FR412 H. Belhaj. Histoire Des Idees Et Des Arts
FR412 H. Belhaj. Histoire Des Idees Et Des Arts
FR412 H. Belhaj. Histoire Des Idees Et Des Arts
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DESCRIPTIF DE MODULE
Section 6 : Le Baroque
Section 7 : Le Classicisme
Section 13 : Le Rococo
Section 14 : Le Néo-classicisme
BIBLIOGRAPHIE
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3. Collet, F., Histoire des idées de l'Antiquité à nos jours Précis de culture générale, Ellipses,
2008.
4. Ducro, Xavier, Tartayre, Bernard, XVIIe, Paris, Hachette, Coll. « Perspectives et
Confrontations», 1987.
5. Ducro, Xavier, Tartayre, Bernard, XVIIIe, Paris, Hachette, Coll. « Perspectives et
Confrontations», 1986.
6. Kimball, F., Le Style Louis XV ; origine et évolution du rococo, Paris, A. et J. Picard, 1949.
7. Minguet, PH. , Esthétique du rococo, Paris, J. Vrin, 1966.
8. Praz, M., Goût néoclassique, Le Promeneur, 1989.
9. Puzin, Claude, Littérature : textes et document (XVIIe siècle), Paris, Nathan, Coll. « Henri
Mitterand », Paris, 1987.
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HISTOIRE DES IDEES ET DES ARTS (XVIIe et XVIIIe siècles)
Semestre 2
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dont les effectifs n’augmentaient pas les bienfaits culturels en pleine
croissance. L’école, les collèges, les universités, la famille, l’armée, l’Etat, la
justice, les Eglises, protestantes et catholiques, les villes, étaient à des titres
divers en situation de renforcement et d’expansion. Une forte minorité de la
population apprenait désormais à lire, à écrire, à se comporter de façon moins
criminelle et plus disciplinée ; tout cela devenait source d’avantages pour la
collectivité toute entière, dorénavant mieux administrée, plus civilisée. Est-ce
un hasard si Voltaire, non sans exagération certes, date de l’époque de Louis
XIV les commencements de la véritable civilisation en France ?
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révolutionnaire qui est à la fois ultra-catholique et plébéienne : à quatre
siècles de distance, une espèce de khomeinisme catholique ...
Henri IV apaise ce mouvement fanatique et met fin au cycle français des
guerres civiles, dites guerres de religion, qui contrastait si fortement avec la
paix féconde dont jouissait au même moment l'Angleterre élisabéthaine. Par
l'Édit de Nantes (1598), il crée pour la première fois dans une grande nation
européenne les bases de la coexistence pacifique entre culte catholique et
culte protestant. Les curés et les pasteurs apprennent à vivre les uns à côté
des autres sans s'entretuer ou du moins sans se persécuter. Hélas, la
révocation de l'Édit de Nantes, en 1685, placera le protestantisme hors la loi et
mettra fin à cette heureuse expérience de tolérance mutuelle ; elle aura quand
même duré huit décennies.
Le règne d'Henri IV voit aussi se consolider les pouvoirs d'une classe de
fonctionnaires ou bureaucrates professionnels qu'on appelle officiers ou nobles
de robe : ils sont possesseurs de beaux châteaux et surtout propriétaires de
leur fonction ou emploi dans l'Etat, de leur « charge » ou « office » :
imaginerait-on aujourd'hui un fonctionnaire achetant son poste ? Chose
bizarre, les résultats de ce système n'étaient pas si mauvais. Une caste
bureaucratique de fonctionnaires titularisés et même quasi héréditaires se
formait de la sorte : elle n'était peut-être pas très efficace, mais, relativement
compétente, elle mettait en échec l'absolutisme et le pouvoir arbitraire des
rois ; elle empêchait les excès du despotisme.
Richelieu et Louis XIII, d'autre part, s'opposent aux complots des grands
aristocrates, jusques et y compris à l'intérieur de la famille royale : le propre
frère de Louis XIII (Gaston d'Orléans), sa mère (Marie de Médicis) et la femme
du Roi (Anne d'Autriche)! En brisant ces intrigues hostiles, Richelieu affirme la
vigueur monarchique d'un Etat déjà centralisé, à l'encontre des rêveries
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féodales dont se gargarisent encore les grands seigneurs et les princes ou
princesses de sang royal. Il développe un Etat de finances, à gros budget, qui
dorénavant dispose des moyens monétaires pour sa politique et pour son
armée.
L'énorme tour de vis fiscal qu'il faut envisager pour cela, ajouté aux
mauvaises récoltes de quelques années froides et humides, aux crises de
subsistances, aux pestes, provoque néanmoins de nombreuses révoltes
paysannes et urbaines, dont certaines sont contemporaines de la révolution
d'Angleterre : elles culmineront dans la grande rébellion parisienne et
nationale de la Fronde, à partir de 1648.
La Fronde parisienne et provinciale, en ces années-là, représente une
tentative pour proposer, au lieu de l'omnipotence royale en formation, un
autre type de pouvoir : dans cette hypothèse, les juges importants, autrement
dit les magistrats du Parlement de Paris, et les grands seigneurs, tels Turenne,
Condé, Gaston d'Orléans, contrôleraient le gouvernement, jusqu'alors soumis
à l'arbitraire du Roi, de la Reine, ou au despotisme intelligent du Cardinal
Mazarin, ami de cœur de la reine Anne d'Autriche. Il faut dire que les Français
étaient un peu las d'être dominés par deux couples, l'un masculin, Louis XIII
subjugué par Richelieu, l'autre masculin-féminin, Anne d'Autriche fascinée par
Mazarin. La défaite des Frondes, consommée en 1653, remet en selle Mazarin,
puis Louis XIV, en direction de ce qui va devenir une tentative innovatrice de
monarchie administrative, à tendances absolutistes.
La pensée de Richelieu est fondée tout entière sur l'idée que la puissance
est la seule chose nécessaire à l'État. Le roi doit ne supporter aucune
opposition, et réunit entre ses mains les instruments de la puissance (armée,
finances, réputation). Le pouvoir du roi n'est pas pour autant un pouvoir
personnel : la personne du roi se confond avec l'État. Celui-ci ne pouvant être
partagé, le roi ne doit partager son pouvoir avec personne.
Pour accomplir sa mission politique, la seule importante dans la société, le
pouvoir exige d'être absolu, c'est-à-dire délivré de toute obligation et sans
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aucune limite, pas même celles que pourraient imposer les lois ou la morale.
Le roi n'a à reconnaître à sa propre action qu'un unique motif : la raison
d'État ; c'est à savoir que l'intérêt de l'État prime tous les autres. Le seul
devoir du roi est de suivre ce qui est raison pour l'État.
On a souvent caractérisé l'absolutisme par cette notion de raison d'État, ce qui
est en grande partie exact. C'est à partir de cette idée que les théoriciens
politiques ont repensé et utilisé toutes les institutions existant auparavant.
Mais Richelieu, s'il en fut le principal maître d'œuvre, n'est pas l'inventeur de
cette notion. L'idée de raison d'État semble avoir été mise au jour par un
juriste italien, Botero (Della ragione di Stato, 1589, traduit en français dès
1599).
En fait, cette raison d'État peut, à la limite, être identifiée aux décisions
arbitraires du détenteur de l'autorité, car il n'est besoin ni de preuves ni de
justifications. L'action politique se justifie d'elle-même par sa réussite : tout
renforcement du pouvoir de l'État est la manifestation d'une juste
compréhension de cette raison d'État. Richelieu reconnaît que « cela ouvre la
tyrannie aux esprits médiocres ». Mais l'abus de pouvoir ne présente que des
inconvénients relatifs, car, en ce cas, seuls des particuliers souffrent, alors que
dans le cas de faiblesse de l'État, c'est le corps social tout entier, la collectivité,
la nation qui sont en danger.
La conception de Louis XIV est tout à fait inspirée de celle de Richelieu ;
toutefois, dans l'application pratique, elle s'en distingue par une assez grande
différence : Richelieu met au point un absolutisme du ministériat, Louis XIV un
absolutisme personnel du roi. Richelieu pense que le roi, incarnation du
pouvoir absolu, ne peut pas vraiment l'exercer ; il faut une équipe de
gouvernement homogène, fermement dirigée par un principal ministre –
appréciateur de la raison d'État et que, pour cela même, le roi doit soutenir
contre tous. Le principal ministre est investi d'une puissance autonome,
laquelle ne repose sur aucun élément institutionnel ; mais, sous sa direction,
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doit s'organiser tout un ensemble bureaucratique destiné à exécuter les
décisions du pouvoir absolu.
Pour Louis XIV, au contraire, celui en qui s'incarne le pouvoir doit l'exercer
purement. Le roi est seul à connaître le Tout, et est responsable de tout. Les
hommes ne peuvent le juger d'après les critères de la morale et de la justice :
seul donc le roi peut connaître de la raison d'État, à laquelle il obéit. S'il y a
ainsi un véritable monopole du roi, cela tient aux yeux de Louis XIV à une
correspondance remarquable : la raison d'État est un « mystère divin », dit-il,
et le roi lui-même est d'une autre essence que les hommes ; il y a par
conséquent un « mystère de la monarchie ». Voilà ce qui donne compétence
au roi seul pour discerner et peser la raison d'État. Quant à la pratique
gouvernementale, dans un cas comme dans l'autre, elle est presque la même.
Cet absolutisme pragmatique (dont on peut d'ailleurs rapprocher celui de
Hobbes) est certainement la forme la plus pure, la plus significative de
l'absolutisme. À côté de cela, l'absolutisme de Le Bret ( De la souveraineté du
roi, 1632) est pauvre ; il ne fait que reprendre des idées assez courantes dès
le XVIe siècle. Il est intéressant, non quand il recherche le fondement
théorique de l'absolutisme, mais quand il analyse les moyens juridiques
d'action et d'expression de celui-ci.
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Si l'on se borne à considérer la vaste et complexe doctrine de Bossuet sous
l'aspect de l'absolutisme, on peut y trouver deux idées. Bossuet est encore
plus autoritaire qu'il n'est monarchiste : quelle que soit la forme du
gouvernement, elle est bonne, pourvu qu'elle soit absolue ; car le prince est
ministre de Dieu pour le bien. Tout gouvernement, même païen, est le reflet
de l'autorité de Dieu ; le principe de l'autorité est donc immortel, et toute
révolte une rébellion contre Dieu même.
En second lieu, dans la pratique, la monarchie semble plus apte que
n'importe quel autre gouvernement à maintenir le pouvoir absolu et la
meilleure est la monarchie « successive » : il n'y a pas, grâce à elle,
d'interruption dans le pouvoir. Le roi est intéressé personnellement au bien de
l'État. Son autorité doit être sans limite, ni juridique, ni personnelle, ni,
virtuellement, territoriale. Ses jugements sont souverains ; et s'il faut
entièrement obéir au roi, c'est que seul il connaît l'intérêt public dans la
mesure où l'intérêt du roi et l'intérêt public se confondent. Longtemps avant
Bossuet existait la doctrine du fondement divin du pouvoir, mais ce qui fait la
« monarchie de droit divin », c'est que traditionnellement on tirait de là une
subordination du roi à Dieu, des devoirs, limites et obligations du pouvoir
royal, tandis qu'est ici mise en valeur la « doctrine impériale » née au
XIVe siècle : Dieu est la garantie transcendante de l'élection du roi.
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de police ; et dès 1660 à Paris, puis dans diverses villes, on avait tenté de se
prémunir contre l'action des compagnonnages en interdisant les grèves.
V- La réglementation de la production
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En tant que surintendant des Finances, Colbert avait succédé à un autre
bourgeois bien connu : Nicolas Fouquet, dont le nom est un peu le symbole de
la bourgeoisie financière au XVIIe siècle. Comme Jacques Cœur au XVe siècle,
comme Semblançay au XVIe, Fouquet fut condamné pour concussion. Son
énorme fortune, qu'atteste le somptueux château de Vaux-le-Vicomte, avait
été acquise notamment dans la ferme des impôts et des offices : les traitants
percevaient sur chaque achat d'office une commission allant parfois jusqu'au
quart de son prix ; en 1661, il y avait 45 780 titulaires d'offices dans le
royaume. Fouquet devait être le dernier en date des financiers condamnés
pour malversations ; l'opinion, qui lui était d'abord hostile, avait été
habilement retournée en sa faveur par les écrivains qu'il entretenait, La
Fontaine entre autres.
C'est au XVIIe siècle enfin que se constituent une pensée, une philosophie,
un art, une littérature demeurés typiques de la société bourgeoise et
perpétués jusqu'à notre temps, à l'exclusion de toute autre forme de culture,
dans l'enseignement : culture à base d'humanisme gréco-romain, fondée sur
l'usage du raisonnement discursif dans la recherche de la vérité, et trouvant
dans l'adoption des canons antiques son esthétique et jusqu'à sa morale, celle
de l'« honnête homme ». L'étatisme régnant alors se manifeste en ce domaine
par la création de l'Académie française (1634) et par celle des autres corps
académiques.
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Si la fondation de l’Académie française par Richelieu en 1635 marque une
date importante dans l’histoire de la culture française, c’est parce que, pour la
première fois, les débats d’une assemblée de lettrés ont été considérés comme
pouvant jouer un rôle éminent dans le devenir de la société et de la nation.
Ainsi, les statuts et règlements visés par le cardinal, puis l’enregistrement au
Parlement de Paris, en juillet 1637, des Lettres patentes signées par Louis
XIII, consacrèrent le caractère officiel d’une institution parisienne, dont le
Cardinal de Richelieu était nommé « le chef et le protecteur » (fonction
exercée aujourd’hui par le chef de l’État), et dont la mission revêtait un
caractère expressément national. Si l’ « une des plus glorieuses marques de la
félicité d’un État était que les sciences et les arts y fleurissent et que les lettres
y fussent en honneur aussi bien que les armes », ce serait le rôle de
l’Académie de donner à la langue française les moyens d’y parvenir.
Les statuts de l’Académie française ont donc cette particularité qu’ils lient
l’autorité de la Compagnie et de ses membres au magistère intellectuel qu’ils
leur confèrent et qui aura à s’exercer sur la langue. « La principale fonction de
l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à
donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et
capable de traiter les arts et les sciences » (article XXIV). À cet effet, « il sera
composé un dictionnaire, une grammaire, une rhétorique et une poétique »
(article XXVI), et seront édictées pour l’orthographe des règles qui
s’imposeront à tous (article XLIV).
Dès cette première édition, l’Académie voulut que son Dictionnaire fût un
dictionnaire de mots plutôt qu’un dictionnaire de choses. Distinction qu’il ne
convient pas de forcer, mais qui signale au moins une tendance, et même un
choix. Le but du Dictionnaire de l’Académie était d’informer sur la nature
grammaticale des mots, leur orthographe, leurs significations et acceptions,
leurs usages syntaxiques, leurs domaines d’emploi, le niveau de langue qui en
détermine lui aussi l’emploi. Lors même que le développement des sciences et
des techniques incitait l’Académie à introduire, dans la quatrième édition
(1762), des milliers de mots appartenant à des domaines spécialisés, elle le fit
avec pondération, mais elle le fit, parce que plusieurs termes « qui n’étoient
autrefois connus que d’un petit nombre de personnes, ont passé dans la
langue commune» (Préface, 1762). Ce principe est resté le sien.
II- Le libertinage
A mœurs libertines, idées libertines. L'époque est caractérisée par une crise de
conscience qui se traduit par les progrès de l'impiété ou de l’incrédulité, l'essor du
scepticisme ou de la « libre-pensée ». A cela plusieurs raisons : les croyances
religieuses sont sorties amoindries des conflits du siècle précédent ; le dégoût a parfois
engendré l’indifférence ; les philosophies païennes, remises à l’honneur par les
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humanistes, ont concurrencé la vision chrétienne du monde ; les excès de la Contre-
Réforme, une restauration trop zélée de la foi ont affermi le doute ou l'hostilité. Il y eut
donc des esprits forts, « francs-gaulois » aimant à se gausser et satiriser, bourgeois
gallicans ennemis du Pape et des Jésuites ou adeptes d'un catholicisme modéré,
« politiques » soucieux de paix et d'ordre, volontiers enclins au machiavélisme,
mondains modernes ou épicuriens. L'évolution des circonstances conduisit néanmoins
ces tièdes ou ces détracteurs à la prudence, voire à l'hypocrisie ; il leur faudra patienter
jusqu’à l'explosion de liberté que déclencha la mort Louis XIV.
2- Le libertinage érudit
En fait les attaques les plus dangereuses pour l’ordre établi, politique et religieux,
les idées les plus hardies - celles qui trouveront leur aboutissement dans les «lumières»
du siècle suivant – naissaient dans ces cercles restreints et discrets qui réunissaient
nombre de savants ou d'esprits éclairés (philosophes, érudits, hommes de science,
médecins, gens du barreau, de la magistrature, de l'Église même), désireux d'échanger
librement, à l'abri de la censure et des vexations officielles, informations et réflexions.
Certes ce libertinage savant avait bien des facettes, depuis le rationalisme critique
jusqu’à l'épicurisme moral, depuis un catholicisme raisonnable jusqu'à un athéisme
matérialiste ; mais ses adeptes avaient tous en commun le goût de la réflexion
indépendante et de la tolérance, le mépris des dogmatismes et des fanatismes ; ils
étaient hommes de raison et de modération.
Certains d'entre eux s'employèrent cependant à ruiner les vérités officielles, en
entamant cette critique du christianisme, de ses preuves historiques et positives, de ses
institutions et de ses miracles, qui n'a cessé de se développer au cours du siècle sous la
plume d'un Hobbes, d'un Locke, d'un Bayle, avant d'être orchestrée par les écrivains
philosophes du règne de Louis XV. Leurs écrits se caractérisent par un prudent
conformisme d'expression - pour obtenir le permis d'imprimer - et le constant recours à
toutes sortes de ruses : sous-entendus, allusions, paraboles, citations respectables,
procès non du catholicisme mais des religions antiques, satires non de la société
française mais des sociétés disparues ou lointaines, etc.
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3- La pensée libertine
- Le culte de l'individu
Le libertin est un épicurien ; conscient de la fragilité de la vie, du tragique de
notre condition, il réagit en proposant un art de vivre qui méprise les ambitions et
les excès, qui prône l'amitié et la paix des sens.
- Le rationalisme critique
Les libertins refusent d'admettre l'irrationnel sans le discuter ; ils ne croient pas
au miracle, à la chronologie biblique, à la nécessité d'être croyant pour être
vertueux ; ils s'intéressent aux autres religions (« Saint Confucius, priez pour
nous», s'exclame La Mothe le Vayer) ; ils méprisent les crédulités ignares et tout
fanatisme.
- Le matérialisme :
Influencés par Démocrite et Épicure, les intellectuels libertins voient l'univers
comme un gigantesque animal vivant, éternel et fécond, où l'homme n'est qu'un
être comme les autres ; l'immortalité de l'âme est une chimère et l'esprit trouve son
origine dans les sens.
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- Le déisme :
Le vrai matérialiste finit par confondre Dieu avec la nature elle-même ; cette
étape ultime conduit à l'athéisme, mais il semble que la plupart des libertins s'en
soient tenus au déisme, à une vague croyance en un être suprême, le créateur.
- La Tétrade
À partir de 1628, la Tétrade réunit quatre amis, penseurs actifs et rapidement
rayonnants : Diodati, La Mothe le Vayer, Gassendi et Naudé. Moins dévoyés et moins
extrémistes que leurs prédécesseurs, ce sont des savants, esprits curieux de tout, libres
et supérieurs, versés en théologie, histoire, sciences exactes, etc. : avec leurs
compagnons les frères Dupuy, des bibliothécaires, ils font figure de premiers
encyclopédistes et contrecarrent les puissantes ligues d'action catholique, telle la
fameuse Compagnie du Saint-Sacrement, ou le prosélytisme religieux (jésuites,
oratoriens, saint-sulpiciens, etc.).
Section I : Le Baroque
I- La poésie
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1- Le nouvel âge d'or de la poésie
3- Traditions et variations
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1600 est un point d'arrivée autant que de départ : les derniers poètes de la
Renaissance, comme Agrippa d'Aubigné, publient avec du retard leurs œuvres,
et leur esthétique relève du siècle précédent. Jusqu'en 1620, une première
vague de nouveaux poètes sacrifie à des styles contrastés et même opposés ;
une manière moderne se fait jour avec Malherbe et ses disciples ; mais
l'ancienne persiste. A partir de 1620, une modernité plus neuve encore
s'affirme avec des écrivains comme Théophile de Viau ; après 1630 prévaudra
la poésie « précieuse ».
Deux poésies au fond rivalisent l'une avec l'autre, sans qu'on puisse parler
de victoire décisive. La plus ancienne, encore inféodée à la tradition
humaniste, pétrarquiste, ronsardienne ou italianisante, s'abandonne aux fastes
de l'imaginaire, aux ivresses sensuelles, pieuses ou morbides, aux valeurs de
la sensibilité. Elle privilégie les images étonnantes, les métaphores « filées» les
déguisements rhétoriques, les énigmes, les arabesques, les compositions en
vagues ou en spirales. Elle relève en fait de la mentalité et de l'esthétique
baroques.
La plus moderne, qui sera surtout illustrée par Malherbe et ses disciples,
prétend rompre avec la tradition poétique, sans toutefois innover en matière
de formes, et rejette les raffinements, les outrances et peut-être les
extravagances de la première. Elle entend promouvoir une esthétique de
raison, faite de clarté, de naturel, d'équilibre. Elle s'adresse davantage à
l'intelligence, au jugement, moins au cœur ou à l'âme ; elle préfère les
méditations aux chocs sensibles. Elle aspire et parvient déjà au «
classicisme ».
Une étude sociologique rattacherait la première manière à une société
encore en mouvement ou divisée, faisant prévaloir dans un système encore
féodal les valeurs de l'affectivité, et cédant aux vertiges baroques, la seconde
à une société tendant à l'ordre et à l'équilibre, dominée par le centralisme
monarchique, et cultivant des valeurs nouvelles - de raison, de retenue, de
sérieux intellectuel, - tout à la fois mondaines et bourgeoises.
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II- La préciosité
1- Définition
2- Un phénomène de société
Deux noms ont fini par résumer la « préciosité de relation» (René Bray),
ceux de la marquise de Rambouillet et de Mlle de Scudéry, lesquelles en ont
incarné successivement les deux générations ou périodes.
A l'Hôtel de Rambouillet s'est retrouvée pendant des années la meilleure
société du temps, dans les beaux salons de réception - dont la fameuse
«Chambre bleue» - de la maîtresse de maison, une grande dame fine et
délicate, d'origine italienne, qui avait décidé, rebutée par les fatigues de la
Cour et la rudesse persistante d'une certaine noblesse française, de se retirer
chez elle pour y recevoir des êtres selon son cœur. On aimait les
conversations, où l'on parlait de « galanterie » et de littérature ; on s'écrivait,
on faisait des vers. Les invités Voiture, Malleville entre autres valaient pour la
délicatesse de leurs pensées et de leurs manières, les agréments de leurs
propos ou de leur culture. On raffolait de poésie et de romanesque. Le cercle
rayonna sur la capitale entre 1620 et 1648.
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De moindre naissance, Mlle de Scudéry a tenu plus tard, de 1653 à 1661
environ, un salon moins brillant, plus bourgeois d'esprit, plus sérieux et plus
intellectuel. Cette romancière célèbre mit à la mode le « jour» des femmes du
monde, et se fit, à ses samedis, l'ordonnatrice d'une préciosité plus savante,
plus littéraire, où les exercices de style l'emportaient quelque peu sur les
plaisirs mondains, les préoccupations morales et les analyses psychologiques
sur les badinages frivoles.
Dans le sillage de ces cercles illustres se multiplièrent à Paris, puis en
province, des «ruelles » ou « alcôves» où nombre des femmes de la noblesse
et de la bourgeoisie se mirent à recevoir, dans des chambres luxueusement
décorées, leurs connaissances et amis, ces « précieuses» et ces « précieux»
dont les satiriques ne tardèrent pas à se moquer.
3- Le féminisme précieux
4- Préciosité et littérature
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précieux, nourrirent toutes les peintures des passions. L'idéalisme précieux se
reconnaît dans les deux tentations du siècle : l'héroïsme et le romanesque.
1- Contre-thèmes et dissonances
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2- Les «grotesques »
3- Les satiriques
Une autre poésie se veut plaisante toujours, mais aussi sérieuse, tout à la
fois agréable et utile. La satire - qui remonte à l'Antiquité - veut faire réfléchir,
et entend corriger les travers et les vices, censurer les mœurs, dénoncer les
tares de la société par le biais du divertissement. Une peinture humoristique
ou ironique, cruelle ou amusée, caricature les sentiments, les comportements
et les usages. La réprimande, la critique, l'invective parfois l'emportent alors
sur la bouffonnerie. Les satires, les épîtres ont poursuivi - et cela tout au long
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du siècle, jusqu'à Boileau notamment - une véritable « enquête psychologique,
morale et sociale» (R. Picard).
Mathurin Régnier, Théophile de Viau surtout ont donné ses lettres de
noblesse à la satire du temps. Le pittoresque et la crudité se rencontrent
encore dans l'œuvre du premier, mais y prévaut un amer sentiment des
désordres, folies, injustices du genre humain en général et de la société
contemporaine en particulier. Le second se replie sur les positions d'un groupe
d'esprits éclairés et d'âmes d'élite, sur un libertinage philosophique fait
d'individualisme et d'hédonisme raisonnés.
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II est significatif que l'exercice de style ait fini par prendre la forme
contraire. Avant Boileau, un poète précieux, Jean-François Sarasin, fut
l'inventeur en France, avec son Dulot vaincu ou la défaite des bouts rimés
(1654), du poème héroï-comique, de sujet vulgaire mais de style noble.
Comme le dira plus tard Perrault, il ne s'agissait plus de faire rire « en parlant
bassement des choses les plus relevées» mais «en parlant magnifiquement
des choses les plus basses».
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utilitaire de l'art, l'importance, par rapport au génie, du métier poétique, enfin
la distinction des genres.
1- L'utilité de l'art
3- L'imitation
1- Un théâtre régulier
L'unité de temps
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portée décisive ou fatale, les dramaturges firent de tragédie classique une
crise violente et rapide, surtout psychologique, toujours exemplaire.
L'unité de lieu
L'unité d'action
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Ménage (1613-1692) : cet autre érudit mondain, poète précieux à ses
heures, se fit une belle réputation de savant critique ; ses opinions
comptèrent dans le mouvement littéraire de l'époque.
Corneille (1606-1684) fit figure assez tard de théoricien avec ses
Discours et Examens où il interprétait avec l'œil du praticien et souvent
de façon originale la doctrine aristotélicienne.
Boileau (1636-1711) n'est pas l'inventeur de la doctrine classique ; son
Art poétique, paru en 1674, n'est qu'un résumé des principes établis par
les doctes avant 1660 ; il eut du moins le mérite de leur donner une
formulation claire et énergique.
1- La Comédie
2- La tragédie
La tragédie naît dans l’Antiquité, à Athènes au VIe siècle av. J.-C. Les
dialogues des acteurs alternent avec le chant du chœur, et les malheurs
survenus à de grands personnages sont mis en scène. Aristote, dans La
Poétique, détermine les six parties qui composent la tragédie : « la fable, les
caractères, l’élocution, la pensée, le spectacle et le chant » (chap. 6). Il
montre que la tragédie a pour but de susciter la terreur et la pitié afin d’opérer
une purgation des passions qu’il nomme catharsis. C’est au Ve siècle av. J.-C.
que la tragédie antique connaît son apogée avec Eschyle, Sophocle et
Euripide.
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Au début du XVIIe siècle, un genre nouveau apparaît : la tragi-comédie a
pour particularité de présenter un dénouement heureux (Le Cid de Corneille,
1636). Le XVIIe, siècle du classicisme, voit l’apogée d’un genre tragique qui
devient extrêmement codifié. La tragédie est en vers, comprend cinq actes,
doit présenter des personnages de haut rang et s’inspirer de sujets antiques
(Cinna, Rodogune de Corneille), mythologiques (Phèdre, Andromaque,
Bérénice de Racine), bibliques (Esther, Athalie de Racine). Le sujet tragique
par excellence est le conflit de la passion avec la raison. L.Goldmann définit
ainsi l’homme tragique dans Le Dieu caché (Gallimard, 1 76) : L’homme est
un être contradictoire, union de force et de faiblesse, de grandeur et de
misère ; l’homme et le monde dans lequel il vit sont faits d’oppositions
radicales, de forces antagonistes qui s’opposent sans pouvoir s’exclure ou
s’unir, d’éléments complémentaires qui ne forment jamais un tout. La
grandeur de l’homme tragique, c’est de les voir et de les connaître dans leur
vérité la plus rigoureuse et de ne jamais les accepter.
La tragédie est régie par la règle des trois unités ainsi que par celles de la
bienséance et de la vraisemblance.
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Une structure classique : l’exposition, le nœud accompagné de
quiproquos, de péripéties, et le dénouement qui voit souvent la mort
d’un personnage.
Des thèmes récurrents : l’amour, la haine, la jalousie, le sens de
l’honneur et la fatalité contre laquelle l’homme tragique ne peut rien.
Le dynamisme du héros : le héros tragique est héroïque.
Des procédés rhétoriques particuliers : l’alexandrin reste le vers tragique
par excellence. On trouve de nombreux procédés d’amplification qui
visent à rendre les personnages héroïques. Le monologue rend compte
des conflits internes des personnages, et le récit tragique a pour
fonction de faire l’éloge d’un héros ou d’une action héroïque impossible
à représenter sur scène. L’hypotypose permet de faire vivre sous les
yeux du spectateur une action qui n’a pas pu se dérouler sur la scène.
Corneille, à travers ses pièces (Le Cid (1636), Horace (1640), Cinna
(1641), Polyeucte (1643)...) a nourri une abondante réflexion sur la tragédie
classique et a défini les caractères qui lui semblent devoir être les siens :
l'action doit être complexe, illustre (le sujet en est le plus souvent un
épisode célèbre emprunté à l'histoire ou la légende), extraordinaire (au
risque d'être jugée peu vraisemblable), et sérieuse. Corneille donne sa
préférence aux tragédies politiques et aux passions nobles. L'amour ne
tient, dans son œuvre, qu'une place secondaire.
le héros est un être fier, guidé par la recherche de la gloire, qui est une
forme passionnée de l'honneur. Le héros cornélien a une haute idée de
44
ce qu'il est et de ce qu'il se doit. Il aspire à la plus complète réalisation
de lui-même
le conflit qui déchire le héros cornélien traduit les obstacles qu'il
rencontre sur le chemin de la grandeur. Il ne pourra se heurter qu'en
surmontant la crise morale qui l'accable. C'est, le plus souvent, à
l'amour que se heurte l'honneur, et le dénouement voit généralement la
sublimation de la passion amoureuse dans le renoncement. L'honneur
est ainsi préservé.
Section I : Le Baroque
I- Définition
Le mot baroque, qui apparaît pour la première fois au XVIIIe siècle dans le
Dictionnaire de l’Académie, où il est donné comme synonyme
46
d’ « irrégularité », définit, en fait, le style particulier qui s'est développé à
Rome au XVIIIe siècle, autour des créateurs originaux que sont Borromini, le
Bernin et Pierre de Cortone. L'ordre des Jésuites, grand défenseur de la
Contre-Réforme, adopte rapidement l'art baroque et le diffuse à travers
l'Europe : en Flandre, en Autriche, en Bohême, en Bavière, en Espagne enfin,
et, de là, en Amérique du Sud. Ce mouvement se propagea avec une certaine
discontinuité dans le temps, jusqu'au milieu du siècle suivant.
48
Dans son Histoire de l'art, Gombrich souligne que le mot baroque n'a été
employé que tardivement par des auteurs qui voulaient lutter contre les
tendances du XVIIe siècle et désiraient les tourner en ridicule. Baroque (qui
vient du portugais barroco qui désigne une pierre irrégulière) signifie en effet
absurde ou grotesque et a été employé d'abord par des gens qui estimaient
que les éléments de la construction antique n'auraient jamais dû être
employés ou combinés autrement que ne l'avaient fait les Grecs et les
romains. Ainsi de l'église du Gésu à Rome en 1575, qui combine des éléments
classiques et quelques éléments décoratifs nouveaux (pilastres, volutes de
séparation pour les deux étages) pour un effet d'ensemble radicalement
nouveau, l'architecture baroque trouvera son point d'aboutissement dans
l'église romaine de Sainte Agnès, achevée en 1653 selon les plans de
Francesco Borromini.
L'évolution de la peinture est dans une certaine mesure comparable à celle
de l'architecture. Sortant de l'impasse où la conduisaient les maîtres du
maniérisme, elle accéda à un style beaucoup plus riche de possibilités. Dans
les chefs-d'œuvre du Tintoret ou du Greco, l'accent était déjà mis sur le rôle
de la lumière et de la couleur, l'abandon d'une stricte symétrie dans la
composition au profit d'agencements plus complexes. En dépit de ces
éléments de continuité, la peinture du XVIIe siècle n'est pas le prolongement
du maniérisme. Tel était du moins le sentiment des contemporains. Ils
parlaient surtout de deux peintres venus à Rome de l'Italie du nord et dont les
principes étaient considérés comme diamétralement opposés. L'un était
Annibale Carrache (1560-1609), originaire de Bologne, l'autre Michel-Ange de
Caravage (1565 ?-1610) originaire d'un petit bourg voisin de Milan. Tous deux
étaient las du maniérisme et voulaient s'affranchir de ses préciosités. Mais
c'était là leur seul point commun. Annibale Carrache était issu d'une famille de
peintres influencée par l'art vénitien et par le Corrège. Arrivé à Rome, il tomba
sous l'emprise du génie de Raphaël. Il rêva de retrouver quelque chose de la
beauté et de la simplicité de ce peintre, loin de vouloir s'y opposer comme
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l'avaient fait les maniéristes (…) Caravage et ses adeptes n'appréciaient guère
l'art de Carrache. Pour Caravage, reculer devant la laideur n'était que faiblesse
méprisable. Il voulait avant tout la vérité, la vérité telle qu'il la voyait.
Section II : Le Classicisme
I- Préambule
Pour les théoriciens anglo-saxons, tout le XVIIe siècle est baroque. Lorsque
Heinrich Wölfflin intitule son ouvrage de 1912 : L'Art classique, c'est pour
mieux le sous-titrer Initiation au génie de La Renaissance italienne, réservant
ainsi l'art classique aux XVe et XVIe siècles. Il développera sa thèse dans
Principes fondamentaux de l'histoire de l'art où il prouvera de manière
définitive que tous les peintres du XVIIe ont bien éprouvé le même
bouleversement du sentiment décoratif (ce qui mérite d'être peint) et du
sentiment imitatif (comment le peindre).
Le classique français du XVIIe répond lui aussi, sauf peut-être pour le
premier point, aux principes baroques évoqués par Wölfflin. Ernst Gombrich
admet toutefois dans son Histoire de l'art, une diversité dans la vision au
XVIIe siècle avec, d'un côté ceux qui réagissent au maniérisme par une
pensée ordonnée comme Anibal Carrache et Guido Reni et ceux qui inventent
le baroque à la suite du Caravage.
Sans aller jusqu'à replacer Anibal Carrache et Guido Reni au sein d'une vision
classique qui s'opposerait à celle du Caravage, nous suivrons les historiens
d'art français et nos encyclopédies nationales pour cerner un mouvement
classique au sens historiquement restreint du terme.
50
L'art classique français repose ainsi, comme à la Renaissance, sur une
admiration et une inspiration des modèles de l'Antiquité. Il concerne la période
de l'art français qui dans la seconde moitié du XVIIe, sous le règne de Louis
XIV, se rapprocha le plus des modèles grecs et romains conçus comme des
références idéales.
Quoique l'architecture s'appuyât sur des traités, elle ne possédait guère de
doctrine avant que Fréart de Chambray fit paraître en 1650, son Parallèle de
l'architecture antique avec la moderne, qui proposait comme modèle
l'Antiquité. Deux ans plus tôt, la création de l'Académie royale de peinture et
de sculpture apparaît comme la première tentative de rassemblement, dans
ces deux disciplines, d'artistes épris d'un même idéal d'ordre et de raison, qui
se matérialise dans la formation d'une école académique. Sous la direction de
Le Brun, celle-ci se fera, à partir de 1663, le défenseur de la doctrine
classique. Elle sera complétée par la fondation en 1670, de l'Académie
d'architecture dirigée par François Blondel.
Cette doctrine ne vise pas seulement à régir contre les abus et les tumultes
du baroque mais à susciter un état d'esprit, à élaborer un style esthétique
répondant à la grandeur du siècle de Louis XIV. Le roi, s'appuyant sur des
serviteurs aussi zélés que Le Brun, Colbert, surintendant des bâtiments et
Jules Hardouin-Mansart, architecte de Versailles, donna à son style son sens le
plus ample et le plus grandiose, propre à exalter la personne royale et, à
travers elle, la monarchie française à son zénith.
L'Antiquité et son expression moderne, la Renaissance, sont donc la base
du mouvement qui commence vers 1650. Annoncée par les courants qui se
sont dessinés dès la première moitié du siècle, dans les provinces françaises
où l'influence italienne (maniérisme et caravagisme) et flamande (survivance
du baroque) se sont progressivement fondues dans une prise de conscience
de plus en plus profonde d'un réalisme spiritualiste vivifié par le goût de la
mesure, de la sobriété et de l'harmonie (Georges de La Tour, les frères Le
Nain). Soutenue par le pouvoir, animée par les académies et leurs écoles, la
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renaissance classique aura trouvé en Nicolas Poussin, dont la majeure partie
de l'existence se déroula pourtant à Rome et pour une bonne part avant 1650,
une pensée vivante.
Quand, en 1642, Nicolas Poussin écrit : « Mon naturel me contraint à
chercher et aimer les choses bien ordonnées, la confusion m'est contraire et
ennemie », il semble qu'il donne son évangile à cette satisfaction de
l'intelligence, de la raison, de l'ordre et du goût qu'exprimera, dans une
communication étroite avec les anciens, l'art classique français. Celle-ci
d'ailleurs se retrouvera dans la littérature, la poésie, le théâtre et l'histoire.
La personnalité de Le Brun s'imposa à tous ceux qui travaillèrent pour la
gloire de la monarchie à cette naturalisation de la grande décoration bolono-
romaine qui caractérise le classicisme pictural de Versailles. Pour la peinture
religieuse et les genres considérés comme mineurs (portraits, paysages,
scènes de genre) dont la clientèle privée se satisfait pleinement se retrouvent
mais plus sensibles et plus harmonieuses les qualités d'ordre d'harmonie
d'équilibre et de mesure du gout royal. Une spiritualité, un sens de
l'observation réaliste du quotidien des retrouvent aussi chez Philippe de
Champaigne, Le Sueur, Sébastien Bourdon, Largillière ou Valentin.
Les malheurs de la monarchie, le déclin de l'autoritarisme royal et la
disgrâce puis la mort, en 1690, de Le Brun ne permirent pas à l'art classique
de se montrer ferme vis-à-vis du Rococo, cette résurgence du baroque. Le
classicisme survivra à ce baroque sans frénésie et sans outrances et pour
renaitre avec le néo-classicisme.
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PARTIE SECONDE : HISTOIRE DES MENTALITES, HISTOIRE DE
LA LITTERATURE ET DES ARTS AU XVIIIE SIECLE
Une nouvelle philosophie, née au XVIIe siècle, et qui avait prospéré durant
tout le siècle suivant, faisait du rationalisme et de l’empirisme des certitudes
qui effaçaient l'image médiévale de la société. La tradition et les coutumes
devaient céder la place à la raison et à un certain individualisme dans la
pensée et l'action, qui s'opposaient aux doctrines politiques et religieuses en
usage jusqu'alors. Voltaire fut, avec J.-J. Rousseau, Montesquieu et les
encyclopédistes, l'un des hommes qui illustrèrent le mieux ce « siècle des
lumières», le XVIIIe siècle.
Ces idées nouvelles allaient trouver une application politique à l'issue de la
lutte pour leur indépendance des colonies britanniques d'Amérique.
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En prenant le parti des colons américains contre la Grande-Bretagne,
Vergennes (ministre des Affaires étrangères de Louis XVI) voulut, en 1778,
venger Choiseul et effacer l'opprobre qui s'attachait au traité de Paris de 1763.
Celui de Versailles (1783), qui ratifiait la victoire américaine, souleva un
enthousiasme extraordinaire en France ; les armes françaises étaient
réhabilitées, et l'adversaire britannique, à son tour, vaincu et humilié.
Cet effort militaire en faveur de la république d'outre-Atlantique avait coûté
fort cher au Trésor royal, qui connaissait déjà certaines difficultés. Le ministre
Necker avait tenté d'équilibrer le budget de l'État au moyen d'emprunts à
l'étranger. Entre 1778 et 1781, la dette française s'accrut dans des proportions
inquiétantes, et Necker dut se démettre. Ces dépenses militaires
représentaient près de 25 p. 100 du budget, sans autre contrepartie ou
avantage que de savoir la Grande-Bretagne chassée du territoire des «treize
colonies». On parla alors d'un plan audacieux, destiné à établir la règle de
l'égalité devant l'impôt.
De mauvaises récoltes de blé, un stockage excessif des denrées de
première nécessité par certains spéculateurs ajoutèrent encore au malaise né
des problèmes financiers. Cette disette, qui n'était pas le fait du seul hasard,
allait servir de catalyseur aux événements qui se produiraient à partir de mai
1789, période pour laquelle le roi avait convoqué les Etats généraux.
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substitué le vote par tête, ce qui transforma les Etats généraux en Assemblée,
et le Tiers en majorité parlementaire.
Louis XVI opposa son veto à la transformation des États généraux en
Assemblée, d'où la célèbre phrase de Mirabeau, dite au Jeu de paume, le 23
juin 1789 : «Allez dire au roi que nous sommes ici par la volonté du peuple et
que nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes.» Le conflit entre le
roi et l'Assemblée s'ouvrait. Louis XVI, manquant de fermeté, s'inclina et retira
son veto peu après.
La révolution s'étendait partout en France. Le 14 juillet à Paris, la foule
s'attaqua à la
Bastille, forteresse et prison royales, pratiquement vide de prisonniers ; elle
était le symbole de la tyrannie. Le massacre de la garnison (qui n'opposa pas
de résistance réelle) et l'exécution du gouverneur de Launay (dont la tête fut
hissée au bout d'une pique et montrée dans toute la ville) révélèrent la
détermination extrême de certains révolutionnaires de ne point reculer devant
les solutions radicales. Des milices civiles s'organisèrent. Le commandement, à
Paris, de la garde nationale fut confié au marquis de La Fayette.
La disette et la crainte de voir l'armée royale marcher sur la capitale
provoquèrent la «Grande Peur » de 1789. Le 5 octobre, une foule où
dominaient les femmes se rendit à Versailles, pour y chercher le roi et le
contraindre à lever son veto contre la loi votée durant la nuit du 4 août,
relative à l'abolition des privilèges du clergé et de la noblesse. Le « boulanger,
la boulangère et le petit mitron » furent ramenés et escortés, par cette foule
et par La Fayette, à Paris ; ils étaient désormais les prisonniers de l'Assemblée
et du peuple.
Ainsi, en moins de sept mois, la France était passée du régime absolutiste
à une monarchie constitutionnelle. Des hommes nouveaux espéraient aller
plus loin encore. Le sujet était devenu citoyen.
4- Varennes
L'année 1792 débuta sur les accords d'un nouveau chant de guerre, celui
des volontaires marseillais pour l'armée du Rhin la « Marseillaise», qui
deviendra l'hymne officiel de la République française.
En mars, le nouveau gouvernement fut formé principalement par des
Girondins (aile radicale de l'Assemblée), dont les visées étaient
particulièrement belliqueuses. L'Autriche, ennemie traditionnelle des rois,
devenait pour Danton, Dumouriez, Mme Roland, Vergniaud et Brissot,
l'ennemie idéologique qu'il fallait abattre. Louis XVI, en avril, lut, avec une
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apparente froideur, un texte de déclaration de guerre qui, en fait, s'adressait à
ses beaux-parents.
La Fayette, battu aux Pays-Bas par les Austro-Prussiens en juin, les
Girondins démissionnèrent le 16, en prétextant que le roi ne voulait pas que
Paris fût doté d'une garnison ; le 20, la foule envahit les Tuileries, et Louis XVI
dut coiffer le bonnet rouge afin de l'apaiser. Le 11 juillet, l'Assemblée
proclama la patrie en danger, bien que les alliés ne dussent pénétrer en
France que le 11 août ; le 25 juillet, le duc de Brunswick publia un manifeste
violent contre la Révolution : il y menaçait ouvertement les ennemis intérieurs
du roi de France.
Pour la seconde fois, des émeutiers envahirent les Tuileries, le 10 août, et
Danton, de l'Hôtel de Ville, annonça que la Commune de Paris serait l'exemple
permanent du nouveau gouvernement. En coulisse, Robespierre travaillait
pour lui-même, en tâchant de mettre sur pied une Convention, élue au
suffrage universel. Cette «seconde révolution » eut comme conséquences
directes l'incarcération du roi et de sa famille à la prison du Temple, et
l'accession au pouvoir de Danton, devenu ministre de la Justice.
Les troupes austro-prussiennes prirent Verdun (fin août) ; La Fayette se vit
destitué et remplacé par Dumouriez à la tête de l'armée du Nord ; en
septembre, à Valmy, les Français arrêtèrent l'ennemi. Cette première victoire
des troupes révolutionnaires fut suivie d'une offensive qui les mena jusqu'à
Bruxelles.
Parallèlement à ces victoires, la crainte suscitée par la présence des
coalisés à 200 km de Paris fit que l'on commença à emprisonner un grand
nombre d'aristocrates et de prêtres non jureurs (loi sur les suspects). Le 2
septembre, près de 2000 détenus «suspects" furent massacrés dans les
prisons par ceux qui reçurent le nom, peu glorieux, de «septembriseurs ». On
prit prétexte, pour ce massacre, de la présence de l'ennemi autour de Verdun.
Le 21 septembre, la Convention nationale proclama la république. En
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décembre, Louis XVI, devenu «Louis Capet », comparut devant cette
assemblée afin d'être jugé.
7- La Vendée
8- La Terreur
9- 1794 : Thermidor.
Conclusion
Au début du XVIIIe siècle, la diffusion des idées nouvelles est favorisée par
les transformations de la vie sociale. Tandis qu'à Paris et même en province la
vie de société se développe grâce à la prospérité économique, le prestige de
Versailles décline. Les hommes de lettres désertent de plus en plus la Cour et,
désormais affranchis de toute sujétion, aspirent à vivre de leur plume ; ils
travaillent dans l'agitation du monde et pénètrent partout où l'on peut
discuter. Au Club de l'Entresol et dans les cafés à la mode, comme le Café
Procope, ils discutent librement les problèmes du jour. L'idéal nouveau
commence à pénétrer dans les salons : si l'on ne songe guère qu'à se divertir
chez la duchesse du Maine, chez Mme de Lambert on prend parti, en
littérature, pour l'esprit moderne ; chez Mme de Tencin, on intrigue et on
prépare la lutte philosophique.
2-2- L'insécurité
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La censure et les persécutions entravent encore la liberté d'expression. La
hardiesse croissante des ouvrages suscite des répressions sévères. Un arrêt du
Conseil du Roi ou du Parlement peut supprimer un ouvrage par le feu ou par
le pilon ; une simple lettre de cachet suffit pour envoyer son auteur à la
Bastille ou à Vincennes. Ainsi Voltaire fut emprisonné en 1717 pour avoir laissé
circuler une satire politique écrite de sa main ; Diderot, en 1749, pour avoir
publié la Lettre sur les Aveugles, où perçait son irréligion. Encore après 1750,
maigre l'affaiblissement du pouvoir central, la surveillance continue à s'exercer
: la publication de l'Encyclopédie fut suspendue à plusieurs reprises, et un
arrêt du Parlement obligea Rousseau à fuir en Suisse, après la publication de
l'Émile.
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3- Les foyers de la vie intellectuelle
Les écrivains se réunissent dans les endroits à la mode clubs, cafés, salons.
La compagnie privée la plus célèbre est celle que fonda, vers 1720, l'abbé
Alary à l'entresol de l'hôtel du président Hénault, place Vendôme.
Elle comprenait une vingtaine de membres. L'un d'eux, le marquis
d'Argenson, la définit comme « une espèce de club à l'anglaise ou de société
politique parfaitement libre, composée de gens qui aimaient à raisonner sur ce
qui se passait... et dire leur avis sans crainte d'être compromis », On se
réunissait à l'Entresol le samedi ; l'été, on se promenait aux Tuileries sur les
terrasses. On commentait les nouvelles du jour et on lisait des mémoires.
Montesquieu, admis dans cette société après le succès des Lettres persanes,
présenta en 1722 son Dialogue de Sylla et d'Eucrate. La hardiesse de ces
conférences finit par inquiéter le pouvoir ; et les réunions furent pratiquement
suspendues après 1731.
L'animateur de ce club était un personnage étrange, l'abbé de Saint-Pierre,
aumônier de Madame et (, philosophe » renommé. Il avait composé
notamment un Projet de Paix perpétuelle (1713-1717), qui contenait des vues
hardies sur le désarmement et sur la nécessité d'un arbitrage international.
C'était un esprit ingénieux et toujours en mouvement. Selon d'Argenson, il
fournissait « à lui tout seul pour les lectures plus que tous les autres membres
de l'Entresol ».
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entretiens littéraires la discussion des idées nouvelles : elle mit à la mode,
dans les cercles mondains, les «conversations de philosophie».
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