Un Sentiment Imprevu (PDFDrive)
Un Sentiment Imprevu (PDFDrive)
Un Sentiment Imprevu (PDFDrive)
. Prologue
1.
Un bref silence suivit ses paroles. Finalement, Mike demanda tout à trac :
— Que sais-tu au juste du passé de ton mari ?
Alanna fronça les sourcils.
—Pas mal de choses. Reece est l'aîné de trois garçons.
Son père est mort accidentellement quand il était au lycée. Il a
commencé à travailler le week-end pour une agence immobi
lière à l'âge de dix-sept ans et les ventes marchaient tellement
bien qu'il a renoncé à entrer à l'université pour se consacrer
entièrement à son métier. A vingt et un ans, il avait gagné son
premier million.
—Ce n'est pas ce que je te demandais. Que sais-tu de son
passé plus immédiat... Que t'a-t-il raconté des années qu'il a
vécues juste avant de te rencontrer ?
—Eh bien, je sais qu'il a connu un grave revers de fortune
il y a quelques années. Il ne s'en serait jamais remis si Richard
n'avait pas été là pour lui remettre le pied à Fétrier. Oh, mais
je suppose que c'est à son ex-fiancée que tu fais allusion. La
fameuse Kristine, c'est ça ? Reece m'a raconté qu'elle l'avait
laissé tomber pour se réfugier dans les bras d'un vieux milliar
daire quand le vent a tourné pour lui.
C'était précisément pour cette raison, lui avait-il expliqué lors de leur premier
rendez-vous, qu'il n'était pas plus intéressé qu'elle par l'amour. Il avait été follement
amoureux et avait beaucoup souffert, comme elle. Il n'avait plus envie de
connaître ça.
De son côté, elle lui avait parlé de son chagrin à la suite de la mort
accidentelle de son mari bien-aimé. Alanna n'avait pas eu le courage de lui dire
toute la vérité au sujet de Darko.
Une question surgit alors dans son esprit : et si Reece ne lui avait pas tout dit,
lui non plus ? Mike savait-il quelque chose qu'elle ignorait ?
—Il t'a donc parlé de Kristine, fit Mike d'un ton laco
nique.
—Il m'a tout dit sur elle, confirma Alanna.
Combien elle était belle, qu'elle rêvait de devenir actrice. Elle l'avait quitté
tout juste trois semaines avant la date de leur mariage.
—Tout dit ? Permets-moi d'en douter. Un homme ne dit
jamais tout à sa femme, et il ne se vante certainement pas
d'avoir été humilié par une ex-petite amie. Nous avons notre
petite fierté, tu sais.
—Qu'a-t-elle fait, au juste ? demanda-t-elle, intriguée.
—Tu n'as qu'à demander à Reece, j'ai comme l'impression
de t'en avoir déjà trop dit.
—Je ne vais tout de même pas le soumettre à un interroga
toire. Je t'en prie, Mike, raconte-moi.
— Qu'a-t-il de si intéressant à raconter, ce cher Mike ?
Alanna fit volte-face et se retrouva nez à nez avec son mari
qui toisait Mike d'un air contrarié.
— Ta femme désire que je lui explique le fonctionnement de
mon nouveau logiciel, répondit ce dernier sans ciller. Pour être
franc, j'ai toujours eu un mal fou à expliquer l'outil informatique
aux non-initiés. A en juger par ton regard noir, je ferais mieux
de te rendre Alanna sur-le-champ, enchaîna-t-il avec aplomb.
C'est un merveilleux professeur de danse. Allez, il est temps
pour moi de prendre congé. Je vais aller dire au revoir aux
jeunes mariés et je m'en vais. A la prochaine, les amis. Merci
encore pour le cours de danse, Alanna. Ça me servira sans doute, un de ces
jours.
Alanna le gratifia d'un sourire reconnaissant. Son speech les avait tirés in
extremis d'un mauvais pas. Restait à éclaircir le soi-disant accès de jalousie de
Reece...
— Pourquoi me foudroyais-tu du regard en arrivant ? Mike
te soupçonne d'être jaloux.
L'espace d'un instant, les traits de Reece se durcirent, sa mâchoire se crispa
et ses yeux devinrent froids comme la pierre. Puis il partit d'un rire amusé et la
tension se dissipa d'un coup, au grand soulagement d'Alanna.
—N'ai-je pas le droit de me montrer un tantinet possessif à
l'égard de ma superbe femme ?
—Ça ressemble trop à de la jalousie pour moi, objecta-t-elle
gentiment. Et tu sais comme je déteste ça, Reece.
Ce dernier fit la moue mais son regard avait retrouvé tout son éclat.
— Je suis désolé, chérie. C'est à cause de cette fichue robe.
Les yeux de la jeune femme s'arrondirent de surprise.
—Ma robe ? C'est ridicule, voyons. Elle n'a absolument rien
d'indécent par rapport au reste de ma garde-robe.
—Ça doit être la couleur. Elle me met dans tous mes états.
Si tu veux tout savoir, de drôles d'idées me traversent l'esprit
depuis que je t'ai vue remonter l'allée dans l'église, murmura-
t-il de ce ton suave et caressant qu'il prenait lorsqu'il lui faisait
l'amour.
Elle sentit son cœur s'emballer comme des images infiniment sensuelles
défilaient dans son esprit. Nul doute que Reece songeait à la même chose qu'elle,
elle le lisait dans son regard.
— J'ai une folle envie de toi, chérie, reprit-il dans un souffle.
Je ne vais pas pouvoir attendre d'être à la maison...
Elle frissonna sous son regard ardent. Elle était habituée à lire du désir dans
ses yeux mais ce soir, c'était un désir d'un
tout autre genre. Plus intense, plus primitif. Et mille fois plus excitant.
Tout à coup, le reste de l'assemblée se perdit dans le vague, elle ne vit plus que les
yeux de son mari dardés sur elle. Ses lèvres s'ouvrirent légèrement, sa gorge
s'assécha. Elle frissonna.
Un slow sirupeux lui parvint aux oreilles, comme assourdi. Sans mot dire, les
yeux toujours rivés sur elle, Reece l'attira dans ses bras. Lorsqu'il la plaqua
contre son corps tendu par le désir, une vague d'exquises sensations la submergea.
Ses tétons se durcirent sous le satin de sa robe.
Instinctivement, elle noua les mains sur la nuque de son mari et leurs deux corps
s'emboîtèrent avec bonheur.
—Je brûle d'envie de t'embrasser, murmura-t-il en enfouissant
son visage dans ses cheveux.
—Non..., protesta-t-elle d'une voix mal assurée. Non, pas
ici.
—Où, alors ?
Alanna savait pertinemment ce qu'il lui proposait. Il ne s'agissait pas d'un
simple baiser. L'idée qu'ils puissent faire l'amour ailleurs que dans l'intimité de
leur chambre à coucher la précipita dans un doux vertige. Pour avoir visité la
demeure en compagnie d'Holly, elle savait qu'il y avait plusieurs vestiaires au
premier étage, certains bien à l'écart du couloir principal.
La tentation de s'y réfugier avec Reece était grande. Elle en mourait d'envie.
Pourtant, leur vie sexuelle la comblait et elle se sentait parfaitement épanouie. Il la
respectait et prenait soin d'elle avec beaucoup de tendresse. Son comportement ne
risquait-il pas de changer si elle se laissait aller à pareille fantaisie ? Plus que
tout, elle désirait être sa femme et la mère de ses enfants, pas une maîtresse
toujours disposée à satisfaire ses caprices erotiques, n'importe où et n'importe
quand.
Non, elle devait à tout prix résister à la tentation.
— C'est impossible, Reece, déclara-t-elle avec une assu
rance qu'elle était loin d'éprouver. Il faut que j'aide Holly à se
changer.
—Elle est en train de danser et ne semble pas du tout décidée
à aller se changer, fit observer son mari en désignant du menton
le couple déjeunes mariés, tendrement enlacés, qui évoluait sur
la piste. S'il te plaît, Alanna, disparaissons quelques instants.
Après tout, nous sommes mariés, personne ne nous f eprochera
quoi que ce soit...
—Là n'est pas la question, objecta-t-elle. Je suis désolée,
Reece, tu vas devoir attendre que nous rentrions à la maison.
Une frustration intense se lut sur son visage.
— C'est parfaitement idiot. Tu en as autant envie que moi,
ne le nie pas. C'est ce que tu veux, je le sais.
Tandis qu'il argumentait, ses doigts se resserrèrent autour du bras d'Alanna.
Exaspérée, celle-ci se libéra de son étreinte et le foudroya du regard.
— Ne prétends pas savoir ce que je veux, Reece, répliqua-
t-elle d'un ton coupant. J'ai dit non et je ne reviendrai pas sur
ma décision. Je ne sais pas ce que tu as, ce soir, mais ton attitude
ne me plaît pas beaucoup. Maintenant, je vais aller aider Holly.
J'espère que tes manières étranges auront disparu avant notre
retour à la maison ; j'ai hâte de retrouver le gentleman prévenant
et courtois que j'ai épousé !
3.
Le silence tendu qui régnait dans la voiture sur le chemin du retour attisa
l'inquiétude de Reece. Et si Alarma ne voulait pas de lui, ce soir ? Comment
devrait-il interpréter sa réaction ?
Alanna désirait désespérément un bébé. Chaque mois, lorsqu'elle découvrait
qu'il leur faudrait encore se montrer patients, une vive déception s'emparait d'elle.
Elle s'était plongée dans des tas de livres sur le sujet et avait même entouré en
rouge ses jours d'ovulation sur le calendrier de la cuisine. Ce soir ne faisait peut-
être pas partie des jours les plus féconds, mais on s'en approchait. Non, elle ne
se refuserait pas à lui.
L'espace d'un instant, il revit ses beaux yeux verts pétiller d'excitation lorsqu'il
avait suggéré de trouver un endroit tranquille alors que la fête battait son plein.
C'était une Alanna qu'il ne connaissait pas encore, mais qu'il avait déjà hâte de
retrouver. Il aurait aussi aimé qu'elle ne s'enferme plus à double tour dans la salle
de bains quand elle prenait une douche. Qu'elle soit moins pudique, libérée de
certains de ses principes, trop rigides.
Taraudé par un regain de frustration, il faillit la provoquer, la pousser dans ses
retranchements pour chasser l'affreux doute qui s'immisçait en lui.
Est-ce parce que tu veux un bébé que tu m'autorises à te faire l'amour ? avait-il
envie de lui demander sans ambages. Est-ce que tu simules l'orgasme quand tu es
dans mes bras ?
Est-ce que je compte pour toi ou suis-je seulement un moyen pour parvenir à tes
fins ?
A vrai dire, Reece ne la soupçonnait pas de feindre le plaisir quand ils faisaient
l'amour. Cependant, quelque chose sonnait faux chez elle, quelque chose
d'indéfinissable qu'il ne parvenait pas à cerner. Jusqu'à présent, l'idée qu'elle puisse
veiller jalousement sur son jardin secret ne l'avait pas dérangé, mais ce soir, la
situation avait changé. Il voulait en savoir davantage sur Alanna, il voulait qu'elle
lui donne plus, encore plus et, que Dieu lui soit témoin, il était bien décidé à
obtenir ce qu'il voulait !
Le visage tourné vers la vitre côté passager, Alanna se tenait droite comme un i
dans le coupé Mercedes, les deux mains sagement posées sur ses genoux.
Reece était furieux, elle pouvait sentir sa colère. Avec le temps, elle était
passée maître dans l'art de détecter la colère d'un époux... Dieu merci, le
courroux de Reece n'avait aucune commune mesure avec celui de Darko. Combien
de fois avait-elle tremblé de peur lorsque ce dernier s'emportait ?
Ce soir-là, elle n'éprouvait aucune peur mais simplement une profonde
contrariété mêlée à un soupçon de culpabilité.
Elle s'en voulait de l'avoir mis en colère, tout ça parce qu'il s'était montré un
peu trop possessif à son égard. Mike avait raison, au fond. C'était une réaction
typiquement masculine, totalement inoffensive.
Elle aurait dû lui présenter des excuses mais, bizarrement, les mots ne
venaient pas. Reece engagea la voiture dans l'allée qui menait à leur maison et
s'arrêta devant le portail fermé. Machinalement, il appuya sur le boîtier de la
télécommande et tapota le volant en attendant que les portes s'ouvrent.
Au prix d'un effort, elle se tourna vers lui et chercha quelque chose à dire,
n'importe quoi pour briser la tension qui devenait
insupportable. Mais une fois de plus, les mots lui firent défaut et son regard se
posa sur l'imposante façade de leur demeure.
Aux yeux de toutes ses amies, Alanna menait une vie de rêve. Ce n'était pas
entièrement faux : elle habitait une maison somptueuse, conduisait une voiture
luxueuse et possédait une garde-robe griffée des plus grands couturiers.
Mais ce n'étaient pas ces signes extérieurs de richesse matérielle que lui
enviaient ses amies, non. C'était Reece en personne, son très séduisant et très
charismatique époux.
Il fallait bien reconnaître qu'il avait tout du mari idéal, à la fois ambitieux,
enjoué, généreux, cultivé et attentionné. C'était également un merveilleux amant
qui, jusqu'à ce soir en tout cas, s'était toujours montré satisfait de leurs étreintes.
C'était la première fois qu'il désirait autre chose... Un moment de plaisir presque
interdit.
Alanna avait donc tout pour être heureuse, c'était indéniable. Pourtant, tout ce
bonheur ne serait que superficiel si elle ne parvenait pas à avoir d'enfant, songea-
t-elle avec un pincement au cœur.
Lorsqu'elle avait aidé Holly à ôter sa robe de mariée quelques heures plus tôt,
celle-ci lui avait confié qu'elle était enceinte. Malgré la joie sincère qu'elle avait
éprouvée pour son amie, Alanna n'avait pu s'empêcher de ressentir une pointe
d'inquiétude. Trois mois s'étaient écoulés depuis qu'elle avait arrêté de prendre
la pilule et elle n'était toujours pas enceinte. Et si quelque chose n'allait pas chez
elle ? Et si elle ne pouvait plus avoir d'enfant...
Les médecins lui avaient pourtant assuré qu'elle finirait par se remettre du choc
sans avoir à souffrir de lésions irréversibles.
Mais ils s'étaient peut-être trompés. ' — lu as tout de même l'intention
d'entrer, je suppose ?
Les paroles cinglantes de Reece ramenèrent brutalement Alanna à la réalité.
Absorbée dans ses pensées, elle ne s'était
pas rendu compte qu'ils étaient déjà arrivés au garage. Le moteur était coupé et il
la considérait d'un air sombre.
—Oui, bien sûr, répondit-elle en ouvrant sa portière.
Un soupir s'échappa de ses lèvres.
—J'étais juste perdue dans mes pensées.
— Oh... et à quoi pensais-tu ? fit Reece en sortant à son
tour de la voiture.
5.
Alanna emplit sa tasse de café noir. Seigneur, elle aurait mille fois préféré que
Reece ne la suive pas dans la cuisine pour reparler de ce qui s'était passé la nuit
dernière.
Son attitude plutôt glaciale semblait l'avoir déstabilisé — à juste titre, d'ailleurs.
Elle l'avait rejoint sur la terrasse le cœur léger, d'humeur aguicheuse et voici qu'à
présent, elle se rétractait dans un accès de pruderie. N'était-ce pas exaspérant que
Darko, mort et enterré, continue à lui gâcher ainsi la vie ?
L'air se chargea d'électricité. Elle pouvait presque sentir sur sa nuque le regard
perplexe de Reece. « Ma femme est bizarre », songeait-il sans doute en cet instant
précis.
« II n'a pas tort, je suis bizarre », pensa-t-elle en s'emparant de sa tasse pour se
diriger vers l'évier. Bizarre, traumatisée, et sacrement méfiante !
Elle était en train de verser un peu d'eau froide dans sa tasse, regrettant de ne
pouvoir effacer les quelques minutes qui venaient de s'écouler, lorsque les bras de
son mari glissèrent autour de sa taille.
— Oh ! s'écria-t-elle en sursautant.
Quelques gouttes de café s'échappèrent de la tasse pour atterrir dans l'évier.
— Reece, qu'est-ce que tu fabriques, enfin ?
Quelle question idiote... Et complètement superflue car, déjà, les mains de
Reece s'étaient faufilées sous son pull pour caresser sa poitrine dénudée.
— Fais comme si je n'étais pas là, mon amour, susurra-t-il
en titillant ses tétons déjà durcis. Bois ton café, je t'en prie.
Comment diable aurait-elle pu feindre d'ignorer sa présence alors qu'un délicieux
vertige lui faisait tourner la tête ? Un gémissement mourut sur ses lèvres lorsqu'il
saisit fermement ses tétons entre le pouce et l'index.
Cédant à la vague de désir qui montait en elle, elle exhala un long soupir et laissa
retomber sa tête contre l'épaule de son mari. Il abandonna alors ses tétons frémissants
pour lui prendre sa tasse et la poser dans l'évier. Puis il la débarrassa de son pull qu'il
jeta négligemment sur le banc de la cuisine.
—Non, objecta-t-il comme elle faisait mine de se retourner.
Reste où tu es.
—Mais...
—Tais-toi, ma chérie, coupa-t-il en continuant à la désha
biller.
Il déboutonna sonjean et fit glisser sa fermeture Eclair.
— Mais...
De sa main gauche, il la saisit par le menton et tourna son visage juste assez
pour pouvoir capturer sa bouche dans un baiser torride. Quant à son autre main,
elle traça des cercles brûlants sur son ventre avant de se glisser sous l'élastique de
son string. Lorsqu'il délaissa ses lèvres, elle prit appui contre le corps puissant de son
mari, grisée par les sensations exquises que lui procurait sa main droite.
Comme par enchantement, toutes les craintes et les angoisses qui l'avaient assaillie
un moment plus tôt s'étaient volatilisées. A l'évidence, Reece aimait la séductrice
provocante et sensuelle qu'elle s'efforçait tant bien que mal de dissimuler. A vrai
dire, elle aussi s'aimait ainsi...
Comme il était bon de se sentir libérée du passé, enfin, et de pouvoir s'offrir
sans retenue quand son mari lui faisait l'amour !
Ivre de plaisir et de volupté, elle frissonna violemment. Mais elle désirait
davantage. Elle le voulait, lui, pas uniquement ses mains, si expertes soient-elles.
— Reece, articula-t-elle d'une voix sourde.
- Oui ?
—Reece, s'il te plaît... Arrête... Fais-moi l'amour. Je t'en
prie...
—Serais-tu en train de me supplier ?
—Oui... oui, je t'en supplie.
- Ici ?
— Oui. Ici et maintenant.
Saisie d'une frénésie incontrôlable, elle termina de se déshabiller en toute hâte.
Bientôt, elle fut entièrement nue, le visage empourpré, tremblant de tout son
corps.
Lorsqu'elle voulut se retourner, il l'en empêcha et l'obligea à faire face à
l'évier.
— Oh, Reece, soupira-t-elle, comme ses mains glissaient sur
ses fesses avant de s'immiscer entre ses cuisses.
Electrisée par le désir, elle s'arc-bouta, tout entière tendue vers lui. Une
longue plainte s'échappa de ses lèvres lorsqu'il la pénétra, plus fort, plus viril que
jamais. Agrippé à ses hanches, il imprima à leur étreinte un rythme lent,
infiniment sensuel.
Sa tête tournait. Son cœur battait à coups précipités. Elle voulut reprendre son
souffle, en vain. Ses chairs les plus intimes se contractèrent autour de Reece,
irradiées de plaisir.
— Oui, chérie... continue comme ça...
Elle cria sans retenue lorsque l'orgasme l'emporta et cria de nouveau en sentant
Reece la rejoindre l'instant d'après.
C'était ainsi que tout le monde devrait faire l'amour, songeait-elle, l'esprit embrumé
d'une délicieuse torpeur. Un homme et une
femme fusionnant en même temps dans un élan irrésistible de passion et de
spontanéité, libérés de toute inhibition.
Reece avait raison : ils étaient mariés, ils avaient parfaitement le droit de faire
l'amour n'importe où, n'importe quand.
Les bras puissants de son époux l'aidèrent à se redresser et elle exhala un
soupir de pure béatitude en se laissant aller contre lui, encore sous le coup du
merveilleux voyage sensuel qu'ils venaient d'accomplir.
—Ne me cache plus jamais ta véritable nature, Alanna,
murmura Reece en promenant ses doigts sur sa poitrine. Plus
jamais, tu m'entends ? Tu n'as pas le droit de nier ce que tu es :
une femme incroyablement sensuelle qui a besoin de plaisir
pour être heureuse.
—Tu crois ? fit-elle, soudain timide.
—Tu le sais aussi bien que moi.
La sonnerie du téléphone brisa brusquement la tendre intimité qui les
enveloppait.
— On ne répond pas, déclara-t-il d'un ton ferme.
Plusieurs sonneries se succédèrent.
— C'est peut-être important, argua-t-elle. Ta mère n'est pas
au mieux de sa forme, depuis quelque temps. Tu devrais tout
de même aller répondre.
— Tu as raison, marmonna-t-il en relâchant son étreinte.
Avec un soupir, il ferma les pans de son peignoir et noua
la ceinture.
— En tout cas, j'espère que ce n'est pas une de tes amies
qui aurait l'envie saugrenue de t'entraîner dans une expédition
shopping.
Alanna ramassa ses vêtements et s'habilla à la hâte.
— Si c'est le cas, dis-lui que je ne me sens pas bien et que
j'ai décidé de passer la journée au lit, lança-t-elle d'un ton lourd
de sous-entendus.
Il la gratifia d'un sourire ravageur.
— D'accord, fit-il, avant d'aller décrocher le combiné mural.
Reece Diamond à l'appareil.
Elle scruta le visage de son mari, guettant ses réactions.
— Oh, bonjour, Judy, reprit-il d'une voix enjouée.
En entendant le prénom de sa mère, Alanna leva les yeux au ciel.
— Qu'est-ce qui nous vaut le plaisir de votre appel, à cette
heure de la journée ?
La mère d'Alanna avait l'habitude d'appeler en soirée, arguant que les
communications étaient alors meilleur marché. La petite ville provinciale de Cessnock
n'était pas très éloignée de Sydney, mais sa mère avait toujours été très économe.
— Vous êtes bien énigmatique, Judy, fit observer Reece.
Oui, oui, bien sûr... Je comprends. Elle est avec moi, oui. Un
instant, je vous la passe.
Couvrant le combiné du plat de la main, il se tourna vers Alanna.
— Ta mère, articula-t-il à mi-voix. Elle a une grande nouvelle
à t'annoncer. Il paraît que ça ne peut pas attendre.
Elle sentit son estomac se nouer. La dernière fois que sa mère avait eu une nouvelle
urgente à lui annoncer, c'était le jour où son père avait trouvé la mort dans une rixe
qui avait éclaté devant son pub préféré, un vendredi soir. C'était il y a dix ans, peu
de temps après le vingtième anniversaire d'Alanna.
— C'est une bonne ou une mauvaise nouvelle, à ton avis ?
demanda-t-elle à Reece en s'emparant du combiné.
Ce dernier haussa les épaules.
— Elle a l'air plutôt gaie. Et en même temps presque
timide.
Elle fronça les sourcils. Ces qualificatifs ne correspondaient pas du tout à sa mère !
— Allô, maman ? fit-elle avec une pointe d'inquiétude dans
la voix.
6.
7.
Alarma luttait contre la torpeur qui menaçait de l'engloutir. Ses paupières étaient
de plus en plus lourdes, ses pensées s'embrouillaient. Le médecin avait dû lui donner
un somnifère.
Mais elle avait trop peur pour s'endormir. Darko devait traîner dans les parages,
pressé de finir sa sale besogne.
Les yeux rivés sur la porte close, elle luttait de toutes ses forces pour rester
éveillée. S'il entrait, elle hurlerait de toutes ses forces. Sa voix était sa seule arme...
Mais elle ne devait pas dormir pour pouvoir s'en servir.
Le médecin avait bien tenté de la rassurer. Elle ne risquait rien à l'hôpital, lui avait-il
assuré. Mais il ne connaissait pas Darko. Rusé et tenace, elle savait qu'il était capable
de convaincre tout le monde qu'elle avait perdu la raison, et qu'il n'avait rien tenté
contre elle. Puis il la tuerait. D'une manière ou d'une autre. Elle et son bébé.
Son cœur faillit cesser de battre lorsque la poignée de la porte tourna lentement.
Elle ouvrit la bouche, prête à crier... mais la referma aussitôt, soulagée de voir une
infirmière suivie du policier blond qu'elle avait aperçu tout à l'heure en compagnie
du médecin.
Encore sous le coup de la peur, elle laissa échapper un petit sanglot.
L'infirmière se précipita à son chevet, douce et prévenante.
— Ce monsieur va rester auprès de vous, expliqua-t-elle
d'un ton apaisant. Vous n'êtes pas obligée de parler, madame
Diamond, fermez les yeux et reposez-vous.
Alanna leva sur elle un regard interrogateur.
— Comment m'avez-vous appelée ?
L'infirmière esquissa une moue confuse.
—Oh, mon Dieu, j'ai complètement oublié, murmura-
t-elle en jetant un coup d'œil désolé en direction du séduisant
inspecteur.
—Ce n'est rien, fit ce dernier. Ne vous inquiétez pas, je
m'occupe de tout.
—Vous êtes sûr que ça va aller ?
—Sûr et certain.
Reece raccompagna l'infirmière à la porte. Sa décision était prise : étant donné
l'état d'angoisse dans lequel se trouvait Alanna, il valait mieux lui dire la vérité.
Lui expliquer avec diplomatie qu'elle avait perdu une partie de sa mémoire et que
l'ex-mari qu'elle craignait tant était mort. A défaut de régler tous les problèmes liés à
son amnésie partielle, cela apaiserait au moins la terreur qu'il avait lue dans ses
yeux quand ils avaient ouvert la porte.
Oui, contrairement à ce que pensait l'interne, la vérité lui apporterait un
sentiment d'apaisement, Reece n'en doutait pas un instant.
Après avoir fermé la porte de la chambre, il prit une chaise et alla s'asseoir au
chevet d'Alanna. Comme elle était pâle ! La peur assombrissait ses grands yeux
verts et elle semblait extrêmement fragile.
Le doute l'assaillit. Etait-elle prête à entendre la vérité ? D'un autre côté, la
laisser dans l'ignorance eût été encore plus cruel.
— Comment vous sentez-vous ? demanda-t-il à voix basse,
choisissant de la vouvoyer pour ne pas la surprendre.
Malgré sa pâleur et ses cheveux en bataille, elle était bouleversante de beauté.
— Je suis très fatiguée. Dites-moi, que se passe-t-il exacte
ment ? Qu'est-ce que l'infirmière a oublié, tout à l'heure ?
Reece inspira profondément.
—D'abord, permettez-moi de vous rassurer, commença-t-il
avec douceur. Vous êtes hors de danger. Votre mari ne peut plus
rien contre vous.
—II... il est en prison ? demanda-t-elle d'une voix tremblante
en posant sur lui un regard tourmenté.
Il serra les poings, ivre de rage contre cet homme qui avait tant fait souffrir sa
femme.
— Disons qu'il ne peut plus vous importuner.
Alanna secoua la tête, les yeux brillants de larmes.
—Vous dites ça parce que vous ne le connaissez pas. Darko
est très intelligent. Il me retrouvera tôt ou tard.
—C'est impossible, Alanna, fit-il en remarquant son air
surpris lorsqu'il prononça son prénom. Darko est mort.
—Mort..., articula-t-elle d'une voix à peine audible. Darko
est mort...
Elle enfouit son visage entre ses mains et éclata en sanglots.
—Il ne mérite pas que vous pleuriez pour lui, déclara-t-il,
surpris par sa réaction.
—Ce n'est pas pour lui que je pleure, protesta-t-elle entre deux
sanglots. Ce sont des larmes de soulagement, vous comprenez.
. Je suis enfin en sécurité.
Elle joignit les mains sous son menton, comme pour prier.
— Et mon bébé aussi. En sautant de la voiture, je savais
que je prenais un énorme risque. Il conduisait comme un fou.
Il m'a dit qu'il allait foncer dans un poteau pour nous tuer tous
les trois. Il s'était mis dans la tête qu'il n'était pas le père... Oh, je me fichais
bien de mourir mais je ne voulais pas qu'il tue mon bébé.
Le sang de Reece se glaça dans ses veines. Seigneur, il avait oublié le bébé...
Comment réagirait-elle en apprenant qu'il était mort ? Car c'était ce qui avait dû
se passer...
Il comprenait mieux le désir d'enfant de sa femme. L'aura de mystère qui
entourait celle-ci commençait enfin à se Dissiper. Il lui manquait encore quelques
pièces du puzzle, mais elles se mettaient en place peu à peu.
En proie à une grande confusion, il regarda Alanna sécher bravement ses
larmes. L'ombre d'un sourire se posa sur ses lèvres tremblantes.
— Le médecin m'a dit que je n'avais rien de cassé, j'ai juste
une grosse bosse au-dessus de la tempe. J'ai eu une chance
inouïe, n'est-ce pas ? Quand je...
Elle se tut brusquement et le considéra d'un air interrogateur.
— Qu'y a-t-il ? demanda-t-elle à mi-voix, comme si elle
avait perçu son embarras. Est-ce que vous me cachez quelque
chose ?
Reece ne savait que répondre. Pourquoi n'avait-il pas écouté les conseils du
jeune médecin ? Il aurait dû se taire et attendre. Car à présent, il avait la
désagréable impression d'être dans une impasse.
Alanna le détailla longuement avant de reprendre la parole.
—Vous n'êtes pas de la police, n'est-ce pas ?
—Non, avoua-t-il d'un air penaud.
—Mais alors, qui êtes-vous ?
—Je m'appelle Reece. Reece Diamond.
—Diamond..., répéta-t-elle en fronçant les sourcils. Mais...
c'est le nom qu'a utilisé l'infirmière pour s'adresser à moi !
—C'est exact. Vous êtes Mme Diamond.
—Ça n'a aucun sens, voyons ! Je m'appelle Alanna
Malinowski !
—Tu t'appelais ainsi, en effet, Alanna. Mais plus main
tenant.
Elle le fixait d'un air hébété.
—Je... je ne comprends pas.
—lu as été victime d'un accident de voiture ce matin, c'est
vrai. Mais ce n'est pas de cet accident-là que tu te souviens.
Cette fois-ci, tu n'as pas sauté en route. C'est une voiture qui
nous a percutés.
—Nous ? Vous voulez dire... vous et moi ?
—Oui.
—C'est complètement fou. Je ne suis jamais montée en
voiture avec vous, je ne vous connais même pas !
A ces mots, une vive douleur transperça le cœur de Reece.
— C'est l'impression que tu as en ce moment, mais tu me
connais bien, Alanna, et tout va se remettre en place, ajouta-t-il
en espérant de tout son cœur que l'avenir lui donnerait raison,
lu souffres d'amnésie partielle. Le choc que tu as reçu à la tête
semble avoir effacé quelques années de ta vie.
Les yeux de la jeune femme s'arrondirent de stupeur.
—Je devine ce que tu ressens, Alanna. Il fallait que je te
dise la vérité, au moins pour que tu cesses d'avoir peur. Quel
âge as-tu, à ton avis ?
—J'ai vingt-cinq ans, répondit-elle du tac au tac avant de
prendre un air dubitatif. C'est bien ça ?
—Non, Alanna. Tu as trente ans. Et tu n'es plus Mme Darko
Malinowski. Ton premier mari est mort dans un accident de
voiture il y a cinq ans.
—Mon premier mari ?
—Oui. Tu m'as épousé l'an dernier. Tu t'appelles à présent
Mme Diamond. Et je suis Reece Diamond, ton mari.
Alanna cligna des yeux avant de poser sur lui un regard empli de stupeur et
d'angoisse mêlées. A l'évidence, son visage ne lui disait absolument rien.
Une pensée terrible traversa l'esprit de Reece. Et si la mémoire ne lui revenait
jamais ? Comment réagirait-il si elle demandait le divorce ?
— Non, murmura-t-elle d'une voix tremblante. C'est impos
sible. .. Si Darko est vraiment mort, comme vous le pfëtendez...
je ne me serais pas remariée. Jamais de la vie !
La détermination amère de ses propos en disait long sur l'enfer qu'elle avait
dû vivre.
— Vraiment, reprit-elle, c'est impossible. Je n'aurais pas...
Elle se tut brusquement, comme frappée par la foudre.
— Mon bébé ! s'écria-t-elle soudain d'une voix étranglée.
Qu'est-il devenu ?
Reece étouffa un grognement. Il n'avait pas songé à ça un seul instant. Mis au
pied du mur, il inspira avant de se jeter à l'eau.
— Je ne sais pas vraiment, Alanna. Tu ne m'avais jamais
parlé de ce bébé. Nous vérifierons dans ton dossier médical, à
moins que la mémoire te revienne d'ici là... Mais je crains fort
que tu ne l'aies perdu en sautant de voiture.
Le cri qui s'échappa de ses lèvres ressemblait à une plainte d'animal blessé. Ce
fut comme si la douleur qui la submergeait emplissait toute la pièce. Le cœur
serré, Reece se pencha vers elle pour la prendre dans ses bras, mais elle s'écarta
vivement et, roulant sur le côté, se recroquevilla en position fœtale.
— Non... non... non, sanglotait-elle d'une voix brisée.
L'infirmière fit irruption dans la pièce. Foudroyant Reece du
regard, elle se précipita au chevet de sa malade.
— Vous aviez promis de ne rien dire qui puisse la bouleverser,
lança-t-elle d'un ton réprobateur. Sortez de cette chambre, je
vous prie.
—Je suis son mari et je n'ai aucune intention de partir !
—Vous allez pourtant quitter cette pièce, que vous le vouliez
ou non, déclara une voix masculine, posée et catégorique.
Reece se tourna. Agé d'environ trente-cinq ans, l'homme qui venait d'entrer
avait un visage lisse, encadré de cheveux bruns un peu longs. Il avait un regard
très bleu, pénétrant, et portait un jean délavé, une chemise et un blouson de cuir.
— Je suis le Dr Beckham, reprit-il. Le psychiatre de garde.
Mademoiselle, restez auprès de votre patiente, ordonna-t-il à
l'infirmière avant de pointer un index autoritaire sur Reece.
Quant à vous, cher monsieur, veuillez me suivre, je vous prie.
Reece s'exécuta à contrecœur. A peine dans le couloir, il fit face au médecin et,
poings plantés sur les hanches, donna libre cours à son exaspération.
— Je commence à en avoir plus qu'assez des médecins qui
essaient de m'éloigner de ma femme. Ecoutez-moi bien : je ne
rentrerai pas chez moi, je resterai auprès d'elle, que cela vous
plaise ou non ! J'espère que c'est assez clair !
Un sourire empreint d'amusement étira les lèvres du psychiatre.
— C'est plutôt rassurant de rencontrer un mari qui se préoc
cupe à ce point du sort de son épouse. Vous retournerez à son
chevet dès que vous aurez répondu à mes questions. En attendant,
essayez de vous détendre un peu. Le Dr Masur a administré un
sédatif à votre femme, elle ne devrait pas tarder à sombrer dans
un sommeil réparateur. Maintenant, suivez-moi, j'ai quelques
questions à vous poser.
8.
10.
11.
Reece observait Alanna du coin de l'œil. Perdue dans ses pensées, elle jouait
avec le contenu de son assiette sans avaler la moindre bouchée. Elle semblait
pourtant d'humeur légère quand elle l'avait accueilli, un moment plus tôt. Pourquoi
ce brusque revirement ?
— Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il d'un ton posé.
Ils étaient assis face à face dans la cuisine, Alanna ayant
refusé de s'installer dans la salle à manger.
—Non, non, s'empressa-t-elle de répondre en levant les yeux
sur lui. C'est délicieux mais... je n'ai pas très faim.
—C'est ton plat thaïlandais préféré.
—Ah bon ? fit-elle d'un ton absent en promenant sa four
chette dans son assiette.
Il feignit de ne rien remarquer. Après tout, il était normal qu'elle se sente perdue.
Elle ne gardait aucun souvenir des cinq années écoulées et se retrouvait de surcroît
propulsée au cœur d'une sombre époque de sa vie.
— Tu veux un peu de vin ? demanda-t-il en s'emparant de la
bouteille. C'est aussi ton vin préféré. Tu es une inconditionnelle
des vins néo-zélandais.
Alanna porta le verre à ses lèvres et but une gorgée.
— Il est excellent, en effet. Je bois beaucoup d'alcool ?
demanda-t-elle soudain, l'air préoccupé.
Désarçonné par sa question, Reece répondit avec circonspection.
—Disons que tu aimes boire un verre de vin de temps en
temps. Mais je ne t'ai jamais vue ivre, si c'est ce gué tu voulais
savoir. Tout au plus légèrement éméchée, un soir.
—Ah bon ? A quelle occasion ?
—C'était le soir de notre nuit de noces. Nous n'avions jamais
couché ensemble avant ce soir-là, expliqua-t-il en voyant ses
joues s'empourprer. C'est toi qui ne voulais pas. Je comprends
mieux pourquoi, à présent.
Au téléphone, sa belle-mère lui avait confié qu'Alanna n'avait eu aucune liaison
depuis le décès de Darko. Croisant le regard de son épouse, il vit que la gêne avait
cédé le pas à la curiosité.
—C'était comment... Je veux dire, notre première nuit ?
—C'était bien, répondit Reece, délibérément évasif.
En réalité, après bien des caresses et des paroles réconfortantes, Alanna
avait enfin réussi à se détendre un peu, suffisamment en tout cas pour goûter à
l'extase. Après ça, elle s'était endormie.
— Ça ne devait pas être terrible, fit-elle observer en le fixant
avec attention.
—Ça s'est nettement amélioré par la suite.
Elle fronça les sourcils.
—C'est vrai ?
—Pourquoi te mentirais-je ?
Un silence chargé d'électricité les enveloppa. Submergé par une vague de désir,
Reece s'empressa de changer de sujet. C'était beaucoup trop dangereux — et
terriblement frustrant — d'évoquer leur vie sexuelle alors qu'il ne la sentait pas
encore prête à s'offrir à lui.
— Au fait, enchaîna-t-il d'un ton faussement dégagé, j'ai
appelé Natalie Fairlane ce matin. 1\i sais, la directrice d'Une
femme pour la vie. Elle passera demain, vers 10 heures. Je lui
ai expliqué ce qui s'était passé, ne t'inquiète pas. La femme de ménage sera là.
Elle s'appelle Jess. Alanna se rembrunit.
— Est-elle vraiment obligée de venir ? Je peux très bien me
charger du ménage jusqu'à ce que la mémoire me revienne. Ça
m'occupe, tu sais. Décommande-la, Reece, je t'en prie.
Il exhala un soupir.
— Comme tu voudras.
Le soulagement se peignit sur le visage de sa femme.
— Merci. L'idée d'être confrontée à des gens que je suis
censée connaître mais que j'ai oubliés me met profondément
mal à l'aise. A propos, une femme m'a appelée aujourd'hui...
C'était très embarrassant.
Reece haussa les sourcils.
—Qui était-ce ?
—Je n'en ai aucune idée. Apparemment, je vais à la gym
avec elle... Elle a une voix haut perchée et des intonations
plutôt snobs.
—Ah, c'est Lydia. Vous êtes plusieurs à vous retrouver au
club de gym du quartier. Et vous sortez ensemble presque tous
les mercredis soir. J'ai complètement oublié de te prévenir, je
suis désolé. Je suppose qu'elle appelait pour ça.
—En effet.
—Que lui as-tu dit ?
—Rien. J'ai réussi à rester dans le vague en prétextant que
j'avais une migraine. Elle n'a pas eu l'air surprise... D'après
elle, cela m'arrive souvent.
—Je ne dirais pas souvent mais de temps en temps, c'est
vrai.
—Je vois... Cette Lydia, c'est ma meilleure amie ?
Non. Tu n'as pas vraiment de meilleure amie. Ces derniers
temps cependant, tu as beaucoup sympathisé avec Holly
— Holly, répéta Alanna en fronçant les sourcils. Non, ce
nom ne me dit rien non plus. Qui est-ce ?
Reece lui parla d'Holly et du mariage qui avait eu lieu la veille de l'accident. Il lui dit
aussi que Richard et Holly étaient partis en voyage de noces et ne rentreraient que
le mois suivant.
—Je dois ajouter que tu étais absolument ravissante en
demoiselle d'honneur... Cette robe rouge fallait à merveille.
—Oh ! Je l'ai vue tout à l'heure, en inspectant le contenu
de ma garde-robe. C'était ma tenue de demoiselle d'honneur ?
Je comprends mieux pourquoi elle ne ressemble pas aux autres
robes.
—Ce n'est pas vraiment le genre de vêtements que tu portes
d'habitude mais ça fallait divinement bien.
—Oui, j'ai... euh... il semblerait que j'aime les choses un
peu... provocantes.
—J'aime ta façon de t'habiller.
—Darko m'aurait interdit de porter ce genre de vête
ments.
—Je ne suis pas Darko, répliqua Reece, à la fois triste et
furieux contre cet homme qui l'avait ravagée.
—Non, c'est évident, murmura-t-elle en l'enveloppant d'un
regard empli d'admiration et de gratitude mêlées.
En proie à une vive émotion, il lutta de toutes ses forces contre l'envie de la
prendre dans ses bras et de l'embrasser, juste pour la consoler. Son cœur se gonfla
d'amour, irradiant dans tout son être.
— Je ne te ferai jamais de mal, murmura-t-il avec tendresse.
Jamais.
Le regard d'Alanna s'embua.
—J'aimerais tellement me souvenir de toi, articula-t-elle
d'une voix étranglée.
—Ça va venir, ne t'inquiète pas.
— Comment peux-tu dire ça ? s'écria-t-elle en essuyant
ses larmes d'un revers de main. Les médecins se trompent
peut-être...
Reece se força à garder son sang-froid. Elle avait besoin de lui. En aucun cas il ne
devait à son tour céder à la panique.
—Nous aviserons le moment venu, déclara-t-il fermement.
Tout ira bien, fais-moi confiance.
—Ce n'est pas facile pour moi de faire confiance à un
homme.
—Je sais. Et pourtant, tu as appris à le faire. Sinon, tu ne
m'aurais pas épousé.
Un pli songeur barra son front.
—Je suppose que tu as raison.
—Natalie te parlera de l'entretien qu'elle a eu avec toi quand
tu t'es inscrite à l'agence. Elle te dira un peu dans quel état
d'esprit tu te trouvais alors.
—C'est bien ce qui m'inquiète. A la vérité, je ne suis pas
sûre que cette Alanna-là me plaira.
—Je ne vois pas pourquoi tu dis ça.
Une expression tourmentée assombrit le visage de sa femme.
—Elle semble si différente de ce que je suis...
—A quel titre ? Donne-moi des exemples...
—Sa garde-robe, pour commencer. J'ai trouvé dans le
dressing une robe de soirée tout à fait incroyable, à la limite
de la décence.
Reece esquissa un petit sourire.
— Ah oui, la fameuse robe en satin ivoire, c'est ça ? Si ça
peut te rassurer, c'est moi qui te l'ai offerte. Et tu ne l'as mise
qu'une seule fois. C'était un peu exagéré, je le concède, mais
tu la portes divinement bien. Tu sais, la mode a beaucoup
évolué en cinq ans et tu n'es pas la seule à arborer des tenues
provocantes en soirée. Et puis, tu peux te le permettre, tu as un corps
magnifique...
Elle rougit sous son regard pénétrant.
— Darko me trouvait trop maigre.
La mâchoire de Reece se crispa. Il commençait à en avoir assez de ce satané
Darko !
—lu es parfaite, affirma-t-il avec ferveur avant d'enchaîner,
de peur de s'aventurer sur un terrain glissant. Si tu n'as plus
faim, je vais débarrasser et nous préparer un bon café, qu'en
penses-tu ?
—Non, je m'en occupe, protesta-t-elle, lu as travaillé toute
la journée, tu dois être fatigué.
—TU vas y arriver ? Je veux dire, tu ne te souviens peut-être
pas du contenu des placards.
—Je sais où se trouve le café, répliqua Alanna avec une
pointe d'humour dans la voix. C'est la première chose que j'ai
cherchée ce matin.
Il rit de bon cœur.
— Je déconseille à quiconque de t'adresser la parole avant
ton premier café du matin, c'est vrai.
Elle secoua la tête.
—C'est tout de même bizarre. Je n'aimais pas le café avant...
Et maintenant, j'en bois des quantités impressionnantes. C'est
terrible, ce trou noir, ajouta-t-elle d'une petite voix. Je n'arrête
pas de penser et de ressasser. J'ai l'impression de ne plus savoir
qui je suis !
—Essaie de te détendre, je t'en prie. TU es Alanna Diamond,
déclara Reece en glissant de son tabouret. Ma femme.
Sa femme.
Alanna avala sa salive et baissa les yeux, submergée par d'étranges
émotions... Des émotions qui empourpraient ses joues et enflammaient sa peau.
Dès l'instant où il avait franchi le seuil, tenant à la main un joli bouquet de
fleurs, elle s'était sentie différente en sa présence. Plus épanouie. Plus femme, tout
simplement.
Chaque fois qu'elle posait les yeux sur sa bouche, elle l'imaginait en train de
l'embrasser. Chaque fois qu'elle contemplait ses mains, elle l'imaginait en train
de la caresser. Et quand elle n'osait plus le regarder... comme en cet instant
précis... des images beaucoup plus explicites, aussi excitantes que terrifiantes, la
plongeaient dans une profonde confusion. Peut-être s'agissait-il de réminiscences
de scènes déjà vécues. C'était en tout cas ce qu'elle espérait.
« Essaie de te détendre », avait-il conseillé. Comment aurait-elle pu se
détendre alors que son corps vibrait de désir et que des images infiniment
troublantes défilaient dans sa tête dès qu'elle posait les yeux sur lui ? Non, il
fallait qu'elle soit seule si elle voulait un peu de répit. Quitte à inventer un petit
mensonge...
— Je... j'ai un peu mal à la tête, bredouilla-t-elle en risquant
un regard vers lui. Pour de bon, cette fois.
Il fronça les sourcils, l'air inquiet.
—J'espère que ce n'est pas une migraine.
—J'espère aussi. Je prends quelque chose de spécial quand
ça m'arrive ?
—Attends, je vais te donner tes médicaments, fit Reece en se
dirigeant vers un placard encastré au-dessus du réfrigérateur.
Quelques instants plus tard, il posa une boîte de médicaments sur le plan de
travail en granit.
— D'habitude, tu en prends deux et tu vas te coucher dans le
noir. Il t'arrive parfois de prendre un somnifère pour t'endormir
plus rapidement. l\i trouveras la boîte dans le placard de la salle de bains, derrière
le miroir.
— Oui, je l'ai vue tout à l'heure. Je crois que je vais me
passer de café, si ça ne te dérange pas. Je ferais mieux d'aller
me reposer tout de suite.
Reece hocha la tête.
— Ta as raison, n'attends pas que ça s'aggrave. Laisse, je
m'en occupe, ajouta-t-il comme elle commençait à débarrasser
la table. Pourquoi ne prends-tu pas un bon bain chaud avant de
te coucher ? Ça t'aidera peut-être à chasser la tension que tu as
accumulée aujourd'hui.
Elle dissimula sa culpabilité derrière un sourire contrit.
—Oui, c'est une bonne idée. Merci encore, Reece. Pour
tout.
—Tu n'as pas à me remercier, c'est normal.
Et il la gratifia d'un sourire qui lui chavira le cœur. Bouleversée, Alanna ramassa
la boîte de médicaments et quitta la pièce d'un pas pressé. Elle attendit d'être
au pied de l'escalier pour reprendre son souffle et monta les marches quatre à
quatre, pressée d'échapper à la présence magnétique de son époux.
En atteignant la chambre à coucher, elle s'aperçut que son mensonge était en
train de devenir réalité : une douleur martelait ses tempes, sourde et lancinante.
C'était sa punition...
Etouffant un gémissement, elle se dirigea vers la salle de bains, avala deux
antalgiques et se fit couler un bain chaud qu'elle parfuma avec des sels et du
bain moussant.
Une demi-heure plus tard, elle émergea de la grande baignoire ronde. La douleur
avait empiré, chaque geste, chaque pas était un véritable calvaire. En désespoir de
cause, elle prit un somnifère et enfila le pyjama de soie rosé qu'elle avait choisi un
peu plus tôt, estimant que c'était l'ensemble le moins affriolant de tous ses
déshabillés.
Terrassée par une violente migraine, elle se glissa dans le grand lit à
baldaquin. Déjà, ses pensées devenaient confuses sous l'effet du somnifère.
C'était exactement ce dont elle avait besoin : plonger dans un profond sommeil
où rien ni personne ne viendrait la perturber. Tout oublier — vraiment tout, cette
fois —, l'espace de quelques heures.
Un quart d'heure plus tard, le vœu d'Alanna fut exaucé : elle s'endormit enfin
en exhalant un soupir soulagé. f
Hélas, les somnifères n'avaient aucune prise sur le tumulte ultérieur qui l'agitait
: d'affreux cauchemars l'attendaient au cœur de la nuit, des rêves terrifiants, dominés
par le danger qu'incarnait Darko, le chagrin et la déception. Des songes
oppressants qui racontaient la confiance brisée et l'amour trahi.
13.
Reece était couché et s'efforçait de se concentrer sur son livre lorsqu'un cri
perçant déchira le silence.
— Alanna !
Vif comme l'éclair, il bondit hors du lit et se précipita dans la chambre voisine.
Là, il alluma la lumière et courut jusqu'au grand lit.
Recroquevillée au milieu du matelas, elle avait les yeux fermés.
— Non, Darko, s'il te plaît..., gémit-elle d'une voix brisée,
non...
Le cœur de Reece se serra douloureusement. Même mort et enterré, ce monstre
continuait à la torturer... Elle semblait terrorisée et sa petite voix suppliante le
glaça.
Il devait la réveiller. Il devait l'arracher des griffes de ce passé terrifiant et la
rassurer, lui dire que c'était fini, qu'elle ne risquait plus rien, qu'elle était en sécurité
avec lui.
— Alanna, murmura-t-il en la secouant gentiment par les
épaules.
Elle ouvrit grand les yeux et Reece y lut toute la terreur qui l'habitait.
—C'est moi, Reece. Ton mari... Tu te souviens ?
—Reece ? Oh, Reece ! articula-t-elle avant d'enfouir son
visage dans ses mains, secouée de sanglots.
Une bouffée d'amour gonfla le cœur de Reece.
— Tout va bien, chérie, dit-il en s'asseyant auprès d'elle. Tu
n'as absolument rien à craindre.
Comme pour prouver ses dires, il l'enlaça tendrement. L'espace d'un instant, elle se
raidit entre ses bras mais, bien vite, elle se laissa aller contre lui tandis que les
larmes continuaient à couler sur ses joues.
—Reece, balbutia-t-elle en l'enlaçant à son tour. Reece...
—Oui, je suis là. Chut... Ça va aller, murmura-t-il en
caressant ses cheveux.
Combien de temps restèrent-ils ainsi, blottis l'un contre l'autre ? Un quart
d'heure, peut-être plus. Il n'aurait su le dire. Tout comme il n'aurait su dire à quel
moment précis ses caresses et ses mots apaisants se transformèrent en gestes plus
langoureux.
Trop longtemps contenu, tout le désir qu'il éprouvait pour elle était monté en lui
insidieusement, et sans qu'il puisse s'expliquer comment, il se retrouva en train de
l'embrasser. Prudemment d'abord, puis, très vite, avec une passion débordante.
Après un bref moment d'hésitation, Alanna répondit à son baiser avec la même
ardeur et un grisant sentiment de victoire l'envahit. Si elle ne se souvenait pas de lui
consciemment, son corps le faisait. Il le clamait haut et fort tandis que leurs langues
se mêlaient dans un baiser avide.
Elle laissa échapper un gémissement de protestation lorsqu'il abandonna ses lèvres.
Se redressant sur un coude, il plongea dans son regard voilé.
— Alanna, quelques baisers ne me suffiront pas, avoua-t-il
d'une voix rauque. Si tu préfères que nous en restions là, il faut
le dire tout de suite.
Elle ne souffla mot. Ils se contemplèrent un long moment, comme hypnotisés.
Finalement, n'y tenant plus, il reprit la parole.
— Dis quelque chose, je t'en prie.
Il saurait refouler son désir s'il le fallait, il l'aimait trop pour risquer de
l'effrayer. En attendant, chaque seconde écoulée le mettait au supplice.
—Oui, murmura-t-elle enfin sans cesser de le regarder.
Reece retint un grondement de frustration.
—lu préfères que nous arrêtions ?
- Non !
Une onde de chaleur le fit frissonner. Jamais encore il n'avait eu autant envie
d'elle.
— Oh, Alanna, chuchota-t-il en caressant son joli visage
d'une main tremblante.
Sur le point de lui avouer son amour, il se mordit la lèvre. C'était encore trop
tôt. Au lieu de parler, il captura de nouveau sa bouche et l'embrassa avec une
fougue et une tendresse mêlées.
Il brûlait d'envie de lui donner du plaisir, de lui offrir tout son amour sans
avoir à l'exprimer verbalement. Il y avait encore peu de temps, il prenait les
sentiments qu'il éprouvait pour du désir pur. Mais il se trompait, il l'avait
compris depuis. Cette nuit, il lui ferait l'amour avec tout ce qu'il ressentait pour
elle, en espérant de tout son cœur qu'elle connaîtrait le bonheur entre ses bras.
Il releva la tête et rencontra le regard éperdu de son épouse. Sans cesser de la
contempler, il entreprit de déboutonner sa veste de pyjama, guettant le moindre
signe de panique, la moindre protestation.
Au lieu de quoi, Alanna aspira une grande bouffée d'air.
Ses doigts hésitèrent un instant sur le dernier bouton. En écartant enfin les
pans de soie sur sa poitrine frémissante, il retint son souffle. C'était comme s'il
découvrait son corps magnifique pour la première fois. Comme s'il le sentait
vibrer sous ses mains pour la première fois.
Lorsque ses doigts effleurèrent délicatement ses tétons durcis par le désir, il
entendit sa respiration s'accélérer. Elle fixait sur lui ses grands yeux implorants et
ses lèvres entrouvertes l'invitaient à reprendre ses caresses dans une supplique
muette.
Encouragé par sa réaction, il se pencha sur sa poitrine et captura son téton
droit qu'il titilla délicatement du bout de la langue.
Alanna poussa un petit cri en s'arquant contre luif
II releva brièvement les yeux. Cette fois, ses paupières étaient closes, sa tête
rejetée en arrière en signe d'abandon total. Grisé par le désir de sa compagne, il
reporta son attention sur sa poitrine, caressant, taquinant et suçotant jusqu'à ce
qu'elle laisse échapper de longs gémissements de plaisir. Electrisé, il s'efforçait
de rester doux et patient alors même qu'un brasier consumait son corps.
A sa grande surprise, ce fut elle qui manifesta la première son impatience.
Avec des gestes fébriles, elle le débarrassa de son caleçon puis ôta le bas de son
pyjama.
—lu es sûre ? demanda-t-il une dernière fois en achevant
de se déshabiller.
—Oui...
Puis elle s'allongea et, l'agrippant par les épaules, l'invita à venir sur elle. Ils
gémirent à l'unisson lorsqu'ils s'unirent, happés par un tourbillon d'émotions
intenses et médites.
— Ne ferme pas les yeux, pria-t-il d'une voix rauque avant
de bouger lentement en elle.
Dans un soupir, elle plongea ses yeux dans les siens et il vit le plaisir les
assombrir progressivement, tandis qu'ils ondulaient sur un rythme langoureux.
Il gémit en la sentant se resserrer autour de lui, comme un délicieux étau.
— Reece...
Il se figea sur-le-champ, dans l'expectative.
—Non... non, n'arrête pas, implora-t-elle d'une voix entre
coupée.
—Tes désirs sont des ordres. Bouge avec moi maintenant,
laisse-toi aller.
Quelques instants plus tard, elle souleva ses hanches et cria, parcourue par
d'exquises vagues de plaisir. Reece ne tarda pas à lui faire écho. Ses épaules
frémirent, son dos se cambra. Son esprit explosa en même temps que son corps.
Et ce fut à travers les brumes de l'extase, alors qu'ils reprenaient lentement leur
souffle, collés l'un à l'autre, qu'une pensée le traversa, encore plus fulgurante que
ce qu'ils venaient de vivre.
Sur le calendrier de la cuisine, Alarma avait entouré ce jour-là d'un grand cercle
rouge...
Elle ne se souviendrait peut-être jamais de lui. Elle ne l'aimerait peut-être
jamais. Mais elle porterait son bébé.
Reece en avait la certitude.
14.
II était encore trop tôt pour qu'elle confie ses espoirs à Reece. Et puis, elle ne
voulait surtout pas se bercer de fausses joies.
Malgré tout, c'était plus fort qu'elle, comme une conviction intime... Elle avait la
nette sensation qu'un petit miracle s'était produit la nuit dernière.
Instinctivement, ses mains se posèrent sur son ventre.
— Est-ce que tu m'entends, mon bébé ? murmura-t-elle d'une voix nouée par
l'émotion. Oui, je sais que tu es là. Nous allons prendre le ferry et rendre une petite
visite à ton père, continua-t-elle d'un ton léger en regagnant sa chambre. C'est plus
rapide que la voiture. J'espère que tu n'auras pas le mal de mer...
Un sourire espiègle aux lèvres, elle entreprit de se préparer.
15.
C'était étrange, Alarma n'était pas tout à fait comme avant, songea Reece en la
regardant manger de bon appétit. Elle était trop gaie, trop bavarde... Beaucoup
trop expansive.
La femme qu'il avait épousée était discrète. Sûre d'elle, certes, mais pleine de
retenue.
L'amnésie dont elle avait souffert semblait l'avoir transformée. Etait-ce parce que
les tristes souvenirs de son mariage avec Darko l'habitaient encore et qu'elle
s'efforçait de les chasser en prenant justement le contre-pied ?
Elle ignorait à quel point il admirait sa force de caractère, sa détermination
sans faille. Jeter aux oubliettes un passé aussi traumatisant n'avait pas dû être une
mince affaire.
En comparaison, son idylle malheureuse avec Kristine ne représentait pas
grand-chose. Rétrospectivement, il n'avait pas eu de mal à tourner la page. Il en
avait pris pleinement conscience aujourd'hui même, en revoyant son ex-fiancée.
Elle ne manquait tout de même pas de toupet... Ou bien elle était
complètement idiote ! Venir le trouver à son bureau comme ça, à l'improviste,
dans l'espoir qu'il lui tomberait dans les bras en lui pardonnant tout le mal
qu'elle lui avait fait ! C'était incroyable...
Lorsqu'elle avait fait mine de vouloir l'embrasser, sous les yeux d'une Katie
éberluée, il s'était empressé de l'inviter à prendre un café.
Mais la froideur qu'il lui avait témoignée n'avait pas calmé ses ardeurs. Elle lui
avait pris la main alors qu'il essayait de la raisonner et, devant la fermeté de son
étreinte, il avait jugé inutile de protester. En aucun cas il ne voulait causer de scène
en public. Il n'avait éprouvé qu'une seule émotion alors qu'elle lui présentait des
excuses d'une voix implorante : de la stupéfaction. Oui, il était stupéfait de s'être
cru un jour amoureux de cette femme.
Elle avait prétendu l'aimer encore et elle était sûre qu'il éprouvait toujours des
sentiments pour elle, avait-elle ajouté comme pour mieux s'en persuader. En
entendant pareilles inepties, il l'avait remise à sa place en termes clairs et
catégoriques. Kristine avait fondu en larmes.
Dieu merci, Katie l'avait appelé sur son portable à ce moment précis : Alanna
l'attendait dans son bureau. Il était temps de mettre un terme à cette mascarade
presque cocasse. Il lui avait pourtant fallu plusieurs minutes pour prendre congé de
Kristine. Désireux d'éviter un scandale, il avait appelé un taxi et s'était assuré qu'elle
montait bien dedans. Il n'avait aucune envie qu'elle le suive dans son bureau...
Inévitablement, Alanna en tirerait des conclusions aussi hâtives qu'erronées.
La voix de cette dernière le tira de ses réflexions.
—Je ne sais pas quel dessert choisir, murmura-t-elle en
haussant ses épaules délicates.
—Que dirais-tu d'un truc plein de sucre et de beurre ? fit-il
d'un ton taquin.
L'inquiétude voila aussitôt ses grands yeux verts.
—Tu me trouves trop maigre ?
—Pas du tout. Simplement, tu n'es plus toute seule...
L'aurais-tu déjà oublié ?
A son grand soulagement, le visage de son épouse s'éclaira instantanément. C'était
toujours comme ça, avec Alanna. Dès qu'on parlait bébé, elle était heureuse.
—Et si je me trompais..., dit-elle sur un ton soudain
sérieux.
—Ne te mets pas martel en tête, ma chérie. L'espoir est une
très bonne chose.
Pour sa part, il espérait de tout son cœur qu'elle finirait par l'aimer.
Il étouffa un juron en entendant la sonnerie de son portable. Pourquoi ne l'avait-il
pas éteint ? Avec une grimace contrite, il prit l'appareil et le porta à son oreille.
- Oui ?
—Reece, c'est Jake. Excuse-moi de te déranger à l'heure du
déjeuner mais c'est assez urgent. Tu te souviens du terrain sur
la Gold Coast, celui que tu rêves d'acheter depuis pas mal de
temps ? Un ami à moi m'a laissé entendre qu'il allait être mis
en vente sur le marché ce week-end. L'annonce paraîtra dans
le journal de demain. Si tu y vas dès aujourd'hui, tu seras le
premier sur les rangs.
—Aujourd'hui, répéta Reece en croisant le regard
d'Alanna.
—C'est un emplacement unique. En bordure de mer. Le
genre d'affaire qui ne se représente pas deux fois, même dans
le contexte actuel.
—Oui, je sais. Et si je pars demain ?
—Il n'y a pas de vols en début de matinée à destination de
la Gold Coast.
—Je vois.
—Veux-tu que je demande à Katie de te réserver une place
dans le prochain avion ? Avec une voiture de location et une
suite à Coolangatta Court ?
Reece hésitait, tiraillé entre l'envie de rester auprès de sa femme — après tout,
c'était un jour important pour eux, à plus d'un titre — et le désir de conclure au
plus vite une affaire exceptionnelle. En tant que futur père de famille, il se devait
de songer à l'avenir matériel de son foyer. S'il achetait ces terrains, sa famille
serait à l'abri du besoin jusqu'à la fin de ses jours.
—D'accord, dit-il enfin.
—Génial.
Il raccrocha et rangea le téléphone dans sa poche, l'air préoccupé.
— Je suis désolé, ma chérie, mais je dois partir cet après-midi
pour la Gold Coast. Avec un peu de chance, je rentrerai dès
demain... Après-demain si les négociations traînent un peu.
Sur le point de l'inviter à l'accompagner, il se ravisa, fl ne l'avait encore jamais fait.
Alanna n'apprécierait sans doute pas.
—Oh..., murmura-t-elle avec une moue dépitée. Tant pis.
Le devoir t'appelle, je comprends. J'inviterai peut-être ma mère
à venir me voir. Je l'ai appelée, à propos, et je me suis excusée
de n'avoir pas donné de nouvelles plus tôt.
—Ta as bien fait. J'avais peur qu'elle réagisse mal.
—Non, maman est très compréhensive, tu sais. Bon, avec
ce changement de programme, je crois que je vais me passer de
dessert, conclut-elle en reposant la carte sur la table. J'imagine
que tu vas devoir repasser à la maison pour prendre quelques
affaires.
—Je n'aurai pas le temps, hélas. Je partirai avec le sac
de voyage que je garde au bureau. Il faut que je file, Alanna,
ajouta-t-il en faisant signe au serveur pour régler l'addition. Je
vais leur demander de t'appeler un taxi.
—Merci.
Cinq minutes plus tard, Reece la regarda s'éloigner en voiture, envahi par
une soudaine morosité. Ce qu'il appréciait autrefois chez sa femme l'emplissait
à présent d'une intense
frustration. Il aurait aimé qu'elle le questionne sur son emploi du temps, qu'elle
ne soit pas aussi conciliante quand il partait ainsi à l'improviste.
Il aurait pourtant juré que Alanna qui s'était révélée à lui le week-end
dernier... et la nuit passée... aurait insisté pour l'accompagner sur la Gold Coast.
Décidément, son épouse demeurait une véritable énigme pour lui. Voici qu'au
moment où il croyait mieux la connaître, elle lui échappait de nouveau...
Une chose était sûre, en tout cas : il l'aimait. Plus que tout au monde. Et l'idée
de passer une nuit sans elle lui répugnait. Déjà, elle lui manquait.
Un soupir s'échappa de ses lèvres. D conclurait cette fichue vente au plus vite et
serait de retour à Sydney dès le lendemain.
17.
L'angoisse qui tenaillait Alanna devint insupportable au fil des heures. Incapable
de se concentrer sur quoi que ce soit, elle errait comme une âme en peine dans la
grande maison vide. Une pensée obsédante la torturait sans relâche : ce n'était pas
pour conclure une affaire que Reece était parti sur la Gold Coast, non... C'était
pour y rejoindre sa maîtresse, son ex-fiancée, la sulfureuse Kristine.
N'était-ce pas une coïncidence troublante qu'elle les ait surpris ensemble
quelques heures seulement avant que Reece ne soit obligé de s'absenter à
l'improviste ?
La jalousie s'immisçait sournoisement dans ses pensées, tel un serpent
venimeux. Quel sentiment abject ! Parfaitement incontrôlable, hélas...
Elle laissa échapper un gémissement tandis que d'horribles images défilaient dans
son esprit confus. Son mari et cette femme tendrement enlacés dans une chambre
d'hôtel.
Aveuglée par le désespoir, elle courut dans la cuisine, décrocha le téléphone et
enfonça la touche numéro deux. Les numéros de téléphone des meilleurs amis de
Reece étaient programmés dans le répertoire. Richard figurait en première
position et Mike en seconde.
En dansant avec elle le soir du mariage, Mike lui avait laissé entendre qu'elle ne
savait pas tout sur la relation qu'avait entre-
tenue Reece avec Kristine. Eh bien, qu'il le veuille ou non, il lui raconterait
l'histoire de a à z !
Les sonneries se succédèrent. « Mon Dieu, faites qu'il soit chez lui... »
—Mike Stone à l'appareil.
—Mike ! Dieu merci, tu es chez toi !
—Alanna ? C'est toi ?
—Oui... oui, c'est moi. Je...
—tu as retrouvé la mémoire ! coupa Mike d'un ton
enjoué.
Elle esquissa une grimace.
—Reece t'avait mis au courant ?
—Bien sûr. Le pauvre était mort d'inquiétude.
—Vraiment ? fit-elle d'un ton dubitatif. Ecoute, Mike, ce
n'est pas pour ça que je t'appelle, lu te souviens, samedi dernier,
tu as refusé de me raconter ce qui s'était vraiment passé le jour
où Kristine a quitté Reece ?
—Oui, pourquoi ?
—Il faut que tu me dises la vérité, Mike. Il le faut, tu
m'entends ?
—Alanna, je...
—Je crois qu'il est parti avec elle. Avec Kristine.
—Quoi ? C'est impossible.
—Je les ai surpris dans un café en ville, aujourd'hui, et ils
semblaient plutôt intimes. J'étais venue dire à Reece que j'avais
retrouvé la mémoire. Pendant le déjeuner, il a reçu un cqup de
téléphone et le voilà qui m'annonce tout à trac qu'il doit partir sur
la Gold Coast pour régler une affaire urgente et qu'il y restera un
jour ou deux. Désolée, Mike, je ne crois pas aux coïncidences.
Il est toujours amoureux d'elle, n'est-ce pas ?
—Mais non, voyons !
— Raconte-moi ce qui s'est passé le jour de leur rupture.
Il soupira.
—Je t'en prie, insista-t-elle d'une voix implorante. A ton
avis, pour quelle raison m'a-t-il épousée ? TU es l'un de ses
meilleurs amis, tu dois être au courant.
—Bon sang, c'est du passé, tout ça. Les choses ont changé
depuis. Reece a changé.
—Je t'en prie, Mike, arrête de vouloir le protéger. Dis-
moi la vérité, je suis prête à l'entendre. Je ne supporte pas le
mensonge.
Un silence gêné accueillit ses paroles.
—S'il te plaît, Mike.
—Bon, d'accord, accepta-t-il enfin en exhalant un soupir
résigné. Mais je continue de penser que tu fais fausse route.
Et il lui raconta... Comment Kristine avait fait l'amour à Reece ce jour-là,
pendant plusieurs heures, semblant vouloir assouvir tous ses fantasmes. Ensuite, elle
s'était levée et, dardant sur lui un regard lourd de mépris, elle lui avait froidement
annoncé qu'elle le quittait. Quand il serait seul dans son grand lit, avait-elle ajouté
d'un ton sarcastique, il aurait tout le loisir de l'imaginer dans les bras de son nouvel
amant, en train de faire l'amour avec la même ardeur, la même fougue qu'elle lui
avait témoignées ce jour-là.
En se dirigeant vers la porte, la tête haute, le regard hautain, elle avait simplement
ajouté qu'elle l'aimait encore.
—Pourquoi l'a-t-elle quitté si elle l'aimait ? demanda Alanna,
en proie à des émotions contradictoires.
—Pour une histoire d'argent. Reece refusait de vendre
l'immense terrain dans lequel il avait placé tout son argent. Les
taux d'intérêt le saignaient à blanc. Il aurait pu vendre, à perte,
bien sûr... Mais il ne voulait rien entendre. Il savait que ces
terrains se vendraient une petite fortune d'ici un an ou deux. En
attendant, il était prêt à se serrer la ceinture. Mais pas Kristine.
C'est une femme vénale, seul l'argent l'intéresse. Si elle s'était
montrée plus patiente, elle aurait eu tout ce qu'elle voulait... Reece et sa fortune.
—Je vois. Pourquoi m'a-t-il épousée ? insista Alanna, partagée
entre la curiosité et l'appréhension.
—Au début, sans doute un peu pour se venger de Kristine.
Il voulait lui montrer qu'il avait tourné la page, que leur histoire
était bel et bien terminée. Au fond de lui, je crois qu'il désirait
la rendre jalouse. Il voulait lui rendre la monnaie de s"à pièce,
en quelque sorte.
—Jalouse ? répéta Alanna, perplexe.
—Tu es une femme extrêmement séduisante, Alanna.
Kristine ne t'arrive pas à la cheville. Reece espérait blesser
son amour-propre en montrant à la face du monde qu'il avait
épousé une sublime créature, qu'il n'avait pas besoin d'elle
pour être heureux.
Alanna sentit son cœur chavirer. Ainsi, c'était pour cette raison qu'il tenait à ce
qu'elle porte des vêtements sexy. Elle comprenait mieux désormais pourquoi il se
réjouissait chaque fois que des magazines publiaient des photos d'eux, prises sur le
vif au cours de brillantes soirées.
Toute cette mise en scène, dans le seul but de narguer Kristine...
—Je suis sûr qu'il a changé depuis le début de votre mariage,
s'empressa d'ajouter Mike. Tu te souviens de son accès de jalousie
quand nous avons dansé ensemble, l'autre soir ? Il se moque
de Kristine, elle n'existe plus pour lui, j'en mettrais ma main
à couper. Ecoute, Alanna, je vais l'appeler sur son portable, tu
veux ? Je lui parlerai de tes...
—Non, coupa sèchement Alanna. Non, Mike, je t'en prie,
ne fais pas ça. Ce sont mes affaires, je tiens à les régler seule.
Promets-moi de ne pas t'en mêler.
—Mais...
—Promets-le-moi !
— Seigneur, je ne te connaissais pas ce ton de combattante,
fit Mike, qui semblait hésiter.
En cet instant précis, elle se sentait pourtant davantage l'âme d'une victime que
celle d'une combattante... Tant pis, elle irait jusqu'au bout de ses résolutions,
c'était une question de survie. Elle serait incapable de vivre de nouveau avec la
peur au ventre et encore moins avec cette jalousie qui lui tordait le cœur et
assombrissait son esprit. Elle préférait connaître la vérité, même si celle-ci ne lui
apportait pas le soulagement espéré.
Il était grand temps de réagir.
—Au revoir, Mike.
—Avant de partir, promets-moi quelque chose, toi aussi.
—Quoi donc ?
—Appelle-moi dès que tu auras compris que tu t'es
trompée.
18.
Alanguie dans les bras de Reece, Alanna savourait l'instant présent. Jamais elle
n'aurait cru qu'un tel bonheur fût possible. On y goûtait une fois dans sa vie, c'était
certain. Encore fallait-il rencontrer un homme aussi extraordinaire que Reece...
Un sourire béat éclaira son visage.
—Reece, chuchota-t-elle.
- Oui ?
—J'ai un coup de fil à passer.
—Maintenant ? A cette heure-ci ?
—Oui.
—A qui ?
—A Mike.
- Mike ?
—Chut... N'oublie pas que nous nous aimons et que nous
nous vouons une confiance totale. Nous n'avons donc aucune
raison d'être jaloux. J'ai quelque chose à lui dire, je lui avais
promis. Tu n'as qu'à écouter.
—D'accord, d'accord, maugréa Reece en attrapant son
téléphone portable.
Il enfonça quelques touches avant de lui passer l'appareil.
—Tiens, ça sonne chez lui.
—Mike Stone. J'espère pour vous que c'est important, débita
ce dernier d'un ton impatient. Il est tard et j'étais en train de
travailler.
—C'est important, déclara Alanna sans se démonter. Tu avais
raison et j'avais tort. Reece n'est plus amoureux de Kristine.
Il m'aime autant que je l'aime. Et maintenant, retourne au
travail.
—Et toi, retourne à tes occupations... Quelles qu'elles soient,
rétorqua Mike avec un petit rire entendu.
—Oh, oui, susurra Alanna en rendant le téléphone à
Reece.
Leurs regards se nouèrent, lourds de désir.
— J'en ai bien l'intention...
Épilogue