Gallot 2006
Gallot 2006
Gallot 2006
Le côlon, ou gros intestin, s’interpose entre grêle et rectum. Pour le chirurgien, il comporte principalement
deux portions : le côlon droit vascularisé par les branches de l’artère mésentérique supérieure, et le côlon
gauche vascularisé par l’artère mésentérique inférieure. Il dessine un cadre dans la cavité abdominale et,
dans ses différents segments, entre ainsi successivement en rapport avec la presque totalité des viscères
intra-abdominaux. On doit distinguer les segments coliques accolés (ascendant et descendant) des
segments mobiles (transverse et sigmoïde) amarrés par un long méso libre. Le mésocôlon transverse
sépare la cavité abdominale en deux étages distincts, sus- et sous-mésocolique. Le mésosigmoïde isole le
petit bassin. La vascularisation colique est décrite en tenant compte de l’importance pratique des arcades
artérielles (coloplasties) et du drainage lymphatique (chirurgie carcinologique).
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Morphologie externe
Le côlon se différencie en principe aisément de l’intestin
grêle par son calibre plus important, son apparence bosselée
et sa coloration plus pâle, gris bleuté. Les bosselures ou
haustrations sont séparées par des étranglements qui font
saillie dans la lumière sous la forme de plis semi-lunaires. La
surface colique est en outre parcourue par des bandelettes
blanchâtres, condensation de la couche musculaire externe
longitudinale d’environ 1 cm de large, qui le segmentent
longitudinalement. Ces bandelettes sont au nombre de trois
du cæcum au sigmoïde, l’une antérieure (sur le bord libre), les
deux autres postérolatérales. Au niveau du sigmoïde, les
bandelettes se réduisent à deux, une antérieure, l’autre
postérieure, pour disparaître un peu au-dessus de la jonction
colorectale. [2]
Ces bandelettes coliques sont souvent, pour le chirurgien, la
zone élective d’une colotomie : la paroi épaissie et fibreuse à
leur niveau est plus aisée à saisir et elle présente plus de
résistance. Lorsque l’on incise le côlon sur une bandelette, il
faut le faire en son milieu afin d’éviter une rétraction asymétri-
que de la paroi. Au niveau des haustrations, la paroi colique est
plus mince, la musculeuse s’y trouvant réduite à la seule couche
circulaire.
Figure 1. Situation générale du cadre colique. Outre le grand épiploon, des amas graisseux, les franges
épiploïques, s’insèrent sur les portions droites et surtout gauches
avec leur vascularisation artérielle et veineuse propre, leur du côlon, de part et d’autre des bandelettes. Elles peuvent être
drainage lymphatique indépendant et une innervation particulièrement volumineuses et gênantes chez l’obèse.
séparée. [1] Lorsqu’elles doivent être réséquées, il faut les sectionner après
Selon Loygue, le côlon droit, et plus particulièrement le côlon les avoir liées au fil fin, à petite distance de la paroi car un
ascendant « gros et court, sorte de sac distendu par les gaz, que diverticule muqueux peut s’y inclure.
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Figure 2.
A. Morphologie générale du côlon, transverse et épiploon relevés. 1. Cæcum ; 2. côlon ascendant ; 3. angle droit ou angle hépatique ; 4. côlon transverse ;
5. angle gauche ou angle splénique ; 6. côlon descendant ; 7. côlon iliaque.
B, C. Apparence radiologique. Le sommet d’une anse sigmoïde longue, en réplétion, peut se situer dans la fosse iliaque droite.
Figure 4.
A, B, C, D. Développement et rotation de l’anse intestinale primitive.
Figure 6. Les zones fixes (côlon accolé) (3) s’opposent aux zones
mobiles (côlon flottant) (1). Des zones charnières (angles coliques et côlon
un V renversé qui limite vers le haut la fosse sigmoïde (Fig. 8).
iliaque) (2) les séparent.
D’autant plus long que l’anse sigmoïde est longue, il a une
morphologie variable avec le degré d’infiltration graisseuse : il
peut être pellucide et long, et le sigmoïde est alors facilement
manipulable, ou court et épais fixant pratiquement le côlon
dans la fosse iliaque.
Grand épiploon
Au niveau du transverse, le côlon donne attache au grand
épiploon (grand omentum). Celui-ci a la forme d’un tablier
appendu à l’estomac et étalé dans la cavité abdominale devant
la masse des anses grêles. Il passe au-devant du côlon transverse
et est fixé latéralement au diaphragme par des replis infiltrés de
graisse : les « ligaments » phrénicocoliques. Son aspect varie
avec l’âge et l’obésité. Il est formé d’un repli du péritoine du
mésogastre postérieur qui se détache de la grande courbure
gastrique, descend devant le côlon puis remonte pour adhérer
à la face supérieure du mésocôlon transverse avant de rejoindre
le péritoine pariétal postérieur, limitant ainsi l’arrière-cavité des
épiploons ou bourse omentale. Entre grande courbure gastrique
et côlon, fusionné avec le feuillet supérieur du mésocôlon
transverse, il prend le nom de ligament gastrocolique. Celui-ci
peut être clivé (décollement coloépiploïque) sans toucher à la
vascularisation colique. Un plan avasculaire (Fig. 9) entre
feuillet épiploïque et feuillet mésocolique est plus ou moins aisé
à trouver selon l’adiposité du méso : le chirurgien peut être aidé
par la différence entre la structure fine du méso et le caractère
granuleux de l’épiploon. En pratique, ce décollement coloépi-
ploïque est rarement totalement avasculaire et il est plus aisé à
gauche qu’à droite de la ligne médiane, sans doute en raison du
repli que forment les veines d’origine du tronc gastrocolique.
■ Exploration et exposition
du côlon
Figure 7. La racine du mésocôlon transverse croise de droite à gauche L’exploration de la totalité du cadre colique nécessite en
et de bas en haut le duodénopancréas, puis elle longe le bord inférieur du chirurgie ouverte une voie d’abord large : longue médiane ou
corps et de la queue du pancréas. Au-dessous, la racine du mésentère est transversale. La voie d’abord cœlioscopique peut être utilisée :
oblique vers le bas et la droite. La racine du mésosigmoïde dessine un V elle permet de suivre la morphologie externe des segments
inversé au-dessus des vaisseaux iliaques gauches. coliques mobiles mais sauf pour leur face superficielle, les
segments fixes, tout comme en chirurgie ouverte, ne pourront
être explorés qu’après décollement colopariétal. La voie cœlio-
verticale, amarrant de court la portion terminale du sigmoïde et scopique ne permet pas de palper une éventuelle lésion :
la jonction rectosigmoïdienne. Sa ligne d’insertion dessine donc l’association d’une endoscopie peropératoire peut être un
elle s’étale plus ou moins, ou rectum et organes génitaux chez La disposition la plus habituelle serait, dans 66 % des cas, un
la femme. Elle atteint ainsi la paroi latérale droite du pelvis. Elle tronc commun donnant une artère colique gauche et une artère
peut parfois avoir un trajet pelviabdominal et aller jusqu’à la sigmoïdienne associée à une seconde artère sigmoïdienne, la
fosse iliaque droite. Elle est toujours en rapport direct en haut vascularisation du sigmoïde pouvant se faire à partir d’une
avec les anses intestinales. artère unique (10 %), de deux artères (58 %), de trois (28 %),
ou de quatre (4 %).
Les veines coliques gauches suivent, comme à droite, les axes
■ Vascularisation artériels correspondants. Le confluent des veines sigmoïdiennes
constitue l’origine de la veine mésentérique inférieure. Celle-ci,
Vaisseaux du côlon droit en haut, se détache du tronc de l’artère mésentérique inférieure
pour rejoindre l’artère colique gauche (formant ainsi l’arc
Les artères viennent de l’artère mésentérique supérieure. On vasculaire du mésocôlon gauche ou arc de Treitz). Elle s’en
distingue ainsi : sépare pour, derrière le pancréas, se jeter dans la veine splénique
• l’artère colique ascendante, branche de l’artère iléocolique, et constituer le tronc splénomésaraïque.
qui vascularise la portion initiale du côlon ascendant, Les lymphatiques ont également la même topographie qu’à
l’appendice et le cæcum par ses branches appendiculaires, droite. Le groupe central mésentérique inférieur se situe à
cæcales antérieures et postérieures ; l’origine de l’artère, autour de l’aorte sous-mésocolique. Son
• l’artère colique droite, ou artère de l’angle droit, qui remonte extirpation implique la ligature « sur l’aorte » de l’artère
vers l’angle droit à la partie haute du fascia d’accolement ; mésentérique inférieure après libération et bascule du quatrième
• une artère intermédiaire (inconstante) qui peut aller de la duodénum.
mésentérique supérieure vers la partie moyenne du côlon Le drainage lymphatique du côlon transverse pose un pro-
ascendant. Elle ne serait présente que dans 10 % des cas ; [4] blème au chirurgien car il s’effectue, soit vers les collecteurs
• l’artère colique ascendante et l’artère colique moyenne droits, soit vers les collecteurs gauches, soit, lorsqu’il existe, le
peuvent naître d’un court tronc commun dans 40 % des cas long du pédicule colique moyen (colica media), c’est-à-dire
selon Nelson ; [5] directement vers les collecteurs périaortiques rétropancréatiques
• l’artère colique moyenne (colica media) qui naît haut, qui sont inaccessibles à l’exérèse.
directement de la mésentérique supérieure au bord inférieur
du pancréas. Elle est courte et se dirige dans le mésocôlon
transverse vers l’union tiers moyen-tiers gauche du côlon Répartition des artères coliques.
transverse : cette artère est très variable dans son calibre, son Arcade paracolique
trajet et son mode de division. Une origine à partir de l’artère À 2 ou 3 cm du bord interne du côlon, chaque artère colique
splénique a été décrite. [6] Elle est inconstante, présente dans se divise en T et s’anastomose avec les branches correspondan-
environ 80 % des cas mais elle peut, paradoxalement, être tes des artères sus- et sous-jacentes. Ainsi se forme tout le long
exceptionnellement prédominante. [7] du cadre colique, du cæcum à la jonction rectosigmoïdienne,
Les veines coliques droites suivent les axes artériels en les une arcade marginale, parfois dédoublée, notamment au niveau
croisant par en avant pour se jeter dans la veine mésentérique de l’angle droit ou du transverse. Cette arcade vasculaire
supérieure à son bord droit. La veine colique droite peut s’unir paracolique ou arcade de Riolan (Drummond marginal artery pour
à la veine gastroépiploïque droite et la veine pancréaticoduodé- les anatomistes anglo-saxons) relie les territoires mésentériques
nale supérieure et antérieure pour former le tronc veineux supérieur et inférieur et permet une suppléance artérielle
gastrocolique (tronc de Henle). Pour le chirurgien, ce tronc suffisante sur tout le cadre colique en cas d’interruption d’un de
veineux relativement court chemine dans une condensation ses piliers. Cette arcade n’est pas normalement visible sur une
cellulograisseuse à la partie haute du fascia d’accolement artériographie : elle n’apparaît qu’en cas d’anomalie circula-
colique, vers le bord droit du mésentère, juste sous la racine du toire. [10] De ce fait, le « point critique » au niveau de l’angle
mésocôlon transverse : il peut être d’identification et de gauche (point de Griffith) est de signification discutée. [11]
contrôle malaisés lors de la ligature première des vaisseaux L’arcade bordante serait absente dans 5 % des cas au niveau du
coliques droits dans les colectomies réglées pour cancer. côlon droit, l’anastomose côlon droit/côlon gauche étant
Les lymphatiques coliques suivent les pédicules artériovei- constante. [5]
neux. Les ganglions (nœuds) lymphatiques se répartissent en De l’arcade naissent les vaisseaux droits qui gagnent le bord
cinq groupes : interne du côlon. La vascularisation pariétale colique a des axes
• groupe épicolique, au contact de la paroi intestinale ; essentiellement transversaux : les colotomies transversales sont
• groupe paracolique, au contact de l’arcade bordante ; moins hémorragiques que les incisions longitudinales.
• groupe intermédiaire, le long des pédicules ;
• groupe principal à l’origine des branches coliques sur l’artère Conséquences pratiques
mésentérique ;
• groupe central, périaorticocave, à la face postérieure de la tête Lors de la ligature de l’artère mésentérique inférieure, le
pancréatique (confluent rétroportal). chirurgien devra prendre garde à respecter les branches nerveu-
Le curage lymphatique, lorsqu’il est nécessaire, implique ses qui sont proches de son origine : les rameaux préganglion-
toujours le sacrifice des pédicules vasculaires correspondants. [8] naires sympathiques vont former le plexus hypogastrique
Le groupe central n’est pas accessible à l’exérèse. supérieur devant l’aorte abdominale, entre l’origine de l’artère
mésentérique inférieure et la bifurcation aortique. Si le plexus
est en dehors et en arrière du plan du fascia, ses éléments
Vaisseaux du côlon gauche restent proches du plan de dissection carcinologique. Il est donc
Les artères coliques gauches viennent de la mésentérique conseillé de ménager les tissus celluloganglionnaires qui
inférieure ; elles comprennent dans la description classique : entourent le premier centimètre de l’artère. [12] L’ouverture du
• l’artère colique gauche (artère de l’angle gauche) qui naît de plan d’accolement postérieur (qui prolonge en haut le plan du
la mésentérique inférieure à 2 ou 3 cm de son origine fascia recti) permet ensuite le décollement atraumatique du
aortique, derrière le duodénopancréas. Elle gagne l’angle mésosigmoïde.
gauche par un trajet récurrent proche de la racine du méso- Sauf intervention antérieure ou pathologie artérielle associée,
côlon transverse gauche ; la ligature à l’origine des pédicules artériels droits ou gauches en
• les artères sigmoïdiennes, au nombre de trois, qui peuvent cas d’exérèse carcinologique réglée ne met pas en jeu la vascu-
naître d’un tronc commun, branche de la mésentérique, ou larisation du côlon restant. La mobilisation complète du côlon
isolément à partir de celle-ci. Une origine commune artère gauche et du transverse, pédiculisés après résection rectale sur
colique gauche/tronc des sigmoïdes a été décrite. [9] les vaisseaux coliques droits, permet ainsi des anastomoses
Cette disposition classique ne serait pas la plus fréquente ; colonales avec suffisamment de longueur pour y associer la
selon Nelson, [5] elle ne concernerait que 16 % à 30 % des cas. réalisation d’un court réservoir colique.
■ Innervation
“ Points forts L’innervation autonome du côlon provient d’un réseau
préaortique complexe, formé à partir de la chaîne prévertébrale
• Pour le chirurgien, le côlon comprend deux parties : le abdominale qui reçoit des fibres parasympathiques du nerf
côlon droit vascularisé par des branches de l’artère pneumogastrique droit par l’intermédiaire des ganglions
cœliaques, et des fibres sympathiques (orthosympathiques) du
mésentérique supérieure, le côlon gauche vascularisé par
tronc latérovertébral (nerfs petits splanchniques). Les ganglions
l’artère mésentérique inférieure. La limite entre ces deux forment deux plexus : le plexus mésentérique crânial (supé-
parties se situe à l’union tiers moyen/tiers gauche du côlon rieur), destiné à l’innervation du côlon droit, est autour de
transverse. l’origine de l’artère mésentérique supérieure. Ses fibres suivent
• Les segments latéraux, verticaux du côlon (côlons les axes artériels. Les ganglions du plexus mésentérique infé-
ascendant et descendant) sont fixés en arrière par les rieur, destiné au côlon gauche, sont groupés autour de l’origine
accolements des fascias de Toldt. Les segments médians de l’artère mésentérique inférieure. Entre les deux plexus se
(transverse et sigmoïde) sont mobiles avec un mésocôlon situe un riche réseau anastomotique : le plexus inter-
libre et flottant. mésentérique.
• Encadrant la cavité abdominopelvienne, le côlon est en La reconnaissance de ces éléments nerveux et de leur systé-
matisation n’a pas d’utilité pratique pour le chirurgien.
rapport direct ou indirect avec pratiquement tous les
.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Gallot D. Anatomie chirurgicale du côlon. EMC (Elsevier SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Appareil
digestif, 40-535, 2006.