Module Dapprentissage 3 Liberté
Module Dapprentissage 3 Liberté
Module Dapprentissage 3 Liberté
2. Débat structuré
(Approfondir la réflexion à la lumière des documents suivants) :
Document 1
Ce que c’est que la liberté
Il est vrai que, dans les démocraties, le peuple paraît faire ce qu’il veut : mais la liberté
politique ne consiste point à faire ce que l’on veut. (…) La liberté est le droit de faire tout ce
que les lois permettent : et, si un citoyen pouvait faire ce qu’elles défendent, il n’aurait plus
de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir.
Montesquieu, L’Esprit des lois.
Document 2
La liberté chez les Modernes
Demandez-moi d’abord, Messieurs, ce que de nos jours un Anglais, un Français, un habitant des
Etats-Unis de l’Amérique, entendent par le mot de liberté.
C’est pour chacun le droit de n’être soumis qu’aux lois, de ne pouvoir ni être arrêté, ni détenu, ni mis
à mort, ni maltraité d’aucune manière, par l’effet de la volonté arbitraire d’un ou de plusieurs individus.
C’est pour chacun le droit de dire son opinion, de choisir son industrie* et de l’exercer, de disposer de
sa propriété, d’en abuser même ; d’aller, de venir, sans en demander la permission, et sans rendre
compte de ses motifs ou de ses démarches. C’est, pour chacun, le droit de se réunir à d’autres individus,
soit pour conférer sur ses intérêts, soit pour professer le culte que lui et ses associés préfèrent, soit
simplement pour remplir ses jours et ses heures d’une manière plus conforme à ses inclinations, à ses
fantaisies. Enfin, c’est le droit, pour chacun, d’influer sur l’administration du gouvernement, soit par la
nomination de tous ou de certains fonctionnaires, soit par des représentations, des pétitions, des
demandes, que l’autorité est obligée de prendre plus ou moins en considération.
Benjamin Constant, extrait d’un discours prononcé en 1819.
*industrie : ici, métier
Questions
1. La liberté consiste-t-elle à faire tout ce qu’on veut ? Pourquoi ?
2. Quelles sont les différentes formes de liberté évoquées dans le document 2 ?
3. Les questions soulevées dans ces deux documents relativement anciens vous semblent-elles encore
d’actualité ?
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Document 3
Valeurs d’hier, d’aujourd’hui et de demain
Dans l’évolution de la société Au cours des vingt dernières années, Quelles sont, aujourd’hui, les
française, au cours des vingt quelles sont, selon vous, les valeurs valeurs qu’il vous paraît important et
dernières années, quelles sont, selon qui ont gagné en importance dans même nécessaire de sauvegarder ou
vous, les valeurs qui ont perdu en l’évolution de la société française ? (%) de restaurer pour l’avenir ? (%)
importance ? (%)
- La politesse 64 - La réussite matérielle 60 - La justice 71
- L’honnêteté 56 - La compétitivité 59 - L’honnêteté 59
- Le respect du bien commun 49 - L’esprit d’entreprise 34 - La politesse 53
- La justice 44 - La liberté 20 - La liberté 52
- L’esprit de famille 42 - La solidarité 18 - L’esprit de famille 50
- Le respect de la tradition 40 - Le sens du beau 17 - Le respect du bien commun 47
- Le sens du devoir 37 - La responsabilité 14 - L’égalité 45
- L’honneur 34 - Le sens de la fête 14 - Le sens du devoir 45
- La solidarité 29 - L’autorité 14 - La solidarité 41
- L’égalité 25 - L’égalité 8 - La responsabilité 33
- Le sens de la fête 24 - L’esprit de famille 5 - L’hospitalité 31
- L’autorité 24 - L’hospitalité 5 - L’honneur 30
- La responsabilité 23 - La justice 4 - Le respect de la tradition 22
- L’hospitalité 22 - Le sens du devoir 3 - La compétitivité 22
- Le pardon 14 - Le pardon 2 - L’esprit d’entreprise 20
- La liberté 12 - L’honneur 2 - Le sens du beau 19
- La compétitivité 12 - Le respect du bien commun 2 - L’autorité 19
- Le sens du beau 9 - Le respect de la tradition 2 - Le sens de la fête 18
- L’esprit d’entreprise 8 - La politesse 2 - Le pardon 17
- La réussite matérielle 4 - L’honnêteté 1 - La réussite matérielle 8
Source : Gérard MERMET, Francoscopie 1993 (Larousse).
Questions
Ressources linguistiques
1. Que présente ce tableau ? De quoi est constituée • Se libérer de, s’affranchir de
chacune des colonnes ? faire valoir ses droits, revendiquer ses droits/ jouir
2. Quelle évolution la société française a-t-elle de ses droits, remplir ses devoirs
connue ces dernières années en ce qui concerne Se battre pour, affronter, militer pour, mener un
les valeurs? combat pour
3. Que pensez-vous de ces statistiques ? Citez des Être dépendant de, être assujetti à, être sous le
indices qui en montrent la cohérence. joug de, sous la domination de, se plier à, se
soumettre à, de gré ou de force, bon gré mal gré,
contre mon (ton…) gré, de mon (ton…) plein gré
4. Quel commentaire pouvez-vous faire sur la
place de la liberté dans l’échelle des valeurs ? • Liberté d’expression, d’association, de
circulation, d’entreprise…
5. Quelles sont pour vous les cinq valeurs les plus Liberté vestimentaire, religieuse, syndicale…
importantes ? • Penser que, croire que, soutenir que, estimer que,
Classez-les par ordre d’importance. juger que, prétendre que, sous prétexte que, ne
pas penser que, voir que
3. Lancement du projet : Il est évident, indéniable, sûr, probable, possible,
improbable, peu probable, certain, clair que...
exposé/exposition sur le thème de la liberté sans doute, sans aucun doute
( voir page 115) .
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Lecture
Liberté
Lire et analyser
1. Dans quel contexte historique ce poème a-t- - Paris a été libéré le 25 août 1944 après avoir été
il été écrit ? En quoi le thème traité était-il … pendant quatre ans.
d’actualité au moment de la parution du poème ? - Dans l’autobus, une dame cherche une place
libre, mais elles sont toutes…
2. Quelle est la figure de style qui structure le - Ce matin, à la prison, Jean a été remis en
poème? Les deux dernières strophes se liberté tandis que Robert a été…
démarquent des autres . Dites pourquoi.
2. Dites de quel type de liberté il s’agit dans
les phrases suivantes ( employez " la liberté de
3. Plusieurs supports d’écriture sont énumérés + nom) ou " la liberté + adjectif ") :
dans ce poème. La plupart de ces supports sont
surprenants. Citez-en quelques uns et dites en - Il peut dire et écrire ce qu’il veut.
quoi ils sont insolites. - Il peut s’associer avec qui il veut.
4. En vous appuyant sur le champ lexical de la - Il peut aller où il veut.
résistance, montrez que ce poème est un chant - Il peut se syndiquer.
qui exprime un engagement. - Il peut ouvrir un commerce.
- Il peut être musulman, chrétien,
5. En quoi la chute du poème vous semble-t-elle juif, bouddhiste…
originale ?
Afrique
Lire et analyser
1. Ce poème comporte deux moments : une 3. Le poète a vécu et grandi en France. Qu’est-ce
invocation et une réponse. Délimitez-les en vous qui dans le poème exprime cependant la
appuyant sur des indices textuels précis profondeur du lien qui l’unit à l’Afrique ?
(procédés d’écriture, modes et temps verbaux ).
4. Le deuxième moment du poème comporte une
2. Dans la première partie, le poète nous livre métaphore filée. Laquelle ? Que traduit-elle ?
deux images différentes de l’Afrique. Dites
5. Qu’est-ce qui dans la musicalité du poème
lesquelles
rappelle le titre du recueil Coups de pilon ?
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Les mots pour le dire Lire-écrire
Les champs lexicaux 1. « L’amère saveur de la liberté »
• Les verbes et expressions qui suivent réfèrent Comment expliquez-vous que pour le poète la
soit à l’absence de la liberté d’expression soit à liberté a une saveur amère ?
la maltraitance. Classez-les selon qu’ils
2. Ce tableau de Morland intitulé Trafic humain
appartiennent à l’un ou à l’autre de ces deux
exécrable évoque la traite des noirs. Décrivez la
champs lexicaux.
scène en vous aidant des mots et expressions qui
humilier, opprimer, vexer, maltraiter, museler,
suivent :
bâillonner, réduire au silence, fouler aux pieds,
négrier, esclavagiste, réduire en esclavage,
faire taire, mépriser, frustrer
travailler dans les plantations, être arraché à sa
• Donnez, quand c’est possible, les noms famille.
correspondants à ces infinitifs.
D’après La Rochefoucauld, les défauts sont " Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie ".
pour l’âme ce que les blessures sont pour le corps. Lamartine
- Parmi les termes suivants dites quels sont ceux
qui réfèrent à des défauts de l’âme : grandeur, La métaphore est une comparaison où on a supprimé
le terme comparatif.
noblesse, imperfection, pureté, faiblesse,
méchanceté, corruption, sensibilité, générosité,
" Cet arbre là-bas
malice.
Splendidement seul au milieu des fleurs blanches et
- Réécrivez la phrase de La Rochefoucauld en fanées
remplaçant le mot " défauts " par l’un des mots C’est l’Afrique… "
retenus. David Diop
- Pourquoi l’auteur recourt-il à cette comparaison ? Quel
est l’effet recherché ? Lorsque la métaphore se développe dans une série
d’images complémentaires, on parle de métaphore
2. La métaphore filée.
L’écrivain a pour fonction naturelle
d’allumer par ses livres des foyers de réflexion, de Ex : la première strophe du poème de Lamartine " Le
contestation, de remise en cause de l’ordre établi. Lac " ( voir module 1)
Inlassablement il lance des appels à la révolte,
des rappels au désordre, parce qu’il n’y a rien
d’humain sans création, mais toute création
dérange. (Tournier)
Exercice 2
" Que représente aujourd’hui l’œuvre de George Sand ? La recherche est malaisée. Le personnage est
aussi complexe que la masse énorme d’écriture qu’on lui doit. Bien sûr, on retiendra d’elle, avant tout,
le témoignage social qu’elle nous a laissé, singulièrement accordé à notre temps d’inquiète mutation.
Son aspiration à la liberté démocratique (il faut lire son journal de décembre 1851 où elle médite
amèrement sur la répression policière et militaire après le coup du 2 décembre), l’audace du 16è
Bulletin de la République, en 1848, où, avec des accents qu’on dirait gauchistes, elle appelle le peuple
à s’insurger contre une majorité issue d’élections truquées, son rêve obsédant d’une société sans classes
où règneraient l’égalité et la fraternité, sa revendication constante de l’affranchissement de la femme…,
tout cela est d’une évidente actualité (…)
Ce n’est pas par hasard que George Sand a inspiré à Proust d’admirables jugements, qu’au
début d’ A la recherche du temps perdu, il loue sa "distinction morale ", sa " tendresse naturelle
" et l’ " ample douceur " de ses phrases (…) On tirerait sans difficulté des romans de George Sand
toute une anthologie d’impressions ténues, de phénomènes affectifs semblables à ceux que Proust a
évoqués. Pour George Sand comme pour Proust, sur le moment présent pèsent tout le passé et tout
l’avenir. "
Question
Relevez les comparaisons et indiquez l’effet recherché.
Texte
Ballade de celui qui chanta dans les supplices
Et s’il était à refaire Rien qu’un mot rien qu’un mensonge Je meurs et France demeure
Je referais ce chemin Pour transformer ton destin Mon amour et mon refus
Une voix monte des fers Songe songe songe songe ÔÔÖ mes amis si je meurs
Et parle des lendemains A la douceur des matins Vous saurez pourquoi ce fut
On dit que dans sa cellule Et si c’était à refaire Ils sont venus pour le prendre
Deux hommes cette nuit là Je referais ce chemin Ils parlent en allemand
Lui murmuraient Capitule La voix qui monte des fers L’un traduit Veux-tu te rendre
De cette vie es-tu las Parle aux hommes de demain Il répète calmement
Tu peux vivre tu peux vivre J’ai dit tout ce qu’on peut dire Et si c’était à refaire
Tu peux vivre comme nous Exemple du Roi Henri Je referais ce chemin
Dis le mot qui te délivre Un cheval pour mon empire Sous vos coups chargés de fer
Et tu peux vivre à genoux Une messe pour Paris Que chantent les lendemains
Et s’il était à refaire Rien à faire Alors qu’ils partent Il chantait lui sous les balles
Je referais ce chemin Sur lui retombe son sang Des mots sanglant est levé
La voix qui monte des fers C’était son unique carte D’une seconde rafale
Parle pour les lendemains Périsse cet innocent Il a fallu l’achever
Rien qu’un mot la porte cède Et si c’était à refaire Une autre chanson française
S’ouvre et tu sors Rien qu’un mot Referait-il ce chemin A ses lèvres est montée
Le bourreau se dépossède La voix qui monte des fers Finissant la Marseillaise
Sésame Finis tes maux Dit Je le ferai demain Pour toute l’humanité
Questions
- Ceux qui parlent au prisonnier ont recours à la répétition. Relevez dans le poème un passage
significatif à ce propos et dites quel effet on cherche à produire sur le prisonnier.
- Le refrain ponctue très fortement le poème. Que traduit cette répétition ?
(Utilisez dans votre réponse des mots comme détermination, obstination, défi, serein, inébranlable…).
Exercice 4
Texte
L’action se passe en Chine en 1927. Katow est un insurgé sur le point d’être exécuté.
Katow n’oubliait pas qu’il avait été condamné à mort, qu’il avait vu les mitrailleuses braquées
sur lui, les avait entendues tirer… " dès que je serai dehors, je vais essayer d’en étrangler un, et
de laisser mes mains assez longtemps serrées pour qu’ils soient obligés de me tuer. Ils me
brûleront, mais mort. " À l’instant même, un des soldats le prit à bras-le-corps, tandis qu’un autre
ramenait ses mains derrière son dos et les attachait. " Les petits auront eu de la veine, pensa-t-il.
Allons ! supposons que je sois mort dans un incendie. " Il commença à marcher. Le silence
retomba, comme une trappe, malgré les gémissements. Comme naguère sur le mur blanc, le
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fanal projeta l’ombre maintenant très noire de Katow sur les grandes fenêtres nocturnes ; il marchait
pesamment, d’une jambe sur l’autre, arrêté par ses blessures ; lorsque son balancement se rapprochait
du fanal, la silhouette de sa tête se perdait au plafond. Toute l’obscurité de la salle était vivante, et le
suivait du regard pas à pas. Le silence était devenu tel que le sol résonnait chaque fois qu’il le touchait
lourdement du pied ; toutes les têtes, battant de haut en bas, suivaient le rythme de sa marche, avec
amour, avec effroi, avec résignation, comme si, malgré les mouvements semblables, chacun se fût
dévoilé en suivant ce départ cahotant. Tous restèrent la tête levée : la porte se refermait.
André Malraux, La condition humaine.
Question
Qu’est-ce qui confère à cette description une intensité dramatique particulière ?
Exercice 5
Texte
Jacques Vingtras se rend à une réunion où il doit prononcer un discours avant de se porter
candidat aux élections.
Mon comité est pauvre comme Job. C’est dans une écurie abandonnée qu’a été donné le rendez-
vous. A peine peut-il y tenir trois cents personnes.
Elles y sont.
Citoyens !…
Où ai-je pris ce que je leur ai conté ? J’ai attaqué je ne sais comment, parlant de l’odeur de crottin,
de la bizarrerie du local, de la misère qui nous ridiculisait, dès le début. J’arrachais mes paroles aux
murailles suintant le fumier, et où étaient scellés des anneaux auxquels une discipline républicaine
voulait nous attacher aussi – comme des bêtes de somme !
Ah ! mais non !
Et j’ai rué, et je me suis cabré, trouvant en route de l’ironie et de la colère !
Quelques bravos ont éclaté et m’ont mis le feu sous le ventre. Quand j’ai eu fini, on est venu à moi
de toutes parts.
Jules Vallès, L’Insurgé.
Question
Montrez que le lieu de l’action et les procédés d’écriture utilisés confèrent à cet extrait une tonalité
humoristique.
Au nom de la liberté !
Hoffmann est un jeune Allemand qui vient s’installer à Paris en 1793.
C’est l’époque de la Terreur : chaque jour, des condamnés à mort sont
conduits à la guillotine. Son hôtesse lui loue une chambre dont la fenêtre
donne sur le tribunal révolutionnaire…
Lire et analyser
1. Les deux personnages sont-ils directement 4. L’expérience vécue par Hoffmann est
concernés par les événements ? Pourquoi ? instructive. Que lui apprend-elle sur le cours des
événements et sur le pays dont il a longtemps
2. L’hôtesse parle de deux catégories
rêvé ?
de condamnés. Lesquelles ?
5. Quel regard à votre avis Alexandre Dumas
3. En quoi la caractérisation des condamnés
porte-t-il sur cet épisode de l’histoire de France?
révèle-t-elle les sentiments de l’hôtesse ?
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Les mots pour le dire
“Citoyen”
Lire – écrire
“Républicain” « - Oui, citoyen. Eh bien ! que faites-vous ?
- Je ferme la chambre.
- Pour quoi faire ?
- Pour ne pas voir. »
A. DUMAS
Repères
Lire et analyser L’ironie :
Figure de style qui consiste à dire le contraire de ce
1. Ce texte est constitué d’anecdotes émaillées de
que l’on pense. Elle cherche à provoquer le rire mais
réflexions et de commentaires. Résumez aussi un sentiment de révolte chez le lecteur. Elle
brièvement chacune de ces anecdotes. permet de ridiculiser les cibles visées et d’entretenir
un rapport de complicité avec le lecteur qui ne doit
2. Quel est le point commun à toutes ces histoires? pas, en conséquence, lire le texte naïvement.
Justifiez votre réponse en vous appuyant sur des Exemple : Voltaire qui dénonce la guerre écrit dans
indices précis. Candide : " Rien n’était si beau, si leste, si brillant,
si bien ordonné que les deux armées. "
3. Les Troglodytes ont essayé trois systèmes poli-
tiques. Lesquels ? Pourquoi les ont-ils rejetés ?
Lire - écrire
4. " Ce peuple, libre de ce nouveau joug, ne Voici le début d’une autre anecdote sur les
consulta plus que son naturel sauvage ". Troglodytes, qui figure dans la même œuvre:
Montesquieu pense-t-il vraiment ce qu’il dit ?
" Un des principaux habitants avait une femme
Comment appelle-t-on cette figure de style ? fort belle ; son voisin en devint amoureux et
l’enleva. Après bien des injures et des coups, ils
5. Quelle leçon Montesquieu nous invite-t-il à convinrent de s’en remettre à la décision d’un
tirer de cette " fable " ? (autre) Troglodyte… "
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Imaginez la suite en quelques lignes.
Passez à la version PRO pour retirer le filigrane. 113
Les mots pour le dire
1. Voici des mots et des définitions. Faites-les 2. Retrouvez les couples d’antonymes
correspondre.
Conformisme Oisiveté
Mots
Injustice Marginalité
1. Monarchie Liberté Ordre
2. Dynastie Labeur Déterminisme
Égoïsme Altruisme
3. Despotisme
Anarchie Équité
4. Anarchie
5. Parlement
Choisissez quelques uns de ces mots que vous
utiliserez dans un petit paragraphe pour
décrire les Troglodytes.
Définitions
3. "Vous n’avez point d’humanité "
a) Chambre des députés Voici trois adjectifs de la même famille :
b) Régime politique dans lequel le pouvoir est humain, humaniste, humanitaire.
Complétez les phrases suivantes avec l’adjectif
entre les mains d’une seule personne
qui convient :
c) Désordre résultant d’une absence - Les prix Nobel de littérature récompensent
d’autorité souvent des écrivains…
d) Succession de souverains d’une même - L’erreur est …
- Les organisations non gouvernementales
famille.
(O.N.G.) recrutent leurs membres parmi ceux qui
e) Pouvoir absolu arbitraire et oppressif. militent en faveur des causes…
L’exposé
Sujet : Liberté et expression artistique
Descriptif de la séance
Il s’agit d’une activité qui associe l’exposé et l’exposition de documents divers en rapport avec le
thème. On pourrait pour cela envisager le déroulement suivant :
Consignes :
Avant la séance
- réunir des documents divers qui traitent de la liberté : textes, poèmes, citations, images, articles
de journal, photos, caricatures, chansons…
- préparer un compte rendu sur un film, sur un débat télévisé traitant du thème de la liberté…
- prévoir des productions personnelles : slogans, dessins, petits poèmes…
Pendant la séance
- aménager le local et installer le matériel nécessaire
- découvrir et apprécier les documents exposés
- présenter les exposés
- s’auto évaluer : recueillir les impressions sur les travaux présentés.
Après la séance
Projet à réaliser
Concevoir et élaborer un document dans lequel seront consignés les principaux contenus et supports
de cette séance et qui sera éventuellement enrichi par des apports personnels.
Ne pas hésiter à demander conseil à vos professeurs d’informatique, d’éducation artistique,
d’histoire…
Exercice 1
Exercice 2 Exercice 4
Les couples de mots suivants sont formés à « Je refuse de porter le tchadri. De tous les bâts,
partir de la même base, mais ils ont des sens il est le plus avilissant. Une tunique de Nessusne
différents. Employez chacun d’eux dans une causerait pas autant de dégâts à ma dignité que
phrase de manière à faire apparaître cette cet accoutrement funeste qui me chosifie en
différence de sens.
effaçant mon visage et en confisquant mon
• Liberté / libéralisme identité. Ici, au moins, je suis moi, Zunaira,
• Justice / justesse épouse de Mohsen Ramat, trente-deux ans,
• Humilité / humiliation magistrat licencié par l’obscurantisme, sans
• Arrêt / arrestation procès et sans indemnités, mais avec
• Conformité / conformisme suffisamment de présence d’esprit pour me
peigner tous les jours et veiller sur mes toilettes
comme sur la prunelle de mes yeux. Avec ce
voile maudit, je ne suis ni un être humain ni une
Exercice 6
bête, juste un affront ou une opprobre que l’on
Construisez quatre ou cinq phrases dans doit cacher telle une infirmité. »
lesquelles vous rendez compte des principales
informations contenues dans cet extrait. Yasmina Khadra, Les hirondelles de Kaboul, 2002.
Utilisez la nominalisation.
L’action se passe en Afghanistan en 2000. Zunaira
explique à son mari pourquoi elle ne veut pas porter
le voile.
L’action se passe au Sahara Occidental. Lalla, un être libre, est prête à tout
sacrifier pour le Hartani, l’homme qu’elle aime.
Quand Lalla a décidé de partir, elle n’a rien dit à personne. Elle a
décidé de partir parce que l’homme au complet veston gris-vert est
revenu plusieurs fois dans la maison d’Aamma, et chaque fois, il a
regardé Lalla avec ses yeux brillants et durs comme des cailloux noirs, et
5 il s’est assis sur le coffre de Lalla Hawa pour boire un verre de thé à la
menthe. Lalla n’a pas peur de lui, mais elle sait que si elle ne s’en va pas,
un jour il la conduira de force dans sa maison pour l’épouser, parce qu’il
est riche et puissant, et qu’il n’aime pas qu’on lui résiste.
Elle est partie, ce matin, avant le lever du soleil. Elle n’a même pas
10 regardé au fond de la maison la silhouette d’Aamma endormie,
enveloppée dans son drap. Elle a seulement pris un morceau de tissu bleu
Jean-Marie Gustave dans lequel elle a mis le pain rassis et quelques dattes sèches, et un
le Clézio, né en 1940, bracelet en or qui appartenait à sa mère.
est un écrivain français Elle est sortie sans faire de bruit, sans même réveiller un chien. Elle a
qui cherche à traduire 15 marché pieds nus sur la terre froide, entre les rangées de maisons
dans ses romans la endormies. Le ciel, devant elle, est un peu pâle, parce que le jour va
diversité des venir. La brume vient de la mer, elle fait un grand nuage doux qui
expériences humaines. remonte le long de la rivière, étendant deux bras recourbés comme un
Principales œuvres : gigantesque oiseau aux ailes grises.(…)
Le Procès-Verbal , 20 Les idées se bousculent un peu dans sa tête, tandis qu’elle marche sur
Mondo et autres les rochers. C’est parce qu’elle sait qu’elle ne reviendra plus à la Cité,
histoires, Désert,
qu’elle ne reverra plus tout cela qu’elle aimait bien, la grande plaine
Onitsha.
aride, l’étendue de la plage blanche, où les vagues tombent l’une après
l’autre ; elle est triste, parce qu’elle pense aux dunes immobiles où elle
25 avait l’habitude de s’asseoir pour regarder les nuages avancer dans le
ciel.(…)
Alors elle marche, sans se retourner, en serrant le paquet de pain et de
dattes contre sa poitrine. Quand le sentier se termine c’est qu’il n’y a plus
d’hommes alentour. Alors les cailloux aigus sortent de la terre, et il faut
30 bondir d’une roche à l’autre, en montant vers la plus haute colline. C’est
là que l’attend le Hartani, mais elle ne le voit pas encore.
Jean-Marie Gustave le Clézio, Désert, Gallimard 1980.
3. Lalla est partagée entre plusieurs sentiments. Que connotent les éléments naturels évoqués
Lesquels ? dans ces phrases ?
Les mots pour le dire Lalla aime regarder " les nuages ", le
personnage de l’étranger dans le poème de
1. Retrouvez les couples d’antonymes à
Baudelaire aussi. Et vous, quel est le spectacle
partir des deux listes suivantes :
ou l’activité qui vous procure un vrai sentiment
• Nomade, urbain, immigré, libre, étranger de liberté ?
• Rural, asservi, autochtone, émigré, sédentaire
Exercice 1 Exercice 2
Les idées suivantes peuvent être insérées Quand le ciel, bas et lourd pèse comme un couvercle
dans un développement sur le rôle de l’école et Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
la formation des jeunes. Structurez-les selon le Et que de l’horizon embrassant tout le cercle,
modèle de Maucuer. (Pensez à varier les Il nous verse un jour noir plus triste que les nuit ;
articulateurs logiques).
Quand la terre est changée en un cachot humide,
• Une personne instruite est forcément une personne Où l’Espérance, comme une chauve-souris,
libre. S’en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;
• L’instruction permet de se libérer d’abord des
préjugés donc d’être un esprit éclairé. Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D’une vaste prison imite les barreaux,
• Rien ni personne ne peut réduire au silence un Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées
esprit libre, en ce sens que la pensée échappe Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
toujours, comme le dit Victor Hugo, " à qui tente
de l’étouffer ". Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
• Nourrie de valeurs sûres comme la dignité, le Ainsi que des esprits errants et sans patrie
respect de la personne humaine et l’écoute de son Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
prochain, une âme est toujours prête à ces élans de
solidarité qui font défaut au monde d’aujourd’hui. Baudelaire, " Spleen ", Les Fleurs du Mal.
Sujet
Victor Hugo écrit : " Cette tête de l’homme du peuple, cultivez-la, éclairez-la, vous n’aurez pas
besoin de la couper. "
Qu’en pensez-vous ?
Vous développerez à ce sujet un point de vue argumenté illustré d’exemples précis.
Indications méthodologiques :
Introduction
- Phrase de portée générale
- Problématique : le rôle de l’instruction dans la résolution des problèmes sociaux
- Annonce du plan
Développement :
• un esprit éclairé est capable de prendre du recul pour comprendre et maîtriser ses pulsions : la
maîtrise de soi s’apprend et se cultive …
• un esprit éclairé a une vision claire des devoirs qu’implique la vie en société; une personne
cultivée est capable de mesurer les conséquences de toute action et de toute attitude.
• l’éducation contribue à la formation de l’homme et à sa socialisation.
• …….
a) Choisissez parmi les citations suivantes celle qui convient le mieux pour étayer le point de vue de
Hugo.
Exercice 4 :
Lisez ces deux sujets et classez les citations qui les suivent selon qu’elles illustrent le point de
vue de Sartre ou de Théophile Gautier.
Sujet 1 Sujet 2
Sartre affirme qu’on ne doit pas " parler pour "Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut
ne rien dire " et que l’écrivain doit toujours et servir à rien.", soutient Théophile Gautier.
pleinement assumer sa responsabilité dans Êtes-vous comme lui partisan de l’art pour
l’histoire. l’art?
Qu’en pensez-vous ?
Citations
• " Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles
qui s’affaissent au cachot du désespoir. "
Aimé Césaire
• " Nul ne peut se sentir, à la fois, responsable et désespéré. "
Antoine de Saint-Exupéry
• Pensant à Sartre et à son idée de la liberté, Robbe-Grillet ironise en écrivant : " l’Art et la
Révolution avançant la main dans la main. "
Exercice 5 :
Sujet :
Vous développerez à ce sujet une réflexion personnelle en vous référant à votre expérience et
à vos lectures.
• les Troglodytes, avec leurs excès, illustrent parfaitement les risques qu’une trop grande liberté
ferait courir à une communauté.
• les poèmes d’Eluard et de Diop sont révélateurs du besoin de libération et d’émancipation propre
à tout peuple vivant sous le joug de l’occupation étrangère.
• Selon Dumas, certaines révolutions, menées au nom de la liberté, donnent lieu à des dérives:
délation, insécurité, justice expéditive…
b) Citations :
• On distingue trois sortes de libertés : la liberté naturelle, la liberté civile, la liberté politique ;
c’est-à-dire la liberté de l’homme, celle du citoyen et celle d’un peuple.
Raynal
• La liberté est au principe de toutes les révolutions. Sans elle, la justice paraît aux rebelles
inimaginable.
Albert Camus
c) Ressources linguistiques
Consigne :
Rédigez le développement.
Écrire debout
La Légion d’honneur ? Elle récompense, selon moi, un citoyen tranquille, qui paie ses impôts et
n’incommode pas ses voisins. Mais mes livres, eux, échappent à toute récompense, comme à toute
loi. Et je leur citai le mot d’Eric Satie. Ce musicien obscur et pauvre détestait le glorieux Maurice
Ravel qu’il accusait de lui avoir volé sa place au soleil. Un jour Satie apprend avec stupeur qu’on
a offert la croix de la Légion d’honneur à Ravel, lequel l’a refusée. " Il refuse la Légion d’honneur,
dit-il, mais toute son œuvre l’accepte. " Ce qui était très injuste. Je crois cependant qu’un artiste
peut accepter pour sa part tous les honneurs, à condition que son œuvre, elle, la refuse.
On se sépara. Ils me promirent de m’écrire. Je n’en croyais rien. Je me trompais. Ils firent mieux.
Trois mois plus tard, une camionnette du pénitencier de Cléricourt s’arrêtait devant ma maison. On
ouvrit les portes arrière et on en sortit un lourd pupitre de chêne massif, l’un de ces hauts meubles
sur lesquels écrivaient jadis les clercs de notaires, mais aussi Balzac, Victor Hugo, Alexandre
Dumas. Il sortait tout frais de l’atelier et sentait bon encore les copeaux et la cire. Un bref message
l’accompagnait : " Pour écrire debout. De la part des détenus de Cléricourt. "
Une semaine après la foire du livre de Francfort, en 2003, je reçois un appel téléphonique de mon
éditeur en Norvège : les organisateurs du concert qui aura lieu pour le prix Nobel de la paix,
l’Iranienne Shirine Ebadi, souhaitent que j’écrive un texte pour l’événement.
C’est un honneur que je ne dois pas refuser, car Shirine Ebadi est un mythe : une femme qui mesure
1,5 mètre, mais qui a une statue suffisante pour faire entendre sa voix aux quatre coins du monde
quand elle défend les droits de l’homme. En même temps, c’est une responsabilité que j’appréhende
un peu- l’événement sera retransmis dans cent dix pays, et je ne disposerai que de deux minutes pour
parler de quelqu’un qui a consacré toute sa vie à son prochain. Je marche dans les forêts près du
moulin où je vis quand je suis en Europe, je pense plusieurs fois téléphoner pour dire que je suis sans
inspiration. Mais le plus intéressant dans la vie, ce sont les défis auxquels nous sommes confrontés,
et finalement j’accepte cette invitation.
Je pars pour Oslo le 9 décembre, et le lendemain – une belle journée de soleil- je suis dans la salle
où se déroule la cérémonie de remise du prix (…)
Voici le texte que j’ai écrit – dont je pense qu’il s’applique à tous ceux qui luttent pour un monde
meilleur :
Le poète Roûmî a dit : " La vie c’est comme si un roi envoyait une personne dans un pays pour
réaliser une mission déterminée. Elle s’y rend et fait une centaine de choses – mais si elle n’a pas
fait ce qui lui a été demandé, c’est comme si elle n’avait absolument rien fait. "
Ma liberté Ma liberté,
longtemps je t'ai gardée tu as su désarmer
comme une perle rare. mes moindres habitudes
Ma liberté, ma liberté,
c'est toi qui m'as aidé toi qui m'as fait aimer
à larguer les amarres, même la solitude.
pour aller n'importe où Toi qui m'as fait sourire
pour aller jusqu'au bout quand je voyais finir une belle
des chemins de fortune, aventure,
pour cueillir en rêvant toi qui m'as protégé
une rose des vents quand j'allais me cacher
sur un rayon de lune! pour soigner mes blessures!
Ma liberté Ma liberté,
devant tes volontés pourtant je t'ai quittée
ma vie était soumise une nuit de décembre.
ma liberté, J'ai déserté
je t'avais tout prêté les chemins écartés
ma dernière chemise que nous suivions ensemble,
Et combien j'ai souffert lorsque, sans me méfier,
pour pouvoir satisfaire les pieds et poings liés
toutes tes exigences! je me suis laissé faire,
J'ai changé de pays, et je t'ai trahie
j'ai perdu mes amis pour une prison d'amour
pour garder ta confiance! et sa belle geôlière!
et je t'ai trahie
pour une prison d'amour
et sa belle geôlière !
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Heureux qui comme Ulysse
Georges Brassens
Paroles et Musique: Henri Colpi, Georges Delerue 1969
note: du film "Heureux qui comme Ulysse"
Quand on est mieux ici qu'ailleurs Quand c' en est fini des malheurs
Quand un ami fait le bonheur Quand un ami sèche vos pleurs
Qu'elle est belle la liberté Qu'elle est belle la liberté
La liberté La liberté
Lecture
Il n’y avait pas de fin à la liberté, elle était vaste comme l’étendue de la terre, belle et cruelle
comme la lumière, douce comme les yeux de l’eau.
Le Clézio
L’utilisation de la comparaison et de la métaphore est l’une des caractéristiques de l’écriture littéraire.
• Dans quel texte avez-vous particulièrement apprécié le recours à ces deux procédés d’écriture?
• Avez -vous vous-même l’habitude, en écrivant, d’utiliser ces deux procédés ?
• Quelles sont les phrases d’auteurs que vous avez retenues pour enrichir vos productions orales
et écrites ?
Étude de texte
• Les questions qu’on pose généralement sur les procédés d’écriture se limitent-elles à l’identification
de ces procédés?
• Combien de parties votre réponse doit-elle alors comporter ?
• Un thème comme celui de la liberté se prête bien à l’utilisation de la métaphore. Pourquoi à votre
avis ?
Essai
• Suffit-il d’avoir des idées sur un sujet donné pour bien se faire comprendre?
• Est-il important de structurer son écrit ? Pourquoi, à votre avis ?
• Vous est-il maintenant plus facile d’insérer des citations pour étayer votre argumentation ?
• Êtes-vous capable de varier les modalités d’insertion des citations ?
Ce fut ma nièce qui alla ouvrir quand on frappa. Elle venait de me servir mon
café, comme chaque soir (le café me fait dormir). J’étais assis au fond de la pièce,
relativement dans l’ombre. La porte donne sur le jardin, de plain-pied. Tout le long
de la maison court un trottoir de carreaux rouges très commode quand il pleut.
Nous entendîmes marcher, le bruit des talons sur le carreau. Ma nièce me regarda
et posa sa tasse. Je gardai la mienne dans mes mains.
Il faisait nuit, pas très froid : ce novembre-là ne fut pas très froid. Je vis
l’immense silhouette, la casquette plate, l’imperméable jeté sur les épaules comme
une cape.
L’officier, à la porte, dit : « S’il vous plaît. » Sa tête fit un petit salut. Il sembla mesurer le silence.
Puis il entra.
La cape glissa sur son avant-bras, il salua militairement et se découvrit. Il se tourna vers ma nièce,
sourit discrètement en inclinant très légèrement le buste. Puis il me fit face et m’adressa une
révérence plus grave. Il dit : « Je me nomme Werner von Ebrennac. » J’eus le temps de penser très
vite : « Le nom n’est pas allemand. Descendant d’émigré protestant ? » Il ajouta : « Je
suis désolé. »
Le dernier mot, prononcé en traînant, tomba dans le silence. Ma nièce avait fermé la porte et restait
adossée au mur, regardant droit devant elle. Je ne m’étais pas levé. Je déposai lentement ma tasse
vide sur l’harmonium et croisai mes mains et attendis.
L’officier reprit : « Cela était naturellement nécessaire. J’eusse évité si cela était possible. Je pense
que mon ordonnance fera tout pour votre tranquillité. » Il était debout au milieu de la pièce. Il était
immense et très mince. En levant le bras il eût touché les solives.
Sa tête était légèrement penchée en avant, comme si le cou n’eût pas été planté sur les épaules,
mais à la naissance de la poitrine. Il n’était pas voûté, mais cela faisait comme s’il l’était. Ses
hanches et ses épaules étroites étaient impressionnantes. Le visage était beau. Viril et marqué de
deux grandes dépressions le long des joues. On ne voyait pas les yeux, que cachait l’ombre portée
de l’arcade. Ils me parurent clairs. Les cheveux étaient blonds et souples, jetés en arrière, brillant
soyeusement sous la lumière du lustre.
Le silence se prolongeait. Il devenait de plus en plus épais, comme le brouillard du matin. Épais
et immobile. L’immobilité de ma nièce, la mienne aussi sans doute, alourdissaient ce silence, le
rendaient de plomb. L’officier lui-même, désorienté, restait immobile, jusqu’à ce qu’enfin je visse
naître un sourire sur ses lèvres. Son sourire était grave et sans nulle trace d’ironie. Il ébaucha un
geste de la main, dont la signification m’échappa. Ses yeux se posèrent sur ma nièce, toujours raide
et droite, et je pus regarder moi-même à loisir le profil puissant, le nez proéminent et mince. Je
voyais, entre les lèvres mi-jointes, briller une dent d’or. Il détourna enfin les yeux et regarda le feu
dans la cheminée et dit : « J’éprouve une grand estime pour les personnes qui aiment leur patrie »,
et il leva brusquement la tête et fixa l’ange sculpté au-dessus de la fenêtre. « Je pourrais maintenant
monter à ma chambre, dit-il. Mais je ne connais pas le chemin. » Ma nièce ouvrit la porte qui donne
sur le petit escalier et commença de gravir les marches, sans un regard pour l’officier, comme si elle
eût été seule. L’officier la suivit. Je vis alors qu’il avait une jambe raide.
Je les entendis traverser l’antichambre, les pas de l’Allemand résonnèrent dans le couloir,
alternativement forts et faibles, une porte s’ouvrit, puis se referma. Ma nièce revint. Elle reprit sa
tasse et continua de boire son café. J’allumai une pipe. Nous restâmes silencieux quelques minutes.
Je dis : « Dieu merci, il a l’air convenable. » Ma nièce haussa les épaules. Elle attira sur ses genoux
ma veste de velours et termina la pièce invisible qu’elle avait commencé d’y coudre.
Le lendemain matin l’officier descendit quand nous prenions notre petit déjeuner dans la
cuisine. Un autre escalier y mène et je ne sais si l’Allemand nous avait entendus ou si ce fut par
hasard qu’il prit ce chemin. Il s’arrêta sur le seuil et dit : « J’ai passé une très bonne nuit. Je voudrais
que la vôtre fusse aussi bonne. » Il regardait la vaste pièce en souriant. Comme nous avions peu
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de bois et encore moins de charbon, je l’avais repeinte, nous y avions amené quelques meubles, des
cuivres et des assiettes anciennes, afin d’y confiner notre vie pendant l’hiver. Il examinait cela et
l’on voyait luire le bord de ses dents très blanches. Je vis que ses yeux n’étaient pas bleus comme je
l’avais cru, mais dorés. Enfin, il traversa la pièce et ouvrit la porte sur le jardin. Il fit deux pas et se
retourna pour regarder notre longue maison basse, couverte de treilles, aux vieilles tuiles brunes. Son
sourire s’ouvrit largement.
- Votre vieux maire m’avait dit que je logerais au château, dit-il en désignant d’un revers de main
la prétentieuse bâtisse que les arbres dénudés laissaient apercevoir, un peu plus haut sur le coteau.
Je féliciterai mes hommes qu’ils se soient trompés. Ici c’est un beaucoup plus beau château.
Puis il referma la porte, nous salua à travers les vitres, et partit.
Il revint le soir à la même heure que la veille. Nous prenions notre café. Il frappa, mais n’attendit
pas que ma nièce lui ouvrît. Il ouvrit lui-même : « Je crains que je vous dérange, dit-il . Si v o u s l e
pré fé re z , j e pa sse ra i pa r l a c ui si ne : a lors vous fermerez cette porte à clef. » Il
traversa la pièce, et resta un moment la main sur la poignée, regardant les divers coins du fumoir.
Enfin il eut une petite inclinaison du buste : « Je vous souhaite une bonne nuit », et il sortit.
Nous ne fermâmes jamais la porte à clef. Je ne suis pas sûr que les raisons de cette abstention
fussent très claires ni très pures. D’un accord tacite nous avions décidé, ma nièce et moi, de ne rien
changer à notre vie, fût-ce le moindre détail : comme si l’officier n’existait pas ; comme s’il eût été
un fantôme. Mais il se peut qu’un autre sentiment se mêlât dans mon cœur à cette volonté : je ne
puis sans souffrir offenser un homme, fût-il mon ennemi.
Pendant longtemps, -plus d’un mois-, la même scène se répéta chaque jour. L’officier frappait et
entrait. Il prononçait quelques mots sur le temps, la température, ou quelque autre sujet de même
importance : leur commune propriété étant qu’ils ne supposaient pas de réponse. Il s’attardait
toujours un peu au seuil de la petite porte. Il regardait autour de lui. Un très léger sourire traduisait
le plaisir qu’il semblait prendre à cet examen, - le même examen chaque jour et le même plaisir. Ses
yeux s’attardaient sur le profil incliné de ma nièce, immanquablement sévère et insensible, et quand
enfin il détournait son regard j’étais sûr d’y pouvoir lire une sorte d’approbation souriante. Puis il
disait en s’inclinant : « Je vous souhaite une bonne nuit », et il sortait.
Les choses changèrent brusquement un soir. Il tombait au-dehors une neige fine mêlée de pluie,
terriblement glaciale et mouillante. Je faisais brûler dans l’âtre des bûches épaisses que je conservais
pour ces jours-là. Malgré moi j’imaginais l’officier, dehors, l’aspect saupoudré qu’il aurait en
entrant. Mais il ne vint pas. L’heure était largement passée de sa venue et je m’agaçais de reconnaître
qu’il occupait ma pensée. Ma nièce tricotait lentement, d’un air très appliqué.
Enfin des pas se firent entendre. Mais ils venaient de l’intérieur de la maison. Je reconnus, à leur
bruit inégal, la démarche de l’officier. Je compris qu’il était entré par l’autre porte, qu’il venait de
sa chambre. Sans doute n’avait-il pas voulu paraître à nos yeux sous un uniforme trempé et sans
prestige : il s’était d’abord changé.
Les pas, - un fort, un faible, - descendirent l’escalier. La porte s’ouvrit et l’officier parut. Il était
en civil. Le pantalon était d’épaisse flanelle grise, la veste de tweed bleu acier enchevêtré de mailles
d’un brun chaud. Elle était large et ample, et tombait avec un négligé plein d’élégance. Sous la veste,
un chandail de grosse laine écrue moulait le torse mince et musclé.
- Pardonnez-moi, dit-il. Je n’ai pas chaud. J’étais très mouillé et ma chambre est très froide. Je me
chaufferai quelques minutes à votre feu.
Depuis ce jour, ce fut le nouveau mode de ses visites. Nous ne le vîmes plus que rarement en tenue.
Il se changeait d’abord et frappait ensuite à notre porte. Était-ce pour nous épargner la vue de
l’uniforme ennemi ? Ou pour nous le faire oublier, - pour nous habituer à sa personne ? Les deux,
sans doute. Il frappait, et entrait sans attendre une réponse qu’il savait que nous ne donnerions pas.
Il le faisait avec le plus candide naturel, et venait se chauffer au feu, qui était le prétexte constant de
sa venue – un prétexte dont ni lui ni nous n’étions dupes, dont il ne cherchait pas même à cacher le
caractère commodément conventionnel.
Il ne venait pas absolument chaque soir, mais je ne me souviens pas d’un seul où il nous quittât
sans avoir parlé. Il se penchait sur le feu, et tandis qu’il offrait à la chaleur de la flamme quelque
partie de lui-même, sa voix bourdonnante s’élevait doucement, et ce fut au long de ces soirées, sur
les sujets qui habitaient son cœur, -son pays, la musique, la France, - un interminable monologue ;
car pas une fois il ne tenta d’obtenir de nous une réponse, un acquiescement, ou même un regard. Il
ne parlait pas longtemps, -jamais beaucoup plus longtemps que le premier soir. Il prononçait
quelques phrases, parfois brisées de silences, parfois s’enchaînant avec la continuité monotone d’une
prière. Quelquefois immobile contre la cheminée, comme une cariatide, quelquefois s’approchant,
sans s’interrompre, d’un objet, d’un dessin au mur. Puis il se taisait, il s’inclinait et nous souhaitait
une bonne nuit.
Il dit une fois (c’était dans les premiers temps de ses visites) :
- Où est la différence entre un feu de chez moi et celui-ci ? Bien sûr le bois, la flamme, la cheminée
se ressemblent. Mais non la lumière. Celle-ci dépend des objets qu’elle éclaire, -des habitants de ce
fumoir, des meubles, des murs, des livres sur les rayons…
« Pourquoi aimé-je tant cette pièce ? dit-il pensivement. Elle n’est pas si belle, -
pardonnez-moi !… » Il rit : « Je veux dire : ce n’est pas une pièce de musée… Vos meubles, on
ne dit pas : voilà des merveilles… Non… Mais cette pièce a une âme. Toute cette maison
a une âme. »
Il était devant les rayons de la bibliothèque. Ses doigts suivaient les reliures d’une caresse légère.
Un soir, - j’étais monté dans ma chambre pour y chercher du tabac, - j’entendis s’élever le chant
de l’harmonium. On jouait ces « VIIIème Prélude et Fugue » que travaillait ma nièce avant la
débâcle*. Le cahier était resté ouvert à cette page mais, jusqu’à ce soir-là, ma nièce ne s’était pas
résolue à de nouveaux exercices. Qu’elle les eût repris souleva en moi du plaisir et de
l’étonnement : quelle nécessité intérieure pouvait bien l’avoir soudain décidée ?
Ce n’était pas elle. Elle n’avait pas quitté son métier ni son ouvrage. Son regard vint à la rencontre
du mien, m’envoya un message que je ne déchiffrai point. Je considérai le long buste devant
l’instrument, la nuque penchée, les mains longues, fines, nerveuses, dont les doigts se déplaçaient
sur les touches comme des individus autonomes.
Il joua seulement le Prélude. Il se leva, rejoignit le feu.
- « Rien n’est plus grand que cela », dit-il de sa voix sourde qui ne s’éleva pas beaucoup plus haut
qu’un murmure. « Grand ?… ce n’est pas même le mot. Hors de l’homme, - hors de sa chair. Cela
nous fait comprendre, non : deviner… non : pressentir… pressentir ce qu’est la nature… la nature
divine et inconnaissable… la nature… désinvestie… de l’âme humaine. Oui : c’est une musique
inhumaine. »
Il parut, dans un silence songeur, explorer sa propre pensée. Il se mordillait lentement une lèvre.
- Bach… Il ne pouvait être qu’Allemand. Notre terre a ce caractère : ce caractère inhumain. Je veux
dire : pas à la mesure de l’homme.
Un silence, puis :
- Cette musique-là, je l’aime, je l’admire, elle me comble, elle est en moi comme la présence de
Dieu mais… Mais ce n’est pas la mienne.
« Je veux faire, moi, une musique à la mesure de l’homme : cela aussi est un chemin pour atteindre
la vérité. C’est mon chemin. Je n’en voudrais, je n’en pourrais suivre un autre. Cela, maintenant, je
le sais. Je le sais tout à fait. Depuis quand ? Depuis que je vis ici.
Il nous tourna le dos. Il appuya ses mains au linteau, s’y retint par les doigts et offrit son visage
à la flamme entre ses avant-bras, comme à travers les barreaux d’une grille. Sa voix se fit plus sourde
et plus bourdonnante :
- Maintenant, j’ai besoin de la France. Mais je demande beaucoup : je demande qu’elle
m’accueille. Ce n’est rien, être chez elle comme un étranger, - un voyageur ou un conquérant. Elle
ne donne rien alors, - car on ne peut rien lui prendre. Sa richesse, sa haute richesse, on ne peut la
conquérir. Il faut la boire à son sein, il faut qu’elle vous offre son sein dans un mouvement et un
Exercice 1
Exercice 2 Exercice 4
Les longs jours printaniers arrivaient. L’officier descendait maintenant aux derniers rayons du
soleil. Il portait toujours son pantalon de flanelle grise, mais sur le buste une veste plus légère en
jersey de laine couleur de bure couvrait une chemise de lin au col ouvert. Il descendit un soir, tenant
un livre refermé sur l’index. Son visage s’éclairait de ce demi-sourire contenu, qui préfigure le
plaisir escompté d’autrui. Il dit :
- J’ai descendu ceci pour vous. C’est une page de MACBETH. Dieu ! Quelle grandeur !
Il ouvrit le livre :
Maintenant il sent ses crimes secrets coller à ses mains. A chaque minute des hommes de cœur révoltés
lui reprochent sa mauvaise foi. Ceux qu’il commande obéissent à la crainte et non plus à l’amour. Désormais
il voit son titre pendre autour de lui, flottant comme la robe d’un géant sur le nain qui l’a volée.
Il releva la tête et rit. Je me demandais avec stupeur s’il pensait au même tyran que moi. Mais il
dit :
- N’est-ce pas là ce qui doit troubler la nuit de votre Amiral ? Je plains cet homme, vraiment, malgré
le mépris qu’il m’inspire autant qu’à vous. Ceux qu’il commande obéissent à la crainte et non plus
à l’amour. Un chef qui n’a pas l’amour des siens est un bien misérable mannequin. Seulement…
seulement… pouvait-on souhaiter autre chose ? Qui donc, sinon un aussi morne ambitieux, eût
accepté ce rôle ? Or il le fallait. Oui, il fallait quelqu’un qui acceptât de vendre sa patrie parce que,
aujourd’hui, - aujourd’hui et pour longtemps, la France ne peut tomber volontairement dans nos bras
ouverts sans perdre à ses yeux sa propre dignité. Souvent la plus sordide entremetteuse est ainsi à la
base de la plus heureuse alliance. L’entremetteuse n’en est pas moins méprisable, ni l’alliance moins
heureuse.
Il fit claquer le livre en le fermant, l’enfonça dans la poche de sa veste et d’un mouvement
machinal frappa deux fois cette poche de la paume de la main. Puis son long visage éclairé d’une
expression heureuse, il dit :
- Je dois prévenir mes hôtes que je serai absent pour deux semaines. Je me réjouis d’aller à Paris.
C’est maintenant le tour de ma permission et je la passerai à Paris. C’est un grand jour pour moi.
C’est le plus grand jour, en attendant un autre que j’espère avec toute mon âme et qui sera encore
un plus grand jour. Je saurai l’attendre des années, s’il le faut. Mon cœur a beaucoup de patience.
« A Paris, je suppose que je verrai mes amis, dont beaucoup sont présents aux négociations que
nous menons avec vos hommes politiques, pour préparer la merveilleuse union de nos deux peuples.
Ainsi je serai un peu le témoin de ce mariage… Je veux vous dire que je me réjouis pour la France,
dont les blessures de cette façon cicatriseront très vite, mais je me réjouis bien plus encore pour
l’Allemagne et pour moi-même ! Jamais personne n’aura profité de sa bonne action, autant que fera
l’Allemagne en rendant sa grandeur à la France et sa liberté !
« Je vous souhaite une bonne nuit. »
* Commandement allemand
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Les pas traversèrent l’antichambre et commencèrent à faire gémir les marches. L’homme
descendait lentement, avec une lenteur sans cesse croissante, mais non comme un qui hésite : comme
un dont la volonté subit une exténuante épreuve. Ma nièce avait levé la tête et elle me regardait, elle
attacha sur moi, pendant tout ce temps, un regard transparent et inhumain de grand duc*. Et quand
la dernière marche eut crié et qu’un long silence suivit, le regard de ma nièce s’envola, je vis les
paupières s’alourdir, la tête s’incliner et tout le corps se confier au dossier du fauteuil avec lassitude.
Je ne crois pas que ce silence ait dépassé quelques secondes. Mais ce furent de longues secondes.
Il me semblait voir l’homme derrière la porte, l’index levé prêt à frapper, et retardant, retardant le
moment où, par le seul geste de frapper, il allait engager l’avenir… Enfin il frappa. Et ce ne fut ni
avec la légèreté de l’hésitation, ni la brusquerie de la timidité vaincue, ce furent trois coups pleins et
lents, les coups assurés et calmes d’une décision sans retour. Je m’attendais à voir comme autrefois
la porte aussitôt s’ouvrir. Mais elle resta close, et alors je fus envahi par une incoercible agitation
d’esprit, où se mêlait à l’interrogation l’incertitude des désirs contraires, et que chacune des secondes
qui s’écoulaient, me semblait-il, avec une précipitation croissante de cataracte, ne faisait que rendre
plus confuse et sans issue. Fallait-il répondre ? Pourquoi ce changement ? Pourquoi attendait-il que
nous rompions ce soir un silence dont il avait montré par son attitude antérieure combien il en
approuvait la salutaire ténacité ? Quels étaient ce soir, - ce soir, - les commandements de la
dignité ?
Je regardai ma nièce, pour pêcher dans ses yeux un encouragement ou un signe. Mais je ne
trouvai que son profil. Elle regardait le bouton de la porte. Elle le regardait avec cette fixité
inhumaine de grand duc qui m’avait déjà frappé, elle était très pâle et je vis, glissant sur les dents
dont apparut une fine ligne blanche, se lever la lèvre supérieure dans une contraction douloureuse ;
et moi, devant ce drame intime soudain dévoilé et qui dépassait de si haut le tourment bénin de mes
tergiversations, je perdis mes dernières forces. A ce moment deux nouveaux coups furent frappés, -
deux seulement, deux coups faibles et rapides, - et ma nièce dit : « Il va partir… » d’une voix basse
et si complètement découragée que je n’attendis pas davantage et dis d’une voix claire : « Entrez,
monsieur. »
Pourquoi ajoutai-je : monsieur ? Pour marquer que j’invitais l’homme et non l’officier ennemi ?
Ou, au contraire, pour montrer que je n’ignorais pas qui avait frappé et que c’était bien à celui-là que
je m’adressais ? Je ne sais. Peu importe. Il subsiste que je dis : entrez, monsieur ; et qu’il entra.
J’imaginais le voir paraître en civil et il était en uniforme. Je dirais volontiers qu’il était plus que
jamais en uniforme, si l’on comprend par là qu’il m’apparut clairement que, cette tenue, il l’avait
endossée dans la ferme intention de nous en imposer la vue. Il avait rabattu la porte sur le mur et il
se tenait droit dans l’embrasure, si droit et si raide que j’en étais presque à douter si j’avais devant
moi le même homme et que, pour la première fois, je pris garde à sa ressemblance surprenante avec
l’acteur Louis Jouvet. Il resta ainsi quelques secondes droit, raide et silencieux, les pieds légèrement
écartés et les bras tombant sans expression le long du corps, et le visage si froid, si parfaitement
impassible, qu’il ne semblait pas que le moindre sentiment pût l’habiter.
Mais moi qui étais assis dans mon fauteuil profond et avais le visage à hauteur de sa main
gauche, je voyais cette main, mes yeux furent saisis par cette main et y demeurèrent comme
enchaînés, à cause du spectacle pathétique qu’elle me donnait et qui démentait pathétiquement toute
l’attitude de l’homme…
* Hibou
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J’appris ce jour-là qu’une main peut, pour qui sait l’observer, refléter les émotions aussi bien
qu’un visage, - aussi bien et mieux qu’un visage car elle échappe davantage au contrôle de la
volonté. Et les doigts de cette main-là se tendaient et se pliaient, se pressaient et s’accrochaient, se
livraient à la plus intense mimique tandis que le visage et tout le corps demeuraient immobiles et
compassés.
Puis les yeux parurent revivre, ils se portèrent un instant sur moi, - il me sembla être guetté par
un faucon, - des yeux luisants entre les paupières écartées et raides, les paupières à la fois fripées et
raides d’un être tenu par l’insomnie. Ensuite ils se posèrent sur ma nièce – et ils ne la quittèrent plus.
La main enfin s’immobilisa, tous les doigts repliés et crispés dans la paume, la bouche s’ouvrit
(les lèvres en se séparant firent : « Pp… » comme le goulot débouché d’une bouteille vide), et
l’officier dit, - sa voix était plus sourde que jamais :
- Je dois vous adresser des paroles graves.
Ma nièce lui faisait face, mais elle baissait la tête. Elle enroulait autour de ses doigts la laine
d’une pelote, tandis que la pelote se défaisait en roulant sur le tapis ; ce travail absurde était le seul
sans doute qui pût encore s’accorder à son attention abolie, - et lui épargner la honte.
L’officier reprit, - l’effort était si visible qu’il semblait que ce fût au prix de sa vie :
- Tout ce que j’ai dit ces six mois, tout ce que les murs de cette pièce ont entendu… » - il respira,
avec un effort d’asthmatique, garda un instant la poitrine gonflée… « Il faut… » Il respira : « Il faut
l’oublier ».
La jeune fille lentement laissa tomber ses mains au creux de sa jupe, où elles demeurèrent
penchées et inertes comme des barques échouées sur le sable, et lentement elle releva la tête, et alors,
pour la première fois, - pour la première fois – elle offrit à l’officier le regard de ses yeux pâles.
Il dit (à peine si je l’entendis) : Oh welch’ein Licht ! Pas même un murmure ; et comme si en
effet ses yeux n’eussent pas pu supporter cette lumière, il les cacha derrière son poignet. Deux
secondes ; puis il laissa retomber sa main, mais il avait baissé les paupières et ce fut à lui désormais
de tenir ses regards à terre…
Ses lèvres firent : « Pp… » et il prononça, - la voix était sourde, sourde, sourde :
- J’ai vu des hommes victorieux.
Puis, après quelques secondes, d’une voix plus basse encore :
- Ils ont ri de moi.
Il leva les yeux sur ma personne et avec gravité hocha trois fois imperceptiblement la tête. Les
yeux se fermèrent, puis :
- Ils ont dit : « Vous n’avez pas compris que nous les bernions ? » Ils ont dit cela. Exactement. Wir
prellen sie. Ils ont dit : « Vous ne supposez pas que nous allons sottement laisser la France se relever
à notre frontière ? Non ? » Ils rirent très fort. Ils me frappaient joyeusement le dos en regardant ma
figure : « Nous ne sommes pas des musiciens ! »
Sa voix marquait, en prononçant ces derniers mots, un obscur mépris, dont je ne sais s’il reflétait
ses propres sentiments à l’égard des autres, ou le ton même des paroles de ceux-ci.
- Alors j’ai parlé longtemps, avec beaucoup de véhémence. Ils faisaient : « Tst ! Tst ! »
Ils ont dit : « La politique n’est pas un rêve de poète. Pourquoi supposez-vous que nous avons fait
la guerre ? Pour leur vieux Maréchal ? » Ils ont encore ri : « Nous ne sommes pas des fous ni des
niais : nous avons l’occasion de détruire la France, elle le sera. Pas seulement sa puissance : son âme
aussi. Son âme surtout. Son âme est le plus grand danger. C’est notre travail en ce moment : ne vous
y trompez pas, mon cher ! Nous la pourrirons par nos sourires et nos ménagements. Nous en ferons
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Il se tut. Il semblait essoufflé. Il serrait les mâchoires avec une telle énergie que je voyais
saillir les pommettes, et une veine, épaisse et tortueuse comme un ver, battre sous la tempe. Soudain
toute la peau de son visage remua, dans une sorte de frémissement souterrain, - comme fait un coup
de brise sur un lac ; comme, aux premières bulles, la pellicule de crème durcie à la surface d’un lait
qu’on fait bouillir. Et ses yeux s’accrochèrent aux yeux pâles et dilatés de ma nièce, et il dit, sur un
ton bas, uniforme, intense et oppressé, avec une lenteur accablée :
- Il n’y a pas d’espoir. » Et d’une voix plus sourde encore et plus basse, plus lente, comme pour se
torturer lui-même de cette intolérable constatation : « Pas d’espoir. Pas d’espoir. » Et soudain, d’une
voix inopinément haute et forte, et à ma surprise claire et timbrée, comme un coup de clairon, -
comme un cri : « Pas d’espoir ! »
Ensuite, le silence.
Je crus l’entendre rire. Son front, bourrelé et fripé, ressemblait à un grelin d’amarre. Ses lèvres
tremblèrent, - des lèvres de malade à la fois fiévreuses et pâles.
- Ils m’ont blâmé, avec un peu de colère : « Vous voyez bien ! Vous voyez combien vous
l’aimez ! Voilà le grand Péril ! Mais nous guérirons l’Europe de cette peste ! Nous la purgerons de
ce poison ! » Ils m’ont tout expliqué, oh ! Ils ne m’ont rien laissé ignorer. Ils flattent vos écrivains,
mais en même temps, en Belgique, en Hollande, dans tous les pays qu’occupent nos troupes, ils font
déjà le barrage. Aucun livre français ne peut plus passer, - sauf les publications techniques, manuels
de dioptrique ou formulaires de cémentation… Mais les ouvrages de culture générale, aucun.
Rien !
Son regard passa par-dessus ma tête, volant et se cognant aux quatre coins de la pièce comme un
oiseau de nuit égaré. Enfin il sembla trouver refuge sur les rayons les plus sombres, - ceux où
s’alignent Racine, Ronsard, Rousseau. Ses yeux restèrent accrochés là et sa voix reprit, avec une
violence gémissante :
- Rien, rien, personne ! » Et comme si nous n’avions pas compris encore, pas mesuré l’énormité de
la menace : « Pas seulement vos modernes ! Pas seulement vos Péguy, vos Proust, vos Bergson…
Mais tous les autres ! Tous ceux-là ! Tous ! Tous ! Tous ! »
Son regard encore une fois balaya les reliures doucement luisant dans la pénombre, comme pour
une caresse désespérée.
- Ils éteindront la flamme tout à fait ! cria-t-il. L’Europe ne sera plus éclairée par cette lumière !
Et sa voix creuse et grave fit vibrer jusqu’au fond de ma poitrine, inattendu et saisissant, le cri dont
l’ultime syllabe traînait comme une frémissante plainte :
- Nevermore !
Le silence tomba une fois de plus. Une fois de plus, mais, cette fois, combien plus obscur et
tendu ! Certes, sous les silences d’antan, - comme, sous la calme surface des eaux, la mêlée des
bêtes dans la mer, - je sentais bien grouiller la vie sous-marine des sentiments cachés, des désirs et
des pensées qui se nient et qui luttent. Mais sous celui-ci, ah ! rien qu’une affreuse oppression…
La voix brisa enfin ce silence. Elle était douce et malheureuse.
- J’avais un ami. C’était mon frère. Nous avions étudié de compagnie. Nous habitions la même
chambre à Stuttgart. Nous ne faisions rien l’un sans l’autre : je jouais devant lui ma musique ; il me
lisait ses poèmes. Il était sensible et romantique. Mais il me quitta. Il alla lire ses poèmes à Munich,
devant de nouveaux compagnons. C’est lui qui m’écrivait sans cesse de venir le retrouver. C’est lui
que j’ai vu à Paris avec ses amis. J’ai vu ce qu’ils ont fait de lui !
Il remua lentement la tête, comme s’il eût dû opposer un refus douloureux à quelque supplication.
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- Il était le plus enragé ! Il mélangeait la colère et le rire. Tantôt il me regardait avec flamme et
criait : « C’est un venin ! Il faut vider la bête de son venin ! » Tantôt il donnait dans mon estomac
des petits coups du bout de son index : « Ils ont la grande peur maintenant, ah ! ah ! Ils craignent
pour leur poche et pour leur ventre, - pour leur industrie et leur commerce ! Ils ne pensent qu’à ça !
Les rares autres, nous les flattons et nous les endormons, ah ! ah !… Ce sera facile ! » Il riait et sa
figure devenait toute rose : « Nous échangerons leur âme contre un plat de lentilles ! »
Werner respira :
- J’ai dit : «Avez-vous mesuré ce que vous faites ? L’avez-vous MESURÉ ?» Il a dit : «Attendez-
vous que cela nous intimide ? Notre lucidité est d’une autre trempe ! » J’ai dit : « Alors vous
scellerez ce tombeau ? – à jamais ? » Il a dit : « C’est la vie ou la mort. Pour conquérir suffit
la Force : pas pour dominer. Nous savons très bien qu’une armée n’est rien pour dominer. » - Mais
au prix de l’Esprit ! criai-je. Pas à ce prix-là ! » - « L’Esprit ne meurt jamais, dit-il. Il en a vu
d’autres. Il renaît de ses cendres. Nous devons bâtir pour dans mille ans : d’abord il faut détruire ».
Je le regardais. Je regardais au fond de ses yeux clairs. Il était sincère, oui. C’est ça le plus terrible.
Ses yeux s’ouvrirent très grands, - comme sur le spectacle de quelque abominable meurtre :
- Ils feront ce qu’ils disent ! », s’écria-t-il comme si nous n’avions pas dû le croire. « Avec méthode
et persévérance ! Je connais ces diables acharnés ! »
Il secoua la tête, comme un chien qui souffre d’une oreille. Un murmure passa entre ses dents
serrées, le « oh » gémissant et violent de l’amant trahi.
Il n’avait pas bougé. Il était toujours immobile, raide et droit dans l’embrasure de la porte, les bras
allongés comme s’ils eussent eu à porter des mains de plomb ; et pâle, - non pas comme de la cire,
mais comme le plâtre de certains murs délabrés : gris, avec des taches plus blanches de salpêtre.
Je le vis lentement incliner le buste. Il leva une main. Il la projeta, la paume en dessous, les doigts
un peu pliés, vers ma nièce, vers moi. Il la contracta, il l’agita un peu tandis que l’expression de son
visage se tendait avec une sorte d’énergie farouche. Ses lèvres s’entrouvrirent, et je crus qu’il allait
nous lancer je ne sais quelle exhortation : je crus, - oui, je crus qu’il allait nous encourager à la
révolte. Mais pas un mot ne franchit ses lèvres. Sa bouche se ferma, et encore une fois ses yeux. Il
se redressa. Ses mains montèrent le long du corps, se livrèrent à la hauteur du visage à un
incompréhensible manège, qui ressemblait à certaines figures des danses religieuses de Java. Puis il
se prit les tempes et le front, écrasant ses paupières sous les petits doigts allongés.
- Ils m’ont dit : « C’est notre droit et notre devoir. » Notre devoir ! Heureux celui qui trouve avec
une aussi simple certitude la route de son devoir !
Ses mains retombèrent.
- Au carrefour, on vous dit : « Prenez cette route-là. » Il secoua la tête. « Or, cette route, on ne la
voit pas s’élever vers les hauteurs lumineuses des cimes, on la voit descendre vers une vallée sinistre,
s’enfoncer dans les ténèbres fétides d’une lugubre forêt !… O Dieu ! Montrez-moi où est MON
devoir ! »
Il dit, - il cria presque :
- C’est le Combat, - la Grand Bataille du Temporel contre le Spirituel !
Il regardait, avec une fixité lamentable l’ange de bois sculpté au-dessus de la fenêtre, l’ange
extatique et souriant, lumineux de tranquillité céleste.
Soudain son expression sembla se détendre. Le corps perdit de sa raideur. Son visage s’inclina un
peu vers le sol. Il le releva :
- J’ai fait valoir mes droits, dit-il avec naturel. J’ai demandé à rejoindre une division en campagne.
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Je crus voir flotter sur ses lèvres un fantôme de sourire quand il précisa :
- Pour l’enfer.
Son bras se leva vers l’Orient, - vers ces plaines immenses où le blé futur sera nourri de cadavres.
Je pensai : « Ainsi il se soumet. Voilà donc tout ce qu’ils savent faire. Ils se soumettent tous.
Même cet homme-là. »
Le visage de ma nièce me fit peine. Il était d’une pâleur lunaire. Les lèvres, pareilles aux bords
d’un vase d’opaline, étaient disjointes, elles esquissaient la moue tragique des masques grecs. Et je
vis, à la limite du front et de la chevelure, non pas naître, mais jaillir, -oui, jaillir, - des perles de
sueur.
Je ne sais pas si Werner von Ebrennac le vit. Ses pupilles, celles de la jeune fille, amarrées
comme, dans le courant, la barque à l’anneau de la rive, semblaient l’être par un fil si tendu, si raide,
qu’on n’eût pas osé passer un doigt entre leurs yeux. Ebrennac d’une main avait saisi le bouton de
la porte. De l’autre, il tenait le chambranle. Sans bouger son regard d’une ligne, il tira lentement la
porte à lui. Il dit, - sa voix était étrangement dénuée d’expression :
- Je vous souhaite une bonne nuit.
Je crus qu’il allait fermer la porte et partir. Mais non. Il regardait ma nièce. Il la regardait. Il dit,
il murmura :
- Adieu.
Il ne bougea pas. Il restait tout à fait immobile, et dans son visage immobile et tendu, les yeux
étaient encore plus immobiles et tendus, attachés aux yeux, - trop ouverts, trop pâles, - de ma nièce.
Cela dura, dura, - combien de temps ? – dura jusqu’à ce qu’enfin, la jeune fille remuât les lèvres.
Les yeux de Werner brillèrent.
J’entendis :
- Adieu.
Il fallait avoir guetté ce mot pour l’entendre, mais enfin je l’entendis. Von Ebrennac aussi
l’entendit, et il se redressa, et son visage et tout son corps semblèrent s’assoupir comme après un
bain reposant.
Et il sourit, de sorte que la dernière image que j’eus de lui fut une image souriante. Et la porte se
ferma et ses pas s’évanouirent au fond de la maison.
Il était parti quand, le lendemain, je descendis prendre ma tasse de lait matinale. Ma nièce avait
préparé le déjeuner, comme chaque jour. Elle me servit en silence. Nous bûmes en silence. Dehors
luisait au travers de la brume un pâle soleil. Il me sembla qu’il faisait très froid.
Octobre 1941.
Tous les préparatifs (à détailler) annoncent l’arrivée d’un haut gradé militaire (indices à relever)
Remarque: en temps de guerre, l’armée réquisitionne des maisons pour loger les officiers
supérieurs.
Débat
• Au-delà du texte militant, engagé, il est possible de montrer à quel point ce récit anticipe et
préfigure ce que sera la relation franco-allemande.
• Le respect de l’autre, le sens de la relativité et la communication par-delà les différences de
langue, de culture…sont des valeurs défendues par Vercors.
• Histoires d’amour en temps de guerre : Obstacles, caractère tragique...
8. Evaluation