Droit Constit Ve Cours Etudiant
Droit Constit Ve Cours Etudiant
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Vème République
Enseignement à distance
Formation Continue
Licence 1 Semestre 2
Cours de Gilles TOULEMONDE
Édition 2021
Version 2.0
2
Table des Matières
Information .......................................................................................................... 9
Leçon 1 : La genèse de la Ve République ............................................................. 11
Leçon 2 : Souveraineté et élections sous la Ve République .................................. 17
3
Section 2 - La pratique du référendum législatif .................................................................................. 39
§ 1 - L'initiative du référendum ................................................................................... 39
§ 2 - Le champ du référendum .................................................................................... 41
Introduction ................................................................................................................................. 69
4
B) La révocation du Premier ministre ................................................................. 74
§ 2 - La nomination et la révocation des ministres ..................................................... 75
§ 3 - La nomination aux emplois civils et militaires ..................................................... 76
Section 2 - La prise de décision ............................................................................................................ 79
§ 1 - Concernant les affaires intérieures ..................................................................... 79
A) La présidence du Conseil des ministres .......................................................... 79
B) L'exercice du pouvoir réglementaire .............................................................. 81
C) La signature des ordonnances ........................................................................ 82
§ 2 - Concernant les affaires extérieures .................................................................... 82
5
Gouvernement .......................................................................................................... 104
Section 2 - La responsabilité pénale des ministres ................................................... 106
Chapitre 2 - Le Gouvernement élabore ou participe à l'élaboration des règles de droit .......... 113
Section 1 - Le rôle du Gouvernement dans la procédure législative ................................................. 113
Section 2 - Le pouvoir réglementaire du Premier ministre ................................................................ 117
§ 1 - Le pouvoir réglementaire dérivé ....................................................................... 117
§ 2 - Le pouvoir réglementaire autonome ................................................................ 118
Section 3 - Les ordonnances .............................................................................................................. 119
6
C) Les questions au Gouvernement .................................................................. 140
§ 2 - Les commissions d'enquête .............................................................................. 141
7
8
Information
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que toute commercialisation non autorisée par l'auteur de ce cours constitue une contrefaçon
punie de 3 ans de prison et 300 000€ d'amende.
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Information
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Leçon 1 : La genèse de la Ve République
Conseil
Pour en savoir plus sur l'histoire constitutionnelle sans nécessairement y consacrer trop de
temps, n'hésitez à vous référer aux manuels suivants :
• Pierre BODINEAU et Michel VERPEAUX, Histoire constitutionnelle de la France, PUF, coll. Que
sais-je ?, 2020.
• Isabelle THUMEREL et Gilles TOULEMONDE, L'essentiel des principes fondamentaux de droit
constitutionnel, Gualino, coll. Les Carrés, 8e éd., 2020-2021.
• Jean-Claude ZARKA, L'essentiel de l'histoire politique et constitutionnelle de la France (de 1789
à nos jours), Gualino, coll. Les Carrés, 8e éd., 2017-2018.
• Jean-Claude ZARKA, Constitutions de la France, Gualino, coll. En poche, 2020.
Et si vous disposez de davantage de temps :
• Pascal JAN, Les constitutions de la France (3 tomes), LGDJ, coll. Systèmes, 2016.
• Marcel MORABITO, Histoire constitutionnelle de la France. De 1789 à nos jours, LGDJ, coll.
Domat droit public, 16e éd., 2020.
N'hésitez pas également à vous référer aux documents bruts, c'est-à-dire aux constitutions dont
vous trouvez le texte ici : https://www.conseil-constitutionnel.fr/la-constitution/les-constitutions-
de-la-france
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Leçon 1 : La genèse de la Ve République
Plus nombreuses sont les constitutions à avoir organisé un régime présidentiel (parfois
dénommé régime de séparation stricte des pouvoirs). Seulement ces tentatives furent
extrêmement courtes puisque la Constitution du 3 septembre 1791 ne dura qu'une seule année,
celle du 22 août 1795 (ou 5 fructidor an III) ne dura que quatre ans et celle du 4 novembre 1848
seulement trois ans. Vous noterez que dans un régime présidentiel il n'y a pas nécessairement
de Président puisqu'en 1791 le chef du pouvoir exécutif est le Roi et qu'en 1795 c'est un
Directoire composé de cinq membres. Le régime présidentiel séduisait et séduit encore certains
auteurs, mais les expériences françaises ont toutes été des échecs, si bien que les constituants,
en 1958, ont souhaité l'éviter, préférant inscrire leur œuvre dans la durée. On peut néanmoins
déceler des éléments de ces constitutions dans le cadre des institutions actuelles : la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 laquelle avait été insérée à la Constitution
de 1791 a toujours valeur constitutionnelle actuellement ; la Constitution de 1795 avait inventé
en France le bicaméralisme qui demeure avec l'institution du Sénat ; la Constitution de 1848
avait, après la parenthèse de 1793, établi de façon définitive le suffrage universel qui nous
permet à tous de voter aujourd'hui, même si à l'époque il n'est encore que masculin. Cependant,
plus qu'une source d'inspiration ces régimes ont été des sources de répulsion. La très courte
durée de vie qui les caractérise ne pouvait aucunement être souhaitée, c'est l'une des raisons qui
explique pourquoi les constituants de 1958 ont souhaité écarter la mise en œuvre du régime
présidentiel et se sont logiquement tournés vers le régime parlementaire.
Les constituants de 1958 sont certes partis d'une page vierge pour élaborer la Constitution de
1958 ; ils n'ont pas repris un texte en en supprimant des données et en en modifiant d'autres
comme ont pu le faire les constituants en 1830 sur la base de la Charte de 1814. Mais, leur
outillage constitutionnel n'était, quant à lui, pas vierge ; le riche passé constitutionnel de la
France, véritable laboratoire d'idées constitutionnelles, a eu une influence sur leur œuvre.
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Leçon 1 : La genèse de la Ve République
Charte de 1814, la défaite de Waterloo a mis fin aux Cents jours et rétabli la Charte de 1814, les
journées révolutionnaires de 1830 ont entraîné l'adoption de la Charte de 1830, comme la
Révolution de 1848 a permis avec l'institution de la République la mise en place de la
Constitution de 1848, etc. La mise en place de la Ve République ne déroge pas à cette tradition
française car la Constitution de 1958 est bien née d'une véritable crise. D'une double crise
même : une crise institutionnelle (104 gouvernements entre 1876 et 1940 soit un tous les sept
mois et demi et 21 gouvernements entre 1947 et 1958 soit un tous les sept mois) et une crise de
la décolonisation.
Le 13 mai 1958, la situation en Algérie empira de façon importante. En effet, alors que la France
doit se choisir un nouveau chef du Gouvernement (un « Président du Conseil »), les militaires
souhaitant un Gouvernement fort se révoltent en Algérie et y créent, sous l'impulsion des
généraux Massu et Salan un Comité de salut public, véritable pouvoir dirigeant en Algérie. Ils
demandent qu'un nouveau Gouvernement soit créé en France métropolitaine et qu'il soit dirigé
par le Général de Gaulle. Il s'agit là d'un véritable mouvement insurrectionnel dans la mesure où
l'armée désobéit aux ordres (elle est en principe aux ordres du Gouvernement).
Dès le 15 mai 1958, le Général de Gaulle adresse un communiqué à la presse dans lequel il
déclare se tenir « prêt à assumer les pouvoirs de la République ». Mais Pierre Pflimlin continue
est choisi par l'Assemblée nationale pour devenir Président du Conseil. La situation empire
encore puisque le 24 mai, c'est en Corse qu'est créé un nouveau Comité de salut public. Le
Général de Gaulle rencontre donc diverses personnalités dont Pierre Pflimlin et plus le temps
s'écoule, plus il apparaît comme l'homme de la situation. René Coty, Président de la République,
adresse un message au Parlement dans lequel il demande aux parlementaires d'investir le
Général de Gaulle car à défaut lui-même démissionnerait.
Le 28 mai 1958, Pierre Pflimlin démissionne et immédiatement René Coty annonce avoir désigné
« le plus illustre des Français » pour former le Gouvernement. A l'époque, pour exister, un
Gouvernement ne doit pas seulement être nommé par le Président de la république, il doit aussi
recevoir la confiance de l'Assemblée nationale par ce que l'on appelle un vote d'investiture. Le
1er juin le Général de Gaulle se présente devant l'Assemblée nationale en vue de son investiture.
Il est investi par 329 voix contre 224. Le Général de Gaulle est donc le dernier Président du
Conseil de la IVe République. Cependant, c'est lui qui a fixé des conditions à son investiture ;
c'est-à-dire qu'il a accepté cette charge à conditions de pouvoir réformer les institutions afin de
les rendre plus efficaces.
A cette fin le Général de Gaulle fit voter par les parlementaires deux lois en date du 3 juin 1958 :
une loi de pleins pouvoirs qui lui permet d'exercer en plus du pouvoir exécutif, le pouvoir
législatif qui appartient normalement au Parlement pendant 6 mois (ce type de loi était
fréquent sous la IVe République, le Parlement peinant à prendre lui-même des décisions).
une loi constitutionnelle révisant la procédure de révision de la Constitution de 1946.
Seule la deuxième loi nous intéresse pour le moment et lorsque nous parlerons de la loi du 3 juin
1958, c'est de cette deuxième loi qu'il s'agira. Le Général de Gaulle souhaitait réviser la
Constitution de 1946 pour la rendre plus efficace, dans le sens qu'il avait préconisé lors de son
discours de Bayeux du 16 juin 1946. Mais la procédure de révision de la Constitution prévue par
la Constitution du 27 octobre 1946 était assez longue. En effet, l'article 90 de cette Constitution
prévoyait que la décision de réviser la Constitution devait être prise par le vote d'une résolution
adoptée à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale et qu'après
l'écoulement d'un délai de trois mois, il devait y avoir une seconde lecture dans les mêmes
conditions avant que l'Assemblée nationale ne rédige un projet de loi de révision. La procédure
était donc longue puisque trois mois minimums étaient nécessaires, non pas pour réviser la
Constitution, mais pour décider du principe de la révision. Or le Général de Gaulle n'avait pas ce
temps ; n'oublions pas que les Gouvernements de l'époque duraient en moyenne 7 mois !
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Leçon 1 : La genèse de la Ve République
Toutefois, on découvrit une résolution tendant à réviser la Constitution qui avait été adoptée en
première lecture par l'Assemblée nationale en 1955. Il était donc possible de la reprendre et de
procéder immédiatement à la seconde lecture puisque plus de trois mois s'étaient écoulés entre
les deux. C'est ainsi que fut votée la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 qui prévoit la révision de
la Constitution du 27 octobre 1946 selon une procédure nouvelle. Cette loi impose le respect de
règles de forme et de règles de fond (contrairement à celle qui avait permis au Maréchal Pétain
d'écarter l'application des lois constitutionnelles de 1875, le 10 juillet 1940).
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Leçon 1 : La genèse de la Ve République
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Leçon 1 : La genèse de la Ve République
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Leçon 2 : Souveraineté et élections sous la Ve République
A côté du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif que Maurice Hauriou qualifiait de « pouvoir
délibérant », cet auteur voit apparaître le pouvoir de suffrage. Dans un État démocratique,
reposant donc sur la souveraineté du peuple ou de la nation (selon la théorie mise en œuvre, cf.
infra.), ce pouvoir est tout à fait déterminant. En effet, c'est par son expression, le vote, que va
s'exprimer cette souveraineté et la confiance des électeurs envers les élus. C'est aussi ce vote
qui va déterminer le sens de la politique à suivre puisque les élus sont élus sur un programme. Il
y a donc un aspect de choix d'un individu et un aspect de choix d'une politique dans l'action de
voter. Il ne faut pas l'oublier car la logique de la représentation (c'est-à-dire le fait que la nation
s'exprime par l'intermédiaire de représentants) aboutit à ce que la plupart des décisions soient
prises par les représentants et peut faire perdre de vue que la souveraineté ne leur appartient
pas, qu'ils sont là simplement pour l'exprimer. C'est ce qui faisait écrire à Maurice Hauriou que
« comme pouvoir de souveraineté, c' [le pouvoir de suffrage] est le premier, comme pouvoir de
gouvernement, c'est le dernierp.165 ¤ ».
*
La Ve République n'a pas modifié l'ordre des pouvoirs de ce point de vue. Le pouvoir de suffrage
est toujours considéré comme étant le plus important vecteur de la souveraineté, mais
également comme n'étant un pouvoir de décision politique que de façon épisodique, même si la
Constitution et plus globalement le régime politique de la Ve République s'est profondément
démocratisé depuis 1958. Nous verrons la semaine prochaine que les citoyens peuvent, bien
plus que sous les Républiques précédentes, s'exprimer de manière directe en raison du choix
fait par les constituants d'une théorie de la souveraineté originale (Chapitre 1). Mais, comme
toutes les démocraties modernes, la Ve République fonctionne essentiellement sur la base de la
représentation, ce qui fait des élections le principal moment d'expression de la souveraineté du
peuple (Chapitre 2).
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§ 1 - La souveraineté populaire
divin ne peut plus être soutenue. Ce sont les hommes qui sont à l'origine de la formation de
l'État, qui sont souverains. Deux théories sont alors apparues pour identifier précisément qui
était souverain : la théorie de la souveraineté populaire et la théorie de la souveraineté
nationale.
§ 1 - La souveraineté populaire
Cette théorie a été imaginée par Jean-Jacques Rousseau en 1762 dans son ouvrage intitulé « Du
contrat social ». Selon cet auteur, les hommes ont décidé de quitter l'état de liberté et
d'individualité dans lequel ils étaient au profit d'une vie en société donc au sein d'un État en
contractant chacun avec tous les autres. Et ils décident qu'ils seront gouvernés par la volonté
générale et non par un monarque comme le préconisait Hobbes. Chaque individu ayant donné sa
liberté pour créer l'État, chacun se trouve être détenteur d'une partie du pouvoir. En d'autres
termes chaque individu détient une parcelle de la souveraineté. C'est donc l'ensemble du
peuple, ou l'ensemble des individus vivant dans la société qui est souverain, mais on ne peut pas
dire que chaque individu est souverain, ce qui est souverain c'est la volonté générale exprimée
par le peuple, c'est le peuple dans son entier.
Cependant, Rousseau sait bien que le système qu'il imagine est valable, d'une part, dans un État
peu vaste et peu peuplé, et, d'autre part, dans un État dans lequel les citoyens ont une culture
politique importante. C'était bien le cas dans l'Antiquité à Athènes, mais cela est-il possible dans
un État peuplé de plusieurs millions d'habitants ? Assurément non. C'est pourquoi Rousseau
prévoit une alternative à la démocratie directe qui reste en harmonie avec sa théorie. Il s'agit
pour le peuple d'élire des mandataires ou des délégués, Rousseau parle de « députés-commis »,
afin que ceux-ci appliquent les volontés du peuple ( Attention : ce ne sont pas des «
représentants », ce terme est à bannir lorsqu'il s'agit de la souveraineté populaire). Ils n'ont
qu'un pouvoir d'exécution des volontés populaires. S'ils s'écartent des souhaits du peuple, le
peuple peut les révoquer à tout moment, immédiatement, car ils sont liés à lui par un mandat
impératif.
§ 2 - La souveraineté nationale
Cette théorie a germé dans l'esprit de l'abbé Sieyès qui rédige un opuscule en 1789 intitulé «
Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? ». Dans cette théorie, ce n'est pas le peuple qui est souverain, c'est
la Nation. Or, au-delà de cette différence de mot, il y a une différence de nature que le langage
courant ignore. En effet, le peuple est aisément identifiable ; il est composé de l'ensemble des
individus vivant sur un territoire donné à un moment donné. Étant aisément identifiable, il est
possible d'accorder à chaque individu une parcelle de souveraineté. Il suffit de compter tous les
individus vivants et d'accorder à chacun la fraction de souveraineté à laquelle il a droit.
En revanche, la Nation n'est pas quelque chose de concret ; il s'agit d'une entité abstraite. En
effet, elle repose sur l'idée de groupe homogène. La nation, écrivait Ernest Renan, est un
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Section 2 - L'article 3 de la Constitution de 1958
principe spirituel composé de deux éléments : « L'une est la possession en commun d'un riche
legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de
continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis ». Plus simplement on peut définir la Nation
comme étant une entité abstraite composée des individus présents, passés et à venir. Or, s'il est
possible de compter les vivants, il n'est pas réellement possible de dénombrer les morts et
absolument impossible de compter les individus futurs, à naître. On ne peut donc pas accorder
une parcelle de souveraineté à chacun.
Il est donc nécessaire de trouver une solution pour exprimer les volontés de la Nation. Pour cela,
il faut élire des représentants chargés d'exprimer cette volonté. La première conséquence de
cette théorie consiste donc en un régime représentatif. Les représentants ne sont pas tenus par
les volontés des électeurs car les électeurs ne sont pas la Nation, ils ne sont qu'une partie de
celle-ci. Le mandat qui lie les représentants aux électeurs n'est donc pas un mandat impératif, il
est un mandat représentatif, ce qui signifie que les électeurs n'ont pas la faculté de révoquer les
élus en cours de mandat.
Autre conséquence : comme les individus ne détiennent pas une parcelle de souveraineté, ils
n'ont pas de droit à exprimer quelque chose qu'ils n'ont pas. Voter n'est donc plus un véritable
droit. En revanche, pour que le système fonctionne, il faut donc élire des représentants. Voter
devient donc une fonction au sein de l'État. C'est pourquoi l'on parle d'électorat-fonction. Or,
cette fonction peut être attribuée à un groupe plus ou moins restreint ou plus ou moins étendu
de personnes. Le suffrage n'est donc pas nécessairement universel. Il peut l'être, comme il peut
être restreint, c'est-à-dire censitaire ou capacitaire.
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§ 2 - Le choix du rassemblement
On le voit, il s'agit bien d'un mouvement généralisé dans l'histoire constitutionnelle qui tend à ne
pas mettre en œuvre toute une théorie de la souveraineté. Cela peut s'expliquer notamment par
le fait que les constituants n'avaient pas une vision très tranchée d'une opposition entre
souveraineté populaire et souveraineté nationale. On l'a dit, cette présentation toute
manichéenne des théories de la souveraineté est celle d'un professeur de droit au début du XXe
siècle, Raymond Carré de Malberg. Mais, en réalité, à l'époque où il écrit, il a reconstruit ces
théories et leur a donné une force qui n'était pas la leur au moment où ces théories sont
apparues.
Dès lors que l'on constate que jamais une théorie de la souveraineté n'a été mise en œuvre en sa
totalité et que l'on a toujours plus ou moins mélangé les deux théories on peut donc accepter
plus facilement la formule de l'article 3 de la Constitution de 1958.
§ 2 - Le choix du rassemblement
En proclamant que « la souveraineté nationale appartient au peuple », la Constitution de 1958
accepte d'aller au-delà de ce qu'avaient fait les constituants avant la seconde guerre mondiale.
En effet, plutôt que de proclamer un type de souveraineté et d'organiser en même temps un
autre type de souveraineté ou de mettre en place des éléments appartenant aux deux types de
souveraineté, la Constitution de 1958 accepte le mélange de souveraineté. Les choses sont donc
plus claires : on ne cache pas au peuple la réalité de son pouvoir ; on ne proclame pas un type de
souveraineté, on proclame que les deux types de souveraineté sont mélangés dans la
Constitution.
En réalité, cette méthode avait déjà été utilisée par les constituants de la IVe République. En
effet, l'article 3 de la Constitution actuelle tire directement son origine de l'article 3 de la
Constitution du 27 octobre 1946 qui disposait déjà : « La souveraineté nationale appartient au
peuple français ». On notera juste une petite différence entre les deux textes avec la présence de
l'adjectif « français » en 1946. Cela tient au fait que la Constitution de 1958 avait souhaité
organiser une sorte d'association des anciennes colonies à la République française (la
Communauté française). Dire que la souveraineté appartenait au peuple français aurait été leur
fermer la porte, leur dénier tout pouvoir.
Cependant, la différence est plus grande entre les deux articles 3 (de la Constitution de 1946 et
de la Constitution de 1958) lorsque l'on examine la suite du texte. En effet, même si l'article 3 de
la Constitution de 1946 proclamait le rassemblement des souverainetés, l'organisation du
pouvoir était quand même très fortement axée autour de la souveraineté nationale. L'article 3
de la Constitution de 1958 dispose que la souveraineté nationale appartient au peuple « qui
l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». On le voit, les deux modes
d'expression de la souveraineté sont mis complètement sur un pied d'égalité. Le peuple peut
exercer son pouvoir aussi bien par le biais de l'élection, en élisant des représentants, ce qui
correspond à la logique de la souveraineté nationale, que par la voie du référendum, c'est-à-dire
en exerçant lui-même un choix politique sur un sujet donné, ce qui, cette fois, correspond
davantage à la souveraineté populaire. Et il ne s'agit pas seulement d'une proclamation puisque
la Constitution du 4 octobre 1958 définit et organise bien tout à la fois le cadre de l'élection et le
cadre du référendum. Cette rédaction apporte donc de la souplesse et de la richesse aux
modalités d'expression de la souveraineté, mais elle peut aussi apporter une certaine ambiguïté
quant au rôle des élus.
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Section 1 - Les conditions d'exercice du pouvoir de suffrage
représentants n'étant pas impératif, les électeurs n'ont le pouvoir de changer leurs
représentants qu'au moment de la nouvelle élection.
Le pouvoir de suffrage est donc capital au sein d'une démocratie représentative car c'est le seul
élément qui assure le caractère démocratique du régime. Après avoir vu les conditions
d'exercice actuel nous aborderons la façon dont se déroulent les scrutins.
Des conditions existent donc pour pouvoir faire partie du corps électoral français, mais bien
évidemment, le suffrage étant universel, il ne peut s'agir de conditions de fortune. L'article 3 de
la Constitution du 4 octobre 1958 arrête la liste de ces conditions de la façon suivante : « Sont
électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des
deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ». Il n'existe donc plus que trois
conditions : une condition de nationalité, une condition d'âge et une condition de jouissance des
droits civils et politiques.
A) La nationalité
Aux termes de la Constitution donc seuls les nationaux français peuvent être électeurs. Il
s'agit là d'une condition posée avec force au cours de l'histoire constitutionnelle française,
mais on se rappelle que la Constitution de 1793 avait admis le droit de vote des étrangers à
des conditions relativement souples (ex : avoir épousé une française, travailler en France
depuis un an...).
21
de problème car l'article 3 est relatif aux conditions d'exercice de la souveraineté nationale.
Or, l'élection du Président de la République ou l'élection des membres du Parlement
participe à l'exercice de cette souveraineté, mais il pouvait sembler qu'il n'en était pas de
même des élections municipales. Mais le Conseil constitutionnel a constaté que le Parlement
est composé à la fois de l'Assemblée nationale et du Sénat. Or, les sénateurs ne sont pas élus
par le peuple directement, ils sont élus par un collège de grands électeurs. Ces grands
électeurs sont des parlementaires, des conseillers départementaux et régionaux, mais aussi
et principalement des conseillers municipaux. Ainsi, admettre que des étrangers deviennent
conseillers municipaux, c'est les faire participer à l'élection des sénateurs, c'est donc les faire
participer indirectement à la manifestation de la souveraineté nationale qu'est la loi que les
sénateurs votent comme les députés.
Cet article autorise les citoyens de l'Union européenne résidant en France à voter et à être
élus aux élections municipales. Seulement, ils ne sont pas totalement assimilés aux électeurs
nationaux. En effet, s'ils sont élus conseillers municipaux, ils ne pourront pas devenir maire
ou adjoint au maire et ils ne pourront pas non plus participer à l'élection des sénateurs que
ce soit en étant grands électeurs eux-mêmes ou en participant seulement à la désignation
des grands électeurs. On notera encore que les citoyens de l'Union européenne résidant en
France ont aussi le droit de voter et d'être élus aux élections européennes, c'est-à-dire lors
de l'élection des représentants français au Parlement européen. Aux élections européennes
de 2019, ils étaient ainsi environ 330.000 à être inscrits sur les listes électorales pour ces
élections. Ce sont les Portugais qui sont les plus inscrits puisqu'ils représentent près du tiers
de tous les étrangers inscrits sur les listes électorales françaises (devant les Italiens, les
Britanniques et les Belges ; le Brexit a abouti à priver ces britanniques du droit de vote en
France lors des élections municipales de 2020).
B) L'âge
Contrairement aux constitutions précédentes, c'est la loi et non la Constitution qui fixe l'âge
de la majorité électorale. Celle-ci a été fixée à 18 ans par la loi du 5 juillet 1974. Il s'agit d'un
âge couramment choisi par les autres pays. En Europe, cet âge généralement fixé à 18 ans en
dehors de l'Autriche (16 ans), de Malte (16 ans) et de la Grèce (17 ans).
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§ 2 - Une condition parfois active : l'inscription sur les listes électorales
est inapte à effectuer un choix politique, mais il s'agit au contraire d'une sanction
prononcée pour son immoralité : l'individu n'est pas jugé digne de pouvoir voter. Les
détenus qui ne sont pas condamnés à une peine de privation des droits civiques
peuvent donc voter. On a pu constater qu'ils le faisaient peu car il leur fallait voter soit
par procuration, soit en profitant d'une autorisation de sortie (ce qui n'est pas la
première chose à laquelle ils pensent quand ils en bénéficient). La loi du 23 mars 2019
les autorise désormais à voter par correspondance, ce qui a été très utilisé lors des
élections européennes de 2019, 1er scrutin où cette possibilité leur était offerte (les
sondages ont montré qu'ils ont voté essentiellement en faveur du Rassemblement
national et de la France insoumise).
Les conditions pour pouvoir voter sont donc relativement peu nombreuses, mais même si
une personne remplit bien toutes ces conditions, il faut encore qu'elle accomplisse une
démarche pour pouvoir ensuite participer à un scrutin : il faut qu'elle s'inscrive sur les listes
électorales, ce qui demeure une condition mais sur laquelle le citoyen peut influer
facilement.
Le législateur a donc souhaité modifier la procédure d'inscription par la loi du 10 novembre 1997
laquelle est relative à l'inscription d'office sur les listes électorales des personnes âgées de 18
ans. Désormais tout jeune atteignant l'âge de 18 ans devrait donc être inscrit de façon
systématique sur les listes électorales. Cependant cette loi pose des problèmes importants. En
effet, il est nécessaire d'avoir connaissance des personnes qui atteignent l'âge de 18 ans chaque
année pour pouvoir les inscrire ; il faut connaître leur nationalité pour n'inscrire sur les listes que
les nationaux ; enfin, il faut connaître leur adresse pour les inscrire dans la commune où ils ont
effectivement leur résidence.
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Section 2 - Le déroulement du scrutin
Depuis la loi du 1er août 2016, qui institue le Répertoire électoral unique, il est possible de
s'inscrire sur les listes, pour ceux qui ne bénéficient pas de cette inscription d'office (notamment
les personnes déménageant) jusqu'au 6e vendredi précédent un scrutin (pour les élections
municipales de 2020, il était donc possible de s'inscrire jusqu'au vendredi 7 février puisque le 1er
tour des élections a eu lieu le dimanche 15 mars).
Finalement, en raison de ces règles, on comptait, au 1er mai 2019, 47,17 millions de personnes
inscrites sur les listes électorales.
24
institutionnelles pour rendre la République plus exemplaire et plus démocratique n'a pas
souhaité remettre en cause cette élection indirecte du Sénat. En revanche, elle a formulé de
nombreuses propositions pour le rendre plus représentatif, notamment en en faisant moins
l'élu des petites et moyennes communes et en supprimant les députés du collège électoral
sénatorial. La loi du 2 août 2013 relative à l'élection des sénateurs n'est pas allée aussi loin
que ces propositions : les députés font toujours partie des grands électeurs sénatoriaux (on y
a même ajouté les sénateurs eux-mêmes). Cette loi a juste, d'une part, abaissé le seuil de
déclenchement de la représentation proportionnelle aux départements élisant 3 sénateurs
ou plus et, d'autre part, a permis aux grandes communes de disposer de délégués
supplémentaires leur permettant de peser un tout petit peu plus dans la désignation des
sénateurs.
En 2015, la commission Bartolone/Winock a suggéré une évolution du Sénat afin qu'il
fusionne en quelque sorte avec le Conseil Économique, Social et Environnemental, comme
l'avait déjà proposé le Général De Gaulle en 1969. Cette proposition s'est attirée les foudres
des sénateurs.
On notera une dernière particularité des élections sénatoriales : le vote y est obligatoire
alors qu'il ne l'est pas pour toutes les autres élections qui, elles, ont lieu au suffrage direct.
En dehors de cet aménagement, le suffrage doit être égal, c'est-à-dire que le poids de
chaque voix doit être identique. Pourtant, il demeure néanmoins une difficulté. En effet, les
élections, en dehors de l'élection présidentielle qui a pour cadre la France entière, ont lieu
dans un cadre territorial très précis. Ainsi, notamment, les élections législatives ont lieu dans
le cadre de circonscriptions électorales créées spécialement (circonscriptions dites ad hoc).
A l'intérieur de ce cadre, toutes les voix sont égales. En revanche, il peut exister des
différences entre les circonscriptions. Ainsi, par exemple, pour les élections législatives de
2007, la circonscription la plus peuplée était la 2e du Val d'Oise avec 188.200 habitants (dans
le Val d'Oise la moyenne était à 122.829). La moins peuplée était alors la 2e de Lozère avec
34.374 habitants (moyenne 36755). Y a-t-il encore égalité du suffrage lorsque la voix d'un
électeur du Val d'Oise pèse 5,5 fois moins que celle d'un électeur de Lozère dans le résultat ?
25
les deux de près de 30% ! Surtout, cela ne règle pas le problème des écarts de population
très importants entre des circonscriptions situées dans des départements différents.
Dans ses observations sur les élections législatives de 2002 le Conseil constitutionnel
affirmait : « Le découpage actuel résulte de la loi n° 86-1197 du 24 novembre 1986 relative à
la délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés. Il repose sur les données du
recensement général de 1982. Depuis lors, deux recensements généraux, intervenus en 1990
et 1999, ont mis en lumière des disparités de représentation peu compatibles avec les
dispositions combinées de l'article 6 de la Déclaration de 1789 et des articles 3 et 24 de la
Constitution. Il incombe donc au législateur de modifier ce découpage ». Mais l'opération de
découpage est complexe et risquée politiquement si bien qu'il a fallu attendre l'ordonnance
du 29 juillet 2009 pour qu'un nouveau découpage soit opéré. Il le fut selon une nouvelle
procédure instituée suite à la révision du 23 juillet 2008.
Le Conseil constitutionnel lorsqu'il a examiné cette loi, dans sa décision du 8 janvier 2009,
573 DC, a estimé qu'eu égard à l'augmentation de la population depuis 1986 de plus de 7,5
millions d'habitants et en raison de la décision du constituant de faire représenter les
Français expatriés non plus seulement au Sénat mais également à l'Assemblée nationale, il
n'était plus possible de prévoir que chaque département élirait au moins deux députés. En
effet, l'Assemblée nationale devant être élue sur des bases essentiellement
démographiques, cette dérogation est disproportionnée sachant que la Lozère ne compte
qu'environ 70.000 habitants alors que chaque circonscription devrait compter en moyenne
environ 120.000 habitants désormais.
26
toujours un député pour 77.000 habitants !
Lorsque l'on pénètre dans un bureau de vote les bulletins sont alignés sur une table et les
électeurs se servent. Il n'y a aucune obligation de prendre des bulletins, ni d'obligation d'en
prendre plusieurs à partir du moment où l'on a choisi d'en prendre (Conseil constitutionnel,
1er juillet 1993, Assemblée nationale, Val de Marne, 9e circ.). Pour autant cela garantit
toujours l'anonymat dans la mesure où des bulletins sont envoyés chez les électeurs par voie
postale et il est toujours possible de se rendre au bureau de vote avec un bulletin dans sa
poche.
Dans cette optique du secret du vote, la loi du 19 juillet 1977 avait interdit la publication de
sondages préélectoraux dans la semaine qui précède un scrutin. L'objectif était d'éviter que
les électeurs ne se démobilisent ou au contraire se mobilisent pour un camp à l'énoncé des
résultats du sondage (effet band wagon, effet underdog). Ainsi, les sondages étaient
soupçonnés de modifier le vote des électeurs. Cette législation a néanmoins subi un coup
d'arrêt avec l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 septembre 2001. En
effet, cette dernière a considéré que celle-ci était incompatible avec les dispositions de
l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme qui protège la liberté
d'expression et d'information. Tant est si bien que la loi du 19 février 2002 interdit
désormais la publication, la diffusion ou le commentaire de sondages seulement le jour et la
veille du scrutin (soit à partir du vendredi soir à minuit).
27
§ 3 - Le financement de la vie politique
De surcroît, il faut être en règle avec les obligations militaires. Jusqu'en 2011, les conditions
d'éligibilité aux assemblées parlementaires étaient plus strictes que pour toute autre élection,
notamment présidentielle. En effet, s'agissant des autres élections, il suffisait d'avoir satisfait aux
obligations militaires tandis que pour les élections parlementaires il fallait avoir satisfait
définitivement aux obligations militaires. En clair, un individu qui accomplissait son service
militaire pouvait se présenter à l'élection présidentielle (comme ce fut le cas d'Alain Krivine en
1969), mais il ne pouvait se présenter aux élections législatives ou sénatoriales. Pour cela, il
devait attendre d'avoir fini son service.
Pour certaines élections, comme les élections municipales, il y a aussi des conditions d'éligibilité
de la liste qui ont été posées par la loi du 6 juin 2000. Dans une décision du 18 novembre 1982, le
Conseil constitutionnel avait interdit les quotas de femmes sur les listes. Mais loi
constitutionnelle du 8 juillet 1999 a réécrit l'article 3 qui prévoyait : « La loi favorise l'égal accès
des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». D'où l'intervention
de la loi du 6 juin 2000, complétée et modifiée par les lois du 30 juillet 2003 et du 31 janvier
2007. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a d'ailleurs ajouté à cette mention : « ainsi
qu'aux responsabilités professionnelles et sociales ». L'ajout de cette mention permet de lever
un obstacle qu'avait mis en lumière le Conseil constitutionnel dans la décision du 16 mars 2006,
Loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, dans laquelle il avait affirmé que
« la Constitution ne permet pas que la composition des organes dirigeants ou consultatifs des
personnes morales de droit public ou privé soit régie par des règles contraignantes fondées sur
le sexe des personnes ». Mais surtout elle a déplacé cet objectif de parité de l'article 3 à l'article
1er alinéa 2, ce qui est symboliquement fort.
Désormais pour les municipales dans les communes de 1000 habitants et plus, les régionales et
les européennes, les listes de candidats doivent comporter une stricte alternance entre hommes
et femmes ; on appelle cette façon d'organiser la parité, la parité « chabada » ). Pour les
départementales, le scrutin est désormais bi-nominal, chaque bulletin devant comporter un
candidat de chaque sexe.
Pour les élections législatives, le scrutin est uninominal. Pour assurer la parité homme femme on
ne peut donc pas instituer une inéligibilité. C'est donc au portefeuille que sont frappés les partis
politiques qui présenteraient bien plus de candidats masculins que de candidats féminins
puisque l'aide financière de l'État peut alors être réduite (cf. infra.).
Pour les élections sénatoriales, dans les départements élisant au moins 3 sénateurs, la parité
impose une stricte alternance entre hommes et femmes comme aux régionales (parité chabada).
En revanche, il n'y a aucune obligation de respecter une quelconque parité dans les
départements élisant 1 ou 2 sénateurs.
A ce jour, il y a 228 femmes à l'Assemblée nationale (soit 40%) et 119 au Sénat (soit 34%).
28
cotisations des militants, ce qui ne représentait que peu d'argent. Or, la démocratie a un
coût et les partis politiques y ont un rôle important à jouer. En effet, ils permettent
d'encadrer les aspirations des citoyens, voire de canaliser leur contestation. En d'autres
termes, comme l'exprime l'article 4 de la Constitution de 1958 : ils « concourent à
l'expression du suffrage ».
Cette reconnaissance constitutionnelle de leur utilité n'est pourtant pas allée de pair
immédiatement avec leur financement public. Mais depuis 1988, l'État prend en charge une
partie du financement de leurs activités. Actuellement, le financement des partis politiques
obéit aux règles suivantes :
Les personnes physiques peuvent décider de verser de l'argent aux partis politiques ;
cela leur permet même d'obtenir des déductions fiscales. Seulement depuis 1995,
elles ne peuvent leur verser plus de 7500 euros par an et, depuis une loi du 11 octobre
2013, un particulier ne peut plus verser 7500 euros à plusieurs partis politiques car
c'est désormais la somme maximale qu'il peut verser éventuellement en la
répartissant entre plusieurs partis.
Les personnes morales, notamment les entreprises privées, ne peuvent plus financer
les partis politiques. Cela est strictement interdit afin d'éviter une forme de corruption.
Enfin, une aide publique est versée par le Trésor public aux partis politiques. Cette
aide se découpe en deux volets :
Tous les partis politiques ayant présenté des candidats aux élections législatives
dans au moins cinquante circonscriptions lors des dernières élections à
l'Assemblée nationale, ou ayant présenté des candidats outre-mer sans qu'ils
soient cinquante ont droit à une dotation calculée proportionnellement au
nombre de suffrages obtenus lors du premier tour. Jusqu'en 2007 il n'existait
pas de seuil donc pas de pourcentage de voix minimum à obtenir pour
bénéficier de cette aide. La floraison de candidatures en vue de bénéficier de
l'aide publique a incité le législateur, par la loi du 11 avril 2003, à désormais
prévoir un seuil minimal de voix à atteindre pour obtenir droit à la première
fraction de l'aide publique. Depuis les élections législatives de 2007, il faut que
les groupements politiques aient soit obtenu, en métropole, au moins 1% des
suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions, soit, recueilli, outre-mer,
au moins 1% des suffrages exprimés dans l'ensemble des circonscriptions dans
lesquelles ils se sont présentés. On peut considérer qu'il s'agit là d'une atteinte
au développement des petits partis, mais, d'une part, le seuil est tout de même
extrêmement bas, d'autre part, les abus étaient nombreux (on peut citer à cet
égard le cas d'un parti appelé « Metz pour tous » n'ayant présenté qu'un seul
candidat, mais outre-mer, en 2002 et qui n'avait obtenu qu'une voix. Ce parti
était donc financé par l'État ! On peut aussi citer le cas du Parti de la loi naturelle
qui présentait des candidats en vue de capter l'aide publique). En 2020, chaque
voix rapporte environ 1,64 euros.
On notera que la loi du 6 juin 2000 a prévu que lorsque l'écart entre le nombre
d'hommes et de femmes candidats se rattachant à un parti ou groupement
politique est supérieur à 2 % du nombre total des candidats qu'il présente, ce
parti encourt une sanction financière. Si un parti ne respecte pas ses obligations
en matière de parité hommes/femmes en présentant plus de candidats d'un
sexe que de l'autre (l'obligation n'est pas remplie si l'écart dépasse 2 % du
nombre total des candidats présentés par le parti), alors, le montant de cette
première fraction de l'aide publique est diminué d'un pourcentage égal à 150%
de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats (loi du 31 janvier 2007
modifiée par la loi du 4 août 2014). Ainsi, si un parti présente 65 % de candidats
et seulement 35 % de candidates, l'écart est de 30 points : le montant de la 1ère
fraction d'aide est donc diminué de 45 % (c'est-à-dire 150% de 30). En 2020, les
29
plus grosses sanctions pour avoir présenté plus de candidats que de candidates
ont frappé Les Républicains et la France insoumise ; seul le Parti animaliste a été
sanctionné pour avoir présenté plus de femmes que d'hommes.
Le second volet du financement public des partis politiques est réservé aux
partis politiques représentés au sein du Parlement. Les sommes sont réparties
entre ces partis proportionnellement au nombre de députés et de sénateurs
qu'ils regroupent. Mais cette condition n'est pas suffisante. En effet pour
pouvoir bénéficier de cette aide il faut aussi que le parti politique ait droit au
premier volet de l'aide ; il faut donc qu'il ait présenté au moins cinquante
candidats ou des candidats outre-mer. En 2020, cette portion de l'aide s'élève à
37.159,45 euros (contre 41629,04 euros en 2013) par parlementaire rattaché au
parti.
Les montants de l'aide publique attribués en 2020 figurent au décret du 23 février 2020.
L'élection présidentielle : Ici le plafond de dépenses est beaucoup plus élevé. En effet, un
candidat à l'élection présidentielle pourra dépenser 16,851 millions d'euros pour sa
campagne et même 22,509 millions d'euros s'il va jusqu'au second tour. Tous les candidats,
quel que soit le score obtenu, auront droit au remboursement par l'État de 800.423 euros
(soit 4,75% du plafond). Les candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés au
premier tour bénéficieront, eux, du remboursement par l'État de près de la moitié du
plafond (47,5%) à savoir 8 004 225 d'euros et même 10 691 775 pour les deux candidats
30
§ 4 - Le choix du mode de scrutin
Avant de voir les différents modes de scrutin, il faut savoir qu'une élection a toujours lieu dans
un cadre territorial déterminé : on parle de circonscription. Ce cadre varie selon les élections.
Ainsi, l'élection présidentielle (singulier) a lieu dans ce cadre unique qu'est la France. Les
élections sénatoriales ont lieu dans le cadre du département. Les élections législatives, elles, ont
lieu dans le cadre de circonscriptions créées spécialement à cet effet.
Il existe différents modes de scrutin, différentes composantes qu'il faut examiner :
1. Le scrutin est-il uninominal ou de liste (on dit aussi plurinominal) ? → La question est ici
de savoir si les électeurs de la circonscription d'élection doivent élire une personne seule
(éventuellement en élisant également un remplaçant potentiel) ou s'ils doivent élire
plusieurs personnes regroupées sous forme de liste. En France, lors des élections
départementales, le scrutin est binominal ; lors des élections régionales, le scrutin est un
scrutin de liste.
2. Le scrutin est-il majoritaire ou proportionnel ? → Dans un scrutin proportionnel, le
nombre de sièges obtenus doit, peu ou prou, être en rapport avec le nombre de voix
obtenues. Par définition un scrutin proportionnel est donc nécessairement un scrutin de
liste (mais attention tous les scrutins de liste ne sont pas nécessairement organisés à la
représentation proportionnelle). Ainsi dans un système idéal, une liste qui obtiendrait 30
% des voix devrait obtenir 30 % des sièges. En réalité, il existe deux aménagements
principaux de la représentation proportionnelle qui aboutissent à des résultats un peu
différents et qui s'écartent de cette proportion purement mathématique. D'une part, il
existe différentes méthodes de calcul de la proportionnelle : la représentation
proportionnelle dite à la plus forte moyenne favorise légèrement les grands partis ; la
représentation proportionnelle dite aux plus forts restes favorise, quant à elle, les petits
partis. D'autre part, le législateur impose toujours un seuil minimal de voix à attendre pour
31
§ 4 - Le choix du mode de scrutin
prétendre à la répartition des sièges. La sensibilité de ce mode de scrutin, c'est que toutes
les opinions ont le droit d'avoir des représentants élus. On le voit, ce mode de scrutin va
favoriser l'émergence de nombreux partis politiques car ils ont une chance réelle d'obtenir
des élus (si le seuil est bas), ce qui peut causer des difficultés, dans le cadre du régime
parlementaire, pour former un gouvernement stable.
Ce mode de scrutin est pratiqué dans la majorité des pays européens à l'exception du Royaume-
Uni ; il est ainsi pratiqué, par exemple, en Belgique. En France, il est pratiqué pour les élections
européennes et n'a été pratiqué pour les élections législatives qu'en 1986.
Dans un scrutin majoritaire, c'est le candidat ou la liste de candidats qui obtient le plus de voix
qui emporte le ou les sièges, quel que soit l'écart de voix avec les autres candidats. Il s'agit donc
d'un mode de scrutin assez brutal. Cependant, cette brutalité apparaît essentiellement quand ce
mode de scrutin est associé à l'organisation d'un seul tour de scrutin. La personne ou la liste qui
obtient le plus de voix dès le premier tour (puisqu'il n'y en a pas de second) est élue. Tant pis
pour celui qui n'a obtenu qu'une seule voix de moins, il est battu. L'inconvénient de ce mode de
scrutin est donc de ne pas laisser de place aux petits partis qui n'ont quasiment aucune chance
de se développer. Ce mode de scrutin ne permet pas de représenter toutes les tendances
politiques au sein du pays. L'avantage est que lorsque les électeurs vont voter, ils tiennent
compte du fait qu'ils n'ont qu'une chance de se faire entendre. Pour que leur voix soit utile, ils
auront donc tendance à voter non pas pour le candidat qui leur plaît le plus mais pour le
candidat qui, en ayant des chances de l'emporter, est le moins loin de penser comme eux, qui
leur déplaît le moins. Les électeurs vont donc voter utile. L'avantage de ceci, c'est qu'en
définitive, seuls les grands partis ont des chances de recevoir des voix des électeurs car seuls eux
ont des chances de gagner. On va donc avoir dans les pays qui pratiquent le scrutin majoritaire à
un tour un système bipartisan qui permet facilement la composition d'un gouvernement stable.
Le Royaume-Uni pratique le scrutin uninominal majoritaire à un tour pour l'élection des
membres de la Chambre des Communes ; les États-Unis, quant à eux, pratiquent le scrutin de
liste majoritaire à un tour pour l'élection des grands électeurs qui devront ensuite élire le
Président.
Pendant longtemps, le mode scrutin pour les principales élections a figuré dans la Constitution.
Mais, depuis la IIIe République, les constituants ont voulu rendre plus de souplesse au choix du
mode de scrutin ; ils l'ont donc sorti de la Constitution afin qu'il ne soit plus nécessaire de réviser
la Constitution à chaque fois que l'on voulait changer de mode de scrutin. Seul le mode de
scrutin pour l'élection présidentielle figure encore dans la Constitution à l'article 7. Le Président
de la République est élu au scrutin uninominal majoritaire à 2 tours, seuls les deux candidats
arrivés en tête pouvant accéder au second tour (si aucun des candidats n'a obtenu la majorité
absolue des suffrages exprimés au 1er tour).
En revanche, pour les députés et les sénateurs, c'est la loi ordinaire qui fixe le mode de scrutin.
Pour les élections législatives, le scrutin est uninominal (bien qu'il y ait sur le bulletin le nom du
candidat et le nom de son suppléant) majoritaire à deux tours ; pour être présent au 2nd tour il
suffit d'obtenir 12,5% des inscrits au 1er tour, ce qui permet d'avoir des triangulaires voire des
quadrangulaires. Le Gouvernement Philippe a déposé à l'Assemblée nationale un projet de loi
qui modifierait, s'il est adopté, ce mode de scrutin : celui-ci serait simplement conservé pour
l'élection de la majorité des députés (vraisemblablement 338), mais 87 députés seraient quant à
eux élus à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne (avec un seuil d'accès à la
répartition des sièges de 5%). Il resterait à ajouter les députés représentant les Français de
l'étranger (qui pourraient être au nombre de 8 contre 11 actuellement) et qui seraient eux aussi
élus à la représentation proportionnelle mais dans une circonscription spécifique.
S'agissant des élections sénatoriales, qui ont lieu au suffrage indirectp.165 ¤, le mode de scrutin
*
dépend de la taille des départements : depuis la loi du 2 août 2013, dans les départements qui
32
§ 4 - Le choix du mode de scrutin
élisent moins de 3 sénateurs le scrutin est majoritaire ; dans les départements qui élisent au
moins 3 sénateurs, le scrutin est proportionnel à la plus forte moyenne. Ainsi sur les 348
sénateurs 255 sont élus à la représentation proportionnelle.
Même si les modes de scrutin peuvent avoir des effets attendus, il ne faut pas négliger la part
que prennent les électeurs dans le résultat. Le mode de scrutin ne fabrique pas totalement un
résultat artificiel. Emmanuel Macron, dans son discours devant le Congrès le 3 juillet 2017, a
proposé l'introduction d'une dose de proportionnelle dans le mode de scrutin pour les
législatives dans le but d'assurer une meilleure représentation des diverses tendances politiques
à l'Assemblée et une meilleure représentation des femmes (en raison d'un scrutin de liste).
Après avoir proposé dans un premier temps en 2018 une dose de 15%, le Gouvernement a
finalement, en août 2019, proposé une dose de 20% de proportionnelle.
Il s'agissait dans ce chapitre du volet représentatif du type de souveraineté adopté par l'article 3
de la Constitution, puisqu'il était question de l'élection des représentants. Nous aborderons la
semaine prochaine le volet participatif de ce type de souveraineté, c'est-à-dire le moyen de
participation quasi directe des citoyens aux choix politiques, à savoir ce procédé de démocratie
semi-directe que constitue le référendum.
33
§ 4 - Le choix du mode de scrutin
34
Leçon 3 : Le référendum et autres moyens de participation citoyenne sous la Ve République
Dans un régime purement représentatif, le peuple ne doit pas, du moins en principe, participer
à l'élaboration de la loi ou à son adoption ; le peuple n'est pas actif entre les élections. C'est
d'ailleurs ce que reprochait Jean-Jacques Rousseau au système britannique : « Le peuple anglais
pense être libre ; il se trompe fort, il ne l'est que durant l'élection des membres du Parlement ;
sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est rien ». Et il ajoute : « Dans les courts moments de sa
liberté, l'usage qu'il en fait mérite bien qu'il la perdep.165 ¤ ».
*
35
§ 1 - Le titulaire du pouvoir
Seulement cela ne signifie pas que le Président de la République ait une totale liberté quant à
l'utilisation de son pouvoir d'organiser un référendum. En effet, il ne peut en principe pas
prendre l'initiative d'organiser un référendum législatif.
A) Le référendum « classique »
L'initiative du référendum appartenait classiquement, aux termes de l'article 11 de la
Constitution, à deux organes possibles :
elle peut appartenir au Gouvernement. Le Gouvernement demande alors au Président
de la République d'organiser un référendum. Il s'agit d'une demande émanant du
Gouvernement dans son ensemble et non du seul Premier ministre afin de marquer la
solennité de celle-ci. Mais si tel est le cas, la Constitution exige que le Parlement soit
en session afin qu'il puisse être en mesure d'exercer un contrôle sur cette proposition
du Gouvernement. La Constitution exige aussi, depuis 1995, qu'une déclaration
gouvernementale soit adressée au Parlement et que celle-ci soit suivie d'un débat afin
que le Parlement puisse donner son sentiment sur l'organisation de ce référendum
sans que ce sentiment ait une quelconque valeur juridique. Cette proposition du
Gouvernement est publiée au Journal officiel.
elle peut appartenir conjointement aux deux assemblées. Les deux assemblées
doivent successivement adopter un même texte par lequel elles demandent au
Président de la République d'organiser un référendum sur tel ou tel sujet. Ce texte
s'appelle une « motion ». Là encore, cette motion, qui constitue donc l'initiative du
référendum, doit être publiée au Journal officiel.
36
Mais la révision du constitutionnelle du 23 juillet 2008 a inséré une nouvelle possibilité
quant à l'initiative du référendum : ce que l'on a appelé bien vite l'initiative populaire.
Mais surtout la nouvelle rédaction de l'article 11 précise que si la proposition de loi n'a pas
été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de
la République la soumet au référendum. Cela signifie que le référendum n'est que facultatif.
Si les assemblées ont examiné la proposition de loi avant l'expiration du délai de 6 mois fixé
par la loi organique du 6 décembre 2013, alors il n'y a pas de référendum. Pire, la
Constitution mentionne bien l'examen par les deux assemblées et non le vote de la
proposition. Donc, si la majorité parlementaire vote contre la proposition en question, il n'y
aura pas de référendum organisé sur cette proposition. On est donc très loin de l'initiative
populaire du référendum alors qu'en 2008 ce RIP avait été qualifié d'initiative populaire.
Et malgré ces précautions déjà importantes, les représentants en ont ajouté d'autres dans le
cadre de cette dernière procédure :
D'une part, la proposition en question devra respecter les objets fixés par la
Constitution. Le Conseil constitutionnel sera chargé de contrôler leur respect avant
qu'elle ne soit soumise aux assemblées. Au préalable, le Conseil constitutionnel va
même devoir vérifier la validité des signatures des citoyens recueillies par internet.
D'autre part, la proposition en question ne peut pas « avoir pour objet l'abrogation
d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an ».
Enfin, si le référendum a lieu mais que le peuple rejette la proposition, « aucune
37
§ 3 - Le champ du référendum
nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée
avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date du scrutin ».
Étant donné toutes ces précautions, il y a fort à parier que cette nouvelle disposition
constitutionnelle n'aura que peu l'occasion de jouer.
§ 3 - Le champ du référendum
La liberté d'organisation d'un référendum est d'autant plus limitée que la Constitution prévoit
que le référendum législatif ne peut pas porter sur n'importe quoi. L'objet du référendum ou le
champ du référendum est limité à une énumération figurant à l'article 11.
38
Section 2 - La pratique du référendum législatif
peut :
porter sur l'organisation des pouvoirs publics ;
porter sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale
de la nation et aux services publics qui y concourent ;
tendre à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait
des incidences sur le fonctionnement des institutions.
Mais en plus, lorsqu'il s'agit d'une proposition de loi, elle ne peut pas porter sur l'abrogation
d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.
Si ces conditions apparaissent très précises, la pratique du référendum de l'article 11 de la
Constitution, s'en écarte sensiblement.
§ 1 - L'initiative du référendum
Si en temps normal le Président de la République doit être saisi d'une demande d'organisation
du référendum soit par le Gouvernement, soit par les deux assemblées conjointement, on
remarque deux choses :
D'une part, que les assemblées n'ont jamais voté de motion tendant à demander au
Président de la République de soumettre un projet de loi au référendum. L'Assemblée
nationale n'a même jamais voté de son côté une telle motion. Le Sénat, en revanche, l'a
déjà fait plusieurs fois comme par exemple en 1984 sur l'école privée, en juillet 2014
s'agissant du projet de loi relatif à la délimitation des régions ou en 2013 s'agissant du
projet de loi relatif au mariage entre personnes de même sexe, mais à chaque fois
l'Assemblée nationale a refusé de voter cette motion.
39
§ 1 - L'initiative du référendum
D'autre part, le plus souvent, les référendums ont, en réalité, été proposés par le Président
de la République lui-même. Seul le référendum sur la Nouvelle Calédonie échappe à cette
analyse, le Gouvernement en ayant effectivement pris l'initiative. Ainsi, par exemple, le
premier référendum algérien fut-il annoncé par le Général de Gaulle le 16 novembre 1960,
alors que ce n'est que le 8 décembre que le Journal officiel publia la proposition
gouvernementale. Mais, c'est sans doute le référendum du 28 octobre 1962 qui suscite, de
ce point de vue mais pas seulement, le plus de critiques. En effet, le Président de la
République annonça son intention d'organiser un référendum le 12 septembre, alors que
la session parlementaire débutant le 2 octobre, le Parlement n'était pas réuni comme il
doit l'être aux termes de la Constitution quand le Gouvernement propose au Président de
la République de soumettre un projet de loi au référendum. De fait, pour afficher un
respect de l'article 11, la proposition gouvernementale fut publiée au Journal officiel le
jour d'ouverture de la session. Ceci démontre le peu de cas dont il est fait tant du
Gouvernement que du Parlement et, même si cela ne change rien aux attributions de ce
dernier, la valeur symbolique de cette interprétation présidentialiste de l'initiative en
matière de référendum affirme bien que le Parlement est totalement écarté de la
procédure.
Notons enfin que si jamais aucun référendum d'initiative partagée n'a été organisé, une
première tentative de proposition d'un tel référendum a été initiée par les sénateurs socialistes
contre la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune. Mais, faute du soutien d'un nombre
suffisant de parlementaires, cette initiative n'a pu être menée à bien. Une autre tentative des
parlementaires socialistes a eu plus de succès ; il s'agissait de lutter contre la privatisation
d'Aéroports de Paris prévue par la loi PACTE en discussion au Parlement. N'ayant pu s'opposer
au vote de l'article de cette loi qui la prévoyait, les parlementaires socialistes ont réussi à
convaincre leurs collègues d'autres groupes politiques de rallier leur initiative de proposition de
loi formulée dans le cadre de l'article 11 de la Constitution de faire des aéroports de Paris un
service public national (ce qui sous-entendrait l'exclusion de leur privatisation). La proposition a
ainsi été signée en avril 2019 par 247 parlementaires, soit plus que les 185 exigés.
Une difficulté existait cependant car, aux termes de la Constitution, la proposition en question
ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un
an. Seulement, en l'occurrence la disposition législative n'était pas encore « promulguée »
lorsque la proposition a été signée par les 247 parlementaires, elle était seulement votée (les
parlementaires avaient d'ailleurs déposé un recours devant le Conseil constitutionnel contre le
vote de cette loi afin d'en retarder la promulgation). Ainsi, le Conseil constitutionnel le 9 mai
2019 a-t-il considéré que la proposition était recevable et a-t-il ouvert le recueil des signatures au
soutien de celle-ci à compter du 13 juin. Les opposants à la privatisation des aéroports de Paris
ont donc bénéficié de 9 mois pour récolter ces signatures sur le site dédié de l'administration :
https://www.referendum.interieur.gouv.fr. Cependant, le 26 mars 2020, il devait constater que le
seuil de 10% des électeurs inscrits (soit 4.717.396) était loin d'avoir été atteint puisque seulement
1.093.030 signatures avaient été recueillies, refermant ainsi cette première initiative partagée.
On peut s'interroger sur ce mécanisme au regard de cette pratique. En effet, elle fait apparaître
un risque qui n'était pas envisagé par ses promoteurs initiaux, celui d'une opposition constituée
de « seulement » 1/5e des parlementaires qui multiplierait les propositions de RIP pour faire
peser de l'insécurité juridique sur les réformes économiques, sociales et environnementales
40
§ 2 - Le champ du référendum
Mais cette expérience devait aussi montrer à quel point la procédure imaginée en 2008 est
inatteignable (seuil trop élevé).
Fort de cette expérience et en tenant compte de la volonté exprimée, notamment par des gilets
jaunes, d'une plus forte implication du peuple dans le processus référendaire, le Président de la
République a proposé en août 2019, dans un projet de révision, que le RIP soit tout à la fois
allégé et remanié dans sa procédure. Allégé car l'initiative pourrait soit provenir des
parlementaires, soit des citoyens alors qu'aujourd'hui elle provient initialement des
parlementaires. Allégé encore en ce qu'il suffirait d'1/10e de parlementaires et d'1 million de
citoyens pour lancer la procédure de RIP. Remanié en ce que la proposition ne pourrait ni avoir
pour effet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins de trois ans, ni
porter sur le même objet qu'une disposition introduite au cours de la législature et en cours
d'examen au Parlement ou définitivement adoptée par ce dernier et non encore promulguée. Ce
qui donnerait cette fois le schéma suivant :
§ 2 - Le champ du référendum
Les trois objets possibles du projet de loi pouvant être soumis au référendum existent de la sorte
depuis la révision constitutionnelle du 4 août 1995. Avant cette date à la place d'un projet de loi
portant sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la
nation et aux services publics qui y concourent, il était possible d'organiser un référendum sur un
projet de loi portant approbation d'un accord de Communauté.
Or, trois référendums sur huit ne rentrent pas dans ce cadre constitutionnel (28 oct. 1962, 27
41
§ 2 - Le champ du référendum
avril 1969 et 23 avril 1972). Celui du 23 avril 1972 autorise certes la ratification d'un traité, mais
a-t-il des incidences sur le fonctionnement des institutions ? Ce n'est pas sûr.
Surtout, les deux autres référendums, sur l'élection du Président de la République au suffrage
universel direct et sur le Sénat et les régions, ont eu pour effet et pour objet de réviser la
Constitution. On a pu les justifier en disant que le référendum législatif pouvait porter sur un
projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics ; or, la Constitution organisant les
pouvoirs publics, ces référendums étaient donc conformes à la Constitution. Cet argument ne
semble pas valable pour deux raisons :
D'abord, il existe pour réviser la Constitution une procédure spécifique, organisée au Titre
XVI. Le Titre XVI s'intitule « De la révision » et il est composé d'un seul article, l'article 89.
Pour réviser la Constitution, on doit donc suivre la procédure prévue à cet article et non
une autre.
De plus, s'agissant de l'objet du référendum législatif, il peut aussi porter sur un projet de
loi « tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution,
aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». Si les constituants ont
précisé que le traité ne devait pas être contraire à la Constitution cela signifie que par le
biais du référendum de l'article 11, il ne doit pas être porté atteinte à la Constitution. Or,
une révision constitutionnelle est forcément contraire à la Constitution avant d'être
adoptée ; lorsque l'on prévoit que le Président de la République sera élu au suffrage
universel direct, cela est forcément contraire au texte de la Constitution qui dispose que le
Président de la République est élu par un collège de grands électeurs. Il ne devrait donc
pas être possible de réviser la Constitution par la voie de l'article 11.
Pourtant, le Général de Gaulle l'a fait en 1962 et l'a à nouveau tenté en 1969 mais cette fois le
peuple vota NON, ce qui causa sa démission de la Présidence de la République.
Sur la question de savoir s'il est possible ou non de réviser la Constitution par la voie de l'article
11, on peut donc dire :
Que cela apparaît logiquement inconstitutionnel ;
Que néanmoins le Général de Gaulle l'a fait ;
Que le Conseil constitutionnel a refusé de se prononcer sur la question par une décision du
6 novembre 1962 ;
Mais que 30 ans après, il semble, dans un premier temps, avoir accepté cette manœuvre
dans une décision en date du 2 septembre 1992, Maastricht II, dans laquelle il déclare que
« le pouvoir constituant est souverain ; il lui est loisible d'abroger, de modifier ou de
compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu'il estime
appropriée ».
Cependant, depuis 2000, il s'estime compétent pour examiner les requêtes contre les
actes préparatoires à un référendum national (Conseil constitutionnel, 2000-21 REF, 25
juillet 2000, Hauchemaille). Dans ces conditions, on est en droit de se demander s'il ne
pourrait pas, à l'occasion d'un recours dirigé contre le décret convoquant les électeurs
pour un référendum ou soumettant un texte au référendum, contrôler si l'objet sur lequel
porte le projet de loi soumis au référendum entre bien dans la liste des objets qui peuvent
être soumis au référendum (rappelons qu'un tel contrôle est, en revanche, systématique,
sur les propositions de loi référendaires formulées dans le cadre de la procédure de
référendum d'initiative partagée).
42
Chapitre 2 - Le référendum constituant
demeure un instrument aux mains du Président de la République et non aux mains du peuple.
Cependant, un référendum d'initiative totalement populaire, portant sur n'importe quel objet, y
compris constituant, comme le souhaitent certains mouvements politiques, n'est pas sans
danger pour la démocratie.
§ 1 - La phase d'initiative
L'initiative de la révision appartient concurremment aux parlementaires de façon individuelle qui
déposent une proposition de loi constitutionnelle ou au Président de la République, mais alors
sur proposition du Premier ministre. Le Président de la République prend alors un décret de
présentation du projet de révision, décret qui est contresigné par le Premier ministre.
Jusqu'à présent, si les parlementaires déposent parfois quelques propositions de lois
constitutionnelles (ce qui n'est pas courant), celles-ci n'ont encore jamais abouti à une révision
de la Constitution. Les révisions constitutionnelles qui ont eu lieu, ont toujours eu pour origine
un projet de révision, c'est-à-dire qu'elles avaient pour origine le Président de la République sur
proposition du Premier ministre (pas du Gouvernement). Ainsi, si Valéry Giscard d'Estaing avait,
en 2000 alors qu'il était encore député, déposé une proposition de loi constitutionnelle tendant
à instituer le quinquennat, c'est par un projet de révision que cette révision est finalement
passée.
Une fois le projet ou la proposition déposée s'ouvre la deuxième phase
43
§ 3 - La phase d'adoption
proposition.
D'autre part, qu'aux termes de, l'article 89 alinéa 2 : « le projet ou la proposition de
révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de
l'article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques ». Cela signifie, s'agissant
des lois constitutionnelles, que l'adoption d'un texte identique est un impératif. Il en
résulte que les procédures de la commission mixte paritaire et de dernier mot à
l'Assemblée nationale ne peuvent pas être mises en œuvre dans le cadre d'une révision de
la Constitution.
De surcroît, le verbe « voter » figurant au deuxième alinéa de l'article 89 interdit au Premier
ministre d'user, pour parvenir à l'adoption d'un projet ou d'une proposition de loi
constitutionnelle, des pouvoirs qu'il tire de l'article 49 alinéa 3.
Il en découle un pouvoir de blocage du Sénat en matière constitutionnelle qui cadre mal avec sa
faible représentativité. C'est la raison pour laquelle le Général de Gaulle avait préféré réviser la
Constitution par la voie de l'article 11.
Une fois le texte voté dans les mêmes termes par les deux assemblées, celui-ci est transmis au
Président de la République pour la troisième phase.
§ 3 - La phase d'adoption
Une fois le Président de la République saisi, celui-ci dispose d'un choix ; il doit décider si la
dernière phase de la révision sera une phase parlementaire ou une phase populaire. Cependant,
son choix n'est pas totalement libre. En effet, si le texte qui vient de lui être transmis provient à
l'origine d'une proposition de loi, il perd toute possibilité de choix : la révision ne pourra avoir
lieu que par la voie du référendum. On notera que lorsque les parlementaires prennent
l'initiative d'une révision il n'y a pas que le Président de la République qui perd son pouvoir, car
les parlementaires savent dans ce cas qu'ils se dépouillent du pouvoir final de voter la révision.
Au contraire, s'il s'agissait d'un projet le Président de la République sera totalement libre de
choisir entre référendum ou Congrès (le Congrès étant la réunion des députés et des sénateurs
ensemble, à Versailles, pour approuver la révision de la Constitution).
Il n'existe pas de délai dans lequel le Président de la République doit choisir et doit soit réunir le
Congrès, soit organiser le référendum. De fait, deux projets de révision adoptés par les deux
assemblées, l'un en octobre 1974 consacré à la suppléance des parlementaires et l'autre en
octobre 1973 sur le quinquennat sont restés bloqués à l'issue de la deuxième phase. Adoptés à
de courtes majorités ces projets n'avaient que peu de chances de réunir la condition de majorité
prévue pour le Congrès et Georges Pompidou pour l'un et Valéry Giscard d'Estaing pour l'autre
n'ont pas souhaité convoquer les électeurs pour un référendum qui soit divisait fortement la
population et dont l'issue était incertaine, soit était très éloigné des préoccupations des
électeurs. La majeure partie de la doctrine considère que ces révisions pourraient être reprises
ou auraient pu l'être en l'état, les changements de législatures n'ayant nullement remis en cause
les délibérations effectuées à l'époque.
A ces révisions manquées il faut ajouter le cas plus récent d'un projet de révision concernant le
Conseil Supérieur de la Magistrature adopté définitivement par les deux assemblées le 18
novembre 1998, mais qui ne devait être soumis à l'approbation du Congrès que le 24 janvier
2000. Finalement le Président de la République a choisi, en accord avec le Premier ministre, de
reporter sine die cette révision étant donné la manifestation grandissante du désaccord d'une
partie des parlementaires. Cet épisode a rappelé quelque chose d'important : c'est que le
Président de la République est libre, s'il s'agit d'un projet de révision, de choisir, pour la
troisième phase, entre réunir le Congrès ou convoquer les électeurs pour un référendum ; ce
choix lui appartient ; mais, le Premier ministre et les ministres responsables ne sont pas
totalement écartés car ils doivent contresigner le décret réunissant le Congrès ou le décret
44
§ 3 - La phase d'adoption
Lors d'un référendum constituant, il suffit que la majorité des suffrages exprimés soit favorable
au OUI pour que la révision constitutionnelle soit adoptée. Cela ne s'est, pour l'instant, produit
qu'une seule fois en l'an 2000 et l'on notera qu'il n'est pas nécessaire d'obtenir un pourcentage
de votants minimum pour que la révision soit valable, contrairement à ce qui se passe en Italie
avec le référendum abrogatif, l'abstention ayant atteint, en 2000, les 70% des électeurs
Le Congrès qui siège à Versailles doit, quant à lui, approuver les textes qui lui sont présentés à la
majorité des 3/5e des suffrages exprimés, sans qu'il puisse modifier les textes qui lui sont
soumis, les débats étant limités aux explications de votes. Parfois, plusieurs révisions peuvent en
réalité avoir lieu le même jour. Ainsi, le Congrès adopta-t-il lors d'une seule et même réunion à la
fois la loi constitutionnelle n° 99-568 du 8 juillet 1999 permettant à la France de ratifier le traité
signé à Rome instituant la Cour pénale internationale et la loi constitutionnelle n° 99-569 du 8
juillet 1999 également relative à la parité entre homme et femme. En 2007, c'est même trois
révisions qui furent adoptées le même jour par le Congrès.
On peut être surpris de voir que la révision de la Constitution a presque toujours eu lieu en
France, dès lors que l'on a utilisé la procédure normale de l'article 89, par la voie du Congrès
plutôt que par celle du référendum. Cela peut choquer dans la mesure où d'un point de vue
philosophique la Constitution peut être perçue comme étant l'expression du Contrat social qui
est à la base de tout État. Le contrat social étant un accord de volonté de tous les citoyens de
vivre ensemble, ce texte pourrait être considéré comme leur appartenant. Dans une démocratie,
le pouvoir constituant originaire est donc le plus souvent accordé au peuple. Le pouvoir
constituant dérivé ne devrait-il pas non plus lui appartenir ? Qu'il lui appartienne également :
rien de plus normal. Mais le peuple peut aussi avoir décidé en créant la Constitution, donc en
exprimant son pouvoir constituant originaire, d'abandonner ou de confier le pouvoir de révision
de la Constitution, donc le pouvoir constituant dérivé, à des représentants. C'est ce qu'a fait le
peuple lorsqu'il a adopté la Constitution de 1958 puisqu'il a accepté notamment le texte de
l'article 89 qui permet une révision de la Constitution sans l'intervention directe du peuple et en
acceptant l'article 3 qui met sur un pied d'égalité l'expression de la souveraineté nationale par la
voie du référendum ou par l'intermédiaire de représentants.
45
Section 2 - Les limites au pouvoir de révision de la Constitution
B) La limite matérielle
En outre, le dernier alinéa de l'article 89, l'alinéa 5, dispose que « la forme républicaine du
Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision ». On s'interroge sur la portée de cette
interdiction. Elle peut en effet signifier deux choses :
Soit simplement qu'il est interdit de rétablir la monarchie et c'est tout. Il s'agit là d'une
interprétation qui ne donne qu'une valeur formelle à cette disposition sans que celle-ci
46
§ 2 - La portée de ces limites
Pour certains, comme Louis Favoreu, ces interdictions sont absolues. On ne peut pas réviser la
Constitution lors de ces différents cas ou sur la question de la forme républicaine du
Gouvernement. Ces interdictions sont opposables au titulaire du pouvoir de révision. Pour
d'autres au contraire, comme Georges Vedel, ces limites ne sont que des déclarations de
principe sans être réellement contraignantes.
La différence entre les deux courants tient en réalité à la conception qu'ils ont du pouvoir
constituant. Louis Favoreu établit une hiérarchie entre le pouvoir constituant originaire et le
pouvoir constituant dérivé. Le pouvoir constituant originaire a inséré dans la Constitution ces
limitations ; celles-ci vont donc s'imposer au pouvoir constituant dérivé qui est inférieur au
pouvoir constituant originaire. Ceci d'autant plus que c'est le pouvoir constituant originaire qui a
créé le pouvoir constituant dérivé, ce dernier est donc soumis au premier.
Mais l'on peut aussi penser que l'article 3 de la Constitution mettant sur un pied d'égalité
l'expression de la souveraineté par le peuple et l'expression de la souveraineté par les
représentants, il n'existe pas de hiérarchie entre le pouvoir constituant originaire qui a été
exprimé par le peuple le 28 septembre 1958 et le pouvoir constituant dérivé qui peut être
exprimé soit par le peuple, soit par les représentants. Dès lors, il suffirait, par exemple, d'une
première révision qui supprimerait le 5e alinéa de l'article 89, pour ensuite pouvoir réviser la
Constitution de manière à rétablir la monarchie.
Il est impossible de trancher ici cette délicate question, mais l'on peut relever en tout cas que le
Conseil constitutionnel semble être intervenu dans le débat. En effet, dans sa décision
Maastricht II, du 2 septembre 1992, il avait affirmé que le pouvoir constituant est souverain,
mais seulement sous réserve du respect des dispositions des articles 7, 16, 89, alinéa 4 et 89,
alinéa 5. Il semblait reconnaître donc l'effectivité des limites imposées au pouvoir de révision.
Cela renforcerait encore la souveraineté du pouvoir de suffrage au détriment des représentants.
Toutefois, le Conseil constitutionnel semble être revenu sur cette jurisprudence Maastricht II. En
effet, dans sa décision du 26 mars 2003 (469 DC), Organisation décentralisée de la République, le
Conseil constitutionnel affirme que « le Conseil constitutionnel ne tient ni de l'article 61, ni de
l'article 89, ni d'aucune autre disposition de la Constitution le pouvoir de statuer sur une révision
constitutionnelle ». Dès lors on est en droit de penser que toutes ces limites au pouvoir de
révision qui sont inscrites dans la Constitution ne sont que des déclarations de principe sans
portée juridique.
47
Section 1 – Le référendum européen
48
Section 3 – La consultation prévue à l'art. 53 C.
intervenu le 13 août 2004 pour prévoir qu'à compter du 1er janvier 2005 les conseils
municipaux pourraient décider de lancer une « consultation des électeurs », cette fois sans
aucun effet décisionnel. Il ne s'agit plus du « référendum local » mais d'une simple
consultation avec une seule valeur d'avis, le conseil municipal étant libre de tenir ou non
compte de cet avis. Dans ce cadre, les électeurs peuvent eux-mêmes demander au conseil
municipal de les consulter à condition d'être au moins 20% des électeurs de la commune,
mais, là encore, le conseil municipal peut ne pas déférer à la suggestion.
D'autre part, au 3e alinéa de l'article 72-1, « lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité
territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être
décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La
modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la
consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi ». Ainsi, la loi du 10 juin
2003 organisait-elle une consultation des électeurs de Corse sur la question de savoir s'ils
souhaitent fusionner les deux départements corses au profit d'une collectivité unique. Ce
référendum, organisé le 6 juillet 2003 donna un résultat négatif (51% de non).
49
Chapitre 4 – Les autres moyens de participation citoyenne
50
Leçon 4 : Le statut du Président de la République
51
Chapitre 1 - Durée du mandat et modalités de l'élection
demeure sur le terme d'arbitre. Quoi qu'il en soit, il bénéficie d'un statut protecteur qu'il tient
de son élection, du fait qu'il exerce un mandat pour une durée préfixe et que sa responsabilité
est limitée.
§ 1 - Du septennat au quinquennat
Lors de la création de la Ve République, la question de la durée du mandat présidentiel fut très
peu examinée tant était solidement ancrée dans les esprits la durée de sept ans. Seul Michel
Debré semble avoir envisagé d'allonger la durée de ce mandat à 10 ans pour faire du Président
de la République un véritable arbitre ; dix ans étant la durée du mandat du premier consul sous
le régime institué par la Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799), régime dont
s'inspire en partie la Ve République.
Le choix d'un mandat de sept ans s'est rapidement imposé puisque cette durée avait caractérisé
tous les mandats des Présidents de la République que la France avait connu à l'exception de
Louis Napoléon Bonaparte, élu en 1848 pour un mandat de 4 ans, et d'Adolphe Thiers qui ne
disposait pas d'un mandat, mais disposait simplement d'un titre honorifique. Le choix du
septennat avait été réalisé en 1873 par la loi, dite du septennat, en date du 20 novembre 1873.
Ce choix d'une durée de sept ans, à l'époque, reposait sur des circonstances purement
conjoncturelles.
Adolphe Thiers à qui l'Assemblée constituante avait donné le titre de Président de la République
par la loi Rivet démissionne le 24 mai 1873. Or l'Assemblée est alors à dominante monarchiste ;
elle souhaite rétablir au plus vite la monarchie. Seulement, dans l'ordre de succession royal, la
personne qui vient en premier est le Comte de Chambord et celui-ci n'accepterait de monter sur
le trône de France qu'à la condition que l'on abandonne le drapeau tricolore au profit du
drapeau de la monarchie, le drapeau blanc. Les députés monarchistes savent bien que cette
condition est inenvisageable ; cela amènerait à une révolution qui balaierait tout espoir de
reconstruction d'une monarchie. La deuxième personne dans l'ordre de succession au trône,
après le Comte de Chambord, est le Comte de Paris qui, lui, accepterait le drapeau tricolore.
Mais le problème qui se pose à l'Assemblée, c'est qu'il n'est que le deuxième. Il faudrait donc soit
que le Comte de Chambord accepte le drapeau tricolore, soit qu'il décède afin que le Comte de
Paris puisse accéder au trône. Le Comte de Chambord est déjà âgé et un peu malade ; son
espérance de vie est estimée par l'Assemblée à...sept ans. En attendant, car il faut bien que la
France soit dirigée, elle confie donc le titre de Président de la République au Maréchal de Mac-
Mahon pour sept ans car, comme il est lui-même monarchiste, il abandonnera le pouvoir s'il est
possible de rétablir la monarchie. Au bout de ces sept ans, « on peut espérer que la Providence
aura daigné ouvrir les yeux de Mgr le Comte de Chambord ou les lui fermer » définitivement.
Pour la petite histoire, d'une part, le Comte de Chambord est décédé au bout de 10 ans (si l'on
avait bien estimé son espérance de vie, peut-être aurions-nous eu un mandat de 10 ans !) et,
d'autre part, les espoirs de rétablissement de la monarchie échouèrent par le vote de l'
amendement Wallon le 30 janvier 1875.
Depuis 1873, donc, était conservé le septennat. La Constitution de 1958 l'a repris en son article
6. Ce mandat était renouvelable autant de fois que souhaité par le Président, contrairement à la
Constitution de 1848 qui avait institué un mandat présidentiel de 4 ans non renouvelable, ce qui
52
§ 2 - La fin prématurée du mandat présidentiel
Quoi qu'il en soit, à ce jour dans l'histoire de la République française aucun Président n'a
accompli plus de deux mandats. En effet sur les 14 Présidents de la IIIe République deux
seulement furent réélus Présidents de la République (Jules Grévy 1879-1887 et Albert Lebrun
1932-1940) mais aucun des deux n'acheva son second mandat. Sous la IVe République, aucun
Président ne sollicita un deuxième mandat. Sous la Ve République, enfin, Charles de Gaulle,
François Mitterrand et Jacques Chirac furent élus deux fois à la présidence de la République mais
seul François Mitterrand et Jacques Chirac ont achevé, pour l'instant, leurs deux mandats. Depuis
l'instauration du quinquennat, aucun Président n'a été réélu !
53
Section 2 - Les modalités de l'élection présidentielle
Il peut s'agir d'une destitution, laquelle sera examinée ci-dessous dans le paragraphe
consacré à la responsabilité du Président.
Ces différents cas, montrent qu'il faut prévoir une procédure pour faire face à ces hypothèses de
vacance ou d'empêchement de la présidence. La Constitution du 4 octobre 1958 a prévu deux
choses :
D'abord qu'en cas de vacance résultant du décès ou de la démission du Président, ou
d'empêchement définitif constaté par le Conseil constitutionnel, une nouvelle élection
présidentielle aurait lieu 20 jours au moins et 35 jours au plus après l'ouverture de la
vacance ou la déclaration de l'empêchement définitif (→ situation différente des États-
Unis où le Vice-président achève le mandat du Président quelle que soit la durée qui reste
à couvrir).
Ensuite, pour que la France soit tout de même dirigée et représentée officiellement en
attendant l'élection d'un nouveau Président et sa prise de fonction, il a été prévu que le
Président du Sénat assurerait l'intérim du Président de la République. Il a alors tous les
pouvoirs du Président de la République à l'exception des pouvoirs qu'il tire des articles 11
et 12 (référendum législatif et droit de dissolution). On notera que, durant l'intérim
résultant d'une vacance ou d'un empêchement définitif, il ne peut y avoir de révision de la
Constitution et que la responsabilité du Gouvernement ne peut être engagée que ce soit
par le Premier ministre ou par l'Assemblée nationale (équilibre puisque le droit de
dissolution ne peut être utilisé). Si jamais le Président du Sénat était lui-même empêché,
c'est le Gouvernement dans son ensemble qui assurerait l'intérim.
On notera enfin que l'empêchement peut ne pas être définitif ; il doit néanmoins être constaté
par le Conseil constitutionnel et le Président du Sénat assurera alors l'intérim comme il le fait si
l'empêchement est définitif. Ce cas est à distinguer de celui de la suppléance, laquelle
correspond davantage à une situation « normale » dans laquelle il faut remplacer le Président
absent pendant quelques jours : voyage prolongé à l'étranger (ex : voyage du Général de Gaulle
en septembre-octobre 1964 en Amérique latine à bord du Colbert) ; opération chirurgicale (ex :
opération de Charles de Gaulle en 1964 et de François Mitterrand en 1992). Dans ce cas-là, la
Constitution a prévu, à l'article 21, que son remplacement momentané, la « suppléance », serait
assuré par le Premier ministre pour la présidence du conseil des ministres. Mais la Constitution
n'a rien prévu de plus.
Dans le système imaginé en 1958, le Président de la République, comme ses prédécesseurs des
IIIe et IVe Républiques, n'était pas élu directement par le peuple. Mais à la différence de ces
deux régimes précédents, il n'était pas élu par les seuls parlementaires. Il était élu par un collège
électoral d'environ 80 000 personnes (députés, sénateurs, conseillers généraux, membres des
assemblées des territoires d'outre-mer et des délégués des conseillers municipaux). Une seule
élection présidentielle eut lieu selon ce mécanisme, le 21 décembre 1958 ; le Général de Gaulle
est alors élu Président de la République par 78,5 % des suffrages exprimés.
54
Section 2 - Les modalités de l'élection présidentielle
Le Général de Gaulle est alors élu Président de la République par 78,5 % des suffrages exprimés.
Pour pouvoir être candidat, il faut être de nationalité française, âgé de 18 ans au moins et jouir
de ses droits civils et politiques. On peut être candidat à l'élection présidentielle alors que l'on
est en train d'effectuer son service militaire. En outre, il faut aussi avoir été parrainé par 500
personnes. Mais ces parrains ne sont pas n'importe qui ; ce sont soit des députés, soit des
sénateurs, soit des conseillers départementaux, soit des conseillers régionaux, soit des maires,
soit des conseillers de Paris, soit des conseillers à l'Assemblée de Corse, soit des membres des
assemblées territoriales de T.O.M., soit des membres du Conseil supérieur des français de
l'étranger, soit des présidents d'établissements publics de coopération intercommunale, soit des
maires d'arrondissement à Paris, Lyon ou Marseille. Afin d'éviter un trop grand nombre de
candidats et des candidats trop locaux, le code électoral interdit aux parrains de parrainer plus
d'un candidat et les parrains doivent provenir d'au moins 30 départements différents.
55
Section 2 - Les modalités de l'élection présidentielle
Il est ensuite prévu que la liste des parrains soit publiée au Journal officiel 8 jours au moins avant
le scrutin. Longtemps cette publication se faisait à concurrence des 500 noms nécessaires. Si plus
de 500 parrains ont porté la campagne d'un candidat, le Conseil constitutionnel effectuait un
tirage au sort des noms à publier. Marine Le Pen a saisi le Conseil d'État d'une question
prioritaire de constitutionnalité à ce sujet, le 29 décembre 2011 car elle pouvait penser que des
élus pouvaient renoncer à parrainer sa candidature car leur nom avait toutes les chances d'être
publié. Le Conseil d'État a estimé que la QPC était recevable et a renvoyé la question au Conseil
constitutionnel. Dans sa décision 2012-233 QPC, du 21 février 2012, le Conseil constitutionnel a «
relevé qu'en instaurant une publicité des choix de présentation à l'élection présidentielle, le
législateur a entendu favoriser la transparence de la procédure de présentation des candidats à
l'élection présidentielle. Cette publicité ne saurait en elle-même méconnaître le principe du
pluralisme des courants d'idées et d'opinions. En outre, la limitation à cinq cents du nombre de
présentations rendues publiques par candidat est en rapport direct avec l'objectif poursuivi par
le législateur d'assurer la plus grande égalité entre les candidats inscrits sur la liste établie par le
Conseil constitutionnel ». La loi organique du 25 avril 2016 prévoit désormais la publication de
l'intégralité des parrainages, ce qui assure une meilleure transparence. Le Conseil constitutionnel
en 2017 a ainsi assuré la publication intégrale des parrainages en les publiant au fil de l'eau, les
mardi et vendredi, sur son site internet. On pouvait craindre que cette disposition puisse faire
peur aux parrains et ainsi limite abusivement le nombre de parrainages. Mais, en 2017, on
constate que le nombre de parrainages reçus a été stable tout comme le nombre de candidats.
Clairement, cette condition du parrainage ne remplit plus correctement son office. L'élévation à
500 du nombre de parrains nécessaires, réalisée en 1976, avait pour but d'empêcher un trop
grand nombre de candidatures, ce qui aurait nuit à la légitimité des candidats en risquant de
disperser les votes. Or, cela n'a pas empêché que cet effet se produise en 2002 avec 16
candidats. D'autre part, il n'est pas sain qu'un mouvement politique qui bénéficie d'une audience
importante dans l'opinion ne puisse pas présenter de candidat, ce qui aurait pu se produire à
plusieurs reprises. Enfin, ces parrainages n'empêchent pas des candidatures de candidats
représentants des groupuscules ou des candidatures de témoignage. La commission Jospin a
suggéré de remplacer ce système de parrainage par des élus par un système de parrainage
citoyen, comme cela existe, par exemple, au Portugal : 150.000 électeurs pourraient, selon
diverses conditions, proposer un candidat à l'élection présidentielle. Mais elle a, sur ce point,
reçu une fin de non-recevoir.
On mentionnera enfin une dernière condition pour les candidats, c'est qu'ils doivent déposer au
Conseil constitutionnel à la fois une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration
d'intérêts et activités (LO du 15 septembre 2017). Le Conseil constitutionnel les transmet
ensuite à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) qui en assure la
publicité au moins 15 jours avant le 1er tour. Celui qui est élu devra, de nouveau fournir ces
déclarations en fin de mandat pour contrôle par la HATVP et publication. Ainsi le 11 mai 2017, le
Journal officiel a-t-il publié la déclaration patrimoniale d'Emmanuel Macron.
Dix élections présidentielles eurent lieu selon ce système d'élection directe. Les résultats des
seconds tours furent les suivants (à gauche liste des candidats et scores du 1er tour ; à droite
candidats du 2nd tour et proportion de voix obtenues) :
56
Section 2 - Les modalités de l'élection présidentielle
57
Section 2 - Les modalités de l'élection présidentielle
58
Section 2 - Les modalités de l'élection présidentielle
59
Section 2 - Les modalités de l'élection présidentielle
60
Section 2 - Les modalités de l'élection présidentielle
Cette élection du Président de la République au suffrage universel direct n'a en rien modifié les
pouvoirs du Président, mais son autorité et sa légitimité s'en sont trouvées renforcées. Le
Président de la République peut se vanter d'être le seul en France à être élu par le peuple tout
entier ; de Gaulle disait : « Ma circonscription, c'est la France ». En effet, les députés sont certes
élus par le peuple, mais dans le cadre de circonscriptions électorales aux dimensions réduites,
alors que l'élection présidentielle a lieu dans le cadre unique de la France entière. Le Général de
Gaulle s'appuiera sur cette légitimité pour tenir un discours lors d'une conférence de presse le 31
janvier 1964 dans lequel il affirma toute sa conception de la fonction présidentielle qui cadre mal
avec une vision vraiment parlementaire du régime et démontre au contraire une dérive
présidentialiste.
Le Président de la République devient, par ce mode d'élection, un chef de majorité ; le chef d'un
camp politique. Cette tendance est sans doute encore accrue par l'institution du quinquennat
61
Chapitre 2 - La responsabilité du Président de la République
car si une majorité parlementaire est donnée au Président juste après son élection, cette
majorité est étroitement dépendante du Président qui est son chef sans aucune discussion (d'où
le débat sur l'inversion des dates d'élection en 2001-2002). Il suffit d'examiner ce qui s'est
produit depuis 2007 pour s'en convaincre : l'élection présidentielle a remué les foules puisque la
participation y a été très importante (près de 84%), tandis que les législatives ont connu une
abstention assez importante avec plus de 40%. En 2012, l'abstention au 1er tour de la
présidentielle a atteint 20,5% et 19,7% au 2nd ; en revanche, elle a été de 42,8% au 1er tour des
législatives et même 44,6% au 2nd tour. En 2017, l'abstention au 1er tour de la présidentielle a
atteint 22,2% et 25,4% au 2nd ; en revanche, elle a été de 51,3% au 1er tour des législatives et
même 57,4% au 2nd tour.
62
§ 1 - La protection du Président de la République dans le cadre de son mandat
Vous le voyez tout cet arsenal juridique servant à protéger le Président de la République est
important. Néanmoins, la Constitution prévoit, selon les interprétations, un ou plusieurs cas où
l'irresponsabilité du Président tombe.
63
§ 2 - Les hypothèses de mise en jeu de la responsabilité du Président de la République pour des actes accomplis en qualité de Président
Les députés ont une fois fait usage de la possibilité de déposer une proposition de résolution
tendant à réunir la Haute Cour en novembre 2016. Les députés de l'opposition reprochaient
à François Hollande un manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec
l'exercice de son mandat à la suite de la parution d'un livre intitulé « un Président ne devrait
pas dire ça » dans lequel il indiquait avoir décidé l'assassinat de plusieurs terroristes,
réduisant ainsi à néant, selon les députés de l'opposition, le secret défense. Mais le bureau
de l'Assemblée nationale a estimé la proposition irrecevable. Cette décision du bureau de
l'Assemblée nationale est, de notre point de vue, un pré-jugement qui a empêché
l'Assemblée nationale de se prononcer sur cette question. Elle aurait dû pouvoir se
prononcer... et elle aurait vraisemblablement rejeté la proposition de résolution.
64
§ 3 - La question de la responsabilité du Président de la République pour les actes extérieurs à son mandat
Cette juridiction n'est compétente pour juger que quatre types d'infractions pénales : les
crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, les génocides et les agressions (au sens du
droit international).
Si le Président français venait à donner l'ordre de commettre un tel crime, il pourrait donc,
en vertu de l'article 53-2 de la Constitution être justiciable de la Cour pénale internationale.
Ces hypothèses n'étaient pas appréhendées par la Constitution, ce sont les juges qui ont dû
formuler des solutions. Or, le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation n'ont pas adopté la
même solution :
Pour le Conseil constitutionnel (CC, 22 janvier 1999, Cour pénale internationale), le
Président de la République devait bénéficier d'un privilège de juridiction pendant la durée
de son mandat. Pour ces actes détachables ou ces actes hors fonctions, il pouvait donc
être jugé même pendant son mandat, mais il ne pouvait l'être que par la Haute Cour qui
appliquait dès lors le droit pénal (à l'époque de la décision du Conseil constitutionnel, il
s'agissait même de la « Haute Cour de justice », institution qui était composée de 24
parlementaires).
Pour la Cour de cassation (Assemblée plénière, 10 octobre 2001, Breisacher) durant son
mandat, le Président doit jouir d'une immunité temporaire, d'une inviolabilité, concernant
ces actes détachables ou hors fonctions. Il ne peut donc, selon elle, pas être traduit devant
un juge avant la fin de son mandat.
En revanche, les deux jurisprudences se rejoignaient pour dire qu'une fois le mandat présidentiel
achevé, l'ancien Président de la République devenait un justiciable comme les autres s'agissant
de ces actes détachables ou hors fonctions (pour les actes accomplis dans l'exercice des
fonctions, l'immunité demeure en revanche).
65
§ 3 - La question de la responsabilité du Président de la République pour les actes extérieurs à son mandat
Cette protection très forte dont jouit le Président pour les actes accomplis sans lien avec les
fonctions a pu poser problème dans deux cas :
À l'occasion du divorce de Nicolas Sarkozy, on s'est rendu compte que le Président de la
République ne pouvant, durant son mandat, aux termes de l'article 67, pas « faire l'objet
d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite », il n'était pas
possible à l'épouse du Président de demander le divorce.
Lorsque le Président de la République a décidé de se constituer partie civile lors de
poursuites pénales diligentées contre des personnes lui ayant causé un préjudice, il risque
d'y avoir atteinte au principe pénal d'égalité des armes. Dans une affaire où le compte
bancaire de Nicolas Sarkozy avait été piraté d'une centaine d'euros, Nicolas Sarkozy s'était
constitué partie-civile et avait demandé 1 euro de dommages et intérêts. L'avocat des
accusés a soulevé l'inconstitutionnalité de l'article 2 du code de procédure pénale qui
organise la constitution de partie civile sans prévoir d'impossibilité pour le Président de se
constituer partie civile aux motifs que cela risquait de créer un déséquilibre entre les
parties au procès pénal. La Cour de cassation, saisie de cette question prioritaire de
constitutionnalité a refusé, le 10 novembre 2010 de saisir le Conseil constitutionnel de
cette question aux motifs que la question soulevée n'était ni sérieuse, ni nouvelle comme
l'exige la loi organique du 10 décembre 2009.
Cette protection dont jouit le Président de la République pour les actes détachables de ses
fonctions n'empêche nullement les parlementaires de considérer que le fait pour le Président de
demeurer en fonction alors que pèsent sur lui des soupçons sérieux qu'il ait pu commettre un
crime ou un délit est constitutif d'un « manquement à ses devoirs de façon manifestement
incompatible avec l'exercice de son mandat ». Ils pourraient donc le destituer, ce qui permettrait
à un juge d'instruction de l'entendre à l'expiration d'un délai d'un mois après sa destitution...à
condition qu'il n'ait pas été réélu (rien n'empêche un Président destitué de se présenter à
l'élection présidentielle dès lors qu'il obtient les parrainages nécessaires et qu'il n'en était pas à
son second mandat consécutif au moment de sa destitution).
Globalement, la protection dont jouit le Président de la République pour les actes accomplis en
qualité de Président ou hors de cette qualité choque aujourd'hui dans un monde qui semble
réclamer toujours plus d'horizontalité et moins de verticalité. Mais il est nécessaire de bien
66
Section 2 - Une responsabilité volontairement élargie
comprendre que si le Président bénéficie de ce statut protecteur c'est parce qu'il s'est vu confier
un mandat par le peuple et qu'il ne saurait être distrait de ce mandat par des mises en cause
fréquentes voire constantes sans que celles-ci ne soient toutes pleinement justifiées.
Charles de Gaulle a jugé qu'il était responsable devant le peuple et nombreux sont les Présidents
à clamer haut et fort qu'ils sont responsables devant le peuple français. Deux cas apparaissent
clairement :
Le premier cas est celui d'un Président de la République qui, une fois son mandat terminé,
se présente à nouveau pour la nouvelle élection présidentielle. Il va ainsi être jugé par les
électeurs sur son comportement à la présidence et, éventuellement, sur les résultats
obtenus de la politique qu'il avait annoncée lors de la campagne pour la précédente
élection à laquelle il avait été élu. Élu une première fois en 1958 selon l'ancien système
d'élection où le peuple n'intervenait pas directement, le Général de Gaulle se représenta
lors de l'élection de 1965. Il fut réélu, par le peuple cette fois, avec plus de 55 % des
suffrages. Valéry Giscard d'Estaing, élu en 1974, se présenta à nouveau en 1981, mais il fut
battu par François Mitterrand, ce qui causa son départ, désavoué qu'il avait été par le
peuple. François Mitterrand, élu en 1981, se présenta à l'élection présidentielle de 1988 et
fut de nouveau élu, à une plus forte majorité même qu'en 1981 (54 % en 1988, contre un
peu moins de 52 % en 1981). Même chose pour Jacques Chirac qui sollicita du peuple qu'il
le reconduise à la présidence de la République en 2002. Mais, depuis la révision
constitutionnelle du 23 juillet 2008, il est interdit à un Président d'exercer plus de deux
mandats consécutifs, ce qui aboutit à ce que cet élargissement de responsabilité se limite
à la seule reconduction de son premier mandat.
Le deuxième cas est celui du Président de la République qui, organisant un référendum,
annonce au peuple qu'il quittera ses fonctions si les résultats du référendum ne sont pas
favorables. Il s'agit d'une forme de proposition de contrat avec le peuple : soit vous
acceptez ma politique et alors je reste, soit vous ne voulez pas de ma politique et alors je
pars. C'est pourquoi on a pu parler de véritable déviation du référendum vers le plébiscite.
Certains auteurs ont même parlé de « référendum-question de confiance ». Le Général de
Gaulle a multiplié ce genre de référendum. En effet, pour les quatre référendums qu'il
organisa (le 8 janvier 1961, le 8 avril 1962, le 28 octobre 1962 et le 27 avril 1969) il
menaça, à chaque fois, de partir en cas de résultat négatif. C'est d'ailleurs ce qui causa sa
démission de la présidence puisque les résultats du référendum organisé le 27 avril 1969
sur la question du Sénat et des régions furent favorables au NON (53 % contre 47 % de
OUI). Mais par la suite aucun Président de la République ne mit son poids dans la balance
lors d'un scrutin référendaire. Notamment, lors du référendum pour autoriser la
ratification du traité de Maastricht, François Mitterrand refusa de donner un caractère
plébiscitaire au référendum en rejetant l'idée de démissionner en cas de référendum
négatif. Mieux ou pire encore : lors du référendum du 29 mai 2005, malgré la réponse
négative apportée par le peuple, Jacques Chirac ne démissionna pas.
67
Section 2 - Une responsabilité volontairement élargie
68
Leçon 5 : Les pouvoirs du Président de la République (I)
Introduction
La Constitution de 1958 institue une forme d'équilibre entre les pouvoirs. Mais un équilibre n’
entraîne pas nécessairement une égalité des pouvoirs entre les différents organes. En outre, cet
équilibre prévu par le texte peut être fragile ; un organe risque de s'accaparer de nouveaux
pouvoirs et ainsi faire pencher la balance en sa faveur. L'équilibre est alors rompu, au moins
momentanément. C'est donc la réaction des autres organes qui va permettre de rétablir
l'équilibre et, en l'absence de réaction de leur part, ils se rendent complices du déséquilibre qui
s'est créé. Deux facteurs ont notablement pesé sur l'équilibre des institutions de la Ve
République.
Le premier, c'est la structuration du système politique.
En effet, sous les IIIe et IVe Républiques, si les gouvernements ne tenaient pas plus de huit mois
en moyenne, c'était parce qu'ils n'étaient pas soutenus au Parlement par une majorité stable et
cohérente. Cela était dû au fait qu'il existait une multitude de petits partis qui devaient s'associer
au coup par coup pour soutenir un Gouvernement afin que le Gouvernement puisse faire passer
ses idées sous forme de lois. Mais les alliances sont changeantes facilement d'autant plus que les
partis politiques étaient peu organisés et ressemblaient davantage à des collections d'individus...
Au début de la Ve République, il existait encore cette multiplicité des partis ; mais, à partir de
1962, est apparu le phénomène majoritaire (ou fait majoritaire), c'est-à-dire que sont apparues
des majorités stables, soudées et donc plus fortes. Pourquoi certains des événements de 1962
ont-ils permis l'apparition du fait majoritaire ?
Aux élections législatives de novembre 1958, le parti gaulliste (l'UNR) n'emporte qu'environ un
tiers des sièges de l'Assemblée nationale. En septembre 1962, de Gaulle annonce l'organisation
d'un référendum de l'article 11 C. pour réviser la Constitution et faire adopter par le peuple
français l'élection du Président de la République au suffrage universel direct. Les députés
réagissent en adoptant une motion de censure contre le Gouvernement de Georges Pompidou.
Or, lors d'un vote de censure à l'Assemblée nationale, les députés se positionnent soit pour soit
contre la censure ; il n'y a que deux options envisageables. Ils se sont majoritairement
positionnés pour la censure et donc contre le Général de Gaulle le 5 octobre. La réaction du
Général fut de dissoudre l'Assemblée nationale. Mais avant que les élections législatives aient
lieu, il fallait organiser le référendum du 28 octobre. A un référendum, il est demandé aux
Français de se positionner soit pour le texte, soit contre le texte ; il n'y a que deux options. Les
Français se sont majoritairement positionnés en faveur de celui-ci et se son promoteur. Les
élections législatives des 18 et 25 novembre 1962 ont donc été comprises par les électeurs
comme celles de la confirmation ou de l'infirmation de la victoire des gaullistes au référendum.
Les candidats eux-mêmes se sont affichés comme pour ou contre de Gaulle pour l'essentiel. Le
parti gaulliste a remporté 48% des sièges et il lui a suffi de l'appoint des Républicains
indépendants pour disposer d'une majorité absolue des sièges à l'Assemblée nationale. Ainsi été
né le fait majoritaire.
Il aurait pu disparaître. Il n'en a rien été du fait du mode de scrutin pratiqué à l'élection
69
Introduction
Grâce à cette bipolarisation, le système politique a pu devenir plus stable, les gouvernements
étant effectivement soutenus par des majorités parlementaires cohérentes. Mais cette
bipolarisation a aussi pu amplifier des déséquilibres causés par un autre facteur.
Or, quand le Président de la République est de la même couleur politique que la majorité des
députés à l'Assemblée nationale, cela signifie que Président de la République, Assemblée
nationale et donc Gouvernement ont la même opinion politique. Le Président de la République a
ainsi pu en profiter pour accentuer son pouvoir car il n'avait pas en face de lui de véritables
contre-pouvoirs. Dans cette hypothèse, le Gouvernement et le Parlement se rendaient donc
complices du déséquilibre institué en faveur du Président de la République car ils n'osaient pas le
contester. A l'inverse en période de cohabitation, donc quand le Président de la République est
d'une couleur politique opposée à celle du Gouvernement et de la majorité de l'Assemblée
nationale, le déséquilibre bascule en faveur du Gouvernement et de l'Assemblée nationale.
On le voit, l'équilibre n'est pas figé une fois pour toute par la Constitution ; il résulte très
clairement des circonstances politiques. Tant est si bien que l'on peut avoir une vision très
différente des rôles du Président de la République, du Gouvernement et du Parlement en
fonction de la période à laquelle on se situe : concordance ou cohabitation.
Mais il faut reconnaître que la volonté des constituants était de renforcer le pouvoir exécutif et,
spécialement le Président de la République. Dans ces conditions, et même si le régime de la Ve
République réunit tous les éléments constitutifs du régime parlementaire, il a parfois été qualifié
de « régime semi-présidentiel » (Maurice Duverger), de « régime présidentialiste » (Jean
Gicquel), de « régime parlementaire à correctif présidentiel » (Jean-Claude Colliard), voire de «
monarchie républicaine » (Michel Debré). Plus récemment, Arnaud Haquet l'a qualifié de «
régime parlementaire à hégémonie présidentielle ».
70
Introduction
Il est capital de comprendre que le contraire de la cohabitation n'est pas le fait majoritaire. Le
fait majoritaire désigne « la présence, dans une assemblée parlementaire, d'une majorité d'élus
appartenant au même parti ou à une coalition de partis, et se comportant (au premier chef à
travers leurs votes) de manière disciplinée » (Pierre Avril et Jean Gicquel).
Il faut dire qu'il dispose de pouvoirs importants. L'étendue des pouvoirs du Président de la
République est étroitement corrélée au rôle qui lui est reconnu dans l'édifice constitutionnel. On
a déjà aperçu à plusieurs reprises que ce rôle n'est pas fixe et qu'en tout cas la perception que le
Président de la République a de son rôle varie en fonction des circonstances politiques. En
période de concordance des majorités, le Président aura à côté de lui un Gouvernement et une
Assemblée nationale poursuivant les mêmes buts politiques que lui. Ces organes seront donc
peu enclins à vouloir absolument protéger leurs prérogatives contre les empiétements du chef
de l'État. Cette circonstance politique va donc voir s'accroître l'influence du Président de la
République dans le système politique grâce à une lecture présidentialiste de la Constitution. Il va
disposer d'une véritable faculté de statuer. En revanche, en période de cohabitation, le
Président se trouve en face d'un Gouvernement et d'une Assemblée nationale qui ont des idées
politiques opposées aux siennes. Forts du soutien populaire puisque par définition l'Assemblée
nationale a été élue plus récemment que le Président de la République, l'Assemblée nationale et
le Gouvernement vont donc défendre les pouvoirs et les rôles que la Constitution leur reconnaît.
L'autorité du Président va s'en trouvée amoindrie ; ses pouvoirs vont se réduire à ceux que la
Constitution lui confère. On va ainsi en revenir à une lecture plus fidèle de la Constitution. La
ligne de conduite lors de la cohabitation, c'est comme le disait François Mitterrand : « La
Constitution, rien que la Constitution, toute la Constitution ». Privé dans une large mesure de la
faculté de statuer qu'il avait conquise quand le Gouvernement le laissait faire, le Président de la
République conserve, comme cela est prévu par la Constitution, une importante faculté
d'empêcher.
On montrera à chaque fois l'interprétation qui est faite de chacun des pouvoirs du Président de
la République selon que l'on se situe en période de concordance ou en période de cohabitation.
Toute l'ambigüité de cet article repose sur un seul mot : « arbitrage ». Un arbitre peut être défini
de deux manières différentes.
Il peut s'agir d'un arbitre au sens sportif du terme. Distribuant les cartons jaunes pour
signaler des fautes commises, mais n'intervenant pas dans le jeu. Cette interprétation n'a
jamais prévalu, contrairement à d'autres régimes parlementaires comme l'Autriche où, à
plusieurs reprises, le Président de la République a, lors de la formation du nouveau
Gouvernement, fait part de ses craintes, sans toutefois se permettre de nommer un autre
Gouvernement que celui envisagé. Même en période de cohabitation, le Président de la
République n'est pas cet arbitre impartial ; il est le premier à vouloir marquer des buts
contre l'équipe composée du Gouvernement et de l'Assemblée nationale.
L'autre interprétation du terme arbitre le fait davantage participer au jeu. Il s'agit d'une «
personne désignée par les parties pour trancher un différend, régler un litige ». Son rôle
est donc alors d'être un décideur. C'est bien plus ainsi que les Présidents de la République
successifs ont compris leur rôle. Cohabitation ou concordance, c'est toujours sous cet
71
Chapitre 1 - Ses pouvoirs vis-à-vis de l'exécutif
angle que doit être compris le terme d'arbitre ; simplement, ce qui variera selon que l'on
est en période de cohabitation ou en période de concordance c'est l'intensité des
décisions à prendre et le fait qu'il les prend plus ou moins seul.
72
La liberté du Président de la République reste grande et il est arrivé à plusieurs reprises que
le Président nomme à ce poste une personnalité qui était encore peu connue, qui ne
s'imposait pas avec la force de l'évidence. On a même pu constater une certaine constance
dans la nomination des Premiers ministres sans que cette constance ait valeur de règle
obligatoire. En effet, on a remarqué que lorsqu'un Président de la République venait d'être
élu, il choisissait toujours comme Premier ministre (donc comme premier Premier ministre)
une personnalité politique influente, ayant un poids politique propre. En revanche, en cours
de mandat, s'il ressentait le besoin de changer de Premier ministre, il nommait cette fois
comme deuxième Premier ministre un individu n'ayant pas ce poids politique propre ; on
pourrait dire que le Président de la République « sortait de son chapeau » quelqu'un de peu
connu.
La nomination d'Édouard Philippe en mai 2017 et celle de Jean Castex en 2020 témoignent à
la fois de ce type de pratique mais aussi surtout de la grande liberté du Président dans le
choix du Premier ministre dans la mesure où, le Président étant le véritable chef de la
majorité parlementaire, il a même réussi à lui imposer comme Premier ministre deux
individus n'appartenant pas à LREM !
Cette liberté disparaît car le Président de la République n'est plus le chef de la majorité
parlementaire. Il est devenu au contraire le chef de l'opposition parlementaire. Sa liberté
s'en trouve donc réduite, voire supprimée.
Réduite si l'on tient compte des propos des différents Présidents de la République ayant eu à
subir une période de cohabitation. En effet, ils ont tous affirmé qu'ils avaient nommé
librement pour François Mitterrand Jacques Chirac en 1986 et Édouard Balladur en 1993 et
pour Jacques Chirac Lionel Jospin en 1997. Ils ont prétendu qu'il s'agissait de leur propre
choix.
73
En réalité, il n'y a ni totale liberté, ni obligation juridique pesant sur le Président de la
République quand il choisit un Premier ministre que ce soit en période de cohabitation ou en
période de concordance. Les contraintes sont politiques et non juridiques. Si le Président de
la République choisissait un individu n'ayant pas les faveurs de la majorité de l'Assemblée
nationale, le Gouvernement serait immédiatement renversé. En période de cohabitation, le
Président de la République étant atteint dans sa légitimité, il n'est pas assez fort pour
pouvoir ne pas choisir le chef de la majorité parlementaire ou au moins la personne que
cette majorité a mis sur le devant de la scène pour accéder à ce poste. Ainsi, Jacques Chirac
en 1986 et Lionel Jospin en 1997 étaient les véritables leaders de la majorité parlementaire ;
ils ont donc été nommés Premiers ministres. Édouard Balladur en 1993 n'était certes pas le
chef de la majorité, c'était Jacques Chirac, mais ce dernier ayant choisi de se réserver pour
l'échéance présidentielle de 1995, il avait lui-même mis en avant le nom de Balladur pour la
fonction de Premier ministre.
74
§ 2 - La nomination et la révocation des ministres
La pratique a donc dévié vers un régime parlementaire dualiste renforçant l'autorité du chef
de l'État et son pouvoir sur le Premier ministre. Certains ont même affirmé que des Premiers
Ministres (notamment Jacques Chaban-Delmas) avaient, le jour de leur nomination, remis
une lettre de démission en blanc au Président de la République qui était libre de l'utiliser
quand il le voulait. Une chose est sûre : Michel Debré, Georges Pompidou, Jacques Chaban-
Delmas, Pierre Mauroy, Michel Rocard, Édith Cresson, Jean-Pierre Raffarin, François Fillon et
Jean-Marc Ayrault ont quitté leurs fonctions parce que le Président de la République le
souhaitait. Peut-être est-ce également le cas d'Édouard Philippe.
Beaucoup de Premiers ministres ont démissionné en application d'une règle politique et non
juridique (une « convention de la Constitution ») qui veut que le Premier ministre remette la
démission de son Gouvernement au Président de la République à l'occasion de chaque
élection présidentielle et de chaque élection législative.
Il reste les cas de Jacques Chirac et de Manuel Valls. Le premier démissionna en 1976, non
pas à la demande du Président de la République, mais volontairement, supportant mal la
volonté de Valéry Giscard d'Estaing de tout contrôler directement. Quant à Manuel Valls, on
peut se demander si, en août 2014, il n'a pas démissionné volontairement, lui aussi, cette
fois pour forcer la main du Président de la République afin qu'il mette fin aux fonctions du
ministre de l'Économie, Arnaud Montebourg. Il est en revanche certain qu'il a démissionné
volontairement en 2016 pour se consacrer à la campagne pour l'élection présidentielle.
Cette fois-ci, on le voit, le Président de la République n'est pas libre de nommer une personnalité
qu'il a choisie, il doit nommer en qualité de ministres des personnalités qui lui ont été proposées
par le Premier ministre. De plus, contrairement au décret de nomination du Premier ministre, les
décrets de nomination des ministres doivent, eux, être contresignés.
Cependant, une fois encore en période de concordance des majorités, le texte n'est pas respecté
scrupuleusement. Cela est particulièrement vrai avec le premier Gouvernement d'un nouveau
Président de la République. En effet, une fois arrivé à la tête de l'État, le Président va vouloir
absolument mettre en œuvre une politique qui suive le plus fidèlement possible son programme
électoral. Il va donc vouloir s'entourer d'hommes de confiance. En conséquence, il va en réalité
former le Gouvernement avec le Premier ministre et ne va pas se contenter de nommer les
personnalités qui lui sont présentées par le Premier ministre. Ainsi, le Général de Gaulle raconte-
t-il que lors de la formation du Gouvernement Debré en 1959 il parla au Premier ministre de la
façon suivante : « Je tiens à Couve de Murville. Je vous fais la même demande pour ... » (une
grande liste de noms défile) ; et il finit par lui dire : « Et puis, avez-vous des noms ? ». De la
même façon, on raconte que le Gouvernement de Pierre Mauroy en 1981 fut presque
entièrement composé par François Mitterrand lui-même.
75
§ 3 - La nomination aux emplois civils et militaires
En effet, le 3e alinéa de l'article 13 dispose que « les conseillers d'État, le grand chancelier de la
Légion d'honneur, les ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour
des comptes, les préfets, les représentants de l'État dans les collectivités d'outre-mer régies par
l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, les officiers généraux, les recteurs des académies, les
directeurs des administrations centrales sont nommés en conseil des ministres ». On dispose
donc ici à la fois d'une liste de fonctions relevant du pouvoir de nomination du Président de la
République et d'une procédure : ils sont nommés « en conseil des ministres », c'est-à-dire par
un décret présidentiel pris en conseil des ministres.
Ce 3e alinéa est donc précieux pour nous éclairer sur l'étendue du pouvoir de nomination du
Président. Seulement, le trouble réapparaît avec le 4e alinéa de l'article 13. Ce dernier dispose :
« Une loi organique détermine les autres emplois auxquels il est pourvu en conseil des ministres
ainsi que les conditions dans lesquelles le pouvoir de nomination du Président de la République
peut être par lui délégué pour être exercé en son nom ». C'est donc que la liste des emplois
nommés par le Président figurant à l'alinéa 3 n'est pas limitative et que la procédure de
nomination peut ne pas être strictement identique puisque le Président peut déléguer son
pouvoir.
Cette loi organique a été prise par voie d'ordonnance de l'article 92, c'est-à-dire des
ordonnances prises par le Gouvernement dans les 4 premiers mois de la Constitution afin de
mettre en place les pouvoirs publics et ceci sans besoin d'une habilitation législative puisque la
76
§ 3 - La nomination aux emplois civils et militaires
Afin sans doute de ne pas placer dans les mains du seul Président de la République un si vaste
pouvoir, le constituant a prévu une forme de contrepoids en faisant intervenir le Premier
ministre dans la nomination des fonctionnaires de l'État. Cette intervention est possible à trois
stades distincts, mais à chaque stade, l'évolution du régime semble avoir limité de façon
pratique l'intervention primo-ministérielle.
Dans un premier temps, la Constitution prévoit en principe que le Président n'est pas la seule
autorité à pouvoir nommer des fonctionnaires ; le Premier ministre dispose aussi de ce pouvoir.
En effet, l'article 21 de la Constitution dispose que « Sous réserve des dispositions de l'article 13,
il [le Premier ministre] exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires
» . On voit donc clairement que les nominations relèvent soit du chef de l'État, soit du chef du
Gouvernement ; le Président ne peut nommer tous les fonctionnaires de l'État. Seulement,
comme il n'existe pas de frontière très nette, en raison de l'ordonnance organique du 28
novembre 1958, entre les nominations qui relèvent du Président et celles qui dépendent du
Premier ministre, il est délicat de savoir quelle est l'étendue réelle du pouvoir de nomination du
Premier ministre. Les allongements successifs des listes établies par l'ordonnance de 1958 des
autorités qui doivent être nommées par décret simple du Président ou par décret en Conseil des
ministres ont réduit considérablement la liste des fonctions relevant de la nomination par le
Premier ministre par un système de vases communicants.
Dans un second temps, le pouvoir dont dispose le Président peut être délégué, notamment au
Premier ministre. C'est bien ce qui est mentionné dans l'alinéa 4 de l'article 13 de la Constitution.
Pourtant, de façon pratique le Président s'est montré très jaloux de sa prérogative qu'il n'a donc
pas entendu partager. De fait, les délégations ont été extrêmement parcimonieuses.
Enfin, et plus généralement, le Premier ministre intervient en principe dans chaque nomination
présidentielle par la voie du contreseing. En effet, que le décret de nomination soit un décret
simple ou un décret en conseil des ministres, celui-ci doit, en vertu de l'article 19 de la
Constitution, être contresigné par le Premier ministre. Seulement, en période de concordance
des majorités, le Premier ministre n'est pas le véritable chef du Gouvernement ; c'est le
Président de la République qui cumule ses fonctions de chef de l'État avec celles de réel chef du
Gouvernement. De sorte que l'obtention du contreseing devient une simple formalité puisque le
soutien primo-ministériel est presque acquis par avance. Il n'y a qu'en période de cohabitation
77
§ 3 - La nomination aux emplois civils et militaires
que l'intervention du Premier ministre peut être réelle ici, celui-ci pouvant s'opposer aux
nominations envisagées par le Président en refusant de lui accorder son contreseing. Mais, ces
périodes de cohabitation sont assez rares (1986-1988 ; 1993-1995 ; 1997-2002) et l'introduction
du quinquennat présidentiel les rend plus rares encore.
Le Comité Balladur avait proposé qu'échappent à cette procédure d'audition toutes les
nominations qui « sont la traduction du pouvoir, conféré au Gouvernement par l'article 20 de la
Constitution, de disposer de l'administration » ainsi que toutes les fonctions énumérées au 3e
alinéa de l'article 13 de la Constitution. Il paraissait au Comité, de façon tout à fait logique, que
les relais de la politique gouvernementale que sont les préfets, les sous-préfets, les directeurs
d'administration centrale, etc., devaient échapper à cette procédure d'audition. Il est constant
en effet que ces fonctions doivent être occupées par des personnes choisies librement par le
Gouvernement et le Président, en fonction notamment de leur ligne politique.
Le Comité Balladur avait considéré qu'une simple audition publique devrait suffire à canaliser le
pouvoir de nomination du Président, celui-ci renoncerait sans doute à nommer un candidat
pressenti si l'audition s'était mal passée. Mais le constituant a été plus loin en organisant un
véritable droit de veto des commissions parlementaires. Seulement, pour que ce veto s'oppose à
la nomination envisagée, il faut que « l'addition des votes négatifs dans chaque commission
représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions »
(pas de délégation de vote possible).
78
Section 2 - La prise de décision
On peut penser que ce veto ne sera jamais opposé, du moins en période de concordance. En
effet, le fait majoritaire et la concordance des majorités aboutit à ce que le Président de la
République dispose à l'Assemblée nationale d'une majorité de fidèles qui soutiennent sa
politique et son action. Dès lors, les commissions permanentes de l'Assemblée sont
représentatives de cette majorité. On peut donc penser que les commissions de l'Assemblée ne
s'opposeront pas à une nomination envisagée par le Président de la République ; seules celles du
Sénat pourraient l'envisager. Dans ces conditions, le pouvoir de nomination du Président semble
finalement peu contrôlé.
Ariane Vidal-Naquet, va même plus loin dans l'analyse en considérant que cette procédure va
avoir des effets pervers en déresponsabilisant en quelque sorte le Président de la nomination
opérée. En effet, il pourra « se cacher » derrière l'absence de veto des commissions
parlementaires pour considérer que celles-ci ont « validé » la nomination, alors qu'il n'en est
rien. Elles ne se sont simplement pas opposées. Les propos de Nicolas Sarkozy s'agissant de la
nomination du Président de France-Télévision semblent indiquer que l'analyse d'Ariane Vidal-
Naquet est très pertinente. (cf. exercice proposé lors de cette semaine sur Moodle)
Une altercation concernant l'une de ces nominations relevant de la procédure de l'article 13,
alinéa 5 de la Constitution a opposé François Hollande au président du Sénat, Gérard Larcher. La
commission des lois du Sénat a refusé de se réunir pour auditionner le candidat proposé par
François Hollande pour présider la Commission indépendante prévue à l'art. 25 de la
Constitution. Il est vrai que le poste était vacant depuis plusieurs années et que François
Hollande a fort opportunément proposé un candidat juste avant la fin de son mandat. La
commission des Lois de l'Assemblée nationale a quant à elle auditionné le candidat en question
et elle a voté favorablement à sa nomination. Devant le refus répété du Sénat de réunir la
commission des Lois pour l'audition, François Hollande a finalement nommé son candidat sans
qu'il ait pu être auditionné par le Sénat. Saisi par le Président du Sénat, le Conseil d'État a estimé
que la nomination pouvait avoir lieu car le refus du président du Sénat de convoquer la
commission pour procéder à l'audition rendait la formalité impossible (CE, 13 décembre 2017,
Président du Sénat).
79
L'ordre du jour du Conseil des ministres est arrêté par le Président de la République qui peut
donc empêcher qu'une question soit débattue. Cela peut avoir son importance en période
de cohabitation même si tous les Présidents ayant eu à subir cette épreuve ne se sont pas
permis d'empêcher la discussion d'un texte qu'ils n'approuveraient pas. La réunion du
Conseil des ministres se découpe principalement en 3 parties :
La partie A où sont étudiés les projets de loi, les projets de décrets en Conseil des
ministres et les projets d'ordonnances. Il s'agit ici de la discussion finale où chacun
donnera son avis, mais les textes ont déjà été élaborés antérieurement notamment
lors de réunions interministérielles. Cela est encore plus vrai en période de
cohabitation afin que le Président de la République ne puisse être témoin de
dissensions au sein du Gouvernement.
La partie B est consacrée aux nominations de hauts fonctionnaires et aux promotions
dans l'ordre de la légion d'honneur.
La partie C est destinée aux communications des ministres sur leur programme
d'action future (ce qui plus tard figurera dans la partie A). Notamment, toutes les
semaines, le ministre des Affaires étrangères évoque pendant une dizaine de minutes
la situation internationale.
Parfois une partie D, consacrée aux débats a pu avoir lieu. Inaugurée sous la
présidence de Nicolas Sarkozy puis abandonnée par lui presque immédiatement, elle a
été réemployée par François Hollande et Emmanuel Macron de façon ponctuelle.
Le Premier ministre va conclure sur chaque point de l'ordre de jour, mais le Président de la
République a la possibilité de prendre la parole après le Premier ministre éventuellement
pour exprimer un avis contraire, ce qu'il ne manque pas de faire en période de cohabitation.
80
B) L'exercice du pouvoir réglementaire
Le pouvoir réglementaire, c'est le pouvoir de prendre des actes administratifs, c'est-à-dire
d'édicter des règles de droit se situant à un niveau relativement peu élevé dans la hiérarchie
des normes. Aux termes de la Constitution, c'est le Premier ministre qui exerce le pouvoir
réglementaire, mais cela sous réserve des dispositions de l'article 13 (article 21). L'article 13
dispose quant à lui : « Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets
délibérés en Conseil des ministres » . Les décrets sont une forme d'actes administratifs. Il
résulte donc de ce découpage opéré par la Constitution que le pouvoir réglementaire est en
principe exercé par le Premier ministre, mais le Président de la République est compétent
s'agissant uniquement de cette forme d'actes administratifs que constituent les décrets
délibérés en conseil des ministres. Ces décrets sont assez peu nombreux puisqu'ils ne
représentent que moins de 5 % des décrets qui sont pris chaque année.
Cependant, cette règle simple de répartition des compétences s'est heurtée à la pratique. En
effet, dans un premier temps, pour donner plus d'autorité à un décret, le Président de la
République s'est mis à signer des décrets sans que ceux-ci ne soient passés en Conseil des
ministres. Le Conseil d'État s'est penché sur la question de la légalité d'un tel décret. Dans un
arrêt Sicard en date du 27 avril 1962, il a considéré que la signature du Président de la
République était « superfétatoire » (superflue) ; le décret était légal s'il avait bien été signé
de la main du Premier ministre, comme il aurait dû l'être, et de la main des ministres «
chargés de l'exécution » (lesquels sont compétents, en vertu de l'art. 22 C. pour contresigner
les actes du Premier ministre). S'agissant de la signature du Premier ministre elle est
nécessairement présente car il avait contresigné le décret signé par le Président. En
revanche, la difficulté tenait aux signatures des ministres. En effet, les actes du Président de
la République doivent être contresignés aux termes de l'article 19 de la Constitution par les
ministres responsables ; au contraire les actes du Premier ministre doivent, eux, être
contresignés, selon l'article 22, par les ministres chargés de l'exécution. Or les deux
expressions ne sont pas synonymes (les ministres chargés de l'exécution sont souvent plus
nombreux). La signature du Président de la République étant superfétatoire, on fait comme
si le décret était un décret signé par le Premier ministre ; il pourra donc être modifié
ultérieurement par le Premier ministre.
Dans un second temps, on a pu observer une autre pratique. Ce sont les lois ou la
Constitution qui décident quand un décret devra être pris en Conseil des ministres. Ainsi, par
exemple, la loi du 3 avril 1955 sur l'état d'urgence prévoit-elle que l'état d'urgence est mis en
œuvre par un décret en Conseil des ministres. Or, il est arrivé qu'un décret qui n'avait pas à
passer en Conseil des ministres y soit délibéré quand même. Dès lors, il a donc été signé de
la main du Président de la République. Là encore, le Conseil d'État eut à se prononcer sur la
légalité d'un tel décret. Dans un premier temps, il transposa alors sa jurisprudence Sicard à
cette hypothèse. Dans un arrêt en date du 10 octobre 1987, Syndicat autonome des
enseignants en médecine il conclut que la signature du Président de la République est
superfétatoire, l'acte reste un décret du Premier ministre qui n'est légal que s'il a été signé
par le Premier ministre et par les ministres chargés de l'exécution.
Mais, dans un troisième temps, le Conseil d'État revint sur sa jurisprudence Syndicat
autonome des enseignants en médecine s'agissant d'un décret délibéré en Conseil des
ministres alors qu'aucun texte n'exigeait une telle délibération. Dans un arrêt Meyet du 10
81
septembre 1992, il considéra cette fois que la signature du Président de la République, loin
d'être superflue, était tout à fait nécessaire. Le décret, dès lors qu'il est délibéré en Conseil
des ministres devient un décret du Président de la République devant être contresigné par le
Premier ministre et par les ministres responsables.
La conséquence en est que ce décret ne pourra plus être modifié par le Premier ministre
mais par le Président de la République, ce qui en période de cohabitation pourrait priver le
Premier ministre d'une partie de ses compétences (CE, 23 mars 1994, Comité d'entreprise de
la Régie nationale des usines Renault).
82
§ 2 - Concernant les affaires extérieures
L'article 52, enfin, affirme que « le Président de la République négocie et ratifie les traités.
_ Il est informé de toute négociation tendant à la conclusion d'un accord international non
soumis à ratification ».
Le décret du 14 janvier 1964 a aussi justifié cette position. Ce décret est aujourd'hui
abrogé. Il a d'abord été modifié par celui du 12 juin 1996, qui en reprenait la même trame.
Désormais leur contenu est codifié à l'article R. 1411-5 du code de la défense : il confie
l'exercice du pouvoir nucléaire au Président de la République.
Toutefois, le simple énoncé de cette liste peut permettre de douter de la nouveauté du pouvoir
présidentiel en matière d'affaires étrangères. D'abord parce que le Président de la République
avait globalement les mêmes pouvoirs sous la IIIe République et également la même influence, à
l'exception bien entendu de la détention de l'arme nucléaire. Ainsi, Émile Loubet fut l'artisan de
l'Entente cordiale avec l'Angleterre après la crise de Fachoda et Gaston Doumergue prit une part
essentielle dans la reconnaissance de l'U.R.S.S. par la France. D'autre part, ces pouvoirs du
Président de la République n'excluent pourtant pas d'autres institutions du domaine des
relations internationales. Ainsi :
→ Il est faux de dire que le Gouvernement ou le Premier ministre sont écartés de la matière.
L'article 20 affirme que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation
» sans limiter cette politique à la seule politique intérieure.
L'article 21 dispose que le Premier ministre « est responsable de la Défense nationale » et
qu'il supplée si besoin le Président de la République dans la présidence des conseils et
comités supérieurs de la Défense nationale.
L'article 19 nous informe que l'usage de ces pouvoirs par le Président de la République
prend la forme d'actes qui sont contresignés par le Premier ministre et les ministres
responsables.
→ De plus, le Parlement et même parfois le peuple ne sont pas non plus écartés de ce domaine
d'action.
L'article 34 précise que la loi détermine les principes fondamentaux de l'organisation
générale de la défense nationale (cf. fin de la conscription).
L'article 35 dispose que « la déclaration de guerre est autorisée par le Parlement ».
Ce même article 35, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, ajoute deux
éléments intéressants : d'une part, que le Gouvernement doit informer le Parlement de sa
décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger au plus tard trois jours après le
début de l'intervention et qu'il doit à l'occasion indiquer aux parlementaires les objectifs
poursuivis par l'intervention. Cette information peut d'ailleurs donner lieu à un débat
parlementaire, mais en revanche, il est bien mentionné qu'il n'est suivi d'aucun vote.
D'autre part, lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, sa prolongation doit
être accordée par le Parlement. Il y aura alors une navette parlementaire et le
Gouvernement peut même demander à l'Assemblée nationale de statuer en dernier
ressort (il est aussi précisé que si le Parlement n'est pas en session à l'expiration du délai
de quatre mois, alors, le Parlement se prononcera à l'ouverture de la session
parlementaire suivante). Ainsi, l'intervention des forces françaises au Mali a-t-elle donné
lieu à l'application de ces deux dispositions. En effet, débuté le 12 janvier 2013, elle a fait
l'objet d'une déclaration du Premier ministre au Parlement le 15 janvier (un débat sans
vote ayant été organisé dès le lendemain). Et le 22 avril 2013, les deux assemblées ont
voté en faveur de la prolongation de l'intervention. Idem pour les interventions en
Centrafrique en 2014, en Irak et en Syrie en 2015.
L'article 53 dresse la liste de tous les traités que le Président de la République ne pourra
ratifier que s'il y a été autorisé par le vote d'une loi par le Parlement.
Enfin, l'article 11 évoque des traités qui peuvent être ratifiés après autorisation obtenue
par voie référendaire.
83
§ 2 - Concernant les affaires extérieures
Il ne s'agit donc pas d'un domaine « réservé » mais d'un domaine où les autres organes ont
également un rôle. Mais, il faut néanmoins reconnaître une certaine prééminence du chef de
l'État en la matière. C'est ce qui expliquera l'existence de liens privilégiés entre le Président de la
République et les ministres des Affaires étrangères et de la Défense.
La cohabitation ne changera rien à cette prééminence même si elle a permis de rappeler que le
Gouvernement et le Parlement avaient un rôle à jouer en ces matières. Lors des premiers mois
de la première cohabitation, le chef du Gouvernement a tenté de confiner le Président de la
République dans un domaine d'action très limité. Le Premier ministre accompagnait
systématiquement le chef de l'État lors des rencontres internationales et recevait les chefs
d'États étrangers lors de leur visite à Paris. On a même pu écrire que l'information diplomatique
avait eu beaucoup de mal à circuler entre le Quai d'Orsay et la rue du faubourg Saint Honoré.
Toutefois, après ces premiers instants où chacun des acteurs tenta de « marquer son territoire »
, la prééminence présidentielle reprit de la vigueur. Le Premier ministre ne remit nullement en
cause les choix effectués par le Président. La France ne parla plus que d'une seule voix, quand
bien même, cette voix émanait-elle de deux bouches différentes. L'affaire de la petite phrase de
Lionel Jospin en visite en Israël montre que le Premier ministre essaie d'exister à côté du
Président sur cette question des relations internationales mais qu'il accepte qu'il n'y ait qu'une
seule politique étrangère de la France.
84
Leçon 6 : Les pouvoirs du Président de la République (II)
Le Président de la République a 15 jours pour promulguer une loi aux termes de l'article 10 de la
Constitution. A défaut, on s'accorde à penser qu'il s'agirait d'un manquement à ses devoirs.
Mais, dans ce délai de 15 jours, le Président de la République peut demander au Parlement une
nouvelle délibération de la loi (article 10 alinéa 2). Lorsque le Président de la République prend
un décret tendant à demander au Parlement de procéder à une nouvelle délibération de la loi, le
Parlement ne peut refuser. Mais, ce décret devant être contresigné, le Premier ministre pourrait
empêcher l'usage de ce pouvoir par le Président de la République. Ainsi, à propos de la loi sur le
contrat première embauche, souhaitée par le Premier ministre, Dominique de Villepin, et devant
l'opposition du peuple, le président Chirac ne put-il ni refuser de promulguer la loi, ni en
demander une nouvelle délibération. Il se résolut alors à promulguer la loi...tout en demandant,
le 31 mars 2006, au Gouvernement, aux chefs d'entreprises, aux salariés et aux pouvoirs publics
de ne pas l'appliquer !!! Regardez la vidéo jointe à ce cours.
L'usage de ce pouvoir peut avoir des justifications juridiques quand par exemple une disposition
de la loi est mal écrite ou qu'une erreur s'y est glissée. Il peut aussi avoir une justification
politique quand le Président de la République souhaite retarder l'adoption d'une loi.
Cette demande de nouvelle délibération a été effectuée seulement trois fois sous la Ve
République pour les deux raisons évoquées. La première fois, le 13 juillet 1983, François
Mitterrand avait demandé au Parlement une nouvelle délibération d'une loi que le Parlement
venait d'adopter sur l'exposition universelle ; mais la France venant de renoncer à l'organisation
de cette exposition, la loi était devenue inutile. La nouvelle délibération permit de l'enterrer
définitivement car elle ne fut jamais réinscrite à l'ordre du jour des assemblées. La deuxième
fois, le Conseil constitutionnel avait déclaré, avant la promulgation, qu'une disposition d'une loi
sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie était inconstitutionnelle. François Mitterrand avait donc
85
Section 2 - Le droit de message
le choix : soit promulguer la loi sans cette disposition inconstitutionnelle, soit permettre au
Parlement de réécrire cette disposition afin qu'elle devienne constitutionnelle. C'est ce qu'il fit
en demandant une nouvelle délibération le 9 août 1985. La troisième hypothèse, le 4 avril 2003,
est identique à la précédente : le Conseil constitutionnel ayant déclaré la loi relative à l'élection
des conseillers régionaux inconstitutionnelle pour des raisons de procédure, Jacques Chirac en a
demandé une nouvelle délibération afin qu'une procédure correcte soit suivie désormais.
Une fois élu Président de la République, Nicolas Sarkozy a plaidé pour la suppression de cette
interdiction. Il souhaitait pouvoir lui-même venir s'adresser directement aux parlementaires. La
révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a conservé la technique des messages que le
Président fait lire par les présidents des assemblées. Mais elle a ajouté la possibilité pour le
Président de la République de prendre la parole devant le Parlement réuni alors en Congrès. La
contrepartie, c'est que les parlementaires peuvent, une fois le Président parti, engager un débat
sur son intervention, mais ce débat ne peut en principe pas donner lieu à un vote. Toutefois,
cette restriction ne peut exister que parce que les parlementaires sont réunis en Congrès pour
écouter le Président. Mais une fois, les parlementaires ayant regagné leurs assemblées
respectives, rien n'empêche les députés de déposer une motion de censure, entraînant alors un
vote, sur le contenu du message présidentiel.
La première utilisation de ce nouveau dispositif eut lieu le 22 juin 2009 par Nicolas Sarkozy à
propos de la crise économique. Deuxième utilisation le 16 novembre 2015 par François Hollande
suite aux attentats ayant frappé la France le 13 novembre. Troisième utilisation : Emmanuel
Macron le 3 juillet 2017 afin de présenter aux parlementaires son programme et sa méthode (la
veille de la déclaration de politique générale du Gouvernement d'Édouard Philippe). Emmanuel
Macron avait d'ailleurs annoncé à cette occasion qu'il se présenterait chaque année devant le
Congrès pour faire un bilan de son action et lancer de nouveaux projets. Ainsi, la quatrième
utilisation eut lieu un an plus tard, le 9 juillet 2018. Ce faisant, ce type de message tendait à
devenir une sorte de message sur l'état de l'Union américain à la française. Emmanuel Macron a
même souhaité aller plus loin dans son message de 2018 en suggérant que la Constitution soit
révisée sur pour lui permettre de répondre aux questions des parlementaires. Mais l'affaire
Benalla a eu raison de cette évolution et Emmanuel Macron n'a convoqué de Congrès ni en
86
Section 3 - L'ouverture et la clôture des sessions extraordinaires du Parlement
Une session extraordinaire ne peut être ouverte que sur un ordre du jour déterminé à l'avance
et dont on ne peut s'abstraire. Cet ordre du jour est mentionné dans la demande émanant soit
du Premier ministre, soit de la majorité des membres composant l'Assemblée nationale. Le
Président de la République s'est arrogé de ce point de vue également un pouvoir nouveau en
acceptant l'ouverture d'une session extraordinaire mais tout en en refusant une partie de l'ordre
du jour. Là encore cet épisode se produisit en période de cohabitation, en juin 1993, s'agissant
d'une proposition de loi modifiant la loi Falloux de 1850.
Section 4 - La dissolution
§ 1 - La technique de la dissolution
La dissolution, c'est le fait de mettre fin au mandat des membres d'une assemblée avant le
terme de leur mandat. Aux termes de l'article 12 de la Constitution, « le Président de la
République peut, après consultation du Premier ministre et des Présidents des assemblées,
prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale ».
Cette faculté pour le Président de la République de dissoudre ne s'applique donc qu'à une seule
assemblée du Parlement, à la seule qui soit élue directement par le peuple, à la seule aussi qui
ait la possibilité de renverser le Gouvernement. La dissolution apparaît donc alors, d'une certaine
manière, comme la contrepartie de la responsabilité politique du Gouvernement. Cet équilibre
est plus grand qu'il ne l'était sous les deux Républiques précédentes où la seconde Chambre
(Sénat sous la IIIe République, Conseil de la République sous la IVe République) avait conquis le
pouvoir de renverser le Gouvernement sans pouvoir quant à elle être dissoute ; sous la IIIe
87
§ 1 - La technique de la dissolution
République même, le Sénat devait donner un avis conforme à la dissolution par le Président de la
République de la Chambre des députés.
La dissolution va permettre lorsque naît un conflit entre les organes exécutifs et le Parlement ou
au moins l'Assemblée nationale de vider, de purger, le conflit. Si une telle situation se produit
c'est que :
Soit le Président de la République estime que la politique menée par le Gouvernement
avec le soutien de la majorité à l'Assemblée nationale n'est plus celle que le peuple
souhaite. Cette hypothèse pourra se produire en période de cohabitation ;
Soit le Gouvernement n'est plus très soutenu par la majorité parlementaire et le Président
de la République souhaite clarifier la situation, c'est-à-dire faire voter les électeurs qui se
prononceront soit en faveur de députés soutenant le Gouvernement, soit pour des
députés qui ne lui sont pas favorables. Cette hypothèse, cette fois, se produira davantage
en période de concordance des majorités ;
Enfin la dernière possibilité c'est de recourir à la dissolution pour profiter d'une
conjoncture politique favorable. C'est bien ainsi que les britanniques l'ont longtemps
pratiquée : une Chambre des Communes est élue pour cinq ans et le leader du parti
majoritaire devient automatiquement le Premier ministre ; si au bout de quatre ans les
sondages lui sont extrêmement favorables, il peut vouloir anticiper les futures élections
législatives pour profiter de cette situation ; comme il y a beaucoup de chances que son
parti gagne les élections, il pourra rester Premier ministre 9 ans (4 + 5), alors qu'il n'aurait
aucune certitude d'être reconduit si les élections ont lieu à échéance normale, c'est-à-dire
un an plus tardp.165 ¤. *
Ainsi la dissolution apparaît toujours comme une demande adressée au peuple pour savoir
quelle politique il souhaite voir appliquée. Comme le relève Raymond Carré de Malberg, « le but
précis de la dissolution, c'est d'empêcher le Parlement d'imposer au pays une politique qui serait
contraire à la volonté du corps électoralp.166 ¤ ». La dissolution va donc permettre au peuple
*
Une lecture rapide de l'article 12 de la Constitution laisse à penser que le droit de dissolution est
un pouvoir discrétionnaire du Président de la Ve République. En effet, le premier alinéa n'impose
pour la prononcer que la consultation du Premier ministre et des Présidents des assemblées,
sans que les avis que ces personnalités émettent lors de ces consultations aient une quelconque
valeur contraignante. De plus, l'article 12 est un pouvoir propre du Président de la République,
c'est-à-dire que le décret du Président prononçant la dissolution de l'Assemblée nationale n'a
pas à être contresigné par le Premier ministre et les ministres responsables.
Seulement, une lecture plus attentive démontre que le Président de la République n'est pas
totalement libre. En effet, il existe quelques limites au pouvoir de dissolution, même si ces
limites demeurent faibles :
Lors de l'intérim du Président de la République, il est impossible de dissoudre l'Assemblée
nationale.
Lorsque le Président de la République utilise les pouvoirs exceptionnels de l'article 16, il
n'a pas le droit de dissoudre l'Assemblée nationale, ce qui constitue une garantie
démocratique.
Enfin, lorsqu'une dissolution est prononcée par le Président de la République, des
élections législatives doivent nécessairement être organisées 20 jours au moins et 40 jours
au plus après la dissolution. Ce qui interdit au Président de la République de supprimer
définitivement l'Assemblée nationale. En outre, l'article 12 prévoit que le Président de la
République ne peut pas dissoudre dans l'année qui suit ces élections elles-mêmes
consécutives à une dissolution. Il y a une sorte d'immunité qui s'attache à une Assemblée
nationale qui est née d'une dissolution. Il s'agit là d'une mesure de protection en souvenir
88
§ 2 - La pratique de la dissolution
de ce que Charles X avait fait en 1830 : ayant dissous la Chambre des députés des
départements une première fois, de nouvelles élections avaient eu lieu qui lui furent
défavorables ; avant même que la nouvelle Chambre ne siège, il en prononça une nouvelle
fois la dissolution ; c'est ce qui provoqua la révolution de 1830.
§ 2 - La pratique de la dissolution
Sous la Ve République, cinq dissolutions ont été prononcées, ce qui est beaucoup plus que sous
les IIIe et IVe Républiques qui n'avaient connu, chacune, qu'une dissolution (en 1877 et en 1955).
1. La première date du 9 octobre 1962. Le 5 octobre l'Assemblée nationale avait renversé le
Gouvernement par le vote d'une motion de censure. Il y avait donc un conflit entre le
Gouvernement et l'Assemblée nationale au sujet de l'élection du Président de la
République au suffrage universel direct. Pour faire trancher ce conflit par le peuple, le
Général de Gaulle a donc renvoyé les députés devant les électeurs en dissolvant
l'Assemblée.
2. La deuxième date du 30 mai 1968. Les événements du mois de mai 1968 ont agité les
institutions. Le Général de Gaulle pour calmer les esprits prononce la dissolution de
l'Assemblée nationale. On peut donc dire qu'il demande aux électeurs quelle politique ils
veulent voir appliquée.
3. La troisième date du 22 mai 1981. François Mitterrand vient d'être élu Président de la
République. Il est de gauche, mais l'Assemblée nationale qui, elle, a été élue en 1978, est
encore de droite. Sans une Assemblée et donc un Gouvernement ayant les mêmes
opinions que lui, il ne pourra pas mettre en œuvre le programme pour lequel il a été élu. Il
prononce donc la dissolution de l'Assemblée nationale pour profiter de ce moment
favorable et demander au peuple de lui donner les moyens de sa politique. En fait, surtout,
le Président a anticipé un conflit inéluctable entre un Gouvernement de gauche qu'il
venait de nommer et une Assemblée nationale encore majoritairement à droite.
4. La quatrième qui date du 14 mai 1988 est strictement identique à la précédente.
5. Enfin, la cinquième dissolution date du 21 avril 1997. Les dernières élections législatives
avaient eu lieu en 1993 ; la législature (c'est-à-dire la durée pour laquelle est élue une
Assemblée) prenait donc fin en 1998. Mais les sondages sont encore favorables au
Gouvernement Juppé et dans la crainte que ceux-ci ne baissent jusqu'en 1998, Jacques
Chirac prononce la dissolution, comme le faisaient les anglais, pour « surfer » sur cette
vague de sondages favorables et ainsi s'assurer de ce qu'il aura à ses côtés pendant encore
5 ans, c'est-à-dire en réalité jusqu'à quasiment la fin de son mandat présidentiel, un
Gouvernement du même bord politique que lui. Le peuple n'ayant pas souhaité élire
majoritairement des députés de droite, ses prévisions furent inexactes et c'est ce qui
causa la période de cohabitation que nous connaissons.
89
§ 1 - La garantie de l'indépendance de l'autorité judiciaire
République avec l'autorité judiciaire. Mais il faut savoir que si la France a adopté un système de
justice déléguée depuis longtemps (depuis 1872 s'agissant de la justice administrative), le
Président de la République conserve l'exercice d'un des rares éléments de justice retenue qui
demeure : le jugement concernant les prises maritimes en période de guerre. De plus, le
Président de la République peut autoriser les mariages post-mortem dans les cas où les futurs
mariés avaient, préalablement au décès de l'un d'eux, manifesté sans équivoque leur intention
de se marier (art. 171 du code civil). Il peut aussi autoriser les mariages entre beaux-frères et
belles-sœurs ou entre l'oncle et la nièce ou le neveu et entre la tante et le neveu ou la nièce
(art. 164 du code civil).
Cette indépendance s'attache uniquement aux magistrats du siège et non à ceux du parquet
puisque la révision de la Constitution qui devait leur accorder cette indépendance a été remise à
plus tard par Jacques Chirac et n'a jamais réussi à être adoptée définitivement alors même que
les assemblées se sont, plusieurs fois, mises d'accord sur un texte en ce sens.
Certains ont profité de cette autorité que leur confiait l'article 64 pour faire de la justice un
domaine qui les intéresse au premier chef. On pourrait même dire qu'ils ont tenté de l'intégrer
au fameux « domaine réservé » du Président (F. Mitterrand, J. Chirac). Cela est particulièrement
net lorsque l'on écoute les propos tenus par Jacques Chirac lors de son intervention télévisée du
14 juillet 1997.
Pour cette seconde mission, le Conseil supérieur de la magistrature est présidé soit par le
Premier président de la Cour de cassation s'il s'agit de sanctions prononcées contre un magistrat
du siège, soit par le Procureur général près la Cour de cassation s'il s'agit de sanctions
disciplinaires prononcées contre des magistrats du parquet.
Pour la première mission, il était, jusqu'à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, présidé
par le Président de la République et vice-présidé par le ministre de la Justice (article 65). Ce n'est
plus le cas désormais puisqu'il est maintenant présidé par les autorités évoquées plus haut selon
les questions traitées.
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§ 3 - Le droit de grâce
président (mais on trouve un cas dans lequel la commission des Lois de l'Assemblée nationale
s'est opposée à une nomination au CSM envisagée par le président de l'Assemblée nationale).
Quant aux nominations et à l'avancement de carrière des magistrats, il faut distinguer plusieurs
hypothèses :
S'agissant des plus hauts magistrats leur nomination est proposée au Président de la
République par le Conseil supérieur de la magistrature. Mais le Président de la République
peut suivre ou ne pas suivre les avis formulés par cet organe. François Mitterrand a
toujours suivi les avis formulés mais Jacques Chirac n'en a pas fait de même.
La nomination des autres magistrats du siège est proposée par le ministre de la Justice au
Président de la République, mais cette proposition est d'abord examinée par le Conseil
supérieur de la magistrature. Si le Conseil supérieur de la magistrature émet un avis
négatif sur cette proposition, le Président de la République ne peut pas nommer ce
magistrat au poste envisagé par le ministre (procédure d'avis conforme).
Enfin, la nomination des magistrats du parquet (en dehors des plus importants visés dans
le 1er cas) est proposée par le ministre de la Justice au Président de la République et le
CSM ne formule qu'un avis simple sur ces propositions de nominations.
Le projet de révision déposé à l'Assemblée nationale en août 2019 prévoit de modifier l'article 65
de la Constitution afin que les magistrats du parquet soient dorénavant nommés sur avis
conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature, et non plus sur
avis simple. Dans cet esprit, la même formation statuera comme conseil de discipline des
magistrats du parquet, à l'instar de ce qui est prévu aujourd'hui pour ceux du siège, et ne se
bornera plus à donner simplement un avis.
§ 3 - Le droit de grâce
L'article 17 de la Constitution dispose : « Le Président de la République a le droit de faire grâce à
titre individuel ». C'est-à-dire qu'il peut dispenser un condamné de sa peine, mais, contrairement
à l'amnistie, la grâce n'efface pas la condamnation. Ce droit de grâce est reconnu
traditionnellement au chef de l'État depuis 1802. Il avait beaucoup d'importance lorsqu'existait
encore la peine de mort, mais, même si celle-ci a été supprimée de notre arsenal juridique en
1981, le droit de grâce existe toujours pour toutes les condamnations pénales.
Ce pouvoir de gracier un individu s'exerce par un décret du Président de la République qui doit
être contresigné par le Premier ministre et par les ministres responsables donc notamment par
le ministre de la Justice. Ce contreseing était toujours accordé, de façon systématique. Même les
gouvernements de la IIIe République entre 1906 et 1913 contresignèrent les décrets de grâce
alors qu'ils étaient opposés, pour certains d'entre eux, à l'action d'Armand Fallières consistant à
gracier systématiquement tous les condamnés à mort (en commuant la peine en perpétuité). On
peut aussi citer le cas de Georges Pompidou graciant Paul Touvier en 1972. Ce n'est donc pas un
pouvoir propre du Président de la République mais un pouvoir partagé même si les membres du
Gouvernement ont pris l'habitude de contresigner les décrets de grâce sans sourciller. On notera
cependant, d'une part, qu'en 1962 le Général de Gaulle avait refusé de gracier Edmond Jouhaud
qui avait été condamné à mort, mais devant la menace de démission de Pompidou, Premier
ministre, et de Jean Foyer, ministre de la Justice, il avait finalement consenti à commuer sa
peine. D'autre part, lors de la deuxième cohabitation Édouard Balladur a, semble-t-il, refusé de
contresigner un décret de grâce de François Mitterrand. C'est la première fois que cela se
produisait.
Pendant très longtemps, le droit de grâce a été pratiqué de façon collective devenant ainsi un
instrument de la politique pénale du Gouvernement. Ce n'est désormais plus possible depuis la
révision du 23 juillet 2008. Mais, avant elle, Nicolas Sarkozy avait déjà engagé de façon pratique
91
Section 2 - Ses pouvoirs relatifs au Conseil constitutionnel
Cette égalité devient plus relative depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, puisque
les nominations par le Président utilisent la procédure d'avis des commissions permanentes des
deux assemblées prévues à l'article 13 al. 5 de la Constitution, tandis que les nominations par les
présidents des assemblées ne sont soumises qu'à l'avis de la commission de l'assemblée qu'ils
président.
En revanche, l'égalité qui existe entre ces trois autorités de nomination est vraiment rompue au
bénéfice du Président de la République quand il s'agit de nommer le Président du Conseil
constitutionnel. En effet, lui seul dispose de ce pouvoir de choix. Il peut choisir d'élever au rang
de Président un membre qui siège déjà au Conseil constitutionnel, que celui-ci ait été nommé
par lui ou par le président de l'une ou l'autre assemblée, ou au contraire de choisir un nouveau
membre à qui il confère le titre de Président (ce qu'il fait le plus souvent).
Le choix des membres du Conseil constitutionnel est très libre. Les seules conditions à respecter
sont de nommer une personne de nationalité française jouissant de ses droits civils et politiques
donc nécessairement majeure. Il n'y a aucune limite d'âge supérieure. Il n'y a aucune obligation
de compétence juridique contrairement aux États-Unis, en Allemagne ou en Espagne.
92
§ 2 - La saisine du Conseil constitutionnel pour les lois
On notera enfin que le Président de la République à l'issue de son mandat devient membre de
droit du Conseil constitutionnel et ceci à vie. Il n'en est autrement que si l'ancien Président de la
République souhaite continuer une carrière politique auquel cas il lui est impossible de siéger au
Conseil constitutionnel. Une fois ses mandats terminés, Valéry Giscard d'Estaing a siégé jusqu'à
sa mort mais en ne participant à aucune décision QPC, donc de manière épisodique. Nicolas
Sarkozy y ayant publiquement renoncé suite à la décision du Conseil constitutionnel concernant
son compte de campagne ; François Hollande a annoncé qu'il n'y siégerait pas une fois son
mandat terminé.
Jusqu'à présent le Président de la République n'a utilisé ce pouvoir que trois fois dans un
contexte d'ailleurs assez similaire :
Le 25 juin 2015, concernant la loi relative au renseignement
Le 13 mars 2019, concernant la loi « anti-casseurs »
Le 9 mai 2020, concernant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire
Ces trois saisines s'expliquent par la volonté du Président de rassurer les citoyens sur le fait que
ces lois, votées à son instigation, ne sont pas liberticides : il s'en assure et rassure les citoyens en
saisissant le Conseil constitutionnel.
En dehors de ces hypothèses, l'absence d'usage de ce pouvoir par le Président peut s'expliquer
pour la raison suivante. Aux termes de l'article 5, le Président de la République veille au respect
de la Constitution et nul ne lui conteste le pouvoir qu'il s'est arrogé d'interpréter la Constitution.
S'il saisissait le Conseil constitutionnel pour que celui-ci examine si une loi est bien conforme à la
Constitution, cela voudrait dire que le Président doute de sa constitutionnalité. Si le Conseil
constitutionnel, après avoir examiné la loi, considérait que la loi est bien conforme à la
Constitution, il s'agirait d'un désaveu sur la compétence du Président de la République. Il s'est
d'ailleurs trouvé des commentateurs de la vie politique pour affirmer en 2019 et 2020
qu'Emmanuel Macron doutait de sa majorité puisqu'il avait saisi le Conseil constitutionnel ! Pour
éviter un tel risque le Président de la République s'est presque toujours abstenu de saisir le
Conseil constitutionnel sur ce fondement et il préfère attendre que quelqu'un d'autre saisisse le
Conseil constitutionnel.
Pendant longtemps, ce pouvoir de saisir le Conseil constitutionnel sur cette question était
réservé au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents des assemblées
parlementaires. Depuis la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, ce pouvoir a été reconnu à
93
Chapitre 4 - Les pouvoirs exceptionnels du Président de la République
Cette fois, le Président de la République a déjà usé de ce pouvoir. Il l'a fait huit fois seul :
En 1976 pour savoir si le traité prévoyant que le Parlement européen serait élu au suffrage
universel direct était conforme à la Constitution ;
En 1985 pour savoir si la France pouvait ratifier le Protocole additionnel à la CEDH n° 6,
interdisant le rétablissement de la peine de mort ;
En 1992 pour savoir si le traité de Maastricht ne comportait pas de clauses contraires à la
Constitution.
En 1999 sur la Charte européenne des langues régionales.
En 2004 sur le traité établissant une constitution pour l'Europe.
En 2005 sur deux engagements internationaux relatifs à l'abolition de la peine de mort.
En 2007 sur le Traité de Lisbonne.
En 2012 sur le Pacte budgétaire européen.
La consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées reste totalement secrète.
On ne sait rien de ce que ces autorités peuvent lui dire et si elles lui faisaient part de ce que les
conditions de fond ne sont pas réunies à leur avis pour pouvoir mettre en œuvre l'article 16, cela
n'aurait aucune conséquence.
94
§ 2 - Les conditions de fond
En revanche, l'avis du Conseil constitutionnel est, quant à lui, publié au Journal officiel. Ce n'est
pas la Constitution qui l'exige mais l'ordonnance organique relative au Conseil constitutionnel en
date du 7 novembre 1958 (art. 53). Si le Président de la République souhaitait un jour prendre
les pouvoirs exceptionnels alors même que les conditions ne sont pas remplies, le Conseil
constitutionnel donnerait sans aucun doute un avis négatif et, cet avis étant publié, le peuple se
soulèverait sûrement contre ce dictateur et le Parlement mettrait sans doute en jeu sa
responsabilité pour manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l'exercice de
son mandat. Cette condition est donc très importante.
Reste une dernière condition de forme, c'est que le Président de la République doit informer la
nation par un message qu'il utilise les pleins pouvoirs.
On notera en plus que les décisions qui sont prises par le Président de la République quand il
utilise l'article 16 (et non plus la décision de recourir à l'article 16) doivent également recueillir
l'avis du Conseil constitutionnel, mais cette fois les avis de cet organe ne sont pas publiés.
En principe, lorsque le Président de la République utilise l'article 16, il doit avoir pour objectif de
rétablir au plus vite la légalité républicaine, de permettre aux institutions normales de reprendre
leur cours dans les plus brefs délais. Les « décisions » qu'il prend alors doivent répondre à cet
objectif. On rappellera que le Conseil constitutionnel est consulté sur chacune de ces décisions
prises dans le cadre de l'article 16. Cet article fait donc du Président de la République un
dictateur au sens romain du terme.
Jusqu'à présent, cet article n'a joué qu'une fois dans l'histoire pour mâter les putschistes d'Alger
en 1961. Dans la nuit du 21 au 22 avril 1961, les généraux Challe, Jouhaud, Salan et Zeller font un
putsch à Alger. A 2 h 10, Michel Debré, averti de la situation, réveille le Général de Gaulle pour
l'informer de la gravité de la situation. Le 23 avril, après avoir consulté le Premier ministre, les
présidents des assemblées et le Conseil constitutionnel, il prend la décision de faire application
de l'article 16 et en informe immédiatement la nation par un message radiotélévisé. Le Général
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Section 2 - Les effets de l'article 16
de Gaulle apparaît à la télévision dans son uniforme militaire et exhorte les militaires de
rejoindre leur caserne et de mettre fin à leur insurrection. Dès le 26 avril la situation est rétablie ;
pourtant le Général de Gaulle continuera d'appliquer l'article 16 jusqu'au 30 septembre 1961.
On pouvait donc penser que le Président de la République avait utilisé les pleins pouvoirs plus
longtemps que nécessaire. Des personnes, notamment des militaires condamnés, avaient
contesté devant le Conseil d'État à la fois la décision par laquelle le Président de la République
avait décidé de prendre les pouvoirs exceptionnels et la décision qu'il avait prise dans le cadre de
l'article 16 de créer un tribunal d'exception chargé de condamner les putschistes. En effet, ces
personnes ayant été condamnées à diverses peines par ce tribunal espéraient ainsi être
blanchies car condamnées par un tribunal créé de façon illégale. Le Conseil d'État se prononça
dans un arrêt du 2 mars 1962, Rubin de Servens. Il décida :
La décision de recourir aux dispositions de l'article 16, la décision de prendre les pouvoirs
exceptionnels, ne peut pas être contrôlée par un juge. Elle ne peut donc pas être
contestée devant un juge. Il s'agit d'un « acte de gouvernement ». Ce qui signifie
également qu'il est impossible de contester devant un juge le fait que le Président de la
République ait utilisé l'article 16 pendant trop longtemps. Le contrôle ici ne peut pas être
juridique, il ne peut être que politique. C'est au Parlement de mettre en jeu la
responsabilité du Président pour manquement (à l'époque pour « haute trahison ») s'il
estime que cela a trop duré.
En revanche, les décisions qui sont prises par le Président de la République dans le cadre
de l'article 16 ne sont pas toutes soustraites au contrôle du juge. Le Conseil d'État a pour
rôle d'examiner la conformité des actes administratifs aux lois (il étudie donc la légalité
des actes administratifs). Si la décision que prend le Président de la République, lorsqu'il
utilise l'article 16, relève en temps normal de l'exécutif (c'est-à-dire aurait dû, dans une
situation normale, faire l'objet d'un acte administratif) alors le Conseil d'État peut
contrôler la légalité de cette décision. Au contraire, si, en temps normal, le contenu de la
décision prise par le Président de la République relevait d'une loi, alors le Conseil d'État, et
les autres juges également, seront incompétents pour en connaître. Dans l'affaire Rubin de
Servens, les personnes condamnées contestaient la légalité de la décision prise par le
Président de la République dans le cadre de l'article 16 consistant à créer un tribunal
militaire spécial. Or, la création d'un tribunal relève en temps normal du domaine de la loi ;
le Conseil d'État en a donc déduit qu'il n'était pas compétent pour en apprécier la légalité.
Pour tenir compte de cette pratique et de cette jurisprudence qui risquent d'aboutir à faire du
Président de la République un véritable dictateur, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008,
sur ce point influencée par le rapport du Comité Balladur, a inséré une nouvelle précaution dans
l'article 16. Désormais, après 30 jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le président de
l'Assemblée nationale, le président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs (on note
que le Premier ministre n'a pas ce pouvoir ici) peuvent saisir le Conseil constitutionnel pour que
celui-ci examine si les conditions de mise en œuvre de l'article 16 sont encore réunies. Le Conseil
constitutionnel rendant alors un avis public, on n'imagine pas que, s'il estimait que les conditions
ne sont plus réunies, le Président continue à utiliser les pouvoirs exceptionnels. De plus, au-delà
de soixante jours d'utilisation des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut
s'autosaisir à tout moment pour rendre un avis public sur la fin des circonstances justifiant
l'application de l'article 16.
On le voit, les garanties démocratiques sont minces quand le Président de la République utilise
l'article 16, mais il s'agit là de circonstances tout à fait exceptionnelles. En dehors de cette
hypothèse le Président de la République a certes des pouvoirs en nombre non négligeable, mais
il est quand même encadré par la présence à ses côtés ou face à lui du Gouvernement et du
Parlement qui constituent soit des contre-pouvoirs efficaces surtout en période de cohabitation,
soit des organes nécessaires pour adopter et mener la politique qu'il souhaite.
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Leçon 7 : Formation et responsabilité du Gouvernement
Dans un régime parlementaire, lorsqu'une crise apparaît au sein des institutions, il est possible
d'y mettre fin de deux façons différentes : soit en prononçant la dissolution de l'Assemblée
nationale, ce qui fera trancher le différend par le peuple, soit en renversant le Gouvernement
par le vote d'une motion de censure. Dans les deux cas, le Gouvernement se trouve mêlé au
conflit. En effet, ayant été choisi par le Président de la République mais accepté par l'Assemblée
nationale, il se trouve à la charnière entre les deux institutions. Si l'Assemblée nationale le
renverse, il perd le pouvoir ; si le Président de la République dissout l'Assemblée nationale et
que le peuple vote majoritairement pour l'ancienne opposition, il perd également le pouvoir.
Bref, il ne peut espérer rester en place qu'en cas de victoire lors des élections législatives
consécutives à la dissolution, mais cela n'est pas une certitude car le Président de la République
peut vouloir en profiter pour changer de Gouvernement. Sa situation est donc délicate et
instable.
Nous avons déjà vu que le Président de la République en période de concordance était le
véritable chef, le leader, de la majorité parlementaire, de sorte que le Premier ministre devient
son simple second. Dans ce cas, le Gouvernement apparaît alors comme un simple « fusible »
qui encaisse les coups à la place du Président de la République et qui saute dès qu'il apparaît
usé ou qu'il ne plaît plus. Jacques Chirac a, quant à lui, employé une autre expression en
considérant que le Gouvernement est un « amortisseur » entre le Président et le Parlement (14
juillet 1999).
Au contraire en période de cohabitation, le Président de la République n'est plus le chef de la
majorité mais le chef ou l'un des chefs de l'opposition. Le chef de la majorité parlementaire,
c'est alors le Premier ministre. Si la majorité parlementaire se met, quelle que soit la situation
politique (concordance ou cohabitation), toujours au service du Gouvernement pour l'aider
dans sa tâche, en période de cohabitation, c'est encore plus vrai car c'est bien le Gouvernement
qui va guider la majorité parlementaire au point d'en constituer le véritable moteur tandis qu'en
période de concordance, c'est le Gouvernement mais surtout le Président qui en est le guide.
La condition du Gouvernement va donc dépendre étroitement de la situation politique. Il faudra
donc avoir cet élément à l'esprit lorsque l'on envisagera successivement la formation du
Gouvernement et la responsabilité des membres du Gouvernement.
97
Section 1 - Le choix des membres du Gouvernement
Quant au choix des ministres, rappelons que le Président de la République les nomme sur
proposition du Premier ministre et que ce décret est, cette fois, contresigné. Le Président de la
République dispose du pouvoir de refuser de nommer les personnalités qui lui sont proposées
par le Premier ministre, mais il ne peut pas en principe imposer d'autres ministres à la place.
Cependant, on a vu qu'en période de concordance le Président de la République composait
parfois lui-même le Gouvernement et que le Premier ministre avait peu son mot à dire.
La loi organique (LO) du 15 septembre 2017 de confiance dans la vie politique permet au
Président de la République, avant toute nomination d'un membre du Gouvernement, de
solliciter la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (déclaration d'intérêts et de
patrimoine), l'administration fiscale (déclarations d'impôts) et de solliciter un bulletin n°2 du
casier judiciaire. Cela était censé permettre d'éviter de nommer un ministre pour se rendre
compte quelques jours plus tard qu'il n'était, par exemple, pas en règle avec l'administration
fiscale. Cela devait permettre d'éviter un nouvel épisode Thomas Thévenoud... Mais cela n'a pas
empêché qu'en décembre 2019 on découvre que Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire aux
retraites dans le Gouvernement d'Édouard Philippe, avait « omis » de déclarer une dizaine
d'activités dont l'une rémunérée !
Mais l'incompatibilité la plus importante est celle entre les fonctions gouvernementales et un
mandat parlementaire. Il s'agit là d'une particularité de la Ve République adoptée en souvenir
des pratiques peu acceptables des Républiques antérieures, notamment le 5 mai 1947.
Les membres du Gouvernement ainsi nommés peuvent porter différentes appellations. Sous la
Ve République, on compte, jusqu'ici, les appellations suivantes :
Ministre d'État
Ministre
Ministre délégué ou Ministre auprès d'un Ministre
Secrétaire d'État
Haut-commissaire
Si les ministres délégués, les ministres auprès d'un ministre et les secrétaires d’État sont en
principes délégués auprès d'un autre membre du Gouvernement (ministre ou Premier ministre),
il en est parfois qui n'ont été délégués auprès de personne... Aucune disposition
constitutionnelle ou législative n'impose ni des appellations particulières, ni un type de
composition (sauf Premier ministre et ministre de la Justice), ce qui laisse une grande marge de
liberté aux acteurs.
98
Section 2 - L'approbation parlementaire
Les constituants de 1946 eurent à cœur de rationaliser le régime parlementaire. Dans ce cadre,
la procédure d'investiture, jusque-là coutumière, fut profondément remaniée par l'article 45 de
la Constitution. Il était prévu que le Président de la République devait désigner un président du
Conseil sans que cette désignation ne le fasse devenir automatiquement président du Conseil. Il
ne pourrait commencer à exercer ses fonctions qu'après son investiture. Le président du Conseil
devait ensuite se présenter devant l'Assemblée nationale pour y annoncer son programme
d'action et l'Assemblée devait, si elle approuvait ce programme, l'investir à la majorité absolue
des députés composant l'Assemblée nationale. Ce mécanisme avait pour but de renforcer
l'autorité du président du Conseil, car, investi à la majorité absolue, il pourrait se prévaloir de
cette onction face à l'Assemblée elle-même et surtout face aux membres de son Gouvernement.
Cependant, ces intentions furent très vite malmenées, voire anéanties, par la pratique menée
par les différents présidents du Conseil. Paul Ramadier fut le premier président du Conseil de la
IVe République. Or, ce dernier, après avoir été investi, par ailleurs à l'unanimité, conformément
99
§ 2 - La suppression de l'investiture sous la Ve République
avait pour conséquence de supprimer l'autorité personnelle du président du Conseil sur ses
ministres car les ministres recevaient eux-aussi l'assentiment de l'Assemblée. Mais cela signifiait
surtout que l'on en revenait à la pratique néfaste de la « course aux portefeuilles » qui
permettait aux députés frustrés de n'avoir été appelés au Gouvernement de se « venger » en
refusant d'investir le Gouvernement. Ainsi, par exemple, Henri Queuille, investi le 30 juin 1950
par 363 voix contre 208, fut-il renversé quatre jours plus tard par 334 voix contre 221.
La réponse à cette question est délicate. Lors des travaux du Comité consultatif constitutionnel,
le Général de Gaulle, interrogé par Guy Mollet à propos de cet alinéa, déclara que le présent de
l'indicatif avait, dans les textes juridiques, valeur impérative, et qu'il ne viendrait à l'esprit de
personne de rouler à gauche quand le code de la route évoque, au présent de l'indicatif, la
conduite à droite.
Certains auteurs évoquent l'obligation dans laquelle se trouverait le Premier ministre d'engager
la responsabilité de son Gouvernement sur son programme pour une autre raison. Ils raisonnent
par analogie avec l'article 10 de la Constitution. Cet article 10 dispose que le Président de la
République promulgue les lois (présent de l'indicatif), or tout le monde s'accorde à dire que le
100
§ 2 - La suppression de l'investiture sous la Ve République
Président de la République ne pourrait pas refuser ou oublier de le faire. Toutefois, cet argument
est de faible valeur car l'article 10 impose au Président de la République de promulguer la loi
dans un délai de quinze jours. Or, nulle part, à l'article 49, alinéa 1, on ne trouve de délai. Sans
l'existence d'un délai avant l'expiration duquel le Premier ministre serait tenu d'engager la
responsabilité de son Gouvernement, il ne peut exister en pratique aucune obligation. Le
Premier ministre pourrait en effet reporter sine die cet engagement de responsabilité et ceci de
façon infinie. Le caractère obligatoire de ce procédé ne peut résulter que de l'existence d'un
butoir, d'un seuil, constitué par un délai. A défaut, cette procédure ne peut s'assimiler qu'à une
obligation morale, voire à une pétition de principe que les Premiers ministres choisissent
librement d'exécuter ou de délaisser.
Il résulte donc de ce qui précède que la procédure prévue à l'article 49 premier alinéa ne
constitue pas une démarche obligatoire pour tout Premier ministre.
D'ailleurs c'est bien ainsi que les Premiers ministres ont compris cette procédure de l'article 49,
alinéa 1. En effet, si Michel Debré a bien engagé la responsabilité de son Gouvernement sur son
programme 7 jours seulement après avoir été nommé Premier ministre, tous les Premiers
ministres n'ont pas agi de la sorte. Georges Pompidou, lors de la formation de son troisième
Gouvernement en 1966, n'a pas procédé à cette formalité. Par la suite Georges Pompidou à
nouveau pour son 4e Gouvernement, Maurice Couve de Murville, Pierre Messmer, Raymond
Barre, Michel Rocard, Edith Cresson et Pierre Bérégovoy suivirent cet exemple qui peut
s'expliquer pour deux raisons : d'une part, parce que ces Premiers ministres ont estimé qu'ils
devaient leur place essentiellement au Président de la République véritable chef de la majorité
et, d'autre part, s'agissant des trois derniers, parce qu'ils craignaient ne pas obtenir cette
confiance. En effet, ces trois Premiers ministres ne disposaient pas, contrairement à tous les
autres d'une majorité parlementaire très forte ; ils ne bénéficiaient que d'une majorité relative.
Une coalition de députés de différents bords politiques contre eux aurait pu les pousser à la
démission.
Cependant, la majorité des Premiers ministres a sollicité ce vote de confiance juste après la
formation de leur Gouvernement. Ainsi, Manuel Valls a engagé la responsabilité de son 1er
Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur une déclaration de politique générale le 8 avril
2014. Le lendemain, il s'est présenté au Sénat pour y faire une déclaration suivie d'un débat mais
pas d'un vote dans le cadre de l'art. 50-1 C. Concernant son 2nd Gouvernement, il engagea bien
la responsabilité de son Gouvernement sur une déclaration de politique générale le 16
septembre 2014 (269 voix contre 244). En revanche, les élections sénatoriales devant se
dérouler le 28 septembre, il ne fit pas de déclaration devant le Sénat. Bernard Cazeneuve a été
extrêmement rapide puisque, nommé le 6 décembre 2016, il composa, avec le Président de la
République, son Gouvernement le jour même et engagea la responsabilité de celui-ci devant
l'Assemblée nationale sur une déclaration de politique générale le 13 décembre (305 voix pour,
239 contre). Le lendemain, il se présentait devant le Sénat pour y faire une déclaration dans le
cadre de l'article 50-1 C. mais sans que celle-ci soit suivie d'un vote. Édouard Philippe a procédé
de la même façon : pour son 1er Gouvernement, avant les législatives, il n'a pas engagé la
responsabilité de son Gouvernement, mais il le fit pour son 2nd Gouvernement sur une
déclaration de politique générale le 4 juillet 2017 (soit 13 jours après la formation du
Gouvernement). La DPG obtint 370 voix pour et seulement 67 contre. Le lendemain, 5 juillet, il
se présentait lui-aussi devant le Sénat pour y faire une déclaration dans le cadre de l'article 50-1
C. mais sans que celle-ci soit suivie d'un vote. Quant à Jean Castex, il a été aussi très rapide
puisqu'il a engagé la responsabilité de son Gouvernement sur une déclaration de politique
générale 12 jours après la constitution de son Gouvernement (même moins en réalité car si le
Premier ministre a été nommé le 3 juillet, les membres du Gouvernement n'ont été nommés que
le 6 juillet ; or jean Castex a engagé la responsabilité de son Gouvernement devant l'Assemblée
nationale le 15 juillet ; 345 pour, 177 contre). On relèvera d'ailleurs s'agissant du Gouvernement
101
Chapitre 2 - La responsabilité des membres du Gouvernement
Castex que sa composition « finale » s'est déroulée en deux temps, comme cela a pu être le cas
par le passé (Gouvernement Rocard par exemple) : les ministres ont été nommés le 6 juillet et
les secrétaires d'État le 26 juillet, soit après avoir reçu la confiance parlementaire.
Engager la responsabilité de leur Gouvernement sur son programme ou sur une déclaration de
politique générale est d'autant plus risqué que la Constitution n'impose aucune condition de
majorité qualifiée pour renverser le Gouvernement sur cette procédure. Une majorité absolue
de députés présents suffit donc à rejeter le programme ou la déclaration de politique générale
présenté par le Premier ministre et donc à renverser le Gouvernement. Par ailleurs aucun délai
ne sépare la déclaration et le vote.
102
§ 1 - L'article 49, alinéa 1
cause sa responsabilité ou qu'elles contiennent des injonctions à son égard » sont irrecevables.
D'autre part, dans le nouvel article 50-1, il est maintenant prévu que le Gouvernement peut, de
sa propre initiative ou à la demande d'un groupe parlementaire, faire une déclaration sur un
sujet déterminé, déclaration qui donne lieu à un débat aux termes duquel il peut y avoir un vote
mais sans que le résultat de ce vote ne puisse engager la responsabilité du Gouvernement.
Dès lors s'ouvre alors un premier délai de 24 heures durant lequel les députés peuvent réagir à
cet engagement de responsabilité par le Premier ministre par le dépôt d'une motion de censure
qui pour être valable doit être signée par au moins 1/10e des députés. Si une motion de censure
est ainsi déposée, c'est alors la procédure de l'article 49, alinéa 2 qui s'applique.
103
§ 4 - L'article 49, alinéa 4 ou l'impossibilité pour le Sénat de renverser le Gouvernement
Attention
Beaucoup d'étudiants ont tendance à faire un raccourci erroné en disant/écrivant que « le 49
alinéa 3, c'est la motion de censure provoquée ».
C'est FAUX. Le 49 alinéa 3 est un engagement de la responsabilité du Gouvernement par lui-
même, de sa propre initiative. La motion de censure provoquée, c'est la réponse que les
députés peuvent donner à cet engagement de responsabilité.
Une motion de censure doit, avant d'être discutée et votée, être déposée ; pour cela il faut
qu'elle soit signée par 1/10e des députés (dans le cas d'une motion de censure provoquée, ce
dépôt doit intervenir au plus tard 24 heures après l'engagement de responsabilité du
Gouvernement par le Premier ministre). La mise en jeu de la responsabilité politique du
Gouvernement par l'Assemblée nationale ne peut donc plus provenir de l'initiative individuelle
d'un député comme cela se produisait avec l'interpellation sous la IIIe République ou avec la
motion de censure sous la IVe République. On relèvera aussi une autre limite au pouvoir qu'ont
les députés de mettre en jeu la responsabilité du Gouvernement par le vote d'une motion de
censure, c'est qu'un même député ne peut signer plus de trois motions de censure spontanées
par session ordinaire et plus d'une motion de censure spontanée par session extraordinaire. Les
motions de censure provoquées ne sont quant à elles pas limitées numériquement ; les députés
peuvent en déposer à chaque fois que le Premier ministre utilise la procédure de l'article 49,
alinéa 3 (en revanche, le Premier ministre est quant à lui désormais limité dans ses possibilités
d'user de l'article 49 alinéa 3).
Une fois la motion de censure déposée, s'ouvre alors un délai de 48 heures, dit de réflexion, afin
que les députés puissent prendre conscience de l'importance de leur vote.
Une seule motion de censure a été adoptée sous la Ve République. Il s'agissait d'une motion de
censure spontanée. En effet, l'Assemblée nationale était opposée à l'organisation d'un
référendum de l'article 11 sur l'élection du Président de la République au suffrage universel
direct. C'est le Général de Gaulle qui a pris en réalité l'initiative de ce référendum, mais comme
aux termes de l'article 11 l'organisation d'un référendum est proposée au Président de la
République par le Gouvernement, l'Assemblée nationale a jugé que le Gouvernement était
responsable de l'organisation de ce référendum, elle a donc mis en jeu sa responsabilité par le
vote d'une motion de censure déposée le 2 octobre 1962 et votée le 5 octobre 1962.
104
§ 4 - L'article 49, alinéa 4 ou l'impossibilité pour le Sénat de renverser le Gouvernement
On peut se demander pourquoi procéder à une telle déclaration et risquer de subir un camouflet
? D'une part, le risque encouru est faible. En principe, les Premiers ministres n'utilisent, en effet,
la possibilité ouverte par l'alinéa 4 de l'article 49 que dans des circonstances où l'issue du scrutin
ne fait aucun doute. Même un Premier ministre socialiste, M. Michel Rocard, parvint à obtenir
l'approbation, par un Sénat à large majorité conservatrice, de deux déclarations de politique
générale. La défaite n'est donc pas même envisagée par les Premiers ministres qui procèdent à
l'utilisation de la faculté qui leur est offerte par l'alinéa 4 de l'article 49.
D'autre part, l'utilisation de cette procédure peut répondre à trois objectifs différents :
Le premier de ces objectifs apparaît très nettement en période de cohabitation. Il s'agit
alors de renforcer l'autorité du Premier ministre face au Président de la République. Ce
dernier, abandonné par le suffrage universel, reste en place parce que
constitutionnellement son mandat n'est pas achevé et parce qu'il assure la continuité de
l'État. Au contraire, le Premier ministre et le Gouvernement, soutenus par la majorité
parlementaire, disposent d'une légitimité plus fraîche. Afin de renforcer celle-ci, et de
montrer à l'opinion une majorité soudée au sein des deux Chambres autour du
Gouvernement, les Premiers ministres conservateurs ayant eu à subir une période de
cohabitation ont, tous deux, demandé au Sénat l'approbation d'une déclaration de
politique générale. Jacques Chirac eut recours à cette procédure de l'article 49 alinéa 4 à
trois reprises au cours de la période qui s'étend de 1986 à 1988. Si Édouard Balladur ne
procéda qu'à une seule déclaration de politique générale dans ce cadre, le 15 avril 1993, il
peut se vanter d'avoir battu le record de popularité au Sénat puisque sa déclaration
convainquit près de quinze fois plus de sénateurs qu'elle n'eut d'opposants. Lionel Jospin
qui a eu à cohabiter n'a, quant à lui, pas employé cette procédure puisque le Sénat ne lui
était pas favorable.
Le deuxième objectif de l'utilisation de cette procédure consiste à démontrer au peuple
que le Gouvernement ne dispose pas que d'un soutien, parfois faible, d'une majorité de
députés à l'Assemblée nationale, mais aussi de celui de la Seconde Chambre. Ainsi, lorsque
Michel Rocard, le 16 janvier 1991, demanda aux sénateurs l'approbation d'une déclaration
sur la politique suivie par le Gouvernement au Moyen-Orient, l'objectif poursuivi était de
démontrer au peuple, au lendemain de l'expiration de l'ultimatum posé par le Conseil de
sécurité de l'O.N.U. et la veille de l'offensive aérienne des forces alliées, que l'ensemble
des organes institutionnels, l'ensemble de ses représentants, soutenait le Gouvernement,
mais également le Président de la République, dans leur lutte contre l'invasion du Koweït
par l'Irak. Cette « unanimité » dans le soutien à la politique suivie dans le Golfe par le
Gouvernement était d'autant plus nécessaire que le ministre de la Défense avait
publiquement exprimé son désaccord quant à cette politique ; ce qui l'amènera à la
démission le 29 janvier 1991.
Enfin, la dernière raison qui peut justifier que le Premier ministre demande au Sénat
l'approbation d'une déclaration de politique générale est une raison interne à la majorité
parlementaire. Lorsque la majorité soutenant le Gouvernement à l'Assemblée nationale
est tiraillée par des dissensions internes, ou se montre récalcitrante, un vote manifestant
la confiance du Sénat envers le Gouvernement permet de renforcer ce dernier, et
notamment de renforcer son autorité sur les groupes parlementaires composant la
majorité à l'Assemblée nationale. C'est bien dans cette optique que Jacques Chirac et
Raymond Barre utilisèrent cette disposition de l'article 49 en 1975, 1977 et 1978. Les
105
Section 2 - La responsabilité pénale des ministres
conflits animant la coalition UDF-RPR n'éclatèrent pas complètement, furent mis entre
parenthèses, grâce aux votes favorables que ces Premiers ministres obtinrent du Sénat. On
peut penser que l'utilisation qu'Alain Juppé a fait de cette procédure répond à ce dernier
objectif étant donné les tiraillements occasionnés, au sein des deux grandes forces de la
majorité, par l'élection présidentielle de 1995, et plus précisément par la lutte que
s'étaient alors livrés Jacques Chirac et Édouard Balladur. De la même façon, lorsque
François Fillon a fait usage de cette procédure le 25 novembre 2010, c'est pour forcer un
peu la main des centristes à un moment où plusieurs de leurs représentants ne sont plus
dans le nouveau Gouvernement.
Jean-Marc Ayrault, Manuel Valls, quant à eux, ont préféré ne pas prendre de risque en
n'effectuant qu'une simple déclaration au Sénat après la nomination du 2ème Gouvernement
Ayrault et du 1er Gouvernement Valls sans demander l'approbation d'une déclaration de
politique générale (contrairement à ce qu'ils ont fait à l'Assemblée nationale). Il faut dire que la
majorité sénatoriale était très faible en faveur du Gouvernement, comme en témoigne les
nombreux revers subis par le Gouvernement lors de vote de différents projets de lois : projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, projet de loi de finances 2013, projet de loi
sur les retraites, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014... Depuis, le Sénat
étant repassé à droite par les élections du 28 septembre 2008, on pouvait penser que cette
procédure de l'art. 49 al. 4 ne rejouerait pas de sitôt. Bernard Cazeneuve et Édouard Philippe (le
5 juillet 2017) n'ont d'ailleurs pas sollicité de vote du Sénat après leur déclaration réalisée dans
le cadre de l'article 50-1 C. Pourtant, ce dernier a bien demandé au Sénat, le 13 juin 2019,
l'approbation d'une déclaration de politique générale sur le nouvel élan qu'il entendait donner à
l'action du Gouvernement, et, pour la 1ère fois de la Ve République, le Sénat a refusé de
l'approuver par 93 voix contre 71 (181 abstentions et 3 refus de vote). Cela a permis d'illustrer
l'absence de conséquences juridiques et même politiques directes d'un tel vote négatif. En
revanche, cela envoie un signal de l'impossibilité de révision de la Constitution. Jean Castex n'a
pas fait usage de l'article 49 alinéa 4.
On notera donc que la responsabilité politique devant le Parlement n'est envisagée par la
Constitution de 1958 que de manière collégiale. Mais, rappelons-nous, d'une part, que cette
responsabilité collégiale peut aussi jouer, de manière pratique, devant le Président de la
République qui, en période de concordance, peut tout à fait demander au Premier ministre de lui
remettre la démission de son Gouvernement ; d'autre part, que s'ajoute à cette responsabilité
politique collégiale, une responsabilité politique individuelle devant les deux têtes de l'Exécutif
dans la mesure où le Président de la République dispose du pouvoir de révoquer un membre du
Gouvernement sur proposition du Premier ministre (article 8 al. 2 C.). La responsabilité
individuelle des ministres peut aussi prendre un caractère pénal.
L'affaire du sang contaminé dans laquelle étaient impliqués trois ministres (Laurent Fabius,
Georgina Dufoix et Edmond Hervé) rendit cette situation plus insoutenable encore. C'est
pourquoi la Constitution fut révisée le 27 juillet 1993 afin de modifier le mécanisme de
responsabilité pénale des ministres. Cette révision a permis de diminuer le caractère politique de
106
Section 2 - La responsabilité pénale des ministres
cette justice en renforçant son caractère juridique et donc plus neutre. Mais cette révision
constitutionnelle n'est pas exempte de critiques.
Désormais, toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un ministre
dans l'exercice de ses fonctions peut porter plainte auprès d'une commission des requêtes. Sont
donc exclus :
Les simples contraventions commises dans l'exercice des fonctions ;
Les actes détachables des fonctions : « les actes commis par un ministre dans l'exercice de
ses fonctions sont ceux qui ont un rapport direct avec la conduite des affaires de l’État
relevant de ses attributions, à l'exclusion des comportements concernant la vie privée ou
les mandats électifs locaux » (Cass. Crim. 27 juin 1995, Alain Carignon).
Pour en revenir à cette commission des requêtes, elle va examiner le dossier pour déterminer si
le dépôt de plainte est sérieux et loyal et s'il y a lieu de poursuivre effectivement le ministre
concerné. Cette commission des requêtes est composée, aux termes de la loi organique du 23
novembre 1993, de 3 magistrats de la Cour de cassation, de deux conseillers d'Etat et de deux
conseillers-maîtres à la Cour des comptes. La décision de mise en accusation est donc une
décision désormais prise par des magistrats et non plus par des politiques (la mise en accusation,
dans le système précédant la révision constitutionnelle de 1993, résultait d'un vote de
l'Assemblée nationale et du Sénat à la majorité absolue de leurs membres). Cette commission
des requêtes peut ordonner soit le classement de l'affaire, soit la transmission du dossier au
procureur général près la Cour de cassation. Ses décisions ne sont susceptibles d'aucun recours.
Une fois le procureur saisi, il transmet le dossier à une commission d'instruction qui va instruire
le dossier. Cette commission est là encore composée de magistrats professionnels : 3 membres
de la Cour de cassation. Cette commission d'instruction va instruire le dossier c'est-à-dire
examiner les pièces, écouter les protagonistes... pour préparer le jugement de l'affaire. Elle peut
conclure au non-lieu ou au renvoi du ministre devant la Cour de Justice de la République ; ses
décisions sont susceptibles de pourvoi en cassation.
La Cour de Justice de la République va quant à elle juger le ou les ministres concernés. Elle est
composée de 12 parlementaires choisis de façon égale au sein de chaque assemblée et de 3
magistrats de la Cour de cassation dont l'un préside la Cour de Justice de la République. On voit
donc ici pour la première fois apparaître un aspect politique avec la présence de ces
parlementaires pour juger les ministres, mais cet aspect politique est réduit par rapport au
système passé. En effet, la Cour de Justice de la République va devoir suivre les règles de la
procédure pénale et elle est liée au fond par le code pénal puisqu'elle est liée par la définition
des crimes et des délits et par la détermination des peines applicables à l'incrimination retenue.
Les progrès accomplis par cette révision constitutionnelle du 27 juillet 1993 ne sont donc pas
minces puisque le jugement de la responsabilité pénale des ministres n'est plus un jugement
politique. Il a été « juridicisé ». En revanche, on peut discuter de la procédure ainsi créée pour
plusieurs raisons.
D'abord, sur un point très conjoncturel, mais diablement important. Pour que l'affaire du sang
contaminé puisse être jugée selon cette procédure, il fallait tordre les principes juridiques car
l'affaire était antérieure à la révision et en principe seule la loi pénale plus douce peut rétroagir.
Pour contourner ce problème, les constituants ont inscrit dans l'article 68-3 de la Constitution
que « Les dispositions du présent titre sont applicables aux faits commis avant son entrée en
vigueur ».
On peut aussi discuter du bien-fondé du principe même de la responsabilité pénale des ministres
pour des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions.
107
Section 2 - La responsabilité pénale des ministres
On peut aussi considérer que la pression médiatique et populaire peut parfois aboutir à nier le
droit et la procédure qu'il établit. Ainsi, le 28 août 2007, Dominique de Villepin a-t-il renoncé à
prétendre être entendu par la Cour de Justice de la République plutôt que par les juges
ordinaires, alors que, manifestement, les reproches qu'on lui adresse dans l'affaire Clearstream
semblent relever d'actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions ministérielles. Cette pression
médiatique et populaire engendre également une exigence pratique sans doute trop sévère. En
effet, les ministres mis en examen pour des faits qu'ils ont commis dans l'exercice des fonctions
ou surtout hors des fonctions sont poussés à la démission par l'opinion publique et parfois aussi
par le Premier ministre. On appelle cela la « jurisprudence Bérégovoy-Balladur » car Pierre
Bérégovoy avait demandé à Bernard Tapie de démissionner du ministère de la Ville car il avait
été mis en examen dans une affaire et car Édouard Balladur avait fait de même avec plusieurs de
ses ministres : Alain Carignon, Gérard Longuet et Michel Roussin. Plus récemment Lionel Jospin
avait fait de même avec Dominique Strauss-Kahn et Jean-Pierre Raffarin avec Pierre Bédier. Or,
ces ministres ont souvent été blanchis par la justice ordinaire que ce soit aux termes d'un non-
lieu ou d'une relaxe. Pourtant la France s'est privée de leurs talents pendant quelques années, le
temps qu'un juge se prononce sur leur cas. On en est donc arrivés à une sorte de présomption de
culpabilité qui est totalement contraire à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 qui protège la présomption d'innocence. Cette « jurisprudence » a pu paraître
parfois abandonnée : par exemple Jean-Pierre Raffarin avait annoncé, le 15 mai 2002, qu'il
conservait sa confiance et qu'il maintenait au sein du Gouvernement en qualité de ministre
délégué aux affaires européennes Renaud Donnedieu de Vabres, mis en examen depuis 1998
pour « blanchiment » et « infraction à la législation sur les partis politiques » . De même, le 19
juin 2007 M. André Santini a été nommé Secrétaire d'Etat à la Fonction publique alors même
qu'il était mis en examen pour « détournement de fonds publics, faux et prise illégale d'intérêt »
. De même, Arnaud Montebourg, condamné le 23 mai 2012 par le tribunal de grande instance de
Paris pour avoir injurié les patrons de Seafrance (condamnation civile cette fois), a-t-il été
maintenu au Gouvernement. Cependant, depuis, elle semble avoir repris de la vigueur (Cahuzac,
de Rugy, etc).
108
Section 2 - La responsabilité pénale des ministres
Cette justice pénale des ministres fonctionne mal : une procédure lente, très lente parfois,
l'impossibilité pour les victimes de se constituer partie civile, le soupçon de politisation des
décisions et donc une mauvaise réception dans l'opinion des décisions de la CJR... Emmanuel
Macron, après François Hollande, propose donc la suppression de la CJR dans son projet de loi
constitutionnelle déposé en 2019, après l'avoir déjà proposé en 2018. S'il est adopté, les
ministres seraient responsables des crimes et délits accomplis dans l'exercice de leurs fonctions
devant une juridiction judiciaire (la Cour d'appel de Paris) et dans les conditions du droit
commun. Toutefois, le projet prévoit le maintien d'un inévitable filtrage par une commission des
requêtes (similaire à celle existant) afin d'éviter les mises en cause abusives.
On ajoutera que les ministres comme le Président de la République sont également justiciables
devant la Cour pénale internationale en cas de crime contre l'humanité, de crime de guerre, de
génocide ou d'agression.
On ajoutera enfin que s'il s'agit pour un juge d'auditionner un membre du Gouvernement en
qualité de témoin, cela n'est possible que si le Conseil des ministres en a donné l'autorisation sur
le rapport du Garde des Sceaux (art. 652 c. procéd. pén.). Ainsi, un juge de Pau ayant souhaité
entendre Lionel Jospin le 7 nombre 2001, celui-ci a souhaité que l'autorisation en soit inscrite au
conseil des ministres afin de pouvoir y déférer. Cependant, le code de procédure pénale prévoit
que la situation est tout autre s'agissant du statut de témoin assisté. En effet, si un membre du
Gouvernement doit être entendu selon ce statut, alors le conseil des ministres n'a pas à donner
d'autorisation.
109
Section 2 - La responsabilité pénale des ministres
110
Leçon 8 : Le rôle du Gouvernement
Le Gouvernement va, dans un premier temps être l'animateur de la politique du pays. A cette
fin, il va effectuer des choix politiques qui se traduiront, dans un second temps, par
l'élaboration de textes juridiques.
111
Chapitre 1 – « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation »
Il est même souvent arrivé que le Président de la République ne se contente pas de déterminer
la politique de la Nation, il a aussi profité de ses différentes prérogatives constitutionnelles et de
son autorité sur le Premier ministre pour conduire directement la politique de la Nation. Cette
pratique présidentialiste a joué essentiellement sous les présidences de de Gaulle (politique
étrangère et de défense, politique algérienne), Pompidou (politique industrielle) et Giscard
d'Estaing (de façon plus globale) mais François Mitterrand, au moins pendant les premières
années de son premier septennat, se comporta de la même façon. Par la suite, si Jacques Chirac
et François Hollande ont laissé plus de latitude à leurs Premiers ministres, différentes citations
montrent que, même sous leur présidence, la domination présidentielle sur la politique menée
fut importante :
Jean-Pierre Raffarin : le Premier ministre « a la responsabilité du respect des engagements
présidentiels. Il détermine et conduit la politique de la nation dans cette direction ».
François Hollande à propos de Manuel Valls : « C'est un bon Premier ministre, il applique la
politique que j'ai moi-même fixée » (8 novembre 2014).
Nicolas Sarkozy, quant à lui, a repris la logique giscardienne d'un Président omniprésent, sur tous
les dossiers, ce qui avait fait dire à Jean-Louis Borloo que Nicolas Sarkozy était la seule personne
à s'être fait élire Président pour exercer les fonctions de Premier ministre.
Quant à Emmanuel Macron, il a souvent annoncé qu'il ne souhaitait pas se saisir de tous les
dossiers du quotidien et laisser le Gouvernement travailler. Il s'inscrivait ainsi dans les propos du
Général de Gaulle selon qui la répartition des compétences au sein de l'Exécutif doit être la
suivante : « au Président, garant du destin de la France et de celui de la République, chargé par
conséquent de graves devoirs et disposant de droits étendus ; au gouvernement, nommé par le
chef de l'État, siégeant autour de lui pour la détermination et la mise en œuvre de la politique et
dirigeant l'administration ». Il ajoutait d'ailleurs : « précisément, la nature, l'étendue, la durée de
sa [celle du Président de la République] tâche, impliquent qu'il ne soit pas absorbé, sans relâche
et sans limite, par la conjoncture politique, parlementaire, économique et administrative. Au
contraire, c'est là le lot, aussi complexe et méritoire qu'essentiel, du Premier Ministre français » (
conférence de presse du 31 janvier 1964). Pourtant, à de multiples reprises, il est intervenu dans
la gestion quotidienne de la politique et le fait qu'il prononce un discours au Congrès la veille de
la déclaration de politique générale d'Édouard Philippe indique bien qu'il choisit la politique à
mener (3 et 4 juillet 2017).
Sans doute cette inclination du Président à participer à la politique quotidienne tient-elle, pour
partie, de la personnalité des différents Présidents. Mais elle tient aussi à l'évolution de nos
institutions et de la façon dont les Français les ressentent. Au moins depuis le quinquennat, peut-
être même avant, les Français semblent réclamer du Président qu'il s’attelle à leurs difficultés
quotidiennes et ne soit plus un Président reculé sur son Aventin.
Le Comité Balladur nommé en 2007 par le Président Sarkozy avait d'ailleurs proposé une
modification du texte des articles 5 et 20 de la Constitution qui tienne compte de la pratique
constitutionnelle. Il proposait en effet d'insérer un alinéa à l'article 5 aux termes duquel le
Président de la République « définit la politique de la nation » et de modifier l'article 20 de la
façon suivante : « le Gouvernement conduit la politique de la nation ». Mais cette rédaction de
ces articles n'a pas été retenue par le projet de loi constitutionnelle qui a donné lieu à la révision
du 23 juillet 208. Il faut dire qu'elle posait un problème en cas de survenance d'une cohabitation.
En effet, lors des périodes de cohabitation, le peuple a, par définition, soutenu un programme
qui n'était pas celui du Président de la République mais de la nouvelle majorité opposée au
Président. Dès lors donc le Président de la République ne peut plus ni déterminer ni conduire la
politique de la Nation. Avec la rédaction proposée par le Comité Balladur, il y aurait eu une
112
Chapitre 2 - Le Gouvernement élabore ou participe à l'élaboration des règles de droit
grosse difficulté constitutionnelle en cas de survenance d'une cohabitation puisqu'il aurait été
politiquement hors de question que le Président définisse la politique de la nation alors que le
texte constitutionnel lui aurait reconnu ce rôle. Il était donc plus sage de ne pas modifier les
articles 5 et 20 de la Constitution même s'ils ne reflètent aucunement la réalité de la répartition
des rôles en période de concordance.
Pour conduire la politique de la Nation, le Gouvernement dispose de l'administration qui est son
bras séculier et de la force armée. Administration et force armée ont aux ordres du
Gouvernement. Il s'agit là-encore d'une application des principes démocratiques : le
Gouvernement dispose, du fait qu'il représente une majorité de parlementaires, d'une légitimité
électorale (certes indirecte) dont ne dispose pas les fonctionnaires de l'État. D'ailleurs le mot «
administration » vient de « ad ministrare » qui signifie « servir ». Comme l'énonçait au XIXe
siècle Louis-Antoine Macarel : « le Gouvernement c'est le pouvoir (...) qui a pour mission spéciale
de diriger la société dans les voies de son développement et de pourvoir sans cesse à sa
conservation... L'administration c'est l'action vitale du Gouvernement, et, sous ce rapport, elle
est le complément nécessaire : il est la tête, elle est le bras de la société ». Quant à la disposition
de force armée, elle est également une exigence démocratique : la soumission du pouvoir
militaire au pouvoir civil.
Mais, pour agir politiquement, il faut faire des choix et ces choix vont se traduire dans des actes
juridiques, dans des normes qui vont mettre en œuvre l'idée politique. Or, le Gouvernement et
le Premier ministre disposent d'une place privilégiée dans la création de ces normes.
113
1.
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Section 1 - Le rôle du Gouvernement dans la procédure législative
115
Section 1 - Le rôle du Gouvernement dans la procédure législative
2006 lors du débat sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie : plus de 137.000
amendements ont été déposés à l'Assemblée nationale !
Pour faire face à cette obstruction, le Gouvernement peut supprimer un certain nombre
de votes en ne faisant voter les parlementaires une seule fois sur le texte du projet ou de
la proposition de loi éventuellement modifié par des amendements qu'il a retenus (et non
autant de fois qu'il y a d'articles et d'amendements). C'est ce que l'on appelle le vote
bloqué (art. 44, alinéa 3 C.). Cela ne permet pourtant que de gagner le temps des votes,
mais pas le temps des débats sur les amendements.
8. Cette procédure du vote bloqué fait gagner le temps des scrutins, mais pas le temps de la
discussion. Pour gagner les deux, le Premier ministre peut aussi engager la responsabilité
de son Gouvernement sur le vote d'un texte (projet ou proposition de loi), auquel cas il est
mis fin à la discussion sur le texte de loi. S'ouvre alors un délai de 24 heures pendant
lequel les députés (eux seuls car cette procédure n'est pas valable au Sénat) peuvent
répondre à cet engagement de responsabilité par le dépôt d'une motion de censure. Pour
que le dépôt d'une motion de censure soit valable la motion doit être signée par 1/10e des
députés, soit 58 députés. Si une motion de censure est ainsi déposée, à l'expiration de ce
délai de 24 heures s'ouvrira un délai de 48 heures pour que les députés puissent réfléchir
aux conséquences de leur vote. En effet, à l'expiration de ce deuxième délai, les députés
ne vont pas voter sur le texte de loi en discussion mais sur la motion de censure. Si celle-ci
est adoptée à la majorité absolue des députés composant l'Assemblée nationale, le
Gouvernement sera contraint de démissionner. En revanche, si celle-ci n'atteint pas la
majorité absolue ou si les députés ne déposent pas de motion de censure, le texte en
discussion est « considéré comme adopté » alors même que l'Assemblée ne l'a pas voté
(art. 49, alinéa 3 C.).
Par ce procédé, le Premier ministre met donc les députés devant leurs responsabilités :
soit ils veulent conserver le Gouvernement et alors ils doivent lui donner les moyens de sa
politique, c'est-à-dire laisser passer le texte ; soit ils ne veulent vraiment pas du texte et
alors cela signifie qu'ils ne sont plus en accord avec le Gouvernement sur la politique à
mener et ils doivent le dire clairement en le renversant.
Jusqu'à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, aucune limitation, autre que
politique, à l'usage de l'article 49, alinéa 3 n'existait. Désormais, le Premier ministre peut
utiliser cette procédure pour les seuls projets de loi de finances et de financement de la
sécurité sociale et pour un autre texte par session (attention la Constitution dit bien un
autre « texte », ce qui veut dire que l'article 49, alinéa 3 peut être utilisé plusieurs fois sur
le même texte). Le Conseil constitutionnel a précisé qu'il n'était pas nécessaire qu'une
délibération du conseil des ministres ait lieu à chaque usage de l'article 49 al. 3 dès lors
que ces usages ont lieu sur le même texte mais à différentes lectures de celui-ci (Conseil
constitutionnel, 2016-736 DC, 4 août 2016, Loi relative au travail).
Ce pouvoir est très efficace dans l'hypothèse où l'opposition mène une entreprise
d'obstruction parlementaire ; elle l'est aussi lorsque la majorité est divisée sur un texte
(comme en 2015 avec la loi Macron). A ce jour, le Premier ministre a usé 89 fois de l'article
49 alinéa 3 pour faire passer 50 textes.
9. Quand le texte de loi est adopté par une assemblée et ceci quel que soit le mode de cette
adoption (procédure sans à-coups, vote bloqué ou 49 alinéa 3 C.), le texte doit être
transmis à l'autre assemblée. Si cette assemblée le vote en termes identiques à la
première, la loi est définitivement adoptée. Si la deuxième assemblée vote un texte
différent de la première, le texte est alors renvoyé à la première et ainsi de suite (c'est la
procédure de la navette). Cela peut éventuellement durer longtemps ; sous la IIIe
République des lois ont ainsi mis près de 20 ans à être adoptées !
10. Le Premier ministre dispose de la faculté de mettre fin à cette navette en provoquant la
réunion d'une commission mixte paritaire (art. 45 C.). Cette faculté est, depuis la révision
du 23 juillet 2008, également ouverte, mais s'agissant uniquement alors d'une proposition
de loi, aux présidents des deux assemblées agissant conjointement. La commission mixte
116
Section 2 - Le pouvoir réglementaire du Premier ministre
Selon les termes mêmes de la circulaire du Premier ministre du 29 février 2008 relative à
l'application de la loi, veiller à la rapide et complète application de la loi répond à une triple
exigence « de démocratie, de sécurité juridique et de responsabilité politique ».
Pourtant, le Premier ministre (ou les ministres auxquels il a délégué ce pouvoir) tarde parfois
avant de prendre ces textes d'application, ce qui retarde d'autant la mise en œuvre concrète de
la loi. Pour lutter contre ces retards, plusieurs solutions ont été mises en œuvre :
Mise en place d'un suivi de l'application des lois par les commissions permanentes des
assemblées
En amont, dépôt d'une étude d'impact accompagnant le dépôt des projets de lois (LO du
15 avril 2009)
Si malgré cela, le Premier ministre tarde trop, possibilité d'engager la responsabilité de
117
§ 2 - Le pouvoir réglementaire autonome
l'État. En effet, le Conseil d'État a jugé que le Premier ministre ne devait pas tarder au-delà
d'un délai raisonnable pour prendre ces décrets (Conseil d'État, 27 novembre 1964,
Ministre des Finances et des Affaires économiques contre Veuve Renard). Ce délai
raisonnable est en gros de 6 mois environ. Passé ce délai, le juge administratif pourrait
contraindre le Premier ministre à prendre ces textes d'application de la loi en condamnant
l'État, en plus, à une astreinte par jour de retard (Conseil d'État, 6 janvier 1995, Soulat).
Malgré cette jurisprudence, il restait encore des retards importants. Ainsi, le rapport que dresse
annuellement le Sénat sur l'application des lois votées, indique qu'en 2010 seulement 38% des
décrets d'application des lois avaient été pris dans un délai de 6 mois. Cependant, la situation
s'est nettement améliorée : le même rapport pour 2019 indique ainsi que 78% des lois votées en
2017-2018 ont été rendues totalement applicables au plus tard 6 mois après leur promulgation.
Mais il y a un élément qui n'a pas été repris par la Constitution de 1958. Ces normes juridiques
pouvaient intervenir dans le même domaine : la loi était compétente pour organiser n'importe
quelle activité ; le règlement autonome ne pouvait intervenir que pour fixer des règles dans une
matière dans laquelle aucune loi n'avait été adoptée (Conseil d'État, 8 août 1919, Labonne). Les
règlements autonomes interviennent donc sans qu'aucune loi ne soit présente, mais à l'époque
ce pouvoir réglementaire autonome n'était absolument pas protégé car si le législateur voulait
intervenir, il réduisait les possibilités d'intervention du pouvoir réglementaire autonome.
La Constitution de 1958 a modifié cette situation ; elle a ajouté une nouvelle différence entre la
loi et le règlement autonome. En effet, elle leur a assigné deux domaines d'intervention
complètement distincts. La loi va pouvoir intervenir pour toute la liste des matières figurant à
l'article 34 de la Constitution. Ainsi, par exemple, va-t-elle fixer les règles concernant la
nationalité, le statut des magistrats, le taux de l'impôt... La loi ne peut donc plus organiser que
ces activités énumérées à l'article 34 C. Et l'article 37 de la Constitution dispose : « Les matières
autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire » ; elles relèvent
du pouvoir réglementaire autonome qui est donc très étendu.
Cette distinction très claire des domaines de la loi et du règlement autonome est apparue en
1958 comme une nouveauté considérable car, pour la première fois, la loi ne pouvait plus tout
faire. Et cela d'autant moins que le Gouvernement dispose de moyens pour protéger le domaine
du règlement de toute tentative des parlementaires de s'immiscer dans ce domaine
réglementaire autonome. Ces moyens sont de deux ordres :
Si, un parlementaire dépose une proposition de loi ou un amendement qui sort du
domaine de la loi et empiète sur le domaine du règlement, le Gouvernement peut, en
cours de procédure législative, opposer l'irrecevabilité de cet amendement ou de cette
proposition de loi (article 41 C.). On remarquera, d'une part, que le Gouvernement peut le
faire mais n'est pas obligé de le faire et, d'autre part, que cette irrecevabilité n'est
118
Section 3 - Les ordonnances
Par le vote d'une loi d'habilitation, le Parlement peut autoriser le Gouvernement à sortir du
domaine règlementaire et donc à intervenir dans le domaine de la loi. Cela signifie que le
Gouvernement va pouvoir édicter des règles dans les matières qui sont du domaine de la loi ; ces
règles sont appelées des ordonnances (article 38 C.).
Pour éviter que le Parlement ne se dépouille totalement de son pouvoir de faire les lois au profit
du Gouvernement, la Constitution a encadré cette procédure de la façon suivante : le Parlement
ne peut habiliter le Gouvernement à agir dans le domaine de la loi par voie d'ordonnances que
pour un temps relativement bref (en pratique environ 6 mois même si ce temps a tendance à
s'allonger) et surtout pas de façon définitive d'où l'existence dans la loi d'habilitation d'un délai
pendant lequel le Gouvernement peut agir par voie d'ordonnances. De plus, la délégation de
pouvoir ne peut pas être totale ; le Parlement ne peut pas autoriser le Gouvernement à agir par
voie d'ordonnances dans tout le domaine de la loi, il ne peut le faire que sur des matières
strictement énumérées dans la loi d'habilitation (mais ces matières peuvent être nombreuses,
comme pendant l'état d'urgence sanitaire lors de la pandémie de covid-19 : loi du 23 mars 2020).
Dès lors que le Gouvernement a été habilité ainsi à agir, il va pouvoir agir par voie d'ordonnances
pendant le délai prévu. Mais on ne va pas en rester là car le Parlement va pouvoir vérifier si ce
qui a été fait par le Gouvernement correspond bien à l'autorisation qui lui avait été donnée dans
la loi d'habilitation. Il va donc exister dans la loi d'habilitation un deuxième délai à l'échéance
duquel le Premier ministre devra déposer un projet de loi de ratification des ordonnances prises
par le Gouvernement. Projet de loi de ratification, cela veut dire que le Parlement va pouvoir se
prononcer par le vote d'une loi de ratification sur la question de savoir si le Gouvernement a
bien agi pendant le temps où il lui avait confié l'exercice du pouvoir législatif.
119
Section 3 - Les ordonnances
ratification alors les mesures prises par voie d'ordonnances montent d'un cran dans la hiérarchie
des normes : elles acquièrent valeur législative (on fait comme si c'était le Parlement lui-même
qui les avait prises et ceci ab initio). Si, au contraire, le Parlement ne vote pas ce projet de loi de
ratification, les mesures prises par voie d'ordonnances conservent une valeur simplement
réglementaire. En d'autres termes les ordonnances ont valeur législative après leur ratification
par le Parlement, elles ont valeur réglementaire avant leur ratification (Conseil d'État, 24
novembre 1961, Fédération nationale des syndicats de police). Toutefois, le Conseil
constitutionnel a semé le trouble dans cette jurisprudence en affirmant que les ordonnances non
ratifiées peuvent être contestées devant le Conseil constitutionnel (et non devant le Conseil
d'État) dès la fin du délai d'habilitation (Conseil constitutionnel, 2020-843 QPC, 28 mai 2020,
Force 5), ce qui signifie que pour lui elles acquièrent valeur législative, même sans être ratifiées,
dès la fin du délai d'habilitation. Pour l'instant le Conseil d'État n'en juge pas ainsi.
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 n'a rien modifié s'agissant des ordonnances si ce
n'est un détail. Cela peut apparaître curieux car cette révision affiche une volonté de
réhabilitation du Parlement. Or depuis les années 2000 il y a plus d'ordonnances adoptées que
de lois votées chaque année, faisant du Gouvernement le véritable législateur principal. La seule
chose que cette révision ait modifié sur ce point, c'est qu'elle a mis fin à la technique des «
ratifications implicites » des ordonnances qui avait été autorisée par le Conseil constitutionnel (
Conseil constitutionnel, 72-73 L., 29 février 1972), en exigeant désormais une ratification toujours
explicite.
On rappellera enfin que les ordonnances prises par le Gouvernement doivent être signées par le
Président de la République, mais que celui-ci s'est reconnu le droit de refuser de les signer, ce
qui les empêche d'exister.
120
Leçon 9 : L'organisation du Parlement
Il est apparu dans ce cours que l'exécutif tenait une place très importante dans les institutions
de la Ve République, que ce soit le Président de la République surtout en période de
concordance des majorités ou le Gouvernement. Cependant, il faut bien voir que la majeure
partie des actes qui mettent en œuvre une politique sont des lois. Or les lois sont votées par le
Parlement. L'exécutif est donc tributaire du Parlement pour que la politique qu'il souhaite voire
menée soit traduite en actes. Il ne faut donc pas négliger le rôle du Parlement.
On a beaucoup parlé de déclin du Parlement sous la Ve République. Et il faut reconnaître que la
comparaison des pouvoirs du Parlement avec les pouvoirs du Gouvernement et du Président de
la République est à l'avantage des organes exécutifs ; il n'est qu'à prendre l'exemple de la
procédure législative. Seulement, il faut nuancer cette idée du déclin, voire la rejeter pour au
moins trois raisons :
D'abord parce que la majorité parlementaire va avoir tendance à laisser faire le
Gouvernement et le Président de la République ou seulement le Gouvernement en
période de cohabitation car ils sont, ou il est, de la même couleur politique qu'elle. La
majorité parlementaire va donc se mettre au service du Gouvernement et quelquefois du
Président de la République. Parfois, il les laissera faire des choses, prendre des décisions
qui semblent attentatoires aux droits du Parlement, qui empêchent tout débat
parlementaire, mais s'ils peuvent le faire, c'est parce que la majorité parlementaire s'est
laissée faire. Elle a accepté d'être instrumentalisée par le Gouvernement.
La seconde raison qui justifie l'absence de déclin du Parlement c'est que le Parlement
dispose toujours du dernier mot. Il a toujours le pouvoir de mettre fin à sa collaboration
avec le Gouvernement car il dispose de la faculté de le renverser. Quand la majorité
parlementaire en a assez d'être brimée par le Gouvernement, elle s'associe avec
l'opposition et renverse le Gouvernement. Le Gouvernement peut donc disposer d'un
certain nombre de pouvoirs qui lui permettent de plus ou moins écarter le Parlement de
toute décision, mais le Parlement, au moins l'Assemblée nationale, conserve toujours le
pouvoir de montrer son mécontentement au Gouvernement en adoptant une motion de
censure.
La troisième raison, c'est que dans les coulisses le Gouvernement, voire le Président de la
République, négocie constamment avec les parlementaires de la majorité. Les contours
de la politique menée peuvent être déplacés du fait de ces négociations. Des
amendements à un projet de loi vont permettre de modifier légèrement la politique
publique qu'il se propose d'organiser. On pourrait objecter à mon propos : « oui mais
comme vous le dites, seulement « légèrement ». Mais il faut bien voir que les
parlementaires de la majorité partagent les opinions politiques du Gouvernement
puisque c'est cette majorité qui a fait naître ou qui au moins permet le maintien de ce
Gouvernement. Il est donc logique qu'il n'y ait pas d'opinions radicalement contraires au
sein de la majorité. Et quand il y en a (frondeurs socialistes par exemple sous le mandat
de François Hollande), rien ne les interdit de voter contre un texte ; rien ne les interdit de
quitter le groupe majoritaire, voire le parti ; rien ne les interdit de s'associer à une motion
de censure de l'opposition.
Le Parlement est donc un organe potentiellement fort. Il peut apparaître comme soumis car il
se laisse guider par le Gouvernement et parfois par le Président de la République. Il consent à
voter les textes qu'on lui demande dans la forme qui lui est proposée. Il semble alors dénué de
volonté propre. Mais en réalité, s'il se laisse ainsi instrumentaliser, il le fait aussi à son profit
121
Chapitre 1 - Les sessions parlementaires
puisque le Gouvernement est chargé de mettre en œuvre une politique que la majorité
parlementaire représente. Et comme il peut à tout moment exprimer son désaccord avec le
Gouvernement sur la politique à suivre et la manière d'y parvenir, il constitue en réalité un
véritable « faiseur de roi » changeant son Gouvernement selon son bon plaisir (même si une
procédure existe qui encadre les votes par lesquels le Parlement refuse sa confiance au
Gouvernement).
Cette semaine nous analyserons l'organisation du travail parlementaire. Nous examinerons les
semaines suivantes les fonctions du Parlement puis le statut des parlementaires.
L'organisation du Parlement vise l'efficacité. En effet, la volonté de rationaliser le
parlementarisme qui a animé les constituants de 1958 cherche à organiser par le droit des
procédures ou des structures dans le but d'assurer une plus grande stabilité des institutions (et
de l'Exécutif notamment). Dès 1955, dans un article à la Revue française de sciences politiques,
Michel Debré avait mis en exergue la nécessité selon lui de profondément remanier
l'organisation de la session et des structures internes du Parlement. Au regard de son influence
sur la rédaction de la Constitution de 1958, il ne faut pas s'étonner que les constituants en aient
repris les idées.
La révision constitutionnelle du 30 décembre 1963 modifia cet état de fait. Elle prévoyait en effet
que le Parlement se réunit de plein droit en deux sessions ordinaires par an. La première ouvrant
le 2 octobre et durant 80 jours et la seconde ouvrant le 2 avril et durant 90 jours. On l'aperçoit
immédiatement, la révision de 1963 réglait le problème des dates des sessions en le simplifiant
par ailleurs, mais elle ne remettait aucunement en cause ni le principe de deux sessions
ordinaires par an, ni le principe de sessions limitées dans le temps. Cette organisation fut très
vivement critiquée, l'activité du Parlement étant considérée comme à mi-temps à cause des
longues périodes où il ne siégeait pas.
Cette stricte limitation de la durée des sessions ordinaires était vivement souhaitée par Michel
Debré qui y voyait l'un des principaux éléments du régime parlementaire rationalisé. En effet,
sous la IVe République, le Parlement était tout puissant alors qu'il siégeait en permanence. Sous
la IIIe République, les lois constitutionnelles prévoyaient une durée minimale de session et le fait
que le Président de la République pouvait y mettre fin une fois la durée minimale dépassée ;
mais l'affaiblissement du chef de l'État à la suite de la crise du 16 mai aboutit à ce que le
Parlement siège quasiment de manière permanente.
122
Section 2 - Les sessions extraordinaires
En l'empêchant de faire ainsi on allège la pression des parlementaires sur les ministres et l'on
renforce par là même l'Exécutif. Tels étaient les arguments avancés en 1958. Et il est vrai que
certains auteurs tiraient argument de la durée des sessions parlementaires pour déterminer la
nature du régime politique mis en place : les régimes d'assemblée (régimes de confusion des
pouvoirs au profit d'une assemblée) mettent en place une session continue tandis que les
régimes parlementaires prévoient la discontinuité. Les auteurs les plus célèbres s'étant
intéressés à la question des régimes politiques tels Locke ou Montesquieu ont milité pour une
session qui ne soit pas continue. Si le Parlement siège en permanence, il va légiférer de plus en
plus et l'on aboutira à ce que Pellegrino Rossi appelait une véritable « légismaniep.166 ¤ », c'est-à-
*
dire à une inflation galopante du nombre de lois, ce qui n'est pas utile et crée de l'insécurité
juridique. De plus, si les ministres sont constamment au Parlement, ils seront détournés de leur
tâche de façon trop importante.
Seulement avec ce système des deux sessions, il faut bien voir que le Parlement, lors de la
session d'automne était accaparé par le débat budgétaire qui occupait près de la moitié de son
temps. En conséquence, il ne lui était pas possible d'examiner de nombreux autres textes durant
cette session. De même, il était toujours surchargé de travail en fin de session car à défaut
d'adoption d'un texte lors de la première session, il fallait attendre plus de trois mois pour
pouvoir en reprendre l'examen. Et l'on a ainsi vu se développer les sessions extraordinaires afin
de combler les désavantages des deux sessions, mais il ne s'agissait là que d'un pis-aller.
C'est pourquoi, par la révision constitutionnelle du 4 août 1995, il fut décidé de supprimer le
mécanisme des deux sessions ordinaires au profit d'une session unique, annuelle, du premier
jour ouvrable d'octobre au dernier jour ouvrable de juin. Mais, pour éviter que le Parlement ne
siège trop (et de la volonté même des parlementaires qui souhaitaient pouvoir demeurer en
circonscriptions ou dans leurs départements), il a été prévu que le Parlement, durant cette
période, ne peut siéger plus de 120 jours. Cela apparaît bien peu. Somme toute cela permet aux
assemblées se siéger durant l'année les mardi, mercredi et jeudi. L'intérêt de cette réforme n'est
donc pas de permettre aux assemblées de siéger davantage, c'est uniquement une meilleure
répartition du travail parlementaire tout au long de l'année.
En réalité, le Gouvernement ou la majorité absolue des membres de chacune des deux chambres
peut demander des jours supplémentaires de séance. Or depuis 2008 et la nouvelle organisation
de l'ordre du jour (cf. le cours sur les pouvoirs du Gouvernement dans la procédure législative),
le Gouvernement manque de temps pour faire examiner ses textes ; dans ces conditions, il
n'hésite plus à demander des jours supplémentaires de séances si bien qu'il est désormais
fréquent que le Parlement siège plus de 120 jours (150 jours en 2014-2015 ; 132 en 2015-2016 ;
161 en 2017-2018 ; 153 en 2018-2019p.166 ¤).
*
On notera que la session ordinaire est qualifiée par la Constitution comme étant « de plein droit
», c'est-à-dire qu'il n'y a pas de convocation adressée aux députés et aux sénateurs pour
l'ouverture de la session. Ce qui signifie que l'exécutif ne pourrait pas s'abstenir de convoquer le
Parlement et ainsi être libre d'agir sans aucun contrôle du Parlement comme cela se passait
souvent au Royaume-Uni ou en France jusqu'au début du XIXe siècle.
123
Section 3 - Les réunions spéciales prévues par la Constitution
On notera que les sénateurs n'ont pas le pouvoir de réclamer une session extraordinaire, alors
qu'ils peuvent réclamer des jours supplémentaires de séance. On peut se demander comment
font les députés pour demander à se réunir alors qu'ils ne sont pas forcément réunis quand ils
font cette demande. En général, c'est un président de groupe parlementaire qui en fait la
demande au Bureau de l'Assemblée qui avertit les députés et tente de recueillir leur signature au
bas d'un document réclamant au Président de la République l'ouverture d'une session
extraordinaire. Si la majorité absolue est atteinte (majorité absolue puisque l'article 29 traite de
« la majorité des membres composant l'Assemblée nationale »), ces documents sont transmis au
Président de la République. Ce document doit comporter en outre un ordre du jour déterminé.
Jusqu'à présent la très grande majorité des sessions extraordinaires a été demandée par le
Premier ministre. Il faut dire que les rares tentatives des parlementaires ont suscité de vives
réactions du Président de la République qui, aux termes de l'article 30, doit signer le décret
ouvrant une session extraordinaire (décret en Conseil des ministres, contresigné par le Premier
ministre). Rappelez-vous que le Président de la République a, déjà par deux fois, refusé de signer
un décret d'ouverture d'une session extraordinaire du Parlement et qu'une fois il en a restreint
l'ordre du jour (cf. cours sur les pouvoirs du Président de la République 2nde partie).
Malgré la révision constitutionnelle qui a allongé la durée de la session ordinaire sur toute
l'année il y a toujours beaucoup de sessions extraordinaires. Ainsi le Parlement est-il
fréquemment convoqué pour siéger en juillet et en septembre. Il n'y a bien plus qu'en août qu'il
ne siège pas et lors des périodes de vacances à Noël et parfois à Pâques.
§ 1 - L'article 12 C.
Après une dissolution de l'Assemblée nationale par le Président de la République, il pourrait être
tentant pour un despote de tarder à organiser de nouvelles élections et de tarder davantage
encore à réunir le Parlement. Pour éviter ce risque les constituants de 1958 ont prévu :
D'une part, que les élections doivent avoir lieu 20 jours au moins et 40 jours au plus après
la dissolution, et
D'autre part, que l'Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit
son élection que le Parlement soit ou non en session. Si le Parlement n'est pas en session à
cette date, il le devient pour une durée de 15 jours.
124
§ 2 - L'article 16 C.
dissolution tombe pendant la session, la session de plein droit prévue par l'article 12 C. ne
dure que jusqu'à la date de fin de la session ordinaire, c'est-à-dire, depuis 1995, jusqu'au
dernier jour ouvrable de juin. Mais en 1988, les élections consécutives à la dissolution ont
eu lieu les 5 (1er tour) et 12 juin (2nd tour) ; le 2e jeudi suivant l'élection tombait donc le
23 juin, ce qui, textuellement, ne permettait à l'Assemblée de ne siéger que jusqu'à la fin
de la session ordinaire puisque le Parlement était en session ordinaire à cette date
(jusqu'au 30 juin). Mais l'esprit a primé et le Parlement a pu siéger jusqu'au 7 juillet.
A lire l'article 12 C., seuls les députés sont alors réunis et non les sénateurs qui ne peuvent
pas être dissous. Mais, la pratique a montré que dans une telle hypothèse, les sénateurs se
réunissaient également.
§ 2 - L'article 16 C.
Dans le cas où le Président de la République met en œuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article 16
de la Constitution pour faire face à une crise grave, le Parlement se réunit de plein droit. Il s'agit
d'une adjonction au projet de Constitution qui a été apportée à la demande du Comité
consultatif constitutionnel mis en place par la loi du 3 juin 1958 afin que le Parlement puisse
garder un œil sur l'activité du Président.
§ 3 - L'article 18 C.
L'article 18 de la Constitution concerne le droit de message du Président de la République au
Parlement. Messages qui, rappelons-le, sont soit lus par le Président de chacune des assemblées,
soit adressés directement par le Président mais alors devant le Congrès.
Lorsque le Parlement n'est pas en session mais que le Président lui adresse néanmoins un
message quelle que soit la technique utilisée, les députés et les sénateurs sont rappelés par le
Bureau de leurs assemblées respectives afin qu'ils en prennent connaissance. Cette fois, la
Constitution ne parle pas de réunion de plein droit, mais elle signale que « les assemblées
parlementaires sont réunies spécialement à cet effet ».
Cette réunion étant spécialement prévue pour écouter le message du Président et aucun débat
ne pouvant avoir lieu après sa lecture lorsqu'il est lu par les présidents des assemblées, les
parlementaires doivent se séparer immédiatement après la fin de la lecture. Cette procédure est
donc assez lourde pour un temps qui est relativement bref. C'est peut-être ce qui explique
qu'elle n'ait jamais joué jusqu'à présent. En revanche, quand le Président prend lui-même la
parole devant le Congrès, un débat peut avoir lieu ce qui donne un peu plus d'intérêt à cette
réunion spéciale.
§ 4 - L'article 51 C.
Aux termes de cet article, « La clôture de la session ordinaire ou des sessions extraordinaires est
de droit retardée pour permettre, le cas échéant, l'application de l'article 49. A cette même fin,
des séances supplémentaires sont de droit ».
Lorsque le Premier ministre utilise les dispositions de l'article 49 alinéa 3, les députés peuvent
vouloir y répondre en déposant, dans les 24 heures une motion de censure. Si la session
parlementaire prend fin avant l'expiration de ce délai de 24 heures, alors les députés seraient
125
Chapitre 2 - Les commissions permanentes ou spéciales
privés de leur droit de répondre au Premier ministre s'ils devaient se séparer en raison de la fin
de la session.
De même, soit en réponse à l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 par le Premier ministre, soit
spontanément, les députés peuvent déposer une motion de censure. Or, celle-ci ne peut être
votée qu'après un délai de réflexion de 24 heures minimum et au plus tard, le scrutin ne peut
être organisé que le troisième jour suivant l'écoulement du délai de 48 heures. S'il était mis fin à
la session avant l'expiration de ces 48h, les députés ne pourraient pas voter sur la motion de
censure.
L'article 51 C. répond à ces problèmes en prolongeant la session pour permettre, soit de déposer
une motion de censure en réponse à l'utilisation par le Premier ministre de l'article 49 al. 3 C.,
soit pour permettre un vote sur une motion de censure spontanée déposée avant la fin de la
session, soit pour permettre de déposer et de voter une motion de censure provoquéep.166 ¤. *
C'est-à-dire que si une motion de censure est déposée contre le Gouvernement par les députés
moins de 48 heures avant la fin de la session, le Gouvernement ne peut arguer de la fin de la
session pour éviter le vote sur la motion. Cela semble tout à fait évident, mais pourtant ce n'était
pas le cas sous la IIIe République. En effet, à cette époque la clôture de la session pouvait
intervenir pour éviter la discussion d'une interpellation. Cela est arrivé peu souvent du fait de la
faiblesse du Président de la République qui seul pouvait mettre fin à la session, mais Joseph-
Barthélemy et Paul Duez conseillaient de faire ainsi par une belle formule : « quand un
Gouvernement se sent malade, il ne doit pas garder la Chambrep.166 ¤ ». Ceci n'est donc pas
*
126
Section 1 - Les commissions permanentes
Ces commissions avaient un très large pouvoir dans la mesure où elles bénéficiaient de la faculté
de substituer leur propre texte à celui du projet ou de la proposition car elles pouvaient adopter
des amendements. Et comme elles étaient nombreuses, elles étaient très spécialisées et ainsi les
parlementaires membres de ces commissions pouvaient être de véritables spécialistes des
questions traitées. Bref, elles constituaient de véritables contre-ministères, les parlementaires
membres de la commission des Finances aspirant à devenir ministre des Finances, ceux membres
de la commission de l'Intérieur, ministre de l'Intérieur, etc.
Sous les Républiques précédentes les commissions « doublaient » donc quasiment les
ministères, ce qui permettait un contrôle très étroit de leur activité. Au contraire, l'article 43 de
la Constitution limitait, en 1958, le nombre des commissions permanentes à six dans chaque
assemblée.
Ce nombre était extrêmement bas ! Un rapport parlementaire en 1995 indiquait que seule
l'Irlande disposait alors d'un nombre de commissions permanentes presque aussi faible qu'en
France (sept), mais il n'y a dans ce pays que 166 députés au Dáil Eireann. Or le grand nombre de
parlementaires au sein de ces commissions nuit à l'efficacité de leur travail. Il fut donc proposé, à
de nombreuses reprises d'accroître leur nombre. Ainsi, par exemple, le Comité Vedel avait-il
conseillé de créer deux nouvelles commissions. On notera que pour parvenir à un nombre de
députés en commissions équivalent à l'Italie, pays qui comportait, en dehors de la France, le plus
grand nombre de députés par commission, il aurait fallu créer entre six et sept nouvelles
commissions ; ce qui établirait leur nombre à douze ou treize.
Ensuite, il existe, depuis la révision du 23 juillet 2008 et la réforme des règlements des
assemblées de 2009 au sein de chaque assemblée une commission des affaires européennes.
Celle-ci n'est pas mentionnée dans l'article 43 C. mais dans l'article 88-4 C. : « au sein de chaque
assemblée parlementaire est instituée une commission chargée des affaires européennes ».
Comme cet article ne traite pas d'une « commission permanente », contrairement à l'article 43,
mais seulement d'une « commission » il ne s'agit pas à proprement parler d'une « commission
permanente », même si elle existe de manière permanente ! Elle vient donc s'ajouter aux 8
commissions permanentes de l'Assemblée nationale et aux 7 commissions permanentes du
Sénat.
Pour répartir les députés et les sénateurs au sein des commissions, il n'y a pas d'élection. Un
nombre de sièges de chaque commission est attribué à chaque groupe en fonction de leur
importance numérique. Et ce sont les groupes qui décident lesquels de leurs membres siégeront
au sein de telle ou telle commission sachant qu'un parlementaire ne peut être membre que
d'une seule commission. Lorsque des sièges restent vacants au sein de certaines commissions, ils
sont répartis entre les non-inscrits par consensus et si le consensus n'est pas réalisé, c'est l'âge
des parlementaires qui sera la clé de répartition.
127
Section 1 - Les commissions permanentes
à l'Assemblée nationale
au Sénat
Ces dernières années ont vu la montée en puissance des commissions permanentes : la révision
de 2008 a donc porté leur nombre à 8 maximum dans chaque assemblée, mais surtout elles ont
été dotées de prérogatives nouvelles :
Elles peuvent disposer d'un délai minimum d'examen des textes de lois en discussion : délais de
6 semaine en 1ère lecture pour la commission de la première assemblée saisie et de 4 semaines
en 1ère lecture pour celle de la seconde assemblée
C'est désormais les textes des projets de lois tels qu'elles les ont modifiés qui sont ensuite
discutés en séance publique (et non plus le texte initial des projets)
En outre, le Sénat dans un premier temps, puis l'Assemblée nationale désormais, ont institué
une procédure de vote de la loi qui, si elle est mise en œuvre, leur offre encore davantage de
pouvoirs : la « législation en commission ». A titre expérimental (en 2015) puis définitif (en
2017), le Sénat a mis en place une procédure de « législation en commission » aux termes de
laquelle le droit d'amendement des sénateurs et du gouvernement ne peut s'exercer qu'en
commission, la séance publique étant consacrée uniquement aux explications de vote et au vote.
128
Section 2 - Les commissions spéciales
Cette procédure est actionnée par la Conférence des présidents et ne peut l'être en cas
d'opposition du gouvernement, du président de la commission saisie au fond ou d'un président
de groupe parlementaire. Une vingtaine de textes ont déjà été examinés selon cette procédure.
L'Assemblée nationale a reformé son Règlement en juin 2019 pour adopter, elle aussi, une
procédure de « législation en commission » similaire pouvant porter sur tout ou partie d'un
texte de loi en discussion.
Ce système aurait permis, dans l'esprit de Michel Debré, d'éviter la spécialisation des députés et
la course aux portefeuilles ministériels qui l'accompagnait. Cependant, ce mécanisme ne
fonctionna que très peu. En réalité, on ne crée des commissions spéciales que sur des problèmes
extrêmement complexes comme la bioéthique, ou sur des questions qui intéressent de façon
concomitante plusieurs commissions. De sorte que le mécanisme des commissions permanentes
est demeuré la règle et celui des commissions spéciales l'exception.
Lorsque le Gouvernement demande la création d'une commission spéciale, cette demande est
de droit. Lorsqu'elle est demandée par l'assemblée concernée, elle devra être approuvée par la
majorité de l'assemblée. Les commissions spéciales sont composées de 70 membres à
l'Assemblée nationale et de 37 membres au Sénat désignés de façon proportionnelle.
Ces commissions spéciales sont assez rares. Les deux assemblées ont décidé d'en créer pour
l'examen du projet de loi Macron en 2015. L'Assemblée nationale en a créé une pour l'examen
du projet de loi relatif à la transition énergétique ou sur la loi PACTE (plan d'action pour la
croissance et la transformation des entreprises). Le Sénat, seul, a décidé d'en constituer une
pour l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique ou celui d'accélération et de simplification
de l'action publique.
129
Chapitre 4 - Les organes dirigeants des assemblées
Il est vrai que les règlements des assemblées parlementaires peuvent contenir des dispositions
de nature et de valeur politique hétérogènes. On peut ainsi y trouver, comme sous la
Restauration, la règle selon laquelle les députés ne peuvent monter à la tribune qu'en habit de
député (cet habit était de couleur bleu roi, orné de boutons blancs, et brodé de fleurs de lys en
argent au collet et aux poignets), ou, comme sous la IIIe République, l'organisation de la
procédure d'interpellation. Cette composition ambivalente des règlements ne laisse pas de
surprendre, mais ce qu'il faut noter c'est donc bien l'importance politique de certaines
dispositions contenues dans les règlements des assemblées. Ainsi aujourd'hui les modalités des
procédures de « législation en commission » figurent-elles dans les règlements des deux
assemblées et celle de la procédure du « temps législatif programmép.166 ¤ » dans celui de
*
l'Assemblée nationale.
Les constituants de 1958 ont-ils entendus briser cette autonomie réglementaire ? Assurément
non. Ils entendaient assurer le respect des règles constitutionnelles par les parlementaires. Or,
ce but ne pouvait être atteint que par l'institution d'un mécanisme de contrôle du contenu des
règlements des assemblées. Sans un tel contrôle les parlementaires auraient pu retrouver par la
voie du règlement les prérogatives que leur déniait la Constitution. Sous les Républiques
précédentes, c'est bien ainsi qu'ils avaient agi car il n'existait aucun contrôle sur les règlements
des assemblées. L'institution d'un mécanisme de contrôle du règlement des assemblées par un
organe externe s'avérait donc absolument nécessaire afin de restaurer la hiérarchie des normes.
Par ce biais, les constituants de 1958 n'ont fait qu'assurer la suprématie de la Constitution sur les
règlements des assemblées. Or, ce contrôle est tout à fait logique dans la mesure où la
Constitution est bien la norme suprême ; toutes les autres normes lui sont subordonnées, le
règlement des assemblées comme toutes les autres. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel, dans
une décision en date du 27 juillet 1978, 78-97 DC, Réforme de la procédure pénale, a considéré
qu'il ne disposait que d'une valeur infra-constitutionnelle.
Seulement, il faut bien voir que le contrôle qu'exerce le Conseil constitutionnel sur les
règlements des assemblées est un contrôle particulièrement sévère qui aboutit à ce que tout ce
qui n'est pas explicitement autorisé est interdit et non pas à l'inverse.
Section 1 - Le Bureau
Le rôle du Bureau est de diriger la vie intérieure des assemblées, mais pas seulement il joue aussi
un rôle dans l'organisation des travaux de l'assemblée. A cet égard, l'article 14 du R.A.N. dispose
qu'il « a tous pouvoirs pour présider aux délibérations de l'assemblée et pour organiser et diriger
130
Section 2 - Le président
Section 2 - Le président
Le président n'est qu'un des membres du Bureau ; néanmoins, son rôle et son autorité sont tels
qu'il s'en dégage pour le personnifier tant et si bien que l'on peut avoir une vision d'un pouvoir
personnel alors que l'organisation des assemblées et la direction de leurs travaux résultent de
l'organe collégial que constitue le Bureau.
Le président de l'Assemblée nationale est élu pour la durée de la législature, tandis que le
président du Sénat est, quant à lui élu après chaque renouvellement triennal. Il s'agit de Richard
Ferrand pour l'Assemblée et de Gérard Larcher pour le Sénat. L'ensemble des textes confère un
pouvoir important aux présidents de chaque assemblée, ce qui lui confère un certain nombre
d'avantages. On relèvera par exemple :
Le président « convoque et préside les réunions de l'Assemblée en séance publique ainsi
que les réunions du Bureau et de la Conférence des Présidents » (art. 13). Cette disposition
assure au Président la direction du travail de l'Assemblée nationale et notamment de son
travail législatif.
Il apprécie la recevabilité financière des amendements et propositions de lois déposés par
les députés ou les sénateurs après avoir recueilli l'avis du Président de la Commission des
Finances.
Ils veillent « à la sûreté intérieure et extérieure » des assemblées qu'ils président
Ils sont consultés par le Président de la République avant la dissolution de l'Assemblée
nationale (art. 12 C.).
Ils sont encore appelés à donner leur avis sur l'utilisation par le Président de la République
des pouvoirs que lui confère l'article 16 C.
Ils peuvent être amenés à lire les messages adressés au Parlement par le Président de la
République (art. 18 C.).
Ils peuvent opposer l'irrecevabilité à une proposition de loi ou un amendement
parlementaire qui ne serait pas du domaine de la loi (art. 41 C.).
Ils nomment chacun deux personnalités qualifiées n'appartenant ni au Parlement ni à
l'ordre judiciaire au sein du Conseil supérieur de la magistrature, tout comme le Président
de la République (art. 65 C.) et nomment chacun trois membres du Conseil constitutionnel
(art. 56 C.). Dans les deux cas, ces nominations sont soumises à la procédure d'avis et de
131
Chapitre 5 - Les groupes parlementaires
Rappelons enfin que le président du Sénat assure l'intérim du Président de la République en cas
de besoin.
Depuis la révision du 23 juillet 2008, l'existence des groupes parlementaires est reconnue
constitutionnellement puisque cette révision fait une place à part aux groupes de l'opposition ou
aux groupes minoritaires au sein des assemblées. Cette reconnaissance constitutionnelle
manifeste bien combien un fonctionnement régulé du régime parlementaire ne peut reposer
que sur l'existence de ces groupes.
Pour pouvoir former un groupe parlementaire, il faut d'abord être un certain nombre : 15
désormais à l'Assemblée nationale (réforme du RAN du 27 mai 2009) et 10 seulement au Sénat
(réforme du RS du 19 décembre 2011). La fixation d'un seuil minimal a pour objectif d'empêcher
que le nombre de groupes soit trop important car constituer un groupe confère pas mal
d'avantages dans la discussion parlementaire (attribution de temps de parole, attribution de
sièges en commission, droit de tirage pour une commission d'enquête ou une mission
d'information...). Ce seuil est donc un aspect du parlementarisme rationalisé. Il est finalement
aujourd'hui très bas, ce qui explique qu'il y ait actuellement 10 groupes à l'Assemblée nationale,
dont 6 de moins de 20 députés (seuil retenu jusqu'en 2009) et 7 groupes au Sénat.
132
Leçon 10 : Les pouvoirs du Parlement
A quoi sert le Parlement ? Cette interrogation est faussement naïve et elle cache souvent en
réalité, s'agissant du Parlement de la Ve République, la dénonciation du rôle affaibli qui serait le
sien dans le système constitutionnel français. Différents auteurs, souvent des hommes
politiques par ailleurs, ont écrit sur le sujet, en général pour dénoncer les ressorts de la Ve
République et plaider pour un Parlement plus fort, mais aussi, au moins sur certains points,
pour défendre le rôle et les pouvoirs réels dont dispose l'actuel Parlement. On peut citer par
exemple, les ouvrages d'André Chandernagor « Un Parlement pour quoi faire ? » en 1967, ou
celui de Paul Quilès et Ivan Levaï « Les 577. Des députés pour quoi faire ? » en 2001.
En doctrine, les auteurs ne s'accordent pas tous sur la principale fonction d'un Parlement. Mais
au moins convergent-ils sur les fonctions qu'il remplit :
Une fonction de représentation : il assure a minima la représentation des citoyens dans
les démocraties modernes fondées sur le principe représentatif. L'Assemblée nationale
remplit bien ce rôle bien qu'il ne soit pas mentionné expressément dans le texte de la
Constitution de 1958. Toutefois, d'une part, ce rôle se déduit aisément de l'ensemble du
texte constitutionnel et notamment de l'article 3 C. qui dispose que « la souveraineté
nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du
référendum » ; d'autre part, il est plus explicitement mentionné dès les premiers mots de
la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen : « Les représentants du peuple
français, constitués en Assemblée nationale... ». Quant au Sénat, son rôle est, quant à lui,
mentionné dans l'art. 24 C. : « il assure la représentation des collectivités territoriales de
la République ». Cette fonction de représentation du Parlement de la Ve République ne
sera pas reprise dans ce cours dans la mesure où la question de l'élection a déjà été
abordée dans un cours précédent et c'est cette élection qui permet au Parlement
d'assurer cette mission.
Une fonction législative : les Parlements démocratiques votent tous la loi, laquelle est
l'expression de la volonté générale. La loi décide des politiques publiques, ce qui constitue
donc un rôle essentiel. Le Parlement français remplit bien cette mission puisqu'il s'agit de
la 1ère phrase de l'art. 24 C. : « Le Parlement vote la loi ». Cette fonction législative est
parfois déclinée en une fonction financière autonome. Il est vrai qu'il s'agit là de la
première conquête d'un Parlement, le Parlement britannique qui se voit reconnaître cette
fonction financière par la Magna Carta de 1215 avant même qu'il ne conquiert la fonction
législative. Cependant, sous la Ve République, le vote des budgets de l'État et de la
sécurité sociale passe par des lois ; dans ces conditions, cette fonction financière sera
étudiée dans la fonction législative. Il est une autre fonction que l'on peut raccrocher à la
fonction législative, c'est la fonction constituante ou fonction de révision de la
Constitution ; elle passe en effet par le vote d'une « loi constitutionnelle » ou « loi de
révision » (les deux expressions peuvent être employées). Nous ne l'étudierons pas ici
puisque la révision de la Constitution a été examinée dans un cours précédent auquel
nous renvoyons.
Le Parlement remplit enfin une mission de contrôle. Là encore, cette fonction peut
directement être tirée de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789,
spécialement de ses articles 14 (« Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-
mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la
consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le
recouvrement et la durée ») et 15 (« La société a le droit de demander compte à tout
agent public de son administration »). Cette fonction de contrôle va, dans un régime
133
Chapitre 1 - La fonction législative
C'est ainsi que l'article 34 de la Constitution dresse la liste des matières qui peuvent faire l'objet
134
Section 1 - Extension du domaine de la loi
d'une organisation par la loi (le « domaine de la loi » ) quand l'article 37 alinéa 1er dispose que :
« les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire ».
Et l'on a vu, dans un cours précédent, que le Gouvernement pouvait protéger son domaine
réglementaire en opposant l'irrecevabilité (dite juridique) de l'article 41 de la Constitution aux
propositions de lois et amendements qui ne seraient pas du domaine de la loi.
Toutefois, l'usage par le Gouvernement de ce dispositif n'est pas obligatoire, il est facultatif (art.
41 C. : « le Gouvernement...peut opposer l'irrecevabilité... »). Il est donc libre de laisser investir
le champ réglementaire par les parlementaires. Par une très importante décision du 30 juillet
1982, Blocage des prix et des revenus, le Conseil constitutionnel a rappelé que l'article 41 C.
pouvait ne pas être utilisé. Il en a tiré la conséquence suivante : ce n'est pas parce qu'une loi
comporte des dispositions réglementaires qu'elle est contraire à la Constitution. De sorte que
la loi peut désormais intervenir dans un domaine très large si le Gouvernement laisse faire.
Autrement dit, si le gouvernement laisse faire, la loi peut de nouveau intervenir dans n'importe
quel domaine.
Au regard de tous ces intérêts, le Gouvernement a ouvert les vannes et laissé les parlementaires
proposer des amendements ne relevant aucunement du domaine de la loi. Il a même participé à
ce mouvement en insérant lui-même dans ses projets de loi, ou par voie d'amendements, des
dispositions réglementaires dans des lois. Si bien que le domaine de la loi n'existait plus et
certaines lois semblaient comporter plus de dispositions réglementaires que législatives !
Le coup de semonce a d'ailleurs été entendu puisque dans une circulaire du 19 janvier 2006,
Dominique de Villepin, Premier ministre, invitait les ministres à ne plus insérer de dispositions
réglementaires dans les projets de lois et de veiller à ce qu'en cours de procédure les
135
Section 2 - La procédure législative ordinaire
N'hésitez pas à vous référer, avant de lire la suite, à un schéma de la procédure législative
française que vous pouvez trouver dans de nombreux ouvrages ou dans un support de cours.
Vous pouvez aussi consulter :
Sur le site internet du Sénat : https://www.senat.fr/role/fiche/procedure_leg.html
Sur le site internet de l'Assemblée nationale : http://www2.assemblee-nationale.fr
/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/les-fonctions-de-l-
assemblee-nationale/les-fonctions-legislatives/la-procedure-legislative
L'initiative de la loi appartient à la fois aux parlementaires et au Premier ministre mais les
parlementaires ne sont pas à égalité car ils ne peuvent pas proposer de lois qui auraient pour
conséquence soit l'aggravation d'une charge publique, soit la diminution des ressources
publiques (art. 40 C.). Cette irrecevabilité financière a été vécue, en 1958, comme très dure vis-à-
vis des parlementaires car il est délicat, voire quasi impossible, de proposer une politique
publique qui n’entraîne pas de dépense supplémentaire pour l'État. Ainsi relève-t-on le cas d'une
proposition de loi visant à réprimer le trafic d'êtres humains déclarée irrecevable car elle aurait
entraîné un surcoût en termes de forces de police en 1962. Fort heureusement la jurisprudence
du Conseil constitutionnel interprète désormais cet article 40 C. de manière moins rigoureuse (
Conseil constitutionnel, 99-419 DC, 9 novembre 1999, PACS) en admettant notamment, à
certaines conditions, la compensation entre ressources, c'est-à-dire qu'un parlementaire peut, à
certaines conditions, proposer une diminution d'une ressource publique qui serait compenser
par l'augmentation d'une autre ressource pour un montant équivalent (Conseil constitutionnel,
76-64 DC, 2 juin 1976, Règlement du Sénat). On dit alors que les parlementaires « gagent » leurs
amendements. Le « gage-tabac » est un grand classique : les parlementaires proposent une
diminution d'un impôt ou d'une taxe compensée par une augmentation de la taxe sur les
cigarettes. Attention, la compensation entre charges est, quant à elle, impossible : un
parlementaire ne peut pas proposer d'augmenter la dépense pour une politique publique qui
serait compensée par une diminution de dépense pour une autre politique publique.
Une fois passé ce filtre, le projet ou la proposition est envoyé en commission pour qu'il y soit
examiné et les amendements étudiés. Au sortir de la commission, le texte est soumis à la séance
publique. Ce texte qui est soumis en séance publique est désormais le texte du projet ou de la
proposition remanié par la commission (art. 42 C.). La commission parlementaire dispose
désormais de délais minimums d'examen des projets et propositions de lois. En effet, la
commission saisie dans la première assemblée dispose, en première lecture, de six semaines
entre le dépôt et l'inscription à l'ordre du jour ; quant à la commission de la seconde assemblée,
elle dispose, en première lecture, de quatre semaines entre la transmission et l'inscription à
l'ordre du jour. Toutefois, ces délais d'examen n'existent pas pour trois types de textes et
cessent d'exister dans une hypothèse :
Projets de loi de finances
Projets de loi de financement de la sécurité sociale
Projets relatifs aux états de crise
Si le Gouvernement a engagé la procédure accélérée
Finalement, dans la pratique, ces délais prévus par la révision du 23 juillet 2008 ne sont pas
136
Section 3 - Les procédures financières
Une fois le texte sorti de la commission et avant son examen en séance publique, il doit d'abord
avoir été inscrit à l'ordre du jour des assemblées et l'on sait que le Gouvernement fixe par
priorité l'ordre du jour de deux semaines de séances sur quatre. Comme une semaine de séance
sur quatre est réservée au contrôle parlementaire, cela laisse une semaine de séance pour
l'ordre du jour fixé par les Conférences des présidents de chaque assemblée sachant que, de
toutes façons, un jour de séance par mois est réservée à l'ordre du jour fixé par les groupes
parlementaires d'opposition et minoritaires, et qu'une séance par semaine est réservée aux
questions des parlementaires et aux réponses des membres du Gouvernement (art. 48 C.).
La discussion en séance publique a lieu en trois phases : une phase de discussion générale, une
phase de discussion article par article et amendement par amendement et de vote article par
article et amendement par amendement ; enfin, une phase d'adoption générale du texte. Lors
de ces différentes phases le Gouvernement dispose de divers moyens pour obtenir un vote des
parlementaires qui lui convienne.
Une fois que la première assemblée a adopté le texte, celui-ci est transmis à la seconde qui
reprend l'examen au stade de la commission et la procédure se déroule de la même façon.
Si cette deuxième assemblée adopte le même texte que la première alors la loi est parfaite est
n'a plus qu'à être promulguée par le Président de la République. Si ce n'est pas le cas, les
assemblées se renvoient le texte jusqu'à ce qu'elles parviennent à voter le même : c'est la
procédure de la navette. Mais le Premier ministre et le Gouvernement disposent des moyens de
limiter cette navette (procédure accélérée, commission mixte paritaire, dernier mot à
l'Assemblée nationale).
137
§ 2 - Les lois de financement de la sécurité sociale
pas fini l'examen du projet de loi de finances avant l'expiration du délai de 40 jours, le
Sénat n'aura alors plus que 15 jours pour statuer. Si les deux Chambres ne se mettent pas
d'accord dès la première lecture, ce qui est fréquemment le cas, il est d'office réuni une
commission mixte paritaire, c'est-à-dire que la procédure accélérée est systématique, le
Gouvernement n'a pas à la déclarer. Il en est ainsi s'agissant des lois de finances initiales et
des lois de finances rectificatives (cela ne fonctionne pas pour une catégorie particulière
de lois de finances, les lois de règlement : Conseil constitutionnel, 85-190 DC, 24 juillet
1985, Règlement du budget de 1983).
Mais, de plus, la commission des finances de l'Assemblée nationale ne peut pas réécrire le
texte du projet de loi de finances ; elle ne peut que suggérer des amendements qui seront
annexés au texte mais qui ne l’intégreront pas directement. Ces amendements devront
être repris en séance publique pour exister. Les commissions des finances des deux
assemblées ne disposent par ailleurs pas des délais d'examen dont les commissions
bénéficient pour les autres textes dans la mesure où le délai global de 70 jours doit être
respecté.
Enfin, on rappellera que devant l'Assemblée nationale le Premier ministre peut utiliser
l'article 49 alinéa 3 sur le projet de loi de finances sans que cela entre dans le décompte
des utilisations réglementées.
La Constitution ajoute qu'à défaut d'adoption du projet de loi de finances dans le délai de 70
jours, les dispositions du projet de loi peuvent être mises en œuvre par le Gouvernement par
voie d'ordonnances, ce qui ne fut jamais réalisé fort heureusement.
Du point de vue procédural, les lois de financement de la sécurité sociale, sont assez semblables
aux lois de finances : elles peuvent seulement émaner d'un projet de loi, lequel est soumis en
premier lieu à l'Assemblée nationale. De surcroît, le Parlement dispose de 50 jours pour
l'adopter (20 jours pour l'Assemblée nationale, et 15 jours pour le Sénat, puis commission mixte
paritaire). Les délais d'examen en commission ne sont pas réservés, le débat en séance porte sur
le projet du Gouvernement et non sur le texte de la commission et l'article 49 alinéa 3 est
applicable en séance publique à l'Assemblée nationale. Si le projet n'est pas adopté dans le délai,
ses dispositions peuvent être mises en œuvre par voie d'ordonnances.
On le voit le Gouvernement maîtrise dans une large mesure la procédure législative de sorte que
le Parlement n'est pas puissant quand il vote les lois même s'il constitue un point de passage
obligé pour des réformes, mais il est surtout puissant lorsqu'il exerce un véritable contrôle sur le
138
Chapitre 2 - La fonction de contrôle
Gouvernement.
§ 1 - Les questions
Elles sont de trois sortes :
Les questions orales sont posées par un député à un ministre sauf si elles concernent la
politique générale du Gouvernement auquel cas elles sont posées au Premier ministre. Elles
ne doivent qu'être sommairement rédigées afin d'éviter les monologues. La séance de
questions orales avait lieu le mardi matin sans grand succès dans la mesure où les ministres
sont souvent absents et l'hémicycle vide. C'est souvent le ministre chargé des Relations avec
le Parlement qui répond à la place de ses collègues si bien qu'il fut qualifié de « spécialiste en
tout ».
139
A l'Assemblée nationale, depuis la révision du 23 juillet 2008, il a été décidé de concentrer
les séances de questions orales, lors de la semaine de contrôle parlementaire : une séance le
mardi matin et une le jeudi matin. Le temps alloué à la question, la réponse et la réplique est
en tout de 6 minutes, ce qui permet de poser 32 questions par séance. Au Sénat, les séances
de questions orales ont lieu tous les 15 jours, le mardi matin. Le sénateur à 3 minutes pour
poser sa question, le ministre y répond en 3 à 4 minutes et le sénateur peut répliquer durant
2 minutes.
Déjà sous la IIIe République Joseph-Barthélemy et Paul Duez estimaient que « le système
constitue en fait un service de consultations gratuites ». En réalité, il s'agit pour les
parlementaires d'attirer l'attention sur une région qui leur est chère, de trouver la solution à
une question qui se pose à eux ou qui leur a été posée et de satisfaire leurs électeurs, voire
des groupes de pression en s'en faisant leur porte-parole. Cela en violation de l'interdiction
du mandat impératif et alors que les questions écrites ne doivent jamais contenir des
imputations personnelles à l'égard de tiers nommément désignés. Mais ces questions
permettent à peu de frais d'être bien classé dans les classements des parlementaires réalisés
sur des bases quantitatives (https://www.nosdeputes.fr ; https://www.nossenateurs.fr).
Ces questions sont apparues pour faire face à la faiblesse, à l'échec même, de la procédure
des questions orales. Et, curieusement, c'est le Président de la République qui en est à
l'origine. Dans son message au Parlement en date du 30 mai 1974, Valéry Giscard d'Estaing
indiqua qu'au cas où l'Assemblée nationale déciderait de réserver une heure de son temps
du mercredi après-midi à poser des questions aux ministres, il demanderait aux ministres,
ainsi qu'au Premier ministre, d'être présents pour répondre aux questions des
parlementaires afin de favoriser le dialogue entre l'exécutif et le législatif. Le Président Edgar
Faure saisit l'occasion et, dès le 12 juin 1974, les questions d'actualité fonctionnèrent. Par la
suite, leur nom changea et l'on parle désormais de « questions au Gouvernement » à
l'Assemblée et de « questions d'actualité au Gouvernement » au Sénat. Dans les deux cas
140
§ 2 - Les commissions d'enquête
Le succès de ces questions fut immédiat puisque le jour choisi permet à la fois aux
parlementaires d'être réellement présents au Parlement et aux ministres d'être à Paris
puisque le mercredi matin se déroule habituellement le Conseil des ministres. En 1995,
l'Assemblée nationale avait décidé de passer à deux séances de QAG par semaine et le Sénat
à deux par mois. Mais la réforme du règlement de l'Assemblée nationale de l'été 2019 a
changé cette organisation, ce qui a abouti à ce que le Sénat en profite pour changer la
sienne. Désormais, à l'Assemblée nationale il n'y a plus qu'une séance de questions au
Gouvernement par semaine, le mardi après-midi, de 2 heures. Ce n'est d'ailleurs pas un
grand succès car ces 2 heures semblent une éternité pour tout le monde ! Le Sénat a profité
de ce que l'Assemblée n'utilise plus le mercredi après-midi pour ses questions au
Gouvernement pour y organiser, chaque semaine, les siennes depuis octobre 2019.
Il faut reconnaître que l'intérêt de ces questions est assez variable et qu'en conséquence le
contrôle qu'elles permettent est, lui-même, aléatoire. Ainsi, par exemple, la question au
Gouvernement de Robert-André Vivien en date du 5 mai 1976 portait-elle sur la diffusion de
la finale de coupe d'Europe de football opposant l'A.S. Saint-Etienne au Bayern de Munich. Il
ne s'agit plus ici de contrôler de façon hebdomadaire le Gouvernement, mais bien, plutôt, de
promouvoir un événement et de se faire l'avocat d'une partie de la population.
Le Sénat s'était doté en 2009 d'une nouvelle catégorie de questions, dites « questions cribles
» qui avaient lieu deux fois par mois, le mardi après-midi et dont l'objet est thématique,
c'est-à-dire qu'étaient regroupées lors de ces séances des questions portant toutes sur un
même thème. L'Assemblée nationale a suivi avec la procédure des « questions à un ministre
». Ce type de question permet d'aller plus loin dans le contrôle de l'action gouvernementale
et l'évaluation des politiques publiques ; il permet un véritable échange entre
parlementaires et membres du Gouvernement. Mais le Conseil constitutionnel a déclaré les
questions à un ministre contraires à la Constitution en ce que le règlement de l'Assemblée
nationale imposait à un ministre en particulier de venir répondre aux députés en violation du
principe constitutionnel de solidarité gouvernementale. Si elles ne figurent plus dans le
règlement de l'Assemblée, elles existent encore de fait (heureusement). Au Sénat, plutôt que
d'évoquer les questions-cribles on parle maintenant de « débats d'initiative sénatoriale ».
141
§ 2 - Les commissions d'enquête
La première véritable enquête fut ordonnée par la Chambre des députés le 14 juin 1828. Il
s'agissait de décider la mise en accusation des ministres du cabinet Villèle devant
la Chambre des pairsp.167 ¤. Pendant longtemps, les commissions d'enquête n'étaient organisées
*
que par une norme législative (en l'occurrence l'ordonnance du 17 novembre 1958 pour la Ve
République) ; depuis la révision du 23 juillet 2008 leur existence est mentionnée dans le nouvel
article 51-2 de la Constitution.
Les commissions d'enquête ne peuvent être créées que par le vote d'une résolution. Dès cette
affirmation contenue dans l'ordonnance du 17 novembre 1958, apparaît l’ambiguïté et le
problème d'efficacité de ce type de contrôle. En effet, la proposition de résolution ayant pour
objet de constituer une commission d'enquête doit, avant d'être soumise à l'approbation des
parlementaires, être inscrite à l'ordre du jour. Or, les dispositions de l'article 48 de la
Constitution étaient nettement favorables au Gouvernement. Ainsi, un Gouvernement pouvait
surcharger l'ordre du jour des assemblées afin d'éviter l'inscription à l'ordre du jour de la
proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête. Fort
heureusement, la révision constitutionnelle du 4 août 1995 avait permis de contourner cet
obstacle puisque les parlementaires disposaient alors de la faculté de fixer l'ordre du jour d'une
séance par mois. Avec la révision du 23 juillet 2008, cette possibilité d'inscrire une proposition de
résolution tendant à la création d'une commission d'enquête à l'ordre du jour d'une assemblée
est renforcée très légèrement puisque l'ordre du jour d'une séance par mois est désormais fixé
par l'opposition et les groupes minoritaires (et non plus par l'assemblée, ce qui incluait la
majorité).
Mais c'est alors qu'apparaît un second obstacle, plus important encore. En effet, inscrite à l'ordre
du jour des assemblées, la proposition de résolution va faire l'objet d'un débat et d'un vote en
séance. Or, la logique majoritaire, essentiellement à l'Assemblée nationale, avait souvent pour
effet de rejeter les propositions qui pouvaient mettre le Gouvernement dans l'embarras. De fait,
les commissions d'enquête créées ont visé soit des faits s'étant produits sous un précédent
Gouvernement, soit des faits ne pouvant pas atteindre le Gouvernement dans son intégrité.
Ainsi, par exemple, la commission d'enquête sur l'affectation de fonds à la recherche pétrolière
date-t-elle de 1983 et celle sur le Crédit lyonnais de 1994. Les seules hypothèses dans lesquelles
des commissions d'enquête ont été créées, quoi qu'elles risquaient de porter ombrage au
Gouvernement, sont celles créées à l'initiative du Sénat lorsqu'il se trouvait en opposition avec
l'Assemblée nationale et le Gouvernement. On citera, à titre d'exemple, la commission
d'enquête sur l'admission de Georges Habache sur le territoire français en 1992. Ceci montre
bien que le droit pour l'opposition de présenter une proposition de résolution tendant à la
création d'une commission d'enquête à l'ordre du jour n'est pas suffisant. C'est la raison pour
laquelle les assemblées ont mis en place un « droit de tirage » : les présidents de groupes
d'opposition et des groupes minoritaires (à l'Assemblée nationale) ou chaque président de
groupe (au Sénat) disposent de la possibilité de faire créer une commission d'enquête sans vote
une fois par session, sous réserve qu'elle respecte les principes de l'ordonnance du 17 novembre
1958.
142
§ 2 - Les commissions d'enquête
pourtant lieu à une enquête judiciaire. Son rapport constate un certain nombre de
dysfonctionnements et demande au Bureau du Sénat de saisir le parquet pour faux témoignage
de plusieurs collaborateurs de l'Élysée. Jusqu'à présent, une seule personne a été condamnée
pour faux témoignage devant une commission d'enquête : un médecin interrogé par la
commission d'enquête sénatoriale sur la pollution de l'air avait déclaré devant elle n'avoir aucun
lien d'intérêt avec les acteurs économiques alors qu'il était rémunéré par le groupe Total.
Le contrôle parlementaire est donc protéiforme. Les outils ne manquent pas. Ce qui fait défaut,
c'est :
La volonté en raison du fait majoritaire qui aboutit à ce que les parlementaires de la
majorité répugnent à contrôler l'action de ceux qu'elle soutient (les membres du
Gouvernement), parfois de peur de commettre un crime de lèse-majesté présidentielle
puisque c'est le Président de la République qui impulse la politique gouvernementale.
Une véritable culture du contrôle car l'opposition, quelle qu'elle soit, ne cherche souvent
qu'à critiquer l'action gouvernementale sans chercher réellement à l'évaluer.
143
§ 2 - Les commissions d'enquête
144
Leçon 11 : Le statut des parlementaires
La France a fait le choix d'un Parlement bicaméral. Si l'existence d'une seconde assemblée, aux
côtés d'une première représentant la population française, à la fonction de représentation
distincte de la première, peut totalement être justifié, il n'en demeure pas moins que le mode
d'élection des sénateurs aboutit à une absence d'alternance politique au sein du Sénat qui ne
peut qu'interroger les démocrates. Cette absence d'alternance s'explique par l'action combinée
de plusieurs facteurs :
D'une part, les sénateurs sont élus de manière indirecte. Ils le sont par des élus nationaux
et locaux mais dans ce collège électoral sénatorial, les délégués des conseils municipaux
représentent 95% des électeurs. Or, la France étant encore en grande partie rurale, il a
été fait le choix de surreprésenter les communes de moins de 9000 habitants qui, si elles
rassemblent 50% de la population française, fournissent les deux tiers des électeurs
sénatoriaux. Les études montrant que la France rurale est plus conservatrice, cela donne
un avantage politique au camp conservateur puisque les électeurs sénatoriaux sont donc
très majoritairement conservateurs.
D'autre part, le mode de scrutin utilisé favorise, lui aussi, le camp conservateur. En effet,
le Sénat est élu selon deux modes de scrutin différents selon la taille des départements.
Dans les départements élisant 1 ou 2 sénateurs – les moins peuplés et donc les plus
ruraux – les sénateurs sont élus au scrutin majoritaire ; dans les départements les plus
peuplés et donc urbanisés, élisant 3 sénateurs ou plus, les sénateurs sont élus au scrutin
proportionnel à la plus forte moyenne. Bref, pour reprendre une expression de Guy
Carcassonne : quand la gauche perd, elle perd tout (puisqu'au scrutin majoritaire les
candidats de droite sont élus) ; quand elle gagne, la droite gagne aussi un peu (puisque la
proportionnelle répartit les élus entre les listes) !
Enfin, un troisième facteur favorise la stabilité politique du Sénat : son renouvellement
seulement partiel et non intégral : il est élu par moitié tous les 3 ans, ce qui lisse les effets
d'opinion.
Si entre septembre 2011 et septembre 2014 le Président du Sénat a pu être issu des rangs
socialistes, d'une part, l'UMP y avait encore le groupe parlementaire le plus nombreux ; d'autre
part, cela était dû à une conjoncture très particulière où la gauche avait gagné de nombreuses
élections locales successives (ayant perdu de nombreuses élections nationales successivement).
A défaut d'une suppression du Sénat, il faudrait réformer le mode d'élection des sénateurs car le
Sénat disposant quasiment des mêmes pouvoirs que l'Assemblée nationale (cf. cours précédent
sur les pouvoirs du Parlement) il peut être enclin à bloquer ou à tenter de bloquer la politique
menée par un Gouvernement qui n'aurait pas ses faveurs et, au contraire à faciliter à outrance,
au point de renoncer à exercer ses pouvoirs, les visées politiques d'un Gouvernement qu'il
soutient. Ainsi, entre 1981 et 1986 (surtout à partir de 1984) s'est-il systématiquement opposé
aux initiatives des gouvernements socialistes et, au contraire, a-t-il soutenu le Gouvernement
Juppé (1995-1997) en renonçant même à examiner un texte pour en accélérer l'adoption
(technique de la « question préalable positive »).
La question de l'élection des parlementaires appartient à leur statut, mais elle a déjà été
étudiée à l'occasion de l'étude des élections dans un cours précédent. Il ne reste qu'à ajouter
que les sénateurs sont élus pour un mandat de 6 ans tandis que les députés sont élus pour une
durée de 5 ans mais qui peut être abrégée par une éventuelle dissolution de l'Assemblée
nationale. Le mandat impératif étant nul (art. 27 C.), il n'est pas possible de mettre fin au
mandat parlementaire de manière individuelle pour des raisons politiques. En revanche,
145
Chapitre 1 - Les inéligibilités et les incompatibilités
d'autres éléments du statut des parlementaires peuvent aboutir à la fin de celui-ci : la révélation
d'une inéligibilité ou d'une incompatibilité. Ce statut est finalement très protecteur dans la
mesure où les parlementaires sont titulaires d'un mandat confié à eux par les électeurs. Pour
mener à bien cette fonction de représentant de la Nation il est nécessaire que les
parlementaires soient protégés contre les pressions, les attaques mais aussi contre les
tentations qu'ils pourraient avoir.
Pour pouvoir être élu au Parlement, il est nécessaire d'être de nationalité française et de jouir de
ses droits civiques. Il suffit d'atteindre l'âge de 18 ans pour pouvoir voter et pour se présenter
aux élections législatives, mais il faut avoir au moins 24 ans pour candidater aux élections
sénatoriales. Il existe aussi des inéligibilités relatives frappant toute une série de professions. En
effet, les titulaires d'un certain nombre d'emplois publics ne peuvent être candidats lors
d'élections parlementaires dans les circonscriptions situées dans le ressort dans lequel ils
exercent leur activité. Ainsi, en est-il, par exemple, des préfets, des recteurs d'académie, des
directeurs des finances publiques ou des magistrats. L'irrespect de ces conditions devrait en
principe apparaître dès avant l'élection. Ces inéligibilités sont donc peu intéressantes pour notre
propos.
S'ajoutent encore à ces inéligibilités, celles instituées par les lois relatives au financement des
campagnes électorales puisqu'un individu qui aurait dépassé le plafond de dépenses est
inéligible pour un an tout comme celui qui ne déposerait pas son compte de campagne en temps
et en heure. Là, par définition, ces événements ne peuvent se produire qu'une fois l'élection
acquise. L'inéligibilité peut aller jusqu'à 3 ans.
Si l'inéligibilité frappe un élu, l'article LO 136 du code électoral : « Sera déchu de plein droit de la
qualité de membre de l'Assemblée nationale celui dont l'inéligibilité se révélera, après la
proclamation des résultats et l'expiration du délai pendant lequel elle peut être contestée ou
qui, pendant la durée de son mandat, se trouvera dans l'un des cas d'inéligibilité prévus par le
présent code ».
146
Section 2 - Les incompatibilités
Ces inéligibilités ont pour but d'abord de garantir une certaine moralité des parlementaires (cf.
les conditions relatives à la détention des droits civiques, celles afférentes aux modalités de
financement des élections...), mais aussi de protéger les électeurs contre d'éventuelles pressions
(cf. l'inéligibilité des directeurs des impôts...). Parfois, l'inéligibilité protégera aussi les
parlementaires dans la mesure où elle leur évitera des pressions en provenance du Pouvoir, on
pense alors particulièrement aux hauts fonctionnaires dont l'emploi est à la discrétion du
Gouvernement. En cela, les inéligibilités se rapprochent aussi des incompatibilités.
Section 1 - L'irresponsabilité
Celle-ci protège le parlementaire pour les propos et les votes qu'il a pu émettre au sein de
l'enceinte parlementaire. C'est là l'aspect le plus indiscutable de l'immunité parlementaire. Que
serait une démocratie dans laquelle les parlementaires ne peuvent ni s'exprimer ni voter
librement au Parlement !? La Constitution de 1958 la reconnaît à son article 26 en disposant : «
147
Section 2 - L'inviolabilité
Aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à
l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions ».
Cette irresponsabilité présente un caractère tout à fait général car tous les opinions ou votes
sont ainsi protégés et ceci contre toute mesure judiciaire. La protection est si importante qu'elle
se proroge même après la fin du mandat. Ce qui est logique puisque l'opinion ou le vote ont été
exprimés, eux, pendant le mandat.
Cependant, il ne faudrait pas que les parlementaires profitent de cette tribune pour injurier
quelqu'un ou porter atteinte à son honneur ou à celui de l'institution parlementaire. Dans ces
conditions, les assemblées peuvent prononcer des sanctions disciplinaires contre leurs membres.
Une échelle de quatre sanctions existe : rappel à l'ordre, rappel à l'ordre avec inscription au
procès-verbal (à partir de cette sanction, une sanction financière accompagne la sanction
principale), censure, censure avec exclusion temporaire. Il est prononcé parfois des sanctions
des deux premiers types, en revanche, on ne dénombre, sous la Ve République qu'un seul cas de
censure et un seul cas de censure avec exclusion temporaire à l'Assemblée nationale (alors que
sous les régimes précédents, plusieurs cas peuvent être recensés). Ainsi un député imitant le
caquètement d'une poule alors qu'une de ses collègues s'exprimait a-t-il été sanctionné d'un
rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal et la même sanction a frappé Jean Lassalle pour
s'être affublé d'un gilet jaune dans l'hémicycle (dans la vidéo Richard Ferrand évoque un « rappel
au règlement » mais il s'agit bien d'un « rappel à l'ordre »).
Section 2 - L'inviolabilité
L'inviolabilité est souvent mal comprise des citoyens. Cette fois ce ne sont plus les opinions et
votes exprimés par le parlementaire dans l'exercice de son mandat qui sont soustraits à toute
responsabilité, ce sont les agissements du parlementaire qui, s'ils sont condamnables ou s'ils
entraînent sa responsabilité, relèvent d'une procédure spécifique, même s'ils relèvent de la
sphère privée.
Analysons ce texte.
Cette procédure ne vise d'abord que les cas de crimes et de délits. Pour les simples
contraventions, l'inviolabilité n'existe pas.
Ce qui est interdit ce sont les arrestations ou les mesures restrictives de liberté. Ce qui
signifie qu'un parlementaire peut être mis en examen sans aucune procédure particulière.
En revanche, pour les arrestations et mesures privatives de liberté, le juge doit obtenir une
autorisation du Bureau de l'assemblée dont le parlementaire visé est membre.
Cependant, il apparaît à la lecture du texte que cette procédure tombe en cas de flagrant
délit. Si cette exception est heureuse (comment pourrait-on comprendre qu'un
parlementaire qui assassine quelqu'un dans la rue ne puisse pas être arrêté ?), elle a
parfois donné lieu à quelques détournements. Ainsi, par exemple, en 1952, lors de
manifestations organisées par le parti communiste, Jacques Duclos fut-il arrêté, malgré
son immunité parlementaire, sur le fondement du flagrant délit car il aurait communiqué
avec les manifestants causant les troubles par le biais de deux pigeons voyageurs trouvés
dans sa voiture. Fort heureusement pour lui, la Chambre d'accusation déclara les
poursuites nulles et il fut libéré après qu'une expertise a révélé que les pigeons en cause
n'étaient nullement voyageurs.
148
Chapitre 3 - L'indemnité parlementaire
C'est pourquoi l'histoire de l'indemnité parlementaire est en étroite corrélation avec l'histoire du
droit de suffrage. En effet, lorsque l'on exige le paiement d'un cens pour pouvoir voter, on exige,
en parallèle, le paiement d'un impôt pour pouvoir être élu que seules les personnes les plus
aisées peuvent acquitter. Dès lors, la politique est affaire d'une classe sociale aisée, qui fait de la
politique comme passe-temps. La politique n'a donc pas à être source de revenus puisque les
hommes politiques ont suffisamment de revenus par ailleurs. L'indemnité parlementaire n'a
donc pas lieu d'être.
Au contraire, dès lors que tout le monde peut voter, dès lors que tout le monde peut être élu,
cela permet l'accès à la politique de personnes moins favorisées pécuniairement. Pour que leur
éligibilité ne soit pas un vain mot, pour que la politique ne reste pas, de fait, l'affaire de quelques-
uns, il est nécessaire d'assurer aux élus une source de revenus. C'est pourquoi, l'indemnité
parlementaire est présente là où est prévu le suffrage universel.
L'indemnité de fonction peut être réduite si le parlementaire participe trop peu activement aux
travaux de l'assemblée à laquelle il appartient. Ainsi, les règlements de l'Assemblée nationale et
du Sénat prévoient-ils qu'en cas d'absences répétées d'un parlementaire son indemnité de
fonction peut être réduite voire supprimée, et même que son avance mensuelle de frais de
mandat peut l'être (cf. infra).
Les parlementaires percevaient également depuis le début des années 2000 une « indemnité
représentative de frais de mandat » qui leur permettait de financer des opérations liées à leur
mandat comme par exemple la diffusion d'une publication destinée aux électeurs de la
circonscription pour expliquer l'action du député. Cette « indemnité représentative de frais de
mandat » s'élevait à 5840 euros bruts par mois à l'Assemblée (5372,80 euros nets) et à 6109,89
nets par mois au Sénat. Mais le mécanisme était très critiqué car les parlementaires pouvaient
user presque totalement librement de cette indemnité (en dehors de l'achat de leur permanence
ou du financement de leur campagne électorale). Pour améliorer la confiance dans la vie
publique, la loi du 15 septembre 2017 a décidé le remplacement de l'IRFM par un système de
remboursement sur factures des frais de mandat engagés : « l'avance mensuelle de frais de
149
Chapitre 3 - L'indemnité parlementaire
mandat » (AMFM). Celle-ci est d'un montant de 5.373 € mensuels à l'Assemblée nationale (5.900
€ au Sénat). La grande différence avec l'IRFM qu'elle remplace c'est que les parlementaires
doivent fournir des justificatifs pour son utilisation, lesquels sont contrôlés par le Déontologue
de l'Assemblée nationale et par le Comité de déontologie du Sénat.
Par ailleurs, les parlementaires perçoivent une prime de secrétariat d'un montant de 10.581
euros mensuels avec lesquels ils peuvent rémunérer de 1 à 5 collaborateurs (8.402,85 euros au
Sénat). Si cette somme n'est pas dépensée ou reversée au groupe parlementaire auquel
appartient le député pour payer les collaborateurs du groupe, le surplus est réintégré dans le
budget de l'Assemblée nationale ou du Sénat.
150
Leçon 12 : Le Conseil constitutionnel
Depuis 1958, on assiste à une participation de plus en plus grande des institutions
juridictionnelles au pouvoir politique. Les juridictions ordinaires ne se privent pas de juger les
actes des hommes politiques (affaires de financement occulte ; emplois fictifs, etc), avec parfois
un sentiment revanchard développé. Des autorités judicaires s'insurgent, avec raison, contre
l'immixtion des personnels politiques dans des affaires, ce qui porte atteinte à la nécessaire
indépendance de l'autorité judiciaire ; ainsi, récemment, la Première présidente de la Cour de
cassation, Chantal Arens, et le Procureur général près la Cour de cassation, François Molins, se
sont-ils inquiétés des propos tenus par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, à l'endroit
de l'École nationale. En outre, des institutions comme le Conseil d'État ou la Cour de cassation
élaborent une jurisprudence qui n'est pas sans répercussions politiques. Quand le Conseil d'État
annule un décret du Premier ministre, il y a un écho médiatique et politique et que dire lorsque
le Président de la République est concerné, comme lors de la célèbre affaire Canal ou lorsqu'il
s'est agi d'examiner une plainte dirigée contre Jacques Chirac ; si les arrêts rendus sont
habituellement réservé à un petit cercle d'initiés, ceux-ci font l'objet de nombreux
commentaires.
Le pouvoir judiciaire qui était « en quelque sorte neutre » selon Montesquieu fait donc une
entrée en politique particulièrement fracassante et il tend justement à devenir un pouvoir et
non plus une simple autorité.
Il est une juridiction à part, qui d'ailleurs n'était sans doute pas conçue par ses initiateurs
comme une juridiction, qui n'échappe pas non plus ni à cette métamorphose ni aux critiques
des hommes et femmes politiques qui ont du mal à s'y confronter : le Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel est une institution neuve, puisqu'il n'a été créé que par la
Constitution de 1958. Cette apparition tardive peut s'expliquer par la tradition des IIIe et IVe
Républiques de « souveraineté parlementaire », c'est-à-dire de toute puissance du Parlement
qui ne reconnaît aucune possibilité de contrôle sur son action. C'est pour briser cette
souveraineté parlementaire que les constituants de 1958 ont souhaité fonder le Conseil
constitutionnel ; il était donc conçu, initialement, comme un « canon braqué contre le
Parlement » par l'Exécutif, selon l'expression de Charles Eisenmann. Mais il s'est émancipé
progressivement, notamment en trois étapes :
D'une part, par sa célèbre décision Liberté d'association du 16 juillet 1971 par laquelle il
est venu contrôler le respect par le législateur du Préambule de la Constitution et donc
des nombreux droits et libertés qu'il contient.
D'autre part, par la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974 qui a ouvert sa saisine
avant la promulgation de la loi à 60 députés ou 60 sénateurs, c'est-à-dire à l'opposition.
Enfin par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et la loi organique du 10 décembre
2009 qui, instituant la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC),
ouvre la voie à la contestation par le justiciable de la constitutionnalité des lois d'ores et
déjà promulguées.
Le Conseil constitutionnel n'est pas une Cour suprême comme le sont la Cour de cassation ou le
Conseil d'État, car il n'est pas placé au sommet d'une hiérarchie juridictionnelle, mais il est
devenu une véritable juridiction. L'activisme de certains de ses présidents n'y est pas pour rien
qui ont notamment défendu l'institution lorsqu'elle était critiquée et attaquée. Il s'agit donc
d'une juridiction spécifique, ce qui apparaît très bien à travers sa composition mais aussi à
travers ses missions.
151
Chapitre 1 - L'organisation du Conseil constitutionnel
Cette composition laisse la part belle aux autorités de nomination qui peuvent nommer presque
qui elles veulent au sein de cette institution car il n'y que peu de conditions à respecter si ce
n'est de pouvoir être électeur (donc français, majeur et jouissant de ses droits civils et politiques)
ce qui ne constitue pas, d'une part, une garantie d'impartialité et, d'autre part, une garantie de
compétence. Cependant, depuis la révision du 23 juillet 2008, les nominations suivent la
procédure instituée à l'article 13 al. 5 C., c'est-à-dire une audition par les commissions des Lois
des assemblées (le candidat proposé par le Président est auditionné dans les deux commissions ;
les candidats proposés par les présidents des assemblées ne le sont que dans la commission de
l'assemblée concernée) et un veto possible de celles-ci.
Cela laisse néanmoins une grande liberté de choix aux autorités de nomination et cette liberté
est d'autant plus grande que cette décision n'est pas contresignée et que le Conseil d'État
considère que la décision de nomination d'un membre du Conseil constitutionnel est un « acte
de gouvernement », c'est-à-dire insusceptible de recours devant le juge administratif (CE, ass., 9
avril 1999, Mme Ba).
Ces incompatibilités ont joué sur l'absence au Conseil constitutionnel pendant de longues
années de Valéry Giscard d'Estaing. En effet, aux termes de l'article 56 de la Constitution, les
anciens Présidents de la République sont membres de droit du Conseil constitutionnel en plus
des 9 membres nommés. Mais Valéry Giscard d'Estaing a longtemps préféré continuer une
152
Chapitre 2 - Le rôle du Conseil constitutionnel
activité politique avec un mandat électif plutôt que de siéger au Conseil constitutionnel.
Plusieurs anciens Présidents de la République ont siégé au Conseil constitutionnel : Vincent
Auriol et René Coty, anciens Présidents de la IVe République, mais aussi Valéry Giscard d'Estaing,
Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. Une mention particulière doit être faite pour Georges
Pompidou : il a, lui aussi, siégé au Conseil constitutionnel, mais il y a siégé comme membre
nommé et non comme membre de droit (étant décédé pendant son mandat de Président de la
République, il n'a évidemment pas pu y siéger comme ancien Président !). Valéry Giscard
d'Estaing n'y siégeait, jusqu'à son décès, jamais pour les décisions QPC. Nicolas Sarkozy a
annoncé avoir « « démissionné » » du Conseil après que celui-ci lui eut refusé le remboursement
de ses frais de campagnes pour l'élection présidentielle de 2012. Quant à Charles de Gaulle,
François Mitterrand et François Hollande, ils ont toujours refusé d'y siéger (et ils n'ont pas perçu
la rémunération liée à cette fonction). Aujourd'hui, donc, aucun ancien Président de la
République ne siège au Conseil constitutionnel.
Cette présence des anciens Présidents de la République au Conseil constitutionnel est une
anomalie qui pose de nombreux problèmes, notamment car ils siègent potentiellement auprès
de membres qu'ils ont nommés au Conseil constitutionnel. Ainsi, Jacques Chirac a-t-il siégé aux
côtés de trois membres qu'il avait nommés dont le Président de cette institution.
Les membres de droit ont les mêmes attributions et le même statut que les membres nommés à
deux exceptions près :
D'une part, ils exercent cette fonction jusqu'à la fin de leur vie.
D'autre part, ils sont dispensés de la prestation de serment à laquelle doivent se
soumettre les membres nommés. Il aurait été inconvenant de les obliger à prêter serment
devant le Président de la République qui leur a succédé !
En revanche, ils sont soumis à la même obligation de réserve et de discrétion et au respect d'une
stricte neutralité politique que les autres membres. Ces obligations ont, parfois, été assez
largement négligées que ce soit par les interventions de Valéry Giscard d'Estaing ou de Simone
Veil lors du débat sur la « Constitution européenne » ou par les propos tenus par Jean-Louis
Debré à l'encontre du Président Sarkozy.
La difficulté, c'est que ces obligations sont à faire respecter par le Conseil constitutionnel lui-
même. En outre, les membres du Conseil constitutionnel adoptent alors une position « facile »
dite de « mise en congé » qui les met temporairement à l'écart du Conseil.
François Hollande et Emmanuel Macron ont, sans succès, proposé la suppression de la catégorie
des membres de droit du Conseil constitutionnel, réforme qui fait pourtant l'unanimité parmi les
constitutionnalistes.
153
§ 1 - La saisine du Conseil constitutionnel
154
Mais ces modalités de saisine présentent aussi des inconvénients :
Le premier inconvénient c'est que, jusqu'en 1974, les autorités de saisines étaient en
nombre extrêmement limité et que l'opposition ne pouvait pas saisir le Conseil
constitutionnel à moins que le président du Sénat soit opposé à une loi ou à un traité.
L'ouverture de la saisine à 60 députés ou 60 sénateurs en 1974 pour les lois a donc
bien été plus que le « gramme de démocratie » évoqué par Maurice Duverger dans un
article au Monde le 11 octobre 1974.
Le second inconvénient, s'agissant des lois ordinaires, c'est que le Conseil
constitutionnel n'est pas saisi obligatoirement alors qu'il l'est obligatoirement dès lors
qu'est adopté soit une loi organique, soit une modification du règlement des
assemblées parlementaires, ou qu'est déposé une proposition de loi dans le cadre du
RIP (art. 11 C.). En conséquence des lois pouvaient échapper au contrôle du Conseil
constitutionnel. C'est pourquoi fut imaginée une seconde modalité de saisine.
Il s'agit d'un mécanisme aux termes duquel, à l'occasion d'un procès l'un des justiciables
invoque l'inconstitutionnalité de la loi qui lui est opposée pour méconnaissance des droits et
libertés garanties par la Constitution (il n'est donc pas possible d'invoquer dans ce cadre une
inconstitutionnalité tirée d'une procédure législative qui n'aurait pas respecté les
prescriptions constitutionnelles). Dans ce cas, si elle estime un certain nombre de conditions
réunies (cf. infra), la juridiction saisie doit surseoir à statuer, renvoyer la question à la
juridiction suprême dont elle relève (Conseil d'État ou Cour de cassation selon les cas) et
cette dernière, si elle juge les conditions remplies pour cela, renvoie alors la question au
Conseil constitutionnel qui conserve ainsi le monopole du jugement de constitutionnalité
d'une loi. Si le Conseil constitutionnel juge alors qu'une loi ou une de ses dispositions est
contraire à la Constitution, alors elle est « abrogée à compter de la publication de la décision
du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par » la décision du Conseil (art. 62
C.).
Le problème consiste dans les conditions à examiner par le juge saisi de la QPC et par la
juridiction suprême dont il relève pour savoir s'il y a lieu de transmettre la QPC. C'est donc la
question du filtrage opéré, d'une part, par la première juridiction, celle saisie du litige au
fond, et, d'autre part, par la juridiction suprême de l'ordre dont elle relève.
Aux termes de la loi organique du 10 décembre 2009, la juridiction saisie de la QPC (sauf si
celle-ci est soulevée pour la première fois devant le Conseil d'État ou la Cour de cassation,
auquel cas, seul le second filtrage sera opéré) doit apprécier si trois conditions sont réunies :
1. La disposition contestée doit être applicable au litige ou à la procédure, ou constituer
le fondement des poursuites.
2. Elle ne doit pas déjà avoir été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le
dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des
circonstances.
3. La question ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux.
La juridiction saisie doit statuer « sans délai » sur la recevabilité de la QPC. Sans délai
signifiant ici qu'elle doit statuer rapidement, sans qu'existe un délai formel. Si elle estime ces
trois conditions réunies, la juridiction saisie sursoit à statuer sur le fond du litige dont elle a
155
été saisie et renvoie la question prioritaire de constitutionnalité à la juridiction suprême de
l'ordre dont elle relève (Cour de cassation ou Conseil d'État).
Cette juridiction va constituer un second filtre. Dans un délai de 3 mois, elle doit examiner
s'il convient de renvoyer la question au Conseil constitutionnel. Si ces hautes juridictions
n'ont pas statué dans les 3 mois, le Conseil constitutionnel est automatiquement saisi (ce fut
le cas pour la décision du 7 septembre 2018 [729 QPC]). La haute juridiction saisie décidera
du renvoi si trois conditions sont réunies :
1. La disposition contestée doit être applicable au litige ou à la procédure, ou constituer
le fondement des poursuites.
2. Elle ne doit pas déjà avoir été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le
dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des
circonstances.
3. Et il faut que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
On relèvera que si les deux premières conditions sont identiques, la 3°) est différente. D'une
part, l'appréciation du caractère sérieux doit être un peu plus précise ; d'autre part, une
alternative au caractère sérieux apparaît : le caractère nouveau. La nouveauté, ce n'est pas
que la loi est nouvelle et que le Conseil constitutionnel n'en a jamais été saisi (cela
correspond plutôt à la condition 2°) ; c'est que le droit positif a évolué (par exemple il y a eu
une révision constitutionnelle) et le Conseil constitutionnel n'a jamais eu à faire application
de cette nouvelle disposition constitutionnelle (hypothèse peu fréquente donc, environ 35
cas).
Lorsque la question est renvoyée au Conseil constitutionnel, ce dernier dispose de trois mois
pour rendre sa décision. Le Conseil constitutionnel alors ne censure pas la loi, son pouvoir
est moins important, il ne peut qu'abroger la loi (donc pour l'avenir), éventuellement en
fixant une date à compter de laquelle l'abrogation aura lieu, date qui peut être différente de
la date de la décision.
Ce filtrage peut poser deux problèmes car finalement le Conseil constitutionnel ne peut pas
se saisir lui-même d'une question de constitutionnalité :
Il est dépendant des juridictions ordinaires et principalement du Conseil d'État et de la
Cour de cassation. Ainsi, la Cour de cassation, dans un arrêt du 7 mai 2010, Mme
Marie-Luce X. et autres a-t-elle considéré qu'il n'y avait pas lieu de transmettre la
question de la constitutionnalité de la loi Gayssot au Conseil constitutionnel. Or, une
partie de la communauté des juristes considérait que cette loi qui vient instituer un
délit de contestation des crimes contre l'humanité est peut-être attentatoire à la
liberté d'expression garantie par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen
de 1789. A tout le moins la question méritait d'être posée au Conseil constitutionnel
afin qu'il fixe la jurisprudence. Mais la Cour de cassation a refusé en considérant que la
question ne « présentait pas un caractère sérieux ». Le filtrage peut se transformer en
bouchon ! Dans un arrêt du 6 octobre 2015, M. Vincent X., elle a cette fois renvoyé la
QPC au Conseil constitutionnel en estimant que la disposition en question était
susceptible de créer une inégalité devant la loi et la justice. Finalement, dans sa
décision du 8 janvier 2016, M. Vincent R., le Conseil constitutionnel a jugé que cette
disposition n'était ni contraire à la liberté d'expression telle qu'elle est garantie par la
DDHC de 1789 ni contraire au principe d'égalité.
Le second problème que pose ce filtrage, c'est que d'une certaine manière il modifie
substantiellement le contrôle de constitutionnalité de la loi en France. N'assiste-t-on
pas à l'émergence d'un contrôle diffus de constitutionnalité qui tairait son nom ?
Certes, seul le Conseil constitutionnel dispose encore du pouvoir de juger une
disposition législative contraire à la Constitution. Mais le Conseil d'État et la Cour de
156
§ 2 - La jurisprudence du Conseil constitutionnel
cassation au premier plan, mais aussi toutes les juridictions devant lesquelles une QPC
peut être soulevée (c'est-à-dire toutes sauf les cours d'assises), n'opèrent-elles pas un
contrôle de constitutionnalité des lois lorsqu'elles considèrent que l'argument de
l'inconstitutionnalité n'est pas sérieux ? Le contrôle positif de constitutionnalité des
lois (la loi est conforme à la Constitution) semble ainsi devenir partagé entre toutes les
juridictions désormais, tandis que le contrôle négatif de constitutionnalité (la loi n'est
pas conforme à la Constitution), seul, reste dans les seules mains du Conseil
constitutionnel.
Le premier, qui nous intéresse ici, est une décision du 16 juillet 1971, Liberté d'association,
par laquelle le Conseil constitutionnel donne valeur constitutionnelle au Préambule de la
Constitution et ainsi à la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et au
Préambule de la Constitution de 1946 (et désormais à la Charte de l'environnement). Grâce à
cette décision, il contrôle désormais que les lois votées par le Parlement ne sont pas
contraires aux droits de l'homme tels qu'ils sont organisés en France. Le Conseil
constitutionnel est ainsi devenu le gardien des libertés fondamentales.
Cette évolution et ce rôle de protection des droits de l'Homme ont encore été accrus par
l'institution de la QPC dans la mesure où cette procédure n'est justement ouverte aux
justiciables qu'à la condition que leurs droits constitutionnels soient violés par une
disposition législative. Ainsi a-t-il déjà pu juger que les conditions de la garde à vue de droit
commun étaient contraires à la Constitution (CC, 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres) ou
que la loi prévoyant que les pensions des militaires ayant acquis une autre nationalité que la
nationalité française ne seraient pas réévaluées était contraire au principe d'égalité (CC, 28
mai 2010, Consorts L.).
Cette constitutionnalisation des droits de l'Homme est d'autant plus importante que le
Conseil constitutionnel a pu découvrir des normes non écrites, ce qui traduit l'importance de
son pouvoir prétorien. Il peut découvrir ainsi deux principaux types de normes non-écrites :
Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, lesquels ont un
lien textuel important dans la mesure où ils sont tirés d'une loi républicaine,
antérieure au 27 octobre 1946, dont le principe de liberté qu'elle exprime n'a jamais
été remis en question (CC, 20 juillet 1988, Loi d'amnistie). A ces premières conditions,
le Conseil constitutionnel en a ajouté une dernière : la loi qui contient le principe
fondamental reconnu par les lois de la République doit intéresser les droits et libertés
fondamentaux, la souveraineté nationale ou l'organisation des pouvoirs publics (CC, 17
mai 2013, Mariage pour tous) Le Conseil constitutionnel en a découvert 11 à ce jour
(liberté d'association, liberté d'enseignement, indépendance de la juridiction
administrative...) et le Conseil d'État 2 (refus d'extradition pour mobile politique et
laïcité).
157
Les principes à valeur constitutionnelle dont le lien textuel est cette fois beaucoup
plus ténu. Il s'agit, par exemple, du principe de continuité des services publics, de la
liberté de la presse, de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine ou, plus
récemment, du principe de fraternité (CC, 6 juillet 2018, Cédric H.).
En 1958, lorsqu'il fut mis en place, le Conseil était davantage considéré comme un
instrument du pouvoir exécutif afin de contraindre le Parlement au respect de règles
contraignantes. Mais dans les années soixante-dix avec la décision du 16 juillet 1971 une
première évolution du Conseil avait eu lieu qui s'est poursuivie par une seconde :
l'élargissement de sa saisine à 60 députés ou 60 sénateurs par la révision constitutionnelle
du 29 octobre 1974. La porte d'entrée du Conseil constitutionnel était ainsi ouverte à
l'opposition. Dès lors, l'opposition qui, étant par définition minoritaire à l'Assemblée
nationale (et éventuellement au Sénat) ne pouvait pas s'opposer à l'adoption d'une loi par la
majorité, peut ainsi avoir recours au Conseil constitutionnel pour que, lui, vienne limiter
l'action de la majorité. Il est devenu ainsi pour l'opposition une sorte de chambre d'appel.
Ainsi, dès la première saisine du Conseil par 60 députés ou 60 sénateurs a-t-il affirmé dès le
premier considérant de sa décision : « Considérant que l'article 61 de la Constitution ne
confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision
identique à celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer
sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen » (CC, 15 janvier 1975, IVG
). Il se met ainsi en retrait en distinguant bien le rôle d'un juge (juger du respect de la
Constitution par les textes adoptés par le Parlement) et le rôle d'un organe politique qui
effectue des choix qui peuvent être critiqués d'un point de vue politique, mais qui ne le sont
pas forcément d'un point de vue juridique.
Par la suite, cette position de retrait vis-à-vis des choix politiques a pu s'exprimer dans des
jurisprudences équilibrées. Ainsi n'interdit il pas les nationalisations d'entreprises en 1982,
pas plus qu'il n'interdit les privatisations en 1986. Mais à chaque fois, il a pu rappeler les
limites que la Constitution (largement entendue) posait à de telles actions politiques.
158
Section 2 - Le Conseil constitutionnel et les élections et référendums
constitutionnel ne l'annule pas. Il déclare simplement que, telle quelle est, elle ne peut pas
être promulguée. Mais, étant chargé de faire respecter la Constitution, il ne peut en aucun
cas s'opposer à ce que l'on modifie la Constitution dès lors que les formes sont respectées. Il
se doit de faire respecter la norme de référence qu'est la Constitution, si l'on change cette
norme de référence, alors il doit faire respecter la nouvelle norme de référence. Eh bien,
lorsque le Conseil constitutionnel censure une loi comme étant inconstitutionnelle, on peut
donc dire qu'il affirme que le législateur n'était pas compétent pour prendre ce texte, mais le
constituant reste, lui, compétent pour prendre ce texte. C'est ce que Georges Vedel appelait
la théorie de « l'aiguilleur » ; le Conseil constitutionnel serait un simple aiguilleur entre
procédure législative ou constituante à suivre pour adopter telle ou telle disposition.
Cela aboutit à ce que si une loi est déclarée, par le Conseil constitutionnel, contraire à la
Constitution, le pouvoir politique peut décider de faire passer le contenu de cette loi dans
une loi de révision de la Constitution et non plus dans une loi ordinaire. C'est alors un
véritable « lit de justice » qui se déroule, là encore selon l'expression de Georges Vedel. C'est
bien ainsi que le mécanisme a fonctionné en 1993. En effet, dans une décision des 12 et 13
août 1993, le Conseil constitutionnel avait considéré qu'une loi relative à la restriction du
droit d'asile qui lui était soumise comportait des dispositions inconstitutionnelles. Le
Gouvernement Balladur, avec l'aide du Président Mitterrand, insista dans cette voie en
faisant voter quelques mois plus tard par le Congrès un projet de révision constitutionnelle
qui réorganisait le droit d'asile. Le Conseil constitutionnel ne pouvait plus s'opposer à cette
restriction puisqu'on lui changeait ainsi sa norme de référence. En d'autres termes, il est
toujours possible de supprimer l'opposition du Conseil constitutionnel en faisant adopter
une disposition par la voie d'une révision constitutionnelle. Ceci garantit la supériorité du
politique sur le juridictionnel ce qui est sans doute sain en démocratie. Si finalement le
contenu de la révision est moins « dur » que ne l'était la loi, c'est parce que nous étions alors
en période de cohabitation et que pour réviser la Constitution il fallait l'accord du Président
de la République.
Mais cette timidité face au souverain ne s'est pas exprimée seulement face à l'usage d'un
pouvoir de souveraineté (réviser la Constitution), elle s'est plus largement exprimée face au
titulaire du pouvoir souverain à savoir le peuple. En effet, il s'est également déclaré
incompétent pour apprécier la constitutionnalité d'une loi adoptée par référendum (CC, 6
novembre 1962, Loi référendaire). Si en 1962 cela concernait une loi qui était formellement
ordinaire mais matériellement constitutionnelle, en 1992 il réitéra cette jurisprudence à
propos d'une loi parfaitement ordinaire (CC, 23 septembre 1992, Maastricht III). On aurait
très bien pu considérer que le peuple en adoptant en 1958 la Constitution avait accepté
d'être pouvoir constituant et donc souverain lorsqu'il est amené à s'exprimer dans le cadre
de l'article 89, mais aussi de n'être que pouvoir législatif (et donc contrôlable par le Conseil
constitutionnel) lorsqu'il est appelé à se prononcer dans le cadre de l'article 11. Mais ce n'est
pas la voie empruntée par le Conseil constitutionnel.
159
Section 2 - Le Conseil constitutionnel et les élections et référendums
De tels abus on fait évoluer les consciences de sorte qu'en 1958, lorsqu'il fut décidé de confier ce
contentieux au Conseil constitutionnel cela ne souleva guère de réactions hostiles. Le Conseil
constitutionnel, en général, annule une élection s'il constate une irrégularité et qu'elle est
susceptible d'avoir eu une influence sur le résultat car il est, le plus souvent, dans l'incapacité de
déterminer précisément qui a profité de l'irrégularité ou de la fraude. Mais il dispose d'un
pouvoir de réformation des résultats, c'est-à-dire qu'il peut, s'il identifie qui a bénéficié d'une
irrégularité et à quel niveau, déduire des bulletins qui ont été comptabilisés en faveur d'un
candidat. Si ce nouveau décompte aboutit à ce qu'un autre candidat ait plus de voix que les
autres, il peut le proclamer élu. Cette hypothèse, rarissime, ne s'est produite qu'une seule fois (
CC, 12 février 2015, Vaucluse).
160
Bibliographie
Bibliographie
Attention
Si vous faites l'achat d'un manuel, ce que nous vous recommandons surtout cette année, prenez
garde à en choisir un dans sa dernière édition car si la Constitution n'a pas fait l'objet d'une
révision depuis 2008, les lois organiques et ordinaires ont pu considérablement modifier les
règles encadrant l'activité des institutions politiques. En outre, la pratique et la jurisprudence
constitutionnelle sont des sources non négligeables du droit constitutionnel et celles-ci sont en
constante évolution.
Manuels
ARDANT, Philippe, et MATHIEU, Bertrand, Institutions politiques et droit constitutionnel,
Paris : LGDJ, coll. Manuel, 32e éd., 2020.
CHAGNOLLAUD, Dominique, et BAUDU, Aurélien Droit constitutionnel contemporain. 2-La
Constitution de la Ve République, Paris, Dalloz, coll. Cours, 9e éd., 2019.
COHENDET, Marie-Anne, Droit constitutionnel, Paris : LGDJ, coll. LMD, 4e éd., 2019.
FAVOREU, Louis et alli, Droit constitutionnel, Paris : Dalloz, coll. Précis Droit Public, 23e éd.,
2020.
GICQUEL, Jean, et GICQUEL, Jean-Eric, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris :
Montchrestien, coll. Domat Droit Public, 34e éd., 2020.
HAMON, Francis, et TROPER, Michel, Droit constitutionnel, Paris : LGDJ, coll. Manuel, 41e
éd., 2020.
HAQUET, Arnaud, Droit constitutionnel en 11 thèmes, Dalloz, coll. Séquences, 2e éd., 2019.
MELIN-SOUCRAMANIEN, Ferdinand,et PACTET, Pierre, Droit constitutionnel, Paris : Sirey,
coll. Université, 389e éd., 2020.
TOULEMONDE, Gilles, Les institutions de la Ve République, Paris : Gualino, coll. Carrés
rouges, 8e éd., 2020.
TOULEMONDE, Gilles, Droit constitutionnel de la Ve République, Paris : L'Harmattan, coll.
Logiques juridiques, 14e éd., 2020.
Compléments
CARCASSONNE, Guy, et GUILLAUME, Marc, La Constitution, Paris : Le Seuil, coll. Points, 15e
éd., 2019.
CHEVALLIER, Jean-Jacques, CARCASSONNE, Guy, DUHAMEL, Olivier, et BENETTI, Julie,
Histoire de la Ve République,1958-2017, Paris : Dalloz, coll. Classic Armand Colin, 16e éd.,
2017.
Exercices/Méthodologie/Lexique
AROMATARIO, Silvano, et BONDUELLE, Alexandre, Droit constitutionnel. Méthodologie et
exercices corrigés, Ellipses, 2019.
AVRIL, Pierre, GICQUEL, Jean, Lexique de droit constitutionnel, Paris : PUF, coll. Que sais-je
?, 5e éd., 2016.
COHENDET, Marie-Anne, Les épreuves en droit public, Paris : LGDJ, coll. Les méthodes du
161
Bibliographie
Codes
LASCOMBE, Michel, Code constitutionnel et des droits fondamentaux, Dalloz, 2020.
RENOUX, Thierry S., DE VILLIERS, Michel, et MAGNON, Xavier, Code constitutionnel,
LexisNexis, 2018.
162
Bibliographie
Article 30 : le chef de l'État convoque le Parlement en session extraordinaire et clôt les sessions
Article 34 : le domaine de la loi
Article 35 : le pouvoir du Parlement en matière de défense
Article 37 : le domaine réglementaire et la procédure de déclassement
Article 38 : les ordonnances législatives
Article 39 : l'initiative de la loi
Article 40 : les irrecevabilités financières
Article 41 : l'irrecevabilité des propositions et des amendements étrangers au domaine de la loi
Article 42 : l'examen des textes de loi par les commissions parlementaires
Article 44 : le droit d'amendement et le vote bloqué
Article 45 : la commission mixte paritaire, la procédure accélérée et le dernier mot à l'A.N.
Article 48 : l'ordre du jour des assemblées parlementaires
Article 49 al. 1 : l'engagement de la responsabilité du gouvernement sur le programme ou sur
une déclaration de politique générale
Article 49 al. 2 : la mise en cause de la responsabilité du gouvernement par une motion de
censure de l'Assemblée nationale
Article 49 al. 3 : l'engagement de la responsabilité du gouvernement sur une loi
Article 49 al. 4 : l'approbation d'une déclaration de politique générale par le Sénat
Article 52 : la négociation et la signature des traités
Article 54 : la saisine du Conseil constitutionnel pour examiner la conformité d'un traité à la
Constitution
Article 55 : la supériorité des traités sur les lois dans la hiérarchie des normes
Article 56 : la nomination des membres du Conseil constitutionnel
Article 61 : la saisine du Conseil constitutionnel pour examiner la conformité d'une loi à la
Constitution
Article 61-1 : la saisine du Conseil constitutionnel par une question prioritaire de
constitutionnalité
Article 64 : le président veille à l'indépendance de l'autorité judiciaire
Article 65 : le Conseil supérieur de la magistrature
Article 67 : l'irresponsabilité du Président de la République
Article 68 : la responsabilité exceptionnelle du Président de la République en cas de
manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l'exercice de son mandat
Article 68-1 : la responsabilité pénale des ministres devant la Cour de justice de la République
Article 88-1 : la République française participe à l'Union européenne
Article 89 : la révision de la Constitution
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Bibliographie
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Références
Références
(001) c'est le dernier
HAURIOU, Maurice, Précis de droit constitutionnel, Paris : Sirey, 2e éd., 1929, p. 550.
(004) au suffrage
indirect
Sont « grands électeurs » sénatoriaux : des délégués des conseils municipaux (dont tous les
maires), les conseillers départementaux, les conseillers régionaux, les députés et les sénateurs (à
titre principal).
(006) Domaine
réservé
La paternité de l'expression « domaine réservé » appartient à Jacques Fauvet dans un article au
Monde de janvier 1959. Léon Blum avait déjà employé à propos du Général de Gaulle l'expression
de « secteur d'affaires réservées ». V. sur ce point GICQUEL, Jean, Essai sur la pratique de la Ve
République. Bilan d'un septennat, Paris : LGDJ, coll. Bibliothèque constitutionnelle et de science
politique, t. 33, 1968, p. 118. M. Albin Chalandon la réutilise en juillet de la même année. V.
CHARLOT, Jean, Le Président et le parti majoritaire : du gaullisme au socialisme, RPP, juillet-août
1983, p. 33.
165
Références
(008) volonté du
corps électoral
CARRE DE MALBERG, Raymond, Contribution à la théorie générale de l'Etat, Paris : Sirey, 1920,
rééd. Éditions du CNRS, 1962, t. II, p. 81.
(009) membres de
son Gouvernement
Le Cabinet fut, alors, investi par 521 voix contre 12. On connaît l'attitude de Vincent Auriol qui,
apprenant la décision de Paul Ramadier, éclate en colère et lui dit au téléphone : « Ne sois pas un
vieux de la IIIe », ce à quoi Paul Ramadier lui répondit qu'il était plus jeune que lui et que
l'Assemblée était souveraine. V. FONVIEILLE-VOJTOVIC, Aline, Paul Ramadier (1888-1961) : élu
local et homme d'État, Paris : Publications de la Sorbonne, 1993, p. 323 sqq.
(011) la confiance du
pays
RENARD, Georges, Souveraineté et parlementarisme, Cahiers de la nouvelle revue, n° 4, La cité
moderne et les transformations du droit, 1925, p. 120.
(012) légismanie
ROSSI, Pellegrino, Cours de droit constitutionnel, Paris : Guillaumin, t. IV, 1867, p. 232.
(013) en 2018-2019
En 2016-2017 le Parlement n'a siégé que 92 jours dans la mesure où il s'est ajourné rapidement
aux fins de préparer les campagnes pour les élections présidentielle et législatives.
(014) censure
provoquée
Sur ces notions de motions de censure spontanée et provoquée, voir le cours sur la formation et la
responsabilité du Gouvernement.
(016) à l'Assemblée
nationale
LOQUET, Patrick, Les commissions parlementaires permanentes de la Ve République, Paris : PUF,
coll. Travaux et Recherches de l'Université de Lille II, 1982, p. 17 sqq. ; CAHOUA, Paul, Les
commissions, lieu du travail législatif, Pouvoirs, n° 34, 1985, p. 39.
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Références
(019) commission
d'enquête
Attention : ce que les médias appellent la « commission d'enquête sénatoriale sur l'affaire Benalla
» n'est pas, à proprement parler, une commission d'enquête. Les règlements des assemblées
prévoient en effet que les commissions permanentes peuvent se doter des pouvoirs d'une
commission d'enquête. Elles ont alors des pouvoirs d'investigation décuplés et peuvent
auditionner des individus dans les mêmes conditions juridiques que les commissions d'enquête.
Pour l'affaire Benalla, alors que l'Assemblée nationale avait créé une commission d'enquête, qui
n'a d'ailleurs pas bien fonctionné du tout, le Sénat a doté la commission (permanente) des Lois des
pouvoirs d'une commission d'enquête. L'hypothèse est assez rare. La commission des Lois de
l'Assemblée nationale s'est était dotés pour examiner le fonctionnement de l'état d'urgence suite
aux attentats du 13 novembre 2015. La commission des Lois du Sénat s'en est dotée pour suivre
les conditions de l'état d'urgence sanitaire pendant la pandémie de covid-19.
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