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L’échange de bonnes pratiques:

l’expérience du CAF1

Par Robert Polet


Polet*, IEAP, 1994-2004

L
a création de l’IEAP en 1981 coïncide, à peu de chose près, avec le début
des réunions régulières des Directeurs généraux de la Fonction publique.
Ces derniers sont généralement en charge des modalités d’organisation et
de réglementation de l’administration publique et de la gestion générale des
personnels, d’une part; et de programmes visant à l’amélioration de la gestion
publique et de sa modernisation d’autre part.
Il était donc logique que les Directeurs généraux s’intéressent au partage de
leurs expériences respectives dans ces deux grands domaines de la gestion
administrative2.
C’est dans ce contexte de partage d’expériences en matière de modernisation
de la gestion des administrations publiques que s’est développé l’échange de
bonnes pratiques, et tout particulièrement le développement en commun d’un
instrument de gestion publique: le Common Assessment Framework ou Cadre
d’Auto-évaluation des Fonctions publiques, aujourd’hui communément appelé
par son acronyme: le CAF.
Comme nous le préciserons plus loin, le développement du CAF fut suivi de
sa mise en œuvre dans de nombreux pays européens, et même de l’exportation
de cet instrument à l’extérieur de l’Union européenne3.

De la qualité des services offerts à la qualité de la gestion

Le thème de la qualité fut mis à l’ordre du jour de la rencontre semestrielle des


Directeurs généraux par la Présidence irlandaise en 1996 sous le titre: Improving
Quality in Public Service Delivery. L’accent était placé sur la qualité des services
rendus par l’administration aux “usagers clients”.
La Présidence néerlandaise, au premier semestre 1997, inscrivit à l’ordre du
jour le Benchmarking (ou évaluation comparative) des administrations publiques.
L’étude, menée par l’IEAP, comparait les appréciations relatives à la qualité des
administrations (rapidité, efficacité, fiabilité des services rendus) jugée par les
fédérations nationales d’entreprises. La Présidence luxembourgeoise, au second
semestre 1997, réalisa une enquête sur la manière de gérer les relations entre
les administrations publiques et les citoyens. Dans la foulée, la Présidence
britannique mit l’accent sur la dimension IT (Nouvelles Technologies de
l’Information et de la Communication, NTIC) à intégrer dans la perspective
Qualité des services administratifs. On perçoit dans cette séquence de thèmes
une évolution de l’objectif recherché, c’est-à-dire la qualité des services offerts
aux citoyens comme aux entreprises, à la qualité des moyens mis en œuvre pour
atteindre cet objectif, c’est-à-dire la qualité de la gestion même des administrations
publiques.
Prenant le relais au second semestre 1998, la Présidence autrichienne
propose l’organisation d’un Prix européen de la qualité dans les administrations
publiques des Etats membres de l’Union, fondé notamment sur l’expérience des

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pays de langue allemande: Allemagne, Autriche et Suisse. Ceux-ci organisent


en effet un tel prix en commun depuis plusieurs années avec le concours et
l’autorité de l’Académie d’Administration publique de Speyer (Allemagne).
La conclusion des Directeurs généraux de la Fonction publique, à cette
réunion de Vienne, fut de préférer l’échange de bonnes pratiques à la
comparaison compétitive entre les administrations publiques des Etats membres.
Ils choisirent donc d’investir en commun dans le développement d’un instrument
d’aide à l’amélioration de la qualité de la gestion publique similaire au modèle
EFQM4, mais adapté au contexte et aux acteurs de l’administration publique, de
ses contraintes et de ses acteurs. À cette fin, ils créèrent un groupe technique
constitué d’experts de l’IEAP5, de l’Académie de Speyer et du spécialiste “Secteur
public” de l’EFQM.

Le CAF: un instrument de gestion de la qualité spécifique au


domaine des administrations publiques

La version pilote du CAF développée par ce groupe de travail fut présentée en


mai 2000 pendant la 1re Conférence européenne sur la Qualité dans les
Administrations publiques à Lisbonne. La version actuelle se base sur l’expérience
tirée de la mise en œuvre et de l’application de cette première version du CAF.
Le CAF est proposé comme instrument pour aider les organisations publiques
dans toute l’Europe à utiliser les techniques de management par la qualité afin
d’améliorer leur performance. Le CAF fournit un cadre simple et facile à utiliser
qui permet l’auto-évaluation des organisations du secteur public.
Le CAF a quatre objectifs principaux:
• Saisir les caractéristiques spécifiques des organisations du secteur public
• Servir d’outil pour les dirigeants du secteur public soucieux d’améliorer la
performance de leur organisation
• Servir de “pont” entre les différents modèles en usage dans le Management
par la Qualité
• Faciliter les analyses comparatives de performance (benchmarking) entre
organisations du secteur public.

Le CAF a été conçu pour être utilisé dans tous les domaines du secteur public,
qu’il s’agisse de l’administration publique au niveau national/fédéral, régional
ou local. Il peut être également utilisé dans une large gamme de contextes: par
exemple en tant que partie d’un programme de réforme systématique ou
comme base pour des efforts d’amélioration ciblés dans des organisations de
service public. Dans certains cas, et spécialement dans de très grandes
organisations, une auto-évaluation peut aussi être entreprise dans une partie de
l’organisation, une unité ou un département sélectionné.
Discussion sur les expériences du CAF au Centre CAF à
Tampere (Finlande), lors de la 4ème Conférence Qualité
Depuis lors, la troisième version du CAF a été finalisée à la lumière des
pour les administrations publiques de l’Union expériences menées par plus de 900 utilisateurs du CAF. La version 2006 du
européenne qui s’est tenue du 27 au 29 septembre 2006. CAF fut présentée officiellement et diffusée à la quatrième Conférence européenne
de la qualité, à Tampere (Finlande) en septembre 2006. Comme l’utilisation du
CAF a continué à s’étendre partout en Europe, un intérêt croissant pour une
connaissance approfondie du CAF, de son utilisation et des résultats qu’il permet
d’atteindre se développe également. À cet effet, une nouvelle publication
intitulée: “Comment fonctionne le CAF – De meilleurs résultats pour les citoyens
par l’utilisation du CAF” vient de paraître6. Celle-ci vise à:
• Rendre vivante la méthode d’auto-évaluation du CAF en montrant les
résultats spécifiques et concrets que cette méthode permet d’atteindre;
• Diffuser le CAF en tant qu’instrument de gestion de la qualité dans toutes les
organisations du secteur public en Europe;
• Développer l’apprentissage mutuel par le partage des expériences entre
utilisateurs du CAF.

Pour la première fois, une information circonstanciée est fournie quant aux
résultats concrets, pour les citoyens et pour les acteurs de la société, de
l’utilisation du CAF et des actions d’amélioration qu’il a induites et qui ont mené
à de meilleures performances des organisations publiques utilisatrices de
l’instrument.

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L’échange de bonnes pratiques: l’expérience du CAF

Un échange multidimensionnel de bonnes pratiques

L’expérience menée depuis près de dix ans en matière de gestion de la qualité


au sein des administrations publiques est exemplaire à plusieurs égards.

Coopération entre administrations nationales

C’est la première dimension de cette coopération dans l’échange de bonnes


pratiques. Les administrations publiques se rencontrant dans le cadre de l’EPAN
(European Public Administration Network, acronyme du réseau des Directeurs
généraux de la Fonction publique et de leurs services) ont partagé leurs
expériences très diversifiées au départ en matière de gestion de la qualité. En
effet, si la plupart d’entre elles avaient pris des initiatives en matière de qualité
de services rendus, quelques-unes seulement avaient recours à des outils de
gestion de la qualité (Quality Management); une minorité utilisait l’instrument
EFQM précité développé au départ essentiellement dans le domaine de
l’entreprise privée.

Coopération entre administrations nationales et Commission


européenne

Il faut rappeler que la coopération entre responsables nationaux et européens


de l’administration publique est quasi consubstantielle au réseau EPAN. Au
niveau politique, lors des réunions des Ministres de la Fonction publique, la
Commission européenne est depuis l’origine présente et active par la participation
du Commissaire en charge des relations avec les administrations nationales. Au
niveau des Directeurs généraux, c’est le Directeur général chargé de la gestion
des services administratifs de la Commission et des relations avec les
administrations nationales qui participe activement aux travaux du réseau, tant
dans ses réunions plénières semestrielles que dans ses divers groupes de travail
où il délègue des experts compétents.
Dans le domaine de la gestion de la qualité, la Commission a soutenu le Séminaire: “Le CAF et le BSC: le cadre d’auto-évaluation
travail en partageant notamment ses propres expériences du Quality des fonctions publiques et le tableau de bord prospectif”,
Maastricht, 22-23 mai 2006.
management, notamment au sein de sa Direction générale de l’Industrie, et a
permis au groupe de travail CAF (et groupe des Services publics innovants)
d’utiliser les excellents rapports de la Commission avec la Fondation européenne
de la gestion de la qualité.

Coopération Public-Privé

Nous avons indiqué déjà que, dès l’origine du projet CAF, les experts publics
avaient recouru à l’expertise de l’EFQM dont la longue expérience en la matière
représentait un atout considérable. Cette expérience était fondée principalement
sur les développements en cours dans le secteur privé et l’économie marchande,
bien qu’un développement significatif dans le secteur public s’était déjà produit,
en particulier dans le sous-secteur des entreprises publiques, intermédiaire
entre les particularités du secteur marchand privé et de l’administration
publique.
Dans ce contexte, les concepts clés du modèle EFQM ont été revisités,
notamment sur la base de l’expérience de l’Académie de Speyer et des pays
germanophones, ainsi que de l’expertise des membres du groupe de travail
technique précité en matière de gestion publique. Parmi ces concepts clés, nous
citerons notamment:
• Le “Leadership” qui, dans le domaine de l’administration publique, implique
le jeu subtil et démocratique de l’attelage politico-administratif;
• Le concept “Stratégie et planification” qui implique à nouveau cette coopération
sensible entre les objectifs du pouvoir politique souvent soucieux de résultats
à court terme (le temps de la législature) et ceux du management public –
les hauts fonctionnaires – conscients de la faisabilité et soucieux de continuité
et d’effet à long terme;
• La “Satisfaction du client” du modèle EFQM qui est devenue les “Résultats

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auprès du citoyen-client” dans le modèle du CAF afin de prendre en compte


les exigences particulières dans la gestion publique du caractère citoyen de
l’usager et de la satisfaction des besoins démocratiques, de l’égalité des
citoyens et de la recherche de l’intérêt général.

Coopération entre praticiens et académiques

Le développement du CAF s’est aussi inscrit dans une coopération active entre
praticiens – tant du secteur privé que de l’administration publique comme
rappelé ci-dessus – et experts du monde académique, en l’occurrence ceux de
l’Académie de Speyer et ceux de l’Institut européen d’administration publique
(IEAP), de Maastricht. Cette coopération a aussi donné à ce projet de long terme
la cohérence et la solidité méthodologique nécessaires à son succès, ainsi que
les moyens nécessaires à son actualisation continue. Rappelons que cette année
2006 a vu apparaître la version 3 de l’instrument d’auto-évaluation.

Synergie multisectorielle

Bien que le réseau EPAN soit constitué des seules administrations en charge de
la fonction publique et de sa modernisation, ses responsables ont eu à cœur de
mettre l’instrument développé par elles au service de l’ensemble des
administrations ministérielles, des agences publiques, voire du secteur public
tout entier. La mise en place d’une banque de données CAF centralisant les
résultats de l’application du CAF rend possibles des comparaisons sectorielles
et des mises en relation entre services de divers pays ou secteurs souhaitant
partager leurs expériences et apprendre les uns des autres.
Signalons à cet égard que cette base de données, gérée par le Centre de
ressources CAF de l’IEAP, permet d’opérer des comparaisons entre “Types
d’organisation” (ministères, agences, etc.), entre “Niveaux d’organisation”
(national, régional ou local) et entre secteurs d’activité (justice, affaires intérieures,
économie, etc.).

Leçons d’une expérience

Nous terminerons ce rapide examen en soulignant deux facteurs qui à nos yeux
ont été déterminants pour le succès de cette expérience CAF, unique en matière
de coopération administrative transnationale.
Le premier facteur fut et demeure le rôle moteur et dirigeant de l’opération
joué par le réseau des Directeurs généraux de la Fonction publique. Par la
fixation des objectifs du projet, par la libération et l’affectation des moyens
nécessaires à sa conduite, par l’évaluation continue des progrès et l’assignation
de nouveaux objectifs, les Directeurs généraux ont assuré dès le lancement du
projet et de manière continue et soutenue la direction du CAF et de sa mise en
œuvre. Ils ont aussi veillé à obtenir en permanence le soutien des autorités
politiques au projet.
Le second facteur de succès réside, nous semble-t-il, dans le rôle
d’accompagnement du projet, nécessaire à la continuité à long terme d’un tel
projet. Ce rôle fut et reste assumé par l’IEAP auquel le réseau EPAN a demandé
la mise en place, en son sein, d’un Centre de ressources CAF, coordonné dès
sa mise en place par un expert national détaché d’une administration d’un Etat
membre de l’Union européenne.
L’échange de bonnes pratiques est, sans nul doute, un excellent moyen de
faire progresser toutes les administrations publiques en Europe. L’efficacité d’un
tel échange requiert, sur la base de l’expérience du CAF, la continuité de sa
direction d’une part, celle de sa gestion quotidienne et permanente d’autre part.
Souhaitons que de nouveaux projets d’une telle ampleur puissent se
développer encore dans le réseau EPAN afin que la gestion administrative
publique serve toujours mieux les intérêts des citoyens, de l’économie des pays
de l’Union, et de l’Europe elle-même. ::

66 www.eipa.eu
L’échange de bonnes pratiques: l’expérience du CAF

Notes

* Robert Polet, Conseiller général honoraire de la Fonction publique belge, ancien


expert détaché et ancien Directeur général adjoint de l’IEAP.
1
Cette contribution ne constitue pas une introduction technique au CAF. Le lecteur
intéressé par ce thème est invité à consulter le site www.eipa.eu (cliquer sur le logo
CAF sous “Current Projects”) qui donne un aperçu complet des publications et projets
dans ce domaine.
2
Voir à ce sujet: Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union européenne: “Un
nouvel espace pour les administrations publiques et les services d’intérêt général au
sein d’une Europe élargie”, 8 juin 2005. Étude réalisée sous la responsabilité de
l’IEAP. Le chapitre 2, intitulé: “L’européanisation par la coopération administrative”,
est particulièrement intéressant à ce sujet.
3
Dans le cadre d’un programme européen de coopération administrative avec la
Chine, coordonné par l’IEAP, le CAF est aussi diffusé et mis en œuvre dans
l’administration chinoise.
4
EFQM = European Foundation Quality Management, Fondation européenne de
gestion de la qualité: Avenue des Pleiades 11, 1200 Bruxelles, Belgique, Tél.: +32-
2 775 35 11, Fax: +32-2 775 35 35, Courriel: info@efqm.org
5
Le professeur Michael Kelly et l’auteur de ce papier eurent l’honneur de participer
activement aux travaux de ce groupe technique.
6
Elisabeth Dearing, Patrick Staes et Thomas Prorok (éd.), CAF – pour un service public
de qualité (Vienne: Chancellerie fédérale autrichienne, 2006). Cette publication est
disponible en anglais, français et allemand.

Le groupe d’experts CAF après une journée d’intenses discussions visant à revoir
le modèle CAF, Vienne, avril 2006.

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