TEXTE 10 Explication Rédigée
TEXTE 10 Explication Rédigée
TEXTE 10 Explication Rédigée
EXPLICATION
Présentation générale de l’œuvre :…
LECTURE
Présentation du passage : l’extrait à étudier est le prologue de la pièce, forme héritée de l’Antiquité et qui a pour fonction
d’exposer le sujet de la pièce. Cependant, cette forme traditionnelle se heurte ici à la grande modernité du texte de J-L. Lagarce,
constitué d’un monologue qui déploie une phrase unique écrite sous la forme de vers libres. Louis, expose les enjeux de la pièce :
braver sa peur pour avouer à ses proches qu’il n’a pas vus depuis longtemps qu’il va mourir.
Le thème du retour (re-) est formulé de 4 façons différentes : le prologue continue donc de jouer sa fonction, exposer le sujet
de la pièce : le retour chez lui du personnage pour annoncer sa mort à venir. La pièce se place ici dans une tradition avec ce
thème du retour (Ulysse dans l’Odyssée, le fils prodigue dans la Bible…)
« je décidai » : verbe d’action qui rompt avec l’impression d’inaction précédemment évoquée et le sujet « je », individuel, se
place dans une sorte d’opposition avec un collectif « les » (pronom personnel) encore flou car il ne renvoie encore à rien de
connu pour le spectateur/lecteur repris ensuite par « eux‚ tout précisément ».
Le but de la visite est dit : « pour annoncer » mais le COD du verbe « annoncer » tarde à venir (ligne 27 seulement) : il est
séparé du verbe…
– par deux séries de CC de manière qui traduisent la difficulté de l’acte (« lentement‚ avec soin‚ avec soin et précision » et
« lentement‚ calmement‚ d’une manière posée » ) et la justesse que cela demande.
- par des parenthèses qui créent d’autres ruptures dans la parole (« – ce que je crois – », « – et n’ai-je pas toujours été pour
les autres et eux‚ tout précisément‚ n’ai-je pas toujours été un homme posé ?‚ » ).
C’est donc une parole retardée, difficile à dire et elliptique encore (ce que je crois = c’est ce que je crois), une parole qui
hésite et se trompe aussi : la question rhétorique « n'ai-je pas toujours été pour les autres et pour eux, tout précisément,
n'ai-je pas toujours été un homme posé ? » attend une réponse implicite, et pourtant… il se trompe : on verra que sa sœur
Suzanne le voit au contraire comme un voyageur, en taxi, toujours entre deux aéroports.
pour annoncer‚
dire‚
seulement dire‚
ma mort prochaine et irrémédiable‚
l’annoncer moi-même‚ en être l’unique messager‚
L’annonce ne vient qu’après une série de reformulations de « annoncer » : le verbe « dire », seul sur la ligne, est ainsi mis en
valeur : c’est la parole qui sera donc au centre de la pièce, la parole intime de ce personnage dont l’individualité est insistante :
« ma » mort, « moi-même », « unique messager ».
Le COD enfin arrive après cette série de retardements comme un couperet pourtant connu : « ma mort prochaine et
irrémédiable » : tragédie et fatalité encore dans cette formule, comme avec le personnage du « messager », traditionnel dans
la tragédie.
→ la parole est difficile à dire ; avouer, dire ce qu’il a à dire, ne sera sans doute pas une chose aisée pour Louis.
3ème mouvement- Jouer un rôle ?
et paraître
– peut-être ce que j’ai toujours voulu‚ voulu et décidé‚ en toutes circonstances et depuis le plus loin que j’ose me souvenir –
et paraître pouvoir là encore décider‚
me donner et donner aux autres‚ et à eux‚ tout précisément‚ toi‚ vous‚ elle‚ ceux-là encore que je ne connais pas (trop tard et
tant pis)‚
me donner et donner aux autres une dernière fois l’illusion d’être responsable de moi-même et
d’être‚ jusqu’à cette extrémité‚ mon propre maître.
Le verbe « tricher » trouve un écho ici à travers le verbe « paraître » dont le COD est lui aussi retardé par une parenthèse
insistant sur les pensées intimes de Louis et l’idée de volonté « toujours voulu, voulu et décidé ». Mais une ambiguïté
apparaît ici car ce vocabulaire s’oppose au champ lexical de la tricherie: « paraître », « me donner et donner aux autres une
dernière fois l’illusion d’être ».
Le personnage est un acteur (dans une sorte de mise en abyme du théâtre : du théâtre dans le théâtre)… il ne semble pas
suffisamment fort pour suivre sa volonté et semble être du côté des apparences, de la tricherie… Héros tragique, il insiste
beaucoup sur les forces qui le dépassent, mais c'est peut-être pour mieux cacher sa propre part de responsabilité…
Les pronoms indéfinis, personnels et démonstratifs qui désignent les interlocuteurs de Louis sont ambigus eux aussi et
accentuent la mise en abyme ; « aux autres‚ et à eux‚ tout précisément‚ toi‚ vous‚ elle‚ ceux-là encore que je ne connais pas » :
à qui s’adresse-t-il ? le fils à sa famille, aux personnages de la pièce ? au public ? Modernité de la pièce.
Le prologue se termine donc sur l’idée que le personnage va jouer un jeu, aux autres et à lui-même, pour accomplir la
mission qu’il s’est fixée (« mon propre maître ») : annoncer sa mort à sa famille.
CONCLUSION
Ce long monologue qui précède le début de la pièce permet à Louis, comme un héros tragique, de se présenter et de présenter
au lecteur/spectateur le sujet de la pièce : il vit une situation de crise personnelle (il va mourir) et il vient l’annoncer à sa famille. Entre
vie et mort, Louis est dans un entre-deux, comme ce prologue qui alterne entre tradition (présence d’un prologue, personnage du
messager, informations données sur la pièce) et modernité (brouillage temporel, une longue phrase qui se répète et se corrige …).
Le spectateur/lecteur sait déjà que tout l’intérêt de la pièce ne sera pas la mort de Louis mais la manière dont il parviendra à sortir
des méandres de ses pensées pour l’annoncer.