Cohésion Sociale - 1609082891259 PDF
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instances d'intégration
I. Travail et intégration sociale
A. Le travail à l'origine de l'intégration sociale dans les sociétés modernes
1. Sociétés modernes et intégration sociale : les
caractéristiques
Tocqueville a montré que l'égalisation des conditions coïncicidait avec une recherche personnelle de l'amélioration des
situations individuelles. Cette volonté de conquête de l'autonomie individuelle et cette recherche d'une degré
supplémentaire de bonheur se retouve d'ailleurs dans la première société moderne : la société Américaine qui a inscrit
dans sa constitution le droit à la recherche du bonheur. Quête individualiste par excellence.
Ainsi l'essor de l'individualisme caractérise la société moderne dans le sens où la modernité conduit à valoriser l'individu,
à le faire « émerger » du collectif : il devient libre de faire des choix, émancipé des anciennes tutelles que représentaient la
religion, les traditions ou le pouvoir absolu. Cela signifie que, de plus en plus, les individus peuvent choisir leurs
comportements, leurs idées, se différencier des groupes constitués.
Dans les sociétés modernes d'après la révolution industrielle, la solidarité est dite « organique » : la solidarité vient de ce
que les individus sont complémentaires car ils se différencient, en particulier dans leurs activités de production. Ils
deviennent donc interdépendants. La conscience collective s'allège, laissant plus de place à la conscience individuelle,
l'individu devient sujet, il peut exprimer des opinions différentes de celles du groupe. Cela ne signifie évidemment pas
que normes et valeurs disparaissent. Sans elles, il n'y aurait plus de société. Mais ces normes et ces valeurs sont moins
contraignantes et se transforment plus facilement sous la poussée des acteurs.
Bien que des formes de solidarité mécanique subsistent dans les sociétés modernes, la solidarité y est pour l'essentiel
de type organique, c'est-à-dire fondée sur la différenciation des individus. Les progrès de l'individualisme fragilisent le
lien social dans la mesure où l'individu est moins contraint à la solidarité par la conscience collective. On peut presque
dire que la solidarité doit davantage être choisie par les individus, justement parce qu'elle n'est pas imposée.
L'intégration sociale dans nos sociétés ne va donc pas de soi, elle doit présenter trois
caractéristiques :
Les membres du groupe partagent les mêmes croyances, sentiments, pratiques : ils partagent donc une culture
commune.
Les membres du groupe sont en interaction les uns avec les autres, en interdépendance.
Les membres du groupe se sentent voués à des buts communs.
On le voit, l'intégration sociale amène les individus à avoir une place, leur place, dans la société. On dira que l'individu est «
bien » intégré quand, grâce au processus de socialisation (c'est-à-dire le processus par lequel les individus acquièrent les
normes et les valeurs en vigueur dans la société dans laquelle ils vivent), il a acquis cette culture commune et partage les
buts que la société s'est fixée.
Il arrive cependant que l'intégration ne soit pas parfaite : l'individu va alors présenter des comportements déviants. Cette
déviance, le non respect des normes en vigueur dans la société, ne doit pas être assimilée purement et simplement à la
délinquance, même si celle-ci en est un symptôme éventuel. La déviance , « blessure de la conscience collective »,
comme le disait Durkheim, donne lieu à sanction. Cependant, des comportements initialement déviants peuvent peu à
peu, quand ils se généralisent, devenir la norme ( la cohabitation avant le mariage, pratique très déviante encore au début
des années 1970, aujourd'hui « normale »). C'est aussi par la déviance que passe le changement social.
La division du travail, pour Durkheim, n'aurait pas pour but premier l'augmentation de la productivité, mais celle de créer
un le lien social permettant de souder la société à travers la complémentarité des fonctions sociales. Mais c'est
justement cette complémentarité à travers la spécialisation de chacun dans ce qu'il sait mieux faire qui permettra la
hausse de la productivité : les hommes en recherchant l'établissement de liens (de sympathie comme le disait déjà Adam
Smith dans la "théorie des sentiments moraux") permettent de mieux réaliser cet intérêt général qui découle d'une hausse
de la productivité.
Mais cette solidarité de type organique est fragile, l'adoption d'attitude opportuniste est facteur de dissolution du lien
social lorsque des groupes s'organisent pour faire passer prioritairement leur objectifs présentés comme l'intérêt général.
La société se communautarise ou se clientélise. De telles attitudes ne respectent alors plus, ou moins, le système
d'obligations réciproques qui existe et fonde la solidarité. L'anomie peut alors se développer : il s'agit de l'affaiblissement
du système de normes en vigueur et de l'intégration sociale, tel que l'individu ne sait plus comment agir.
Durkheim insista sur le fait que la division du travail, quand elle n'a plus pour but que d'intensifier la production et non plus
de produire de la solidarité sociale, peut devenir pathologique, c'est à dire négative, tant pour les individus que pour la
solidité du lien social. Il recommande donc de développer les groupements intermédiaires, c'est à dire des groupes de
taille restreinte, comme les associations professionnelles (ou n'importe quelle autre association, aujourd'hui), qui ont pour
fonction d'intégrer leurs membres et de produire de la solidarité. On voit donc que, pour Durkheim, c'est la division du
travail qui est à l'origine de la solidarité dans les sociétés modernes, pas forcément le travail lui-même. Cependant, on
peut dire qu'aujourd'hui, les sociétés modernes ont sacralisé le travail qui fait désormais partie des valeurs
communément partagées. En ce sens, le travail est devenu, en lui-même, intégrateur. L'exclusion serait donc au contraire
facteur de perte du lien social et de déviance.
Le travail, parce qu'il permet à l'individu d'acquérir un statut social, de disposer de revenus et d'accéder à des droits et des
garanties sociales, est donc devenu un pilier de l'intégration sociale. La nécessité impérieuse (pas seulement
matériellement mais aussi socialement) d'avoir un travail, la volonté très marquée dans les enquêtes d'opinion de
s'épanouir dans son travail, montrent bien que le travail n'est pas seulement une activité parmi d'autres. Le travail est plus
que cela, il est fortement chargé symboliquement, autrement dit il fait partie du registre des valeurs. Cependant, on peut
se demander si la montée du chômage et les transformations de l'emploi ne fragilisent pas les solidarités nées du travail.
On peut schématiser les fonctions du travail à travers les notions d'homo faber (il permet d'acquérir autonomie et
responsabilités), d'homo oeconomicus (s'intégre à un calcul coûts-avantages), d'homo sociologicus (désir de
reconnaissance).
Les conséquences du chômage sont donc à court terme une diminution des ressources prise partiellement en
charge par l'assurance-chômage, à plus long terme le chômeur perd ses repères sociaux et subit une dégradation
de son niveau de vie. Celle-ci se manifeste par l'insolvabilité qui résulte de la perte de revenu : un ménage
endetté ne pourra pas nécessairement faire face à ses charges fixes (prêts à rembourser, loyers, ...), il pourra y
perdre son logement, ne plus disposer de moyens de locomotion. Or le domicile est une condition de maintien du
lien social, la condition de "sans domicile fixe" ne facilite pas le retour à l'emploi et sans emploi, de préférence en
CDI, il est très difficile d'obtenir un bail. Cette évolution n'est pas fatale dans le sens où les solidarités familiales
peut permettre la prise en charge de celui qui n'a pas d'emploi. Ce sera plus particulièrement le cas pour les
jeunes exposés à un chômage d'insertion et pris en charge par leur famille aussi bien en ce qui concerne le
logement que la nourriture. Mais la durabilité de la situation de chômage est aussi facteur de ruptures familiales,
les cas de divorce sont ainsi plus fréquents dans les couples touchés par cette situation ; elle est facteur de
ruptures amicales avec la dissolution des liens avec les anciens collègues, la diminution du budget affecté à la
sociabilité (invitations, sorties, ...).
Le retour à l'emploi se fait souvent de façon précaire, mais plus généralement les employeurs auront recours au
travail précaire pour répondre à la rigidité du code du travail qui fait de l'embauche en CDI un exercice très
risqué face à la difficulté et aux coûts d'un licenciement. Ce coût particulièrement insupportables pour les PME
explique le succès du Contrat Nouvel Embauche permettant de recruter du personnel en CDI mais avec une
période d'essai de 2 ans durant laquelle employeurs et employés peuvent mettre fin librement au contrat.
Emploi précaire ?
On parle d'emplois précaires pour qualifier toutes sortes de contrat sauf un CDI à temps plein. Le caractère le
plus souvent déterminé du contrat ne permet pas une projection du salarié dans l'avenir, qu'il s'agisse de
contrats de travail à durée déterminé dont le terme est fixé ou de postes d'intérimaire.
Mais un contrat à durée indéterminé peut être précarisant si il est à temps partiel imposé. Ces emplois
précaires ne permettent pas une bonne sécurité financière ni une intégration véritable par le travail. Sur ce
deuxième point il est évident que la reconnaissance sociale de ces types d'emplois est faible, les salariés eux-
mêmes se construisent difficilement une identité professionnelle valorisante, il faut dire que les emplois
proposés sont en général peu qualifiés et donc faiblement rémunérés. Les demandeurs d'emplois rechignent
donc souvent à les occuper : cf la trappe à la pauvreté.
Les différences de statut salarial (hyper-protection de certains et précarité d'autres) n'est pas un facteur de cohésion
sociale. De plus la vision d'un travail intégrateur doit être revue alors que l'emploi à vie régresse et que chacun doit
remettre en cause son statut professionnel. Ceci est facteur d'une plus grande liberté et de plus de responsabilité
individuelle, mais ce mouvement d'hyper-modernité individualise encore davantage l'individu dans la société impliquant
un changement de nature du lien social, lequel peut encore se créer par le travail mais en dehors de l'entreprise. Certains
sociologues réagissent donc un peu à la façon de Tocqueville s'inquiétant de la disparition en Amérique des solidarités
nées de l'inégalité des statuts, ils font de la fin du Fordisme et du CDI à vie une désintégration des liens sociaux liés au
travail.
On observe désormais une transformation de la place du travail dans l'ensemble des valeurs, spécialement chez les
jeunes. Ainsi depuis plusieurs années, dans les enquêtes d'opinion sur les valeurs, la place de la réussite professionnelle
a reculé au profit de la réussite familiale, y compris chez les garçons. Les deux types de réussite sont aujourd'hui placées
à peu près au même niveau alors qu'auparavant la réussite professionnelle venait assez nettement en tête, surtout pour
les hommes.
En réalité on pourrait aussi dire que la valeur attachée au temps libre augmente, est-ce aussi un symptôme d'un plus
grand individualisme que de vouloir se préserver et développer du temps pour soi ? Il semble que oui car le travail est
désormais englobé dans la problématique de l'épanouissement personnel : l'individu va évaluer le travail à l'aune du plaisir
personnel qu'il y trouve, plus qu'à l'aune de l'utilité pour la société de ce travail. Plus le décalage sera grand entre le travail
tel qu'il est vécu dans un emploi précis et la représentation que l'individu a d'un travail épanouissant, plus le travail sera
contesté comme valeur et moins le travail jouera son rôle intégrateur, d'autant que l'on ne travaille plus dans les PI pour
survivre et que l'État Providence permet aux allergiques du travail salarié déclaré de se constituer des zones d'autonomies
dans l'assistanat ou la débrouille. Ce qui génère une pénurie de main d'oeuvre salariée pour les travaux peu
épanouissants de l'OST, mais aussi dans des secteurs considérés comme pénibles tels que le BTP, l'hôtellerie-
restauration, en dépit d'un contexte général de chômage.
La réduction de la taille des familles est manifeste depuis le début des années 1960 du fait de la diminution de la
fécondité et, parfois, de l'éclatement des couples. Comme on observe aussi une augmentation de la mobilité
géographique, les familles sont de plus en plus dispersées. L'augmentation de l'activité rémunérée des femmes, très
sensible pour les filles nées depuis la seconde guerre mondiale, a accompagnée toutes ces transformations du modèle
familial traditionnel.
La fragilisation de la solidarité familiale est la conséquence de la séparation éventuelle du couple des parents et du plus
petit nombre d'enfants, elle diminue de manière mécanique le nombre de personnes avec lesquelles un individu a des
liens familiaux. Cela signifie que la solidarité qui résulte des liens familiaux sera limitée à un nombre réduit de personnes.
Si l'éloignement géographique s'ajoute au petit nombre de personnes familialement liées, on comprend que le lien social
qui en résulte soit plus fragile que lorsque les membres de la famille étaient nombreux et restaient proches
géographiquement.
La réduction du nombre de mariages et l'augmentation du nombre des naissances hors mariage montrent ce que l'on
peut appeler une désinstitutionnalisation de la famille : la famille est de moins en moins une institution normée dans le
sens où il n'existe plus de familles "normales" ou "anormales" (comme était anormale autrefois la famille monoparentale),
elle repose de plus en plus sur le choix renouvelé jour après jour par les individus qui la forment de continuer à vivre
ensemble. Rester ensemble ne va plus de soi, il faut que ce « rester ensemble » permette l'épanouissement personnel de
chacun. Évidemment, cette forme familiale est plus fragile que la forme institutionnalisée, c'est-à-dire celle qui voulait que
le couple vive ensemble pour la vie.
Mais un autre facteur joue un rôle plus général dans la dissolution des solidarités, en effet la famille est en partie
déresponsabilisée par la possibilité de faire prendre en charge les éléments les plus faibles de la famille par les
institutions publiques. Même si in fine ce sont les familles qui paient elles préfèrent placer les plus âgés en perte
d'autonomie plutôt que les héberger, il en va souvent de même pour les enfants handicapés de par les contraintes dues à
la généralisation de l'activité dans les ménages. On pourrait avancer que la déresponsabilisation liée au développement
d'un "État nounou" accentue le malaise familial en transformant des obligations morales en des créances sur la société :
les allocations familales sont un dû contrepartie de la prise en charge familiale. En témoignent les menaces de
suspension de ces allocations vis-à-vis des familles délaissant leur progéniture.
Simultanément à cette fragilisation de la solidarité familiale apparaît aussi la fragilisation du contrôle familial. Comme
toute institution, la famille exerçait une fonction de contrôle social, c'est à dire qu'elle veillait à ce que les enfants qu'elle
élevait respectent les normes et les valeurs qu'elle leur transmettait. Cette fonction est plus difficile à exercer aujourd'hui,
d'une part parce que les normes et les valeurs changent et que les adultes ne savent plus forcément très bien ce qu'ils
doivent transmettre comme valeurs, et d'autre part, parce que la tolérance est devenue plus grande face à l'exigence
d'épanouissement personnel qui est devenue central. C'est sans doute ce que certains entendent quand ils parlent de «
démission » des parents. Enfin, il faut noter que l'éclatement des familles peut être source sinon d'exclusion, du moins de
pauvreté. Cela concerne surtout les femmes ayant des enfants à charge : le divorce ou la séparation augmente souvent
considérablement la précarité de leur situation avec diminution des revenus, perte de réseau de sociabilité, plus grande
difficulté à recomposer une famille, ce qui s'ajoute souvent à la précarité de l'emploi, plus fréquent pour les femmes que
pour les hommes. Si la fragilisation de la forme familiale traditionnelle est évidente, peut-on pour autant en conclure que
la famille ne joue plus son rôle dans l'intégration sociale de ses membres ?
Les liens familiaux mutent également avec la plus grande instabilité du couple. Ces liens unissent à leur progéniture les
deux parents qui ne vivent plus ensemble, qu'ils soient divorcés ou qu'ils ne se soient jamais mariés, mais ils unissent
également les beaux-parents ne disposant pas de l'autorité parentale mais participant à l'éducation des enfants dont ils
ont la charge. En conséquence la désinstitutionnalisation de la famille ne se traduit pas par un affaiblissement des liens
familiaux même si la conflictualité familiale augmente aussi. Effectivement les rapports au sein de la famille évoluent, le
modèle du "pater familia" a pratiquement disparu avec la crise de l'autorité du père qui doit négocier son autorité ce qui
peut mener à des crises familiales. Si à cela on rajoute les difficultés d'insertion par le travail subie par les jeunes, on
obtient une cellule familiale cocon devenue un rempart contre l'exclusion tout en devenant plus souvent lieu de conflit.
Ainsi les jeunes quittent le domicile familial de plus en plus tardivement, mais d'un autre côté les recours en justice contre
les parents pour assistance à leurs enfants majeurs se développent très rapidement.
B. Le rôle de l'école
Mais ces objectifs sont parfois difficiles à concilier, même s'ils sont tous légitimes. Des questions se posent donc telle
que "est-il bien utile de faire de l'économie pour exercer tel ou tel métier ? Cette question renvoie à une volonté de
privélégier la fonction utilitaire de l'école au détriment des autres fonctions. On pourrait répondre que la connaissance des
mécanismes économiques est nécessaire pour développer la capacité de raisonnement et l'esprit critique, ainsi par de
telles considérations on met en avant la fonction personnelle de l'école. Pourtant l'école a des difficultés à faire face à ces
différentes fonctions.
l'unification de l'école française c'est le collège unique - c'est-à-dire la volonté de mener tous les élèves jusqu'en
troisième - donc une unification de la scolarité quelles que soient les aptitudes ou l'acceptation du système scolaire par
les élèves.
la massification consiste à permettre aux enfants de toutes les PCS de pousser leurs études le plus loin possible, ainsi
entre au lycée puis à l'universite un public dont les compétences sont plus faibles et les problèmes sociaux plus
importants. La pédagogie en est bouleversée, le savoir ne se transmet plus aussi facilement et les diplômes se dévaluent.
En effet les exigences du système scolaire telles qu'être assidu au travail, respecter la discipline, obtenir de bonnes notes
sont moins bien intégrées. La sélection par les résultats est remise en cause par les élèves et quelquefois les
enseignants.
Que les études intéressent intellectuellement ou pas devient une question souvent considérée comme secondaire
puisque pour ce nouveau public la relation à l'école est souvent utilitaire : elle est le moyen de se procurer un diplôme qui
permettra de s'insérer le mieux possible sur le marché du travail. L'élève veut bien accepter de travailler , à condition que «
ça rapporte ».
C. Le rôle de la nation
1. La citoyenneté
La citoyenneté consiste en la volonté et en la capacité à être membre d'une communauté politique ainsi qu'en la
participation au processus démocratique. La volonté d'appartenir à une communauté implique la reconnaissance de
valeurs communes et de relations appaisées entre les membres de cette communauté avec la reconnaissance mutuelle
de droits, dont le droit de vote égal pour tous, et de devoirs comme l'acceptation des choix exprimés démocratiquement,
la participation à la défense et au financement de la chose publique. Accepter d'être lié par le choix des autres c'est
reconnaître en l'autre un égal quelques soient ses opinions, son sexe, sa religion, son ethnie, c'est considérer que les
valeurs qui unissent sont plus fortes que les différences, la citoyenneté détermine donc l'appartenance à une même
nation.
Pourtant le sentiment de citoyenneté en France est en crise, les valeurs sont éclatées et les particularismes l'emportent,
des drapeaux étrangers lors de la victoire de Jacques Chirac en 2002 signalent un choix politique exprimé par des gens
qui se sentent étrangers bien que citoyens, les manifestations contre la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007 montrent
pour une partie de la population le rejet du principe même du processus démocratique.
Dans le cas de l'exclusion la perte des valeurs communes n'est pas remplacée par d'autres valeurs, le risque d'anomie est
donc fort. Au contraire le communautarisme n'est pas absence de valeurs mais substitution des valeurs du groupe aux
valeurs communes. La citoyenneté nationale est là rejetée et se pose le problème de l'appartenance à la nation.
En effet certains groupes revendiquent aujourd'hui la reconnaissance dans l'espace public de leur appartenance
particulière à une communauté. C'est d'ailleurs cela qui définit le communautarisme, lequel a toujours existé mais fut
combattu notamment par l'école qui recherchait à intégrer er à assimiler. L'intégration n'est plus trop à la mode, les
différences sont mieux acceptées mais leur affirmation trop tageuse est-elle de nature à scinder l'ensemble national en
communautés isolées ne désirant plus vivre ensemble ?
La question qui se pose est de savoir si l'on doit accepter cette reconnaissance communautariste et faire, finalement, des
différences entre les citoyens (ce qui est le cas dans la discrimination positive). De même, le débat autour des signes
religieux à l'école (espace public) porte sur la même question : peut-on accepter que des différences religieuses soient
revendiquées publiquement dans une démocratie laïque comme la nôtre ?
La question du communautarisme
Le communautarisme de Charles Taylor considère que la société est constituée d'un ensemble de communautés plutôt
que d'un ensemble d'individus. Si la société n'est en réalité qu'un ensemble d'individus avec leurs particularités, les
communautés sont dans les yeux de ceux qui leur donnent une existence et chez ceux qui se considèrent membres
d'une communauté avant d'être des individus distincts.
Par exemple pour les Musulmans (comme pour la plupart des communautés religieuses minoritaires) l'affiliation
religieuse est déterminante dans les rapports interindividuels. La nature des relations entretenues dépendra alors de
l'appartenance de l'autre à cette communauté ou sa non-appartenance. Même si le Musulman est un individu son
appartenance communautaire définira des traits de comportement commun ainsi qu'un sentiment de solidarité
collective ne s'étendant pas aux autres communautés. Ce communautarisme là porte l'exclusion, mais pour Charles
Taylor le communautarisme ne doit pas mener à une telle situation (même si en réalité elle y contribue), mais à une
reconnaissance sociale de la différence. Taylor présente donc le communautarisme comme un individualisme
identitaire né dans les années 60 autour des combats pour les droits civiques avec la volonté de reconnaissance des
communautés noires, féministes ou homosexuelles.
Ainsi Charles Taylor considère de façon positive ce communautarisme. Il réalise son existence et fait de sa négation un
mépris, un rejet des particularismes qui le fondent. Ne pas reconnaître le fait communautaire menacerait le lien social
en conduisant les communautés à s'affirmer par la violence et le rejet de ce qui est considéré comme la communauté
dominante - souvent blanche, mâle, chrétienne, hétérosexuelle, … Dans ce discours ce ne sont pas les communautés qui
s'excluent ou recherchent le conflit, c'est la société qui en refusant de les reconnaître génère l'exclusion et le conflit.
C'est une remise en cause complète du modèle laïque, universaliste et un rejet de l'égalité devant la loi. Effectivement la
communauté peut être une instance de contrôle qui impose ses règles au-delà des règles fixées au sein de la société
plus large. Or ces règles peuvent entrer en conflit avec celle de la société démocratique qui les abrite, pourrait-on ainsi
au nom du maintien du lien social autoriser la mise en place de la Chariah pour les seuls Musulmans, en considérant
que sa non application reviendrait à ne pas reconnaître la dignité des pratiquants de l'Islam ? Justifiant par avance une
réaction violente à ce que les communautaristes à la Taylor jugent comme une vexation.
Il semble en réalité que les autorités françaises aillent en ce sens en reconnaissant d'importantes prérogatives au
Conseil Français du Culte Musulman, mais les communautaristes devraient aussi tenir compte de la vision du monde
que possède chaque communauté, l'acception des règles communautaires peut être considérée comme un
renoncement, une faiblesse de la communauté dominante.
Derrière le communautarisme il y a aussi un relativisme, un renoncement à des valeurs universelles au nom du tout se
vaut. Laisser l'individu dans les chaînes d'une communauté d'origine c'est en faire un homme dont les droits
fondamentaux ne sont pas assurés. C'est renoncer aux valeurs fondatrices de notre civilisation libérale pour en revenir à
une société éclatées en communautés liées par des solidarités mécaniques.