Les Courants Sociologiques
Les Courants Sociologiques
Les Courants Sociologiques
Introduction
Les 4 grands courants qui seront exposés ici résultent d’un choix forcément partiel. Je les
ai sélectionnés pour tenter de rendre compte, autant que faire se peut, de la diversité de
la discipline tant au niveau de ses objets de ses orientations théoriques. D’autres
courants existent que nous évoquerons ultérieurement à l’occasion d’autres séquences
d’enseignements.
I – Le fonctionnalisme
Dans un second sens, assez proche, on désigne par fonction l’ensemble des tâches
et des responsabilités qui incombent à la personne qui occupe un emploi. On
parlera alors, par exemple, de « la fonction employeur » d’un responsable
d’organisation.
Ces 2 sens sont aussi employés dans le langage courant. La sociologie du travail y
a parfois recours notamment pour décrire les organisations qu’elle étudie et leur
fonctionnement.
Une signification inspirée par les mathématiques : Dans cette acception, la
fonction désigne une relation existant entre deux ou plusieurs éléments telle que
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tout changement sur l’un provoque une modification du ou des autres. On insiste
ici sur les relations d’interdépendance entre les éléments. Traduit en langage
mathématique, on pourra dire que X est fonction d’Y.
L’étude d’E. Durkheim sur le suicide s’inscrit dans ce type d’analyse fonctionnelle.
E. Durkheim a, en effet, montré que le taux de suicide est lié au statut marital (les
célibataires se suicident plus que les personnes mariées), à la religion (les
protestants se suicident plus que les catholiques) etc.… La tendance au suicide
varie en fonction de certains caractères sociaux des personnes.
Un sens inspiré par la biologie : C’est cette acception du terme de fonction qui
est à l’origine du fonctionnalisme (ou des fonctionnalismes) en sociologie. Ici, la
fonction est entendue comme la contribution qu’apporte un élément à
l’organisation ou à l’action de l’ensemble dont il fait partie.
Le concept de fonction tel que nous venons de le décrire est venu nourrir plusieurs
développements théoriques fonctionnalistes. Nous en aborderons successivement trois.
« Étudier les traits culturels de façon atomistique en les isolant est une méthode
qu’on doit considérer comme stérile parce que la signification de la culture consiste dans
la relation entre ses éléments de sorte que l’existence de complexes culturels accidentels
ou fortuits est inadmissible ».
1
Nous y reviendrons dans la séquence consacrée aux méthodes en sociologie.
2
Notons au passage que si E. Durkheim a fait une analyse fonctionnelle du suicide, il a par ailleurs fait une
analyse fonctionnaliste s’agissant de ses travaux sur la division du travail.
2
B. Malinowski : article « Culture » in Encyclopédie des sciences sociales, 1931
« L’analyse fonctionnelle de la culture part du principe que dans tous les types de
civilisation, chaque coutume, chaque objet matériel, chaque idée, chaque croyance
remplit une fonction vitale, a une tâche à accomplir, représente une partie indispensable
d’une totalité organique ».
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La notion de dysfonction : Les fonctions sont parmi les conséquences
observées celles qui contribuent à l’adaptation ou à l’ajustement d’un système
donné. Les dysfonctions, quant à elles, sont celles qui gênent l’adaptation ou
l’ajustement du système.
Exemple : Le respect donné aux vaches en Inde remplissait une fonction dans le
système ancien. Aujourd’hui il entraîne de graves inconvénients économiques. À
ce titre, il constitue une dysfonction.
3- Le structuro-fonctionnalisme
La poursuite de buts
La stabilité normative
L’adaptation au milieu environnant physique et social
L’adaptation des membres dans le système social
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II – L’analyse stratégique
A – Principes généraux
La sociologie des organisations telle qu’elle est conçue dans ce courant théorique
concentre donc son attention sur les dynamiques sociales qui se jouent au sein de
l’organisation étudiée. L’organisation est définie comme un construit humain destiné à
remplir un ensemble de fonctions sociales.
Tout en étant réservé sur certains usages du fonctionnalisme, M. Crozier s’en inspire
pour interroger le fonctionnement des organisations. Ainsi interroge-t-il le phénomène
bureaucratique en terme de fonctionnement et dysfonctionnement internes. L’héritage
fonctionnaliste lui permet ainsi de s’intéresser aux relations fonctionnelles au sein de
l’organisation ( rapports entre les catégories de personnels, cloisonnement ou
coopération entre les services, rapports de pouvoir… ).
Une attention particulière est portée aux attitudes réciproques des agents, aux
représentations et aux relations internes à l’organisation. Les analyses conduisent à
observer les comportements des agents à partir de leurs marges supposées de liberté
dans les conditions institutionnelles données. Ces comportements sont étudiés comme
des stratégies dont il s’agit d’analyser la rationalité.
Les analyses de M. Crozier se concentrent donc sur les stratégies d’acteurs. Elles
interrogent non seulement leurs motivations, mais aussi leurs logiques. Elles montrent
comment, en fonction du contexte organisationnel, les acteurs répondent en adoptant
des conduites qui leur sont favorables.
Cette théorie s’inscrit dans la tradition libérale. Après M. Weber, elle souligne le caractère
fonctionnel des bureaucraties. Ses applications, dans le champ des phénomènes
bureaucratiques, sur les fonctions et dysfonctions dans les organisations, sur les relations
patrons/syndicats , sur les comportements de catégories de personnel… s’inscrivent dans
le champ des recherches sur les organisations marqué par les travaux de Robert K
Merton.
Ce type de sociologie des organisations doit aussi beaucoup à un autre apport théorique :
le systémisme. Elle en reprend l’ambition de penser la globalité plutôt que les parties, les
interactions plutôt que les causalités, la complexité plutôt que la simplicité.
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conflits de pouvoir… Il s’agit alors, à partir d’une démarche clinique d’étudier
empiriquement les pathologies des organisations bureaucratiques.
Les mauvais résultats et les frustrations engendrées par ces caractéristiques génèrent
de nouvelles pressions qui renforcent le climat de centralisation et d’impersonnalité
qui leur ont donné naissance. Ainsi se constituent des processus de cercles vicieux
propres aux bureaucraties.
B - Stratégies d’acteurs
Dans le déroulé de leurs activités dans l’organisation, les acteurs poursuivent des
objectifs liés aux opportunités qui se présentent à eux, visent le renforcement de
leurs avantages et de leur capacité d’action.
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de repenser la situation concrète telle qu’elle est perçue et connue par l’acteur
de redéfinir les options telles que l’acteur les appréhende
De plus, pour éclairer plus complètement les stratégies d’acteurs, deux dimensions
doivent être intégrées à l’analyse: la présence permanente du pouvoir et la dimension
affective des choix.
C - La notion de pouvoir
Relation d’échange, le pouvoir est aussi un rapport de force ou les termes de l’échange
sont déséquilibrés et plus favorables à l’une des parties en présence. C’est donc une
relation dans laquelle l’une des parties peut obtenir davantage que l’autre, mais où nul
n’est totalement démuni. Chacun des partenaires possède une marge de liberté variable,
la possibilité plus ou moins grande de refuser ce que demande l’autre. L’un des objectifs
stratégiques des acteurs sera de conserver sa marge de liberté et de maintenir ou
augmenter ses possibilités d’action. Ces relations peuvent être comparées à un jeu,
c'est-à-dire un ensemble de stratégies qui se déroulent à partir des ressources et des
moyens de chacun. Ce jeu se déroule, selon des règles organisationnelles qui visent des
enjeux et où les partenaires peuvent chercher à remanier les règles à leur avantage. M.
Crozier et E. Friedberg décrivent les relations de pouvoir comme des rapports de
négociation ou chaque acteur utilise ses ressources pour transformer l’autre en
instrument pour réaliser ses propres objectifs.
S’il permet une réflexion approfondie sur les stratégies d’acteurs et les relations de
pouvoir, le courant sociologique de l’analyse stratégique fait cependant l’impasse totale
sur la question des classes et des hiérarchies sociales qui pourtant se jouent
inévitablement dans les organisations. Relevant d’un tout autre univers intellectuel, le
courant que nous allons étudier maintenant comble ce manque.
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III - Le constructivisme structuraliste
B - Principes généraux
L'œuvre de P. Bourdieu est construite sur la volonté de dépasser une série d'oppositions
qui structurent les sciences sociales (Approche subjective de la réalité sociale/Approche
objective de la réalité sociale, liberté de l’acteur/déterminisme…).
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P. Bourdieu et J-C Passeron : Les héritiers, les étudiants et leurs études – Paris, Minuit, 1964
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P. Bourdieu et A. Darbel : L’amour de l’art, les musées et leurs publics – Paris, Minuit, 1966.
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fois constituées, ces structures conditionnent, à leur tour, l'action de ces agents (c’est sa
position structuraliste).
L'œuvre de P. Bourdieu débouche sur une théorie de la société et des groupes sociaux
qui la composent. Celle-ci entend montrer :
comment se constituent les hiérarchies entre les groupes sociaux
comment les pratiques culturelles occupent une place importante dans la lutte
entre ces groupes
comment le système scolaire joue un rôle décisif pour reproduire et légitimer ces
hiérarchies sociales.
L'œuvre de P. Bourdieu est ordonnée autour de quelques concepts directeurs parmi
lesquels :
L'habitus comme principe de l'action des agents dans le monde social
Les champs, qui divisent le monde social et constituent des lieux de compétition
structurés autour d'enjeux spécifiques
Entrons maintenant dans le détail de ces concepts pour mieux appréhender la sociologie
de P. Bourdieu
C – Habitus et champs
1 – Le concept d’habitus
Par sa socialisation, puis par sa trajectoire sociale, tout individu incorpore lentement un
ensemble de manières de penser, sentir et agir, qui se révèle durable et oriente ses
pratiques futures. L'habitus est constitué par cet ensemble des dispositions que l'individu
acquiert à travers son expérience sociale.
Toutefois, l'habitus est plus qu'un simple conditionnement qui conduirait à reproduire
mécaniquement ce que l'on a acquis. L'habitus n'est pas une habitude.
L’habitus est, en quelque sorte, aux comportements sociaux d’un individu ce que la
grammaire est à sa langue maternelle. Grâce à cette grammaire, l'individu peut fabriquer
une infinité de phrases pour faire face à toutes les situations. Il ne répète pas
inlassablement les mêmes phrases apprises par cœur.
Les dispositions de l'habitus sont du même type : elles sont des schèmes de perception
et d'action qui permettent à l'individu de produire un ensemble de pratiques nouvelles
adaptées au monde social où il se trouve. P. Bourdieu le définit comme des « structures
structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes ». L'habitus est
structure structurée puisqu'il est produit par socialisation. Il est également structure
structurante car générateur d'une infinité de pratiques nouvelles.
P. Bourdieu explique la similitude des manières de penser, sentir et agir propres aux
individus d'une même classe sociale par le fait que les individus issus des mêmes
groupes sociaux ont vécu des socialisations semblables.
Cela ne signifie pas pour autant que les dispositions de l'habitus soient immuables :
D’une part, la trajectoire sociale des individus peut conduire à ce que leur habitus
se transforme en partie.
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d’être transposables : Des dispositions acquises dans une certaine activité
sociale (par exemple au sein de la famille) sont transposées dans une autre
activité (par exemple le monde professionnel).
2 – Le concept de champ
Le monde social, dans les sociétés modernes, apparaît à P. Bourdieu, comme divisé en ce
qu'il nomme des champs. Il lui semble que la différenciation des activités sociales a
conduit à la constitution de sous-espaces sociaux spécialisés dans l'accomplissement
d'une activité spécifique et dotés d'une autonomie relative vis-à-vis de la société globale.
Exemple : Le « champ artistique » est animé par des agents particuliers (créateurs ou
consommateurs d’art). Il a son propre système de valeur, ses propres savoirs-être…
Pour P. Bourdieu, ces champs sont caractérisés par une hiérarchie interne. Leur
dynamique provient des luttes de compétitions internes que se livrent les agents sociaux
pour y occuper les positions dominantes.
les styles de vie et les luttes que se livrent ces groupes sociaux,
Un individu se situe quelque part dans l'espace social en fonction à la fois du volume total
des deux capitaux qu'il possède, mais également de l'importance relative de chacun des
deux types de capital dans ce volume total.
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Exemple : Les
individus dotés d'une
grande quantité des
2 capitaux forment la
classe dominante
d'une société. On
peut toutefois y
distinguer ceux qui
ont beaucoup de
capital économique
et moins de capital
culturel (la
bourgeoisie
industrielle
notamment), et ceux
qui ont beaucoup de
capital culturel, mais
moins de capital
économique (les
professeurs
d'université,
notamment).
Le schéma ci-après
tiré de l’ouvrage La
distinction (1979)
illustre la
représentation de
l’espace social par P.
Bourdieu.
P. Bourdieu insiste sur le fait que sa vision de l'espace social est relationnelle. La position
de chacun n'existe qu’en comparaison des quantités de capitaux possédés par les autres
agents. Par ailleurs, si P. Bourdieu présente les capitaux culturel et économique comme
les deux types de ressources qui structurent en profondeur les sociétés contemporaines,
il n’exclut pas que d’autres types de ressources puissent occuper une place déterminante
dans la constitution des hiérarchies sociales.
P. Bourdieu, à partir de cette théorie de la hiérarchisation de la société, cherche à
comprendre comment se construisent les groupes sociaux.
Pour P. Bourdieu, les styles de vie des individus sont le reflet de leur position sociale.
Ainsi, s'efforce-t-il de faire apparaître une corrélation entre les manières de vivre, sentir
et agir des individus et la place qu'ils occupent dans les hiérarchies sociales. Cette
corrélation entre positions sociales et pratiques sociales est illustrée par le diagramme
au-dessus, qui fait correspondre à un espace des positions sociales, un espace des
pratiques sociales, culturelles et politiques.
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L'habitus joue un rôle déterminant dans cette corrélation. Les individus, en vivant un
certain type de vie sociale, acquièrent également des dispositions culturelles spécifiques.
Or, dans la mesure où les pratiques sociales sont hiérarchisées (Il y a des pratiques
« distinguées » et des pratiques « vulgaires ») et que ces hiérarchies reflètent les
hiérarchies sociales sous-jacentes, les styles de vie ont de puissants effets de distinction
et de légitimation.
« Classeurs classés par leurs classements, les sujets sociaux se distinguent par les
distinctions qu’ils opèrent ».
La lutte entre groupes sociaux prend essentiellement la forme d'une lutte symbolique.
Les individus des groupes dominés s'efforcent d'imiter les pratiques culturelles des
groupes dominants pour se valoriser socialement. Les individus des groupes dominants
ont alors tendance à changer de pratiques sociales pour restaurer leur distinction
symbolique. C'est cette dynamique divulgation/imitation/ distinction qui est à l'origine de
la transformation des pratiques culturelles.
Cependant, dans ces luttes symboliques, les classes dominées ne peuvent être que
perdantes : en imitant les classes dominantes, elles en reconnaissent la distinction
culturelle sans pouvoir jamais la reproduire.
« La prétention part toujours battue puisque, par définition, elle se laisse imposer le but
de la course, acceptant, du même coup, le handicap qu'elle s'efforce de combler ».
Nous reviendrons sur ces aspects dans une séquence traitant de la sociologie de
l’éducation.
IV – Les interactionnismes
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Très éloigné dans ses préoccupations et dans ses fondements culturels du courant
précédent, l’interactionnisme est un courant de pensée qui s’est développé en
psychologie, ethnologie, sociologie ou dans les sciences de la communication. L’originalité
de l’interactionnisme est de considérer l’action réciproque des individus et les signes qui
la rendent visible comme le phénomène social majeur.
L’interactionnisme ne constitue cependant pas une école de pensée bien délimitée. Aussi
peut-on parler des interactionnismes. Il se développe dans les années 1950 1960 avec
plusieurs tendances parmi lesquelles peuvent être mentionnées : la sociologie
phénoménologique d’Alfred Schütz, l’ethnométhodologie d’Harold Garfinkel ou la
sociologie des cadres de l’expérience d’Erving Goffman. C’est sur cette dernière que nous
nous attarderons.
Pour expliquer ce point de vue, E. Goffman citait l’exemple de 2 joueurs d’échec. Ceux-ci
ne réinventent pas les règles du jeu à chaque partie. Ces règles s’imposent à eux.
Toutefois, l’interprétation qu’ils en font fera de chaque partie un évènement singulier. Par
ailleurs, en assistant à une partie, un observateur attentif pourra décrypter et
comprendre les règles du jeu d’échec.
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Il met toutefois en garde ses lecteurs contre le risque de cette métaphore trop au pied de la lettre.
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Un individu est dit stigmatisé lorsqu'il présente un attribut qui le disqualifie lors de ses
interactions avec autrui. Cet attribut constitue un écart par rapport aux attentes
normatives des autres à propos de son identité. Les stigmates sont nombreux et variés.
Parmi eux, nous pouvons citer les handicaps (physiques ou mentaux) auxquels E.
Goffman a consacré un travail de recherche 6. Dans ce cas, l'acteur concerné va tout
mettre en œuvre pour cacher son stigmate ou éviter qu'il ne génère un malaise chez son
public. E. Goffman nomme contacts mixtes les interactions à risques entre normaux et
stigmatisés. Le risque de fausse note y est théoriquement plus élevé.
Les cadres primaires : Ils sont utilisés en pratique pour donner une signification
aux évènements, sans être rapportés à une interprétation préalable. Par exemple,
un employé en retard à son travail comprend aussitôt la signification de l'attitude
de son patron qui examine sa montre. Dans la vie quotidienne, nous maîtrisons
des cadres primaires même si nous sommes dans l'incapacité de correctement les
décrire. Ils nous permettent de donner un sens aux évènements qui s'y
produisent. Goffman distingue deux grandes classes de cadres primaires : les
cadres naturels et les cadres sociaux.
Les cadres naturels sont ceux du monde physique. Les évènements sont
totalement déterminés par des principes fondamentaux (conservation de l'énergie,
irréversibilité du temps…) Les évènements qui se rapportent aux cadres sociaux
sont, quant à eux, animés par une "volonté", "un objectif". Ce sont des actions
pilotées. Les cadres naturels obéissent à des lois universelles, chaque cadre social
comporte ses propres règles.
Les cadres transformés : À partir d'un cadre primaire, il est possible, pour les
acteurs concernés, de mettre en place un nouveau cadre. On parlera alors de
modalisation lorsque tous les protagonistes s’accordent sur la transformation. On
parlera de transformation lorsque la modification a été opérée à l’insu d’un
protagoniste.
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Stigmate. Les usages sociaux des handicaps – Paris, Éditions de Minuit, 1975.
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E. Goffman donne une liste d'exemples de modalisations qu'il classe en
rubriques : les jeux, les rencontres sportives, les cérémonies, l'apprentissage
d'une tâche par simulation... Chaque fois, il s’agit de « faire semblant ».
Pendant une réunion de famille (cadre primaire), deux personnes décident de jouer aux
cartes. À partir de ce moment, les joueurs peuvent adopter des comportements qui
seraient impossibles dans le cadre primaire (paroles plus ou moins moqueuses ou
agressives.. ). Dans le cadre primaire, les actions peuvent être qualifiées de réelles. Dans
le cadre modalisé, elles ne sont que des mises en scène.
Dans l'exemple, les deux protagonistes se placent simultanément dans deux cadres
différents : ils sont à la fois en train de jouer (cadre modalisé) et il s'agit d'une réunion
de famille (cadre primaire). La répartition établie par un joueur entre les deux cadres
fera qu'il sera plus ou moins absorbé par le jeu, avec pour conséquence un plus ou moins
grand abandon des règles du cadre primaire.
Il peut y avoir un problème si les deux joueurs n'ont pas la même perspective vis-à-vis
de cette répartition.
Exemple : Un père joue aux dames avec sa fille. En milieu de partie la fille dit à son
père : « Tu es vraiment idiot». Le père peut ne pas accepter cette remarque en se
référant au cadre primaire ou tout à fait l'accepter et y répondre en référence au cadre
de jeu.
Conclusion
Le rapide panorama de la discipline dressé à partir de ses quatre approches reste bien
lacunaire. Il permet toutefois de montrer la diversité des approches tant sur le plan des
filiations théoriques, des ambitions de recherche, des méthodes et des échelles
d’analyse.
Tantôt au niveau macrosocial des luttes de classe, tantôt au niveau microsocial des
« mesquineries de bureau » ou des relations interpersonnelles, la discipline est
constituée de postures et de préoccupations souvent complémentaires, parfois
contradictoires. Chacune avec sa spécificité, ces approches se sont révélées pertinentes
pour explorer qui le travail, qui l’éducation ou l’urbanisation...
C’est donc armés de ces quelques repères théoriques que, dans le cours suivant, nous
explorerons quelques champs d’analyses actuels de la sociologie
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