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M Seghier

Il y a de cela 49 ans, à quelques mois de l'indépendance du pays,


l'OAS (Organisation de l'armée secrète) perpétrait à Oran un lâche
attentat à l'encontre de nationalistes algériens incarcérés à la prison
d'Oran. Le 14 janvier, les dépouilles de Aoued Bendjebbar dit Si
Sabri, Hamdani Adda, Guerrab Houari, condamnés à mort et Frih
Ahmed condamné aux travaux forcés à perpétuité, étaient brûlés
vifs par un commando de 6 tueurs de l'OAS, après avoir été extraits
de la maison d'arrêt d'Oran avec des papiers officiels signés du
parquet.
L'historien Abdallah Righi, que nous avons sollicité afin de dresser
un portrait de ces martyrs et les circonstances de cet ignoble
assassinat, a gracieusement accepté d'apporter ses lumières, fruit
d'un long et patient travail de recherches historiques. “Le samedi 13
janvier 1962, 6 tueurs d'un commando de l'OAS portant des tenues
de gendarmes se présentent à la Maison d'arrêt d'Oran.
Ils exhibent au greffier de la prison des documents authentiques
délivrés par la justice militaire ordonnant d'extraire de la prison les
quatre détenus déjà condamnés pour les présenter au juge
d'instruction militaire du Tribunal permanent des forces armées
(TPFA) de la ZCO d'Oran. Les prisonniers sont emmenés, menottes
aux poignets par les faux gendarmes. Sans nouvelles des 4 patriotes
enlevés, les membres du comité FLN de la prison, Ahmed Hallouz,
lieutenant de l'ALN de la zone 7 de la wilaya V, et Mohamed Dib,
responsable de l'organisation urbaine du FLN à Tlemcen, tentent de
s'enquérir auprès de la direction de la prison du sort de leurs
camarades. Les réponses évasives de Lotili, sous-directeur de la
prison, confirment les doutes des prisonniers quant au triste sort
réservé à leurs frères d'armes. Atterrés, les prisonniers avisent
l'organisation urbaine du FLN d'Oran et décident d'entamer sur le
champ une grève de la faim pour exiger des autorités françaises
l'assurance d'assurer la sécurité des prisonniers. La grève durera 12
jours. Le jeudi 25 janvier, ils obtiennent gain de cause. Les
condamnés à mort sont transférés dans des prisons en France.
Un semblant de protection est assuré aux prisonniers mais cela
n'empêchera pas l'organisation terroriste OAS qui jouissait de la
complicité du personnel pénitentiaire, de rééditer son forfait en
grand. Ainsi, une tentative d'empoisonnement collectif échoue, le
lundi 29 janvier, car le poison versé dans le café des détenus ne leur
cause qu'une intoxication sans conséquences majeures. Une autre
fois, les prisonniers découvrent du verre pilé dans le couscous qui
leur avait été servi. Enfin, le 5 mars, à la veille de l'Aïd-el-fitr, un
attentat à l'explosif était commis par l'OAS au sein de la prison.
Deux fourgonnettes Citroën bourrées d'explosifs sont introduites
avec la complicité du personnel pénitentiaire. Leu explosion
provoque la mort de Menaouer Nedder de Relizane, et Dahou
Mohamed de Mascara. Notre interlocuteur a dressé également, une
brève biographie des 4 martyrs enlevés le 13 janvier. “Ils sont
d'origines diverses, issus de la petite classe moyenne. Ils
représentent deux générations d'Algériens. Le plus âgé d'entre eux
avait 56 ans et le plus jeune, 30 ans. L'aîné, Frih Ahmed est né en
1906 à douar El Gaâda, commune de Saint Lucien (actuelle Zahana).
Lettré en arabe, de formation coranique. Il est commerçant et père
de 3 enfants. Il est arrêté une première fois en 1959 mais il est vite
libéré car il réussit à tromper ses tortionnaires en minimisant son
rôle dans l'organisation FLN. Il sera arrêté de nouveau et condamné
à la réclusion et aux travaux forcés à perpétuité. Le cadet est
Guerrab Houari, né le 14 novembre 1930 à Oran. Célibataire et
demeurant à Sidi-El-Houari, il est journalier. Chef d'un groupe de
fidayîn, il est l'auteur de plusieurs attentats. Il est arrêté en 1961 et
condamné à mort. Les deux autres martyrs sont d'anciens
responsables de l'organisation FLN dans leurs villes respectives,
devenus officiers de l'ALN, après avoir rejoint le maquis. Hamdani
Adda dit Si Othmane, est né le 26 avril 1926 à Tiaret. Titulaire du
CEP, sportif accompli, il exploite un moulin à façon hérité de son
père. Il adhère à l'organisation du FLN et en deviendra un des
responsables. En juillet 1957, il rejoint le maquis et est promu au
grade de sous-lieutenant en avril 1959. Désigné à la tête de la 1ère
région de la zone 7 de la wilaya V, il la dirigera jusqu'à son
arrestation, le 4 décembre 1959, dans la région de Oued-Lilli. Il est
jugé et condamné à mort. Le second officier assassiné n'est autre
que Aoued Bendjebbar, dit Si Sabri. Né le 1er février 1927 à Saïda,
son père revient à Relizane, sa région d'origine, en 1929. Titulaire
du CEP en 1940, il est contraint d'abandonner ses études en classe
de 3e, afin d'aider sa mère, à subvenir aux besoins de la famille,
suite au décès de son père. D'abord, il sera commis aux écritures
par le primeuriste Pierre Cabréra puis par Saragossa, exportateur de
primeurs à Relizane, avant d'obtenir un emploi d'agent de
constatation des contributions. Il se marie en 1949 et devient père
de 3 enfants. La lutte de libération déclenchée, Bendjebbar,
impatient d'y participer est en quête de contacts avec l'organisation
FLN. C'est l'avocat Belabbès M'hamed, chef de secteur autonome
de Relizane qui le recrutera en septembre 1957 et lui confiera la
responsabilité militaire de ce secteur. Il utilise pour la première fois
des bombes à retardement à Relizane, en octobre 1957 et tiendra
en haleine, pendant de longs mois, les forces de sécurité françaises.
Promu le 15 août 1958, chef de la 5e région de la zone 4, il est
désigné au début de l'année 1959 à la tête du secteur autonome
d'Oran. Dénoncé, il n'a pas le temps de rejoindre son nouveau poste
de combat puisqu'il tombe dans un guet-apens tendu par l'armée
française, dans la soirée du mercredi 11 février 1959, au moment où
il rejoignait sa cache située dans la pépinière de Clinchant (actuel El-
Matmar). Torturé, il est condamné à mort le 28 avril 1961”.
L'historien conclut en émettant le souhait qu'une stèle
commémorative soit érigée à Canastel afin de perpétuer le souvenir
du martyre subi par les 4 patriotes.

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