Martinia - Iunie 2008
Martinia - Iunie 2008
Martinia - Iunie 2008
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Page 1 de couverture: Aeshna mixta Latreille, 1805 (Photographie Bernard Duprez)
Page 1 de couverture, sigle: Création de Sarah Entzmann et dessin d'Alain Manach.
Pages 1 et 4 de couverture : Etang de Brenne (Indre).
Page 4 de couverture: Portrait de René MARTIN (d'après Calvert, 1927), dessin de Robert Rousso.
Martinia
Tome 24, fascicule 2, juin 2008
Sommaire
Brève communication
P. DEFONTAINES. Une nouvelle observation de Sympetrum danae (Sulzer,
1776) en Loir-et-Cher (Odonata, Anisoptera, Libellulidae). .................. 46
Martinia
Volume 24, number 2, June 2008
Contents
D. GRAND and J.-L. GROSSI. The marsh of Chavas (North Isère, France)
and its dragonfly fauna: inventory, conservatory management and
threats. Cases of 2007 flight season. .................................................... 47
Short communications
P. DEFONTAINES. A new observation of Sympetrum danae (Sulzer, 1776)
in Loir-et-Cher department (Odonata, Anisoptera, Libellulidae). ......... 46
fishery management are the main conservation issues for Odonates in the
Orlu protected area.
Introduction
Les Odonates constituent actuellement l'un des groupes d'insectes les plus
étudiés et les mieux connus du fait d'un nombre d'espèces assez faible en Europe et
d'une détermination relativement aisée. Malgré cela, les connaissances restent
lacunaires, tout particulièrement dans les zones montagneuses. Ainsi, à notre
connaissance, hormis la publication de listes départementales (MAUREITE 1990,
PAPAZIAN 1993), il n'existe pas de publication récente sur les Odonates d'Ariège. Par
contre, la littérature sur les peuplements odonatologiques de montagne sur le plan
national est plus abondante (BOUDOT et al., 1985, 1987, 1990; D'AMICO, 2002;
DEGRANGE et SEASSAU 1970, 1974; FRANCEZ & BRUNHES, 1983; FRANCEZ, 1985 ;
JACQUEMIN et BOUDOT, 2002; MULNET, 1995 ; VIGNERON 1995 .. .).
Dans le cadre d'une étude sur les interactions du Saumon de fontaine Salvelinus
fontinalis (espèce exotique naturalisée) avec la faune autochtone des zones humides
de la Réserve Nationale de Chasse et de Faune Sauvage d'Orlu (RNCFS) (BARAILLE
et al. 2006), des prospections ciblées sur les Odonates ont été entreprises en 2004. Les
données récoltées ont ainsi permis d' établir une première liste d'espèces pour la
réserve. Ce travail, outre la discrimination spatiale entre le Saumon de fontaine et les
Odonates, nous a permis de mettre en évidence une odonatofaune relativement
diversifiée entre les différents sites inventoriés malgré une richesse spécifique
modérée (BONIFAIT et DEFOS DU RAU, 2007). L'objectif de cette note est de présenter
brièvement les Odonates observés dans la RNCFS d'Orlu en considérant plus
particulièrement leur statut local ainsi que certains aspects biogéographiques et
biocénotiques.
La Réserve d'Orlu
La Réserve Nationale de Chasse et de Faune Sauvage d'Orlu se situe dans les
Pyrénées ariégeoises en limite est du bassin versant atlantique (42°39' N; 1°57' E) .
Située en haute vallée de l'Oriège, elle couvre 4247 hectares, compris entre 915 et
2765 mètres d'altitude. Depuis 2002, la réserve bénéficie d'un plan de gestion mis en
place par l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (BARBOIRON 2002).
La réserve est soumise à un climat montagnard marqué avec une influence
océanique dominante. Le substrat est composé de roches métamorphiques et
volcaniques et est traversée par une faille et des rochers calcaires au centre. Le réseau
hydrographique est constitué d'une rivière principale, l'Oriège, alimentée par de
nombreux ruisseaux (fig. 1). La plupart des étangs et mares se trouvent entre 1900 et
2400 mètres. L'élevage extensif (deux estives ovines, une estive bovine, une estive
équine), la pêche sportive et le tourisme de randonnée (un refuge gardé en été) sont
les principaux facteurs anthropiques susceptibles d'affecter les écosystèmes
aquatiques de la réserve.
Tome 24,jascicule 2,juin 2008 37
Matériel et méthodes
L'exploration à pied des principaux secteurs de la réserve a été axée sur les
habitats favorables aux Odonates et la quasi-totalité des zones humides de la réserve a
été visitée (fig. 1). Les inventaires ont eu lieu de juin à début août 2004 et il est donc
possible que quelques espèces tardives (Lestes spp.), absentes de notre liste, soient
présentes malgré tout dans la réserve. Les individus ont été identifiés à vue, à l'aide de
jumelles (8 x 42) ou, pour les espèces d'identification plus délicate, capturés au filet,
identifiés à l'aide d'une loupe (10 x), puis relâchés sur place (arrêté d'autorisation de
capture nO2004-10). Les exuvies et larves d'Odonates ont également été recherchées,
afin de préciser quels sites sont utilisés pour la reproduction et le statut des différentes
espèces. De plus, en juillet 2004, une mare l du secteur de l'Estagnol de Gaudet
1 Cette mare est formée par un replat sur le cours d'un ruisseau; elle est peu profonde et présente un fond
sableux à organique ; la végétation se compose de Carex spp. et de sphaignes sur les berges, les
hydrophytes étant représentées par Sparganium angustifolium et Isoetes sp.
38 Martinia
Résultats
Vingt espèces d'Odonates ont été observées dans la RNCFS d'Orlu (Annexe 1).
Nous avons obtenu des preuves de reproduction pour huit espèces et des indices de
reproduction probable pour sept autres (le succès de reproduction est incertain pour
Platycnemis latipes, observé à haute altitude). Il est probable que quelques espèces
vagabondes ou migratrices ne fréquentent la réserve que de manière occasionnelle et
anecdotique (Crocothemis erythraea, Sympetrum fonscolombii). Parmi les espèces à
valeur patrimoniale, seul Coenagrion mercuriale a un statut réglementaire: il figure
en annexe 2 de la Convention de Berne du 19 septembre 1979, en annexe 2 de la
Directive Habitat Faune Flore 92/43/CEE et dans l'article 3 de l'arrêté du 23 avril
2007 fixant la liste des insectes protégés en France. Une petite population est présente
sur quelques ruisselets et suintements marécageux entre 1300 et 1425 m (quatre
stations identifiées), mais les effectifs y semblent très faibles: maximum de quelques
imagos observés simultanément. Le statut des Odonates observés dans la RNCFS
d'Orlu est présenté dans le tableau 1.
Nous avons pu identifier un cortège odonatologique lentique riche en espèces et
assez homogène sur l'ensemble des sites tandis que les communautés des habitats
lotiques présentaient une richesse spécifique moindre et une diversité ~ plus
importante (BONIFAIT & DEFOS DU RAu, 2007). Les ruisseaux, suintements et sources
marécageuses accueillent typiquement Pyrrhosoma nymphula (ubiquiste) et, selon les
conditions locales (altitude, végétation, pente, etc.), Cordulegaster boltonii,
Coenagrion mercuriale, Orthetrum coerulescens et Platycnemis pennipes. Dans
certaines zones marécageuses, Sympetrum flaveolum peut également être noté, de
même que Cordulegaster bidentata sur les suintements de pente. Les milieux
stagnants présentent généralement une plus grande richesse spécifique et, souvent, de
fortes abondances. Libellula quadrimaculata, P. nymphula, Aeshna juncea et
Coenagrion hastulatum sont omniprésents dans ces habitats, fréquemment
accompagnés de Coenagrion puella, Enallagma cyathigerum, Somatochlora metallica
et Leucorrhinia dubia.
La mare étudiée sur l'Estagnol de Gaudet présente de forts effectifs et la plus
grande richesse spécifique en Odonates de la réserve : plus d'une dizaine d'espèces y
ont été recensées dont six à l'état d'exuvies (fig. 2). Sur cette mare, C. hastulatum
formait la moitié des effectifs émergeants récoltés (n = 353), suivi par L. dubia (n =
243), L. quadrimaculata (n = 60), A. juncea (n = 41i, P. nymphula (n = 37)3 et E.
f
cyathigerum (n = 1 Le sex-ratio semble légèrement biaisé chez certaines espèces en
fonction de la date de récolte, mais est difficilement interprétable en l'absence
d'éléments de comparaison (fig. 2).
-
170
3: HEIDEMANN & SEIDENBUSCH, 2002
~
1
160
150 -
50
J
~ 40-
El 50
&!
130-
140
150 r 9 juillet
D fyrrhosoma nymphJ~la
• Leu'corrhinia dubia
18 juillet
D libellula quadrimaculata
• CoefUlgrion haslulalum
f
24 juillet
0
31 juillet
AesllllLl juncea
• Enallagma c)ialhigerum
4Un orage la veille de la deuxième récolte a probablement fait disparaître une partie des exuvies, surtout
parmi les Zygoptères.
Tome 24, fascicule 2, juin 2008 41
Discussion
Tout d'abord, l'échantillonnage des larves et des exuvies a permis la découverte
des espèces sur des sites où les imagos n'ont pas été observés. Dans notre étude, cette
absence de détection peut correspondre à trois principaux cas de figures:
1) espèces discrètes dont les imagos restent peu sur les sites de reproduction,
comme par exemple Cordulegaster bidentata que nous n'avons pas observé à l'état
imaginaI sur ses sites de reproduction ;
2) sites de très petite taille où les imagos ne viennent que pour pondre, comme
les petites mares (de quelques mètres carrés au plus) colonisées par Aeshnajuncea ;
3) espèces en faibles effectifs «noyées» au sein d'espèces semblables plus
abondantes et qui peuvent passer facilement inaperçues (comme les Coenagrion et
Enallagma) .
La comparaison des abondances relatives des espèces de l'Estagnol de Gaudet
n'est pas fiable à cause de différences dans la probabilité de détection et dans la durée
de vie des exuvies. Il faut également considérer que les effectifs observés
correspondent aux émergences du seul mois de juillet. Les récoltes ne rendent donc
pas compte des abondances réelles de certaines espèces : par exemple, A. juncea, qui
était au début de sa période d'émergence, présente vraisemblablement des effectifs
bien plus importants que ceux trouvés. Malgré cela, nous avons observé des
différences sensibles entre les abondances des exuvies comparativement à celles des
imagos. Ainsi, A. juncea, Leucorrhinia dubia et Coenagrion hastulatum semblent
sous-représentés à l'état imaginaI par rapport à leur abondance dans nos récoltes
d'exuvies. Il est possible que ces différences s'expliquent en partie par une saturation
du milieu par les r3 recherchant les ~ , notamment pour les deux premières espèces.
Dans la réserve d'Orlu, plusieurs Odonates ont été observés assez haut en
altitude, même si des indices de reproduction n'ont été notés que pour une quinzaine
d'espèces. Coenagrion mercuriale ne semble pas dépasser 1100-1200 m en France
(DELIRY et FATON, 2007; GRAND et BOUDOT, 2006). A notre connaissance, les
stations découvertes en 2004 (1300-1425 m) se trouvent donc en limite altitudinale
pour cette espèce. Ces stations sont certes réduites et abritent de très faibles effectifs,
mais elles semblent pérennes puisque C. mercuriale était toujours présent en 2007.
Les éventuels milieux favorables pouvant héberger cette espèce semblent rares dans la
région et éloignés (les plus proches se trouvant vraisemblablement à plusieurs
kilomètres). A cause de cet isolement et des faibles capacités de dispersion de
C. mercuriale (PURSE et al. 2003), l'évolution démographique de cette population est
probablement indépendante d'un apport d'immigrants 5 • A l'échelle de la RNCFS
d'Orlu, ces stations présentent donc une sensibilité importante.
Parmi les altitudes maximales notées à Orlu (tableau 1), il est probable que de
nombreuses observations isolées concernent des individus erratiques. Bien qu'il
5 Nous considérons cette population comme autonome par opposition aux populations «puitS » viables
grâce à l'apport régulier d'immigrants. Néanmoins, même si une éventuelle immigration n'est peut-être
pas indispensable à sa survie, elle aurait des effets bénéfiques sur la population, par exemple en favorisant
la diversité génétique.
42 Martinia
6 Il n'existe pas de véritable tourbière sur la RNCFS d'Orlu ; en revanche sur plusieurs secteurs, la
végétation présente des caractéristiques proches (Sphagnum spp, Cyperaceae, etc.). Plusieurs mares,
ruisseaux et laquettes ont ainsi des bordures de sphaigne, voire des tremblants, et accueillent des
populations d'Odonates ; ceux-ci sont absents des étangs à dominante minérale.
Tome 24, fascicule 2, juin 2008 43
présence simultanée de plusieurs d'entre elles est assez rare et n'a été observée que
dans les sites les plus riches et diversifiés d'un point de vue écologique. Ce cortège, à
répartition boréo-montagnarde typique, présente donc, à notre sens, une valeur
biocénotique et bioindicatrice importante, d'autant plus qu'il est fréquemment associé
à d'autres indicateurs de qualité des milieux: habitats d'intérêt communautaire, flore
patrimoniale, etc.
Sur la RNCFS d'Orlu, les principaux enjeux de conservation des Odonates
concernent les étangs et mares les plus riches et diversifiés, les stations à
C. mercuriale, les suintements où se reproduit C. bidentata, et dans une moindre
mesure quelques sites fréquentés par S. flaveolum. La présence de troupeaux est a
priori compatible avec leur conservation, à condition que le pâturage reste extensif.
Une fréquentation importante et localisée serait en effet susceptible de dégrader ces
milieux par le biais du piétinement, des déjections, voire de la prédation des plantes
aquatiques. L'intégrité du site de l'Estagnol de Gaudet est également menacée par les
rejets du refuge gardé, mais ce risque apparaît, pour le moment assez faible. Enfin, la
gestion halieutique de la réserve et les introductions de poissons constituent un
facteur de risque supplémentaire sur plusieurs sites (BONIFAIT & DEFOS DU RAU,
2007) . Dans un tel contexte, la conservation des Odonates peut être assurée de
manière relativement simple, en limitant ou supprimant les introductions de poissons
(notamment d'espèces exogènes), et en contrôlant la présence des troupeaux (par
exemple à l'aide d'exclos) sur les sites les plus sensibles.
Remerciements
Ce travail a été réalisé dans le cadre d'un financement de l'Union Européenne
(arrêté n° 00/2004/9970) et de l'Agence de l'Eau Adour-Garonne (décision attributive
n° 2004/843). Nous tenons à remercier P. Menaut (directeur de la RNCFS d'Orlu)
pour son appui logistique, ainsi que J.-M. Cugnasse et A. Paris pour la relecture de ce
travail.
Travaux cités
BARAILLE L. , SANTOUL F., DEFOS DU RAu P., BONIFAIT S. & MARTY P., 2006. Introduction
d'espèces exogènes: interactions avec les espèces autochtones : cas du Saumon de
fontaine (Salvelinus fontinalis) dans les zones humides de la Réserve Nationale de Chasse
et de Faune Sauvage d'Orlu (Ariège). ONCFS, LEH, DIREN & Agence de l'eau AG,
Portet/Garonne (France).
BARBOIRON A., 2002. Plan de gestion 2002-2007 de la Réserve Nationale de Chasse et de
Faune Sauvage d 'Orlu (09). ONCFS, Portet/Garonne (France).
BONIFAIT S. & DEFOS DU RAu P., 2007. Distribution différentielle des odonates et salmonidés
indigènes et exogènes dans la réserve d'Orlu (Ariège, France). Revue d'Ecologie - La
Terre et la Vie, 62 : 285-294.
[BOUDOT J.-P. & DOMMANGET J.-L., 2006. Liste de référence des Odonates de France
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44 Martinia
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trois Odonates méconnus: Aeschna subarctica Walker (Aeschnidae), Somatochlora
alpestris Sélys et Somatochlora arctica Zetterstedt (Corduliidae). Bull. Soc. Hist. nat.
Moselle, 44: 217-228.
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Labo. Hydrobiol. Piscic. Univ. Grenoble, 64-65: 289-308.
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27-34.
Tome 24,fascicule 2, juin 2008 45
Annexe 1
Odonates 7 (20 espèces)
Nomenclature: BOUDOT & DOMMANGET, 2006.
Zygoptera
Calopterygidae (1 espèce)
Calopteryx xanthostoma (Charpentier, 1825) 8
Platycnemididae (2 espèces)
Platycnemis latipes Rambur, 1842
Platycnemis pennipes (Pallas, 1771)
Coenagrionidae (6 espèces)
Coenagrion hastulatum (Charpentier, 1825)
Coenagrion mercuriale (Charpentier, 1840)
Coenagrion puella (L., 1758)
Enallagma cyathigerum (Charpentier, 1840)
Ischnura pumilio (Charpentier, 1825)
Pyrrhosoma nymphula (Sulzer, 1776)
Anisoptera
Aeshnidae (1 espèce)
Aeshnajuncea (L., 1758)
Cordulegastridae (2 espèces)
Cordulegaster bidentata Selys, 1843
Cordulegaster boltonii (Donovan, 1807)
Corduliidae (1 espèce)
Somatochlora metallica (Vander Linden, 1825)
Libellulidae (7 espèces)
Crocothemis erythraea (Brullé, 1832) 9
Leucorrhinia dubia (Vander Linden, 1825)
Libellula depressa L., 1758
Libellula quadrimaculata Linné, 1758
Orthetrum coerulescens (Fabricius, 1798)
Sympetrumflaveolum (L. 1758)
Sympetrumfonscolombii (Selys, 1840)
Brève communication
Sympetrum danae (Sulzer, 1776) est une espèce extrêmement rare en Loir-et-Cher, où une
seule donnée a été signalée: 3 (; sur une tourbière à sphaignes en octobre 1988 (LETI, 1998 :
Recherches Naturalistes en région Centre, 3 : 47-69). L'espèce n' a pas été retrouvée par la
suite, une extraction de tourbe ayant endommagé le milieu. Elle est tout aussi rare dans les
autres départements de la région Centre (LETI et al., 2001 : Martinia, 17 (4) : 123-168 ;
DOMMANGET,2002 : Martinia, 18 (suppl. 1) : 68 pp.).
Le 7 août 2006, vers midi, alors que j ' observais les Odonates sur une mare de jardin sur la
commune de Cour Cheverny (Loir-et-Cher), un petit Anisoptère noir est venu se poser sur une
touffe de carex à environ 4 mètres de moi. l'ai pu le détailler à loisir avec des jumelles : son
allure de petit Sympetrum avec le corps entièrement noir, les pattes noires et les ailes hyalines à
nervures et ptérostigmas noirs permettaient de le déterminer comme un (; de Sympetrum danae.
Il s'est envolé et s'est reposé à plusieurs reprises au même endroit. En début d'après-midi,
il avait disparu.
Cette mare occupe une surface de 100 m2 d'eau libre (partiellement recouverte de
nymphéas et plus ou moins encombrée d'hydrophytes) et environ autant de zones marécageuses
occupées par diverses espèces d'hélophytes. La végétation y est entretenue en vue de garder un
aspect naturel tout en ayant une diversité aussi grande que possible. 29 espèces d'Odonates y
ont été observées depuis 1996, dont 16 s'y reproduisent, régulièrement ou occasionnellement
(Defontaines, en prép.). Deux autres espèces de Sympetrum y sont abondantes: S. sanguineum
et S. striolatum. S. meridionale a été trouvé sur les étangs de la forêt de Cheverny à 5-6 km de
cette mare mais n'a pas été observé ici.
Il paraît exclu qu'une population reproductrice de cette espèce ait pu passer inaperçue à
cet endroit. D'une part, le milieu ne paraît pas favorable, et d'autre part, j'ai passé sûrement
plus d'un millier d'heures à observer les Odonates au bord de cette mare sans apercevoir
d ' autres individus (une seule fois, en août 1999, un petit Anisoptère sombre, pouvant être un (;
de cette espèce, était apparu et s'était éloigné avant que je puisse le déterminer avec certitude).
Il est difficile de savoir de quel site de reproduction pouvait provenir cet individu. Je ne
connais pas de milieu favorable à cette espèce à proximité, et la tourbière citée plus haut est à
plusieurs dizaines de kilomètres.
L'ensemble du marais s'étendait jadis sur plus de 150 hectares (ha) mais seuls
les deux secteurs les plus marécageux n'ont été que peu modifiés. Les mesures
compensatoires, liées à l'implantation des voies de communication dans l'emprise du
marais, ont permis l'acquisition de 32 ha par le Conservatoire Régional des Espaces
Naturels de Rhône-Alpes, contribuant ainsi à la sauvegarde du site. Sa gestion a été
confiée au Conservatoire des Espaces Naturels de l'Isère (AVENIR). Elle se décline
en deux plans de gestion (BARBAT DU CLAUZEL, 1994; AVENIR, 2002) et une
révision en cours par AVENIR, soit trois documents rédigés en collaboration avec les
partenaires locaux et les associations de protection de la nature, qui ont défini les
principes de sa conservation et de la restauration des parcelles qui subsistent.
Tome 24,fascicule 2, juin 2008 49
Cour$ d ~t-an
Témoin de la flore de la région lyonnaise, au moins 344 espèces végétales ont été
répertoriées parmi lesquelles un cortège important de plantes rares (GENTIANA, 2007).
Nous citerons Gentiana pneumonanthe, Gymnadenia odoratissima, Orchis laxiflora
subsp. palus tris et Euphorbia palustris, qui trouvent refuge dans les prairies humides
et les cariçaies de Charvas.
Au fil du temps, ce bas-marais a commencé à se boiser progressivement tandis
que certaines prairies évoluaient vers la moliniaie en raison, notamment, de la baisse
générale du niveau de la nappe phréatique. Pour une grande part, cette baisse est liée
aux perturbations créées par les infrastructures de transport et par les pompages
agricoles intensifs, indispensables à l'irrigation des cultures céréalières de maïs. A
l'ouest, la présence du ruisseau de Charvas a ralenti ce phénomène de dégénérescence
et nous observons toujours une mosaïque d'habitats caractéristiques des bas-marais à
molinie. L'embroussaillement de cette partie du marais est aujourd'hui en grande
partie résolu par une gestion adaptée, combinant le pâturage de chevaux camarguais et
une bonne maitrise des niveaux d'eau.
D'un point de vue phytosociologique, les milieux ouverts sont à rattacher :
- Pour les bas-marais neutro-alcalins, à l'ordre des Caricetalia davallianae et à
l'alliance de l'Hydrocotylo vulgaris - Schoenion nigricantis, marquée par des
influences atlantiques révélées par la présence d'un cortège d'espèces caractéristiques
telles Hydrocotyle vulgaris, Oenanthes lachenalii, Samolus valerandi, Anagallis
tenella et n'ayant qu'une faible contribution de composantes continentales.
- Pour les prairies à Molinia caerulea et communautés associées, à l'ordre des
Molinietalia et à l'alliance de l'Eumolinion.
- Sur les prairies de Charvas-ouest, la formation à Hydrocotyle vulgaris est
dominée par les laîches (Carex panicea, C. viridula, .. .), les joncs (Juncus
alpinoarticulatus subsp. fuscoaster, J. articulatus) et l'Eleocharis uniglumis. Elle est
infiltrée par l'Orchidée Orchis laxiflora subsp. palus tris et le roseau Phragmites
australis. Quant à l'alliance de l'Eumolinion, la molinie présente sur ces prairies une
très forte contribution en association avec des espèces comme Sanguisorba officinalis,
Silaum silaus et Epipactis palustris.
niveau d'eau variable selon les saisons, sont dispersés parmi ces zones humides semi-
naturelles, imbriquées les unes dans les autres.
Depuis quelques années, Charvas-ouest est inondé intentionnellement sur son
secteur méridional, où se développent des fourrés d'arbustes, par un ouvrage de
déversement aménagé sur le ruisseau, l'écoulement s'étalant sur le secteur sud-ouest
de la prairie. Lors de printemps humides, cette prairie reste en partie noyée jusqu'en
juin, voire au-delà, comme en 2007. Sur sa bordure occidentale, elle se prolonge par
un étang à niveau fort variable de 700 m2 de superficie maximale, proche du ruisseau.
Sur Charvas-est, trois autres étangs ont été visités. Le plus méridional, qui est
implanté contre l'autoroute A432, dispose d'une superficie de 750 m2• Il conserve en
permanence une faible profondeur qui fluctue entre 0,20 et 0,50 mètre au cours des
saisons. Sa surface en eau diminue de moitié lors de l'étiage estival. L'étang central,
situé en partie dans un boisement, possède une superficie de 1600 m2 • Il se compose
d'un grand plan d'eau qui se prolonge, sur son extrémité orientale, par un vaste
marécage tourbeux. Enfin, l'étang nord-est, d'une superficie de l'ordre de 2000 m2 , a
été peu prospecté en raison de son isolement.
Quant au ruisseau de Charvas, son tracé est globalement forestier, mais
localement il a été débroussaillé et ses berges ont été dégagées de leur couvert arboré
sur de petits tronçons. Ces interventions améliorent ponctuellement son
ensoleillement, ce qui attire certaines libellules héliophiles et thermophiles comme
Calopteryx haemorrhoidalis et Coenagrion mercuriale. Hormis le ruisseau, il existe
un réseau accessoire de fossés de drainage aux écoulements intermittents, qui
subissent de longues périodes d'assèchement, surtout en été et au début de l'automne.
Le marais est divisé selon une direction nord-sud par une large bande de terrain
biologiquement appauvrie. Cette zone contient la ferme de Charvas et ses
dépendances, ainsi que les assiettes de la route D55c, de la ligne du TGV et de
l'autoroute A432. A l'extérieur de cette bande, nous distinguons le secteur de
Charvas-est avec 41 espèces et le secteur de Charvas-ouest, moins diversifié avec 35
espèces. D'un point de vue chronologique, les investigations odonatologiques ont
commencé en 1989, principalement sur les gravières. Puis elles se sont poursuivies en
1990 pendant les travaux de construction de la ligne du TGV et de l'autoroute, puis en
1994 après la mise en service des ouvrages précités. Enfin, des campagnes de
prospection plus approfondies ont été conduites en 1996 et en 2007, essentiellement
sur le marais, c'est-à-dire en excluant les plans d'eau des gravières, tandis que des
passages ponctuels étaient irrégulièrement programmés en 1998, 1999,2005 et 2006.
Calopterygidae
1. Calopteryx haemorrhoidalis (Vander Linden, 1825)
Ouest et Est, RI , R3 et R5.
Lors d'une visite le 27 juillet 2007, un CS et une ~ ont été observés sur le
ruisseau en R3, immédiatement en amont où celui-ci s'écoule sous l'autoroute A432.
Par la suite, une ~ isolée était découverte le 12 août en R5, sur un secteur
embroussaillé où le ruisseau se déverse sur la prairie P2. Enfin le 15 août de la même
année, deux ~ et un CS en fin d'émergence étaient observés en RI. Cette micro-
population s'est probablement installée récemment sur le marais, à partir d'individus
provenant du ruisseau du Rizan à Meyzieu (69) (GRAND, 2004), éloigné de moins de
5 km du site. Anciennement connu du sud de l'Isère (JULIAND, 1988), C.
haemorrhoidalis est pour la première fois cité dans le nord du département. Le faible
effectif décompté et la configuration particulière du ruisseau encaissé et globalement
forestier, ne permettent aucune prévision quant à sa pérennisation à long terme sur
Charvas.
végétales riveraines soit à l'origine de la disparition de cette espèce, qui préfère les
cours ensoleillés.
Lestidae
4. Chalcolestes viridis (Vander Linden, 1825)
Ouest et Est, commun sur toutes les eaux stagnantes permanentes.
Ce Lestidé fréquente également les fossés en eau et les tronçons calmes du
ruisseau. Un début d'année 2007 au climat particulièrement tempéré, voire chaud, a
favorisé son apparition précoce. La présence le 1er juin de nombreux individus
immatures sur l'étang E2 permet de situer ses premières émergences dans les derniers
jours de mai, soit une dizaine de jours avant la période habituelle pour la région
lyonnaise. En fonction des biotopes, elles se sont poursuivies au-delà du mois de
juillet. Ainsi, trois individus émergèrent sur la mare M2 le 15 août. Ô et ~ ne se
reproduisent qu'après une longue maturation, ce qui explique l'observation des
premières pontes le 19 juillet 2007 (habituellement, elles ne commencent guère avant
la fin juillet). Par la suite, elles se sont porsuivies jusqu'à fin octobre.
Platycnemididae
9. Platycnemis pennipes (Pallas, 1771)
Ouest et Est, R5, Gl et G2
Une ~ a été capturée le 12 août 2007 en R5, à proximité de la prairie humide P2.
Le manque d'ensoleillement sur le ruisseau de Charvas et les eaux notoirement closes
des étangs du marais sont peu favorables à cette espèce. En revanche, les eaux
profondes des gravières qui baignent dans la nappe phréatique de l'est lyonnais, lui
conviennent mieux.
Coenagrionidae
10. Ceriagrion tenellum (de Villers, 1789)
Ouest et Est, R3, R4 et M2.
Toujours présent en petites populations dans le passé, ce délicat Zygoptère se
trouve aujourd'hui dans une situation critique. Disparu de Charvas-ouest suite à la
destruction d'un de ses anciens biotopes, il n'a également plus été revu sur un secteur
marécageux du ruisseau en R3 et sur le fossé R4. Malgré des recherches approfondies,
seuls un CS adulte et une ~ immature ont été vus le 15 août 2007 sur la mare M2.
Tome 24, fascicule 2, juin 2008 55
Aeshnidae
21. Aeshna affinis Vander Linden, 1820
Ouest et Est, E2, E3, Pl et P2.
Avant 2007, cette Aeschne était surtout connue par l'observation régulière de
quelques r3 sur l'étang E2. La collecte de plus de 180 exuvies entre le 12 mai et le 10
juin 2007 sur la prairie inondée Pl montre que la population devait approcher les 300
individus. En effet, la recherche des exuvies sur la prairie partiellement recouverte de
5 à 20 cm d'eau, n'a pas été toujours facile. Un vent énergique soufflait assez souvent
pendant cette période a dû provoquer de nombreuses chutes dans l'eau. Lors d'une
visite le 12 mai vers 10 heures, nous découvrions 5 émergences en cours et une
vingtaine d'exuvies, ce qui situe le début des émergences dans la première semaine de
mai. Les exuvies étaient agrippées à faible hauteur au sein de touffes d'herbes peu
denses et se trouvaient entre 3 et 35 cm au-dessus de l'eau. La prairie P2, en partie
constituée d'une vaste clairière abritée du vent, a servi de lieu de maturation et de
dortoir aux individus fraîchement émergés, qui se sont ensuite dispersés. A partir du
19 juillet, de rares r3 sont revenus sur les sites de reproduction et, plus tard, deux
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couples y ont été observés, l'un pondant en tandem sur un secteur exondé (12 août) et
l'autre survolant la prairie à la recherche d'un site de ponte (25 août).
importantes sur les étangs El et E2. Certaines années favorables, plusieurs dizaines
d'exuvies sont collectées sur l'étang E2. A cause de la construction de la ligne
ferroviaire contournant l'agglomération lyonnaise, cet étang disparaîtra à moyen
terme et, avec lui, la population de Brachytron.
Gomphidae
29. Gomphus pulchellus Selys, 1840
Est, El.
Ce Gomphus est accidentel sur le marais, où il y a été vu à deux reprises. Le 8
juin 1996, nous avons dérangé une ~ posée sur un chemin à proximité de l'étang El.
Le 10 juin 2007, un Ô patrouillait le long de la berge du même plan d'eau.
Cordulegastridae
31. Cordulegaster b. boltonii (Donovan, 1807)
Ouest et Est, RI, R2, R4 et R5 .
Toujours discrète, cette puissante libellule est bien distribuée le long du ruisseau.
Corduliidae
32. Cordulia aenea (L., 1578)
Est: El, E2, E4, M2 et M3.
Cette Cordulie fréquente beaucoup de plans d'eau sur Charvas-est, mais elle n'a
pas encore été trouvée sur Charvas-ouest.
Libellulidae
34. Crocothemis erythraea (Brullé, 1832)
Ouest et Est.
Assez commun sur les milieux stagnants ouverts.
d'autres, plus nombreuses, sur cette prairie, mais également sur l'étang E3, où elles se
poursuivirent au moins jusqu'à fin juin, ou au-delà. Les premières pontes ont été
observées à partir du 12 août, mais au début de l'automne, ce Sympetrum avait
quasiment disparu, puisque le 3 octobre nous n'observions qu'un seul éS sur P2.
6. Menaces
Ces trente dernières années, le marais de Charvas a subi bien des vicissitudes qui
ne cessent de s'accentuer. Des menaces anciennes se font plus pressantes tandis que
d'autres sont nouvelles. li s'agit, entre autres de l'expansion continue de
l'agglomération lyonnaise, de la construction programmée d'une ligne de ferroutage,
d'extensions urbaines et du réchauffement climatique.
L'agglomération lyonnaise ne cesse de s'étendre sur sa bordure orientale, ce qui
amène également les infrastructures nécessaires à son développement. Quant à
l'aéroport international de Lyon-Saint-Exupéry, il s'agrandit régulièrement en
grignotant des espaces vers le nord-ouest, c'est-à-dire en direction du marais de
Charvas qui se trouve ainsi pris en tenaille par ces deux pôles économico-urbains.
Après la construction de l'autoroute A432 et de la ligne du TGV, l'implantation
d'une nouvelle voie ferrée de contournement de l'agglomération lyonnaise est dès
62 Martinia
aujourd'hui acquise. Elle devrait être accolée aux deux autres axes de communication
déjà en service. Cette ligne ferroviaire va aggraver la fragmentation qui existe déjà
entre Charvas-est et Charvas-ouest, et interdira probablement les déplacements de la
faune terrestre entre les deux secteurs, car le passage à faune sous les 3 voies de
communication approchera alors les 80 mètres de long. Une autre conséquence du
ferroutage sera la disparition de l'étang E2 et de ses 29 espèces de libellules. Pourtant,
ce plan d'eau est essentiel à la faune odonatologique du marais et, en particulier, à
Lestes barbarus, L. sponsa, L. virens vestalis, Ischnura pumilio, Coenagrion scitulum,
Aeshna mixta, Anax parthenope, Brachytron pratense, Libellula quadrimaculata,
Sympetrum fonscolombii et S. merdionale. li héberge également la seule station
iséroise connue d'une petite plante discrète, Anagallis tene/la.
Par ailleurs, les terrains localisés au sud de la ferme de Charvas, entre le TGV et
la route départementale, vont accueillir prochainement une Zone d'Aménagement
Concertée (Z.A.c.) abritant des bâtiments industriels et tertiaires, amputant d'autant
le territoire originel du marais tout en réduisant dangereusement la distance entre les
prairies humides et les zones d'activité de l'est lyonnais. Ce mitage des espaces semi-
naturels devrait faciliter la création d'autres projets urbanistiques dans ce secteur. En
outre, ces constructions et leurs ouvrages annexes (voiries et parkings) ont pour effet
d'imperméabiliser l'amont du marais et de modifier son fonctionnement hydraulique.
Depuis le début des années 1990, celui-ci est gravement perturbé par la construction
des voies de communication et les extractions massives d'eau dans la nappe
phréatique (eau potable, industries et irrigation) dont le niveau moyen s'est abaissé
depuis une quinzaine d'années. Le marais n'est plus constitué que de milieux humides
résiduels qui, pour la plupart, sont d'origine anthropique (mares et étangs). Quant aux
prairies de Charvas-ouest, elles ne conservent de l'humidité que grâce à la mise en
place d'une surverse artificielle sur le ruisseau. Enfin, la colonisation permanente des
prairies par des broussailles et la forêt n'est maîtrisée que par le pâturage des chevaux
camarguais et, si nécessaire, par des interventions mécanisées de nettoyage. Même
dans ces conditions de gestion permanente et organisée, le marais souffre de
sécheresses chroniques en été et en automne. Si le réchauffement climatique devait se
prolonger et s'accentuer comme nous en assurent les climatologues, il faudrait alors
craindre la disparition du marais de Charvas.
7. Discussion
L'année 2007 a en commun avec 1997 d'avoir bénéficié, dans la reglOn
lyonnaise, de la fin d'hiver et du début de printemps les plus chauds de ces 30
dernières années. Ces conditions particulières, de moins en moins exceptionnelles,
permettent l'apparition de plus en plus précocement des espèces animales et
végétales. Bien évidemment, ceci s'applique également à l'odonatofaune. Dans le
nord de Rhône-Alpes, les pontes de Sympecma fusca ont commencé avant la mi-mars
2007, soit à une date jamais observée auparavant, tandis que la première observation
de Calopteryx splendens a été notée le 19 avril. Les autres espèces citées dans l'ordre
chronologique de leur apparition, sont: E. cyathigerum, O. albistylum et O.
cancellatum le 21 avril, C. mercuriale le 23 avril, E. bimaculata le 26 avril,
Tome 24, fascicule 2, juin 2008 63
8. Conclusions
Composé d'un peuplement reproducteur d'au moins 40 espèces, Charvas est
assurément l'un des marais les plus remarquables du sud-est de la France. Outre les
deux libellules patrimoniales et légalement protégées que sont C. mercuriale et
64 Martinia
Travaux consultés
[AVENIR, 2002. Plan de gestion du marais de Charvas (Villette d'Anthon et Pusignan). 91 pages
+ annexes.]
[BARDAT DU CLAUZEL, L., 1994. Réflexion pour la réalisation d'un plan de gestion du marais
de Charvas (Nord-Isère). Mémoire de DESS : 67 pages + annexes.]
DELIRY, c., 1997. Atlas des Libellules de la Région Rhône-Alpes. Premier volet. Les espèces
rares et menacées des départements des Alpes du nord françaises, Isère-Savoie-Haute-
Savoie. Numéro spécial, Sympetrum : 1-624.
[GENTIANA, 2007. Expertise floristique du marais de Charvas (Villette d ' Anthon, Isère): 17
pages + annexes.]
GRAND, D., 1990. Sur une migration d'Hemianax ephippiger (Burmeister, 1839) en région
lyonnaise, Rhône. Martinia , 6(4) : 85-92.
GRAND, D., 2004. Les libellules du Rhône. Muséum, Lyon: 256 pages.
GRAND, D., 2007. Apparition précoce de libellules au printemps 2007 dans la région lyonnaise.
Martinia , 23 (3) : 88.
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PAPAZIAN, M., 1992. Contribution à l'étude des migrations massives en Europe de Hemianax
ephippiger (Burmeister, 1839) (Odonata, Anisoptera, Aeshnidae). Ent. Gall., 3 (1) : 15-21.
RICHOUX, P., ALLEMAND, R. & G. COLLOMB, 2000. Écogéographie de la région Rhône-Alpes:
définition de districts naturels pour la cartographie de l'entomofaune. Bull. mens. Soc.
Linn. Lyon, 70 (1) : 17-20.
Imprimé par la Société GRAPHIe TRAPPES, 6 avenue Jean d' Alembert - Zone de Pissaloup - F-781 90 Trappes-en-Yvelines
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René Martin (1846-1925),
naturaliste passionné, s'intéressa à plusieurs
groupes de vertébrés, principalement dans le
département de l'Indre.
Il fut également un odonatologue compétent et
réputé dans le monde entier. Il réalisa de
nombreux travaux scientifiques sur ce sujet.
C'est en son souvenir que nous lui avons dédié
ce bulletin consacré aux libellules.