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Francophonie

& Cinéma africain


On est ensemble !
Sommaire

Éditorial 5
Francophonie et Fespaco 6
Témoignages 11
Alain Gomis 12
Félicité Wouassi 13
Jean-Pierre Bekolo 14
JIhan El-Tahri 15
Les films soutenus par l’OIF au programme du Fespaco 17
Longs-métrages en compétition 18
Documentaires 21
Courts-métrages 30
Longs-métrages en section « Panorama » 32
Bilan du fonds d’aide de l’OIF 35
«Les rois de Ségou» sur un piédestal 39
«Invisibles», un succès historique 41
L’aventure de «L’œil du cyclone» 48
Maki’la, premier film et jeunes talents 49
ÉDITORIAL

De la naissance à la maturité : fierté


Le cinquantième anniversaire du Fespaco est un
événement qui ne peut pas laisser la Francopho-
nie indifférente. Tout d’abord parce que ce festival
et l’organisation commune des pays francophones
sont jumeaux. Ils ont beau avoir des dates de nais-
sance différentes (comme beaucoup d’Africains de
cette génération qui sont « nés vers »…), tous deux
ont été conçus en février 1969. Avant de recevoir
Le cinéma reflète la vie réelle des peuples mais
son nom de baptême définitif, le Fespaco s’est
aussi leurs espoirs et leurs rêves. Les cinémas afri-
appelé «  Semaine du cinéma africain de Ouaga-
cains, dans leur diversité, ont su exprimer tout cela
dougou  ». Quant à la Francophonie, elle est née à
naturellement et le Fespaco en a été le témoin, le
Niamey d’une conférence des pays francophones,
réceptacle, la caisse de résonance. Et c’est pour-
avant d’être baptisée Agence de coopération cultu-
quoi le sentiment qui domine aujourd’hui n’est pas
relle et technique, puis Agence Intergouvernemen-
la nostalgie ou l’attendrissement mais plutôt la fier-
tale de la Francophonie et, enfin, Organisation in-
té. C’est d’ailleurs le mot qui revient le plus souvent
ternationale de la Francophonie. Sous ses différents
dans les témoignages des cinéastes et des artistes.
noms, la Francophonie n’a jamais cessé d’accom-
pagner le Fespaco et le cinéma africain. Le cinquan-
Mais cette fierté légitime ne doit pas conduire à l’au-
tième anniversaire de ce festival nous inspire donc
tosatisfaction et à l’immobilisme, elle doit permettre
des sentiments fraternels. Mais pas seulement…
au contraire au cinéma africain de reconstruire sa
relation avec le public après des années de crise
Le Fespaco est tellement inséparable de l’histoire
que, fort heureusement, la révolution numérique
du cinéma africain qu’on a tendance à les identifier
permet aujourd’hui de surmonter. La Francophonie
l’un à l’autre. Le Fespaco, C’EST le cinéma africain,
reste de la partie !
avec ses joies et ses peines, ses triomphes et ses
drames. Combien de cinéastes, de techniciens et de Louise Mushikiwabo,
comédiens morts dans le dénuement, voire la dé- Secrétaire générale de la Francophonie
tresse… Combien de difficultés, de frustrations ou
d’échecs… Mais aussi, combien de chefs d’œuvres
inoubliables, d’histoires exaltantes, de moments de
jubilation !

5
Francophonie-Fespaco,
kif-kif !
Quartier latin. Mais en cette pé-
riode où l’Afrique avait la gueule
de bois, après l’euphorie des
indépendances, et où s’instal-
laient les pénuries (de libertés,
de moyens et de perspectives),
« Blancs-Noirs, kif-kif », martelait tôt avait eu lieu à Ouagadougou et de la communication à l’ACCT il fallait être aussi fou pour bâtir
le tirailleur du film de Sembene la clôture de la « Semaine du ci- (qui deviendra de l’Organisation le cinéma africain que pour rêver
Ousmane « Camp de Thiaroye ». néma africain » qui allait donner internationale de la Francopho- d’une coopération francophone
On pourrait dire la même chose naissance au Fespaco. nie). Quant à Tahar Cheriaa, pre- étendue aux cinq continents. Et,
du Fespaco et de la Francopho- mier directeur de la culture de pourtant, ces deux rêves se sont
nie : kif-kif. Même «  casting  »  : Alimata cette même organisation (après réalisés.
Salembéré, présidente de cette avoir été le fondateur des Jour-
Même âge (à quelques jours «  semaine du cinéma africain  » nées cinématographiques de Même passion  : la Franco-
près)  : la Francophonie est née de 1969 puis secrétaire générale Carthage), il n’a cessé d’accom- phonie a été inventée par une
de la Conférence des pays fran- du Fespaco à partir de 1982, est pagner le Fespaco après lui avoir poignée de visionnaires  : Sen-
cophones, ouverte à Niamey le devenue, dans les années  90, permis d’atteindre la dimension ghor, Diori, Bourguiba, Sihanouk
17 février 1969. Deux jours plus directrice générale de la culture d’un festival professionnel dès et Malraux. Senghor était poète. Alimata Salembéré © Philippe Loret
1970. Sihanouk et Malraux, cinéastes.
Tahar Cheriaa Bourguiba prétendait avoir « net- Hondo, Boughedir, Ouedraogo, On le disait moribond, condamné,
Mêmes rêves  : en 1969, un toyé [son] pays de toutes les Cissé, Sissoko, Sissako, Dji- marabouté. Dans les années 70,
vent de folie venait de traver- tares qui l’enlaidissaient  » (une bril Diop, Gaston Kaboré, Jihan un film africain (Pousse-Pousse
ser la planète, de Prague à ambition d’artiste !). Diori, pour El Tahri, Fanta Nacro, Haroun, du Camerounais Daniel Kamwa,
Mexico, en passant par Paris et sa part, avait été à la fois assez Cheick Fantamady Camara, Dani par exemple) pouvait atteindre
même… Dakar. Mais dans le sage et assez fou pour s’oppo- Kouyaté, Pierre Yameogo, Raoul le million d’entrées en salles
reste de l’Afrique, ce n’étaient ser à De Gaulle à propos de la Peck, Alain Gomis, Apolline Trao- dans son propre pays. Dans les
pas les émeutiers qui menaient guerre du Biafra… Quant au ré. Sans oublier Kwaw Ansah, années 90, Buud Yam, de Gaston
la danse  : généralisation des Fespaco, il a été inventé, puis Newton Aduaka, Flora Gomes, Kaboré (étalon d’or de Yennenga
partis uniques, coups d’État en réinventé, édition après édition, Haile Guérima et tant d’autres. au Fespaco 1997) pouvait encore
série (Mali, Congo, Libye, Sou- par des visionnaires aussi sages toucher 500 000 personnes au
dan, Somalie). «  Soyez réaliste, et aussi fous qu’il faut l’être pour Mêmes épreuves : et dire que Burkina Faso. Au début des an-
demandez l’impossible », avaient faire du cinéma : Sembene, Med le cinéma africain a frôlé la mort ! nées  2000, il fallait un soutien
lancé les soixante-huitards du

7
Touki-Bouki

exceptionnel de la Francophonie
pour que Lumumba de Raoul
numérique dans toute l’Afrique
francophone. À partir de 2016,
a vu ouvrir en décembre 2018 un
premier multiplexe de 8 salles à
Flashback :
Peck atteigne les 100 000 en- le mouvement s’accélère : 5 ou- Tunis tandis que 6 autres écrans 50 ans de cinéma africain
trées sur l’ensemble de l’Afrique vertures de salles cette année-là, sont attendus à Sousse. Et sur-
francophone. Au milieu des an- puis 10 en 2017, 22 en 2018. tout, le public redevient friand de Février 1969, Ouagadougou. Sur l’écran de la Se-
nées 2000, le film Tasuma de Kol- Début 2019, on compte 48 salles cinéma et en particulier de films maine du cinéma africain, un Nigérien affublé d’une
lo Sanou parvenait encore à frô- commerciales sur l’ensemble tunisiens : 250 000 entrées pour panoplie de cow-boy poursuit au triple galop un
ler les 50 000 entrées au Burkina de l’Afrique francophone et 32 El Jaïda et plus de 130 000 pour couple de girafes épouvantées. Cette scène hallu-
Faso, mais au prix d’aides à la autres à Maurice et Madagas- Regarde-moi (soutenu par l’OIF et cinante* est l’une des plus marquantes de l’histoire
distribution* équivalant au mon- car. Mais il est encore trop tôt présent en compétition au Fespa- du cinéma. On la doit à Moustapha Alassane dont le Un homme qui crie
tant des recettes obtenues. Après pour crier victoire. Au Maroc, où co 2019). Le mauvais sort semble film Le retour d’un aventurier a dynamité tous les
cela, plus rien ou presque… Au le nombre de cinémas a été di- enfin écarté, donnant raison à tabous dès 1966. Depuis ce feu d’artifice, la voie
début des années 2010, presque visé par dix en quarante ans, les ceux qui n’avaient jamais perdu est libre pour un cinéma africain bouillonnant d’in-
toutes les salles d’Afrique fran- efforts de l’État pour soutenir la espoir. Le féticheur Baba Woulou vention et d’audace. Et, de fait, en cinquante ans
cophone avaient fermé et parmi production de films et moderni- avait donc bien raison (dans la de Fespaco et de cinéma africain, ON AURA TOUT
celles qui subsistaient, aucune ser le parc de salles n’ont pas série Taxi Brousse, présentée au VU : le bonhomme-charrette de Sembene et la Ma-
n’était équipée en numérique. encore permis d’enrayer le déclin Fespaco 2001), lorsque, malgré dame brouette de Moussa Sene Absa, le cheval bai
Et puis… en 2011, c’est la ré- de la fréquentation (en 2017, au- les mises en garde d’une bande de Wend kuuni, la Chevrolet de Lumumba, Le vélo
ouverture du cinéma «  Le Nor- cun film n’a dépassé les 100 000 de défaitistes, il bravait tous rouge du Mec idéal ; La moto à crâne de zébu de
mandie » au Tchad. Mais il faudra entrées). Dans ce tableau les dangers en s’écriant, «  Dieu Touki-Bouki (copiée en 2018 par Beyoncé et Jay-Z),
des années avant que d’autres contrasté, l’espoir vient de Tuni- existe, oui ou non ? » le side-car de Youssouf Djaoro dans Un homme qui
suivent. En 2015, on compte 11 sie : ce pays, qui était tombé à 16 crie, la reine Sarraounia et ses archers, le «  sar-
zant-sef  » du camp de Thiaroye, le «  Demi-dieu  » de l’éléphant  » et «  La valse des gros derrières  »,
salles commerciales équipées en salles au début des années 2010,
de Bal poussière (aux prises avec ses « robeuses » la moue de Bila et le rire espiègle de Nopoko dans
et ses «  pagneuses  »), la petite génisse de Tim- Yaaba, le visage de Sia (statue d’ébène incrustée à
buktu appelée « GPS », le frigidaire maudit de Tabu jamais dans nos mémoires), le regard magnétique
(l’amoureux de Félicité), l’œuf d’autruche de Yeelen, de Nora dans Viva Riva, la balafre de Saïd Tagh-
la dent de diamant de Blackschwam dans L’œil du maoui dans Ali Zaoua, le sourire craquant de Noura
cyclone, le lion dressé de Marne-la-Vallée, expédié dans Halfaouine, l’enfant des terrasses, la sublime
sur le tournage de Waati par le producteur Toscan jalousie de Kesso dans Il va pleuvoir sur Conakry…
du Plantier, l’éléphant de Run sur le parvis de la ca-
thédrale… On aura vraiment tout vu : « Les couilles

* Soutien octroyé par le programme Africa cinéma (lancé conjointement par la Francophonie, l’Union européenne et la France). * Elle est encore plus saisissante que la capture du rhinocéros dans Hatari !, film mythique de Howard Hawks, avec John Wayne.

9
TÉMOIGNAGES
11
ALAIN GOMIS Félicité Wouassi*
« Une fierté de tendre la main à d’autres. « Marquée à jamais »
J’ai découvert que l’information
inoubliable » sur le film s’était répandue sur Je découvre le Fespaco en 1987.
tout le continent et j’ai décou- Je sors d’un premier film qui
Seul réalisateur, avec Souley- vert la fierté que dégageait le a fait beaucoup de bruit, Black
mane Cissé, à avoir remporté Fespaco. Le retour au Sénégal Mic-Mac, et je suis invitée à cette
deux fois l’Étalon d’or de Yennen- a été incroyable. Moi, je viens manifestation. Je ne connais pas
ga, Alain Gomis témoigne : des quartiers populaires. Donc, le Fespaco, je ne connais même
arriver à l’aéroport, être accueilli pas le Burkina Faso. J’ai grandi
Premier étalon : Tey, 2013. quasiment en bas de l’avion par en Occident, j’ai fait du théâtre
Le Fespaco, c’est vraiment par- le ministre, rentrer chez moi pra-
qu’on n’est pas obligé de rester mais je ne connais pas le ciné- par un Français, je découvre le pour l’avenir, c’est d’avoir plus de
ticulier. La cérémonie se déroule tiquement sous escorte, avoir le
chacun sur ses terres, on peut ma africain. C’est honteux à dire cinéma de mon continent. J’ai films réalisés ou produits par des
dans un stade ! En tant que ré- quartier entier qui est là dehors
collaborer dans une sorte de dia- mais il faut se rendre compte que été marquée à jamais ! Je pense femmes. Je veux un regard diffé-
alisateur, je ne suis ni acteur, ni pour faire la fête... Cette fierté
logue continental, international… nous n’avions pas les supports vraiment que le Fespaco a rempli rent dans le cinéma africain, un
chanteur, je suis habitué à être est une chose inoubliable, c’était
Le retour au Sénégal a été encore numériques qu’on a maintenant. ses missions. Un : faire connaître regard de femme.
derrière et, tout à coup, je me comme si on avait gagné la coupe
plus fou [qu’en 2013] parce qu’il Je ne voyais pas de films afri- le cinéma africain. J’ai eu accès
retrouve sur une scène au milieu du monde ! Les gens nous remer-
y avait cette dynamique qui avait cains. Je ne savais même pas à ce cinéma grâce à lui. Deux  :
d’un stade ! C’est comme une dé- ciaient à longueur de temps pour
été mise en marche et qui portait que les Africains faisaient des remplir les salles. Au Burkina, les –––
charge électrique. Je ne pourrai avoir porté le nom du Sénégal...
ses fruits. films. Et, là, je découvre tout. À salles étaient pleines et, en plus, Propos recueillis par Balufu
jamais oublier cela. Quand on a C’est un truc qui a bouleversé l’hôtel Indépendance, on me pré- un relais a été fait en France où Bakupa-Kanyinda (entretien
annoncé le titre du film et qu’il ma vie. Là, j’ai vraiment réalisé la sente Sembene Ousmane, Sou- les films du Fespaco trouvaient Cinékap)
m’a fallu descendre les gradins, force du Fespaco.
___ leymane Cissé, Claude Prieux** une diffusion dans certaines
j’ai eu l’impression que ça durait
Propos recueillis par Balufu et les plus jeunes, avec leurs salles à Paris. Donc, oui, le Fes-
une heure ! C’était la première Second étalon : Félicité, 2017.
Bakupa-Kanyinda dans le cadre premiers films : Idrissa Ouedrao- paco a rempli son contrat. Je ne
fois pour le Sénégal. C’était telle- On se disait que, forcément, ils
de la série « Le Fespaco – un de- go présente Les Écuelles, Cheik sais pas à quoi pensaient les an-
ment de fierté pour tous ceux qui allaient donner la première place
mi-siècle de cinémas d’Afrique » Oumar Sissoko, Nyamanton. Il ciens qui ont créé ce festival mais
avaient fait le film… Et puis, il y à un autre film. Nous avions déjà
(Production Cinékap) y a une effervescence et je dé- je pense qu’il a dépassé large-
a cette espèce de responsabilité : été récompensés. Et donc, la sur- couvre que les Africains font des ment leurs objectifs. Tout ce que
l’intérêt d’un prix comme celui-ci, prise a été immense. Et puis il y a films. Moi, jeune comédienne je souhaite, c’est que ce festival
ce n’est pas seulement la glorifi- eu aussi une autre fierté, plus pa-
* Comédienne franco-camerounaise.
noire en France, qui rêve de faire continue, qu’il continue à trans- ** Directeur du Centre culturel français de
cation d’un film, c’est ce qu’on nafricaine. Ce projet-là veut dire du cinéma, et qui ai fait ce film, mettre. Maintenant, mon souhait, Ouagadougou en 1969, il a participé à la
en fait après, c’est le rôle qu’il que l’on peut travailler ensemble, création du Fespaco.
Black Mic-Mac, qui est réalisé
faut jouer ensuite, en essayant

13
Jean-Pierre Bekolo* JIhan El-Tahri*
« Le Fespaco la main et je ne sais pas quoi « Nous les cinéastes
penser. Est-ce que j’ai le pouvoir
est un lieu de dire quelque chose ici ? C’est de la diaspora… »
d’adoption » comme ça, c’est l’Afrique... Tu vis
l’Afrique avec ses drames et ses À mon premier Fespaco, il y
Sans le Fespaco, je n’aurais ja- conflits et tu finis par l’accepter. avait une espèce de cassure : la
mais été panafricaniste, je n’au- Il y aussi un moment où, comme jeunesse avait décidé de créer la
rais jamais pu rencontrer les dans toutes les familles, le Fespa- Guilde des cinéastes africains.
cinéastes de tous les pays. Le co t’énerve. Tu as une projection C’était très animé. Pour moi,
Fespaco est un lieu d’adoption à qui s’est mal passée ou un pro- c’était comme une révolution
l’africaine. On t’adopte, on te dit : blème technique ou un document et j’adore les révolutions. Donc,
d’être africain. Le Fespaco nous j’étais tout excitée et je voulais cœur appartient à l’endroit d’où tout, et que ces films-là soient
« Tu es l’un de nos fils, l’un de nos qui n’est pas arrivé et tu dis  :
a permis d’être africains avec participer ; je lève la main et, l’on vient mais celui qui part perd écartés du Fespaco. Il faut que
frères et voilà ce qu’il faut faire, « Je ne reviendrai plus jamais au
beaucoup de dignité et beaucoup là, quelqu’un me dit «  Non, on sa place. Quand on revient chez l’on soit rigoureux et que l’on
n’oublie jamais ceci ni cela…  » Fespaco  ». L’année où j’ai pen-
de modestie et il ne faut pas l’ou- parle des Africains  ». Et je dis  : nous, on nous regarde comme soit à la hauteur de l’importance
Même Djibril Diop Mambety, qui sé cela, on m’avait appelé à
blier. « Mais je suis Africaine ». « Non, des invités. Donc, ce besoin de ce festival.
n’était pas bavard, te glissait une midi pour me dire «  Tu voyages
tu es blanche.  » Je proteste  : d’appartenance, on le retrouve
petite phrase et ça te restait dans à 15  h  ». Et je n’étais pas parti.
« Mais ça ne va pas ! ». Et ça a entre nous. Et, donc, Newton et
la tête toute ta vie. Et plus tard, j’ai entendu qu’on
––– été mon premier clash, à propos son film « Rage », avec cette dé- –––
Le Fespaco, pour moi, c’est aus- m’avait décerné un prix et qu’on
Propos recueillis par Balufu de cette cassure entre Nord et chirure chez cet enfant métis qui Propos recueillis par Balufu
si… Blaise Compaoré. Je dis m’appelait en vain parce que je
Bakupa-Kanyinda (entretien Sud. Et maintenant, quasiment n’arrive pas à trouver sa place, Bakupa-Kanyinda (entretien
cela parce que ça a été un choc, n’étais pas là. C’est l’année où
Cinékap) tous mes films traitent de cette ça me touchait personnellement. Cinékap)
après tout ce qu’on avait entendu j’ai le plus regretté le Fespaco.
question-là. Je suis consciente qu’au Fespa-
quand Sankara a été assassi- Sans même y penser, on a créé
C’est aussi au Fespaco que j’ai co, il y a tellement de gens, il y
né ! À ce moment-là, mon père notre manière de faire un festival
vu le film «  Rage  » (de Newton a tellement de films et c’est un
était commissaire de police et et je ne sais pas si quelqu’un a
Aduaka) qui m’a bouleversé. festival tellement énorme que
il avait l’habitude de se moquer théorisé cela. Il y a une manière
C’était un film d’une grande c’est difficile… Mais l’organi-
de tous les révolutionnaires mais d’être africain, il y a une manière
puissance, qui parlait d’une his- sation doit être un peu plus dis-
il a presque pleuré. Donc je me de respecter les anciens, il y a
toire de métissage et en même ciplinée. Ce n’est pas possible
retrouve au Fespaco et comme une manière d’aimer ce que les
temps, cela traitait de notre his- qu’il y ait des films importants
j’avais eu un prix et que Blaise gens font, etc. Mais, au fond, et
toire à tous, surtout nous, les pour l’époque, visuellement no-
serrait la main à tous ceux qui c’est la force du Fespaco, le Bur-
cinéastes de la diaspora. Notre vateurs et que l’on réclame par-
avaient eu des prix, il me serre kina Faso a permis au cinéma * Cinéaste camerounais * Cinéaste égyptienne

15
Les films
soutenus
par l’OIF
programmés
au Fespaco
17
Longs-métrages de fiction

La miséricorde tré le génocide dans son pays. Fatwa action contre sa mère Lobna, Dardenne, Belgique)
Faustin, jeune recrue, vit sa de Mahmoud Ben Mahmoud militante laïque, élue députée Palmarès  : Tanit d’Or aux Jour-
de la jungle première guerre et compte bien après avoir divorcé de Brahim. nées cinématographiques de
(Tunisie)
de Joël Karekezi (Rwanda) venger les siens. Mais lorsque Les ex-époux se retrouvent sur Carthage, 2018
Durée : 91 minutes
Durée : 91 minutes les deux soldats perdent leur la tombe de leur fils. Brahim va
Avec : Ahmed Hafiane, Ghalia Be-
Avec : Marc Zinga, Stéphane Bak, troupe, ils se retrouvent seuls découvrir que la mort de Ma-
nali, Sarra Hannachi
Ruth Nirere, et sans ressources dans la rouane n’est pas accidentelle
Scénario  : Mahmoud Ben Mah-
Scénario  : Joel Karekezi, Casey jungle congolaise, la plus et que Lobna est menacée par
moud
Schroen et Aurélien Bodinaux grande et la plus dangereuse une fatwa pour avoir publié un
du continent africain. Revenu de France pour en- livre dénonçant l’emprise des
1998 : c’est le début de la deu- salafistes.
terrer son fils Marouane, 18
xième guerre du Congo, consé- Production  : Néon Rouge, Auré- ans, victime d’une chute à
quence du génocide rwandais lien Bodinaux (Belgique) et Tact, Production : Arts Distribution (Ha-
moto, Brahim apprend que
commis quatre ans plus tôt. Le Oualid Baha (France) bib Bel Hedi, Tunisie) et Les Films
le jeune homme était devenu
Sergent Xavier, héros de guerre du fleuve (Jean-Pierre et Luc
un islamiste radical, en ré-
rwandais, est envoyé sur le
front congolais pour continuer
à traquer ceux qui ont perpé-

19
Documentaires

Regarde-moi lorsque son frère l’appelle de regard qui sera le moteur de


de Nejib Belkadhi (Tunisie) Tunisie pour l’informer que sa Lotfi dans cette quête qui va le
Durée : 96 minutes femme Sarra vient d’être hos- mener à entrer en contact avec
Avec : Nidhal Saadi, Idryss Khar- pitalisée à la suite d’un AVC. son fils et l’ouvrir au monde.
roubi, Sawssen Maalej Lotfi se voit obligé de reve-
Scénario : Nejib Belkhadi nir au pays pour réclamer la Production  : Propaganda, Imed Le cimetière tumultueuses vies africaines. Production : Onezik, Mannsomdé
garde de son fils Amr, 9 ans, Marzouk (Tunisie) et Mille et Les récits de leur engagement Honoré Yaméogo (Burkina Faso)
autiste, à sa tante maternelle Une Productions, Farès Ladjimi
des éléphants dans l’évangélisation du conti- et VraiVrai Films, Florent Coulon
Lotfi, la quarantaine, immigré d’Eléonore Yameogo
tunisien en France, mène une Khedija. Commence alors un (France). nent, les récits, leur place dans (France)
(Burkina Faso) l’histoire de la colonisation
vie tranquille dans le quartier voyage initiatique où Lotfi
Durée : 70 minutes et des indépendances, mais
Noailles à Marseille. Son quoti- sera confronté aux angoisses
dien est partagé entre sa bou- et aux crises d’Amr qui s’obs- aussi leur ressenti sur les ren-
Dans l’univers clos d’une contres et les partages avec
tique d’électroménager, le bar tine à ignorer la présence d’un
maison de retraite nous par- les peuples des pays traversés
du coin et sa copine française père qu’il n’a jamais connu, et
tageons le quotidien de fin de et sur leurs relations avec les
Monique avec qui il attend un refuse de le regarder dans les
vie de quelques anciens mis- autorités coloniales. Une im-
bébé. Son passé le rattrape yeux. Et c’est cette absence de
sionnaires qui nous entraînent mersion dans un univers sen-
dans les souvenirs de leurs sible et passionnant.

21
Le loup d’or faibles ressources qui leur de les voir. Le film propose une
permettent de survivre au quo- immersion dans la vie de ces
de Balolé tidien... Le salaire journalier milliers d’hommes, de femmes
de Chloé Aïcha Boro (Burkina d’un homme est de l’ordre de et d’enfants qui ont reconsti-
Faso) 600 Francs CFA (environ un tué une sorte de «  ville dans
Durée : 80 minutes euro), celui d’une femme ou la ville », un purgatoire où les
d’un vieillard est d’environ 300 travailleurs se nourrissent de
Au cœur de Ouagadougou, la Francs CFA. Un enfant travaille l’espoir d’en sortir.
capitale du Burkina Faso, une pour à peine 200 Francs CFA
carrière de granit où près de par jour. Une population d’es- Production  : Productions métis-
2 500 personnes, hommes, claves modernes, exploités par sées (Burkina Faso)
femmes et enfants, tra- des vendeurs de pierre souvent
vaillent dans des conditions peu scrupuleux, et qui vit en
dantesques pour trouver les marge d’une société qui refuse

Pas d’or ou « la ruée vers l’or ». La pre- timable de catastrophes so-
mière mine d’or d’exploitation ciales et environnementales.
pour Kalsaka industrielle à ciel ouvert est Une petite ville de campagne
de Michel K. Zongo (Burkina implantée en juin 2006 à Kal- sans infrastructures sociales
Faso) saka par la société anglaise de base, une population so-
Durée : 70 minutes Kalsaka Mining SA pour ex- cialement désorganisée par le
ploiter 18 tonnes en 10 ans. niveau de vie acquis pendant
Dans les années  2000, l’État Mais « L’or n’a pas brillé pour le fonctionnement de la mine.
burkinabé délivre plusieurs Kalsaka » car en 2013 après 6
permis d’exploitation minière années d’exploitation, la mine Production  : Diam Productions
à des sociétés multinationales, ferme ses portes et laisse (Burkina Faso)
c’est le début du boom minier, dernière elle un héritage ines-

23
Le futur dans le rétro tronisée reine-mère. Le Futur partenance à un groupe, l’exil.
de Jean-Marie Teno dans le rétro se compose d’un C’est aussi un conte sur le dé-
(Cameroun) enchevêtrement de plusieurs part, la disparition, le trauma,
Durée : 80 minutes histoires, plusieurs voyages, sur la tentative de retour et une
plusieurs exils, qui sont le re- quête existentielle.
En juillet 2010, une profes- flet de la société contempo-
seure d’université aux États- raine mondialisée. Le Futur Production : Les Films du Raphia
Unis retourne au Ghana, son dans le rétro est un conte sur (France)
pays d’origine, pour être in- la maternité, la fraternité, l’ap-

Amal traînée par les cheveux par un tour à l’école, sa découverte


de Mohamed Siam (Égypte) policier au milieu de la place de l’amour et de la sexualité
Durée : 83 minutes Tahrir. Une vidéo de cette vio- mais aussi sa façon de vivre
lence devient virale partout le port du voile, sa dépression,
Deux ans après le sursaut dans le monde sans qu’on sa tentative de suicide jusqu’à
d’espoir suscité par la révolu- sache qui est la jeune fille dont l’obligation de se conformer à
tion égyptienne en 2011, des le visage est caché par les bâ- la société conservatrice.
élections libres ont lieu mais tons et les chaussures des sol-
sont suivies par une reprise dats. Après que les dernières Production  : ArtKhana (Égypte),
du pouvoir par les militaires. manifestations aient eu lieu Abbout Productions (Liban), An-
L’Égypte retourne à son état et que le cirque médiatique dolfi (France), Barentsfilm As
de dictature initial, laissant ait déserté la place Tahrir, le (Norvège), Good Company Pic-
grandes ouvertes les plaies réalisateur décide de suivre la tures, Shortcuts Productions (Li-
d’une révolution détournée. jeune Amal dans son voyage ban)
Amal, jeune fille de 14 ans, est initiatique à travers son re-

25
Un sari sans fin des tisseurs traditionnels est
de Harrikrishna Anenden confronté à des enjeux écono-
(Maurice) miques impitoyables, les en-
Durée : 52 minutes fermant dans un cercle vicieux
d’endettement et de pauvre-
Depuis des millénaires, le sari té — qui les conduit parfois
est le vêtement emblématique jusqu’au suicide. À travers
de la péninsule indienne. Il l’histoire de Maya, une jeune
est aujourd’hui porté par des fille sur le point de se marier,
millions de femmes, tant dans et de Krishen, un tisseur tra-
son pays d’origine que parmi ditionnel de la ville de Kanchi-
la diaspora indienne à tra- puram, dans le Tamil Nadu, le
vers le monde. Connu pour la film racontera cette histoire
beauté des tissus et des mo- paradoxale et retracera l’im-
tifs, le sari cache cependant portance du sari dans la civi-
une histoire tumultueuse et lisation indienne. Fahavalo, tout espoir d’indépendance
douloureuse. Derrière ces cinq s’évanouit, le 29 mars 1947, ils
mètres de grâce et d’élégance Production : Cine Qua Non Madagascar 1947 prennent la tête d’une insur-
(Île Maurice) de Marie-Clémence rection, violemment réprimée
se dessine une histoire de pas-
Andriamonta-Paes par les autorités coloniales.
sion et de douleur, où le savoir
(Madagascar) Armés de sagaies et de talis-
Durée : 90 minutes mans, ils résistent pendant
dix-huit mois dans la brousse.
Près de 40 000 soldats mal- Le film propose un éclairage
gaches ont été enrôlés dans inédit sur le parcours des Mal-
l’armée française en 1939 pour gaches pendant et après la se-
défendre la « mère patrie » en conde Guerre mondiale.
Europe. Après avoir connu Vi-
chy, les Ardennes, la démobi- Production  : Laterit Productions
lisation, les Frontstalags et le (Madagascar/France), Silvao
débarquement en Normandie, Produções Filmes (Cap-Vert) et
ils ne rentreront à Madagas- Cobra Films (Belgique)
car qu’en août 1946 à bord du
paquebot Île-de-France. Quand

27
Au temps ses vierges. La vie est le pro- archives rares, témoignages
duit d’une anarchie et cette d’artistes et mise en lumière
où les Arabes anarchie est l’œuvre de l’AR- de la haine intégriste envers
dansaient TISTE. L’islamiste en veut à les artistes, Au temps où les
de Jawad Rhalib (Maroc) l’artiste qui donne vie à la Arabes dansaient retrace le
Durée : 84 minutes matière et éloigne les bonnes parcours épineux des artistes
âmes du paradis par des idées arabo-musulmans dans ce
L’intégriste n’aime pas la vie. malsaines, un dessin diabo- siècle du fascisme islamique.
Pour lui, il s’agit d’un éloigne- lique, un chant envoûtant, une
ment de Dieu et du paradis danse maléfique… L’artiste est Production : R&R (Belgique)
céleste, avec ses fleuves de donc le diable et pour pouvoir
lait au goût inaltérable, ses le tuer, l’intégriste le déclare
rivières de vin, ses délices et ennemi d’Allah. En mêlant

Kinshasa Makambo nous plonge dans le combat de


de Dieudo Hamadi (RDC) ces trois activistes, que ni les
Durée : 90 minutes balles, ni la prison, ni l’exil ne
semblent pouvoir arrêter...
Christian, Ben et Jean-Marie
luttent pour l’alternance po- Production  : Les Films de l’œil
litique et la tenue d’élections sauvage (France), Kiripi Films/
libres dans leur pays, la Ré- Mutotu Productions (République
publique Démocratique du démocratique du Congo), Bärbel
Congo. Mais le Président s’ac- Mauch Films (Allemagne)
croche au pouvoir... Comment
changer le cours des événe-
ments  ? Faut-il s’allier avec
l’opposant historique et son
puissant parti  ? Le dialogue
est-il encore possible ou doit-
on se résoudre au soulèvement
populaire et risquer un bain
de sang ? Kinshasa Makambo

29
Courts-métrages Black Mamba
d’Amel Guellaty (Tunisie)
Durée : 20 minutes
Avec  : Sarra Hannachi, Saida
Hammi, Chedly Taghouti, Char-
feddine Taouriti

Sarra, jeune fille de la classe


moyenne de Tunis, mène, en
apparence, la vie ordinaire
que sa mère lui a tracée : elle
prend des cours de couture et
s’apprête à épouser un gentil
garçon. Mais Sarra a d’autres
plans inavoués à travers les-
quels elle veut échapper à sa
vie actuelle.

Production  : Atlas Vision, Asma


Chiboub (Tunisie)

Razana cendres de son partenaire au


de Ratovoarivony Haminiaina père de ce dernier. Un beau-
(Madagascar) père malgache traditionaliste
Durée : 20 minutes et conservateur qu’il n’a ja-
mais rencontré et qui ne sou-
Les mains frêles de Solo haite pas sa venue.
serrent une urne contre sa
poitrine. À la demande de son Production  : Amy Productions
défunt compagnon, il rentre à (Madagascar)
Madagascar pour remettre les

31
Longs-métrages en section "Panorama"
Le bonnet de Modibo À la tête de la direction des de corruption. Alors qu’il se
de Boubakar Diallo Examens et Concours de prépare à jouir d’une retraite
Durée : 100 minutes Ouagadougou, Modibo est bien méritée qui lui permettra
Avec  : Ildevert Meda et O’Gust devenu une légende tant il d’aller voir ses filles en Europe,
Kutu a été inflexible face aux in- Modibo reçoit la visite surprise
terventions et aux tentatives d’une délégation de son vil-
lage natal. Le vieux chef vient
de décéder, il est urgent de lui
trouver un successeur. Modibo
est fortement pressenti, car sa
candidature apparaît aux yeux
des vieux sages comme une
solution de compromis pour
éviter un affrontement entre
deux clans rivaux. Modibo ré-
siste, puis finit par se laisser
convaincre. Mais lorsque sa
candidature est acceptée par Maki’la tion, vol… Les deux finissent Production  : Tosala Films, Em-
le Conseil des sages, on dé- de Machérie Ekwa Bahango par se marier. Devenue femme manuel Lupia (RDC), Inzo Ya Bi-
couvre qu’une condition n’est (RDC) de caïd, Makila engage à son zizi, Rufin Mbou Mikima (Congo),
pas remplie  : le chef doit être Durée : 78 minutes service des enfants qui volent Orange Studio (France)
marié. Or, Modibo est veuf… Avec  : Amour Lombi, Fideline pour elle, en échange d’une
Kwanza, Serge Kanyinda protection et de quelques
Production : Les films du Droma- miettes. Elle arrête ainsi de se
daire, Boubakar Diallo (Burkina Makila est une jeune fille de 19 prostituer. Makila et Mbingazor
Faso), Avalon, Axel Guyot (France) ans qui vit dans la rue depuis forment le couple le plus res-
l’âge de 13 ans. À son arrivée, pecté de la rue, mais très vite,
elle a été accueillie par le caïd leur relation basée sur l’ex-
Mbingazor, un délinquant al- ploitation et la violence, com-
binos, qui l’a initiée à la façon mence à ennuyer la jeune fille
de vivre, ou plutôt de survivre, qui se sent prisonnière. Elle
dans la rue : drogue, prostitu- décide de quitter Mbingazor…

33
Le fonds
d’aide
de l’OIF
modernisé
et ajusté
35
Outil de financement des films et des séries, rienne plutôt qu’Afrique du Nord et documentaires
plutôt que fictions. Mais, à partir de 2012, le CIRTEF Ces différentes évolutions (perte d’influence du CIR-
le Fonds Image de la Francophonie est devenu trois fois plus a perdu de son influence et a même cessé d’oc- TEF, réforme des commissions et dépôt en ligne) ont
sélectif en dix ans. Pour que les pays les moins favorisés cuper pendant l’année 2018, le poste de « membre
permanent » de la commission audiovisuelle qui lui
produit des effets mesurables. Pour que leur analyse
soit pertinente, il faut tenir compte des particularités
restent dans la course, l’OIF a prévu des "coups de pouce" revenait. En 2017, le fonds a connu une autre évo- de l’année 2014 où, entre deux cycles de program-
ciblés à partir de 2019. lution, la traditionnelle division cinéma/audiovisuel
cédant la place à une nouvelle répartition, par types
mation budgétaire pluriannuelle, beaucoup d’activi-
tés de l’OIF ont été mises en suspens. Résultat : pas
Le « Fonds Image de la Francophonie », appelé ini- de programmes. La commission appelée désormais d’aides à la production pour la commission cinéma
tialement « Fonds francophone de production audio- « cinéma-fiction » accueille tous les films de fiction et pas de session de fin d’année pour la commission
visuelle du Sud » a été créé officiellement en 1988* et d’animation unitaires, qu’il s’agisse de courts ou audiovisuelle, avec, cependant, une opération ponc-
et a commencé à opérer de façon régulière (avec longs-métrages de cinéma ou de téléfilms (mais tuelle d’aide au développement des séries d’Afrique
des commissions de sélection réunies plusieurs fois ce dernier genre, très peu représenté, a tendance subsaharienne. Les résultats enregistrés pour cette
par an) en 1990. Son fonctionnement et son impact à disparaître). Quant à la commission « documen- année atypique ne sont donc pas comparables à
pendant les années 2009-2018 ont fait l’objet d’une taires/séries », elle accueille tous les projets de sé- ceux des autres années.
analyse approfondie et les résultats de cette étude** ries (qu’il s’agisse de documentaires, de fictions ou
ont abouti à une réforme dont la mise en œuvre a d’œuvres d’animation) ainsi que tous les documen- Avant d’étudier l’impact du fonds, il faut également
débuté en janvier 2019. taires unitaires (qu’ils soient destinés au cinéma ou tenir compte du fait que son enveloppe a été réduite
à la télévision). de 25 % entre le début et la fin de la décennie. Tou-
Comment le fonds a-t-il évolué au cours de la dé- tefois, depuis 2015, l’enveloppe disponible est res-
cennie étudiée ? D’abord dans sa relation avec le Mais le plus grand bouleversement qu’ait connu
CIRTEF (Conseil International des Radio-Télévisions le fonds est plus ancien et il concerne le passage Montant annuel des aides accordées par le fonds (en €)
d’Expression française) qui, jusqu’en 2011, était au numérique. Jusqu’en 2011, la soumission d’un
associé étroitement au choix des membres de la dossier de demande d’aide nécessitait la duplica-
commission audiovisuelle du fonds. Cette commis- tion en une dizaine d’exemplaires d’un document
Marguerite Abouet, scénariste et réalisatrice originaire dépassant parfois la centaine de pages, qui devait
sion avait donc tendance à accorder une priorité aux de Côte d’Ivoire, préside la commission
pays et aux types de programmes dominants dans être envoyé à Paris par courrier express. Ce système
«Documentaires/Séries» du Fonds Image
le cadre des activités du CIRTEF : Afrique subsaha- de la Francophonie depuis 2017.
était fastidieux, aléatoire (délais d’acheminement
variables selon les pays), coûteux pour les produc-
teurs, inadapté à une vérification rapide et efficace
* Cette année-là, Tahar Cheriaa, qui avait été Directeur de la Culture à l’Agence de coopération culturelle et technique, prend sa retraite et
des dossiers et peu propice à une transmission ra-
retourne en Tunisie. Lorsqu’il était à la tête de la coopération cinématographique francophone, il avait participé à la fondation de la FEPACI
et à la consolidation du Fespaco après avoir créé en 1966 les Journées cinématographiques de Carthage. Selon le cinéaste et critique Férid pide aux membres des commissions de sélection. Il
Boughedir, « Dès son entrée en fonction à l’ACCT, il avait instauré une tradition : que le soutien aux cinémas francophones se fasse en priorité a été remplacé en 2012 par un dépôt en ligne, via le
pour les plus démunis dans ce domaine, les pays francophones du Sud ». site imagesfrancophones.org.
** Réalisée par Pierre Barrot avec le concours d’Aïcha Bahri.

37
tée stable, le fonds ayant même été « sanctuarisé »
en 2017 à un million d’euros (frais d’organisation
souci de limiter le nombre de projets retenus pour
relever le niveau des montants attribués. Cette po-
"Les rois de Ségou"
des commissions compris). litique a surtout produit ses effets en 2017 et 2018. sur un piédestal
Elle a permis notamment de rendre les aides aux
L’introduction du dépôt par voie électronique et le longs-métrages beaucoup plus significatives. Alors Le financement le plus important accordé par le
passage de trois à quatre sessions par an à partir de que les montants accordés n’avaient plus dépassé fonds de l’OIF au cours des dix dernières années
2017 ont entraîné une forte croissance du nombre 50 000  € depuis 2009, ils ont atteint 70 000  € en est allé à la série malienne Les rois de Ségou. Son
des dossiers présentés au fonds. Passé de 111 en 2017 et 65 000 € en 2018. auteur, Boubacar Sidibé, est un habitué du Fespa-
2009 à 303 en 2017, le nombre de demandes a co où il a été récompensé à deux reprises (pour la
donc été multiplié par 2,7 sur la période avant que L’introduction du dépôt par voie électronique, en série Les aventures de Séko en 2001, puis pour le
l’on n’assiste en 2018 à un léger tassement (245 facilitant le traitement des dossiers, a permis de téléfilm Sanoudjè en 2003). Avec Les rois de Ségou,
dossiers reçus). Cette « pause » peut s’expliquer par passer de trois à quatre sessions par an. Tandis que il s’attaque en 2010 à l’épopée de Ngolo Diarra, fon-
le lancement du Fonds Jeune création francophone la commission cinéma se réunissait une seule fois dateur du puissant royaume bambara que Maryse
qui a attiré, cette année-là, 134 dossiers éligibles. dans l’année depuis 2008, chacune des deux com- Condé a immortalisé dans Ségou — les murailles
missions a tenu deux sessions par an à partir de de terre*. Avec ses scénarios habilement troussés
Au début de la décennie considérée, la baisse de 2017. Cette réforme semble être la principale cause (entre comédie et saga historique) et ses dialogues
l’enveloppe globale du fonds s’est traduite par une de l’augmentation du nombre de dossiers reçus à percutants, truffés d’adages savoureux, le projet fait
diminution des montants moyens accordés (pas- la fin de la décennie (548 demandes en 2017-2018 mouche et la commission télévision du fonds de
sés de 26 000  € en 2009 à 18 000 en 2012). Par contre 450 en 2015-2016, soit une augmentation l’OIF lui accorde 100 000 € en 2010, puis 50 000 €
la suite, les commissions de sélection ont eu le de 21 %). de plus en 2011, pour un total de 41 épisodes. Ce
financement record (pour l’OIF) reste insuffisant
pour procurer à la série les moyens qu’elle aurait time » à raison de trois épisodes par soirée. Enfin,
Montant moyen accordé aux projets soutenus (en €) Nombre de projets aidés chaque année mérités : il n’y aura ni chevaux, ni grue, ni rails de en 2012, la chaîne sud-africaine «  Africa Magic  »
travelling sur le tournage. Mais le soutien de l’OIF, achète la série** et la diffuse avec un sous-titrage
ajouté aux moyens apportés par la télévision na- anglais. C’est la première fois qu’une série d’Afrique
tionale du Mali, va produire un « retour sur inves- francophone s’exporte en zone anglophone. Dans
tissement  » spectaculaire. La série rencontre un la brèche ainsi ouverte s’engouffreront beaucoup
tel succès que la télévision malienne décide de la d’autres séries d’Afrique francophone : C’est la vie,
doubler en bambara après la première diffusion en Tundu Wundu, Rêves sans faim, Kiara, Sœurs enne-
français. TV5Monde assure aux Rois de Ségou une mies. Toutes ces séries, doublées en anglais avec
diffusion exceptionnelle : programmation en « prime l’aide de l’OIF, ont voyagé notamment au Nigeria et
en Afrique du Sud.

* Éditions Robert-Laffont, 1984 ; ce roman (suivi de Ségou – La terre en miettes) est l’un de ceux qui ont valu à Maryse Condé le « prix
Nobel alternatif » décerné en 2018 par la Nouvelle Académie.
** Cette vente « historique » a été conclue par le distributeur DIFFA, également soutenu par l’OIF.

39
Un fonds plus ouvert La fiction revalorisée "Invisibles"
et beaucoup plus sélectif Les films (courts et longs-métrages) et les séries
un succès historique
de fiction et d’animation, qui représentaient 56  % Il faut remonter à 1993 pour trouver une série
Le nombre des dossiers reçus, conjugué à la baisse
des montants accordés par le Fonds en 2009-2010 d’Afrique francophone avec des épisodes de 52’.
des enveloppes disponibles, a rendu le fonds de Invisibles est une série feuilletonnante mettant en scène
(contre 44  % pour les documentaires) grimpent à Lat Dior était une saga historique tournée par la des "microbes", ces enfants de la rue d’Abidjan
plus en plus sélectif.
83 % en 2017-2018. Cette évolution spectaculaire télévision sénégalaise sur un scénario d’Alioune qui forment des gangs ultra-violents.
semble due à trois facteurs : Badara Beye. Après cette première tentative, il a fal-
Ratio dossiers reçus / projets aidés
lu attendre dix ans pour retrouver le même format,
• le déclin de l’influence du CIRTEF qui avait ten- avec le pilote de la série Inspecteur Sory, tourné au
dance à privilégier le genre documentaire Gabon par le Guinéen Mamady Sidibé. Le duo Eriq
• l’arrivée à la présidence de la commission « do- Ebouaney-Nadège Beausson-Diagne y faisait mer-
cumentaires/séries  » d’une auteure de fiction veille mais la série s’est arrêtée à cet épisode pilote
(Marguerite Abouet), après des années où la et, pendant les quinze années qui ont suivi, aucun
présidence de la commission audiovisuelle reve- épisode de série n’a dépassé les 26 minutes dans
nait à des spécialistes du documentaire (Ludovic toute l’Afrique francophone.
Bastin, Salomine Messio, Ann Julienne, Rachèle Lorsque l’Ivoirien Alex Ogou achève les dix épisodes
Magloire) ; de la série Invisibles, coproduite par Canal+ Afrique,
• la montée en puissance des séries de fiction en 2018, il est donc le tout premier en Afrique fran-
d’Afrique subsaharienne à partir de 2012 (année cophone à avoir mené à bien une série véritable-
marquée par le premier préachat de série afri- ment exportable au format 52’. Le défi est d’autant séries québécoises ainsi qu’une série suisse copro-
caine par TV5Monde* et par la première vente plus impressionnant qu’Invisibles est une série duite par la chaîne franco-allemande Arte. Malgré
d’une série d’Afrique francophone à un diffuseur d’auteur. Non content d’avoir écrit tous les épisodes cette forte concurrence, Invisibles remporte le prix
anglophone**) ; ce mouvement s’est accéléré (avec le concours d’Aka Assié), Alex Ogou les a in- de la meilleure série francophone. C’est la première
Malgré l’augmentation spectaculaire de la de-
par la suite avec les lancements successifs de tégralement réalisés tout en assurant la production fois depuis quinze ans qu’une fiction d’Afrique fran-
mande, le nombre de projets aidés est passé de 48
la chaîne A+ et de RTI-Distribution (branche de exécutive (au sein de la société TSK). Une prouesse cophone est récompensée dans un festival euro-
en 2009 à 33 en 2018, après avoir connu des pics
la télévision ivoirienne dédiée aux coproductions qui lui a valu plusieurs malaises pendant le tournage péen. En 2003, la série Taxi Brousse, avec des épi-
en 2010 (57 aides) et 2012 (63). Le cumul des deux
et aux ventes de programmes) ainsi qu’avec les ainsi qu’une grave crise de paludisme. sodes signés Pierre Rouamba et Ignace Yechenou,
tendances (plus de demandes et moins d’aides ac-
investissements africains du groupe français La- Deux mois avant sa diffusion, la série Invisibles est avait remporté le prix de la meilleure série au festi-
cordées) a radicalement changé la donne. Le fonds
gardère Studio et la nouvelle politique de « créa- présentée en septembre 2018 au festival de la fic- val Cinéma tout-écran de Genève en devançant une
a cessé d’être un guichet semi-automatique pour
tions originales » de Canal+ Afrique. tion TV de La Rochelle. Principal rendez-vous de la série américaine produite par… Steven Spielberg.
devenir un outil de financement hautement sélectif.
Alors que près d’un projet sur deux était soutenu en fiction française, ce festival organise également une Point commun entre Invisibles et Taxi Brousse : une
2009 ; on était à moins d’un projet sur 8 en 2017. * Série « Noces croisées » de Bernard Yameogo (Burkina Faso). compétition francophone. En 2018, on y trouve trois aide à la production accordée par le fonds de la
** Série « Les rois de Ségou » de Boubacar Sidibé (Mali). Francophonie.

41
L’Afrique subsaharienne ci-dessous montre l’évolution sur dix ans des mon-
tants accordés aux quatre premiers bénéficiaires du
Légende
en retrait fonds. On constate que le Burkina Faso, en tête en Revenu
élevé
Revenu intermédiaire Revenu intermédiaire
de la tranche supérieure de la tranche inférieure
Revenu
faible
2010, puis en 2012 et encore en 2015, a ensuite
Entre 2009-2010 et 2017-2018, la part de l’en- été distancé par la Tunisie mais aussi par le Maroc La Tunisie est repassée en 2016 dans la catégorie «revenu intermédiaire de la tranche inférieure» (moins de 3955 $)
semble Afrique du Nord/Moyen Orient dans les aides et le Sénégal. Le Sénégal est repassé en 2016 dans la catégorie «revenu faible» (moins de 996 $)
accordées par le Fonds Image de la Francophonie
est passée de 31,5 à 34,5 %. L’Asie du Sud-Est est Cette évolution reflète le degré d’engagement de
passée, sur la même période, de 2 à 4 % et l’océan chacun des États concernés au profit de sa filière Pays RNB/hab 2018 ($)
Indien de 0,9 % à 2,4 %. La progression de ces trois audiovisuelle et cinématographique. Le Burkina Seychelles 14180 Cambodge 1230
zones s’est faite au détriment de l’Afrique subsaha- Faso, où l’État intervient depuis longtemps de fa- Maurice 10140 Mauritanie 1100
rienne, passée de 62,1 à 56,1 %. La zone Caraïbe çon très significative mais sans disposer d’un fonds Sainte Lucie 8780 Sénégal 950
(où Haïti est le seul bénéficiaire) est restée stable, d’aide régulier, a été peu à peu distancé par le Ma-
Liban 8310 Bénin 800
passant de 3,4 à 3 %. roc (où le système d’avance sur recettes fonctionne
Guinée Equatoriale 7060 Guinée 800
depuis le début des années  2000) puis la Tunisie
La progression de l’Afrique du Nord et du Moyen- (où la politique d’appui au cinéma a connu un essor Dominique 6990 Mali 770
Orient est particulièrement sensible pour les spectaculaire après la révolution) et le Sénégal (qui Gabon 6610 Comores 760
longs-métrages. Les pays de cette zone, qui ob- a créé son Fonds de promotion de l’industrie ciné- Tunisie 3500 Haïti 760
tenaient 59,7 % des aides aux longs-métrages en matographique — le FOPICA — en 2014). Egypte 3010 Rwanda 720
2009-2010, atteignent 67,9  % en 2017-2018. La
Cap Vert 2990 Guinée-Bissau 660
Tunisie, en détrônant le Burkina Faso, est deve-
nue le premier bénéficiaire du fonds. Le graphique Le décrochage des pays Vanuatu 2920 Tchad 630

à revenu faible Maroc 2860 Burkina Faso 610


Laos 2270 Togo 610
Dans le tableau ci-après, les 37 pays éligibles au Vietnam 2170 RDC 450
Fonds Image de la Francophonie ont été répartis se- Djibouti 1880 Madagascar 400
lon la classification de la Banque mondiale (revenu Sao Tomé 1770 Centrafrique 390
national brut par habitant). Côte d’Ivoire 1540 Niger 360
Congo 1360 Burundi 290
Sur les 37 pays ayant accès au fonds de l’OIF, on
Cameroun 1360
trouve en 2018 un seul pays à revenu élevé (les
Seychelles*), 6 pays à revenu intermédiaire de la

* Ce pays n’a bénéficié d’aucun financement au cours de la décen-


nie 2009-2018.

43
tranche supérieure (dont l’île Maurice, le Liban et le est passée de 53,3 % en 2009 à 31,4 % en 2018. sources de financement accessibles aux mêmes
Gabon), 14 pays à revenu intermédiaire de la tranche Certes, les variations annuelles peuvent être trom- pays, en particulier les financements des pays fran-
inférieure (dont l’Égypte, le Vietnam, le Cameroun peuses et la part de ces pays était encore de 47,9 % cophones du Nord et ceux de l’Union européenne.
et la Côte d’Ivoire) et 16 pays à revenu faible. À en 2017, mais sur dix ans, la tendance au déclin La rapide étude faite dans ce sens s’est concentrée
noter que le Sénégal, pays à revenu intermédiaire se confirme nettement  : 50,55  % en 2009-2010, sur trois dispositifs de financement : le fonds IDFA/
jusqu’en 2016, est repassé, cette année-là, dans la 41,8 % en 2015-2016 et 39,7 % en 2017-2018. Bertha (Pays-Bas), les programmes de l’Union euro-
catégorie « revenu faible »**. péenne et du Secrétariat des ACP et le fonds Jeune
Si l’on retranche les chiffres du Sénégal, pays le création francophone.
Si la part des pays à revenu intermédiaire a aug- plus dynamique du groupe et qui appartenait en-
menté globalement, ce n’est pas le cas à l’intérieur core à la catégorie « revenu intermédiaire » en 2016, Le Fonds IDFA/Bertha est ainsi nommé depuis 2013,
de la zone Afrique subsaharienne/océan Indien. Les on constate un déclin encore plus marqué. Les 15 année où une dotation de la Fondation Bertha a per-
montants obtenus par la Côte d’Ivoire ont progressé pays à revenu faible — hors Sénégal — passent de mis de relancer le fonds d’aide du festival de films
sur la période (passant de 89 425 € en 2009-2010 à 44,6 % en 2009 à 19,18 % en 2018. documentaires d’Amsterdam, qui s’appelait aupara-
122 000 en 2017-2018) mais on observe une évolu- vant Fonds Jan Vrijman. En 2017, le fonds IDFA/Ber-
tion inverse pour le Cameroun, passé de 221 250 à
85 000 €. Sur la même période, le Congo-Brazzaville
L’OIF et les autres tha a attribué 312 500 euros à des projets de pays
émergents (dont 10 % à l’Afrique subsaharienne et
est à la hausse (il passe de 34 000 € en 2009-2010 sources de financement 14 % à l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient). Seuls
à 50 000*** en 2017-2018) mais la Mauritanie et 4 projets de pays membres de l’OIF ont été aidés
le Gabon n’obtiennent plus aucun financement et Il n’était pas possible d’envisager des évolutions du cette année-là.
disparaissent du classement. Au total, on assiste à fonds de l’OIF sans prendre en compte les autres
un recul du montant cumulé accordé aux pays à re-
venu intermédiaire d’Afrique sub-saharienne et de
l’océan Indien, qui passe de 362 275 en 2009-2010
à 257 000 en 2017-2018. Mais leur part du total va-
rie peu : elle passe de 14,3 % à 13,6 %.

Plus spectaculaire est le recul des pays à revenu


faible (tous situés dans la région Afrique sub-saha-
rienne/océan Indien, à l’exception d’Haïti). Leur part

** Source des données du tableau ! https://donnees.banquemon-


diale.org/indicateur/NY.GNP.PCAP.CD
*** Mais ce résultat est dû à un réalisateur de la diaspora tournant Comparaison de la répartition par types d’œuvres entre
Évolution de la part des aides du Fonds captée au Sénégal (Jean-Luc Herbulot, pour la série « Sakho & Mangane Répartition par types d’œuvres des aides accordées le Fonds Jeune création francophone et le fonds
par les pays à revenu faible (en %) ») et à une production franco-libanaise tournée en RDC (l’amour à par le Fonds Jeune création francophone de l’OIF. (%)
200 m).

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Les appels à projets des programmes ACP Film et Dans une logique de complémentarité, l’OIF devrait choix des commissions (qui continuent d’apprécier
ACP Cultures+ lancés en 2011 et 2012 ont permis donc maintenir, voire amplifier son effort sur les la qualité des projets indépendamment de leur ori-
à l’Union européenne et au secrétariat des ACP de séries et les courts-métrages. Dans une logique de gine). Sur un hippodrome, le système de la course
soutenir six longs-métrages d’Afrique francophone, rééquilibrage, on pourrait considérer, au contraire, à handicap consiste à lester les favoris en introdui-
un d’Haïti et un de l’Océan indien. 2 626 000 euros qu’il est nécessaire de réévaluer les aides aux docu- sant sous leur selle de petites plaques de fonte ou
ont été débloqués pour ces huit films, dont 1 933 000 mentaires et aux longs-métrages. Mais on constate de plomb. Les « outsiders » (notamment les jeunes
sont allés à des pays à revenu faible (6 projets dont que les programmes ACP film et ACP Cultures+ ne chevaux, moins expérimentés) ont ainsi la chance
deux du Burkina Faso, un du Mali, un du Sénégal, un sont intervenus, au cours des dix dernières années, de rivaliser avec les meilleurs dans une course de-
du Tchad et un d’Haïti). Le projet Africadoc Produc- que sur ces deux types de productions. L’accent mis venue plus incertaine. Ce système a l’inconvénient
tion a également contribué à la production de docu- par le fonds de l’OIF sur les courts-métrages et les de pénaliser les meilleurs en donnant de meilleures
mentaires. Un nouveau programme de financement séries apparaît donc justifié. Il l’est d’autant plus chances aux autres sans vraiment les pousser à se
intitulé UE-ACP Culture devrait être mis en place à que l’apparition du fonds Jeune Création Franco- dépasser.
partir de 2019 mais ses orientations et son impact phone n’a pas changé la donne. Le fonds de l’OIF a
potentiels n’étaient pas encore connus fin 2018. donc toutes les raisons de continuer à investir prio- Plutôt que d’adopter ce système qui consiste à frei-
ritairement sur les courts-métrages et les séries. ner les favoris, l’OIF a choisi de donner un coup de
Le Fonds Jeune création francophone, a été lancé pouce aux « outsiders ». Cette nouvelle politique se
fin 2017 par le Centre national du cinéma et de
l’image animée (France), la SODEC (Québec), la Fé-
Les ajustements traduit, dans un premier temps par deux mesures
nouvelles  : à partir de 2019, des aides au déve-
dération Wallonie-Bruxelles, le Film Fund du Luxem-
Rithy Panh, cinéaste cambodgien, préside
la commission «Cinéma-fiction» du Fonds Image du fonds de l’OIF loppement (écriture, repérages) seront accordées
bourg, Téléfilm-Canada, TV5MONDE, Orange, France de la Francophonie depuis 2017. régulièrement par le fonds mais seuls les auteurs
Télévisions, la SACD-France, la SACD-Belgique et la Le principal inconvénient des évolutions qui ont ren- des pays à revenu faible pourront en bénéficier. Les
SACD-Canada. Ce Fonds s’adresse aux pays fran- du le Fonds Image de la Francophonie plus com- projets de ces pays seront aussi les seuls à pouvoir
cophones d’Afrique subsaharienne ainsi qu’à Haïti. pétitif (accroissement du nombre de demandes) et cumuler aide à la production et aide à la finition. Il
La comparaison des deux fonds indique un apport
487 000  euros d’aides à la production ou au dé- plus sélectif (réduction du nombre de projets aidés) s’agit donc de donner des ailes à ceux qui peinent
très significatif du Fonds Jeune création franco-
veloppement ont été attribués lors de sa première est la tendance à la mise à l’écart des pays à reve- à décoller plutôt que de plomber ceux qui survolent
phone sur les longs-métrages de fiction et les do-
session qui s’est tenue en juin 2018. Ces premiers nu faible. Seul le Sénégal semble échapper à cette déjà la compétition.
cumentaires (plus de 85 % des montants accordés
financements ont bénéficié presque exclusivement « fatalité », à la fois parce qu’il se situe à la limite
aux pays à revenu faible, contre 47 % dans le cas
à des projets de pays à revenu faible (477 000 € sur supérieure de la catégorie et parce qu’il bénéficie
du fonds de l’OIF). En revanche, l’impact du Fonds
487 000). Plus de la moitié des sommes accordées d’une politique nationale favorable à la production,
Jeune création sur la production de courts-métrages
(254 000 €, soit 52 %) est allée à des projets aidés notamment depuis qu’il a créé son propre fonds
et de séries de fiction apparaît très limité tout au
la même année ou auparavant par le Fonds Image d’aide, le FOPICA.
moins pour la première année (16 % des montants
de la Francophonie. En revanche, la répartition par
accordés aux pays à revenu faible, contre 55 % en
types d’œuvres est très différente de celle observée Il fallait donc corriger la tendance à la marginalisa-
2017 et 53 % en 2018 pour le fonds de l’OIF).
en 2018 sur le fonds de l’OIF. tion des pays à revenu faible mais sans biaiser les

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L’aventure de Maki’la,
"L’œil du cyclone" premier film
Aucun film n’illustre mieux que l’Œil
et jeunes talents
du cyclone la variété des aides appor- Née à Kisangani (République démocratique du
tées par L’OIF au cinéma africain. Au Congo) il y a 25 ans, Machérie Ekwa Bahango rê-
commencement, il y avait une pièce vait de devenir comédienne. Tout en poursuivant des
de théâtre, écrite et mise en scène études « sérieuses » (qui lui vaudront de décrocher
par Luis Marquès, auteur espagnol une licence en droit), elle fait une incursion dans le
né en France (et qui deviendra bur- Si le scénario est enfin au point, les financements
mannequinat, mais, parallèlement, sa passion pour
kinabè par la suite, après avoir longtemps résidé obtenus restent insuffisants mais Sékou Traoré, Luis
le cinéma l’amène à participer à l’aventure du film
en Côte d’Ivoire). En 2007, la pièce accouche d’un Marquès et Axel Guyot décident tout de même de
Félicité d’Alain Gomis, dont elle traduit les dialogues
projet de film destiné à être produit et réalisé par le tourner en 2014. Pour éviter que les difficultés de
en lingala. Peu de temps après, elle entame le tour-
Burkinabè Sékou Traoré. La même année, Marquès trésorerie ne se transforment en cauchemar, ils de-
nage de Maki’la, long-métrage, dont elle a écrit le
et lui obtiennent une aide à l’écriture du scénario, mandent à leur banquier de faire intervenir le Fonds
scénario et qui met en scène des enfants de la rue
octroyée par le festival d’Amiens, avec le soutien de de garantie pour les industries culturelles, un dispo-
à Kinshasa. Le film fait appel à des comédiens ama-
l’OIF. La société française Les films d’Avalon s’asso- sitif mis en place par l’OIF depuis les années 2000.
teurs (dont l’étonnante Amour Lombi, dans le rôle
cie au projet mais il lui faudra attendre 2011 pour Le tournage est mené à bien et le montage s’achève
principal) et bénéficie d’un budget dérisoire mais
obtenir un premier engagement financier : celui de juste à temps pour le Fespaco 2015. Épuisés et en-
la réalisatrice et son producteur, Emmanuel Lupia,
TV5Monde, la chaîne francophone. Cette année-là, dettés, les producteurs attendent avec anxiété le
sont repérés par la société de distribution DIFFA,
le programme ACP-Films lance un appel à projets verdict du public. Le représentant de l’OIF, qui a sui-
puis par Orange Studio. En 2017, Maki’la bénéficie
et l’OIF intervient pour aider les producteurs franco- vi l’aventure depuis 2011, découvre le film au ciné
d’une aide à la finition du Fonds Image de la Franco-
phones à monter leur dossier. Axel Guyot, des Films Neerwaya. Devant lui, un spectateur s’exclame  :
phonie et l’OIF invite Machérie Ekwa au Festival de
d’Avalon, bénéficie du soutien de Golda Sellam, « Ça, c’est du cinéma ! ». Le jury sera du même avis
Cannes. En 2018, Maki’la est présenté dans la sec-
consultante mandatée par l’OIF, ce qui lui permet et le film va rafler sept prix, dont l’Étalon de bronze
tion « Forum » du festival de Berlin avant d’obtenir
de surmonter tous les obstacles et de décrocher de Yennenga et les deux prix d’interprétation, attri-
le grand prix du festival Écrans Noirs de Yaoundé. En
un financement de 200 000  €. En 2013, le fonds bués à Maïmouna N’Diaye (qui deviendra l’égérie du
2018-2019, Machérie Ekwa participe à la résidence
d’aide de l’OIF apporte un complément de 40 000 €. Fespaco 2019) et Fargass Assandé. Cette moisson
de la Cinéfondation du Festival de Cannes avec son
En attendant de boucler le budget, Luis Marquès et de prix met le film en lumière et permet à Orange
nouveau projet de long-métrage Zaïria inspiré de
Sékou Traoré ont continué à travailler sur le scéna- Studio de s’engager en apportant le financement
ses souvenirs d’enfance pendant la « guerre des six
rio et, en cette même année  2013, ils participent qui manquait encore. En décembre 2015, c’est au
jours  » qui, en 2000, avait ensanglanté la ville de
aux Ateliers Sud Écriture, organisés par la Tuni- tour des Trophées francophones du cinéma d’ho-
Kisangani, au Nord-Est de la RDC.
sienne Dora Bouchoucha avec le soutien de l’OIF. norer Maïmouna N’Diaye pour son interprétation et
Luis Marques pour le scénario.

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Produit par la Direction « Langue française, culture et diversités »
Directrice : Youma Fall
Spécialiste de programme chargé du cinéma et de l’audiovisuel : Pierre Barrot

Réalisé par la Direction de la communication et des instances de la Francophonie


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Chargée des publications : Marie Bellando Mitjans

Images de couvertures : tournage de la série Invisibles d’Alex Ogou (crédit TSK Studio)
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