Rapport D Information: Sénat
Rapport D Information: Sénat
Rapport D Information: Sénat
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
RAPPORT D´INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires européennes (1) sur les relations entre
l’Union européenne et la Russie,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul
Émorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour,
Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires, MM. Pascal Allizard,
Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa,
Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, M. Claude Haut, Mmes Sophie Joissains, Gisèle Jourda, MM. Claude Kern,
Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard
et Alain Vasselle.
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SOMMAIRE
Pages
AVANT-PROPOS .................................................................................................................... 5
CONCLUSION ......................................................................................................................... 37
AVANT-PROPOS
(2015-2016) – 13 juillet 2016 - de MM. Pascal Allizard, Gérard César, Mme Gisèle Jourda,
MM. Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt et Jean-Claude Requier, fait au nom de la commission
des affaires européennes.
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oriental ou en tout cas un risque, celui de laisser espérer aux pays concernés plus
que ce que l’Union peut effectivement leur apporter. Comme la politique du
Partenariat oriental s’inspire par la force des choses (…) de la politique
d’élargissement, elle nourrit, malgré des moyens limités, des ambitions comparables
et elle demande aux pays partenaires de reprendre 80 % de l’acquis communautaire.
De là a pu naître une certaine confusion, car il faut reconnaître que le projet du
partenariat oriental est calqué dans sa méthodologie sur la politique d’élargissement
et sur la politique d’aide au développement dans ses aspects financiers. »
Le cas ukrainien ne pouvait dès lors suivre la voie relativement
paisible des accords d’association conclus avec la Moldavie et la Géorgie. En
2013, le ministre allemand des affaires étrangères, M. Frank-Walter
Steinmeier, évoquait ainsi l’échec de la signature de l’accord par l’Ukraine :
« Nous devons nous demander si nous n’avons pas sous-estimé la faiblesse et les
divisions de ce pays, à quel point il est au-dessus de ses forces d’avoir à choisir entre
l’Europe et la Russie ; si nous n’avons pas sous-estimé la détermination de la Russie
qui est si étroitement liée à l’Ukraine, économiquement mais aussi historiquement et
émotionnellement. »1
Placer l’Ukraine en situation de choisir entre la Russie et l’Union ne
pouvait que générer une fracture politique alors même que la conclusion
d’un accord commercial peut-être moins ambitieux avec l’Union – à
l’exemple de ce qui a été fait depuis avec l’Arménie et, parallèlement, d’un
accord commercial avec la Russie eut été théoriquement concevable.
Le commissaire à l’élargissement, M. Johannes Hahn, commentait
ainsi une étude de la fondation Bertelsmann intitulée « Comment stabiliser
l’économie de l’Ukraine »2. Il estimait en avril 2015, soit au cœur de la crise
ukrainienne : « L’étude reconnaît à juste titre que les relations [de l’Ukraine] avec
la Russie ne sont pas exclusives (…). Rien dans notre nouvel accord3 n’interdit à
l’Ukraine de continuer à exporter des produits vers la Russie ». L’option d’une
relation tripartite UE-Ukraine-Russie a fait l’objet de négociations qui n’ont
pas abouti et l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) est
entré en vigueur, inchangé, le 1er janvier 2016.
La relation OTAN-Russie
Dès la fin de la Guerre froide, l’OTAN et la Russie ont entamé un dialogue
politique dans le cadre du Conseil de coopération nord-atlantique (COCONA),
devenu en 1997 le Conseil de partenariat euro-atlantique. En 1997, sous la
présidence de M. Boris Eltsine, fut signé à Paris l’Acte fondateur des relations
OTAN-Russie. Dans ce document, qui souligne que les Alliés et la Russie « ne se
considèrent pas comme des adversaires », ceux-ci s’engagent à « construire ensemble
une paix durable et inclusive dans l’espace euro-atlantique, fondée sur les principes de
démocratie et de sécurité coopérative ». La Russie, en signant l'Acte fondateur, s'est
d’ailleurs engagée à assurer le « respect de la souveraineté, de l'indépendance et de
l'intégrité territoriale de tous les États et de leur droit inhérent de choisir les moyens
d'assurer leur sécurité ». En 2002, sous la présidence de M. Vladimir Poutine, avec
la Déclaration de Rome est fondé le Conseil OTAN-Russie, au sein duquel les
Alliés et la Russie coopèrent en partenaires égaux pour répondre ensemble aux
menaces communes. Après le conflit russo-géorgien d’août 2008, l’activité du
Conseil OTAN-Russie fut suspendue pendant un an environ avant de reprendre
fin 2009. Les Sommets de Lisbonne et de Chicago ont confirmé la détermination
des Alliés à développer un véritable partenariat stratégique avec la Russie.
mars 2017. S’il n’a pas abouti à des résultats concrets, il permet aux deux
parties d’échanger sur leurs « postures militaires respectives », afin
d’installer une transparence nécessaire pour réduire les risques.
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Commerce de biens
en milliard d’euros
1 Un accord portant sur le financement du projet gazoduc Nord Stream 2 a été signé avec ENGIE
(France), OMV (Autriche), Shell (Pays-Bas), Uniper et Wintershall (Allemagne). Les cinq
partenaires européens s’engagent à financer sur le long terme 50 % du coût total du projet, estimé à
ce jour à 9,5 milliards d’euros.
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Face à l’attitude russe et aux risques pesant sur l’unité et l’intégrité de l’Ukraine,
notamment l’annexion de la Crimée, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE
se sont réunis le 6 mars 2014 et ont décidé de mettre en œuvre des mesures
restrictives « graduées »(en trois phases) à l’encontre de la Russie.
– phase 1 : suspension des négociations en cours sur les visas (processus de
libéralisation des visas de court séjour et accord de facilitation visa révisé) et sur
le nouvel accord global UE-Russie ; suspension de la participation de la Russie
aux sommets du G8 et des sommets UE-Russie ; suspension des négociations
relatives à l’adhésion de la Russie à l’OCDE et à l’AIE ;
– phase 2 : mise en œuvre de sanctions à l’encontre d’individus et d’entités liés à
la violation de la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance de
l’Ukraine (interdictions de visas, gel des avoirs) sur la base de critères de
désignation qui ont été élargis à plusieurs reprises. Les mesures individuelles ont
été revues le 15 septembre 2016 et renouvelées jusqu’au 15 mars 2017. Elles
concernent 146 personnes et 37 entités ;
– phase 3 (sanctions économiques sectorielles) : suite au Conseil européen du
29 juillet 2014, l’Union européenne a pris deux trains de décisions (décisions du
31 juillet 2014, entrée en vigueur le 1er août et décision du 8 septembre 2014,
entrée en vigueur le 12 septembre 2014), comprenant :
des restrictions sur l’accès d’institutions financières publiques russes aux
marchés européens de capitaux, visant cinq banques d’État russes, trois entités
du secteur de la Défense, trois entités du secteur pétrolier ;
un embargo sur le commerce des armes et matériel connexe (importations et
exportations) ;
une interdiction des exportations de biens à double usage destinés à une
utilisation militaire ou à des utilisateurs finaux militaires en Russie ;
des restrictions sur les exportations de technologies sensibles dans le domaine
de l’énergie, hors secteur gazier.
Le Conseil européen du 19 mars 2015 a convenu que la « durée des mesures
restrictives à l’encontre de la Fédération de Russie, adoptées le 31 juillet 2014 et
renforcées le 8 septembre 2014, devrait être clairement liée à la mise en œuvre intégrale
des Accords de Minsk, étant entendu que celle-ci n’est prévue que pour le 31 décembre
2015. Les décisions qui s’imposent seront prises dans les mois à venir. »
Depuis lors les sanctions économiques sectorielles, en vigueur depuis 2014, ont
été reconduites.
Elles ont été renouvelées pour 6 mois jusqu’au 31 juillet 2017. Leur durée doit
rester liée à la pleine mise en œuvre des Accords de Minsk. Il est toutefois
nécessaire, en cas de progrès substantiels, de conserver la possibilité de moduler
ces mesures restrictives pour encourager les parties à poursuivre leurs efforts.
La réversibilité est un facteur clé de leur efficacité.
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Par ailleurs, l’Union européenne a mis en place des restrictions sur ses échanges
économiques avec la Crimée au titre de son annexion illégale.
Les sanctions relatives à la Crimée / Sébastopol en vigueur jusqu’au 23 juin 2016,
ont été reconduites pour un an par le Conseil le 17 juin, jusqu’au 23 juin 2017.
Ces mesures comprennent une interdiction des importations de marchandises en
provenance de Crimée et de Sébastopol, qui a été imposée en juin 2014, ainsi que
d’autres restrictions introduites en juillet 2014 sur le commerce et les
investissements liés à certains secteurs économiques et projets d’infrastructure.
De plus, une interdiction complète des investissements est en place depuis
décembre 2014, ainsi qu’une interdiction frappant la prestation de services
touristiques en Crimée. Les exportations d’autres biens clés sont également
interdites pour certains secteurs, y compris en ce qui concerne le matériel de
prospection, d’exploration et de production de pétrole, de gaz et de ressources
minérales.
Au titre de cette politique, le Conseil a également ajouté sur la liste des sanctions
individuelles 6 députés de Crimée « élus » lors des élections législatives russes du
18 septembre 2016 qui ne figuraient pas encore sur la liste de sanctions.
À l’occasion du Conseil européen d’octobre 2016, l’UE a également souligné la
nécessité de préserver l’unité de l’Union face à la Russie et le maintien des
sanctions liées à la déstabilisation de l’Ukraine n’a pas été remis en cause. Le
Conseil européen du 15 décembre 2016 a donné son accord pour le
renouvellement des sanctions sectorielles à l’égard de la Russie pour six mois
jusqu’au 31 juillet 2017.
Source : SGAE
1Ainsi dénommé car constitué – avec les Présidents russe et ukrainien – à l’occasion du
70ème anniversaire du débarquement allié sur les plages de Normandie en juin 2014.
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1Toutefois, les interlocuteurs de la Commission européenne à Moscou ont indiqué sur les trois
premiers mois de l’année 2017 les importations russes provenant de l’Union européenne ont crû de
21 % et les exportations russes vers l’Union européenne de 45 % par rapport à 2016.
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1Contrairement à l’Union européenne qui n’a pas ciblé le secteur gazier russe, les États-Unis ont
pris des sanctions contre les firmes gazières et pétrolières.
- 26 - LES RELATIONS UNION EUROPÉENNE-RUSSIE
1 Ibid.
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CONCLUSION
EXAMEN EN COMMISSION
milliards de roubles dans Sputnik – un article est paru dans Le Monde, les
chiffres sont avérés – ou dans Russia Today ! Ces médias, lorsque la loi sur le
mariage pour tous a été adoptée en France, ont titré pendant quelques
heures : « Hollande sodomise la France »… Comme l’a dit le Président de la
République Emmanuel Macron, ce sont des médias non pas d’information,
mais de propagande qui donnent de fausses informations. Les moyens dont
se dote le Service européen d’action extérieure pour lutter contre ces
phénomènes ne sont pas du tout à la hauteur. On parle de l’asymétrie des
relations économiques, mais on peut aussi évoquer l’asymétrie des
conditions d’expression, y compris pour les Européens sur place. Les
représentants de l’armée française s’inquiètent des voyages réitérés de
certains parlementaires en Russie pour rencontrer M. Poutine ou d’autres
responsables. Qui fait la diplomatie dans notre pays ?
La tonalité du rapport me semble « faible » sur la question des droits
de l’homme. L’agressivité très nette de la Russie n’est pas seulement une
réplique aux sanctions ; elle est aussi une négation de plus en plus claire des
conventions signées sur la question des droits de l’homme. Autant je suis
favorable à la venue de certains parlementaires dans des conditions très
précises, autant j’estime qu’il n’est pas envisageable d’« ouvrir les vannes ».
Enfin, je veux apporter une précision sur le fait – mentionné dans le
rapport – que depuis l’adoption en 2016 de sa politique intégrée sur
l’Arctique, l’Union européenne peut devenir membre observateur permanent
au Conseil de l’Arctique, ce que le Service européen d'action extérieure
souhaitait. En dépit d’une déclaration qui n’évoquait absolument pas la
Russie, ce qui a indigné les parlementaires européens, les Russes et les
Américains ont décidé, lors de la dernière réunion qui s’est tenue à Fairbanks
pour clôturer la présidence américaine, de refuser la candidature de l’Union
européenne, même si les enjeux dans cette région dépassent ces deux États.
M. Richard Yung. – M. Gattolin est un va-t-en-guerre ! On parle des
droits de l’homme depuis des décennies, sans que cela aboutisse vraiment…
Je suis favorable à une approche constructive et flexible. L’Union européenne
et la Russie sont deux puissances mondiales : il ne sert à rien de se regarder
en chiens de faïence ! Il faut faire avancer la mécanique.
La politique russe des États-Unis est encore floue, car nous ne
savons pas ce que veut faire Donald Trump.
Dans une démarche constructive, il faut aussi que l’autre partenaire
montre sa volonté d’aller dans le même sens et de faire des propositions. Les
Russes sont-ils prêts à faire un geste ? Je me doute bien qu’ils ne vont pas se
retirer de la Crimée. Mais alors que peuvent-ils proposer ?
Sur la question eurasiatique, j’ai participé après la chute de l’URSS, il
y a plus de vingt ans, à la création de l’Union eurasiatique de la propriété
industrielle, qui comprenait tous les pays, sauf l’Ukraine. Ce pays a toujours
refusé, pour des raisons politiques, d’être associé aux Russes. Cette
EXAMEN EN COMMISSION - 41 -
Lundi 20 mars
Mardi 21 mars
•
M. Andreï Makarov, directeur adjoint des relations
internationales du Ministère du développement économique
Mercredi 22 mars
Le Sénat,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu les conclusions du Conseil européen du 6 mars 2014 et des 19 et
20 mars 2015,
Vu les conclusions du Conseil Affaires étrangères de l’Union
européenne du 3 mars 2014, du 17 mars 2014, du 22 juillet 2014, du
19 janvier 2015 et du 14 mars 2016,
Condamnant le recours à la force par la Russie sur le territoire
ukrainien et l’annexion de la Crimée le 20 mars 2014 après un referendum
considéré comme dépourvu de validité par les Nations unies ;
Regrettant la situation dans certaines régions de l’Est de l’Ukraine
qui a conduit à un conflit entre l’armée ukrainienne et des forces se déclarant
pro-russes et défiant l’autorité de l’État ukrainien ;
Soulignant qu’à la suite de ces événements, l’Union européenne a
progressivement mis en place un régime de sanctions à l’encontre de la
Russie qui comporte des mesures politiques et diplomatiques, des sanctions
individuelles ou visant des entités, et des sanctions économiques sectorielles,
au détriment des populations et des entreprises ;
Soulignant que ces sanctions ont été complétées, renforcées ou
prolongées à plusieurs reprises, en fonction de la dégradation de la situation
en Ukraine ou de l’absence de progrès constatés ;
Observant qu’en réaction aux sanctions européennes, la Fédération
de Russie a décidé le 7 août 2014 de mettre en place des sanctions, en
particulier un embargo sur les produits alimentaires pour une durée d’un an,
et qu’elle l’a prolongé pour la même durée en août 2015 ;
Soulignant qu’à la suite de plusieurs initiatives diplomatiques, la
France, l’Allemagne, la Russie et l’Ukraine, réunies en format
« Normandie », ont obtenu la signature des accords de Minsk, qui
constituent la seule voie conduisant à une solution du conflit dans certaines
régions de l’Est de l’Ukraine ;
Rappelant la contribution du Sénat dans la mise en œuvre du volet
politique des accords de Minsk relatif à la décentralisation, en particulier la
coopération mise en place avec la Rada lors de l’élaboration de la réforme
constitutionnelle ukrainienne en ce sens ;
Constatant le caractère partiel de la mise en œuvre de l’ensemble de
mesures du 12 février 2015 sur l’application des accords de Minsk ;
- 50 - LES RELATIONS UNION EUROPÉENNE-RUSSIE
adoptés avant la crise ukrainienne, tel que l’embargo sur certains produits
porcins – qui aggravent la situation d’un secteur agricole déjà fragilisé ;
souligne en particulier que ces embargos entraînent des pertes importantes
pour la filière porcine française ;
Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire
valoir dans les négociations en cours.