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2-3 Mycoses
G.E. Piérard, C. Piérard-Franchimont

Généralités nement ou forment des pseudo-filaments. Les Candida ont une


affinité pour les muqueuses, la peau et les phanères. Il convient
Les mycoses cutanées font partie des infections superficielles, également de citer Cryptococcus neoformans et Trichosporon asahii
semi-profondes ou profondes, causées par des champignons micros- parmi les agents responsables des levuroses cutanées.
copiques. Vivant sur ou dans des organismes, la plupart de ces Les moisissures non dermatophytiques ne sont que très rare-
champignons restent inoffensifs. Seuls quelques champignons se ment impliquées seules dans une infection de la couche cornée.
comportent en pathogènes vrais, tandis que d’autres sont opportu- Certaines sont en revanche retrouvées dans des infections mixtes
nistes, profitant d’une défaillance de la résistance immunologique, et sont responsables d’onychomycoses et de mycoses invasives
de troubles métaboliques (diabète) ou d’influences médicamen- profondes (Alternaria, Aspergillus, Fusarium, etc.).
teuses (antibiothérapie, corticothérapie, etc.). Une dizaine de ces
classes de champignons est responsable de la vaste majorité des
mycoses cutanées (tableau 2.24). Mise en évidence
Le diagnostic d’une dermatomycose peut être établi à plusieurs
Trois groupes niveaux  : le diagnostic clinique, l’examen microscopique direct, la
culture microbiologique, la dermatopathologie et le typage moléculaire.
Cet ensemble de micro-organismes est classé en trois grands groupes :
Dans les atteintes superficielles de la peau, les champignons
les dermatophytes, les levures et les moisissures non dermatophy-
sont mis en évidence sur des squames récoltées par grattage à la
tiques. Cette distinction est importante, tant du point de vue épidémio-
curette. Dans les atteintes profondes, une biopsie incisionnelle
logique que pour la thérapeutique, car les antimycosiques ne sont pas
est requise bien que, parfois, la récolte de matériel suppuratif au
tous également actifs contre les trois groupes de champignons précités.
niveau d’une fistule puisse être suffisante.
Les dermatophytes sont des champignons filamenteux qui se
reproduisent par des arthroconidies (spores). Ils sont dits kérati-
Examen direct. Le clinicien a accès à la topographie des lésions
sur le corps ainsi qu’à la sémiologie de chaque lésion, et peut
nophiles car ils se développent préférentiellement dans la couche
choisir sur laquelle faire le prélèvement. Avant d’être examiné
cornée et les phanères.
au microscope, ce matériel doit être rendu transparent par l’ac-
Les levures sont principalement représentées par le genre Candida tion de la potasse caustique (KOH diluée de 10 à 40  %) ou par
et par le genre Malassezia anciennement dénommé Pityrosporum. celle du sulfure de sodium à 10  % en solution hydro-alcoolique.
Elles ont une forme arrondie et se reproduisent par bourgeon- On peut aussi recouvrir les squames avec une goutte de solution

Tableau 2.24 Mycoses cutanéomuqueuses


Type de mycose Principales manifestations cutanéomuqueuses

Dermatophytoses Teignes, intertrigos, lésions circinées, onychopathies


Candidoses Intertrigos, stomatites, vulvites, balanites, périonyxis
Pityrosporoses Pityriasis versicolor, pustules, dermite séborrhéique
Cryptococcose Papulonodules type molluscum contagiosum
Trichosporonose Piedra blanche, intertrigos, lésions nodulaires (forme invasive)
Géotrichose Intertrigos, stomatites
Dermatomycoses à Dématiées
– chromomycoses Lésions verruqueuses, éléphantiasis
– phaeohyphomycoses Tinea nigra, piedra noire, nodules, pseudo-kystes
Eumycétomes Pied de Madura
Mycoses à champignons dimorphes
– blastomycose Nodules végétants ulcérés
– histoplasmose américaine Ulcération bien limitée du palais ou de la langue, papules
– histoplasmose africaine Ulcérations torpides fistules, lésions ostéoarticulaires
– coccidioïdomycose Plaques papillomateuses ou abcédées, panniculites
– paracoccidioïdomycose Nodules et abcès
– pénicilliose Papulonodules type molluscum contagiosum
– sporotrichose Nodule ulcéré, gomme sur trajet lymphatique
Hyalohyphomycoses
– aspergillose Nodules inflammatoires qui peuvent s’ulcérer
– fusariose Cellulite ulcérée
Mucormycoses/phycomycoses
– mucormycoses Cellulite
– entomophthoromycoses Cellulite nodulaire froide et du visage
– rhinosporidiose Polypes, épistaxis
Lobomycose Lésions chéloïdiennes

134 Dermatologie et infections sexuellement transmissibles


© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Maladies infectieuses 2-3
Mycoses

fluorochrome (Na2S-Blankophor P  fluessig, Bayer) puis avec une Tableau 2.25 Dermatophytes


lamelle  couvre-objet, en les écrasant légèrement, puis examiner
Anthropophiles
au microscope à fluorescence (400-440 nm). Ce fluorochrome spé-
cifique de la paroi cellulaire des champignons rend la recherche M. audouini, M. langeroni Teignes
aisée. D’autres prélèvements, collectés sur pastilles transparentes T. tonsurans, T. violaceum, Teignes
auto-adhésives ou par la méthode de la biopsie de surface au T. soudanense Teignes, favus
cyanoacrylate, bénéficient de colorations histochimiques simples T. schönleinii Intertrigos inguinaux et plantaires,
T. rubrum dermatophytose circinée, ongles, ubiquitaire
(bleu de toluidine – fuchsine basique, fluorochromes, etc.) sans
E. floccosum Intertrigos inguinaux
traitement préalable de l’échantillon [1]. Ces éléments suffisent par-
T. interdigitale Intertrigos plantaires
fois à établir un diagnostic orientant un traitement efficace (pityria- T. mentagrophytes var. interdigitale Intertrigos plantaires, ongles
sis versicolor, muguet, intertrigo, etc.). T. concentricum Tokelau
Zoophiles
Culture. Elle vise à confirmer ou établir par la culture la nature
du champignon, en particulier son genre (dermatophyte, levure, M. canis, M. persicolor Teignes, dermatophytose circinée
T. mentagrophytes, T. ochraceum Teignes inflammatoires, sycosis, kérion, paumes
moisissure non dermatophytique) et son espèce (Microsporum,
Trichophyton, Candida, Malassezia, etc.). Le matériel prélevé est Géophiles
ensemencé sur un milieu de culture, en particulier celui de Sabouraud M. gypseum, M. cookei Teignes (parfois sycosis)
(glucose, ­peptone, gélose et eau). Les colonies se développent en
quelques jours à quelques semaines et sont identifiées par leurs T : Trichophyton ; E : Epidermophyton ; M : Microsporum.
aspects macroscopique et microscopique. Après la confirmation de
la présence d’un champignon et son identification, le praticien est à
Sur le plan épidémiologique, on distingue les dermatophytes à
même de choisir judicieusement la thérapeutique, de préconiser des
caractère anthropophile qui sont responsables de contaminations
mesures prophylactiques et d’orienter son enquête épidémiologique.
interhumaines, ceux qui sont zoophiles et que l’on peut contracter
Histopathologie. La recherche d’un champignon sur coupe histo- d’un animal colonisé ou infecté, et les géophiles dont le réservoir
logique se pratique après coloration au PAS ou au Gomori-Grocott. est la terre, mais dont l’animal est souvent le vecteur. Cette distinc-
Des fluorochromes (Fungiqual, Calcofluor) les révèlent également tion est importante car une infection par un dermatophyte zoophile
au microscope à fluorescence. L’immunohistochimie utilisant des nécessite la prise en charge thérapeutique de l’animal atteint si l’on
anticorps plus ou moins spécifiques est également très utile pour veut éliminer une recontamination. En cas d’infection géophile, il
affiner le diagnostic. faut éviter tout contact avec le sol incriminé ou avec les animaux
qui le fréquentent. Pour les dermatophytes anthropophiles, la
Typage moléculaire. L’étage ultime au niveau diagnostique est contagion est soit directe par contact avec un individu infecté, soit
parfois recherché dans une identification moléculaire de la indirecte par l’intermédiaire de propagules présentes dans les vête-
nature d’un champignon [2-5]. Il s’agit d’identifier par PCR ou ments et les chaussures. Les principales sources d’infection sont
d’autres méthodes moléculaires la nature précise de l’agent fon- cependant les tapis de sport et le sol des douches, des piscines et
gique. Un certain degré d’incertitude peut cependant persister, des vestiaires collectifs. En règle générale, les dermatophytes zoo-
aboutissant à la notion d’un « complexe fongique ». Tel est le cas philes et géophiles, peu adaptés à la peau humaine, y provoquent
pour le complexe Trichophyton mentagrophytes regroupant des des réactions plus inflammatoires que les espèces anthropophiles.
espèces d’origines différentes.
Sur le plan clinique, les dermatophytes induisent des lésions du
cuir chevelu (les teignes), de la peau glabre (corps, visage, plis et
Traitements régions palmoplantaires), des ongles.
Le traitement des mycoses cutanées a bénéficié de considérables
progrès, avec la découverte des azolés puis des allylamines [1]. Teignes du cuir chevelu
Ces médicaments sont utilisés par voie topique et systémique ; ils
De l’infection du cheveu et du cuir chevelu, résultent une cassure
sont détaillés chapitre 22. D’une façon générale, le traitement des
des cheveux et donc des zones alopéciques squameuses. Apanage
mycoses cutanéomuqueuses comporte trois mesures  : éviction
non exclusif des enfants, les aspects cliniques sont variables selon
des circonstances de la contamination, de la colonisation ou de
l’espèce pathogène impliquée.
la prolifération mycosique, traitement local (topique) et, mesure
discutée dans chaque cas en fonction du type de mycose et de sa
localisation, traitement systémique. Teignes microsporiques (fig. 2.53)

RÉFÉRENCES
1. Piérard G.E. et coll., Scientific World Journal. 2014, 462634, 2014.
2. Wakasa A. et coll., J Dermatol. 2010, 37, 431.
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5. Hubka V. et coll., Mycologia. 2015, 107, 169.

Dermatophytoses
Les agents pathogènes en sont les dermatophytes (tableau 2.25).
Sur le plan taxonomique, ils se répartissent en trois genres dénom-
més Trichophyton (T), Epidermophyton (E) et Microsporum (M), qui
se distinguent principalement par la forme des macroconidies qu’ils
développent en culture. Fig. 2.53 Teigne microsporique.

135
2-3 Maladies infectieuses
Mycoses

Les agents en sont Microsporum audouini, M. langeroni (anthro- Teignes suppurées (kérion de Celse,
pophiles), M.  canis, M.  persicolor (zoophiles), M.  gypseum et
M. cookei (géophiles). Ce sont les enfants, spécialement en âge
sycosis mycosique)
scolaire, qui en sont atteints. Contagieuse, la teigne micros- Les agents responsables les plus fréquents en sont des dermato-
porique provoque des épidémies étendues, en particulier lors- phytes zoophiles (T. mentagrophytes, T. ochraceum, plus rarement
qu’elle est due à M. audouini ou familiales (M. canis). Elle guérit M.  canis) ou parfois géophiles (M.  gypseum). Les enfants et les
spontanément à la puberté, à de rares exceptions près. Elle se hommes sont atteints plus souvent que les femmes et l’affection
présente sous forme d’aires érythématosquameuses uniques ou prédomine en milieu rural. La contamination se fait généralement
en petit nombre, pouvant atteindre quelques centimètres de dia- à partir d’animaux domestiques (bovidés, chats, chiens, cobayes,
mètre, sur lesquels tous les cheveux sont cassés à 2 ou 3 mm de etc.), mais parfois une contagion inter-humaine directe ou indirecte
leur émergence. La hampe pilaire résiduelle est entourée d’une est possible. Chez l’enfant, c’est le cuir chevelu qui est atteint, alors
gaine pulvérulente blanchâtre, correspondant à des amas com- que chez l’adulte, la barbe et les régions particulièrement velues
pacts de spores. peuvent également être touchées (fig.  2.54). Le début se fait par
À l’examen en lumière de Wood, ce matériel émet une fluores- une ou plusieurs plaques érythématosquameuses, arrondies et pru-
cence verte. L’examen microscopique révèle que les cheveux sont rigineuses. Trois à 5  jours plus tard, les plaques bien limitées se
engainés de spores et infiltrés de quelques filaments (parasi- tuméfient et se couvrent de pustules folliculaires qui se rompent
tisme ecto-endothrix). Les cultures permettent l’identification de et donnent issue à un pus jaunâtre. La plupart des cheveux ou des
l’espèce. Le diagnostic différentiel se fait avec les teignes tricho- poils s’éliminent spontanément. Des adénopathies satellites doulou-
phytiques, le favus et avec toute affection inflammatoire du cuir reuses peuvent apparaître, ainsi qu’une fièvre modérée, des cépha-
chevelu. lées, des courbatures et des arthralgies. L’évolution spontanée se
fait vers la guérison parfois marquée d’une cicatrice alopécique. Le
parasitisme est à la fois endo- et ectothrix. Des mycides (réactions
Teignes trichophytiques inflammatoires à distance) généralement lichénoïdes ne sont pas
Les agents les plus fréquents en sont Trichophyton tonsurans, rares, surtout chez les enfants.
T.  violaceum, T.  soudanense, tous anthropophiles. La teigne tri-
chophytique atteint les enfants en âge scolaire. Elle guérit sou-
vent à la puberté, avec quelques exceptions correspondant à la
trichophytie chronique de l’adulte. Elle se présente sous la forme
de petites zones grisâtres, de 1 à 2 cm de diamètre, de forme irré-
gulière, renfermant des cheveux fragiles, se cassant à leur émer-
gence. Ils peuvent ainsi apparaître sous l’aspect d’un point noir
implanté dans l’orifice folliculaire. Quelques cheveux non parasi-
tés persistent au sein des plages alopéciques.
L’examen sous la lumière de Wood est négatif. L’examen
microscopique des cheveux cassés révèle un parasitisme endo-
thrix caractérisé par la présence de très nombreuses spores intra-
pilaires disposées en chaînettes. Les cheveux atteints ne sont pas
engainés de spores. La culture est indispensable à l’identification
de l’espèce. Le diagnostic différentiel doit se faire avec la teigne
microsporique, le favus, ainsi qu’avec toute affection inflamma-
toire et/ou squameuse du cuir chevelu. Fig. 2.54 Sycosis mycosique de la barbe à T. mentagrophytes.

Favus (teigne favique)


Le favus dû à Trichophyton schönleinii est éradiqué en Europe. Dermatophytoses granulomateuses
La contamination interhumaine, souvent familiale, survient suppuratives
habituellement dans l’enfance. Le caractère contagieux ne se
Elles réalisent des papules folliculaires kératosiques ou des nodo-
manifeste que dans des conditions particulières de promiscuité,
sités au niveau des jambes chez des femmes qui s’épilent. Elles
d’hygiène défectueuse ou de sous-alimentation (« teigne de la
peuvent aussi atteindre les poils pubiens, même chez la femme.
misère »). La puberté n’entraîne pas la guérison. L’évolution est
C’est un équivalent de teigne suppurée, ou de trichophytie gra-
chronique et aboutit à une alopécie cicatricielle. Localisé d’abord
nulomateuse secondaire à la rupture de follicules pileux infectés.
au cuir chevelu, le favus peut s’étendre et provoquer des lésions
T. rubrum est le plus souvent impliqué, mais d’autres dermatophytes
cutanées et unguéales. La lésion caractéristique est le godet
tels que M. canis peuvent en être exceptionnellement responsables.
favique, petite cupule de 0,5 à 1,5 cm de diamètre, jaune soufre,
périfolliculaire, pouvant confluer avec les godets voisins. Les
cheveux deviennent mats et se cassent à quelques centimètres Traitement des teignes du cuir chevelu
de leur émergence. Qu’il s’agisse de teignes tondantes, suppurées ou faviques, les mycoses
La lumière de Wood révèle une faible fluorescence verdâtre. du cuir chevelu exigent un traitement oral qui sera prolongé quelques
Dans de rares cas, des formes cliniques atypiques peuvent se mois selon la nature du champignon et l’évolution de l’affection. La
présenter. On distingue alors les types pityroïde, impétigoïde et griséofulvine administrée pendant 1 à 2 mois à la dose de 15 à 25 mg/
papyroïde de l’affection. L’examen microscopique révèle que les kg/j est un traitement de choix [1]. La terbinafine (250 mg/j) en traite-
godets sont constitués par un peloton de filaments mycéliens. Les ment continu et l’itraconazole en thérapie pulsée (2 × 200 mg/j) d’une
cheveux contiennent un réseau complexe de canaux aérés habités semaine/mois sont efficaces bien que le temps nécessaire à l’éradica-
de quelques filaments et d’arthroconidies rectangulaires de type tion complète du c­ hampignon reste r­ elativement long. Le fluconazole
endothrix. La présence de godets permet un diagnostic différen- peut aussi être efficace. Les teignes dues à M. canis sont parmi les plus
tiel, généralement facile, avec les autres affections du cuir chevelu, difficiles à traiter. Un traitement local par des imidazolés, sous forme
qu’elles soient mycosiques ou non. La dermatophytie causée par de shampooing ou de crème, peut être un complément du traitement
T. quinckeanum est celle qui ressemble le plus au favus. général, mais n’en est pas un substitut.

136
Maladies infectieuses 2-3
Mycoses

Dermatophytoses de la peau glabre Tokelau (tinea imbricata)


Près d’une trentaine de dermatophytes, qu’ils soient zoophiles, Le Tokelau est provoqué par Trichophyton concentricum. Il n’existe
anthropophiles ou géophiles, peuvent être responsables de derma- que dans certaines îles du Pacifique, quelques cas sporadiques
tophytoses de la peau glabre. M. canis et T. rubrum sont les agents mis à part, en particulier en Asie du Sud-Est et en Amérique du
les plus fréquemment responsables des lésions. Sud. L’affection à transmission interhumaine touche les deux sexes
à tout âge ; elle envahit progressivement tout le tégument sous
Dermatophytose circinée forme de grandes cocardes constituées de cercles concentriques
Affection fréquente, touchant des individus de tout âge, encore de squames écailleuses et blanchâtres. Les cheveux ne sont jamais
improprement nommée « herpès circiné », elle se traduit par des atteints. Le prurit est variable.
lésions qui débutent par une macule érythémateuse, prurigi-
neuse, à centre squameux, à bord vésiculopapuleux et à exten- Dermatophytoses des grands plis
sion centrifuge, parfois en cocarde (fig.  2.55). La confluence de
Ce sont les dermatophytes anthropophiles (T.  rubrum, E.  flocco-
plusieurs lésions donne naissance à des éléments polycycliques.
sum, T. interdigitale) qui en sont les agents les plus fréquents [2-4].
Les poils et les duvets recouvrant les zones lésées peuvent être
Ces trois espèces vont se partager les diverses zones du tégument.
parasités. Au cours de l’évolution, le centre de la lésion a tendance
E. floccosum affecte surtout les plis de l’aine et T. interdigitale quitte
à pâlir et peut prendre une teinte bistre. L’examen microscopique
difficilement l’avant-pied. T. rubrum concurrence les deux premiers
des squames révèle la présence de filaments mycéliens et, parfois,
dans leurs territoires de prédilection.
des arthroconidies.
La dermatophytose des plis inguinaux est l’eczéma marginé
de Hebra ; il atteint les hommes beaucoup plus souvent que les
femmes ou les enfants. La contamination peut se faire par contact
interhumain direct ou indirect, par le partage de vêtements ou de
linge de toilette. Souvent cependant, il résulte d’une auto-inocu-
lation à partir d’une mycose des pieds. Parfois unilatérales, mais
plus souvent symétriques, les lésions débutent sur la face interne
des cuisses par une ou plusieurs macules érythématosquameuses,
vésiculeuses en bordure, qui confluent pour donner une lésion
circinée, s’étendant à partir du pli inguinal sur la cuisse et débor-
dant parfois dans le pli interfessier (fig. 2.56). Progressivement, le
centre pâlit et devient bistre, alors que la bordure active garde un
caractère inflammatoire et exsudatif. Des lésions satellites peuvent
se développer autour de la lésion principale. Prurigineuses, les
lésions subissent fréquemment des variations spontanées à type
d’améliorations hivernales et d’exacerbations estivales. Le diag­
nostic différentiel se fait avec les autres affections de localisation
inguinocrurale : les examens microscopiques et mycologiques per-
mettent de trancher.

Fig. 2.55 Dermatophytose circinée.
Le diagnostic différentiel se fait avec un eczéma nummulaire,
plus érythémateux, vésiculosuintant sur toute sa surface et sans
évolution centrifuge. Il faut également éliminer la possibilité d’une
eczématide, d’un pityriasis rosé de Gibert ou d’un psoriasis (cf. chapitre
17). Les infections dermatophytiques sont malencontreusement
parfois confondues avec d’autres dermatoses. Si une corticothéra-
pie topique est instaurée, par paresse ou incompétence, l’aspect
clinique peut s’en trouver bouleversé, perdant la plupart des signes
sémiologiques typiques. C’est la tinea incognita qui s’installe alors
avec des stades successifs d’extension de l’infection et de rémis-
sion apparente. Des lésions papulopustuleuses, des nodules et des
plaques érythémateuses peuvent ainsi s’étendre tant que le diag­
nostic correct et le traitement adéquat ne sont pas rétablis. Fig. 2.56 Dermatophytose des grands plis périnéaux à T. rubrum.

Granulome de Majocchi Dermatophytoses des mains


Il s’agit de l’extension dermique d’une dermatophytose épider- et des pieds
mique, responsable d’un abcès où la coloration spéciale par le PAS
permet de mettre en évidence des filaments mycéliens. Les malades Les dermatophytes anthropophiles le plus souvent isolés sont
ont des papules, des nodules et des plaques, parfois squameuses, T.  rubrum, T.  mentagrophytes var. interdigitale et E.  floccosum.
parfois folliculaires. T. rubrum est l’agent causal le plus fréquent et Exceptionnelles chez l’enfant, les dermatophytoses palmoplantaires
cette affection survient principalement chez les sujets immunodé- sont plus fréquentes chez l’homme que chez la femme.
primés, après application d’immunosuppresseurs topiques, stéroï-
diens ou non, et parfois après occlusion ou traumatismes répétés Aspects cliniques. Les pieds sont plus souvent atteints que les
(p. ex. rasage). Un traitement systémique est toujours indiqué. mains (pied d’athlète). Les lésions plantaires sont favorisées par

137
2-3 Maladies infectieuses
Mycoses

des  troubles circulatoires et le port de chaussures imperméables. l’itraconazole et la terbinafine ont fait preuve d’une efficacité
Le prurit, parfois violent, est exacerbé par la transpiration et le remarquable [1] alors que leurs effets indésirables sont très sou-
contact de l’eau. Le patient accuse parfois seulement une sensa- vent mineurs et réversibles (cf. chapitre 22).
tion de brûlure. Ce sont les plis interdigitaux (en particulier le qua-
trième) (fig. 2.57) et sous-digitaux qui sont le siège le plus fréquent
de l’infection, avec extension à la voûte plantaire. La face dorsale Dermatophytoses unguéales
et les bords latéraux sont moins fréquemment touchés. Les lésions
Les onychomycoses à dermatophytes sont dues à quelques champi-
débutent soit par un intertrigo exsudatif, ou simplement squameux,
gnons, en particulier T. rubrum et T. mentagrophytes var. interdigitale,
souvent avec rhagades au fond des plis entre et sous les orteils, soit
alors que d’autres pathogènes tels que T. violaceum, T. schönleinii,
par une plaque érythématovésiculeuse plantaire, parfois bulleuse,
E. floccosum et M. canis ne sont que très rarement impliqués [5].
pouvant s’étendre pour confluer avec d’autres plaques et, parfois,
occuper toute la surface plantaire. Selon l’épaisseur de la couche Aspects cliniques. L’ onychomycose dermatophytique débute sur le
cornée, les vésicules sont plus ou moins visibles. Elles sèchent ou bord libre ou les bords latéraux de l’ongle par une tache blanchâtre
s’érodent, laissant à nu une surface rouge entourée d’une collerette qui s’étale progressivement. La lame unguéale perd sa transpa-
cornée. Il en existe deux formes cliniques, dénommées dysidrosique rence et son brillant et, peu à peu, elle devient polychrome. Elle se
et hyperkératosique. Dans la forme hyperkératosique, une xérose soulève par épaississement du lit unguéal et devient friable avec
érythémateuse peut s’étendre sur toute la sole plantaire et les bords une surface irrégulière et striée. L’ongle peut être réduit à quelques
latéraux du pied, réalisant une topographie en mocassin. Ailleurs, débris et se détacher de son lit. Une autre forme d’onychomycose à
elle peut réaliser un aspect de kératodermie farineuse. Aux mains, dermatophyte se présente sous l’aspect d’une leuconychie superfi-
l’atteinte hyperkératosique prédomine sur une paume, réalisant par- cielle à départ proximal. Elle est un marqueur du sida.
fois le tableau du syndrome « deux pieds – une main ».
Diagnostic différentiel. Il se fait avec les autres onychomycoses et
des affections inflammatoires telles un psoriasis, une pelade ou
un lichen plan (cf. chapitre 15-1). Les examens mycologique et his-
tologique sont souvent indispensables pour assurer un diagnostic
de certitude. Les filaments mycéliens et les arthroconidies sont
localisés à divers niveaux de la lame unguéale et de l’hyperkéra-
tose sous-unguéale.

Traitement. Il est détaillé chapitre 15-1. Il fait appel à la prise


orale d’itraconazole, de terbinafine ou de fluconazole. Une théra-
pie pulsée est préconisée pendant 2 à 6 mois selon l’antifongique
et la vitesse de croissance de l’ongle. Les traitements topiques ont
une efficacité toute relative. Les récidives sont fréquentes et pro-
bablement dues à la persistance d’arthroconidies dans l’ongle qui
ne sont que modestement affectées par les antifongiques, même
les plus modernes [3]. Aucun d’eux ne tue rapidement toutes les
Fig. 2.57 Intertrigo dermatophytique du quatrième espace.
structures fongiques in vivo.
Diagnostic différentiel. Il s’établit avec une dysidrose non myco-
sique, avec un intertrigo bactérien et, dans le type hyperkérato-
sique, avec un psoriasis. Certaines mycoses du pied, ressemblant Maladie dermatophytique
cliniquement à une dermatophytose, sont en fait dues aux moi- Chez des patients génétiquement prédisposés, notamment par
sissures Scytalidium dimidiatum et S. hyalinum. D’autres moisis- un déficit en CARD9 [6], des lésions dermatophytiques peuvent
sures, levures et bactéries, peuvent se retrouver comme agents passer à la chronicité et se compliquer de lésions nodulaires pro-
co-infectants dans des pieds d’athlète. Même si leur présence ne fondes et surtout invasives.
prouve pas un caractère pathogène primitif, elles peuvent par- Quelques dermatophytes sont responsables de la maladie. Il
ticiper, en tant que micro-organismes ayant franchi la barrière s’agit de T. rubrum, T. schönleinii, T. violaceum, T. verrucosum,
cutanée, au développement et à l’exacerbation des phénomènes T.  mentagrophytes et T.  tonsurans. Les nodules, de quelques
inflammatoires. Elles interviennent donc dans la pathogénie com- millimètres à plusieurs centimètres de diamètre, confluent
plexe et dans la morbidité du pied d’athlète. en vastes plaques, se ramollissent et peuvent évoluer vers la
nécrose, l’ulcération ou la fistulisation. Les adénopathies
Traitement des dermatophytoses superficielles dermatophytiques régionales sont fréquentes. L’extension
progressive aux organes internes (foie, rate, cerveau, os)
Les imidazolés, triazolés et allylamines sont les classes d’antifon-
grève le pronostic. L’évolution peut se faire vers la mort. Un
giques les plus utilisées pour le traitement topique ou oral des
effet transitoire a été rapporté pour le kétoconazole 400 mg/j,
dermatophytoses superficielles. La ciclopiroxolamine topique est
l’itraconazole 200 à 400 mg/j et la terbinafine 250 à 500 mg/j.
également efficace dans cette indication (cf. chapitre 22).
Cependant, aucun traitement antifongique n’a fait réellement
Les applications topiques doivent être généreuses et dépasser de preuve d’une efficacité curative.
2 à 3  cm les limites cliniques des lésions. Pour les mycoses des
grands plis et des pieds, des mesures non pharmacologiques d’hy-
giène ont une importance capitale. Chez les individus à risque et RÉFÉRENCES
en cas de récidives fréquentes, l’usage d’une poudre antifongique 1. Borgers M. et coll., Curr Drug Targets. 2005, 6, 849.
2. Garcia-Romero M.T. et coll., J Invest Dermatol. 2015, 135, 655.
peut être bénéfique à titre prophylactique.
3. Kobylak N. et coll., Acta Biochim Pol. 2015, 62, 119.
4. Mochizuki T. et coll., J Dermatol. 2015, 42, 232.
Les antifongiques oraux sont indiqués pour les atteintes pluri- 5. Rosen T. et coll., J Drugs Dermatol., 2015, 14, 223.
focales, étendues, chroniques ou récidivantes. Le fluconazole, 6. Lanternier F. et coll., N Engl J Med. 2013, 369, 1704.

138
Maladies infectieuses 2-3
Mycoses

Candidoses La perlèche se localise aux commissures labiales et touche avec


prédilection les patients édentés. Elle débute par de petites lésions
Les candidoses sont provoquées par des levures du genre Candida blanchâtres, qui deviennent érythématosquameuses et, parfois,
et, en premier lieu, C.  albicans, les autres espèces (C.  tropicalis, croûteuses. L’enlèvement des squames et des croûtes met à nu
C.  krusei, etc.) étant plus rarement impliquées. C.  albicans est une surface rouge, légèrement hémorragique parfois marquée
un endosaprophyte du tube digestif, alors que les autres espèces d’une rhagade douloureuse. La lésion peut être associée à une
sont des saprophytes du milieu externe. Les différentes espèces de chéilite et/ou à une stomatite. Elle peut déborder également sur la
Candida se distinguent en particulier par leurs capacités à former peau voisine. Prurit et douleur sont d’intensité variable. Les exa-
des biofilms [1]. Dans certaines conditions physiologiques (gros- mens mycologique, bactériologique et sérologique permettent le
sesse), pathologiques (diabète) ou iatrogènes (traitement par des diagnostic différentiel avec les perlèches streptococcique, syphili-
hormones, en particulier des corticoïdes, par des antibiotiques ou tique et nutritionnelle (cf. chapitre 16).
des immunodépresseurs), les Candida peuvent devenir pathogènes
et provoquer des manifestations cutanées et muqueuses diverses, La chéilite se marque par un érythème, un œdème et une desqua-
plus rarement des septicémies et des lésions viscérales. La mise en mation des lèvres s’accompagnant d’une sensation de tension, de
évidence des levures dans le matériel pathologique est nécessaire à brûlure et de picotements. Des rhagades douloureuses peuvent se
un diagnostic de certitude. Les cultures voient se développer en 24 à développer. La mise en évidence de Candida à l’examen mycolo-
48 heures des colonies crémeuses, à partir desquelles un diagnostic gique ne doit pas faire oublier qu’une surinfection levurique peut
d’espèce peut être fait par divers examens du ressort du laboratoire se développer sur une chéilite chimique, actinique, voire sur un
spécialisé. La biologie moléculaire est un outil précieux pour l’iden- carcinome. Un examen histologique et un traitement d’épreuve
tification précise des levures Candida [2]. antilevurique sont ici indispensables.

La stomatite (le muguet) (fig. 2.59) atteint l’ensemble ou une par-


Intertrigos candidosiques tie de la cavité buccale (joues, langue, palais, gencives, etc.). Elle
débute par un érythème diffus de la muqueuse, qui devient lisse,
Outre les facteurs généraux cités plus haut, les intertrigos can- brillante et douloureuse. La langue peut se dépapiller. Quelques
didosiques sont favorisés par l’obésité, la macération et le manque jours plus tard apparaissent de petits dépôts blanchâtres d’aspect
d’hygiène. Ils se localisent aux creux axillaires, aux plis sous-mam- grumeleux ou crémeux. Ils sont adhérents à leur base érythéma-
maires, inguinaux, inter- et sous-fessiers, interdigitaux des mains teuse, qui s’érode et saigne facilement lors de petits traumatismes.
et plus fréquemment des pieds. Le plus souvent, il est le fait d’une Les patients accusent une sécheresse de la bouche, s’accompagnant
auto-inoculation à partir d’un réservoir digestif, ou parfois vaginal. d’un goût métallique, de soif et d’une sensation de brûlure. Gênant
L’évolution est chronique et facilement récidivante. parfois la succion chez l’enfant, la mastication et la déglutition, la
Au début, l’éruption est érythématopustuleuse (fig.  2.58). Elle stomatite candidosique peut devenir chronique et, parfois, être à
devient rapidement suintante, formant un érythème rouge sombre l’origine d’une dissémination. La culture n’est que peu contributive
non ou peu infiltré, à bord festonné, bien limité, marqué par une à elle seule car la bouche est l’habitat normal de C. albicans dans sa
forme levurique saprophyte.

Fig. 2.58 Intertrigo candidosique chez une diabétique.


Fig. 2.59 Stomatite candidosique ou muguet.
collerette cornée blanchâtre avec un émiettement périphérique
caractéristique. Le fond du pli est fréquemment le siège d’une
rhagade recouverte d’un enduit blanchâtre dégageant une odeur Formes chroniques. Les aspects cliniques des candidoses chro-
fétide. Des pustules satellites se développent en périphérie. Prurit et niques peuvent être variés et trompeurs : leucokératose lisse ou
sensation de brûlure sont d’intensité variable. Dans les localisations verruqueuse, érythémato-atrophique, ulcérations. Il n’est pas
inguinales, une extension aux organes génitaux est fréquente. toujours simple de les différencier de la surinfection candidosique
Le diagnostic différentiel doit être fait avec un intertrigo bactérien d’une lésion préexistante comme une leucoplasie ou un lichen.
souvent plus franchement suintant, une dermatophytose dont seule L’examen histologique permet de faire le diagnostic différentiel
la bordure est active, un érythrasma beaucoup moins inflammatoire, avec les affections inflammatoires ou tumorales de la muqueuse
un psoriasis inversé et une dermatite séborrhéique (cf. chapitre 17). buccale (cf. chapitre 16-1). Parfois seul le traitement d’épreuve per-
met de trancher.

Candidoses buccodigestives
Elles peuvent atteindre tous les segments de l’appareil digestif. Candidoses génitales
Elles sont généralement la conséquence du passage à la pathogé- On les rencontre surtout chez les adultes ou par extension d’une
nicité de l’endosaprophyte C. albicans. dermite fessière chez l’enfant.

139
2-3 Maladies infectieuses
Mycoses

La vulvovaginite candidosique déborde fréquemment sur la face contenant des levures. La douleur, continue ou intermittente, est
cutanée des grandes lèvres, sur les plis inguinaux, le périnée et exacerbée par toute pression mécanique et souvent par le contact
le pli interfessier, pour former des lésions de contour irrégulier, de l’eau. L’onyxis secondaire à une paronychie débute par la partie
bordées par une collerette blanchâtre. La muqueuse est rouge, proximale ou latérale de l’ongle. Il se traduit par de petites taches
macérée et parsemée de vésiculopustules qui, une fois rompues, jaunes ou verdâtres, des sillons transversaux, occasionnellement
forment de petites érosions souvent recouvertes de dépôts blan- par de petites dépressions. La lame unguéale s’opacifie progressive-
châtres grumeleux. Une cervicite érosive peut l’accompagner. ment, devient molle et friable, se détache progressivement de son lit
Une leucorrhée généralement abondante s’installe. Les patientes et, parfois, s’élimine spontanément.
accusent un prurit et des douleurs à type de brûlure entraînant Aux pieds, et plus exceptionnellement aux mains, l’onyxis est
une dyspareunie. Les examens bactériologique, virologique et souvent primaire. Il commence sur le bord libre ou les bords laté-
mycologique permettent de la distinguer des vulvovaginites raux de la lame, qui devient friable, blanchâtre, verdâtre ou même
d’autres étiologies (gonocoque, herpès, trichomonas, etc.). franchement noire. L’ongle s’épaissit avant de se désagréger en sa
partie ventrale, entraînant une onycholyse.
Une urétrite complique près de 20 % des vulvovaginites. Elle se Les examens histologique, mycologique, bactériologique et
traduit par une dysurie et une pollakiurie. Chez l’homme, elle sérologique permettent de reconnaître la paronychie candidosique
est souvent de nature vénérienne. Elle est fréquente chez les dia- des périonyxis bactériens ou syphilitiques. De même, ce sont les
bétiques. Elle se localise habituellement à l’urètre antérieur, se examens de laboratoire qui permettent de reconnaître l’onyxis
traduit par une rougeur du méat, avec prurit et picotements, et candidosique de toutes les autres atteintes de la lame unguéale
par un écoulement purulent d’importance variable, de couleur (à dermatophytes, à moisissures, psoriasique, lichénienne, pela-
blanc verdâtre. Les examens microbiologique et mycologique dique, etc.) (cf. chapitre 15).
permettent de la distinguer des urétrites dues à d’autres germes
(gonocoques, Chlamydiae, Trichomonas, etc.).
Candidose mucocutanée chronique
Les balanites et balanoposthites résultent de l’ensemencement du
Il s’agit d’infections chroniques, cutanées et muqueuses, qui sur-
gland et du prépuce à l’occasion d’un rapport sexuel contaminant
viennent chez des patients atteints d’un déficit immunitaire. Parfois,
ou à partir d’une candidose urétrale ou digestive. Le début se
l’infection à Candida, souvent associée à d’autres infections à germes
marque par l’apparition sur le gland et/ou le sillon balanopréputial
opportunistes, témoigne d’un déficit profond, primitif ou secondaire,
de lésions érythématovésiculeuses ou pustuleuses, dont le toit se
des fonctions immunitaires cellulaires, comme au cours de l’infection
rompt précocement. Les érosions ainsi formées peuvent confluer
évoluée par le VIH ou au cours des déficits immunitaires combinés
en zones lisses, se recouvrant parfois de squames. Les lésions
sévères. Dans des cas exceptionnels, le déficit immunitaire semble
gagnent souvent le feuillet interne du prépuce, qui devient rouge,
spécifique pour le Candida. Il comporte des lésions hypertrophiques
œdématié et douloureux. Ensuite les lésions se recouvrent d’un
et papillomateuses labiales, buccales, cutanées et unguéales qui
enduit blanchâtre, crémeux ou grumeleux. La tuméfaction de l’an-
traduisent, d’une part, une forte réaction épithéliale (fig.  2.60) et,
neau préputial antérieur peut conduire à un phimosis. L’affection
d’autre part, la pénétration des levures dans l’épiderme et le derme
à un stade chronique est caractérisée par de petites aires rouges,
avec constitution de granulomes. Ce syndrome est parfois associé
lisses, entourées d’une collerette cornée et, parfois, recouvertes
à certaines endocrinopathies (hypoparathyroïdisme, insuffisance
de fines squames. Prurit et brûlure sont variables en intensité.
surrénalienne dans le cadre du syndrome APECED  : Autoimmune
Les lésions peuvent s’étendre au fourreau de la verge, au scro-
Polyendocrinopathy-Candidiasis-Ectodermal Dystrophy), à une hypo-
tum, au périnée ainsi qu’aux plis inguinaux et interfessier. La cli-
thyroïdie, à un thymome, à une hyposidérémie, etc. Outre la mutation
nique, complétée par des examens microbiologique, sérologique,
du gène AIRE responsable de l’APECED, des mutations activatrices
mycologique et, parfois, histologique, permet de reconnaître une
STAT1, des déficits en CARD9 ou STAT3 peuvent être révélées par un
balanoposthite candidosique d’une balanite érosive, d’une syphi-
tableau de candidose mucocutanée chronique. L’IL-17 joue un rôle
lis secondaire, d’un herpès génital, d’une dermite de contact ou,
clé dans l’immunité mucocutanée contre Candida ; des déficits en
éventuellement, d’une balanite plasmocytaire de Zoon, voire d’un
IL-17RA ou IL-17 F expliquent un certain nombre de ces tableaux [4].
carcinome intraépithélial de type érythroplasie de Queyrat.

La candidose génitofessière infantile [3] atteint les enfants en bas


âge et est généralement la complication d’une candidose diges-
tive. Elle peut se greffer sur une dermite fessière d’origine non
infectieuse. Elle se traduit par l’apparition de vésicules et pus-
tules sur un fond érythémateux, souvent localisées à leur début
dans la région périanale où les lésions sont confluentes. Celles-ci
s’étendent ensuite à toute la région génito-fessière où elles appa-
raissent érythémateuses et bordées par une collerette circinée.
Des Candida ont pu être isolés dans certains cas de granulome
glutéal infantile (cf. chapitre 18).

Onyxis et périonyxis candidosiques


Favorisés par l’humidité, ils sont particulièrement fréquents dans Fig.  2.60  Lésions papillomateuses et verruqueuses de la candidose
certaines professions (ménagère, artisan pâtissier, ouvrier de mucocutanée chronique.
conserverie, etc.). La contamination se fait le plus souvent à partir
d’un réservoir chez l’individu lui-même.
Aux mains, le début se marque fréquemment par une paro- Folliculites candidosiques
nychie : les replis sus- et périunguéaux se tuméfient, la peau devient Elles sont particulièrement associées à l’héroïnomanie et sont le
érythémateuse, brillante, tendue, puis desquame. La pression sur le reflet d’une septicémie. L’atteinte oculaire concomitante est relative-
bourrelet inflammatoire peut faire sourdre une gouttelette de pus ment fréquente, mais d’autres localisations internes sont possibles.

140
Maladies infectieuses 2-3
Mycoses

Septicémies à Candida confluer entre elles pour former des macules ou des plaques à
peine surélevées étendues. Leur couleur varie du jaune au brun,
Des septicémies à Candida peuvent rarement être révélées par avec un érythème inconstant et discret (fig. 2.61). Sur les peaux
des lésions cutanées chez les sujets neutropéniques. Il s’agit de pigmentées par le soleil, les macules deviennent souvent hypo-
papules ou de nodules fermes, roses ou rouges, de 5 à 10  mm, chromiques (pityriasis versicolor achromiant). Le grattage à la
parfois à centre pâle, uniques ou multiples. En cas de thrombopé- curette mousse fait se détacher des squames en lambeaux super-
nie, les lésions deviennent purpuriques. Ce sont surtout Candida ficiels (signe du copeau).
tropicalis et Candida albicans qui provoquent ces lésions. À l’exa-
men histopathologique, les Candida peuvent être mis en évidence
dans le derme, à la différence des candidoses cutanéomuqueuses
où les germes sont dans la couche cornée. Il s’agit d’une urgence
thérapeutique avec un mauvais pronostic, notamment en raison
du terrain d’immunodépression profonde sur lequel surviennent
ces septicémies.

Traitement des candidoses


Candidoses cutanéomuqueuses. Les traitements topiques à base
de nystatine, d’amphotéricine B, de ciclopiroxolamine, de terbina-
fine ou d’imidazolés sont efficaces. Les nouveau-nés, les enfants
en bas âge et les vieillards en mauvais état général atteints de
muguet sont traités par des badigeonnages répétés plusieurs
fois par jour avec une solution de nystatine (100 000  U/mL) ou
d’amphotéricine  B (100  mg/mL) jusqu’à guérison clinique et
mycologique. Fig. 2.61 Pityriasis versicolor.

Candidoses génitales. Il est essentiel de dépister les causes prédis-


posantes. Localement, la nystatine et les dérivés imidazolés, en Les lésions prédominent sur le tronc et à la racine des membres
particulier le miconazole [2], sont les plus actifs. L’itraconazole, supérieurs, mais peuvent occasionnellement se rencontrer sur la
le fluconazole, le voriconazole ou le posaconazole per os peuvent tête, le cou et les membres. De plus, Malassezia peut être présent
leur être substitués [1]. Les formes orales de nystatine et d’ampho- sur les zones cliniquement indemnes où il émet une fluorescence
téricine  B ne s’adressent qu’aux candidoses digestives, car elles verte en lumière de Wood. Cet examen permet de distinguer le
ne sont pas résorbées. Au cours des candidoses vulvovaginales pityriasis versicolor d’un érythrasma qui est caractérisé par une
récidivantes, le fluconazole est parfois préconisé selon le schéma fluorescence rouge brique. Le diagnostic différentiel doit également
150 mg 1 fois/semaine, pendant 6 mois, après une dose de charge évoquer le pityriasis rosé de Gibert dont les médaillons sont érythé-
de 2 × 150 mg/j 3 jours. matosquameux et ovalaires, et la dermatite séborrhéique médiotho-
racique qui est plus squameuse que le pityriasis versicolor. Quant
Ongles. Un traitement per os par un triazolé (itraconazole, aux lésions achromiques, on ne les confondra ni avec un vitiligo,
fluconazole) est actif dans toutes les formes cliniques de can- dont les éléments sont lisses et de topographie différente, ni avec
didose décrites ci-dessus. L’indication principale réside dans un pityriasis alba, dont les lésions squameuses sont mal limitées.
les candidoses des ongles, où cette classe médicamenteuse peut Au microscope, les squames sont parasitées par de courts fila-
être considérée actuellement comme indispensable (100  mg/j, ments mycéliens et de petits amas de levures ovalaires. En culture
14 jours). Cependant, en France ces médicaments n’ont pas l’AMM sur milieu de Dixon ou de Sabouraud recouvert d’huile, les colonies
dans cette indication et il faudra donc avoir recours à la terbina- de Malassezia se développent en 4 à 5 jours à 28 °C.
fine ou au kétoconazole. Pour le traitement du pityriasis versicolor, on donne
aujourd’hui la préférence aux dérivés imidazolés, sous forme
RÉFÉRENCES de spray, de crème ou de shampooing, que l’on applique pen-
1. Muadcheingka T. et coll., Arch Oral Biol. 2015, 60, 894. dant 3 semaines. Le sulfure de sélénium est également efficace.
2. Than L.T. et coll., Jundishapur J Microbiol. 2014, 8, e14940. Le kétoconazole et l’itraconazole sont très actifs per os. Le trai-
3. Spraker M.K. et coll., Cutis. 2006, 77, 113. tement doit être poursuivi jusqu’à guérison clinique et mycolo-
4. Lanternier F. et coll., Current Opin Pediatr. 2013, 25, 736.
gique, examen à la lampe de Wood compris. Les récidives après
traitement sont fréquentes.

Malassézioses (pityrosporoses) Folliculites à Malassezia


L’affection se présente sous l’aspect de multiples petites papules
Pityriasis versicolor folliculaires, souvent prurigineuses. Quelques pustules peuvent
Cette affection, très fréquente dans les deux sexes, prédomine être parfois présentes. Il existe généralement des facteurs extérieurs
chez les jeunes adultes. Elle est due à des levures du genre qui déclenchent l’affection. Un environnement chaud et humide,
Malassezia qui prennent une forme filamenteuse [1, 2]. La levure un alitement prolongé, un traitement par corticostéroïdes ou des
étant un saprophyte fréquent de la peau, surtout séborrhéique, il préparations topiques occlusives sont des éléments favorisant les
n’est pas facile d’étudier son expression pathogène opportuniste lésions. Sans traitement, même après la disparition des circons-
[3-5]. L’affection paraît peu contagieuse et les cas conjugaux sont tances à l’origine des lésions, celles-ci peuvent persister pendant
rares. Certains facteurs, tels que la peau moite ou les affections des mois, voire des années. La levure Malassezia peut être mise en
chroniques débilitantes, paraissent jouer un rôle favorisant impor- évidence en petits amas à l’intérieur de l’infundibulum pilaire. La
tant. L’évolution est généralement chronique. présence de levures du genre Malassezia a été notée dans les érup-
Les lésions débutent par de petites macules périfolliculaires tions pustuleuses acnéiformes du nouveau-né (« pustulose cépha-
finement squameuses, s’étendant en périphérie et pouvant lique à Malassezia »).

141
2-3 Maladies infectieuses
Mycoses

Dermatite séborrhéique Piedra blanche. Il s’agit d’une affection observée au niveau des che-
veux, de la moustache et de la barbe, plus rarement sur les poils des
Par définition, un état pelliculaire consiste en une desquama-
aisselles, du pubis, des sourcils et des cils. L’infection se traduit par
tion non inflammatoire du cuir chevelu. La dermatite sébor-
l’apparition, sur les cheveux ou les poils, d’une à plusieurs petites
rhéique s’en distingue par la présence d’un érythème et par une
nodosités de couleur blanchâtre à brune et de consistance plutôt
extension de la maladie en dehors du cuir chevelu. Ces deux
molle. Les nodules mesurent environ 0,5 mm de diamètre et la lon-
conditions, état pelliculaire et dermatite séborrhéique, forment
gueur varie de 1 à 4  mm. L’infection est asymptomatique et peut
vraisemblablement une seule entité d’origine multifactorielle,
passer inaperçue.
dans laquelle Malassezia sp. joue apparemment un rôle central,
responsable d’une réaction inflammatoire conduisant aux alté-
Trichosporonose invasive. Les lésions cutanées sont de deux
rations épidermiques (cf. chapitre 17). L’utilisation de produits
types  : isolées sous l’aspect d’un nodule abcédé ou multiples,
antifongiques topiques voire par voie orale est discutée au cha-
papuleuses, papulocroûteuses ou purpuriques, signant une fongé-
pitre 17-2 [6].
mie. Dans le cas d’une septicémie, les lésions parenchymateuses
peuvent concerner de nombreux organes. Parmi eux, les poumons,
RÉFÉRENCES les reins, le myocarde, le foie, la rate et la moelle osseuse sont des
1. Ashbee H.R., Med Mycol. 2007, 45, 287. cibles privilégiées. Trichosporon envahit et oblitère les vaisseaux
2. Prohic A. et coll., Mycoses. 2007, 50, 58. entraînant des infarcissements nodulaires. D’autres présentations
3. Jagielski T. et coll., BMC Dermatol. 2014, 14, 3.
4. Harada K. et coll., J Dermatol. 2015, 42, 250.
pathologiques existent avec formation de granulomes et d’abcès.
5. Velegraki A. et coll., PLoS Pathog. 2015, 11, e1004523. La trichosporonose disséminée s’avère souvent fatale. Des succès
6. Piérard G.E. et coll., Dermatology. 2007, 214, 162. thérapeutiques ont été rapportés avec le saperconazole (200 mg/j)
associé à ­l’amphotéricine B (0,1 à 1 mg/kg/j).

Autres mycoses Dermatomycoses à Dématiées


Elles sont moins fréquentes que les précédentes en Europe occi- Les moisissures du groupe des Dématiées sont caractérisées par
dentale et elles sont souvent citées parmi les dermatoses tropi- la présence de mélanine dans les cellules fongiques en culture.
cales [1]. Cependant, avec la fréquence des immunosuppressions Plusieurs pathologies cutanées résultent de leur caractère patho-
(sida, greffés d’organes) et la globalisation des voyages, l’émer- gène facultatif.
gence d’une nouvelle pathologie mycologique se dessine, dont
les signes cutanés sont souvent décisifs pour le diagnostic [2]. Chromomycose
L’atteinte cutanée peut être primitive ou, souvent, résulter d’une La chromomycose, encore dénommée chromoblastomycose, est
dissémination avec fongémie. une affection chronique granulomateuse due à des Dématiées qui
sont également responsables de phaeohyphomycoses et de certains
Cryptococcose mycétomes. Les agents pathogènes les plus fréquents de la chro-
momycose sont Fonsecaea pedrosoi, F.  compactum, Phialophora
Elle est due à Cryptococcus neoformans, levure saprophyte pré-
verrucosa, Cladosporium carrionii et Rhinocladiella aquaspersa.
sente dans l’environnement (sol, fiente de pigeons), qui se déve-
Bien que la chromomycose puisse survenir partout dans le monde,
loppe chez l’homme à l’occasion d’un déficit immunitaire [3].
la maladie touche le plus souvent des hommes en région rurale
L’inoculation se fait par voie transcutanée ou pulmonaire. Les
subtropicale.
formes disséminées survenant chez les patients immunodépri-
L’affection atteint souvent les membres inférieurs où une papule
més (sida, immunosuppression iatrogène) évoluent souvent vers
se développe dans le mois suivant un traumatisme mineur. Les
la mort.
membres supérieurs sont également des cibles privilégiées. L’aspect
À côté des lésions internes, dont les plus importantes touchent
peut être celui d’une cicatrice, d’une plaque squameuse, psoriasi-
les poumons et le système nerveux central, la cryptococcose se
forme, ou d’un nodule tumoral. Dans les cas les plus sévères, la
manifeste par des lésions cutanées dans 10 % des cas et muqueuses
lésion initiale s’érode et devient par la suite végétante et verruqueuse
dans 3 %. Uniques ou multiples, les lésions cutanées peuvent être
pour s’étendre au fil des ans, en vastes plaques pouvant couvrir la
intradermiques ou plus profondes, réalisant des nodules ulcérés,
plus grande partie du membre. Des lésions satellites surviennent
des papulopustules acnéiformes, des papules en dôme ressemblant
parfois par auto-inoculation. Un éléphantiasis par dissémination
au molluscum contagiosum. Elles sont généralement secondaires
lymphatique et une atteinte musculaire, articulaire ou osseuse par
à un foyer interne. Seule la mise en évidence de Cryptococcus
contiguïté peuvent survenir secondairement. En de rares occasions,
(prélèvement, culture, histologie) permet d’affirmer le diagnostic.
un essaimage hématogène a été rapporté. Le diagnostic est établi
L’amphotéricine B et les triazolés représentent la base de la théra-
par la culture et la mise en évidence au microscope de corps fuma-
peutique actuelle. Parmi les nouveaux agents actifs, il faut citer le
goïdes (cellules sclérotiques) de couleur brune.
posaconazole et le ravuconazole [4].
L’exérèse chirurgicale est indiquée lorsque la lésion est acces-
sible par cette approche. La cryothérapie itérative ou, à l’opposé,
Trichosporonose le traitement par la chaleur peuvent s’avérer très utiles. La réponse
aux antifongiques dépend de la nature du champignon. L’efficacité
Trichosporon asahii est l’agent le plus souvent impliqué dans les de la combinaison de l’itraconazole 200 mg/j et de la flucytosine
trichosporonoses. Il est aussi responsable d’intertrigos, de lésions s’avère la meilleure avec un taux de guérison voisin de 50 %. La
abcédées de la peau, de fongémie, d’atteintes viscérales diverses terbinafine a également été utilisée avec succès.
et d’endophtalmies, principalement chez les individus neurotro-
péniques et, plus rarement, dans le cadre d’autres immunodéfi- Phaeohyphomycoses semi-profondes
ciences. Saprophyte du sol, il est un élément mineur de la flore
cutanée normale. Il peut être collecté en plus grande abondance et profondes
dans la région génitale des individus à l’hygiène défaillante et chez Les phaeohyphomycoses sont dues à des Dématiées qui se déve-
certains patients immunodéficients. T. capitatum est une espèce loppent dans les tissus en prenant des aspects levuriformes et fila-
apparentée beaucoup plus rarement impliquée en pathologie. menteux. Ces infections surviennent partout dans le monde, mais

142
Maladies infectieuses 2-3
Mycoses

plus particulièrement sous les climats chauds. Un grand nombre


de champignons peuvent en être responsables. Les plus fréquents
sont Exophiala jeanselmei, Wangiella dermatitidis, Alternaria sp.,
Cladosporium sp., Curvularia sp., Phialophora sp., Aureobasidium,
Dactylaria et Drechslera.
Le kyste phaeohyphomycotique résulte de l’implantation acci-
dentelle du champignon dans la peau, souvent par une écharde de
bois. La lésion reste unique, bien encapsulée et asymptomatique. La
phaeohyphomycose disséminée est une infection débutant dans les
poumons et se généralisant par la suite au cerveau, à la peau et à divers
autres organes. Cependant, certaines phaeohyphomycoses cutanées
non enkystées sont primaires. La plus classique est l’alternariose sur-
venant chez des individus immunodéprimés. Les lésions sont nodu-
laires, ou ressemblent à une cellulite granulomateuse ou purulente.
Le kyste phaeohyphomycosique devrait être excisé chirurgica-
lement. Les traitements médicamenteux sont identiques à ceux de Fig. 2.62 Mycétome eumycosique ou pied de Madura.
la chromomycose. Ils s’avèrent décevants dans les formes dissémi-
nées des phaeohyphomycoses.
Mycoses à champignons dimorphes
Phaeohyphomycoses superficielles Le dimorphisme fongique est défini par une morphologie diffé-
rente à l’état parasitaire de ce qu’elle est à l’état saprophytique.
Certaines phaeohyphomycoses sont superficielles et portent les
Ces champignons adoptent une forme levure à l’état parasitaire
noms de piedra noire, tinea nigra et kératite phaeohyphomyco-
(± 37 °C) alors qu’ils sont filamenteux en culture (20-25 °C) sur
tique. Certaines onychomycoses rares dues à Scytalidium sp.
milieu de Sabouraud. Le groupe des mycoses à champignons
entrent dans ce cadre.
dimorphes comporte la blastomycose, la coccidioïdomycose, les
La piedra noire est caractérisée par des nodules brun noir de 1 à histoplasmoses, la paracoccidioïdomycose, la pénicilliose et la
2  mm de diamètre, très durs et adhérents aux cheveux. L’agent sporotrichose.
en cause est un champignon noir filamenteux, Piedraia hortai.
L’affection sévit dans des régions tropicales où elle reste peu Blastomycose
contagieuse. La blastomycose dite nord-américaine, encore nommée maladie
de Gilchrist, est une affection chronique, granulomateuse et sup-
La tinea nigra est une infection de la peau glabre, observée le plus purative, due à Blastomyces dermatitidis. Elle est particulièrement
souvent aux paumes. Les lésions se manifestent par une ou plusieurs endémique dans certaines régions du continent américain.
taches, planes, brunes ou noires, pouvant confluer en macules poly- Les lésions caractéristiques siègent aux poumons suite à l’in-
cycliques. L’infection se limite à la couche cornée. Elle est asympto- halation de spores contenues dans le sol. Des lésions cutanées
matique. Deux champignons noirs filamenteux, Exophiala werneckii peuvent survenir par dissémination secondaire et plus rarement
et Cladosporium castellanii, sont à l’origine de cette pathologie, ren- par inoculation directe. Elles se présentent sous l’aspect d’une
contrée sur les cinq continents, surtout dans les régions tropicales et papule abcédée voire de nodules végétants et croûteux bordés
subtropicales. d’une lisière en relief.
Le diagnostic repose sur la culture et l’examen microscopique
Eumycétomes mettant en évidence une levure sphérique, de 3 à 25 μm de dia-
mètre, à paroi épaisse et double. Celle-ci peut présenter un bour-
Les eumycétomes, dénommés également mycétomes eumyco- geonnement unique à base large.
siques ou pied de Madura, sont des tuméfactions inflammatoires,
Le traitement de choix repose sur l’itraconazole à une dose de
subaiguës ou chroniques, correspondant à une infection de la
200 à 400 mg/j. L’amphotéricine B, si elle est bien tolérée à la dose
peau et des tissus sous-cutanés par des champignons du groupe
test de 1 mg IV en 30 à 60 minutes, peut être administrée à une
des Maduromycètes (Madurella, Pseudallescheria, Cephalosporium,
dose de 0,25 à 1 mg/kg/j, en ne dépassant pas 50 mg/j.
Petriellidium, Leptosphaeria, Aspergillus, Phialophora, Neotestudina,
Curvularia, Exophiala, Fusarium, etc.). Les mycétomes représentent
une affection dont la zone d’endémie principale se situe dans les Coccidioïdomycose
régions tropicales et subtropicales sèches et semi-désertiques. La coccidioïdomycose, aussi dénommée Valley fever, est une affec-
Les lésions consistent en une tuméfaction présentant quelques tion due à Coccidioides immitis. La maladie sévit dans les régions
fistules libérant un matériel sérosanglant contenant des granules désertiques de l’Amérique du Nord et du Sud.
(fig. 2.62). Ceux-ci correspondent à des colonies d’agents infectieux. Le site d’inoculation est le plus souvent pulmonaire et rarement
La contamination se fait au travers de la peau suite à un trauma- cutané. La peau peut être atteinte sous forme de lésions polymor-
tisme par divers végétaux épineux. L’incubation dure de quelques phes à type de folliculites, de nodules ou de larges plaques papillo-
semaines à plusieurs années. La plupart des mycétomes se localisent mateuses ou abcédées. Le diagnostic différentiel doit évoquer une
aux pieds, réalisant le tableau du pied de Madura. La main et d’autres tuberculose ou d’autres mycoses profondes. Cette affection doit
sites cutanés peuvent cependant être atteints. Les nodules se déve- être suspectée également devant toute augmentation anormale du
loppent dans les tissus mous et envahissent lentement par contiguïté volume d’une cicatrice. Le diagnostic différentiel doit être alors
les autres tissus, y compris les os. Ils disséminent rarement le long établi avec une sarcoïdose ou une sporotrichose. La survenue d’un
des trajets lymphatiques et dans les ganglions. Le diagnostic diffé- érythème noueux ou d’un érythème polymorphe n’est pas rare et
rentiel principal des eumycétomes se pose avec les actinomycétomes, signe la présence d’une défense immunitaire bénéfique.
la maladie de Kaposi, des métastases, la lèpre et la tuberculose. L’examen histologique met en évidence de grandes sphérules de
Le traitement antifongique doit être poursuivi plusieurs mois, le 20 à 80 μm de diamètre renfermant de nombreuses endospores de
plus souvent associé à l’exérèse chirurgicale la moins invalidante 1 à 4 μm de diamètre, présentes dans les lésions granulomateuses,
possible. le pus des abcès ou le matériel d’expectoration.

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2-3 Maladies infectieuses
Mycoses

L’amphotéricine B est administrée à une dose de 0,4 à 0,6 mg/ sur les autres territoires. Elle est polymorphe avec des papules
kg/j selon la gravité de la symptomatologie. L’itraconazole par isolées ou groupées, des nodules et des abcès. Les ganglions
voie orale est également actif à une dose de 200 à 400 mg/j. régionaux sont atteints, augmentent de volume et peuvent devenir
suppuratifs. Le système nerveux central, le foie et la rate peuvent
être également concernés par la maladie qui devient chronique
Histoplasmose américaine et évolue vers une issue fatale en quelques mois ou années. Les
L’histoplasmose, parfois dite « américaine », est due à Histoplasma cellules fongiques sphériques sont très grandes (10 à 60  μm) et
capsulatum var. capsulatum. On peut la trouver partout dans le multibourgeonnantes.
monde, mais elle est particulièrement endémique dans certaines L’iodure de potassium, le kétoconazole et l’itraconazole sont des
régions intertropicales et au sud des États-Unis. La maladie est thérapies de choix.
contractée par l’inhalation de spores présentes dans le sol souillé
de déjections d’oiseaux ou de chauves-souris contaminées. Elle
touche des individus de tout âge. L’histoplasmose est considérée Pénicilliose
comme un marqueur du sida. La pénicilliose à Penicillium marneffei est une affection rare, ori-
L’atteinte cutanéomuqueuse de l’histoplasmose chronique dis- ginaire du Sud-Est asiatique. Elle est considérée comme un mar-
séminée est granulomateuse, verruqueuse ou ulcérative. Elle peut queur du sida. Le sol pourrait être le réservoir de ce champignon.
prendre l’aspect d’une perlèche, d’une gingivite ou d’une ulcéra- À partir d’un site d’inoculation pulmonaire, la maladie s’étend
tion bien limitée du palais ou de la langue. Des lésions cutanéo- à divers organes et peut provoquer des foyers ostéolytiques et
muqueuses végétantes peuvent également survenir de manière une splénomégalie. Les lésions cutanées sont polymorphes. Elles
très tardive, parfois 20 ans après une primo-infection silencieuse. peuvent se présenter sous la forme de pustules, d’ulcères chro-
La culture est utile, bien que la différence avec l’histoplasmose niques ou de papules multiples, acnéiformes, ou évoquant l’aspect
africaine par H.  duboisii ne soit pas possible. L’examen histolo- de molluscum contagiosum (fig. 2.63).
gique met en évidence des champignons unicellulaires de petite
taille (1 à 3  μm de diamètre), soit en amas extracellulaires, soit
dans des macrophages mononucléés. Ces éléments doivent être
distingués des leishmanies, des toxoplasmes et du Pneumocystis
jirovecii.
L’itraconazole apparaît être la thérapie de choix à la dose de
100  à 200  mg/j jusqu’à disparition des lésions, puis à 100  mg/j
pour terminer 6 mois de traitement.

Histoplasmose africaine
L’histoplasmose africaine à grandes levures est due à Histoplasma
capsulatum var. duboisii. Elle est présente dans les régions chaudes
et humides de l’Afrique du Centre-Ouest. Les lésions cutanées, qui
sont les plus fréquentes, prédominent au niveau du thorax et de la
face. Elles se présentent sous forme de papules hémisphériques,
lenticulaires ou ombiliquées, de nodules, d’abcès, d’ulcérations
torpides ou de cicatrices avec fistules. Fig. 2.63 Pénicilliose à Penicillium marneffei.
Les lésions ostéoarticulaires ressemblent beaucoup aux
atteintes de la tuberculose. On retrouve des gommes et des abcès L’affection réagit relativement bien à une cure d’amphotéri-
principalement au niveau des poignets, des genoux, des maxil- cine B, pour une dose totale de 40 mg/kg. L’itraconazole, 200 mg/j
laires, du crâne, du sternum et des vertèbres. Ces dernières lésions per os, s’avère cependant plus efficace et devrait être le traitement
ressemblent à un mal de Pott. de première ligne.
La culture permet d’isoler H.  capsulatum sans distinguer les
variétés duboisii (histoplasmose africaine) et capsulatum (his- Sporotrichose
toplasmose américaine). En revanche, l’examen histologique de
ces champignons dans les tissus infectés permet de les distinguer. La sporotrichose est due à Sporothrix schenckii. Elle existe partout
H.  duboisii est plus grand (8 à 15  μm de diamètre) et a souvent dans le monde, mais est endémique dans certaines régions rurales
un seul bourgeonnement latéral formant une « double cellule ». Ce des zones subtropicales et tropicales La contamination se fait par
champignon se retrouve au sein de cellules géantes multinucléées. voie cutanée à la suite d’un traumatisme et d’un contact avec des
animaux ou des végétaux porteurs de spores. La maladie touche
L’amphotéricine B est efficace à une dose totale de 2 à 4 g admi-
principalement certains milieux professionnels comme les culti-
nistrée en 4 mois. Le kétoconazole et l’itraconazole (200 mg/j) ont
vateurs, les bûcherons, les vétérinaires et les mineurs.
également prouvé leur efficacité.
Trois types de sporotrichose sont individualisés : la sporotri-
chose cutanée isolée, la forme cutanéolymphatique et la forme
Paracoccidioïdomycose disséminée. Après une période d’incubation de quelques jours
La paracoccidioïdomycose, ou blastomycose sud-américaine, est à environ 3  semaines, un chancre d’inoculation apparaît. La
causée par Paracoccidioides brasiliensis. Elle est endémique dans lésion initiale peut rester unique et prendre un aspect verru-
la plupart des pays d’Amérique latine. queux ou de pyodermite chronique. Elle peut aussi ressembler
La lésion est habituellement pulmonaire où elle peut rester à un botryomycome. Dans la forme évolutive la plus fréquente,
silencieuse. Les premières manifestations cliniques résultent de de type cutanéolymphatique, des nodules (gommes) secondaires
la dissémination du champignon dans l’organisme, en particu- se développent en direction centripète le long de trajets lympha-
lier au niveau de la muqueuse orale ou pharyngée, de la peau tiques. Une adénite est possible. D’autres variantes existent et,
et des ganglions. Les muqueuses sont infiltrées par des plaques parmi elles, l’augmentation anormale de volume d’une cicatrice.
blanc jaunâtre parsemées de points hémorragiques qui s’ulcèrent. La forme disséminée est rare et se manifeste par le développe-
L’atteinte cutanée est plus fréquente sur la face et le tronc que ment d’abcès sous-cutanés et de lésions viscérales et osseuses.

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Maladies infectieuses 2-3
Mycoses

Le diagnostic est facilement obtenu par la culture. Les lésions Mucormycoses


cutanées répondent en général bien à l’iodure de potassium,
mais des doses élevées et un traitement prolongé sont néces- Les mucormycoses sont des infections opportunistes cosmopolites
saires, avec leur cortège d’effets indésirables. L’itraconazole a dues aux Mucorales. Rhizopus sp., particulièrement R.  oryzae et
été utilisé avec succès à une dose de 100 à 400 mg/j et représente R. microsporus var. rhizopodiformis, sont les agents le plus souvent
donc la médication de choix. Les nouvelles générations d’anti- responsables des mucormycoses. D’autres sont également parfois
fongiques peuvent être également envisagées [2]. identifiés  : Absidia, Mucor, Rhizomucor, Saksenaea, Mortierella,
Cunninghamella, Syncephalastrum, etc.
Plusieurs présentations cliniques existent, dont la forme rhi-
Hyalohyphomycoses no-orbito-cérébrale est la plus classique. Elle touche préféren-
Les hyalohyphomycoses sont dues à des champignons filamen- tiellement les diabétiques en acidose et les patients traités pour
teux non dermatophytiques et non pigmentés. L’aspergillose et une hémopathie maligne. Des atteintes bronchopulmonaires,
la fusariose sont les deux hyalohyphomycoses cutanées les plus intestinales et rénales sont également possibles. La mucormycose
représentatives. cutanée primaire se déclare chez des diabétiques, au niveau de
brûlures et en cas d’effraction cutanée couverte d’un pansement
contaminé. Il s’agit le plus souvent de R.  oryzae. Chez les dia-
Aspergillose lysés rénaux et les patients atteints d’hémochromatose, l’emploi
Si l’aspergillose cutanée secondaire a été longtemps considérée de déféroxamine s’avère être un facteur favorisant l’apparition et
comme rarissime, sa prévalence augmente avec le développe- l’extension de la maladie. Il favorise en effet le développement
ment des infections opportunistes chez les immunodéprimés. de Rhizopus, le plus souvent de type microsporus et, en outre, il
En particulier, la plupart des infections cutanées à A. fumigatus antagonise l’activité de l’amphotéricine B.
surviennent chez des patients neutropéniques ou comme compli- La culture est le meilleur moyen d’identifier le champignon.
cation d’un traitement immunosuppresseur prolongé, notamment L’examen histologique révèle des hyphes pléomorphes, d’une lar-
chez les sujets transplantés d’organes. geur variable de 5 à 25  μm et à paroi mince. Elles forment des
Tout le revêtement cutané et les muqueuses peuvent être atteints. embranchements orthogonaux, ont une tendance à envahir les
Il s’agit le plus souvent de nodules inflammatoires qui peuvent vaisseaux, à induire des thromboses et à disséminer des emboles
s’ulcérer. Des maculopapules et des pustules ont été occasionnelle- fongiques dans d’autres organes.
ment rapportées. Chez les individus sévèrement immunodéprimés, L’amphotéricine B est la seule médication qui soit douée d’une
le caractère inflammatoire des lésions peut être absent. activité dans les mucormycoses.
L’atteinte aspergillaire primaire de la peau fait suite à des ino-
culations accidentelles, iatrogènes par cathétérisme ou par plaie
chirurgicale, voire par pansement occlusif. Les lésions sont le Entomophthoromycoses
plus souvent uniques, bien qu’une atteinte multifocale unique-
ment cutanée soit possible. Un traitement par itraconazole à la Les entomophthoromycoses sont des infections typiquement tropi-
dose de 200 à 400  mg/j peut être proposé avec succès dans les cales dues à des entomophthorales qui sont surtout des champi-
aspergilloses [5]. Le voriconazole, le posaconazole, le ravuco- gnons parasites d’insectes. Parmi ces entomophthorales, les genres
nazole et la caspofungine sont les nouveaux venus dans cet Basidiobolus et Entomophthora contiennent chacun une espèce
armamentum thérapeutique [4]. pathogène pour l’homme et respectivement responsable de la basi-
diobolomycose et de la conidiobolomycose.

Fusariose Basidiobolomycose. Cette affection est due à Basidiobolus hap-


Les Fusarium sont des micro-organismes du sol qui peuvent s’avé- tosporus, moisissure saprophyte des déjections des lézards et
rer ou devenir des agents opportunistes infectant des ulcères ou des batraciens contaminés en mangeant des insectes infectés.
des brûlures. Ils sont responsables de kératites, d’onychomycoses La maladie touche les jeunes ruraux et se traduit par des tumé-
et, de manière exceptionnelle, de granulomes localisés. Parfois factions dermo-hypodermiques fermes, très nettement circons-
encore, ils sont isolés d’eumycétomes (cf. supra). Chez le patient crites, généralement froides et indolores, devenant chaudes et
immunodéprimé ou en aplasie médullaire, une infection profonde douloureuses lors des poussées. Ces tuméfactions intéressent
ou disséminée peut survenir. Les pathogènes principaux sont électivement les membres et le bas du tronc. L’évolution est
F. oxysporum, F. solani et F. moniliforme. chronique et la guérison spontanée est fréquente au prix de
La présentation clinique est variable selon qu’il s’agit d’une cicatrices scléroatrophiques importantes. La chirurgie a une
atteinte primaire de la peau ou d’une dissémination avec fongé- place de choix pour les lésions de petite taille. L’association d’io-
mie. Les lésions primaires consistent en un empâtement érythé- dure de potassium et de cotrimoxazole en 2 prises quotidiennes
mateux, douloureux qui modifie l’aspect antérieur d’une brûlure, de 14 mg/kg apporte souvent une amélioration clinique ou une
d’un ulcère chronique ou d’une autre plaie. Les localisations guérison. Le kétoconazole et l’itraconazole sont également très
secondaires à une forme systémique se manifestent par des infar- efficaces.
cissements et des abcès multiples de la peau et de viscères comme
les reins, les poumons, la rate et le cerveau. La mortalité reste éle- Conidiobolomycose. La conidiobolomycose, ou rhinophy-
vée en raison de la combinaison des dégâts causés par la mycose comycose, est une affection due à Conidiobolus coronatus qui
et l’état préalable souvent débilité du patient. Le voriconazole et le est un saprophyte de la végétation en décomposition. Elle se
pramiconazole sont actifs contre les Fusarium [4]. retrouve principalement dans des pays tropicaux humides.
L’infection débute par une atteinte de la muqueuse nasale et se
manifeste par une obstruction narinaire. Par la suite, l’exten-
Mucormycoses, phycomycoses sion de la maladie se limite aux tissus cutanéomuqueux du nez,
Ce groupe de maladies est le reflet d’infections par des au pharynx, aux joues, aux sourcils et à la lèvre supérieure.
Zygomycètes-Phycomycètes. Il comporte les mucormycoses, L’issue peut être fatale par dysphagie et obstruction laryngée.
les entomophthoromycoses et la rhinosporidiose. Le terme de Les examens histologiques révèlent un aspect identique à celui
mucormycose remplace actuellement celui de zygomycose, utilisé de la basidiobolomycose. La culture permet l’identification de
comme synonyme. C. coronatus.

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2-3 Maladies infectieuses
Mycoses

Rhinosporidiose cutanée, chronique et indolente. Elle débute par une papule


qui peut évoluer lentement pour prendre un aspect nodulaire
La rhinosporidiose est une affection due à Rhinosporidium seeberi. chéloïdien, de couleur variable. La tête et les membres sont les
Elle sévit en région subtropicale et tropicale, principalement dans sites de prédilection. La lésion initiale est suivie d’autres qui se
le sous-continent indien. La transmission se fait probablement par développent à distance, probablement par dissémination lym-
le milieu aquatique. Les lésions siègent le plus souvent au niveau phatique. Des adénopathies locorégionales sont cependant peu
du nez, du palais ou du nasopharynx. Les conjonctives, les lèvres, fréquentes. Le diagnostic est histologique, car les méthodes
les oreilles, le visage, les organes génitaux, le rectum sont plus rare- de culture s’avèrent classiquement inopérantes. Les éléments
ment atteints. La présentation clinique est celle de polypes mous, de fongiques sont très nombreux dans le granulome histiocytaire
couleur rose à pourpre, pédonculés, papillomateux ou verruqueux, intradermique. Ils se présentent sous un aspect arrondi à paroi
saignant facilement. Des épistaxis et une dyspnée d’occlusion sont épaisse, et forment des chaînettes où les cellules fongiques de
fréquemment rapportées. L’examen histologique met en évidence de 1 à 12 μm de diamètre sont unies par des ponts très étroits. Les
larges sporanges dont le diamètre varie entre 0,3 et 3 mm. Ces cel- antifongiques sont classiquement inefficaces. Seule la chirurgie
lules fongiques renferment de multiples endospores de 6 à 7 μm de est curative lorsqu’elle peut être menée sur des lésions limitées
diamètre. Ce parasite ne peut être cultivé. Le diagnostic différentiel en taille et en extension.
doit évoquer des condylomes viraux et des verrues virales.
RÉFÉRENCES
Lobomycose 1. Lupi O. et coll., J Am Acad Dermatol. 2005, 53, 931.
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La lobomycose, encore nommée blastomycose chéloïdienne, 3. Henn A. et coll., Scand J Infect Dis. 2014, 46, 231.
est une affection rare, rencontrée en Amérique centrale et 4. Petrikkos G. et coll., Int J Antimicrob Agents. 2007, 30, 108.
du Sud, causée par Loboa loboi. Cette affection est purement 5. Piérard G.E. et coll., Exog Dermatol. 2004, 3, 144.

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