Jordan Mesure

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Mesure de Jordan dans Rd

François DE M ARÇAY
Département de Mathématiques d’Orsay
Université Paris-Sud, France

1. Prologue Physique ironique


Comment calculer les aires des surfaces et comment calculer les volumes des solides ?

Telle est la question cruelle que le physicien, goguenard comme le renard des labora-
toires, lance au mathématicien avec un regard des plus narquois qui soit.

Récipient mesureur

Comment ? lance-t-il insolemment ! Vous les mathématiciens, êtres aussi stupides


qu’une rangée d’asperges transies sur le sol gelé de la Vallée du Rhône lors d’une tempête
polaire imprévue au mois d’Avril, dans vos théories rigides et archaïques comme l’Antarc-
tique, vous n’avez toujours pas intégré la bonne vieille méthode des égyptiens qui consiste
simplement à remplir les surfaces et les volumes d’un fluide incompressible tel que l’eau
du Nil pour en déterminer sans effort la surface ou le volume ?
Passez votre chemin, insignifiants suppôts de Platon ! la Physique fera toujours beau-
coup mieux en la matière que toutes vos piètres Mathématiques !
1
2 François DE M ARÇAY, Département de Mathématiques d’Orsay, Université Paris-Sud

2. Redressement des Mathématiques

Lorsqu’un mathématicien a prévu plus ou moins nettement une proposition, au lieu


d’avoir recours à l’expérience, comme le ferait un physicien, il cherche une démonstra-
tion logique ; la vérification logique remplace pour lui la vérification expérimentale. En
somme, il ne cherche pas à découvrir du nouveau, il essaie de prendre conscience des
richesses qu’il possède déjà inconsciemment, qui sont enfermées dans les définitions
et les axiomes. D’où l’importance capitale de ces définitions et axiomes qui, certes,
ne sont assujetis logiquement qu’à la condition d’être compatibles, mais qui ne condui-
raient qu’à une science purement formelle, vide de sens, s’ils étaient sans rapport avec
la réalité. Henri L EBESGUE
Pour les mathématiciens qui n’ont pas à leur disposition les fluides magiques de la Phy-
sique, l’idée d’origine et pour ainsi dire préhistorique, lorsqu’on cherche à calculer le vo-
lume d-dimensionnel d’un sous-ensemble de Rd , consiste à approximer cet ensemble par
une réunion d’autres sous-ensembles dont la géométrie est simple, et dont le volume est
connu, par exemple des carrés, des rectangles, des cubes, ou des parallellépipèdes.

Et les physiciens ont beau objecter avec force raison qu’il ne sert à rien de remplir les
volumes de petits cubes pour les approximer de mieux en mieux, nous mathématiciens dont
les forces sont si faibles que nous en sommes réduits à écrire au tableau avec de la craie à 2
centimes le bâtonnet, nous ne pouvons nous empêcher de développer des théories austères
que nous souhaitons être entièrement fruit de notre cerveau.

Et Toc ! Non mais des fois ! Les physiciens, eux, ils se cantonnent au concret pro-
saïque — aucune capacité à idéaliser !
4. Sous-ensembles de Rd : topologie 3

3. Préliminaires
Dans l’approche que nous développons ici dans Rd avec d > 1, nous utiliserons donc
des rectangles et des cubes d-dimensionnels, comme briques de construction de la mesure.
En fait ces ‘briques’ sont des segments dans R1 , de vrais rectangles euclidiens dans R2 , et
dans un Rd>1 général, ce sont des produits d’intervalles, que nous appellerons sans plus de
façons rectangles quelle que soit la dimension, parce que ce qui se voit le plus dans ces
briques, c’est que leurs côtés sont parallèles aux axes de coordonnées rectangulaires. Qui
plus est, en dimension quelconque d > 1, de tels rectangles sont faciles à manipuler, et leur
volume est le produit des longueurs de leurs côtés.
Nous parlerons généralement de volume dans Rd , même si en dimensions d = 1, d = 2,
et même d > 4, il vaudrait mieux parler de longueur, de surface, voire d’hypervolume,
respectivement.

4. Sous-ensembles de Rd : topologie
Nous utilisons ici des notations très standard. Soit d > 1 un entier, censé être la dimen-
sion ambiante. Un point x ∈ Rd consiste en un d-uplet de nombres réels :
x = (x1 , x2 , . . . , xd ), avec xi ∈ R pour i = 1, . . . , d.
Pour c ∈ R, on note : 
c x = c x1 , . . . , c x d .
Définition 4.1. La norme (euclidienne) de x, notée |x|, est la quantité positive :
1/2
|x| := x21 + · · · + x2d .
Elle satisfait bien entendu les trois axiomes d’une norme :
• |c x| = |c| |x| ;
• |x + y| 6 |x| + |y| ;
• |x| = 0 si et seulement si x = 0.
À toute norme est associée une distance, qui, dans le cas euclidien standard, n’est autre
que la distance euclidienne :
dist(x, y) := |x − y|.

Définition 4.2. Le complémentaire E c d’un sous-ensemble E ⊂ Rd collecte tous les points


qui ne lui appartiennent pas :

E c := x ∈ Rd : x 6∈ E .
Plus généralement, si E ⊂ Rd et F ⊂ Rd sont deux sous-ensembles quelconques, le
complémentaire de F dans E est défini par :

E\F := x ∈ Rd : x ∈ E mais x 6∈ F .
Alors avec ces notations :
E c = Rd \E.
Définition 4.3. La différence symétrique entre deux sous-ensembles E ⊂ Rd et F ⊂ Rd ,
notée E∆F , est l’ensemble des points qui n’appartiennent qu’à l’un d’entre eux :
E∆F := (E\F ) ∪ (F \E).
4 François DE M ARÇAY, Département de Mathématiques d’Orsay, Université Paris-Sud

Définition 4.4. La distance entre deux sous-ensembles E ⊂ Rd et F ⊂ Rd est la quantité :


dist(E, F ) := inf |x − y|.
x∈E, y∈F

Maintenant, effectuons de brefs rappels sur les notions topologiques fondamentales


d’ensemble ouvert, d’ensemble fermé, d’ensemble borné, d’ensemble compact.
La boule ouverte de rayon r > 0 centrée en un point x ∈ Rd est l’ensemble :

Br (x) := y ∈ Rd : |y − x| < r .
La boule fermée de rayon r > 0 centrée en un point x ∈ Rd est l’ensemble :

B r (x) := y ∈ Rd : |y − x| 6 r .
Elle se réduit au singleton {x} lorsque r = 0.
Définition 4.5. Un sous-ensemble E ⊂ Rd est dit ouvert lorsqu’en chacun de ses points
x ∈ E, on peut centrer une boule ouverte Brx (x) de rayon rx > 0 assez petit pour qu’elle
soit entièrement contenue dans E :
∀x ∈ E ∃ rx > 0 Brx (x) ⊂ E.
Définition 4.6. Un sous-ensemble F ⊂ Rd est dit fermé lorsque son complémentaire Rd \F
est ouvert.
On a alors une propriété fondamentale des ensembles ouverts et fermés, qui est d’ailleurs
prise comme définition dans les sphères plus élevées de la Topologie Générale abstraite. La
vérification est laissée en exercice.
Proposition 4.7. Toute réunion absolument quelconque d’ensembles ouverts dans Rd est
encore un ouvert de Rd . Toute intersection finie d’ouverts dans Rd est encore un ouvert de
Rd . 
Rappelons que la restriction de finitude sur les intersections est inévitable, puisque par
exemple dans R, l’intersection infinie d’intervalles ouverts :
\  
− n1 , n1 = {0}
n>1

n’est pas un ouvert.


De manière équivalente, en passant aux complémentaires, on a :
Proposition 4.8. Toute intersection absolument quelconque d’ensembles fermés dans Rd
est encore un fermé de Rd . Toute réunion finie de fermés dans Rd est encore un fermé de
Rd .
Définition 4.9. Un sous-ensemble E ⊂ Rd est dit borné lorsqu’il est contenu dans une
boule centrée à l’origine de rayon assez grand :
∃R > 0 BR (0) ⊃ E.
Ici, le fait que la boule soit ouverte et centrée à l’origine importe peu, puisque (exercice) :
∀ x ∈ Rd ∀r > 0 ∀ y ∈ Rd ∃s > 0 B r (x) ⊂ Bs (y).
Définition 4.10. Un sous-ensemble E ⊂ Rd est compact lorsqu’il est à la fois fermé et
borné.
5. Rectangles et cubes dans Rd 5

Rappelons que les sous-ensembles compacts jouissent toujours de la propriété recou-


vrement fini.
Théorème 4.11. [Heine-Borel] Soit E ⊂ Rd un sous-ensemble compact recouvert par une
réunion absolument quelconque :
[
E⊂ Oα ,
α

de sous-ensembles ouverts Oα ⊂ R . Alors en fait, il existe toujours une sous-famille finie


d

Oα1 , Oα2 , . . ., OαN de tels ouverts qui recouvrent déjà E :


E ⊂ Oα1 ∪ · · · ∪ OαN . 
En d’autres termes, de tout recouvrement ouvert d’un compact, on peut extraire un sous-
recouvrement ouvert fini.
Définition 4.12. Un point x ∈ E d’un sous-ensemble E ⊂ Rd est un point intérieur à E
lorsqu’on y peut centrer une boule ouverte Br (x) de rayon r > 0 assez petit pour qu’elle
soit entièrement contenue dans E :
∃r > 0 Br (x) ⊂ E.
L’ensemble des points qui sont intérieurs à E est alors appelé l’intérieur de E, il est noté :
Int E,

et c’est manifestement un sous-ensemble de E, égal à E si et seulement si E lui-même est


ouvert.
Définition 4.13. Un point x ∈ Rd est un point adhérent à un sous-ensemble E ⊂ Rd
lorsque, pour tout r > 0, la boule ouverte Br (x) contient des points de E.
Autrement dit, il y a des points de E qui sont arbitrairement proches de x, et bien sûr,
tout point de E est adhérent à E.
Définition 4.14. L’adhérence, notée E, d’un sous-ensemble E ⊂ Rd consiste en la réunion
de E avec tous les points de Rd qui sont adhérents à E.
Noter (exercice) que E est toujours un sous-ensemble fermé de Rd . De plus, un sous-
ensemble E ⊂ Rd est fermé si et seulement si E = E (exercice).
Définition 4.15. Le bord, noté ∂E, d’un sous-ensemble E ⊂ Rd :

∂E := E Int E
consiste en tous les points adhérents à E qui ne sont pas points intérieurs.
Définition 4.16. Un point isolé d’un sous-ensemble E ⊂ Rd est un point x ∈ E en lequel
on peut centrer une boule ouverte Br (x) de rayon r > 0 assez petit pour qu’elle ne rencontre
plus d’autres points de E :
Br (x) ∩ E = {x}.
Définition 4.17. Un sous-ensemble E ⊂ Rd est dit parfait lorsqu’aucun de ses points n’est
isolé.
6 François DE M ARÇAY, Département de Mathématiques d’Orsay, Université Paris-Sud

5. Rectangles et cubes dans Rd


Définition 5.1. Un rectangle fermé R ⊂ Rd est le produit de d intervalles fermés bornés de
R:
R = [a1 , b1 ] × [a2 , b2 ] × · · · × [ad , bd ],
avec :
−∞ < aj 6 bj < ∞ (j = 1 ··· d).

R R1 R2

R3

En d’autres termes :

R = (x1 , . . . , xd ) ∈ Rd : aj 6 xj 6 bj pour tout j = 1, . . . , d .
Observons que dans notre définition, les rectangles ont leurs côtés parallèles aux axes de
coordonnées. Dans R1 , les rectangles sont précisément les intervalles fermés bornés, tandis
que dans R2 , ce sont les rectangles (fermés) usuels de la géométrie euclidienne. Dans R3 ,
ce sont les paralléllépipèdes fermés.
Définition 5.2. Un rectangle ouvert R ⊂ Rd est le produit de d intervalles ouverts bornés
de R :
R = ]a1 , b1 [ × · · · × ]ad , bd [ .
On vérifie (exercice) que l’intérieur, au sens de la Définition 4.12, d’un rectangle fermé :
[a1 , b1 ] × · · · × [ad , bd ],
avec −∞ < aj < bj < ∞ pour tout j = 1, . . . , d, n’est autre que le rectangle ouvert :
]a1 , b1 [ × · · · × ]ad , bd [ ,
tandis que si une seule inégalité aj = bj a lieu, l’interieur en question est réduit à l’ensemble
vide.
Les longueurs (euclidiennes) des côtés d’un rectangle ouvert ou fermé R ⊂ Rd sont les
nombres réels bj − aj pour j = 1, . . . , d.
Définition 5.3. Le volume (euclidien) d’un rectangle ouvert ou fermé R ⊂ Rd est le
nombre réel :
|R| := (b1 − a1 ) · · · (bd − ad ).
5. Rectangles et cubes dans Rd 7

Bien entendu, lorsque d = 1, le ‘volume’ est une longueur, et lorsque d = 2, c’est une
aire. Notons encore que si une seule inégalité aj = bj a lieu, le volume est nul. Notons
aussi que le volume est le même, que le rectangle soit ouvert ou fermé. En particulier, les
faces (exercice : définir cette notion) comptent pour zéro dans le volume.

Définition 5.4. Une réunion finie de rectangles ouverts ou fermés dans Rd est dite presque
disjointe si les intérieurs des rectangles qui la constitue sont deux à deux d’intersection
vide.
Enfin, certains rectangles méritent une attention spéciale.
Définition 5.5. Un cube ouvert ou fermé est un rectangle ouvert ou fermé, respectivement,
dont les côtés sont tous de longueur égale :
b 1 − a1 = · · · = b d − ad .
Si donc ` est cette longueur commune, le volume du cube vaut `d .
b2

[x1,k1 −1 , x1,k1 ] × [x2,k2 −1 , x2,k2 ]

x2,k2

x2,k2 −1

x2,1
a2
a1 x1,1 x1,k1 −1 x1,k1 b1

Lemme 5.6. Si on se donne un rectangle fermé de Rd d’intérieur non vide :


R = [a1 , b1 ] × · · · × [ad , bd ] (a1 < b1 ··· ad < bd ),

et si chacun de ses d intervalles constituants est subdivisé en n1 > 1, . . ., nd > 1 segments :


a1 = x1,0 < x1,1 < · · · < x1,n1 −1 < x1,n1 = b1 ,
··········································
ad = xd,0 < xd,1 < · · · < xd,nd −1 < xd,nd = bd ,
alors R se décompose comme réunion de n1 · · · nd rectangles fermés Rk1 ,...,kd presque dis-
joints : [    
R = x1,k1 −1 , x1,k1 × · · · × xd,kd −1 , xd,kd ,
16k 6n
| {z }
1 1
············ =: Rk1 ,...,kd
16kd 6nd
8 François DE M ARÇAY, Département de Mathématiques d’Orsay, Université Paris-Sud

et le volume de R est la somme des volumes de ces n1 × · · · × nd sous-rectangles :


X
|R| = Rk1 ,...,k .
d
16k1 6n1
············
16kd 6nd

Le même énoncé vaut également pour tout rectangle ouvert non vide.

Démonstration. La figure bidimensionnelle illustre clairement comment la décomposition


de R s’effectue par un pavage dont les côtés sont parallèles aux axes de coordonnées.
Ensuite, on a par hypothèse :
X 
b1 − a1 = x1,k1 − x1,k1 −1 ,
16k1 6n1
··································
X 
bd − ad = xd,kd − xd,kd −1 ,
16kd 6nd

et alors le simple développement algébrique d’un produit de d facteurs :


 
|R| = b1 − a1 · · · bd − ad
 X   X 
 
= x1,k1 − x1,k1 −1 · · · xd,kd − xd,kd −1
16k1 6n1 16kd 6nd
X X  
= ··· x1,k1 − x1,k1 −1 · · · xd,kd − xd,kd −1
16k1 6n1 16kd 6nd
X
= Rk1 ,...,k
d
16k1 6n1
············
16kd 6nd

explique l’assertion concernant les volumes. 


R
R4
R2
R1

R3

RN

Ce lemme se généralise substantiellement à la situation de type puzzle où le rectangle


fermé R est réunion finie quelconque de sous-rectangles fermés presque disjoints, pas for-
cément issus de subdivisions des intervalles qui constituent son produit.
5. Rectangles et cubes dans Rd 9

Lemme 5.7. Si un rectangle ouvert ou fermé R est égal à la réunion presque disjointe d’un
nombre fini d’autres rectangles ouverts ou fermés :
[
N
R= Rk ,
k=1

alors son volume est la somme simple des volumes de ses composantes :
X
N
|R| = |Rk |.
k=1

R
e1
R e2
R

eM
R

Démonstration. Comment se ramener au lemme précédent ?


L’idée jaillit du diagramme : on considère la grille formée par prolongement infini des
côtés de tous les rectangles R1 , . . . , RN . Cette construction fournit un nombre M > N plus
grand mais encore fini de sous-rectangles de R :
e1 , . . . , R
R eM ⊂ R,
ej , ce qu’on notera :
tels que chaque Rk est réunion de certains R
[
Rk = ej
R (k = 1 ··· N ),
j∈Jk

ces réunions portant sur les éléments Jk d’une certaine partition de l’ensemble total des
indices-tildes :
J1 ∪ · · · ∪ JN = {1, 2, 3, . . . , M } (Jk1 ∩ Jk2 = ∅, k1 6= k2 ).

Ensuite, on se convainc en inspectant visuellement les deux diagrammes que :


• R est une réunion des R el qui est issue d’une certaine subdivision de ses d intervalles
constituants, et donc le lemme qui précède s’applique immédiatement pour donner :
X
M

|R| = el ;
R
l=1

• qui plus est (second exercice visuel), chaque rectangle Rk est une réunion des R ej pour
j ∈ Jk qui est elle aussi issue d’une subdivision de ses d intervalles constituants, et donc à
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nouveau, le lemme qui précède s’applique immédiatement pour donner :


X
Rk = ej
R (k = 1 ··· N ).
j∈Jk

Un calcul absolument élémentaire de décomposition regroupement de sommes :

X
M

|R| = el
R
l=1
X
N X

= ej
R
k=1 j∈Jk

X
N

= Rk ,
k=1

termine alors élégamment la démonstration de ce lemme certes intuitivement trivial, mais


qui a requis du travail rédactionnel. 

Une adaptation de ces arguments apporte l’extension suivante, tout aussi triviale intuiti-
vement.

Lemme 5.8. Si un rectangle ouvert ou fermé R est contenu dans une réunion finie quel-
conque d’autres rectangles Rk :
[
N
R ⊂ Rk ,
k=1

pas forcément presque disjoints, alors on a toujours :


X
N

|R| 6 Rk .
k=1

Démonstration. Après avoir formé la grille infinie de tous les côtés des (N + 1) rectangles
R, R1 , . . ., RN , on réalise la réunion totale :
[
M
R ∪ R1 ∪ · · · ∪ RN = el
R
l=1

comme puzzle constitué de rectangles aux côtés tous parallèles aux axes de coordonnées.
On se ramène alors (exercice) à des applications multiples du lemme précédent. 

6. Mesurabilité des ensembles élémentaires


À partir de maintenant, et jusqu’à la fin de ce chapitre, un certain nombre d’énoncés
seront laissés en exercice parce que la théorie de la mesure due Jordan, que nous souhaitons
réviser ici par souci de complétude, est d’une portée assez restreinte par rapport à celle de
Borel-Lebesgue, que nous développerons à l’inverse dans les moindres détails.
6. Mesurabilité des ensembles élémentaires 11

Définition 6.1. Un rectangle général R ⊂ Rd est un produit de d intervalles de R de l’une


des quatre formes possibles :
[aj , bj ],
[aj , bj [,
]aj , bj ],
]aj , bj [,
avec −∞ < aj 6 bj 6 ∞ pour j = 1, . . . , d.
Comme dans le cas des rectangles ouverts ou fermés, le volume d’un rectangle général
R est alors le produit :  
|R| := b1 − a1 · · · bd − ad .
Définition 6.2. Un sous-ensemble E ⊂ Rd est dit élémentaire lorsqu’il est réunion d’un
nombre fini de rectangles généraux
L’intérêt des ensembles élémentaires dont les briques sont des rectangles plus généraux
que les rectangles ouverts ou fermés, c’est que leur classe est stable par les opérations
ensemblistes finies.
Lemme 6.3. [Exercice] Si E ⊂ Rd et F ⊂ Rd sont deux ensembles élémentaires, alors :
E ∪ F,
E\F,
E∆F := (E\F ) ∪ (F \E)
sont aussi des ensembles élémentaires. 
Lemme 6.4. Tout sous-ensemble élémentaire E ⊂ Rd peut être réalisé comme réunion
finie de rectangles généraux disjoints.
Démonstration. Dans le cas de la dimension d = 1, l’ensemble E est réunion d’une collec-
tion finie d’intervalles I1 , . . . , IN ⊂ R, tous de l’une des quatre formes [a, b], [a, b[, ]a, b],
]a, b[. Ordonnons alors les extrémités de ces intervalles par ordre croissant, sans répéti-
tion. Si nous extrayons les intervalles ouverts entre ces extrémités qui appartiennent à E, et
que nous sélectionnons seulement les extrémités d’intervalles qui appartiennent à E, nous
obtenons une décomposition disjointe en rectangles généraux.
Le cas de la dimension d > 2 est laissé en exercice (tracer d’abord des figures explora-
toires en dimension d = 2). 
Il importe de faire remarquer qu’il existe toujours une infinité de décompositions en
réunions finies de rectangles généraux disjoints, ne serait-ce parce qu’un seul intervalle est
indéfiniment décomposable :
[0, 1] = [0, x[ ∪ {x} ∪ ]x, 1] (0 6 x 6 1).

Toutefois, à tout ensemble élémentaire, on peut quand même attribuer une mesure d’une
manière naturelle.
Proposition 6.5. [Mesurabilité des ensembles élémentaires] Si un ensemble élémentaire
E est représenté comme réunion finie disjointe :
E = R1 ∪ · · · ∪ RN (Rk1 ∩ Rk2 = ∅, k1 6= k2 ),
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de rectangles généraux, alors la quantité :


mesure(E) := |R1 | + · · · + |RN |

est indépendante d’une telle partition.


Démonstration. Ici apparaît une idée nouvelle : introduire des discrétisations de plus en
plus fines. En renormalisant le sous-ensemble Zd ⊂ Rd des points à coordonnées entières
par un facteur rationnel n1 de plus en plus petit :
1
n
Zd ⊂ Rd ,
on crée en effet un réseau de points équidistribués dans Rd qui est de plus en plus dense
lorsque l’entier n > 1 croît.
En dimension d = 1, on se convainc alors aisément (exercice) que si I ⊂ R est un
intervalle quelconque ayant l’une des quatre formes possibles [a, b], [a, b[, ]a, b], ]a, b[, alors
sa longueur |I| = b − a peut être retrouvée en comptant les points-atomes de ces réseaux à
l’échelle n1 qui lui appartiennent, à savoir :
1 
|I| = lim
Card I ∩ n1 Z .
n→∞ n

Une fois que la dimension d = 1 a été comprise, il suffit de prendre des produits cartésiens
pour en déduire (exercice) le résultat analogue en dimension arbitraire d > 1 :
1 
|R| = lim Card R ∩ 1
n
Zd ,
n→∞ nd

valable pour un rectangle général R ⊂ Rd .


Si donc R1 , . . . , RN sont des rectangles généraux disjoints dont la réunion est égale à
E, on en déduit aisément que :
1  1 
|R1 | + · · · + |RN | = lim Card R 1 ∩ n
Z
1 d
+ · · · + lim d Card RN ∩ 1
n
Zd
n→∞ nd n→∞ n
1   1 d
= lim d Card R1 ∪ · · · ∪ RN ∩ n Z
n→∞ n
1 
= lim d Card E ∩ n1 Zd .
n→∞ n

Mais alors, pour toute autre partition quelconque de E par des rectangles généraux Rl00 eux
aussi disjoints :
E = R10 ∪ · · · ∪ RN
0
0 (R00 ∩ R00 = ∅, l10 6= l20 ),
l l 1 2

le même résultat est instantanément valable :


1 
0
|R10 | + · · · + |RN 0| =
Card E ∩ n1 Zd ,
lim
n→∞ n

et comme ce dernier cardinal ne concerne que l’ensemble considéré E, une simple fusion
entre égalités apporte :
|R1 | + · · · + |RN | = |R10 | + · · · + |RN
0
0|

ce qui est l’indépendance annoncée relativement à toute décomposition de E. 


7. Propriétés élémentaires de la mesure de Jordan 13

Ayant atteint ce point, on pourrait être tenté de définir la mesure d’un sous-ensemble
quelconque A ⊂ Rd par la même formule :
def? 1 
mesure(A) := lim Card A ∩ n1 Zd ,
n→∞ n
puisque cela fonctionne bien avec les ensembles élémentaires. Cependant, une telle défini-
tion n’est pas satisfaisante pour plusieurs raisons.
En effet, on peut tout d’abord concocter des exemples pour lesquels une telle limite
n’existe pas. Mais même dans les cas où la limite existe, un tel concept n’obéirait pas la
propriété indispensable d’invariance par translation. Par exemple, en dimension d = 1, une
telle définition donnerait une mesure égale à 1 à l’ensemble :
Q ∩ [0, 1],
tandis qu’elle donnerait (exercice) une mesure égale à 0 à son tanslaté irrationnel :

2 + Q ∩ [0, 1].
Cependant, nous allons définir dans peu de temps les sous-ensembles Jordan-mesurables
A ⊂ Rd , sous-ensembles auxquels nous pourrons attribuer — en procédant différem-
ment — une mesure :
mesure(A) ∈ [0, ∞[ ,
et nous verrons (Exercice 5) que pour ces sous-ensembles, mais seulement pour ces sous-
ensembles, la formule en question :
1 
mesure(A) = lim Card A ∩ n1 Zd ,
n→∞ n
est effectivement valide. De plus, les ensembles Jordan-mesurables conserveront leur
mesure par une translation quelconque. Nous verrons alors aussi que le sous-ensemble
Q ∩ [0, 1] n’est pas mesurable au sens de Jordan, ce qui expliquera le paradoxe exhibé ci-
dessus. En fait, seule la théorie supérieure de Borel-Lebesgue sera capable d’attribuer une
mesure à Q ∩ [0, 1], et ce sera une mesure égale à 0, exactement comme nous l’avons déjà
vu à la fin du chapitre sur l’intégrale de Riemann.

7. Propriétés élémentaires de la mesure de Jordan


D’après les définitions, il est clair que pour tout sous-ensemble élémentaire E ⊂ Rd , la
quantité mesure(E) est un nombre réel ∈ [0, ∞[, avec bien entendu :
0 = mesure(∅).
Ensuite, si E ⊂ R et F ⊂ R sont deux sous-ensembles élémentaires disjoints, alors :
d d

mesure(E ∪ F ) = mesure(E) + mesure(F ).


Plus généralement, une récurrence facile montre que si E1 , . . . , EN sont des sous-
ensembles élémentaires de Rd disjoints deux à deux, alors on a la propriété d’additivité
finie disjointe :
mesure(E1 ∪ · · · ∪ EN ) = mesure(E1 ) + · · · + mesure(EN ).
Sans même qu’il soit besoin de le mentionner, on aura implicitement compris que la mesure
ainsi définie coïncide avec le volume sur les rectangles généraux R ⊂ Rd :
mesure(R) = |R|.
14 François DE M ARÇAY, Département de Mathématiques d’Orsay, Université Paris-Sud

On démontre aussi sans difficulté que si E ⊂ F sont deux sous-ensembles élémentaires


emboîtés, alors :
mesure(E) 6 mesure(F ).
On en déduit (exercice) que pour deux ensembles élémentaires quelconques E, F ⊂ Rd ,
on a toujours : 
mesure E ∪ F 6 mesure(E) + mesure(F ),
et plus généralement par récurrence, que :

mesure E1 ∪ · · · ∪ EN 6 mesure(E1 ) + · · · + mesure(EN ),

lorsque E1 , . . . , EN ⊂ Rd sont élémentaires (à nouveau pas forcément disjoints).


Enfin, puisque le volume des rectangles généraux est par définition invariant par trans-
lation, on voit que la mesure de Jordan jouit de la propriété d’invariance par translation :

mesure τ + e = mesure(E),

pour tout vecteur de translation τ ∈ Rd et tout sous-ensemble élémentaire E ⊂ Rd .


Soit maintenant un sous-ensemble borné quelconque :
A ⊂ Rd .
Par restriction théorique, on ne considèrera pas ici les sous-ensembles non bornés.
Définition 7.1. [Mesures de Jordan intérieure et extérieure] La mesure de Jordan inté-
rieure de A est le nombre réel positif :
mJ∗ (A) := sup mesure(E),
E⊂A
E élémentaire

tandis que la mesure de Jordan extérieure de A est le nombre réel positif :


m∗J (A) := inf mesure(E).
E⊃A
E élémentaire

On se convainc (exercice) que l’on a toujours :


mJ∗ (A) 6 m∗J (A).
Voici enfin la définition conceptuelle principale de ce chapitre.
Définition 7.2. [Mesures de Jordan] Un sous-ensemble borné A ⊂ Rd est dit mesurable
au sens de Jordan lorsque ses mesures de Jordan intérieure et extérieure coïncident, à savoir
lorsque :
m∗J (A) = mJ∗ (A),
et dans ce cas, on appelle mesure de Jordan de A ce nombre commun :
mJ (A) := m∗J (A) = mJ∗ (A),
qui est toujours positif :
mJ (A) ∈ [0, ∞[ .
En particulier :
Lemme 7.3. Les ensembles élémentaires E ⊂ Rd sont Jordan-mesurables de mesure de
Jordan égale à :
mJ (E) = mesure(E). 
8. Vers la mesure de Borel et de Lebesgue 15

D’une certaine façon, les ensembles mesurables au sens de Jordan sont ceux qui sont
« presque élémentaires », si l’on s’imagine qu’ils sont bien approximés à l’intérieur et à
l’extérieur par des ensembles élémentaires. Plus précisément, on a la caractérisation sui-
vante.
Proposition 7.4. [Exercice : caractérisation de la Jordan-mesurabilité] Soit A ⊂ Rd un
sous-ensemble borné. Alors les trois conditions suivantes sont équivalentes :
(i) A est Jordan-mesurable ;
(ii) pour tout ε > 0, il existe deux ensembles élémentaires :
E 0 ⊂ A ⊂ E 00
tels que :

mesure E 00 \E 0 6 ε;

(iii) pour tout ε > 0, il existe un ensemble élémentaire E tel que :



m∗J E ∆ A 6 ε. 
Proposition 7.5. [Exercice : propriétés élémentaires de la Jordan-mesurabilité] Si A ⊂
Rd et B ⊂ Rd sont deux sous-ensembles Jordan-mesurables (en particulier bornés), alors
les cinq propriétés suivantes sont satisfaites.
(i) Stabilité booléenne : Les quatre ensembles :
A ∪ B,
A ∩ B,
A\B,
A ∆ B,
sont eux aussi Jordan-mesurables ;
(ii) Additivité finie : Lorsque A ∩ B = ∅ sont disjoints :
mJ (A ∪ B) = mJ (A) + mJ (B);

(iii) Monotonie : Lorsque A ⊂ B, on a :


mJ (A) 6 mJ (B);

(iv) Subadditivité finie : On a toujours :


mJ (A ∪ B) 6 mJ (A) + mJ (B);

(v) Invariance par translation : Pour tout τ ∈ Rd , on a :


mJ (τ + A) = mJ (A).
De nombreuses autres propriétés fondamentales apparaissent dans la liste des exercices
placés à la fin de ce chapitre.
16 François DE M ARÇAY, Département de Mathématiques d’Orsay, Université Paris-Sud

8. Vers la mesure de Borel et de Lebesgue


Même si on se restreint à la considération de sous-ensembles bornés A ⊂ Rd , la plu-
part d’entre eux ne sont pas Jordan-mesurables. En effet, la théorie de Jordan échoue sur
un écueil capital, en tant qu’elle est incapable d’embrasser les réunions dénombrables,
ainsi que les intersections dénombrables, d’ensembles déjà connus comme étant mesu-
rables (Exercice 11). Autrement dit, la théorie de Jordan se limite consubstantiellement au
fini.
En effet, une explicitation complète de la notion de mesure extérieure m∗J (A) au sens de
Jordan d’un sous-ensemble borné A ⊂ Rd s’exprime comme :
m∗J (A) := inf |R1 | + · · · + |RN |,
R1 ∪···∪RN ⊃ A
R1 ,...,RN
rectangles

ces recouvrements de A étant effectivement limités à être toujours de cardinal fini.


Pour des raisons qui tenaient à des nécessités mathématiques internes et profondes, Bo-
rel et Lebesgue ont été amenés à étendre un telle définition en admettant des réunion infinies
dénombrables de rectangles couvrants. Nous en dirons plus dans un chapitre systématique
qui suivra, mais esquissons ici ces idées qui furent nouvelles à leur époque.
Définition 8.1. La mesure extérieure au sens de Borel et de Lebesgue d’un sous-ensemble
quelconque A ⊂ Rd — pas forcément borné — est le nombre réel positif appartenant à
R+ ∪ {∞} :
X∞


mL (A) := ∞ inf Rk ,
∪k=1 Rk ⊃ A
R1 ,...,Rk ,... k=1
rectangles
à savoir l’infimum de la somme infinie des volumes d’un nombre infini dénombrable de
rectangles dont la réunion dénombrable recouvre A.
Bien entendu, on a toujours (exercice mental) :
m∗L (A) 6 m∗J (A),
puisque (solution de l’exercice) toute réunion finie de rectangles peut être considérée
comme une réunion infinie à laquelle on ajoute trivialement des rectangles égaux à ∅.
Mais m∗L (A) peut s’avérer être nettement inférieur à m∗J (A), et c’est tout ce qui fera la
supériorité de la théorie de la mesure de Borel et de Lebesgue sur celle de Jordan.
Par exemple, rappelons-nous qu’à la fin du chapitre sur l’intégrale de Riemann, nous
avons défini les ensembles de mesure 0 contenus dans R, exactement en employant des
recouvrements infinis dénombrables. À cette occasion, nous avons établi que tout sous-
ensemble de cardinal dénombrable :

x 1 , x2 , x3 , . . . , x n , . . . ⊂ R
est de mesure (de Lebesgue) 0, et en fait aussi, de mesure extérieure de Lebesgue 0, même
s’il n’est pas borné. Au contraire, la mesure extérieure de Jordan attribue par exemple la
mesure maximale 1 au sous-ensemble dénombrable :
Q ∩ [0, 1] ⊂ R,
affirmation que nous offrons comme exercice impératif à notre fidèle étudiant-lecteur.
9. Exercices 17

Comme on le constatera plus tard, la mesure de Lebesgue prolonge celle de Jordan, au


sens où tout ensemble Jordan-mesurable sera automatiquement Lebesgue-mesurable aussi,
ses deux mesures étant égales.
Fondamentalement, la mesure de Lebesgue satisfera toutes les propriétés intuitivement
claires qu’une mesure doit satisfaire, lorsqu’on étend les considérations aux opérations
dénombrables, et non pas seulement finies. En fait, presque tous les ensembles que l’on
rencontre en Analyse font intervenir l’infini dénombrable et ils sont mesurables. Il existe
seulement quelques sous-ensembles pathologiques non mesurables qu’on exhibe comme
des bêtes de foires dans les cours de L3, mais qu’on se garde bien d’étudier réellement.
Ensuite, une fois que la mesure de Lebesgue aura été acquise, nous pourrons développer
une puissante théorie de l’intégration qui est un joyau de la pensée mathématique théorique.
« J’obvie un joyau jovial ».

L’allemand Riemann, le mathématicien doué du génie le plus imaginatif et le plus


puissant du dix-neuvième siècle (sous la réserve des titres de Poincaré), recréa l’instru-
ment par une innovation hardie, opérant une révolution des idées. Mais avec les années,
la fécondité de l’intégrale riemannienne se trouvait exploitée jusqu’à l’épuisement, et les
limites de son pouvoir atteintes partout. Sur les terres neuves de l’Analyse mathéma-
tique, les expéditions conquérantes marquaient le pas. Lebesgue fut le thaumaturge [=
magicien] dénouant les liens où tant de compagnons d’avant-garde étaient comme par
enchantement retenus. Arnaud D ENJOY

9. Exercices
Exercice 1. [Unicité de la mesure de Jordan, 1] En dimension arbitraire d > 1, soit une application :
m0 : E (Rd ) −→ R+ ,
définie sur la collection E (Rd ) des sous-ensembles élémentaires de Rd qui satisfait la propriété d’additivité
finie disjointe ainsi que l’invariance par translation. Montrer qu’il existe une constante c ∈ R+ telle que :
m0 (E) = c mesure(E),
pour tout sous-ensemble élémentaire E ⊂ Rd , où mesure(·) désigne la mesure de Jordan. Indication: Intro-
  d 
duire c := m0 [0, 1]d et calculer m0 0, n1 pour tout entier n > 1.
Exercice 2. [Interprétation géométrique de l’intégrale de Riemann] Soit un intervalle compact [a, b] b R,
et soit f : [a, b] −→ R une fonction réelle bornée.
(a) Montrer que f est Riemann-intégrable si et seulement si les deux sous-ensembles de R2 :

Γ+ (f ) := (x, y) ∈ R × R : 0 6 y 6 f (x) ,

Γ− (f ) := (x, y) ∈ R × R : f (x) 6 y 6 0 ,
sont Jordan-mesurables dans R2 .
(b) Dans ce cas, montrer alors que :
Z b
 
f (x) dx = mJ,R2 Γ+ (f ) − mJ,R2 Γ− (f ) .
a

Exercice 3. [Jordan-mesurabilité des hypographes] Soit R ⊂ Rd un rectangle fermé et soit une fonction
continue f : R −→ R.
(a) Montrer que le graphe de f :
 
x, f (x) ∈ Rd × R : x ∈ R
est Jordan-mesurable dans Rd+1 , de mesure de Jordan égale à 0. Indication: Utiliser le fait que f est unifor-
mément continue.
18 François DE M ARÇAY, Département de Mathématiques d’Orsay, Université Paris-Sud

(b) Montrer que l’hypographe positif de f :



(x, y) ∈ Rd × R : x ∈ R, 0 6 y 6 f (x)
est aussi Jordan-mesurable dans Rd+1 .
Exercice 4. Soient trois points A, B, C appartenant à R2 .
(a) Montrer que le triangle fermé plein de sommets A, B, C est Jordan-mesurable.

(b) Montrer que la mesure de Jordan d’un tel triangle quelconque vaut 12 (B − A) ∧ (C − A) .
Exercice 5. [Comptages discrets] Montrer que la formule :
1 
mesure(A) = lim Card A ∩ n1 Zd ,
n→∞ n

est valable pour tout sous-ensemble borné A ⊂ Rd Jordan-mesurable.


Exercice 6. Si A ⊂ Rd est un ensemble borné Jordan-mesurable, et si mJ (A) = 0, montrer que tout sous-
ensemble A0 ⊂ A est aussi Jordan-mesurable avec de même mJ (A0 ) = 0.
Exercice 7. [Grilles dyadiques] Un rectangle fermé est appelé un cube dyadique s’il est de la forme :
 k1 k1 +1   
2n , 2n × · · · × 2knd , kd2+1
n ,
où n ∈ N et k1 , . . . , kd ∈ Z sont des entiers.
Étant donné un sous-ensemble borné quelconque A ⊂ Rd , pour chaque entier n ∈ N fixé, on note
E∗ A, 21n le nombre de telscubes dyadiques de côté 21n qui sont entièrement contenus dans A.
On note aussi E ∗ A, 21n le nombre de tels cubes dyadiques de côté 21n qui intersectent A.
Montrer alors que A est Jordan-mesurable si et seulement si :
1  1 
lim dn E∗ A, 21n = lim dn E ∗ A, 21n ,
n→∞ 2 n→∞ 2
et si tel est le cas, montrer que la mesure de Jordan de A coïncide avec ces deux quantités égales :
1  1 
mJ (A) = lim dn E∗ A, 21n = lim dn E ∗ A, 21n .
n→∞ 2 n→∞ 2

Exercice 8. [Unicité de la mesure de Jordan, 2] En dimension arbitraire d > 1, soit une application :
m0 : J (Rd ) −→ R+ ,
définie sur la collection J (Rd ) des sous-ensembles bornés de Rd Jordan-mesurables, qui satisfait la propriété
d’additivité finie disjointe ainsi que l’invariance par translation. Montrer qu’il existe une constante c ∈ R+
telle que :
m0 (A) = c mJ (A),
pour tout sous-ensemble borné Jordan-mesurable
 A ⊂ Rd , où mesure(·) désigne la mesure de Jordan. En
0 d 0
particulier, si on impose m [0, 1] = 1, alors m = mJ .
Exercice 9. Soient deux entiers quelconques d1 > 1 et d2 > 1.
(a) Si E1 ⊂ Rd1 et E2 ⊂ Rd2 sont deux sous-ensembles élémentaires, montrer que leur produit E1 × E2 ⊂
Rd1 × Rd2 est encore élémentaire, et montrer que :
  
mesureRd1 +d2 E1 × E2 = mesureRd1 E1 · mesureRd2 E2 .
(b) Si A1 ⊂ Rd1 et A2 ⊂ Rd2 sont deux sous-ensembles bornés Jordan-mesurables, montrer que leur produit
A1 × A2 ⊂ Rd1 × Rd2 est encore Jordan-mesurable, avec :
  
mJ,Rd1 +d2 A1 × A2 = mJ,Rd1 A1 · mJ,Rd2 A2 .
Exercice 10. [Caractérisation de type Carathéodory] Soit A ⊂ Rd un sous-ensemble borné Jordan-
mesurable. Montrer que pour tout ensemble élémentaire E ⊂ Rd , on a :
 
m∗J (A) = m∗J A ∩ E + m∗J A\E .
S∞
Exercice
T∞ 11. Montrer par des exemples que la réunion dénombrable n=1 An , et l’intersection dénombrable
n=1 An , de sous-ensembles bornés An ⊂ R Jordan-mesurables, ne sont en général pas Jordan-mesurables,
même quand elles restent bornées.
9. Exercices 19

Exercice 12. EE

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