Le Français Dans Le Kabyle. Emprunts Et Calques
Le Français Dans Le Kabyle. Emprunts Et Calques
Le Français Dans Le Kabyle. Emprunts Et Calques
Mélangesfrancophones
DIALOGUES EN FRANCOPHONIE
Mélanges francophones
DIALOGUES EN FRANCOPHONIE
RÉDACTEUR EN CHEF
Alina GANEA
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
Elena COSTANDACHE
COMITÉ DE RÉDACTION
Carmen ANDREI ( Littérature)
Eugenia ALAMAN & Gabriela SCRIPNIC ( Linguistique)
Angelica VÂLCU ( Didactique)
Mirela DR ĂGOI ( Comptesrendus)
COMITÉ SCIENTIFIQUE
Mohammed ALKHATIB, Université de Nizwa, Sultanat d’Oman
Anna ANASTASSIADIS -SYMEONIDIS, Université « Aristote » de
Thessalonique, Grèce
Sâadane BRAIK, Université Abdelhamid Ibn Badis de Mostaganem, Algérie
Alexandra CUNIŢĂ, Université de Bucarest, Roumanie
Anca GÂŢĂ, Université « Dunărea de Jos », Galaţi, Roumanie
Amélie HEIN, Université Laurentienne, Sudbury (Ontario) , Canada
Nicolae IOANA, Université « Dunărea de Jos », Galaţi, Roumanie
Denis LEGROS, Université Paris 8, France
Virginia LUCATELLI, Université « Dun ărea de Jos », Galaţi, Roumanie
Marina MUREŞANU IONESCU, Université « AL. I. Cuza » Ia şi, Roumanie
Michel OTTEN, Université Catholique de Louvain, Belgique
Floriana POPESCU, Université « Dunărea de Jos », Galaţi, Roumanie
Elena PRUS, Université Libre Internationale de Moldova
Zhihong PU, Université Sun Yat-sen, Chine
Lydia SCIRIHA, Université de Malte, Malte
Carmen Ştefania STOEAN, Académie des Sciences Economiques, Bucarest,
Roumanie
Éditorial ............................................................................ 7
TRANSFERTS, EMPRUNTS, CONTAMINATIONS
LINGUISTIQUES DANS LA FRANCOPHONIE
Abdelali BECETTI
Inscrire les paroles jeunes algériennes dans un continuum dynamique : du code
switching aux lectes fusionnés via le code mixing. Polyfonctionnalisation,
(dés) indexicalisation, grammaticalisation ....................................................................... 131
Lindita GJATA
Réflexions textuelles sur une formation discursive philosophique et littéraire ............... 144
Ruxandra CONSTANTINESCU-ŞTEFĂNEL
Les caractéristiques du discours publicitaire des magazines français éducationnels du
début du XXI-e siècle. L’exemple de « Géo »............................................................ 157
Onome Stella OMONIGHO
Le langage comme expression de soi: l’image des leaders africains dans Équatorium de
Maxime N’debeka et L’Ile de Bahila de Cheikh Ndao............................................. 180
Mihaela POPESCU
Conversations ludiques sur Facebook. Quelques aspects sémantiques et pragmatiques 188
COMPTES RENDUS
Mirela DRĂGOI
Dominque Chancé et Alain Ricard (éds). 2013. Traductions postcoloniales. Études
Littéraires Africaines, no. 34. Metz : Université de Lorraine.................................... 203
Mustapha TIDJET
Université A. Mira de Bejaïa, Algérie
mustaphatidjet@yahoo.fr
Résumé
Le berbère est, depuis des siècles, en contact permanent avec des langues dominantes. Cet état
de langue dominée a affaibli ses ressorts internes de production lexicale. C’est pour cela que le
kabyle d’aujourd’hui est truffé d’emprunts lexicaux. Et, en synchronie, le français est l’un de
ses principaux pourvoyeurs. Sauf que ces emprunts sont d’abord manipulés, triturés, adaptés
au moule de la structure lexicale kabyle avant leur adoption. Avant qu’ils ne soient intégrés à
la langue, ils subissent des traitements phonético-phonologiques et morphosémantiques divers.
L’introduction du kabyle dans les nouveaux domaines de la vie moderne, que sont l’école et les
mass-médias, ont induit de nouveaux besoins, d’où la création néologique massive, surtout
pour combler les lacunes terminologiques. Alors apparait le phénomène des calques où,
contrairement aux emprunts, il est fait usage des constituants du kabyle dans des structures
syntaxiques du français.
Mots-clés : évolution, interférence, contact, adaptation linguistique
53
dans le kabyle. Comment est réalisé l’habillage de ces emprunts par une
morphologie berbère ? Quels sont les traitements qu’on leur fait subir
pour les adapter phonétiquement et/ou sémantiquement et, ainsi, les
faire adopter par la langue cible ?
Mais le deuxième type est la stratégie la plus subtile utilisée dans
l’enrichissement linguistique d’une langue, en ayant recours à une autre,
sans pour autant que la langue source n’apparaisse. En effet, avec les
calques, la langue emprunteuse utilise ses propres ressources lexicales
mais dans un moule syntaxique d’une autre langue, ce qui masque, pour
une personne non avisée, le caractère exogène de l’unité ainsi obtenue.
Notre analyse sera bâtie sur des exemples pris dans le kabyle courant.
Elle concernera d’abord les emprunts lexicaux qui sont très nombreux
car touchant, pratiquement, tout le lexique technique et l’ensemble des
concepts relatifs à la vie moderne. On n’oubliera pas, bien sûr, de
toucher à ce nouveau langage caractérisant les jeunes générations. En
effet, on assiste aujourd’hui à la transformation en verbes kabyles
d’éléments linguistiques qui ne sont pas des verbes à l’origine, ainsi à
partir de chaîne est formé chini2 « faire la chaîne », weekend donne wikandi
« passer le weekend », etc.
Les calques apparaissent dans la création néologique et surtout
terminologique où le français a toujours représenté la grille de départ.
Comme conséquence, on aboutit évidemment aux calques conceptuels (à
chaque concept français correspond un et un seul concept kabyle), mais
également aux calques formels et catégoriels. De plus, on s’intéressera à
l’influence du français dans des champs qui, jusque là, sont bien rendus
par le kabyle, à l’exemple des idiotismes qui, normalement, ne sont pas
traduisibles.
1. Traitements des emprunts
Un lexème d’une langue utilisé dans une autre est toujours ressenti
comme un corps étranger, il est d’abord un xénisme, c’est-à-dire un mot
qui « n’est pas mis en morphologie parce que n’appartenant pas (ou pas
encore) à la langue-cible pour laquelle sa base est étrangère » (Cheriguen,
1989 : 55). Un emprunt, pour qu’il soit définitivement adopté par la
langue cible, doit subir une série d’adaptations et de traitements.
2
Les lexèmes et expressions kabyles seront toujours notés en italique suivis de leurs
interprétations en français entre guillemets.
54
pour cela que les systèmes phonétiques des langues naturelles sont
différents les uns des autres. Ainsi, d’une part ceci crée des habitudes
articulatoires particulières chez les locuteurs de chacune de ces langues,
d’autre part ces habitudes ne sont pas faciles à changer.
L’adaptation phonétique est le remplacement des phonèmes exogènes
par des phonèmes berbères sentis comme ayant les mêmes caractères
phonétiques, ou bien changer des successions de phonèmes inhabituelles
par d’autres plus appropriées (plus courantes). Alors, quand on a affaire à
des langues qui appartiennent à des familles linguistiques différentes,
comme c’est le cas du kabyle (chamito-sémitique) et du français (indo-
européen), les différences peuvent s’avérer très importantes.
Le système vocalique du français est très riche alors que celui du
kabyle se réduit à trois voyelles de base, ce sont : a, ou et i.
Toutes les voyelles arrondies du français sont réduites à la seule
voyelle ou
eu >3 ou : un moteur > amoutour
o > ou : un stylo > astilou
Les voyelles nasales du français sont remplacées par des sons propres au
berbère, il y a des cas où elles sont remplacées par des phonèmes
simples, dans d’autres elles sont traitées comme étant deux sons
successifs :
Un camion > akamyu/akamyun
Un bidon > abidun
L’avion > labyu
un > a : l’article français du masculin singulier est, du fait que le kabyle
n’a pas de voyelles nasales, rapproché de a, qui est en même temps l’une
des initiales des noms masculins kabyles4 (pour plus d’explications voir la
rubrique 2.2 consacrée à la morphologie).
Les consonnes aussi sont concernées par cette adaptation parce qu’il y
a des consonnes du français qui ne se retrouvent pas dans le kabyle,
même si leur nombre est très réduit, le changement le plus significatif
touche la bilabiale sourde p, qui se transforme en bilabiale sonore
(occlusive et/ou spirante) :
p > b : un paquet > abaki
p > b : la pelle > lbala
La labiodentale fricative sonore v nous donne la bilabiale sonore
spirante :
v > b : un vilage > lbilaj ; un voyage > abayaj
3 Ce symbole signifie aboutit à, donc eu>ou est à lire : eu aboutit/donne ou dans le kabyle.
4 Nous pensons que l’article un, par sa proximité phonétique avec l’une des initiales des
noms kabyles, a beaucoup contribué à l’intégration morphologique des emprunts
français.
55
1.2 Adaptation morphologique
Les formes caractéristiques des lexèmes kabyles sont différentes de celles
qui caractérisent le lexique français. L’adaptation morphologique consiste
alors dans l’habillage des emprunts par des formes propres à la langue
d’arrivée et, ainsi, les rendre compatibles avec les marques et les schèmes
des catégories syntaxiques kabyles. Dans ce qui suit, nous allons prendre
quelques exemples (de noms et de verbes), pour montrer les
changements formels qui peuvent toucher ces lexèmes.
Le nom
Le nom kabyle se caractérise par des marques obligatoires que sont le
genre, le nombre et l’état. Son initiale joue un rôle important dans la
formation de ces catégories formelles.
- Genre
En kabyle, le nom masculin commence le plus souvent par une voyelle
(a, i, u) et le féminin par une voyelle précédée d’un t (ta, ti, tu), les
exceptions sont très rares. Pour former le féminin à partir du masculin
singulier, il suffit de lui rajouter un t comme initiale et un autre à la fin :
ex : abelyun « bidon » (masculin) ~ tabelyunt « petit bidon »
(féminin)
- Nombre
Le berbère possède deux formes, ce sont le singulier comme forme non
marquée et le pluriel qu’on obtient généralement par l’adjonction du
schème du pluriel à la forme précédente :
singulier + schème > pluriel
abelyun « un bidon » > ibelyan « bidons »
tamacint « train » > timacinin « trains »
- État
Comme pour le genre et le nombre, le kabyle distingue deux états : l’état
libre et l’état d’annexion. L’état libre est non marqué, c’est la forme du
nom quand il n’est rattaché à aucun autre élément linguistique. L’état
d’annexion, très souvent marqué, est la forme exprimant la subordination
du nom :
abaki « un paquet » > ubaki « paquet + EA »
tabewwat’ « boîte » > tbewwat’ « boîte + EA »
56
Le verbe
Le verbe kabyle se caractérise par l’indice de personne et l’aspect (en plus
d’autres morphèmes qui ne sont pas obligatoires), c’est pourquoi un
verbe emprunté prend obligatoirement ces deux schèmes, par exemple, à
partir du verbe français marquer on obtiendra, en kabyle, le verbe
mmarki « inscrire/s’inscrire » qui se conjugue alors à tous les aspects et
toutes les personnes :
Prétérit : yemmarki « il s’est inscrit » ; aoriste : ad yemmarki « il
s’inscrira » ; aoriste intensif : yettmarkay « il inscrit
(habituellement) »...
Ou bien, en changeant les personnes :
mmarkigh « j’ai inscrit », temmarkid’ « tu as inscrit », yemmarki
« il a inscrit », temmarki « elle a inscrit », nemmarki « nous
avons inscrit »...
5Pour éviter les caractères spéciaux, nous avons adapté la notation du kabyle à ce qui
est disponible dans le clavier français, c’est pour cela que nous représentons l’emphase
par une apostrophe.
6Le degré d’aperture de la voyelle en français, plus important que le i kabyle, est
compensé par l’emphase. Le même phénomène de compensation se réalise avec le a et
d’autres voyelles : tablier > at’abli.
57
à la langue par l’intermédiaire des travailleurs de chantiers. Etrier est un
mot que les Kabyles ont appris à partir de leur travail dans le domaine du
bâtiment où ils avaient l’habitude d’entendre les étriers, avec la
prononciation d’un z entre l’article pluriel et le nom qu’il détermine (par
effet de la liaison entre les deux), n’étant pas des locuteurs du français, ils
ont assimilé ce z à une consonne radicale, d’où le mot kabyle tizitryin
(pl.). C’est à partir de ce dernier qu’est formé le singulier tazitrit.
1.4 Traitement lexicologique
Il est bien admis que le lexique des langues chamito -sémitiques est
structuré sous forme de familles lexicales, ce qui n’est pas le cas du
français qui appartient à la famille indo-européenne. Nous appelons
traitement lexicologique le fait de dériver, à partir d’un lexème emprunté,
d’autres lexèmes et obtenir une famille lexicale 7. C’est-à-dire que certains
lexèmes, qui sont des unités isolées dans le cadre du français, se
retrouvent, une fois empruntés par le kabyle, enrichis par de nouvelles
unités formées par dérivations (adjonction de schèmes de dérivations
berbères à des emprunts au français). En prenant par exemple le mot
taberwit’, du français brouette, on peut former les unités suivantes :
- l’augmentatif aberwid’ pour désigner une brouette anormalement
grande ou, et c’est surtout le cas le plus répandu, il est utilisé comme
sobriquet pour dénommer une personne naïve, niaise, sotte;
- le verbe sberwed’, « faire n’importe quoi, être désordonné », par
l’adjonction du morphème verbalisateur s- ;
- le nom d’action verbale asberwed’ - « fait d’agir de manière irréfléchie ».
Le mot commerce est à l’origine du nom de métier lkoumirs qui a permis
la formation des noms d’agents akoumirsi « un commerçant », takoumirsit
« une commerçante ».
58
1. Certains emprunts passent d’une langue à l’autre sans subir aucun
changement sémantique. Ils sont pris tels qu’ils sont dans la langue
d’origine et intégrés tel s quels dans la langue cible. Ce sont
essentiellement des emprunts relatifs à des productions technologiques
tels que l’électroménager ( tilibisiou « télévision », afrijidir « un
frigidaire »...), les pièces de rechanges, surtout automobile ( ddilkou
« delco », lpist’ou « le piston »...), en général tous les produits industriels,
introduits par la civilisation occidentale, sont désignés par des noms
français (labyou « l’avion », akamyou « un camion »...).
2. A l’autre extrémité on trouve des mots qui ont perdu leur relation avec
les significations de leurs étymons. Tamachint, « machine », quand il est
utilisé comme lexème simple, réfère exclusivement au train. Le mot
chaîne, très polysémique, est emprunté par le kabyle avec le sens de file de
personnes qui attendent leur tour, qui ne fait pas partie des significations de
l’étymon9, il a plutôt le sens de queue dans l’expression faire la queue (Petit
Larousse en Couleur, 1986 : 760).
Entre ces deux cas extrêmes on peut trouver tous les cas de figures
possibles et imaginables, mais qui peuvent, cependant, être regroupés
dans deux catégories globalisantes : un traitement polysémique
(enrichissement sémantique) ou, au contraire, un traitement
monosémique (quand il s’agit d’une spécialisation).
3. Il arrive que des emprunts gardent leurs sens originels (en totalité ou
en partie), mais acquièrent de nouvelles significations dans le cadre de la
langue d’arrivée. C’est le cas du mot At’aksi, « taxi », qui garde le sens du
français taxi, mais il peut désigner une voiture en général comme dans
l’expression yugh-d at’aksi « il a acheté une voiture », ou la fonction dans
ixeddem d at’aksi « il travaille comme taxieur/chauffeur de taxi ».
4. Les termes techniques sont, dans une proportion importante,
empruntés au lexique commun, ce sont des formations obtenues par
dérivation sémantique. Or, comme il est généralement admis, ce lexique
est presque toujours polysémique, c’est-à-dire le même mot peut référer
à plusieurs réalités, et quand il est exploité en terminologie, il acquiert de
nouvelles significations. C’est généralement de ces dernières acceptions
que le kabyle a besoin, les autres étant déjà prises en charge par le kabyle
courant. Donc certains lexèmes, qui sont à l’origine polysémiques, se
spécialisent après emprunt, comme par exemple :
- étrier est très polysémique en français, mais l’emprunt kabyle tajtrit
ne réfère qu’à ces quadrilatères de fer en rond à béton qui sont utilisés en
maçonnerie ;
- bougie réfère exclusivement aux bougies d’allumage de moteurs (car
le kabyle a déjà un nom pour les chandelles de cire) ;
9 Aucune de ses significations n’a été conservée.
59
- le verbe crever prend le sens spécifique de perdre de l’air (pour une roue).
Les différents traitements que subissent les emprunts peuvent être
considérés comme étant de la créativité lexicale, « l’acte de création
consiste dans le choix arbitraire d’un signifiant étranger pour l’expression
de notions ou la désignation d’objets sans rapport avec la signification
fondamentale de la racine empruntée » (Haddadou, 1985 : 228). Une
langue qui n’admet les emprunts qu’après les avoir modelés et adaptés à
ses structures propres dénote une bonne vivacité.
1.6 Changement de catégorie syntaxique
Un certain nombre d’unités changent complètement de catégorie en
passant d’une langue à une autre. Nous pensons notamment à ces
locutions françaises qui sont transformées en mots simples :
- la locution adverbiale à-peu-près se transforme en adverbe simple apipri
« à peu près, approximativement », et permet, grâce au morphème
verbalisateur s-, la formation de spipri10 « faire approximativement » ;
- la locution verbale tu m’emmerdes s’est agglutinée dans un habillage
d’une forme simple toumamird’, et elle est utilisée pour exprimer
l’énervement. A ce mot est souvent attaché la préposition deg « dans,
en » : toumamird’ deg-k « je m’en fous de toi, tu ne m’intéresses pas, ou
bien ce que tu fais ne m’intéresse pas », toumamird’ deg-s « je m’en fous de
lui ; il ne m’intéresse pas, qu’il aille au diable » ;
- la locution verbale je m’en fous a donné une forme simple qui a, à-peu-
près, le même sens : jmanfou « ça ne fait rien, ce n’est pas grave, laisse
passer... ».
Ces exemples sont très anciens et sont complètement intégrés dans le
langage courant, ils font donc parti du lexique aussi bien des personnes
instruites que des illettrés.
Nous voulons également relever un autre phénomène, très récent et
qui est surtout l’oeuvre des jeunes instruits, qui consiste à utiliser un mot
français bien connu avec des fonctions qu’il n’a pas à l’origine, tout en
conservant ses sèmes fondamentaux.
Chaîne (voir supra) est à l’origine du verbe chini « faire la chaîne »11, or,
comme expliqué plus haut, pour transformer un nom kabyle en verbe, il
est obligatoirement fait recours à un schème verbalisateur, ce qui n’est
pas le cas dans cet exemple. Ici tout se passe comme s’il s’agissait d’un
emprunt direct d’un verbe qui serait chaîner avec le sens de faire la chaîne12 ;
10 Nous empruntons ce verbe à Mr Chaker qui l’a beaucoup utilisé dans ses séminaires à
l’Inalco et à Bejaïa.
11 Pour rendre le sens exact, on devra écrire faire la queue.
12 Bien sûr, ce verbe n’a rien à voir avec le verbe français chainer, la majorité des
locuteurs dont il est question ici ne sont même pas au courant de son existence.
60
Nous avons la même situation avec le mot weekend qui, en français, est
déjà un emprunt à l’anglais. A partir de ce mot est formé un verbe kabyle
wikandi qui, comme nous le croyons, n’est utilisé que par des étudiants
résidents et des lycéens internes (nous n’avons pas encore attesté son
utilisation dans d’autres situations), pour signifier passer le weekend dans la
résidence universitaire ou à l’internat.
2. Conséquences
Le nombre important des emprunts a influé négativement sur la langue
berbère et l’a touchée, pratiquement à tous les niveaux linguistiques. Le
lexique, comme il a été montré par Chaker (1989), est atteint par la
multiplication de formes isolées n’ayant pas de relations vivantes avec les
bases qui ont permis leurs formations, ce qui est une cause directe de la
tendance au figement des schèmes de dérivation, on dénote surtout « une
tendance très accusée au figement de la dérivation nominale » (Chaker,
1991 : 201). L’influence est également constatée au niveau
morphologique par la diminution des formes purement berbères et
l’augmentation des xénismes qui tendent à s’y installer durablement,
phonétique par l’adoption de nouveaux phonèmes, et, à un degré
moindre, au niveau syntaxique par l’intermédiaire des calques et surtout
l’apparition des propositions relatives à la place de la juxtaposition
habituelle.
2.1 Lexique
Cette influence a conduit à la faiblesse de la créativité lexicale de la
langue. La conséquence directe en est le figement des schèmes de
production lexicale du berbère, comme signalé par Chaker (1991 : 201) :
« Mis à part le nom d’action verbale qui est attesté pour toutes les formes
verbales, les autres dérivés nominaux sont rares, voire exceptionnels, [...],
ce constat est fondamental ; il dénote une tendance très accusée au
figement de la dérivation nominale. »
2.2 Morphologie
En berbère, tous les noms commencent par une voyelle (les exceptions
sont marginales), mais en synchronie, à cause du poids des emprunts, le
morphème arabe l a intégré le système morphologique kabyle, et est très
présent dans son lexique, surtout les termes génériques et les collectifs
(leqbayel « (les) Kabyles », lxux « (les) pêches », lmecmac « (les) abricots »,
lgundji « le congé »...). Le féminin, qui commence toujours par ta, tu ou ti,
est moins touché car souvent utilisé comme terme d’unité(s), mais il
commence lui aussi à être envahi, et des génériques féminins, mê me
rares, commencent à apparaître (lxalat « (les) femmes », lfamilya « la
famille », lfakya « les fruits », lkhedra « les légumes »...)
61
La forme du duel13, qui est une caractéristique morphologique et
grammaticale de l’arabe, le berbère n’ayant que le singulier et le pluriel
comme expression du nombre, commence à faire son apparition dans de
très rares emprunts (yumayen « deux jours »). Nous avons même trouvé ce
schème joint à un lexème kabyle (abrid « une fois » > berdayen « deux
fois »).
Une forme du pluriel arabe est également utilisé dans des emprunts au
français : Labiu « un avion » > labiuwat « des avions ». Il y a des emprunts
qui peuvent prendre les deux formes : la morphologie du nom berbère et
celle qui est empruntée à l’arabe (des doublets en quelques sortes), c’est
le cas de famille qui a donné les formes berbères tafamilt (sing.) /tifamilin
(pl.), et les formes arabes lfamilya (sing.)/lfamilyat (pl.).
2.3 Phonétique/phonologique
Lorsqu’une langue emprunte massivement le lexique d’une autre, il
arrivera certainement un moment où elle empruntera des mots
représentant des paires minimales de sons qui n’étaient pas à l’origine
distinctifs, ce qui en ferait des phonèmes à part entière. C’est exactement
ce qui s’est passé avec la paire p/b qui n’étaient que des variantes
régionales et/ou sociales 14. Mais des paires minimales telles que lpumpa
« pompe » vs lbumba « bombe » ont fait leur apparition grâce au français,
et du coup le risque de confusion devient réel, ce qui a conduit à
l’adoption du p comme phonème du kabyle. Son attestation est encore
rare mais devient de plus en plus importante.
Nous assistons aujourd’hui à l’adoption de mots français sans
changements importants de leurs phonétismes : Lpari pour Paris, laplas à
partir de la place... L’apparition de ce phonème a des conséquences même
sur les anciens emprunts. En effet, certains utilisateurs revoient leur
prononciation des mots kabyles empruntés au français et ayant en leur
sein des p traités en b. C’est le cas de lbala, abaki que des locuteurs
prononcent lpala, apaki15 (ces dernières réalisations sont empreintes d’un
certain snobisme).
13 Contrairement au français qui n’a que deux formes, le singulier et le pluriel, pour
rendre le nombre, l’arabe en possède trois : une pour le singulier, une autre pour le
pluriel et une troisième pour rendre le nombre deux, cette dernière est dénommée duel,
on a par exemple menzil pour le mot maison, manajl pour maisons et menjlayni pour
signifier deux maisons.
14 La tension du w se réalise phonétiquement ww, gg°, bb°, pp°..., c’est pour cette raison
que le p et le b ne sont que des variantes qui peuvent être régionales parce qu’il y a des
parlers où le p est réalisé et d’autres non, mais il y a certains parlers où le p est une
caractéristique féminine.
15 Il s’agit d’une hyper-correction que la majorité des locuteurs considère comme
fautive, et même leurs utilisateurs eux -mêmes le savent, mais ils l’adoptent pour se
62
Nous pensons même que le traitement de la labiodentale du français en
bilabiale en berbère (v > b) est une conséquence de cette influence car
nous avons des traces où elle est traitée comme une affriquée (v > f). En
effet, si on prend les ouvriers, aujourd’hui il est majoritairement prononcé
azubri, izoubryen, mais il y a encore des personnes qui réalisent azoufri,
izufryen.
2.4 Syntaxe
L’influence la plus remarquable est l’apparition du relatif belli, surtout à
l’écrit ou dans des situations d’un discours soutenu où le formalisme est
de mise. Il est surtout mis en évidence dans la présentation des journaux
d’informations où dans la présentation des émissions (radiophoniques et
télévisuelles), mais aussi dans toute situation formelle (discours
politiques, conférences...).
Depuis un certains nombres d’années (la fin des années 1990), par
militantisme et par purisme linguistique, ce morphème est remplacé par
dakken, qui est certes d’origine berbère, mais il a exactement la même
valeur et la même fonction :
Sfehmegh-t Lezzayer tettwagh
« je lui ai expliqué que l’Algérie s’est dégradée »
Cette phrase est tout à fait normale pour un Kabyle dans une situation
ordinaire de communication. Or dans certaines situations formelles où le
locuteur prépare d’abord son discours avant de l’énoncer, surtout s’il
s’agit de quelqu’un d’instruit en français, il y a une grande chance qu’on
retrouve à sa place la phrase suivante :
Sfehmegh-t belli Lezzayer tettwagh16
En effet, la structure de la phrase française interfère beaucoup dans le
langage des personnes instruites. D’un autre côté, la majorité de ceux qui
préparent leurs discours le font, le plus souvent, sur la base d’un discours
structuré en français. C’est pourquoi l’intégration d’un équivalent du
relatif français dans une phrase kabyle devient une suite logique, les
auteurs n’en sont même pas conscients.
Mais en réaction à la volonté d’arabisation du pouvoir central algérien,
surtout avec la loi sur la généralisation de la langue arabe qui va jusqu’à
distinguer en quelques sortes, pour montrer leur maîtrise de la langue de Voltaire et
ainsi, croient-ils, se mettre en valeur.
16 Cette structure est attestée en arabe, mais nous pensons que son apparition dans le
kabyle est due à l’influence du français car : elle est très récente alors que ce qui est
pris à l’arabe est souvent ancien ; elle n’est pas encore courante, on ne la trouve
quasiment que dans des discours préparés, c’est donc l’apanage des gens instruits et
francophones de formation.
63
instituer une amende pour quiconque qui oserait utiliser une autre langue
que l’arabe dans un courrier officiel, la volonté de purisme 17 s’est
exacerbée encore plus dans les masses kabylophones, d’où leur
évacuation de belli et son remplacement par dakken :
Sfehmegh-t dakkenLezzayer tettwagh
3. Calques
Les emprunts que nous avons identifiés jusqu’à présent sont facilement
décelables parce qu’ils sont des adaptations d’unités bien précises et
connues, et on peut aisément retrouver des éléments linguistiques qui les
mettent en relation avec leurs étymons. C’est pour cette raison que les
locuteurs sont parfaitement conscients qu’ils sont en présence
d’emprunts. Avec les calques, il devient difficile d’identifier leur caractère
exogène, parce qu’il n’y a pas emprunt directe d’une unité linguistique
mais plutôt emprunt d’un signifié et d’une forme syntaxique. Ce sont
donc les tournures syntaxiques qui sont inhabituelles dans la langue
d’arrivée. Dans ce qui suit, nous allons essayer de montrer quelques
facettes de ce type d’emprunts.
3.1 Idiotismes
Ce sont des éléments de la langue qui, sans avoir les caractéristiques
d’une expression figée ou autres expressions quelconques (proverbes,
citations...), représentent des tournures linguistiques propres à chaque
langue et ne peuvent, de ce fait, être traduites élément par élément 18. Par
définition un idiotisme est une « construction de la langue, propre à une
communauté linguistique donnée, et qui ne possède d’équivalent formel
exacte en traduction dans les autres langues » (Mounin, 1993 : 168).
Pourtant on rencontre des Kabyles utilisant des expressions telles que
tetteghlay-d lgerra « la pluie tombe » au lieu de tekkat lgerra « la pluie
frappe » ; igen yit’t’ij « le soleil se couche » au lieu de ighli yit’t’ij « le soleil
tombe », on a même relevé dans une chanson ad d’elbegh afus-im « je
demanderais ta main » qu’un vieux Kabyle ne comprendra même pas car,
en Kabylie, on demande la fille non pas sa main19.
17 Ce phénomène est apparu bien avant, mais il ne concernait que quelques militants
radicaux, aujourd’hui c’est presque un phénomène de société.
18 Dans ce type de segments on doit recourir à une traduction globale, donc cherc her
un équivalent pour le segment tout entier dans la langue cible.
19 Le français lui aussi est, en retours, influencé par le kabyle, des expressions telles que
« le vent m’a frappé, il est entré à l’hôpital... » pour dire « je suis atteint d’ un rhume, il
est hospitalisé... » n’ont d’existence que dans le français nord africain.
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3.2 Expressions consacrées
Dans chaque langue on trouve des expressions toutes faites qui
expriment des expériences vécues, ce sont des réservoirs de la sagesse
populaire. Comme chaque culture a une manière particulière de
concevoir le monde, l’organisation de ce monde à travers la langue ne
peut être que différente. Mais nous avons relevé quelques expressions
proverbiales empruntées au français, et bien sûr un Kabyle monolingue,
non seulement il ne les connait pas, mais il ne pourra même pas les
comprendre20. Nous citerons ces quelques exemples :
- Aql-agh deg yiwen n udebsi « on est dans une même assiette » ; un kabyle
'
même bâton ; les deux expressions expriment l’idée : « on est tous dans une
même situation » ;
- D ibelyan ilmawen i ykheddmen ssut (littéralement : ce sont les bidons
vides qui font du bruit) pour rendre l’expression ce sont les tonneaux vides
qui font beaucoup de bruits, alors que la langue kabyle dispose d’une belle
expression pour exprimer la même chose : d imeâfan i yfukken aman « ce
sont les saligauds qui épuisent toute l’eau ».
3.3 Néologie
Les premiers néologismes ont fait leur apparition dans les chants
berbéro-nationalistes kabyles, au milieu des années quarante. Or, en
dehors de quelques concepts rares, le kabyle courant permettait
amplement la composition de pièces poétiques. Le nombre de
néologismes créés à cette époque fut donc vraiment réduit, et les auteurs
n’avaient utilisé que les ressorts internes de la langue.
A la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, avec
la création de l’académie berbère21 en France et, surtout, l’ouverture de la
chaire de berbère que Mouloud Mammeri animait à la Faculté Centrale
d’Alger, la création néologique est devenue plus importante.
L’interdiction de cette chaire n’a pas eu comme conséquence l’arrêt de
cette création, comme escompté par les autorités politiques mais, au
contraire, son renforcement.
D’abord M. Mammeri lui-même avait publié ses cours sous forme de
manuel de grammaire berbère22, dont une bonne partie était consacrée à
20 Ou, plutôt, il comprendra le sens direct de la phrase, c’est -à-dire la signification que
donnerait l’addition des significations des différents lexèmes dont elle est composée.
21 C’est une association culturelle créée en 1967 à Paris (France), par des opposants
Kabyles au régime politique d’Alger. Son nom complet est « L’Académie Berbère
d’Echange et de Recherches Culturelles », mais elle est plus connue sous le nom de
« l’Académie Berbère ».
22C’est la première publication scientifique sur le berbère en langue berbère.
65
la terminologie grammaticale. Il avait publié, avec le concours d’un
nombre de ses élèves, sous forme anonyme, un autre ouvrage dédié
exclusivement à la néologie, qu’il avait intitulé Amawal n tmazight tatrart
« lexique du berbère moderne ». C’est ce dernier qui a tracé la voie à la
création, aujourd’hui foisonnante, de la néologie et de la terminologie
berbère.
Sauf que ces créations ne se font pas unité par unité à chaque fois que
le besoin se fait ressentir, en dehors de quelques néologismes particuliers,
ce sont des champs terminologiques entiers qui sont produits. Et c’est le
français qui sert de grille de référence, c’est une nomenclature parfaite à
traduire, un idéal à atteindre (Tidjet, 1998). Pour cette raison, les unités
créées dans le kabyle sont souvent des reproductions (calques) de la
terminologie française.
Il y a des calques au niveau conceptuel puisque tous ce qui est
conceptualisé en français, et seulement cela, doit l’être en berbère. Et
quand un terme français a deux valeurs, le berbère se retrouve avec un
vide terminologique. On prend comme exemple le terme économie qui est
rendu par le nom tadamsa, sauf que les terminologues ne se sont pas
rendu compte que le terme économie a, en fait, deux acceptions 23, ce qui
met le traducteur devant l’impossibilité de rendre l’expression économie
linguistique. Quand la distinction est réalisée, souvent une correction à
postériori, les utilisateurs ne font pas toujours la différence. Nous avons
relevé dans des mémoires de Master 24, que nous avons dirigés, des
confusions entre la science « linguistique » qui est un nom et l’adjectif
« linguistique ». Dans le kabyle ils sont rendus respectivement par le nom
tasnilest « connaissance de la langue » et l’adjectif (formé sur le mot langue)
utlayan/amutlay « linguistique ». Comme il arrive souvent à ces étudiants
de faire des traductions mot-à-mot, ils choisissent alors la mauvaise
unité : le nom à la place de l’adjectif.
Calques au niveau formel puisque, en majorité, les formes simples
sont rendues par des formes simples, les dérivés par des dérivés, les
composés par des composés, etc. Il arrive qu’il y ait carrément calque de
formes fautives (des formes qui ne sont pas du tout attestées dans le
berbère). Nationaliste est rendu par aghelnazri25 (Boudris, 1993), alors que
la composition berbère respecte toujours la succession déterminé +
déterminant.
23 Il peut renvoyer au substantif concret, l’économie d’un pays par exemple ou encore
économie comme science, préparer une licence en économie. Il peut aussi renvoyer à une
certaine forme d’action, le fait d’économiser ou l’action d’être parcimonieux...
24 A ce niveau d’instruction, ils sont supposés avoir une bonne maîtrise de la langue.
25 C’est une forme corrigée dans l’usage actuel par ajeghlan, plus conforme aux mots
composés et à la syntaxe du berbère.
66
3.4 Calques et passage à l’écrit
Le poids désorganisateur du calque apparaît encore plus avec le passage à
l’écrit. Dans ce domaine, les producteurs, étant généralement
francophones, ont plus recours à la traduction à partir du français qu’à la
production dans la langue berbère elle-même ; tout au moins, ils
réfléchissent et conçoivent des textes en français pour les transcrire en
berbère. Aidés en cela par leur volonté de purisme lexical, ils créent des
aberrations lexico-sémantiques, et en l’absence d’une formation
appropriée dans le domaine berbère, ils construisent des énormités
syntaxiques. Le résultat est la production de textes incompréhensibles
sans le recours à une gymnastique mentale de retraduction en français.
Ce sont des textes qui ne sont compréhensibles que pour ceux qui sont
instruits en langue française, et encore ce n’est pas toujours évident.
Conclusion
La réalité du terrain va dans le sens inverse de la planification linguistique
de l’Algérie officielle. Au moment où est programmée l’arabisation du
peuple, une grande frange de celui-ci se détourne des acquis antérieurs
même. Au lieu d’aboutir à la substitution linguistique désirée (remplacer
les différents dialectes berbères par l’arabe classique), c’est plutôt la
chasse aux emprunts arabes qui est en cours.
Comme le dit l’adage : « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Le
français est l’ennemi proclamé de l’arabe, parce que, comme se justifient
les arabistes et détenteurs du pouvoir, c’est la langue de l’ennemi, une
langue coloniale et impérialiste, la langue des mécréants..., d’un autre
côté on se prépare à remplacer le berbère par l’arabe, à changer une
langue qui n’est qu’un vestige d’une période révolue à jamais, vestige de
la barbarie et de l’ignorance..., par une autre qui est source de lumière et
de civilisation, et surtout parce que c’est la langue sacrée en raison de la
sacralité du Coran ; Dieu l’a sacralisée en l’utilisant pour adresser son
message à l’humanité... C’est ainsi que le français se retrouve comme un
refuge naturel pour les berbères.
Jouissant d’un prestige social considérable, le français est devenu,
linguistiquement, la principale source pour combler les lacunes lexicales
du kabyle. D’abord on y a recouru pour dénommer toutes les choses
fabriquées en occident ainsi que les concepts de la vie moderne. Ensuite
il est utilisé comme grille de référence dans les créations terminologiques.
Mais il grignote également de toutes les composantes du système
linguistique, des structures et des éléments, dont le kabyle n’a nullement
besoin, s’y insèrent doucement et s’imposent lentement mais
inéluctablement aux locuteurs Kabyles.
Ironie de l’histoire, ce que n’a pas pu réussir la France Coloniale
pendant les 132 années d’occupation, l’Algérie indépendante est en train
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de le réaliser avec une célérité incroyable. Elle est sur le point de
réaliser un exploit à contre courant des objectifs recherchés.
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