Fiscalité Et Commerce Électronique.
Fiscalité Et Commerce Électronique.
Fiscalité Et Commerce Électronique.
Agdal-Rabat
L’économie numérique est devenue de nos jours l’une des principales réifications des
nouvelles technologies, qui a connu une expansion flagrante depuis l’aube de la dernière
décennie à l’échelle internationale dans un contexte imprégné par la mondialisation. En outre,
la crise sanitaire Covid 19 a accéléré davantage la prolifération de ladite économie en raison
des multiples avantages que procure à ses usagers, à savoir ; la rapidité, la flexibilité, et
notamment un cout de revient optimisé.
En effet, le CMI indique dans son dernier rapport sur l’activité monétique que les
opérations du paiement en ligne auprès des sites marchands et des facturiers s’élèvent à 20.4
millions opérations pour un montant global de 7.1 milliards du DH durant les trois premiers
trimestres de l’année 2022, en progression de 37.1% en nombre d’opérations et de 24.6% en
montant par rapport à la même période de l’année précédente1, ceci sans compter les
transactions commerciales effectuées à travers les réseaux sociaux et les plateformes
numériques qui proposent le paiement soit à la livraison ou bien par des virements bancaires.
Il s’agit vraiment d’un chiffre d’affaires appréciable qui passe entre les mailles du filet
de l’administration fiscale, une piste qui devrait impérativement être exploitée dans la
perspective d’optimiser le potentiel fiscal ; ce qui aura des retombées positives sur la qualité
des services publics et le bien-être de la population.
D’où la nécessité de s’interroger sur les éléments explicatifs de cet énorme manque à
gagner, et de mener des réflexions profondes là-dessus, en vue de trouver des solutions efficaces
capables de remédier à ce problème.
Pour répondre à cette problématique d’une manière schématisée, nous allons mettre la
lumière dans une première partie sur les éléments explicatifs du dilemme d’imposition du
commerce électronique, et une deuxième partie sera consacrée à l’étude des éventuelles règles
fiscales relatives audit commerce, et ainsi l’exploration des méthodes pratiques de leur
application.
Première partie : les éléments explicatifs du dilemme d’imposition de l’e-commerce
Auparavant, le principe de la souveraineté fiscale qui repose sur des éléments matériels
rassurants tels que le lieu de résidence, de domicile, de consommation, ou d’établissement
stable était le garant du bon fonctionnement du système. Aujourd’hui il est d’ores et déjà facile
de déjouer ces critères. En effet, le commerce électronique ne se soucie guère du principe de
territorialité. Les territoires sur lesquels les revenus/ bénéfices sont générés deviennent opaques.
1
Centre Monétaire interbancaire, rapport sur l’activité monétique au 30 Septembre 2022
Il parait important de distinguer entre le commerce électronique indirect (ou off-line) qui
permet d’échanger des biens et services tangibles moyennant l’internet ; et le commerce
électronique direct (ou on-line) dans lequel les prestations sont offertes virtuellement sous
format digitalisé sans aucun contact direct entre le commerçant et le client2. C’est ce dernier
type qui constitue un grand défi en termes de localisation des opérations de production et de
consommation, ce qui rend l’affaire assez compliquée pour les pouvoirs fiscaux en termes de
cadrage des critères d’imposition liés à l’assujetti et à l’administration fiscale (le pays) ayant
droit du recouvrement de l’impôt concerné.
Le modèle de convention fiscale de l’OCDE3 parle de deux notions fondamentales : tout
d’abord, le lieu de résidence des entreprises désignant leurs sièges de direction effective,
autrement dit, l’endroit où les décisions importantes de la société sont prises. Or, ce critère n’est
plus compatible avec l’e-commerce, en effet, il n’y a plus besoin d’une présence physique des
membres du conseil de direction en un endroit précis, ils peuvent se réunir par voie électronique,
pas forcément du même temps, ou encore de même lieu. Ensuite, l’établissement stable définit
par une installation d’affaire fixe par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou
partie de son activité. Ce qui n’est colle pas également avec le contexte des nouvelles
technologies, qui permettent une manipulation facile des repères de localisation des entreprises.
Section 2 : l’e-commerce ; une oasis de fraude et d’évasion fiscales
2
Xavier Oberson, « Problèmes fiscaux posés par le développement du commerce électronique » In :
Jeanneret, Vincent. Aspects juridiques du commerce électronique. Zurich : Schulthess, 2001. p. 93-112
3
OCDE, « articles du modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune », 2017
de développement dont le Maroc fait partie. Du ce fait, il est intéressant de mener des réflexions
sérieuses sur les voies de cadrage fiscal de l’économie numérique.
Deuxième partie : l’évolution des règles fiscales, une nécessité absolue
Il est à mentionner que les échanges des biens et services tangibles par voie électronique
dont l’internet n’est utilisé que pour la recherche, la commande, et le paiement du commerçant
ne pose aucun problème en termes de fiscalité indirecte. Ils sont soumis aux mêmes règles du
commerce traditionnel. Alors, dans le présent travail nous allons s’intéresser typiquement aux
échanges des produits numérisés. Rappelons que la fiscalité indirecte se représente soit à travers
le système de la TVA (cas de la majorité des pays y compris le Maroc) qui s’appliquent sur
l’ensemble des relations commerciales, mais récupérables par les entreprises lors de leur
consommation intermédiaire, ou bien à travers l’imposition de vente au détail (cas des Etats
Unis) qui s’applique uniquement lors de la vente finale.
Une initiative européenne depuis l’année 1998 propose l’imposition des services fournis
via le commerce électronique et consommés sur le territoire européen au sein de l’UE quelle
que soit leur origine, et ceci par l’enregistrement de tout opérateur auprès des services fiscaux
d’un pays membre pour lui verser la TVA calculée selon les taux des pays destinataires des
marchandises. Le pays d’accueil transfère par la suite au pays concerné le montant de TVA qui
lui revient4. Cette proposition serait effectivement appliquée suite à la directive de 12 Février
20025. En plus, les plateformes du commerce en ligne sont désormais obligées de collecter la
TVA sur les ventes effectuées6. Dans le cas des échanges transfrontaliers entre entreprises, le
mécanisme d’autoliquidation ou d’autoévaluation de la TVA par l’entreprise destinatrice est
recommandé vu ses multiples avantages à savoir la facilité de vérification fiscale7. A noter que
le lieu effectif de consommation est celui de sa résidence habituelle (particuliers) où de sa
résidence commerciale (entreprises) 8.
Bien entendu, la résidence commerciale représente un enjeu important vu les difficultés
de repérage géographique des transactions virtuelles. En effet, plusieurs études et
recommandations ont été élaboré dans ce sens.
Section 2 : la fiscalité directe du commerce électronique, quelle perspective ?
4
Commission des communautés européennes, communication de la commission au conseil, au
parlement européen, et au comité économique et social, « commerce électronique et fiscalité indirecte »,
Bruxelles 1998
5
Phillipe Barbet, « TIC et commerce électronique : laboratoires de la libéralisation des échanges, et des
évolutions des règles d’impositions ? »
6
La Commission européenne, « notes explicatives pour les règles de TVA pour le commerce
électronique », septembre 2020
7
OCDE, « principes directeurs internationaux pour l’application de la TVA/TPS », Février 2006
8
Ibid.
Le cadrage juridique de lieu de résidence constitue le défi fondamental de la fiscalité
directe du l’e-commerce (revenu et bénéfice). Or, le comité des affaires fiscales de l’OCDE est
parvenu à un compromis en matière de la définition de la notion l’Etablissement stable en
modifiant l’article 5 du modèle conventionnel. Il distingue entre le site web et le serveur sur
lequel est hébergé et utilisé, le serveur peut constituait un établissement stable que s’il appartient
à une entreprise qui effectue des opérations par l’intermédiaire dudit serveur qui devrait être
fixe à un endroit durant un laps du temps suffisant, alors que le site web en lui-même ne peut
pas constituer un établissement stable9.
D’ailleurs, on pourrait accéder à l’emplacement de serveur hébergeant le site web à partir
de l’ordinateur du client10, mais il faut s’assurer que la durée d’hébergement est suffisante pour
qu’on puisse le considérer une installation fixe. En outre, il est nécessaire d’imposer
l’identification obligatoire des sites web auprès des services fiscaux et l’affichage de
l’identifiant sur la page d’accueil.
Quant au lieu de résidence pourrait être déterminé par le rattachement de l’entreprise au
domicile habituel des administrateurs ou des directeurs11. Certes, Il serait plus lourd de changer
son domicile personnel que de déplacer le siège de sa société vers un paradis fiscal.
Conclusion
La maitrise de la matière fiscale liée à l’économie numérique nécessite la synergie des
efforts de plusieurs acteurs sur le plan national et international ; la collaboration des organismes
leaders en télécommunication et réseaux, des entreprises, de la société civile, et l’adoption des
conventions fiscales internationales sur l’e-commerce dans le but d’éviter la double imposition
et lutter contre la non-imposition. Il est recommandé également de mettre en place des comités
de pilotage spécialisés dans la fiscalité du commerce électronique au sein des administrations
fiscales qui seront chargés d’identifier les contribuables non déclarés, et de vérifier les
déclarations déposées tout en lui accordant le droit d’accès aux données et aux traces
numériques. Mais au préalable, il est essentiel de mettre en vigueur des normes standardisés
relative à la comptabilité et aux factures électroniques.
9
Comités des affaires fiscales de l’OCDE, « clarification pour l’application de la définition de
l’établissement stable dans le cadre du commerce électronique : modification des commentaires sur l’article 5 »,
décembre 2000
10
Xavier Oberson, op.cit
11
Ibid.