Francis), et
VINCENT (Julien), Jsuite, attaque plusieurs autres Jsuites, martyrs en
la lettre de Loyola sur l'obissance; Angleterre, ni. 387.
WARSEWTCZ (le P. Stanislas) fait
il meurt en prison Rome, n.
lire roi de Pologne le duc d'Anjou,
271.
VERBIEST
VINCENT DE PAUL
484
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A la mme Librairie.''
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VlTBUX
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Jsus.
50 c.
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1845-46, par le P. P.-J. de Smet, de la Socit de Jsusyouvrage traduit dei'anglis par M. de Bourls; in-12j,; rii de 14 gravu'
3 fr. 50 c.
res.,
VUIX
(La) sur les Arnauld, complte l'aide de leur correspon;
'".';' danc indit ; par Pierre Varin, conservateur-adjoint de la biblioth12 fr.
que de l'Arsenal; 2 vol. in-8".
Imprimerie de BEAU, Saint-Germa'm-en-jaTO.
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