Chapitre 4 Représentation Des Salariés

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DROIT DU TRAVAIL

Chapitre IV
La représentation des salariés
Le développement de la taille des entreprises économiques a rendu difficile le
règlement des conflits entre les salariés et les employeurs à travers les simples
contacts directs, d’où s’impose l’institution des organes ou instances représentatives
des salariés.

C’est dans le cadre d’une approche participative que les institutions représentatives
des salariés sont devenues des partenaires à la gestion de l’entreprise.

Le législateur tunisien admet un système de représentation collective mixte du


personnel marqué par la coexistence de la représentation élue (section 1) et la
représentation syndicale (section 2).

Section 1 : La représentation élue


Le code de travail tel que modifié par la loi n° 94-29 du 21- 2-1994 et la loi
n°2007-19 du 02-04-2007 a unifié la représentation élue dans l’entreprise en
prévoyant la commission consultative de l’entreprise(CCE) et les délégués du
personnel.

Les articles 157 et suivant du code de travail et le décret d’application du 9-01-1995


règlementent la modalité d’instituer les organes de la représentation élue, leur rôle,
leur fonctionnement et leur composition.

Paragraphe 1 : Conditions d’institution de la représentation élue


Dans chaque entreprise employant au moins 40 travailleurs permanents, une
commission consultative doit être instituée.

Pour les entreprises employant un nombre de travailleurs permanents égal ou


supérieur à vingt et inférieur à quarante, il est élu un délégué titulaire du personnel et
un délégué suppléant.

Dans les entreprises employant moins de 20 travailleurs il n’existe aucun


représentant élu. (Article 163 C.T)

Lorsque l’entreprise comprend des filiales, une commission consultative est


constituée dans chaque filiale si cette filiale jouit de la personnalité juridique
et emploie un nombre de travailleurs permanents égal ou supérieur à quarante.
De même une commission consultative centrale d'entreprise est créée. Cette
dernière est composée de membres représentant la direction de l'entreprise et de

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membres des commissions consultatives des filiales sans que le nombre total des
membres titulaires de la commission centrale ne dépasse quatorze.

Paragraphe 2 : Modalité d’institution de la représentation élue


La commission consultative d’entreprise est composée d’une façon paritaire de
représentants de la direction désignés par le chef d’entreprise et de représentants
des travailleurs élus par ces derniers.

L’employeur supporte l’obligation d’informer les salariés par voie d’affichage de


l’organisation des élections des membres de la C.C.E représentant le personnel et ce
35 jours avant le scrutin. L’employeur doit aussi inviter les salariés à présenter leur
candidature. A défaut de candidature un procès verbal de carence sera dressé par
l’inspection de travail, affiché dans l’entreprise et adressé à la centrale syndicale. Si
la carence se poursuit durant un mois les représentants du personnel seront
désignés par tirage au sort effectué par une commission composée de l’inspecteur
du travail, l’employeur et de deux salariés les plus anciens dans l’entreprise et les
plus âgés.

Par application de l’article 6 du décret du 9-1-1995, le personnel de l'entreprise est


réparti en trois collège électoraux : le premier comprend les agents d'exécution, le
deuxième les agents de maîtrise et le troisième les cadres.

L’employeur fixe la date et l’heure du scrutin et procède à l’affichage de la liste des


candidats 15 jours avant les élections.

Le vote a lieu au scrutin secret et le mandat des membres de la CCE est de trois ans
prorogeable d’une année.

En vertu de l’article 5 du décret 1995, est considéré électeur tout travailleur dans
l’entreprise. Est éligible le salarié permanent travaillant dans l'entreprise et ayant
atteint l'âge de 20 ans. Toutefois, ne peuvent être élus les salariés se trouvant en
congé de maladie de longue durée et ceux ayant fait l'objet de sanctions
disciplinaires de deuxième degré non supprimées. Ne peuvent également être élus le
conjoint, les ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés de l'employeur.

Paragraphe 3 : Composition de la commission consultative d’entreprise


La commission consultative d’entreprise est composée d’une façon paritaire de
représentants de la direction désignés par le chef d’entreprise et de représentants
des travailleurs élus par ces derniers.

Le nombre des représentants de la direction de l'entreprise et celui des


représentants du personnel sont fixés chacun comme suit :

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- 3 membres titulaires et 3 membres suppléants dans les entreprises employant entre


40 et 150 travailleurs permanents.

- 5 membres titulaires et 5 membres suppléants dans les entreprises employant entre


151 et 500 travailleurs permanents.

- 7 membres titulaires et 7 membres suppléants dans les entreprises employant plus


de 500 travailleurs permanents.

Paragraphe 4: Fonctionnement de la commission consultative


d’entreprise
La commission se réunit au moins une fois par trimestre et chaque fois qu’il est
nécessaire. La commission ne peut se réunir qu'en présence de la majorité au moins
de ses membres. A l'issue de chaque réunion un procès verbal est établi et sera
signé par les membres de la commission.

Selon l’article 28 du décret 1995, lorsque la commission consultative d'entreprise est


appelée à examiner les questions relatives à la discipline sa composition sera
modifiée de telle façon que seuls les membres représentant le collège électoral
auquel appartient le travailleur concerné et un nombre égal de membres
représentant la direction de l'entreprise participent aux travaux de la commission.
Dans tous les cas, les membres de la commission ne peuvent pas participer à la
discussion des questions les concernant personnellement.

Paragraphe 5: Attributions des institutions représentatives


Selon l’article 160 du code de travail, la CCE est consultée sur les questions
suivantes :

• L’organisation du travail dans l'entreprise en vue d'améliorer la production


et la productivité ;
• Les questions se rapportant aux oeuvres sociales existantes dans l'entreprise
au profit des travailleurs et de leurs familles ;
• La promotion et le reclassement professionnel ;
• L'apprentissage et la formation professionnelle ;
• La discipline et dans ce cas la commission s'érige en conseil de discipline et
applique la procédure fixée par les textes législatifs, réglementaires ou
conventionnels régissant l'entreprise.

L’article 161 du code de travail ajoute que la commission consultative d'entreprise


examine les questions relatives à la santé et à la sécurité au travail. A cet effet, il est
constitué une sous-commission technique dénommée "comité de santé et de
sécurité au travail", comprenant :

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• Le chef d'entreprise ou son représentant, président ;


• Deux représentants des travailleurs choisis par les représentants du personnel
au sein de la commission consultative d'entreprise et parmi eux, membres ;
• Le médecin du travail relevant de l'entreprise ou la supervisant, membre ;
• Le responsable de la sécurité relevant de l'entreprise ou le supervisant s'il
existe, membre.

La mission de ce comité consiste notamment à :

• élaborer les projets de règlements et de prescriptions relatifs à la santé et à la


sécurité au travail dans l'entreprise ;
• assurer les tâches d'informations, de sensibilisation et de formation dans le
domaine de la santé et de la sécurité au travail;
• proposer les programmes de prévention des risques professionnels au sein de
l'entreprise et assurer le suivi de l'exécution des programmes adoptés ;
• effectuer les enquêtes à l'occasion de chaque accident de travail grave ou
maladie professionnelle et proposer les mesures nécessaires pour la maîtrise
de ses causes.

Le chef d'entreprise informe les membres de la commission consultative ou le


délégué du personnel de la suite donnée aux avis qu'ils ont émis à la réunion
précédente en indiquant les raisons pour ceux qui n'ont pas été pris en
considération. Les informations et indications sont enregistrées dans le procès verbal
de la réunion.

La commission consultative d’entreprise tient compte, dans l’accomplissement de


ses missions, des intérêts économiques et sociaux de l’entreprise. A cet effet
l’employeur informe la commission de la situation économique et sociale de
l’entreprise et ses futurs programmes.

Toutefois il est à noter que la CCE n’a qu’un pouvoir consultatif et n’a ni une
personnalité morale ni un patrimoine autonome.

Le délégué du personnel a les mêmes attributions que la CCE. L'employeur ou son


représentant reçoit le délégué du personnel chaque fois qu'il est nécessaire et au
moins une fois tous les deux mois. Le délégué du personnel est informé par une
convocation écrite de la date et de l'ordre du jour de la réunion, cinq jours avant sa
tenue.

Paragraphe 6:Statut des membres des institutions représentatives

Le code de travail accorde aux membres de la CCE et aux délégués du personnel


des droits rattachés à leur activité. Ils ont droit à un crédit d’heure allant de 8 à 15
heures par mois pour la CCE et 5 heures pour les délégués. Ces heures sont

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accordées pour exercer leur mission à l’intérieur ou à l’extérieure de l’entreprise


et sont considérées des heures de travail effectif.

De même le licenciement d’un représentant du personnel est soumis à une


procédure spéciale puisque l’employeur doit demander au préalable l’avis de la
CCE et l’avis motivé de l’inspection de travail.

Section 2 : La représentation syndicale


La liberté syndicale est reconnue par la constitution du 25 juillet 2022 dans l’article
41 et par les conventions internationales. Le principe de la liberté syndicale est aussi
consacré par le chapitre premier du livre 7 du code de travail (les articles 242 à
257C.T)

Toutefois le code de travail n’a pas réglementé la représentation syndicale au


niveau de l’entreprise, l’article 242 se limite à confirmer la libre constitution des
syndicats et c’est la convention collective cadre et les conventions sectorielles qui
ont comblé ce vide législatif. L’organisation conventionnelle du droit syndical touche
deux aspects : un aspect individuel et un aspect collectif.

Paragraphe 1 : L’aspect individuel du droit syndical


L’article 5 de la convention collective cadre 1 prévoit que « les travailleurs sont libres
d'adhérer à une organisation syndicale légalement constituée. »

La liberté syndicale signifie la liberté à tout individu d’adhérer à un syndicat de son


choix ou la liberté de ne pas appartenir à une organisation syndicale

A- La protection de la liberté syndicale positive

L’article 5 susvisé dispose :« Pour arrêter une décision qu'elle soit à l'égard de tout
travailleur y compris le licenciement ou la mutation, l'employeur ne peut prendre en
considération le fait de son appartenance ou sa responsabilité syndicale ou l'exercice
de ses droits syndicaux légaux. »

D’où l’interdiction de toutes les décisions discriminatoires fondées sur l’appartenance


ou la responsabilité syndicale et ce au moment de l’embauche ou au cours de
l’exécution du travail ou encore au moment de la rupture de la relation de travail.

L’employeur ne peut pas donc refuser d’embaucher ou de renouveler le contrat pour


motif syndical et il ne peut pas subordonner l’emploi d’un travailleur à la condition
qu’il n’adhère pas à un syndicat.

1
Dans le même sens la convention n°98 de 1949relative au droit d’organisation et de négociations collectives
ratifiée par la Tunisie le 25-4-1957.
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L’employeur ne peut pas aussi procéder à des mesures discriminatoires basées sur
la qualité ou l’action syndicale tout au long de la carrière du salarié telles que la
mutation abusive ou le refus d’avancement ou de promotion.

De même le licenciement en raison de la qualité syndicale du salarié est qualifié


comme abusif.

B- La protection de la liberté syndicale négative

La liberté syndicale négative signifie que le salarié est libre de ne pas adhérer à un
syndicat ou de se retirer de ce syndicat. Cette liberté vise à protéger le salarié contre
l’employeur mais aussi contre le syndicat.

Le salarié ne doit pas être contraint à adhérer à un syndicat qui est sous le contrôle
de l’employeur c’est ainsi que la convention internationale n° 98 protège les
syndicats des travailleurs contre les mesures tendant à provoquer la création
d’organisation de travailleurs dominée par un employeur ou une organisation
d’employeurs.

Paragraphe 2 : L’aspect collectif du droit syndical


L’aspect collectif se manifeste dans la relation du syndicat avec l’Etat et la relation
avec l’entreprise.

I-Dans les rapports avec l’Etat l’aspect collectif signifie que les syndicats sont des
collectivités organisées indépendamment des individus qui les composent ce qui
implique :

 La liberté de tout groupement professionnel de constituer les syndicats.


 Le libre fonctionnement interne des syndicats sans intervention de l’Etat.
 La liberté de l’action syndicale pour défendre les intérêts professionnels.

II- Dans les rapports avec l’entreprise l’exercice du droit syndical suppose trois
éléments :

1-La reconnaissance du syndicat par l’employeur

L’article 5 de la convention collective cadre dans son alinéa 3 impose à l’employeur


l’obligation de reconnaitre l’organisation syndicale légalement constituée au niveau
de l’entreprise ce implique aussi la reconnaissance de ses fonctions représentatives
du personnel et la reconnaissance des délégués syndicaux.

Le même article dans son alinéa 4 oblige l’employeur à recevoir les délégués
syndicaux au moins une fois par mois et toutes les fois qu’il y urgence et à négocier
avec eux les réclamations du personnel.

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2-Un statut protecteur des délégués syndicaux

Les délégués syndicaux doivent être protégés contre le licenciement pour pouvoir
exercer leur mandat, dans ce sens l’article 169 bis du code de travail prévoit
l’application des procédures spéciales de licenciement indiquées dans les articles
165,166 et 167 aux représentants syndicaux.

D’où tout licenciement d’un représentant syndical envisagé par l’employeur doit être
soumis à la commission consultative puis au directeur général de l’inspection de
travail et de la conciliation pour acquérir leur avis. Ainsi tout licenciement qui
intervient sans respect de ces procédures spéciales ou contrairement à l’avis du
directeur général de l’inspection de travail est considéré comme abusif.

L’article 166 bis du code de travail prévoit une priorité de maintien à l’emploi pour les
représentants syndicaux à l’occasion du licenciement ou de mise en chômage pour
des raisons économiques et technologiques.

3-Les moyens nécessaires à l’exercice du mandat des délégués syndicaux

Le délégué syndical a droit à un crédit d’heure, à l’absence et au détachement.

 Le crédit d’heure :

C’est un nombre d’heure que le délégué consacre à l’exercice de ses fonctions


pendant le temps de travail ou la participation aux cycles de formation. Ces heures
sont payés comme heures de travail effectif.

Le nombre d’heure de crédit varie selon le nombre de salariés dans l’entreprise (voir
la convention collective cadre article 5).

 Le droit d’absence :

L’article 33 de la convention collective cadre accorde aux représentants syndicaux


des autorisations d’absence pour assister aux congrès professionnels syndicaux
interne sou internationaux, ces absences sont payées comme temps de travail.

 Le détachement syndical :

Lorsque le délégué syndical de l’entreprise possède une expérience syndicale ,il


peut être appelé par l’une des structures syndicales à se consacrer exclusivement à
l’action syndicale pour occuper un poste de délégué permanent, dans ce cadre
l’article 5 de la convention collective cadre prévoit que si un travailleur est élu pour
être délégué syndical titulaire dans l'un des syndicats auquel est affilié le personnel
de l'entreprise, il sera à la demande de l'organisation dont il relève et avec l'accord
préalable de l'employeur placé dans la position de détachement .Pendant toute la
durée de ce mandat, il garde ses droits à l'avancement, à l'ancienneté et à tous les

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avantages consentis comme s'il était en activité y compris ceux consentis en matière
de maladie ou de retraite

 Les moyens de l’action syndicale

L’article 5 de la convention collective cadre prévoit la mise à la disposition du


syndicat des moyens nécessaires à son activité au sein de l’entreprise.
Ainsi l'employeur s'emploie avec diligence à réserver au syndicat de son entreprise
un local meublé s'il en a les moyens et compte tenu des besoins des services de
l'entreprise.

L’employeur met à sa disposition les tableaux d'affichage placés dans les locaux les
plus fréquentés par les travailleurs.

Le syndicat de l'entreprise peut, après accord de l'employeur, tenir des réunions


générales avec les salariés sur les lieux de travail dans le local convenant aux deux
parties. Ces réunions se tiennent en dehors du temps de travail, sauf accord des
parties sur des dispositions contraires.

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