La Culture Au Coeur Des Apprentissages
La Culture Au Coeur Des Apprentissages
La Culture Au Coeur Des Apprentissages
Marie-Françoise Olivier
La culture au cœur
des apprentissages
Un nouveau projet pour l’école :
stratégie culturelle
et territoire apprenant
Direction éditoriale : Sophie Courault
Édition : Sylvie Lejour
Coordination éditoriale : Maud Taïeb
Correction : Anne Rémond
Composition : Maryse Claisse
*
**
Voir la liste des titres disponibles dans la collection « Pédagogies »
sur le site www.esf-editeur.fr
Remerciements
N ous tenons à remercier tous ceux qui nous ont aidés et particulièrement nos
interlocuteurs lors des entretiens qui ont apporté des éclairages essentiels à
notre réflexion. Nous remercions notamment Jean-Marc Autem, Laurent Bachler,
Pierre Badaroux, Anne Barrère, Renée-Paule Blochet, Pierre Boutin, Jacques
Braizaz-Latille, Jean-Charles Brunet, Thierry Houyel, Patrick Mignolas, Étienne
Ragot.
Ce livre n’aurait pas pu voir le jour sans la confiance, les encouragements et la
patience de Philippe Meirieu, professeur d’université.
Table des matières
Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Première partie
Culture et éducation, un mariage de raison ?
1. L’improbable rencontre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
L’approche de l’éducation que nous retenons. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
L’approche de la culture que nous retenons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Définir la culture dans la stratégie culturelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Culture et éducation, une difficile rencontre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
L’école, une institution culturelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
La culture populaire : l’exemple finlandais. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Deuxième partie
Une stratégie culturelle à travers trois espaces
et en neuf principes
1. Premier espace : les contenus d’éducation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
Principe 1. Réifier et partager la culture : ce « pâle objet du désir » . . . . . 43
Principe 2. Construire ensemble : l’insoutenable légèreté du projet. . . . . 53
Principe 3. Développer les compétences par la culture :
culture, socle et autres curiosités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
5
La culture au cœur des apprentissages
Troisième partie
Un territoire pour apprendre
ou comment construire des parcours culturels
1. Les valeurs fondamentales du projet. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
De l’égalité des chances à l’égalité des droits. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
Liberté de choix. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
L’ouverture comme valeur : l’extérieur comme enrichissement,
la coconstruction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
La créativité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209
6
Introduction
1. Perrenoud Ph., Le rôle pédagogique des chefs d’établissements, université de Genève, 2009.
7
La culture au cœur des apprentissages
Notre ouvrage nous a appris la rigueur, cette rigueur à plonger dans des textes
sources fondateurs de la pensée, à la découverte de ces écrits qui ont nourri
notre propos. Rigueur aussi de notre conviction qui, au fil de ces deux années de
réflexion et d’expérimentation, s’est affirmée.
Un cheminement vers une utopie, celle qui refuse le réalisme sans avenir de
ce mille-feuille d’une école statique. Nous avons choisi d’être ambitieux et de
mettre en tension l’éducation et la culture, afin de repenser l’existant selon une
logique d’économie et de simplification. Ce bien commun doit être partagé avec
l’ensemble des acteurs de l’éducation. Cet espace conjoint que nous avons large-
ment interrogé et expérimenté est devenu le point de rencontre entre l’intérieur
(l’école) et l’extérieur (le territoire), afin de « faire reculer l’espace2 ». Reprendre
ainsi cette belle idée de Bachelard, celle d’une poétique de l’espace, dans une
perspective qui prendrait en compte l’ensemble des espaces, des temporalités
et des acteurs dans une construction commune. L’humain doit être au cœur de
l’activité. Nous affirmons et revendiquons une école vivante !
Nous proposons un nouveau paradigme organisationnel, en trois espaces
et neuf principes. Nous présentons un processus, sous la forme d’un ensemble
de clés, de logiques pour décaler le regard et donner du sens au parcours
d’apprentissage de l’élève. C’est à cette entreprise de recherche de sens
qu’espère contribuer cet ouvrage, en prenant comme élément principal la
culture. Il peut, à ce titre, permettre à l’ensemble des partenaires éducatifs de
trouver des outils, mais aussi les inciter à imaginer une nouvelle approche de
l’école en inscrivant la culture comme stratégie de pilotage au service de la
construction de parcours pour les élèves.
Comme Gide, nous disant son émerveillement lorsqu’il « tournait le kaléi
doscope doucement, admirant la lente modification de la rosace. Parfois
l’insensible déplacement d’un des éléments entraînait des conséquences boule-
versantes3 », nous proposons aussi de décaler le regard. Une sorte de kaléidos-
cope pour aider les acteurs de l’école à composer ces nouvelles histoires, ces
nouvelles images, pour de nouveaux parcours éducatifs, dans ces trois espaces,
avec ces neuf principes. Comme l’affirmait encore cet auteur, « il est bien des
choses qui ne paraissent impossibles tant qu’on ne les a pas tentées4 ».
Afin de mettre en œuvre notre paradigme, il nous faut d’abord comprendre
les éléments qui sont en jeu, leur articulation et leur perspective. C’est pourquoi
cet ouvrage comprend trois parties :
8
Introduction
• La première partie va explorer d’un point de vue théorique les éléments dont
nous nous sommes emparés, que sont la culture, l’éducation, le pilotage,
pour en arriver à ce que nous nommons la stratégie culturelle.
• La deuxième partie présentera les neuf principes, organisés en trois espaces.
Chacun de ces principes sera exploré sous différentes entrées : d’abord, en
dialogue avec un acteur associé, ensuite, d’un point de vue théorique. Nous
exposerons, pour achever cette présentation, notre mise en œuvre concrète
et les outils que nous proposons.
• La troisième partie s’articulera autour des valeurs fondamentales qui ont
nourri notre travail, envisageant le parcours culturel de l’élève par les
éléments de sa typologie, sa construction et ses différentes étapes. Pour
terminer, nous garderons le concept de territoire apprenant.
Nous invitons donc le lecteur à une plongée dans ce processus qui fait se
rencontrer la culture et l’éducation, au cœur de la stratégie culturelle.
9
Première partie
Culture
et éducation,
un mariage
de raison ?
1. http://alain.kerlan.pagesperso-orange.fr/INDIVIDU_ET_SOCIETE_MR2.htm.
13
La culture au cœur des apprentissages
2. Code de l’éducation, article L. 111-1, modifié par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006, art. 1,
JORF, 2 avril 2006.
3. http://cache.media.eduscol.education.fr/file/dossiers/07/1/2013_EnseignementScolaire
France_244071.pdf.
4. Charlot B., Les sciences de l’éducation, Un enjeu, un défi, ESF éditeur, 1995.
14
L’improbable rencontre
5. Tylor E. B., La civilisation primitive, volume 2, traduction Barbier E., C. Reinwald et Cie, 1876-
1878.
15
La culture au cœur des apprentissages
6. Forquin J.-C., École et culture, Le point de vue des sociologues britanniques, De Boeck, 1996.
7. Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques
culturelles, Mexico City, 26 juillet-6 août 1982.
8. Arendt H., La crise de la culture, Folio essais, 2010.
9. Caune J., La démocratisation culturelle, Une médiation à bout de souffle, PUG, 2006.
16
L’improbable rencontre
Dans la stratégie culturelle, la culture ne peut être réduite au seul volet artis-
tique et culturel. Elle y occupe une autre place, une place plus centrale, plus
intimement liée au fonctionnement de l’établissement et à l’acte d’éduquer. La
culture est en résonance avec d’autres éléments, comme par exemple les disci-
plines scolaires, qu’elle vient en quelque sorte compléter, améliorer, enrichir.
L’ensemble des disciplines scolaires possède un fondement culturel, elles sont
17
La culture au cœur des apprentissages
toutes issues d’un questionnement sur le monde ; c’est cette approche anthro-
pologique de la culture qu’il nous semble important de favoriser. Comme le dit
Philippe Meirieu, « il ne s’agit pas ici de la culture-programme, recueil de vestiges
périmés dont la connaissance allusive permet de se distinguer dans le champ
social13 », mais nous parlons bien ici d’une culture qui va permettre à l’enfant de
comprendre, d’interroger le monde, des ressources qu’il pourra aller puiser dans
des savoirs scolaires, mais aussi dans des œuvres qu’elles soient plastiques,
littéraires ou musicales, des démarches collectives profondément humaines. La
culture est au centre, au cœur même de cet acte d’éduquer. Il y a donc une diffé-
rence fondamentale avec le volet artistique et culturel qui n’est, en fait, qu’un
catalogue d’actions.
Nous partageons ainsi la notion de culture aux côtés de Bernard Charlot,
par cette réponse au triptyque sur l’éducation : « L’éducation est culture14. »
L’éducation est culture, parce que l’éducation est « humanisation » ; elle permet
l’entrée dans un univers de signes, de symboles, elle permet ainsi la construction
du sens. L’éducation est culture parce qu’elle est « socialisation », « parce que
personne ne peut s’approprier le patrimoine dans son intégralité et que forcé-
ment on va entrer dans un groupe de culture ». L’éducation est culture parce
qu’elle est « singularisation » car elle est « un mouvement par lequel je me cultive,
j’entre dans la culture, ma propre culture, je deviens singulier, je me nourris aussi
par la culture des autres ».
Nous choisissons une approche de la culture plus large et globalisante que la
culture élitiste souvent mise en avant. Nous prenons un exemple courant dans le
cadre d’un séjour à l’étranger, en l’occurrence à Istanbul. L’enseignant construira
certainement son cheminement autour de grands lieux historiques et patrimo-
niaux et étudiera la Mosquée bleue, la cathédrale Sainte-Sophie et le palais de
Topkapi. Ces références ne sont pas oubliées mais Istanbul ne peut se résumer
à ce patrimoine historique classé. Istanbul est aussi une ville vivante, composée
certes d’édifices prestigieux mais tout autant d’habitants. Ainsi, un Français
pourrait-il trouver satisfaisant qu’un étranger pense comprendre la France et la
culture française en venant à Paris visiter la tour Eiffel, le Louvre et le musée de
Cluny ? Peut-on réduire une société, un pays à ses seuls monuments patrimoniaux
et à la symbolique que l’époque leur donne ?
Traditionnellement, le professeur étudiera la Mosquée bleue (ou Sultanahmet
Camii) selon plusieurs entrées : patrimoine, histoire ou histoire des arts. Cette
approche, pour intéressante qu’elle soit, n’est pas suffisante dans le cadre d’un
13. Meirieu Ph., Pédagogie : des lieux communs aux concepts clés, ESF éditeur, 2013.
14. Charlot B., Conférences générales du premier Forum mondial de l’éducation de Porto Alegre,
conférence faite en portugais le 26 octobre 2001.
18
L’improbable rencontre
projet éducatif car trop limitative, trop réductrice selon des schémas scolaires.
Dans le cadre de notre approche culturelle, l’enseignant pourra travailler avec ses
élèves sur d’autres dimensions comme dans l’exemple suivant. Celui-ci croise les
domaines les plus classiques de l’approche culturelle, la Corne d’Or et ses réfé-
rences antiques, avec des domaines contemporains comme celui des migrations
internationales ou le rapport au travail et à l’activité économique d’une société.
Les domaines architecturaux et graphiques viennent compléter ce panorama.
Cela n’est qu’un exemple volontairement emprunté au registre classique d’une
action scolaire. Il veut simplement illustrer l’immensité des axes, pistes, possibles
autour de l’entrée culturelle.
1 2
3
4
19
La culture au cœur des apprentissages
L’approche culturelle que nous retenons est celle de la vie sous toutes ses
formes. Elle intègre le territoire, les habitants avec leur histoire, leur présent et
leur futur. Les éléments naturels se combinent avec les construits en relation avec
les modes de vie et l’organisation sociétale. En aucune façon l’approche patrimo-
niale ne peut répondre seule à ces interrogations.
Définissant un nouvel espace de coconstruction favorisant le changement, la
stratégie culturelle est un paradigme organisationnel. Nous proposons un retour-
nement de la place de la culture : nous n’attendons pas des effets improbables,
ou peu perceptibles, sur telle ou telle discipline ; nous dépassons la culture
émotion car actée pour tous : nous allons plus loin tout en préservant tout ce qui
a été fait avant, nous le validons, comme l’ouverture culturelle, la place pour les
disciplines artistiques. Nous repensons l’école par le prisme du pilotage éducatif
et de sa stratégie culturelle. La culture n’apparaît alors plus comme une « cerise
sur le gâteau15 » mais comme la substance même de l’acte éducatif.
15 . Olivier M.-F., Delavet T., « La culture n’est pas la cerise sur le gâteau », Cahiers pédagogiques,
n° 496, mars-avril 2012, p. 64.
20
L’improbable rencontre
16. Morin E., La méthode, Éthique (t. 6), nouvelle édition, collection « Points », Le Seuil, 2006.
17 Develay M., « L’école, les savoirs et la culture comme principe de régulation du système
scolaire », colloque « Des savoirs pour un monde solidaire », Vénissieux, 2004.
21
La culture au cœur des apprentissages
psychiques, des êtres sociaux, des êtres historiques, des êtres dans une société
vivant en économie d’échanges, etc.18 ». Nous apercevons ainsi la place primor-
diale que pourrait entretenir la culture comme fondement de l’ensemble des disci-
plines scolaires. Toute discipline est de ce fait un construit culturel, une réponse
à une grande question posée à la société et qui a permis de développer des outils
que nous retrouvons dans ces disciplines.
18. Communication au Congrès international « Quelle université pour demain ? Vers une évolu-
tion transdisciplinaire de l’université » (Locarno, Suisse, 30 avril-2 mai 1997) ; texte publié dans
Motivation, n° 24, 1997.
19. Forquin J.-C., op. cit.
20. Simard D., Repères pour une école culturelle, www.ordp.vsnet.ch/fr/resonance/2002/
octobre/Simard.htm.
22
L’improbable rencontre
Enseignant : Savoirs :
un médiateur culturel des construits culturels
Organise le dialogue entre • Des langages pour
l’élève et l’héritage culturel comprendre le monde
(les disciplines et leur • Des outils au service
fondement culturel) du projet personnel
• Une mise en culture
de chaque discipline
23
La culture au cœur des apprentissages
24
L’improbable rencontre
22. Robert P., La Finlande : un modèle éducatif pour la France. Les secrets de la réussite, ESF éditeur,
2008, collection « Pédagogies ».
25
La culture au cœur des apprentissages
26
2
La stratégie culturelle, une surprise
Existe-t-il un pilote ?
Dans l’enseignement français, les pilotes de terrain, de proximité, à savoir les
inspecteurs de l’Éducation nationale et les chefs d’établissement, sont recrutés
dans le vivier des professeurs dans leur très grande majorité et sur l’a priori de
leurs compétences professionnelles passées. Les compétences en question sont
professorales et non managériales. Les choix opérés lors des concours de recru-
tement viennent bien évidemment préciser le tableau mais, au final, les qualités
professionnelles qui seront indispensables ne sont que fort peu connues et diffi-
cilement appréciées. Dans ces conditions, quel chef d’établissement, quel inspec-
teur de l’Éducation nationale (IEN) est réellement formé au management ? Lequel
possède cette vision indispensable à la définition d’une politique d’établissement
ou de circonscription ?
Le système bureaucratique que nous connaissons se positionne en affichant
les valeurs de la République sans bien se demander comment les mettre en œuvre
et surtout par quelle approche ou quelle stratégie. Si, à l’évidence, « la notion de
27
La culture au cœur des apprentissages
“pilotage pédagogique” n’est pas sans ambiguïté, on saisit bien qu’elle s’oppose
à un pilotage purement gestionnaire ou administratif 1 ». Le pilotage pédagogique
relèvera donc de pratiques d’encadrement, d’accompagnement des professeurs
dans leur interaction avec les élèves.
28
La stratégie culturelle, une surprise
29
La culture au cœur des apprentissages
30
La stratégie culturelle, une surprise
31
La culture au cœur des apprentissages
Dans les établissements et les écoles, il est également bien difficile d’enga-
ger une réflexion et de la mettre en œuvre car l’autonomie dont sont dotés les
collèges et les lycées s’exerce dans un cadre assez strict. Exercer cette autonomie
implique de développer une réflexion, une analyse de la situation locale, puis de
faire des propositions qui peuvent être refusées par les lignes hiérarchiques, de
s’engager sur des résultats… Le détachement est bien plus confortable, surtout si
on le complète par un conformisme à la doxa éducative au sens d’une représen-
tation d’« un rapport imaginaire des individus à leurs conditions d’existence10 ».
Le concept de stratégie
Formalisée au xviie siècle par Pascal, la notion actuelle de stratégie trouve
son origine dans la théorie des jeux. La création de modèles mathématiques au
xxe siècle et leur développement grâce à l’informatique permettent d’analyser les
comportements des différents acteurs inscrits dans des jeux. Historiquement, la
stratégie est associée à l’art militaire de Sun Tzu12 à Clausewitz13, définie comme
la capacité de faire évoluer ses choix selon les réponses de l’adversaire ; le tout
s’opposant à la notion de tactique beaucoup plus simple, beaucoup plus immé-
diate qui se met en œuvre dans une projection temporelle restreinte. La notion
de stratégie trouve également son origine dans les théories économiques, par
exemple chez Hobbes14 : il met en avant le rôle de l’État, seul capable d’équilibrer
les logiques individuelles qui incitent chaque individu à ne jouer que dans son
intérêt propre au détriment de tous les autres.
32
La stratégie culturelle, une surprise
15. Polybe, Livre XXXVIII, IV, La chute de Carthage, 21 et 22, cité par Gérard Chaliand, Anthologie
mondiale de la stratégie, Des origines au nucléaire, collection « Bouquins », Robert Laffont, 1990.
16. Kuhn T. S., La tension essentielle, Tradition et changement dans les sciences, Gallimard, 1990.
33
La culture au cœur des apprentissages
Stratégie et opportunité
Le positionnement de l’opportunité au sein d’une démarche stratégique inter-
pelle. Schumpeter évoque déjà en 1911 la « destruction créatrice » dans laquelle
l’irruption de nouveaux produits, considérés comme des opportunités, vectrice
de désordre, ne peut être contrée que par une dynamique entrepreneuriale.
Dans notre stratégie, l’opportunité prend une place primordiale, à l’opposé d’une
vision linéaire du temps, comme instants essentiels « suspendus entre deux
néants17 ». La stratégie rencontre alors l’opportunité, elle crée les conditions de
sa venue afin que « la force du temps se condense dans l’instant novateur où la
vue se dessille18 », comme l’écrit Gaston Bachelard. Il s’agit alors de construire les
conditions de sa venue par une structuration organisationnelle et des intentions
clairement affirmées.
La stratégie culturelle n’est pas seulement une réponse ponctuelle à un
problème rencontré dans un établissement, mais bien une approche globale et
argumentée qui permet de définir un paradigme organisationnel pour l’école,
fondé sur la culture. Quand un problème apparaît comme insurmontable pour une
entité, il convient de reconsidérer le fondement même de l’organisation et non de
tenter de l’améliorer à la marge, avec les méthodologies passées ; sinon, aucune
solution véritable n’émergera. La stratégie culturelle est en ce sens une approche
stratégique de l’organisation que l’on appelle éducation car elle positionne autre-
ment des éléments fondamentaux. Ces éléments fondamentaux sont la place de
la culture comme substrat éducatif, le rôle de l’ensemble des acteurs (les profes-
seurs, le chef d’établissement, les inspecteurs pédagogiques), le contexte (le
territoire, les partenaires) et les objectifs de l’école.
34
La stratégie culturelle, une surprise
35
La culture au cœur des apprentissages
36
La stratégie culturelle, une surprise
Éducation
Les élèves
Financement
Prestation,
intervenant Territoire
Visite
Musée...
Financement
Culture
Sa/ses populations
Établissement :
école/EPLE
Leadership Parcours
Démarche qualité enseignants
Organisation Éducation
apprenante
Les élèves
Contexte
Alternance
Continuité
Partenariat
commune
Culture
Temporalités ISOMORPHISME
Territorialisation
Culture
Contenu Sa/ses populations
Parcours
Compétences
élèves
Culture :
un objet éducatif
Projet commun
Créativité Respect Éducabilité
37
La culture au cœur des apprentissages
38
La stratégie culturelle, une surprise
approche par le sens. Ce paradigme s’appuie sur des valeurs définies à la fois
dans le substrat du modèle et dans les objectifs structurants de ce même modèle :
l’ambition au service des élèves, une égalité des chances plutôt que des moyens,
la construction de la liberté de choix pour les élèves.
Ces éléments théoriques, associés à l’observation en Finlande, nous ont
permis d’envisager et de proposer un système pour piloter l’école par la culture,
par la mise en œuvre de la « stratégie culturelle », organisée en trois espaces et
neuf principes.
39
Deuxième partie
Une stratégie
culturelle à travers
trois espaces et
en neuf principes
42
1
Premier espace :
les contenus d’éducation
43
La culture au cœur des apprentissages
toutes ses références artistiques et culturelles est un bon exemple de cette utili-
sation. L’objet culturel peut devenir aussi un « leurre pédagogique » pour motiver
les élèves ; la visite d’un lieu patrimonial pour aborder une période historique est
un exemple souvent proposé. Dans ces mises en œuvre, l’objet culturel étudié
reste trop souvent un élément « récréatif » pour les élèves et ne répond pas à la
mission première de l’école, celle d’éduquer et de donner du sens aux apprentis-
sages. L’approche d’un professeur et d’une action ne permet pas de sortir de ce
type de fonctionnement scolaire classique.
La culture ne peut se résumer à ce « pâle objet du désir » inaccessible et
inassouvi par définition chez un enseignant. Dans ce cas, elle permettrait seule-
ment de satisfaire les derniers niveaux d’aspiration décrits par Maslow dans son
modèle théorique sur la motivation. Si la culture ne doit pas avoir comme objec-
tif la satisfaction des besoins professoraux, elle peut se mettre au service des
élèves ; alors l’objet partagé deviendra par un retournement l’objet du désir qu’il
nous faudra éclairer et enrichir.
44
Premier espace : les contenus d’éducation
45
La culture au cœur des apprentissages
3. www.musee-orsay.fr.
4. Cruz F., Angelin Preljoca, Topologie de l’invisible, éditions Naïve, 2008.
5. Dumont F., Le lieu de l’homme, La culture comme distance et mémoire, éditions Hurtubise-HMH,
1968.
46
Premier espace : les contenus d’éducation
47
La culture au cœur des apprentissages
8. Barrère A., L’éducation buissonnière. Quand les adolescents se forment par eux-mêmes, Armand
Colin, 2011.
9. Simard D., Falardeau É., Émery-Bruneau J. et Côté H., « En amont d’une approche culturelle de
l’enseignement : le rapport à la culture », Revue des sciences de l’éducation, vol. 33, n° 2, 2007,
p. 287-304, http://id.erudit.org/iderudit/017877ar.
10. Develay M., L’école, les savoirs et la culture comme principe de régulation dans le système
scolaire, 2004, www.pedagopsy.eu/develay.htm.
48
Premier espace : les contenus d’éducation
Comment ?
Nous avons mis en œuvre un projet artistique et culturel, sous la forme d’une
résidence artistique dans l’établissement scolaire. Cette présence artistique a été
déclinée sous deux formes : la création, avec la présentation d’un cinéma-concert,
et l’univers, le travail de l’artiste qui sera partagé sous la forme d’ateliers autour
de la mise en lien de la musique et de l’image.
L’objet culturel se compose donc de deux niveaux dans cet exemple : le
premier niveau est le visionnage d’un court-métrage muet, La fièvre des échecs,
de Vsevolod Poudovkine, datant de 1925. Ce court-métrage illustre le conformisme
incarné dans ce cas par la passion collective des échecs et la perte de sens de sa
propre existence par le joueur d’échecs qui oublie sa fiancée. Le second niveau
se fait autour des ateliers musique/image que l’artiste met en place. Les axes
proposés dans la fiche suivante établissent des liens avec les activités discipli-
naires qui peuvent alors être associées selon des approches variées : l’environ-
nement de l’élève, les thématiques culturelles, les compétences visées du socle
commun ou l’histoire des arts. Cette résidence artistique sort de la consommation
culturelle pour devenir un objet culturel partagé qui ouvre de larges perspectives
aux professeurs.
49
La culture au cœur des apprentissages
Œuvres : Les aventures du prince Ahmed – La fièvre des échecs (cinéma-concert). Compagnie (Mic)zzaj
Proposition artistique : découverte d’univers visuels et sonores, lien musique/image, utilisation des outils
numériques de composition sonore
Les films muets du début Les outils de création sonore et L’imaginaire poétique, la narration
du xxe siècle musicale d’aujourd’hui des concerts sous casques
La société des années 1970,
immigration, violence…
La portée pédagogique
50
Premier espace : les contenus d’éducation
Compagnie artistique
51
52
OBJET : Les aventures du prince Ahmed – cinéma-concert – Compagnie (Mic)zzaj, 2011
Avec : Pierre Badaroux, contrebasse et ordinateur ; Bruno Angelini, piano, clavier ; Rodrigo Sanz, ordinateur, traitement et objets sonores, guitares
53
La culture au cœur des apprentissages
la somme des actions des acteurs alors que l’encadrement tente de donner une
cohérence. Si les projets d’établissement peinent à trouver une place efficiente,
les contrats d’objectifs ont pu le faire. Cependant, ils se sont définis dans les
logiques d’objectifs puis d’opérationnalisation et enfin d’évaluation par les indi-
cateurs. Ces trois logiques amènent à un glissement vers les bras tentateurs d’un
système bureaucratique. Aux logiques de moyens développées pour atteindre
les objectifs, peuvent correspondre des logiques de performances vides de sens.
54
Premier espace : les contenus d’éducation
Cette culture est le propre d’un groupe social et historique donné. Elle varie d’un pays
à l’autre, d’une époque à l’autre. Ici le mot culture désigne aussi bien les grandes créa-
tions de l’esprit, tel le Roi Lear de Shakespeare, que les choses et les gestes les plus
élémentaires : une paire de bottes, l’art du tricot, la baguette de pain, le béret basque,
etc. Tout ce que notre époque regroupe sous l’étrange vocable de patrimoine culturel.
C’est en quelque sorte une transmutation de la culture en ma culture. La culture est
le domaine où se déroule l’activité spirituelle et créatrice de l’homme. Ma culture est
l’esprit d’un peuple auquel j’appartiens et qui imprègne à la fois ma pensée la plus
haute et les gestes les plus simples de mon existence quotidienne.
Mais alors, qu’est-ce que la culture pour Kant ? Ainsi qu’il le formule lui-même, la
culture véritable est celle qui permet à la raison d’exercer un pouvoir sur la sensibilité
pour lui faire « jeter un regard en direction de l’infini ». C’est la capacité de se rendre
sensible aux idées universelles et notamment éthiques, de ressentir ce que Kant
nomme des idées pratiques. C’est en somme la disposition au sentiment moral. C’est
ce même sentiment moral que nous exigeons de chaque homme. Et c’est donc ce sen-
timent moral qui fonde la nécessité et l’universalité du sentiment qui accompagne le
sublime. C’est parce qu’il ouvre la voie à la moralité, parce qu’il s’adresse en l’homme
à ce qui lui permet d’être moral, c’est-à-dire sa liberté, que le sentiment du sublime
peut être dit universel et nécessaire. C’est en cela qu’il transcende les particularismes
nationaux et l’esprit des peuples. Pour Kant, les peuples ont une culture, mais ils n’ont
pas d’esprit. Seule l’humanité est capable de se tourner vers la dimension spirituelle de
la vie. Ce sont là deux des grandes conceptions de la culture qui s’affrontent, invoquant
les particularismes fondateurs des identités ou l’universalisme quelque peu abstrait de
la morale et de la dignité humaine.
Si, pour ma part, je suis sensible plutôt à la dimension universelle de la culture et si je
cherche dans les œuvres de l’esprit ce qui rapproche les hommes plutôt que ce qui les
oppose, je regrette surtout que le langage courant et institutionnel parle des arts et de
la culture. Cela n’a pas toujours de rapport. Si je cherche dans l’art une ouverture sur
l’universel, je ne trouve pas beaucoup d’intérêt à un art dont toute la valeur repose sur
sa capacité à représenter des particularismes locaux. Ceci étant dit, voici quelques élé-
ments qui répondent au positionnement de la culture comme base d’un projet commun
dans un établissement.
Je constate dans mon établissement, comme probablement dans d’autres établisse-
ments, une séparation entre les projets artistiques et culturels et les projets scienti-
fiques quasi inexistants. On parle parfois de culture scientifique. Et on me demande
en tant que référent culturel d’inciter les collègues de sciences à porter des projets sur
la culture scientifique. La culture semble appartenir au pôle humanités de l’établisse-
ment. Si l’on souhaite faire de la culture quelque chose de commun aux humanités et
aux sciences, il faut poser le plus clairement possible ce que l’on attend de ces projets
pour le développement de l’esprit : l’esprit critique, l’exercice du jugement, etc. Ensuite
c’est à chaque discipline de penser en quoi elle contribue à tout cela. Il faut donc que
les enseignants soient désireux de donner à leur savoir et à leur discipline une portée
plus large et plus haute que la simple acquisition de compétences disciplinaires. Cela
passe peut-être par des temps de réflexion et d’échanges pour essayer de voir ce qu’il
y a encore de commun entre les disciplines. La recherche non pas d’un socle commun
mais d’une ambition éducative commune permet de voir se jouer dans nos disciplines
55
La culture au cœur des apprentissages
quelque chose qui les dépasse en soulignant leur grande valeur. C’est ainsi qu’émer-
geront des valeurs non pas communes mais universelles.
Cela implique de mettre l’accent sur une certaine conception de l’éducation. On dit
souvent que l’école a deux missions : former des hommes éclairés et préparer ces
hommes à intégrer la société. Ce deuxième aspect vient souvent au premier plan. On
attend de l’école qu’elle forme les élèves pour qu’ils trouvent du travail. Et on mesure
la pertinence d’une discipline ou d’une série de baccalauréat en termes de « débou-
chés ». Or l’importance culturelle d’un savoir ne peut pas se réduire au fait qu’il aide à
trouver un emploi bien payé dans ce que nous croyons que sera la société de demain.
Pour qu’une politique éducative soit porteuse de valeurs culturelles universelles, il
faut attendre autre chose de l’école que des individus adaptés aux exigences sociales
et économiques. Je suis sensible au fait de rappeler que la mission première de l’école,
c’est la formation de l’esprit humain.
Évidemment, cela reste une formule vague : « la formation de l’esprit humain ». Mais
peut-être que l’un des moyens pour faire de la culture un objet partagé serait de com-
mencer par demander aux acteurs de l’éducation ce qu’ils souhaitent mettre dans cette
formule. L’objet partagé n’est pas un donné. Il est à construire, ensemble. Pour cela, en
bon philosophe, je partirai d’une situation qui interroge, une idée ou un fait qui nous
amène à nous demander : pourquoi… ?
Un dernier point en forme d’invitation : j’ai fait lire en cette année rousseauiste un petit
livre à mes élèves, Discours sur les sciences et les arts. Rousseau associe ce que nous
avons pris l’habitude de séparer : les sciences et les arts. Il en fait une critique radicale,
expliquant qu’ils sont la cause de notre corruption morale. Il a été récompensé pour
avoir soutenu cette thèse avec talent. Et pourtant il n’emploie pas le mot « culture ».
Est-ce alors une critique de la culture ? Je vous laisse lire le texte de Rousseau, car il
me semble que c’est une très belle défense de la culture.
56
Premier espace : les contenus d’éducation
important de préciser que l’emballement actuel de notre société pour une telle
approche a quelque peu tendance à être réductrice et limiter malheureusement
la notion de projet à l’obtention d’aides financières ou de moyens humains, par
exemple.
Nous nous référons donc aux travaux de Jean-Pierre Boutinet qui décline
l’élaboration du projet en trois étapes : « l’analyse de la situation (diagnostic
parfois aidé par un intervenant externe), l’esquisse d’un projet possible (repo-
sant sur un compromis entre le souhaitable et les contraintes), les choix straté-
giques (la stratégie est chargée de gouverner l’action au regard du projet et des
circonstances)13 ».
L’éducation nationale14 définit la notion de projet, déclinée dans deux accep-
tions particulières propres à ce ministère : le projet d’établissement, le contrat
d’objectifs.
Nous remarquons que dans les trois étapes proposées par Jean-Pierre
Boutinet, seules les deux premières sont abordées dans la proposition de l’Édu-
cation nationale, alors que la notion de stratégie, elle, n’est pas évoquée. Les
projets dans les établissements scolaires apparaissent souvent in fine comme un
programme d’actions, alors que la stratégie semble être l’élément fondamental
de gouvernance du projet.
57
La culture au cœur des apprentissages
16. Gather-Thurler M., Innover au cœur de l’établissement scolaire, ESF éditeur, 2000.
17. Barrère A., Lessard C., « Autour des mots, quand les enseignants travaillent ensemble »,
Recherche et Formation, 2005, n° 49.
58
Premier espace : les contenus d’éducation
18. Forquin J.-C., École et culture, Le point de vue des sociologues britanniques, De Boeck-Wesmael,
1999.
59
La culture au cœur des apprentissages
dans les actions, les espaces de vie, les projets collectifs ou individuels. Pourquoi
ne pas envisager que la culture puisse jouer un rôle essentiel dans cette construc-
tion du sens, entendu à la fois comme rapport social et comme projet collectif, et
donc venir nourrir enfin un véritable projet partagé ? Il nous faut aujourd’hui sortir
de cette dichotomie née avec la séparation de l’éducation et de la culture au tour-
nant du siècle dernier. L’action culturelle en éducation en serait le dernier avatar
qui doit laisser sa place à un projet culturel repensé en termes systémiques.
Comment ?
Ces temps seraient ceux de groupes projets spécifiques ou ceux de l’ensemble
des protagonistes réunis autour d’un choix stratégique. Les groupes projets
peuvent être modulables dans l’année afin de garder souplesse et efficience.
Dans les établissements, fonctionnent déjà des groupes projets comme celui
de la classe d’intégration en sixième dont le projet est transdisplinaire au sens
où il se focalise sur des compétences du socle et n’entre pas par les disciplines.
60
Premier espace : les contenus d’éducation
Un groupe projet « école ouverte » se met en place six mois avant la première
session, il comporte différents partenaires associatifs et se complète avec les
artistes qui intègrent le projet naissant. Ces exemples doivent se généraliser et
sortir du volontariat pour devenir un mode de fonctionnement dans un établisse-
ment scolaire.
Le conseil d’administration de l’établissement doit être en mesure d’analyser
la situation en amont afin d’être force de proposition. Trop souvent, il consacre
l’essentiel de son temps aux tâches courantes ou se focalise sur un point de
blocage, comme la répartition de la dotation horaire globale, au lieu d’analyser
la mission première de l’établissement : éduquer, enseigner. Le conseil d’admi-
nistration vient dans ce cas confronter directement les pratiques et les objectifs
réalisés avec l’expertise du constat.
61
La culture au cœur des apprentissages
Leur approche
Exemples concrets
Des volets emboîtés (le travail s’organise
dans un établissement
en quatre étapes)
État des lieux : Outils de diagnostic avec Territoire rural de montagne, difficulté en
diagnostic de territoire des groupes de travail langue française, organisation politique
et d’établissement culturelle efficiente
Analyse d’un tableau de bord
62
Premier espace : les contenus d’éducation
3 ESPACES
EPLE/COHÉRENCE CONTEXTUALISATION CONTENU/VALEUR
AGENCEMENT
VALEURS
PROJET
RÉFÉRENTIEL
3 OBJECTIFS
CONTRAT
D’OBJECTIFS STRATÉGIES OPÉRATIONNELLES
ÉVALUATION/RÉGULATION
63
La culture au cœur des apprentissages
64
Outil 5 : grille d’inscription des partenaires dans un projet culturel partagé
Visées Motivations/réflexion Travail autour de la langue française, dans un dispositif hors de l’école
Opportunités/demandes Résidence artistique, proposition école de musique, lien avec les associations jeunesse
Partenaires, Collège École de musique Association
positionnement
Objectifs de la structure Enseignement Enseignement Animation
Référents CPE (conseiller principal Directeur Directeur
d’éducation)
Impact Buts Travailler la langue française Créer des liens, permettre Créer des liens, permettre
approfondissement et pratique approfondissement et pratique
Ce que ce projet va Redonner l’envie d’écrire, Mettre en place une chorale, Partager un projet culturel,
apporter spécifiquement liens avec les disciplines proposer une pratique régulière proposer une pratique
Acteurs Domaines ou disciplines Français/musique Pratique chorale Encadrement
Personne, référent … … …
Fonction CPE Intervenant Animateur
Dispositif utilisé École ouverte Projet pédagogique Liaison collège/association
Pour l’élève Résultats attendus : les apprentissages
Nouveautés Écriture de chansons Lien musique/texte Atelier d’écriture
Approfondissement Voix, écriture, langue française Voix Écriture
Ressources Disponibles Encadrement professeurs Matériel son, aide au travail vocal Aide à l’encadrement des groupes
Attendues Matériel, aide technique … …
65
Premier espace : les contenus d’éducation
La culture au cœur des apprentissages
En bref
Le projet envisagé comme processus
La construction du projet :
– Chercher, partager des valeurs, y compris comme utopie commune.
– Accepter les emboîtements successifs : projet d’établissement, contrat
d’objectifs, projet-action
– Rechercher la cohérence par une stratégie éducative globale.
– Référentialiser les points forts et les points faibles du diagnostic.
– Établir un glossaire commun.
La déclinaison du projet :
– Construire sur un territoire un projet éducatif commun autour des écoles,
des établissements du secondaire en s’appuyant sur une ou des valeurs
communes. Les parcours des élèves pourront ensuite être déclinés.
– Centrer la communauté de travail sur l’acte d’éduquer à travers le projet
et en la confrontant à l’autre. Pour la mise en œuvre, il faut nommer un
enseignant-relais choisi pour ses compétences en sciences de l’éducation
et son expertise pédagogique. Issu du premier ou du second degré, il aura
pour charge d’animer, de coordonner, d’accompagner les groupes projets
sur un territoire. En fonction du territoire et des établissements rattachés,
il pourrait être totalement déchargé de classe.
La démarche :
– La logique cartésienne, diagnostic, objectifs, mise en œuvre, évaluation,
reste limitée dans son efficacité car elle est trop axée sur le contrôle, sur
les résultats.
– La logique systémique semble plus appropriée car en évolution, néces-
sitant de constants ajustements et centrée sur les acteurs. Elle implique
par ailleurs de travailler en équipe. L’incertitude épistémologique de l’acte
d’enseigner peut alors se traduire dans la construction de projets, c’est-à-
dire mettre en place des hypothèses de changement maîtrisé.
66
Premier espace : les contenus d’éducation
pas de base culturelle alors qu’elle étudie très souvent l’architecture, sans parler
de l’éducation physique et sportive qui s’aventure très largement dans la danse…
La culture et son corollaire, l’ouverture culturelle, constitueraient un espace
de liberté pour les enseignants, à l’opposé des disciplines encadrées par un
programme. L’ouverture culturelle serait alors un plus, distinct de l’enseignement
fondamental et basé sur des formes de volontariat des professeurs et des élèves.
La culture n’a pas à être évaluée, d’autant plus qu’elle se cantonne majoritaire-
ment à l’ouverture culturelle. Les enseignants refusent très souvent d’évaluer
l’ouverture culturelle en prétextant que cela risquerait de provoquer un manque
d’appétence des élèves pour ces domaines.
La culture n’a aucune légitimité dans la gouvernance et le pilotage d’un
établissement comme stratégie éducative globale.
67
La culture au cœur des apprentissages
Le « travail classique » n’a de sens que s’il permet à l’élève de découvrir le monde, de le
comprendre, de s’y insérer, d’agir sur lui, de découvrir l’autre et de mieux se connaître
soi-même.
L’école doit permettre à l’élève d’adopter un questionnement progressif et fécond sur
les objets culturels mis à disposition. C’est ce rapport signifiant au monde qui peut
faire progresser les élèves sur des apprentissages instrumentaux et vice versa. Ce n’est
pas la dialectique, voire l’opposition entre travail classique et culture qu’il semble utile
de cultiver mais plutôt leur articulation sensée. Les démarches engagées entretiennent
une articulation continue intégrant un indispensable rapport d’intimité aux œuvres
mais, au-delà, ces approches structurantes permettent de comprendre à travers la sin-
gularité de chacune des œuvres ce qui est posé comme objet d’universalité.
Concernant l’ouverture culturelle, si elle sert d’alibi à un enseignement qui serait
essoufflé et qui nécessiterait alors des respirations culturelles appelées ouvertures,
nous faisons fausse route, me semble-t-il. Non pas que ces ouvertures culturelles
soient néfastes mais il s’agit d’ancrer la pratique pédagogique ordinaire de classe dans
cette dimension culturelle permanente, ce que j’ai appelé précédemment le devoir
d’ingérence culturelle. La culture dans l’Éducation nationale, cela doit se traduire par
une posture et une pratique qui inscrit chaque discipline dans ce regard éclairé à tout
objet de savoir : celui-ci n’est jamais désincarné. L’eros et le savoir savant doivent pou-
voir s’étayer pour donner chair à un corpus de rencontres avec des objets de culture
s’inscrivant dans un réseau de repères qui charge émotionnellement et culturellement
le rapport entretenu aux mondes. La culture est une question de point de vue et
d’énonciation : chacun choisit dans la palette de ses connaissances et de sa biographie
culturelle les entrées qui lui semblent les plus fécondes pour éclairer ce rapport intelli-
gible aux mondes qui portent à travers leur diversité ces questionnements universels.
La validation d’un parcours culturel pose la question de la validité et de la cohérence
des repères construits au fil des années : le travail d’équipe est requis pour tenter une
structuration d’un parcours transdisciplinaire et copiloté par des enseignants porteurs
de didactiques et de pratiques très diverses. C’est justement l’existence des disci-
plines qui permet d’enrichir ce rapport culturel aux mondes toujours plus complexes.
L’amateur éclairé peut ainsi se saisir d’outillages conceptuels et disciplinaires variés
pour éviter le totalitarisme d’un point de vue unique. C’est dans ce faisceau discipli-
naire que se construit et s’entretient ce rapport culturel et complexe aux mondes.
Le socle par essence n’est pas une construction dans laquelle chaque discipline repré-
sente un pilier ou une des sept compétences. Le socle ouvre cette voie des regards
croisés dont la pertinence ne peut appartenir qu’à une réflexion d’équipe, seul moyen
pour apprécier la construction de ce parcours culturel que chaque élève mobilise
patiemment à travers des connaissances déclaratives, des capacités et des attitudes.
Ce parcours n’est pas un produit fini dont les effets seraient identifiables : c’est une
dynamique qui installe une posture et des connaissances adaptées à l’âge des élèves.
Ce parcours, c’est aussi un formidable levier initiant ou consolidant le lien social pour
lequel le récit est la forme discursive majeure.
68
Premier espace : les contenus d’éducation
69
La culture au cœur des apprentissages
le contrat d’objectifs vont mettre en œuvre pour une durée de huit ans, avant –
après – pendant. Cela permet une évaluation de ce type de dispositif en amont
(pronostique), pendant (formative) ou après (sommative). Cette perspective
permet un système vivant qui peut largement se réajuster, l’évaluation se plaçant
au cœur de la formation. Cet emboîtement est important, car on ne peut détacher
les apprentissages des élèves de leur environnement immédiat.
22. Perrenoud Ph., Savoir, c’est pouvoir transférer ?, Cahiers pédagogiques, n° 408, novembre
2002.
23. Perrenoud Ph., L’approche par compétences, une réponse à l’échec scolaire ?, université de
Genève, 2000.
70
Premier espace : les contenus d’éducation
24. www.education.gouv.fr/cid2770/le-socle-commun-de-connaissances-et-de-competences.html.
25. Direction générale de l’Enseignement scolaire au sein du ministère de l’Éducation nationale.
71
La culture au cœur des apprentissages
Comment ?
Le projet construit par l’équipe selon une démarche de référentialisation
évoquée en théorie permet de positionner les compétences. L’environnement est
mis en relation systémique avec l’action et le projet visé. Des projets opération-
nels que nous appellerons actions mettront en œuvre ces compétences et ces
parcours.
26. Meirieu Ph., « Du socle commun aux fondamentaux de la citoyenneté », Le café pédagogique,
7 février 2005.
72
Premier espace : les contenus d’éducation
La démarche de référentialisation
Nous vous proposons d’analyser les différents éléments du contexte de l’éta-
blissement : situation, acteurs, relations, fonctionnement.
1. Ce qui relève de l’induit : les croyances, l’existant.
2. Ce qui relève du construit : par les acteurs, l’équipe éducative élargie.
3. Ce qui relève du produit issu de l’interaction entre les deux éléments précités.
Ce contexte est mis en relation avec les éléments de réalisation : les contenus,
les méthodes, les évolutions envisagées, les finalités.
1. Ce qui relève de l’induit : programmes, socle…
2. Ce qui relève du construit : par les acteurs, l’équipe éducative élargie.
3. Ce qui relève du produit issu de l’interaction entre les deux éléments précités.
Le produit prend donc la forme d’une relation entre l’établissement et le
territoire : réalisation de parcours culturels, constructions d’actions avec les
partenaires.
Nous vous livrons ci-après la grille de référentialisation que nous avons réali-
sée en amont du contrat d’objectifs d’un collège. Cette grille est divisée en deux
parties :
• ce qui ressort des éléments du diagnostic donnant ainsi les explications ;
• les réalisations et attentes qui permettent par croisement de faire émerger
le construit (le processus) pour atteindre le produit (les attentes, disposi-
tifs).
73
74
Un exemple de référentialisation appliquée
Programmes
Définition Savoirs
Socle commun
des contenus Décisions
Pilotage éducatif/pédagogique
Partenariat/coconstruction
Finalités Compétences partagées
Explication théologique
Valeurs Ambition/motivation
Égalité des droits
Premier espace : les contenus d’éducation
1. Français 1. Français
Concentration
Étude de la langue : grammaire, Écrire correctement un court texte
orthographe, lexique Attention à soi
Lecture : initiation à la poésie, textes Écouter, comprendre les textes et aux autres
issus de la chanson française de chanson
Participation à
Expression écrite : textes favorisant Expression écrite : jeux poétiques, un projet collectif
l’expression poétique production de courts textes
Autonomie dans
Expression orale : dialogue, débat, Expression orale : être capable la réalisation
lecture à voix haute de lire avec expression les textes
de chanson. Dialoguer, argumenter Initiative
ses choix en utilisant le vocabulaire
approprié Respect du choix
collectif
75
La culture au cœur des apprentissages
Dégager, par écrit Après lecture d’un texte, L3. Dégager les éléments
ou oralement, l’essentiel en reformuler les grandes constitutifs d’une
d’un texte lu. lignes, de préférence à l’oral. chanson dans sa forme
Après lecture par l’élève et dans l’usage des mots
ou le professeur d’un texte (vocabulaire, registre…).
documentaire d’une ou
deux pages, dégager
le thème, prélever les
informations importantes,
rendre compte de la
progression d’un récit bref.
76
Premier espace : les contenus d’éducation
Rédiger un texte bref, Répondre à une question E1. Écrire une chanson
cohérent et ponctué, par un énoncé complet, en utilisant les jeux
en réponse à une question construit et pertinent. Tenir poétiques proposés.
ou à partir de consignes compte des indications du
données. libellé et des consignes
d’écriture données.
DIRE
Évidemment, ces items peuvent être supprimés, modifiés selon le choix des
enseignants.
Dans un dernier temps, à partir de tous ces outils, une grille d’évaluation
individuelle est élaborée. Cette dernière formalise la mise en œuvre de la tâche
complexe et permet un suivi individuel des élèves. Dans l’expérimentation en
question, seul un élève a pu voir entériner tous les items proposés, tous avaient
plusieurs items acquis. Ce travail peut être réalisé dès la classe de sixième, ce
qui permet ensuite aux élèves d’aborder de nombreuses fois un item et favori-
sera la validation de la compétence et du socle à la fin du collège. La démarche
77
La culture au cœur des apprentissages
Compétence 1 : Compétence 5 :
maîtrise de la langue culture humaniste
Avoir des connaissances
Domaines Lire … …
et des repères
Adapter
Dégager
son mode
par Relevant
de lecture Établir
Items écrit ou de la culture …
à la nature des liens
oralement artistique
du texte
l’essentiel
proposé
Capacités L1 L2 L3 … H1 H2 H3 H4 …
… … … … … … … … … …
En bref
Lier culture et compétences
Toute action culturelle tire sa légitimité dans sa capacité à porter un regard sur les
compétences qu’elle va développer dans les apprentissages. L’acte d’évaluer
les compétences est une construction permanente qui structure la pédagogie.
Le travail autour des actions culturelles se construit collégialement afin de restituer
le côté transversal et non disciplinaire des compétences et du socle.
• Ladémarche professorale et pédagogique est un préalable à l’entrée dans les
compétences.
• Faceà la difficulté conceptuelle et pratique liée à la décomposition excessive
opérée parfois à l’intérieur d’une discipline pour valider des compétences, les abor-
der par la culture simplifie l’entrée.
• La culture permet de valider des compétences que les seules disciplines n’abordent
que très peu – des compétences essentielles à l’inscription des élèves dans notre
société comme la créativité, l’adaptabilité.
78
2
Deuxième espace : l’établissement
1. Pointereau D., De Saint-Do Y., Le rôle pédagogique du chef d’établissement, Nouvelles missions,
nouveaux outils, 5e édition, Berger-Levrault, 2010.
2. En référence à une certaine idée de l’école, le plus petit dénominateur commun à deux ou à
plusieurs fractions est le plus petit commun multiple (PPCM) de leurs dénominateurs.
79
La culture au cœur des apprentissages
utilisant leurs capacités et leur charisme. Il existe autant de visions du rôle des
chefs d’établissement que de parties prenantes.
Le pilotage par les résultats est souvent évoqué. Chacun s’en approche sous
des formes diverses et incomplètes ; cependant, la mesure d’une performance ne
peut être rejetée. Que ce soit un taux de passage en classe supérieure, un taux
de réussite à un examen, un pourcentage de validation de compétences, un
taux d’absentéisme… ou un nombre de jours de formation, ces indicateurs sont
indispensables à la compréhension mais ne suffisent pas à lui donner du sens.
Au final, il serait possible de piloter un établissement sans s’intéresser à la
boîte noire de la classe, du cours, sans s’intéresser à la pédagogie qui resterait
ainsi le domaine réservé et exclusif des professeurs et des corps d’inspection.
80
Deuxième espace : l’établissement
ouvert mais ferme. Il s’agit bien d’entendre tout le monde mais, en fin de compte, c’est
le chef d’établissement qui décide. Ne pas faire preuve d’autoritarisme, prôner un style
libéral, en étant quelqu’un qui rayonne. Mon travail est d’anticiper, de mettre en place
la collaboration tout en cherchant le consensus. Collaboratif et démocratique.
Sur le fond, je sépare le pédagogique de l’éducatif. Le pédagogique est au niveau des
apprentissages alors que l’éducatif se situe au niveau du périscolaire. Le pédagogique
est ce qui se passe au niveau d’une classe. C’est davantage disciplinaire. Les parents,
par exemple, ont également un rôle éducatif que reprend l’établissement quand il
enseigne aux élèves des savoir-être, y compris des savoir-être dans la société comme
être respectueux. Les actions sont plus du domaine éducatif que du domaine pédago-
gique.
81
La culture au cœur des apprentissages
large du terme pour influer sur l’estime de soi, donner une idée d’appartenance à un
établissement scolaire mais aussi à un quartier. Dans mon établissement actuel, le
problème est un peu différent, mais d’autres problématiques lourdes sont bel et bien
présentes, surtout dans le domaine du pilotage éducatif. Donc, mon projet éducatif
aura des objectifs adaptés : travail sur la protection des élèves, sur l’information éga-
lement avec les familles. Je m’appuie, là aussi, sur la culture pour travailler sur l’estime
de soi et la mise en confiance des élèves en leur faisant découvrir ou tout simplement
exprimer des compétences ou talents extrascolaires.
Être un leader n’est pas si simple, confrontés que nous sommes parfois à l’immobi-
lisme de certains enseignants, parfois même à une animosité ou un rejet des rap-
ports hiérarchiques. Rien n’est facile et cette culture d’établissement ne se fait pas
quelquefois sans douleur, cette posture de leader sans situation conflictuelle. Mon
style de leadership correspond à mon caractère et, moi aussi, je suis assailli par le
doute parfois. Aurais-je dû être plus directif ou moins tolérant ? J’ai systématiquement
besoin, en particulier en arrivant dans un établissement, de développer mes valeurs
personnelles, pour qu’il n’y ait pas de confusion dans mes intentions, qu’elles soient
comprises immédiatement, même si elles ne sont pas acceptées. Ces valeurs, je les
présente fortes et immuables, mais certainement pas floues et fluctuantes, acceptées
ou pas. Ensuite, je pense que je mets en place une pratique participative et non bru-
tale pour générer des actions (échanges avec les équipes de manière informelle et/
ou organisée). L’équipe de direction tâche d’être transparente et de ne rien cacher de
ses intentions ou éventuelles contraintes. Cela n’empêche pas des décisions parfois
tranchées sur lesquelles nous ne revenons pas.
Pour conclure, je dirais que j’ai de moins en moins l’envie de jouer un rôle qui ne
correspond pas à ma personnalité, j’ai envie d’être vrai et que cela se sente dans mon
relationnel.
3. Barrère A., « Les chefs d’établissement au travail : hétérogénéité des tâches et logiques
d’action », Travail et formation en éducation, n° 2, 2008, mis en ligne le 18 décembre 2008, http://
tfe.revues.org/index698.html.
82
Deuxième espace : l’établissement
« Conduire une politique d’orientation » et enfin « Assurer les liens avec l’envi-
ronnement ». Le chef d’établissement devient l’interface entre l’intérieur (ensei-
gnants, élèves, personnels) et l’extérieur (familles, partenaires, jeunes, territoire),
il se voit donc attribuer de plus en plus de rôles : politique, pédagogique, admi-
nistratif…
Au fil des années, les chefs d’établissement ont vu leurs missions s’élar-
gir, entre autonomie, pédagogie et management. Et pourtant, comme Philippe
Meirieu l’évoque dans sa Lettre à un ami chef d’établissement, nous savons, nous
comprenons tout ce morcellement, mais… nous savons aussi que de nombreux
chefs d’établissement « ont déjà revêtu la tenue et emprunté les attributs sociaux
du chef d’entreprise […] et que personne, autour d’eux, ne comprendrait qu’ils
abandonnent ce qui est associé à une reconnaissance sociale qu’ils considèrent, à
juste titre, comme précieuse. Il faut donc continuer… mais le rôle du “pédagogue”
est peut-être ici d’aider le chef d’établissement à “ne pas trop se raconter d’his-
toires” et, s’il n’en change pas pour autant tous ses comportements quotidiens, à
avoir à l’égard de lui-même cette vigilance qui rappelle sans cesse que l’éducation
des personnes n’est pas tout à fait la même chose que la fabrication des objets4 ».
Pour s’extraire de l’administration d’un établissement, il est urgent de s’inter-
roger sur ce rôle pédagogique que doit exercer le chef d’établissement. Philippe
Perrenoud évoque un rôle « aussi nécessaire qu’improbable5 ». Ces éléments
relèvent autant de l’organisation que de ses acteurs. Un pilotage nécessaire
« parce que la pédagogie ne peut être cantonnée dans la classe » et que la réussite
dépend de la « continuité et de la cohérence des démarches d’enseignement »,
deux explications parmi bien d’autres. Un pilotage improbable, qui s’éprouve par
l’attitude des enseignants « qui s’accommodent mieux d’une inspection lointaine
que d’une intervention du chef d’établissement », et aussi parce que les chefs
d’établissement, comme le système, « ne sont pas encore prêts à assumer les
implications pratiques d’un rôle pédagogique6 ».
Mais au-delà de ces observations et remarques, un autre problème émerge
et relève de la formation même du chef d’établissement. Autrefois primus inter
pares, celui-ci doit aujourd’hui revêtir un nouveau costume. Combien sont en
mesure d’accompagner, de proposer des pratiques pédagogiques, quelles
connaissances ont-ils en fin de compte de ce qui se passe dans leur établisse-
ment et dans les classes ? Le disciplinaire a pris le dessus sur le pédagogique,
il semble important que la didactique soit intégrée dans ce pédagogique, et seul
83
La culture au cœur des apprentissages
7. Grandjean Lüthi F., Le leadership des directions d’établissement scolaire, L’Harmattan, mars
2012.
8. Garon R. et Archambault J., « Le leadership pédagogique et le leadership en matière de justice
sociale », Vie pédagogique, n° 155, septembre 2010.
84
Deuxième espace : l’établissement
mettant en avant la réussite de tous les élèves et interpellant ainsi les professeurs
sur leur propre terrain, la pédagogie9.
Nous entendons le leadership comme capacité à piloter les pratiques profes-
sorales tout en renforçant la professionnalisation des enseignants. Sur ce point,
l’équilibre est difficile entre la tentation de l’imposition d’un savoir appuyé sur
des valeurs et celle du développement de dispositifs, de bonnes pratiques. Pour
autant, nous nous efforçons de construire cette évolution des pratiques par une
analyse réflexive au niveau d’un espace restreint, territoire, établissement. Cette
posture pilotée associe différents acteurs et s’appuie sur un élément commun, la
culture.
La culture et le leadership deviendraient-ils un couple indissociable ? Nous
avons vu précédemment que le principe de la mise en œuvre d’un leadership est
la créativité, le mouvement, le changement, l’innovation… Les leaders construc-
teurs laissent une œuvre, une organisation qui fonctionne, ils laissent un modèle,
une inspiration, une motivation, une influence, une ambition partagée. La culture,
nous l’avons définie précédemment avec ses objets partagés comme fondement
des disciplines, compréhension du monde qui nous entoure, rapport à l’autre et à
soi-même. Elle développe la créativité, l’adaptation au changement, l’acceptation
de la différence, l’ouverture d’esprit. La culture nous permet de nous confronter
à la réalité, au concret, elle nous permet d’intégrer, d’expliquer, d’accepter, de
diriger, de mettre en place des stratégies innovantes. La culture est par excellence
l’objet partagé avec l’ensemble de la communauté de travail et permet le déve-
loppement d’une orientation commune (par les objets partagés), l’habilitation
des acteurs (l’ensemble des acteurs se retrouve autour de l’entrée par la culture),
la transformation de l’organisation (la culture fédère, donne du sens, permet
les coconstructions…), par l’engagement des acteurs dans le cadre du contexte
scolaire au sein d’un territoire. Elle devient ainsi l’élément principal et donc fédé-
rateur d’un leadership partagé à l’intérieur d’un établissement scolaire.
9. Collberg D., « Quelle identité pour les chefs d’établissement ? La Suède, entre décentrali-
sation et recentralisation », Revue internationale d’éducation, Sèvres, n° 60, septembre 2012,
p. 117-128.
85
La culture au cœur des apprentissages
Comment ?
Ainsi le leadership s’exerce par l’entrée culturelle, au service de la pédagogie :
le chef d’établissement ne s’intéresse pas aux projets culturels pour les viser, les
contrôler mais se préoccupe des compétences, savoir-faire, capacités… qui vont
être développés chez les élèves, de la place que ces actions vont prendre dans
le parcours éducatif personnel de chaque élève, de ces outils, ces démarches au
service de la réussite de tous les élèves proposés par son établissement. Par cette
approche, il pénètre dans le cœur de la pédagogie et étaye sa vision par l’évolu-
tion des pratiques qu’il entend favoriser.
86
Deuxième espace : l’établissement
87
La culture au cœur des apprentissages
88
Deuxième espace : l’établissement
89
La culture au cœur des apprentissages
90
Deuxième espace : l’établissement
10. Décret n° 2013-683 du 24 juillet 2013 modifiant les articles D. 401–1, 2, 3 et 4 du Code de
l’éducation.
91
92
Les trois espaces du paradigme organisationnel
Responsabilité pédagogique
Utiliser les outils : PE et CO
UE 2
La culture au cœur des apprentissages
Bilan
Ingénierie de PILOTAGE Personnaliser Perspective
Partager construction de Tableau de bord dans son EPLE ou (Parcours indivi-
Donner
dans un parcours culturels sa circonscription duel des élèves)
UE 5
du sens
trois objectifs du contrat d’objectifs (UE 5).
territoire UE 6 UE 6 bis UE 7 UE 8
UE 3
UE 4
Plus petit dénominateur commun dans la mise en œuvre d’une stratégie éducative,
le chef d’établissement joue un rôle essentiel, sa posture lui permet d’exercer un
leadership ; les valeurs développées servent l’établissement et non un pilotage auto-
centré ou autoritaire. Un chef d’établissement doit se positionner en professionnel,
prendre en compte les axes prioritaires qui ont été mis en œuvre et impulser dans la
continuité une conduite de changement.
La formation des personnels de direction doit les professionnaliser dans les
domaines du management et des sciences de l’éducation (des compétences initiales
renforcées et validées par une formation) et aborder la question d’une stratégie
éducative et pédagogique. Ainsi le pilotage par la stratégie culturelle peut faire
l’objet d’un module spécifique de la formation statutaire ou de la formation continue.
Sur la nature de la fonction, la terminologie (principal, proviseur) gagnerait à être
modifiée, et l’effectif réduit en associant plusieurs collèges, lycées ou en regroupant
les écoles avec des collèges. Afin de limiter la course à la catégorie, qui définit le
niveau et la rémunération associée, qui favorise les mutations successives, fragilise
la politique et le pilotage éducatif, une modification des typologies d’établissement
pourrait être envisagée. Ainsi les chefs d’établissement seraient nommés pour cinq
ans minimum, car en dessous de cette durée il est peu concevable de mener une
politique et leur rémunération serait liée à la capacité à mener cette politique et non
à la taille de l’établissement.
Une collaboration entre les corps d’inspection et les chefs d’établissement permet-
traient un pilotage enrichi et le rattachement des enseignants à cette seule
hiérarchie. Quelle que soit leur discipline, les inspecteurs, présents dans les établis-
sements, pourraient ainsi concourir à l’élaboration de la politique pédagogique par
leur entrée disciplinaire et didactique, ils contribueraient ainsi à sa mise en œuvre et
à son inscription dans le parcours des élèves.
11. En référence à Eugène Delacroix et à son tableau inspiré des Trois Glorieuses, La Liberté
guidant le peuple.
93
La culture au cœur des apprentissages
94
Deuxième espace : l’établissement
95
La culture au cœur des apprentissages
13. Senge P., La cinquième discipline, Le guide de terrain : stratégies et outils pour construire une
organisation apprenante, First éditions, 2000.
96
Deuxième espace : l’établissement
Ces cinq axes peuvent être très facilement transférés dans une école pour
permettre une première approche, une première réflexion pour tendre vers une
organisation apprenante.
97
La culture au cœur des apprentissages
L’EPLE doit donc s’ouvrir sur lui-même, mais aussi sur son environnement
Par les lois de décentralisation, l’État a ouvert l’école au territoire, le collège
a été « donné » au département et le lycée à la région, avec le statut d’établis-
sement public local d’enseignement (EPLE), qui permet l’entrée d’autres acteurs
dans la gouvernance de l’établissement. L’EPLE peut aussi devenir, par sa place
particulière dans un territoire, un lieu fédérateur pour ce dernier. Cette ouverture
et cette intégration dans un territoire deviennent donc une source d’enrichis-
sement et permettent ainsi de donner du sens, car les jeunes apprennent dans
l’école mais aussi dans leur environnement, qu’il soit citadin ou rural. Cela permet
d’ouvrir les disciplines au monde et leur donner le lien culturel qu’elles ont perdu.
Les territoires de plus en plus s’organisent d’un point de vue culturel : écoles de
musique, scènes départementales, festivals, réseaux autour du patrimoine et/ou
des parcs régionaux ou nationaux… La culture tisse des liens sociaux, des liens
de vie, et prend place dans une société qui bouge. Les territoires se montrent et
se reconnaissent par leur identité culturelle : un festival, un parcours sur l’archi-
tecture, un salon du livre. L’école a tout à gagner à coconstruire avec son envi-
ronnement, afin de mutualiser les ressources (intervenants, artistes, formations)
et surtout s’ouvrir enfin. Cela veut dire aussi que d’autres acteurs pourront être
associés dans les parcours coconstruits entre l’établissement et son environne-
ment.
L’EPLE doit également partager avec son territoire et devenir une organisation
apprenante, créative et innovante. « Pour que ses acteurs deviennent capables
d’assumer les responsabilités nécessaires, l’école doit concevoir et créer de
nouvelles opportunités d’apprendre et surtout se dégager des pratiques qui
légitimaient jusqu’à présent la centralisation de la planification, du contrôle et
du pilotage ; et cesser de croire qu’il suffit d’améliorer les évaluations natio-
nales et internationales, ou de réécrire et d’harmoniser les plans d’études. Les
recherches récentes sur l’innovation montrent au contraire que les systèmes
scolaires ne se transformeront qu’au prix d’une compétence accrue d’auto-orga-
nisation, c’est-à-dire d’une exploitation optimale des ressources intellectuelles
et émotionnelles de tous les acteurs qui les composent14. » Le plus difficile reste
à faire changer le regard de ces acteurs, leur donner envie et surtout les rassu-
rer sur ce changement. Et, comme le dit Peter Senge : « Si vous commencez à
penser différemment, vous voyez les choses différemment. Et toutes vos actions
commencent à changer. »
14. Gather-Thurler M., « Stratégies d’innovation et place des acteurs », in J.-P. Bronckart et
M. Gather-Thurler, Transformer l’école, De Boeck supérieur, collection « Raisons éducatives »,
2004.
98
Deuxième espace : l’établissement
Comment ?
L’organisation apprenante se crée par l’ouverture sur son territoire, source
d’enrichissement, de mutualisation, de pérennité. Ces différentes remarques
nous renvoient à trois axes prioritaires d’un pilotage partagé entre l’EPLE et son
territoire, vers une organisation apprenante, dont le levier principal serait la
culture :
–– un processus de connaissances qui vise à partager l’information, la mettre
en cohérence et la dimensionner à l’échelle du projet culturel de territoire.
Cela afin de créer entre tous les acteurs un langage commun, une vision
partagée, pour ajuster les stratégies vers les finalités souhaitées ;
–– une gestion des ressources actuelles disponibles : financières, humaines,
techniques… et des besoins au profit des finalités, cela afin de mutualiser et
d’utiliser au mieux les ressources et, si nécessaire, d’en créer de nouvelles.
Le territoire doit être en mesure à tout moment de redéployer les ressources
en fonction des aléas et des priorités retenues ;
–– la conduite du changement, pour évaluer et accompagner les stratégies
d’acteurs. Cette veille est essentielle pour créer les conditions d’une orga-
nisation apprenante et mesurer les changements nécessaires à accomplir.
99
La culture au cœur des apprentissages
collèges du territoire et à plusieurs secteurs pour les écoles. Ainsi, aucun groupe
ne pourra se verrouiller sur ses logiques propres et tous devront rester ouverts
aux autres approches. Les acteurs politiques sont également présents sous la
forme d’élus ayant en charge la question culturelle, de responsables de commu-
nautés de communes et d’une chargée de mission culture dans le territoire. À
ces acteurs politiques, s’ajoutent des professionnels associatifs des secteurs
éducation et culture, des bibliothécaires, bénévoles ou professionnels. Des repré-
sentants de parents et des élèves participent : s’ils ne sont pas décisionnaires,
leur capacité à investir ces champs est également un gage d’investissement et
de pérennité. Enfin, les « experts » du thème abordé apportent leur concours,
la Maison des écrivains et de la littérature étant venue avec des auteurs, un
cinéaste, des journalistes.
La thématique retenue est celle de « la question de la question à l’auteur ».
Cette approche favorise les regards croisés et évite le piège du centrage pédago-
gique. L’auteur, acteur culturel incontournable, devient espace de convergence de
logiques différenciées : le livre et la littérature pour les bibliothèques, la littéra-
ture et la lecture en éducation, un salon du livre pour le territoire…
Le territoire peut ainsi réfléchir comme un système apprenant et l’école
devenir une organisation apprenante. La situation de départ : chaque acteur est
intéressé par un aspect qui correspond à son champ d’action ou par une relation
bilatérale de type consumériste, mais les champs de la rencontre autour du livre
ont pour objectif de décaler le regard des pratiques habituelles de chacun des
partenaires en utilisant un questionnement commun.
Place
Attentes Craintes Besoins
archétypale
de chacun de chacun de chacun
du livre
Territoire Renforcer un salon Non-adhésion Partager avec Objet de
du livre ; des autres le monde consommation
le pérenniser acteurs de l’Éducation et de culture
nationale
Fédérer autour
du livre
Réseau de Ouvrir des Rencontre de Faire des Objet d’expert,
bibliothé- bibliothèques, difficultés par bibliothèques codifié et classé
caires augmenter les bénévoles des centres
les adhérents du réseau culturels
Enseignants Préparer Perte de temps Légitimer Objet étudié,
les ateliers pour un contenu une action référence
d’écriture, les dont ils ne par la culture Support
actions concrètes voient pas de cours
(calendrier, nombre l’utilité
d’heures…)
100
Deuxième espace : l’établissement
Nouvelles propositions :
Formations bibliothèques
Développement de nouvelles actions Sur la base de cette analyse :
– Planification des projets
– Modification des projets
101
La culture au cœur des apprentissages
102
Deuxième espace : l’établissement
17. Quénet P. et Soudjian G., « Le management de la qualité des normes ISO 9000-2000 – est-il
applicable à l’Éducation nationale ? », Technologies & Formations, n° 105, 2002.
103
La culture au cœur des apprentissages
carreaux d’un mètre par trois ou alors infiniment petit d’un demi-centimètre par un
demi-centimètre parce que l’on va faire une mosaïque artistique dans une salle de
bains est forcément différent du carreleur d’avant. En général, on intervient là-dessus
sur des appartements haut de gamme ou dans l’hôtellerie de luxe. Quelqu’un qui
gagne le salaire d’un carreleur ne passe pas son week-end dans l’hôtellerie de luxe. Il
ne va pas non plus au théâtre ou à l’opéra, lieux qu’il pourrait peut-être rénover dans
les semaines suivantes. S’il n’a pas rencontré à un moment dans sa vie la différence
entre le beau et ce qui ne l’est pas, afin de comprendre l’exigence de qualité, sa tâche
sera difficile par le sens qu’il pourra lui donner.
Mettre de la culture et mettre de l’autorité dans l’éducation nationale pourraient amé-
liorer la qualité.
Il faut permettre à des personnes, même quand leur niveau de formation est consi-
déré comme faible, et encore plus dans ce cas, d’accéder à la culture, une culture
populaire locale, je parle à dessein de paysages, d’environnement, de gastronomie,
de connaissances de l’histoire locale, de connaissances du monde des entreprises.
Tous ces savoirs doivent être envisagés par l’angle des pratiques, de la rencontre
avec des artistes. Pour les artisans de mon entreprise, il est intéressant et important
qu’ils puissent rencontrer des artistes, ainsi ils deviendront de meilleurs artisans. La
possibilité de donner à tous une ouverture culturelle est essentielle. Quand j’étais poli-
tique je le faisais par conviction humaniste parce que je pensais que les gens seraient
meilleurs, que les élèves deviendraient des adultes différents. Aujourd’hui je suis chef
d’entreprise et je sais que dans mon entreprise ils deviendront de meilleurs salariés
pour le produit intérieur brut du pays et pour le bon fonctionnement de l’entreprise.
Cette imprégnation culturelle fera que dans cinq mois ou après dix ans ils n’auront pas
peur du changement, ils auront toujours envie d’aller de l’avant, ils seront toujours
curieux, la culture leur donnera cette curiosité et le monde de l’entreprise fera le reste.
La seconde notion importante est celle de l’autorité. Je suis patron, je suis l’employeur
et j’ai ainsi « le dernier mot » ; il est alors beaucoup plus simple de se mettre dans une
situation égalitaire pour permettre à tout le monde de trouver un intérêt à collaborer
et participer dans l’évolution d’un projet. Ce que j’ai vu de l’éducation nationale c’est
précisément cette notion d’autorité qui semble manquer, l’éducation nationale n’arri-
vera pas à organiser des projets éducatifs, n’arrivera pas à faire entrer la culture ou à
faire rentrer le monde de l’entreprise en son sein si à un moment donné, on ne nomme
pas un chef de file.
Les projets d’établissements, les projets de territoires, les projets pour l’ensemble de
l’éducation nationale ne pourront exister que si, à un moment donné, on désigne des
chefs de file qui vont organiser cela. Je ne peux pas faire évoluer mon entreprise si je
ne suis pas considéré comme le vrai patron. Je trouve dommage que la question de la
gouvernance ne soit pas plus claire dans l’éducation… Je crois beaucoup à l’importance
de la territorialisation, un chef d’établissement pourrait être un excellent manager dans
ce type d’organisation sur un territoire ce qui correspondrait d’une certaine façon à une
entreprise, mais faut-il encore qu’il puisse être un pilote, un vrai…
104
Deuxième espace : l’établissement
105
La culture au cœur des apprentissages
20. Deming W. E., Out of the Crisis, traduction Gogue J. M., Hors de la crise, éditions Economica,
1991.
21 De Ketele, J.-M. et Gerard F.-M., « La qualité et le pilotage du système éducatif », in
M. Behrens (éd.). La qualité en éducation, Pour réfléchir à la formation de demain, Presses de
l’Université du Québec, collection « Éducation-Recherche », 2007.
106
Deuxième espace : l’établissement
Une nouveauté ?
Il est remarquable d’observer que certaines approches de la démarche qualité
ont déjà intégré le monde de l’Éducation nationale. La création d’un observatoire
des bonnes pratiques, la mise en avant très fréquente de ces mêmes bonnes
pratiques dans les gouvernances nationales et académiques ne sont-elles pas
la déclinaison éducative du benchmarking ? Cette technique de marketing qui
consiste à s’inspirer des pratiques des autres entreprises afin d’améliorer ses
résultats connaît ainsi une adaptation dans l’école. Chaque enseignant, chaque
discipline, chaque établissement peut, de cette façon, progresser sans avoir à
innover systématiquement.
107
La culture au cœur des apprentissages
Comment ?
Il faut décaler là aussi le regard, intégrer une unité qui se nomme le territoire,
investir la durée, permettre une mise en réseau des établissements (écoles/
collèges) et supprimer le classement des établissements dans le secondaire (ils
sont regroupés en cinq catégories financières). Tout cela afin d’éviter cette fuite
en avant, qui oublie l’essentiel, le sens de l’action et donc l’appétence au change-
ment au profit d’une simple ambition personnelle. Il faut donner enfin à l’EPLE, à
son pilote et à son équipe le pouvoir du changement.
Le sens doit, de nouveau, être investi, le sens du travail pour l’enseignant,
pour le chef d’établissement, pour l’élève, pour les partenaires et les familles.
Un sens à trouver dans un ancrage territorial et où la culture devient l’élément
central, parce que la culture :
–– retisse les liens entre le passé et le changement en incorporant le présent
dans l’histoire de chaque personne ;
–– est partagée avec les partenaires, les politiques et les familles ;
–– est le fondement de chaque discipline…
Nous nous sommes donc penchés sur ce que l’on appelle la qualité de l’ensei-
gnement. Pour améliorer cette qualité, il faut aller chercher ceux qui la mettent
en œuvre, les accompagner, les rassurer pour qu’ils acceptent de modifier leurs
activités et, par conséquent, leur investissement ainsi que les perspectives qu’ils
avaient envisagées. Ce processus, que l’on présentera comme une évaluation
formative, s’ajustera et se modifiera au cours du temps, car la notion de durée
est aussi pour nous l’élément indispensable pour instaurer une démarche qualité.
108
Deuxième espace : l’établissement
22. Bouchard C. et Plante J., La qualité : mieux la définir pour mieux la mesurer, université de Liège,
2002.
109
La culture au cœur des apprentissages
110
Outil 13 : modèle d’évaluation librement inspiré de Bouchard et Plante
À-PROPOS
FLEXIBILITÉ : leadership du chef d’établissement
Contraintes : programmes Ajustements
de l’Éducation nationale
et organisation administrative
Environnement :
politique et territoire
(offre)
Besoins :
ouverture culturelle Besoins :
ouverture culturelle
IMPACT : et amélioration des résultats
ouverture, objectifs
PERTINENCE : partagés, liens
choix d’une stratégie avec le territoire
globale culturelle
111
Deuxième espace : l’établissement
La culture au cœur des apprentissages
112
Outil 14 : pour une démarche qualité
Phases du
Phases
modèle
du Inquiétudes et résistances des acteurs Propositions Planification
(Bouchard
processus
et Plante)
113
Deuxième espace : l’établissement
114
Phases du
Phases
modèle
du Inquiétudes et résistances des acteurs Propositions Planification
(Bouchard
processus
et Plante)
Inquiétudes liées au travail Inquiétudes liées au travail Faciliter les échanges entre
Année 2
avec les partenaires : avec les partenaires : les enseignants, les
Continuation et/ou
comment coconstruire pour comment trouver dans partenaires et le territoire
réajustement des actions
que chacun trouve sa place ? les propositions culturelles Opérationnaliser ces
Phase 6 : Formation : territoire
Quels outils territoriaux, un enrichissement des démarches avec des outils
coconstructions apprenant
quelle complémentarité disciplines ? Comment de contractualisation (charte
Organisation de l’équipe
des dispositifs ? Comment travailler ensemble avec ou contrat de territoire)
et pilotage pédagogique
le chef d’établissement des partenaires non EN ?
du chef d’établissement
peut-il s’y prendre ?
Phases du
Phases
modèle
du Inquiétudes et résistances des acteurs Propositions Planification
(Bouchard
processus
et Plante)
115
Deuxième espace : l’établissement
La culture au cœur des apprentissages
Un tableau de bord peut être construit comme aide à la décision du chef d’éta-
blissement afin d’avoir une vision globale. Il sera, dans un second temps, partagé
avec les équipes éducatives pour favoriser le dialogue et l’implication (indicateurs
du contrat d’objectifs). Enfin, il peut s’articuler avec la stratégie éducative suivie
pour la renforcer et la piloter. Il intègre le nombre de partenaires, le nombre
d’actions coconstruites, le nombre d’élèves en parcours personnalisés, le pour-
centage d’items du socle proposés à la validation par un partenaire extérieur, le
pourcentage de professeurs en formation construite autour de la stratégie cultu-
relle, le pourcentage de professeurs inscrits dans un projet transversal prenant
appui sur la stratégie culturelle… Il est également possible de positionner l’éta-
blissement par rapport à une échelle graduée de un à cinq pour son implication,
la mise en œuvre de partenariats, de projets coconstruits sur un territoire.
116
Deuxième espace : l’établissement
Faire mieux l’essentiel, mais qu’est-ce que l’essentiel ? L’articulation entre l’école et
la société est l’axe principal. La stratégie culturelle permet d’agir sur cette interac-
tion car elle ne peut se construire qu’en partenariat. Elle interroge le territoire, ses
populations, ses politiques. Mettre en cohérence les objectifs éducatifs retenus, les
moyens déployés et les processus développés permet de se centrer sur l’élève et son
parcours, c’est-à-dire l’essentiel. Cette réflexion se formule autour de la pédagogie
déployée sur le terrain. Elle impose une base solide en sciences de l’éducation et sur
les évolutions de la recherche actuelle.
L’efficience est encore aujourd’hui ignorée au profit de la logique de moyens ou
du désintérêt pour l’efficacité. Chaque action éducative, chaque projet, chaque
cours doit se poser en ces termes. Le socle commun répond déjà en partie à cette
interrogation ; bien loin d’un ensemble de connaissances disciplinaires, bien loin du
programme, il impose de se recentrer sur des compétences par nature transversales.
117
3
Troisième espace :
une contextualisation
119
La culture au cœur des apprentissages
120
Troisième espace : une contextualisation
2. Vidal de La Blache P., Tableau de la géographie de la France, paru comme préambule et tome 1
de l’Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution, publiée sous la direction d’Ernest
Lavisse, 1903.
3. Lettre de mission à Xavier Darcos signée par le président de la République et le Premier
ministre, 5 juillet 2007.
121
La culture au cœur des apprentissages
Le contrat tripartite
La loi pour la refondation de l’école du 8 juillet 2013 donne la possibilité à
la collectivité territoriale « si elle le souhaite » d’être partie prenante du contrat
d’objectifs conclu entre l’établissement (EPLE) et l’autorité académique. Dans
l’annexe de cette loi, il est mentionné que les contrats d’objectifs des EPLE
doivent devenir tripartites. Il faudra certainement quelques années d’expérimen-
tation pour construire ce conventionnement. Néanmoins, il semble intéressant
d’envisager enfin un véritable diagnostic partagé, de définir trois objectifs jugés
« prioritaires » et opérationnels sur la durée du contrat. Ces objectifs communs
devraient permettre à chacune des parties de proposer des actions, des
démarches dans la complémentarité, la cohérence et non le chevauchement ou
122
Troisième espace : une contextualisation
123
La culture au cœur des apprentissages
Comment ?
Le chef d’établissement devient le maillon essentiel pour permettre la
coconstruction de ces parcours. La culture s’affirme comme une stratégie parta-
gée avec son équipe, dans l’opérationnalisation de parcours, qu’il impulsera,
proposera, fédérera, avec une visée globalisante. Ces parcours coconstruits
sur un territoire, tisseront ainsi des liens entre les disciplines (projets transver-
saux), les niveaux (premier/second degrés, classes), les partenaires (structures,
parents, artistes), les temps (projets en temps et hors temps scolaire). Cette stra-
tégie doit ainsi permettre :
–– un travail d’équipe élargi qui englobe les partenaires, dans une visée de
démultiplication de l’impact de la proposition culturelle, au-delà d’une
juxtaposition d’actions isolées (c’est-à-dire au-delà du catalogue d’actions) ;
–– un agencement partenarial et politique favorisant de nouveaux ensembles
géographiques, poreux et de coconstructions ;
–– une prise en compte du parcours de l’élève dans ses temporalités, favori-
sant des trajectoires choisies, véritable aide au projet d’orientation ;
–– une relation pérenne avec le territoire proposant des offres de qualité, enri-
chies par des propositions extérieures.
Afin d’inscrire cette stratégie dans la durée, il est indispensable de vérifier
deux éléments du processus :
–– le cadre, qui définit le rôle de chacun par une convention précisant la place
et le rôle de chaque partenaire. Le contrat tripartite pourrait s’inscrire dans
cette logique ;
–– le pilotage délégué au niveau de l’EPLE (collège), car le collège est le lieu
évident de la cohérence et de la convergence des dispositifs sur un terri-
toire, garant de l’égalité des chances.
124
Troisième espace : une contextualisation
Une telle mise en œuvre permet des circulations, des échanges et des liens
entre des communes, des partenaires (éducation, jeunesse, culture, politique)
qui jusque-là n’avaient que peu de contacts. Ces circulations et ces échanges
indiquent des ruptures mais aussi des continuités qui bousculent les frontières
traditionnelles, ce qui explique en partie certaines difficultés rencontrées lors
de la réforme des rythmes scolaires dans le premier degré (au-delà des aspects
financiers). Le territoire peut se fédérer en créant de nouveaux liens territoriaux
entre des espaces pensés habituellement comme discontinus ou univoques. Les
pratiques culturelles viennent ainsi concrètement réinterroger le territoire dans
sa dimension symbolique autant que physique, et le réinscrire dans un processus
innovant.
125
La culture au cœur des apprentissages
Rapport à l’objet,
l’œuvre : visite musée,
exposition, patrimoine,
spectacle…
Sensibilisation,
découverte :
animations, ateliers
de courte durée…
Temps fort : résidence,
festival, action sur
un temps plus long…
Pratique : ateliers,
cours, associations…
Axe professionnel
Durée et lieu Métiers Rencontres Champs Formations
professionnel rencontrés : … profession- professionnels abordées : …
de la rencontre : … nelles abordés : …
proposées : …
126
Troisième espace : une contextualisation
Point
Type de de vue sur Identification Moyens
Structure Missions
structure le territoire des difficultés proposés
(objectifs)
127
La culture au cœur des apprentissages
128
Troisième espace : une contextualisation
129
130
Pour la construction des parcours culturels en temps et hors temps scolaire
ÉCOLES
COLLÈGE
Partenaires secteur de recrutement
Structures
du monde artistiques
de l’entreprise et culturelles
et de l’artisanat Autres structures éducatives
Structures Archives,
La culture au cœur des apprentissages
nationales et musées,
Projet culturel partagé départementales, parcs nationaux,
Établissements Mise en festivals,
d’enseignement Pour les enseignants, les élèves, régionaux
cohérence orchestres
artistique, et ouverture les partenaires associatifs,
professeurs, sur des les jeunes structures éducatives Réseaux
intervenants en techniques des bibliothèques
milieu scolaire et des Temps Parcours culturels
de formation (accès à l’œuvre,
métiers
Ressources histoire des arts)
artistiques
Parcours de première
Accès sensibilisation Lectures Accès
au spectacle Accès au
Soutien technique Parcours de pratique publiques, au patrimoine
Propositions spectacle,
Pratique collective livres, naturel,
pédagogiques Parcours de concert et
lectures immatériel,
Enrichissement découverte cinéma
des métiers théâtralisées matériel
des apprentissages
Partenaires
locaux :
Outil 18 : représentation systémique d’un territoire culturel
• Repenser les projets d’école, les projets d’établissement, les contrats d’objectifs,
les projets des structures culturelles, des associations autour de lignes directrices
communes. Réaliser un diagnostic partagé, école, établissement du secondaire,
territoire, et établir des conventions cadres avec les partenaires.
• Construire des formations conjointes Éducation nationale, structures culturelles,
associations en réponse aux besoins spécifiques de ces acteurs et en lien avec les
lignes directrices définies.
• Apprendre à partager les ressources : le CDI (centre de documentation et d’informa-
tion au sein d’un collège) devient centre de ressources local, la restauration scolaire
est ouverte aux élèves du premier degré bien sûr, mais également à des associa-
tions… L’établissement est pensée comme lieu de vie locale.
• Envisager un directeur pédagogique de l’Éducation nationale sur un territoire qui
pourrait piloter plusieurs établissements scolaires, premier et second degrés, sur ce
territoire et développer des synergies. Une expérimentation pourrait être faite sur
des territoires ruraux ou dans des banlieues. Il s’agirait de remplir une fonction de
leadership spécifique, fondée sur une formation en sciences de l’éducation, sur une
capacité à opérationnaliser une pensée…
131
La culture au cœur des apprentissages
transmission des savoirs dont elle se donne la mission peut conduire à investir
les professeurs et seulement les professeurs de la construction éducative. Dans
cette opposition entre une école consumériste dont la pédagogie est tournée vers
une « conception bancaire7 » et une école libératrice dans laquelle « les hommes
s’éduquent ensemble, par l’intermédiaire du monde8 », le risque est de démis-
sionner et de laisser aux seuls enseignants et à la seule Éducation nationale la
responsabilité de l’éducation.
Dans l’école, bien souvent, les partenaires culturels, artistes, associations
sont invités afin d’illustrer un domaine disciplinaire ou de participer à une action
d’ouverture culturelle. En effet, et pour paradoxal que ce soit, l’école a bien
conscience de son enfermement disciplinaire et intellectuel et lutte contre lui
par la consommation d’actions et de partenaires. Ceux-ci vont intervenir, réaliser
une opération et parfois la monnayer sous une forme ou une autre sans que l’on
puisse qualifier ceci de partenariat. Dans ce cas, le partenariat n’est en fait qu’une
consommation réciproque dans laquelle aucune construction n’a été réalisée.
Il a cependant l’avantage de satisfaire l’ensemble des acteurs.
7. Freire P., Lefay L. (traduction), Lefay M. (traduction), Pédagogie des opprimés, La Découverte,
collection « (re)découverte », 2001.
8. Ibid.
132
Troisième espace : une contextualisation
133
La culture au cœur des apprentissages
134
Troisième espace : une contextualisation
135
La culture au cœur des apprentissages
d’une visite. Ce réseau est centré sur le commanditaire – ici l’enseignant – afin
de faciliter la circulation de l’information11. » Cette catégorie correspond à ce que
les enseignants nomment souvent « ouverture culturelle » et qui vient illustrer un
point précis du programme.
« Le ROC 2 est un réseau de type “action”. Le temps de l’action va être
moyennement long (six à douze semaines), c’est le cas par exemple des ateliers
de pratiques artistiques et culturelles. Le réseau a une forme binaire, d’un côté,
les partenaires qui proposent leur terrain et (ou) leur savoir-faire et, de l’autre, la
classe12. » Cette catégorie inclut la pratique de l’esthétique concernée.
Nous retrouvons dans ce type de partenariat tous les projets montés avec des
artistes ou des structures culturelles, ce qui correspondait, dans le plan Tasca-
Lang13 « arts et culture », aux classes à PAC (projet artistique et culturel). La forme
de partenariat la plus largement utilisée par les établissements scolaires est le
type 1, un échange court dont le commanditaire est l’enseignant.
Ces types de partenariats restent relativement figés, la finalité semble être
l’élément le plus important. Ces actions sont, pour la plupart, comme nous l’avons
déjà suggéré, des objets culturels au service de l’Éducation nationale. Cette façon
d’envisager le partenariat est particulièrement limitative et ne concerne l’élève
que dans son contexte scolaire d’apprentissage ; à aucun moment d’autres
temporalités sont interrogées, par exemple la possibilité d’actions en dehors de
l’école dans une continuité et non une opposition, comme éléments constitutifs
d’un parcours culturel. Le partenariat devrait être conçu comme « un mode d’or-
ganisation qui solidarise les acteurs issus de mondes divers autour de ce qui fait
problème dans une situation donnée » et cela afin de permettre la construction
« des communautés sur la base des différences de chacun14 ».
« Par son étymologie (en latin hybrida signifie “sang-mêlé”), le terme “hybri-
dation” évoque une fécondation qui ne suit pas les lois naturelles : c’est le fait
de croiser deux espèces ou deux genres différents, pour provoquer la naissance
de spécimens réunissant, à un degré plus ou moins marqué, des caractères
spécifiques des deux parents. Si l’hybridation intergénérique est assez rare
dans la nature (le mulet, produit du croisement de l’âne et de la jument, en est
l’exemple classique), l’hybridation interspécifique est beaucoup plus fréquente,
11. Mérini C., « Le partenariat : histoire et essai de définition », Actes de la Journée nationale de
l’OZP, 5 mai 2001.
12. Ibid.
13. Plan « Tasca-Lang » de développement des arts et de la culture à l’école en 2000.
14. Mérini C., « Trois obstacles au développement du partenariat », Cahiers pédagogiques,
Hors-série n° 24, janvier 2012.
136
Troisième espace : une contextualisation
en particulier dans le règne végétal : les flores sont riches en exemples d’hybrides
entre espèces apparentées15. »
L’hybridation permet une nouvelle forme du partenariat, de la coopération
qui consiste à se répartir les tâches à la collaboration qui, par la coconstruction,
permet de partager objectifs et compétences au service de l’élève. Nous nous
retrouvons actuellement dans une société où la culture est multiforme, sans
frontières, poreuse… Les esthétiques se mêlent, les artistes investissent les lieux
de vie, notre environnement s’ouvre et retrouve son histoire dans une contem-
poranéité sans cesse réinventée. Cette porosité culturelle nous entraîne dans un
nouvel agencement des partenariats. L’école ne peut plus rester enfermée dans
ses murs et consommer du « culturel »… Elle doit aussi répondre aux changements
de la société, sous peine de perdre une grande partie de son rôle éducatif. C’est
donc dans un souci d’élaboration de formes nouvelles, en réponse à ce monde qui
bouge, qui change, qu’il nous faut apprendre à construire autrement et utiliser ces
transversalités culturelles actuelles pour dépasser et aller au-delà de la simple
approche par les connaissances, qui souvent favorise uniquement le bon élève.
C’est pourquoi l’hybridation nous semble être une réponse pertinente, dans le
sens où elle élabore de nouvelles formes de relations – l’hybridation comme mise
en œuvre de situations favorisant les rencontres, les échanges et donc particuliè-
rement la transversalité. Il nous faut penser la pluralité des apports au-delà de la
seule approche didactique, envisager que l’Éducation nationale peut construire
par confrontation, par échanges et par approches plurielles. Ces nouveaux agen-
cements permettront ainsi une nouvelle mise en contexte où le territoire prendrait
toute sa place, s’inscrivant dans une dynamique de construction de projet culturel
de société.
Le territoire devient donc le cœur de ces recompositions, agencements et
hybridations qui convoquent les connaissances, mais aussi l’éphémère, l’humain
et le sensible. Des figures différentes émergent de rencontres et coopérations
inattendues, de pratiques renouvelées et revisitées, de croisements au-delà des
temporalités classiques. Les murs de l’école s’ouvrent enfin et durablement vers
des territoires devenus poreux, permettant ainsi de nouvelles constructions et
des modalités de coopération innovantes vers la fabrique de nouveaux territoires.
C’est dans cette perspective que nous aborderons le partenariat, et plus
particulièrement celui qui marque l’ouverture de l’établissement vers d’autres
acteurs, d’autres logiques, d’autres univers qui n’ont a priori pas vocation à
œuvrer ensemble.
137
La culture au cœur des apprentissages
Comment ?
Pour permettre ce type d’organisation au sein d’un territoire, il nous faut être
très attentifs à ce que chacun puisse trouver sa place. Le pilotage est donc essen-
tiel et le chef d’établissement par sa situation peut tout à fait l’assumer. Chaque
partenaire doit être actif, il est important de dépasser l’approche uniquement
didactique, sans pour autant se retrouver dans un relativisme qui déstabiliserait
les équipes. Il semble donc essentiel de créer des outils et, en l’occurrence, un
référentiel commun au projet est indispensable.
En amont, l’équipe formée doit déterminer les objectifs visés, les actions qui
seront mises en œuvre doivent interroger le rôle de chaque partenaire, ainsi que
l’évaluation. On comprend aisément que ces nouvelles formes de rencontres et
d’échanges ne seront plus dépendantes de la durée, ni de la forme, mais que cette
hybridation des pratiques, nouvel agencement du territoire, apparaît alors comme
un processus à un moment donné et non comme une finalité. Face à des réponses
stéréotypées, l’hybridation apporte une incertitude créatrice.
138
Troisième espace : une contextualisation
139
La culture au cœur des apprentissages
l’écriture, le texte, la musique… Ces ateliers ont été proposés par l’école de
musique, les associations jeunesse et les bibliothèques.
4. Pratique : des ateliers « chorale », ou encore écriture de chansons, peuvent
permettre à l’adolescent de pratiquer chaque semaine. Ces pratiques régulières
sont le fruit d’un choix individuel suite à la sensibilisation, la rencontre dans le
temps de l’école. Ce type de proposition doit rester en dehors de l’école et venir
enrichir les parcours personnels culturels des élèves.
Les postures des partenaires selon ces entrées ont permis de mettre en lien les
enseignements, mais aussi le territoire et le hors-temps scolaire.
1. Temps fort – postures : l’artiste s’est positionné alternativement en tant
qu’expert (sa qualité de professionnel du monde de la chanson française), comme
passeur en mettant en relation d’autres artistes, d’autres écritures avec son
travail, et aussi comme révélateur en donnant du sens au travail effectué dans les
enseignements de français, de musique.
2. Rapport à l’objet – postures : les propositions des différents partenaires ont
permis aux élèves de découvrir (animateur) l’univers de la chanson française.
3. Sensibilisation – postures : les différents intervenants de l’école de musique,
du milieu associatif, ainsi que les bibliothèques ont accompagné les jeunes dans
des pratiques (passeur).
Notre second exemple porte sur la filière bois. Ce projet répond à un constat :
des élèves avec peu d’ambition et qui, souvent, se retrouvent dans ces métiers.
Pourtant, ce secteur économique pourrait développer pour ces jeunes des débou-
chés intéressants à tous les niveaux socioprofessionnels. Le travail du bois est
un vaste réseau qui part des métiers de la forêt (forestier, coupeur, garde…),
en passant par le travail d’usinage de ce bois pour aller à la construction et au
design, voire à l’objet d’art.
Il nous a semblé intéressant de construire un projet qui prenne naissance dans
une particularité du territoire, comme ici avec une commune « porte » d’un parc
régional et développant une filière bois importante. Mais au-delà des métiers clas-
siques, orientation régulière des élèves du collège (scieries ou forêts), nous avons
souhaité visiter l’ensemble des possibles pour favoriser une autre ambition, vers
des métiers spécialisés et performants (construction, design…) et pourquoi pas
jusqu’au métier d’art (compagnonnage, artisan…). Les partenaires sollicités, outre
les collectivités (communes, conseil général), seront de différents types :
–– les particuliers : familles, entreprises locales… ;
–– les structures départementales et nationales ayant une antenne départe-
mentale : parc régional, CAUE (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de
l’environnement), chambre des métiers, CNDB (Centre national du bois),
Office national des forêts ;
140
Troisième espace : une contextualisation
141
La culture au cœur des apprentissages
Nous voyons dans cet exemple comment le collège, par l’intermédiaire de son
chef d’établissement et de l’équipe pédagogique, va s’emparer du « savoir-faire »
de son territoire pour aller à la fois transformer et enrichir des savoirs (connais-
sances, savoir-faire, savoir-être), donner du sens à des parcours d’orientation et
permettre à des élèves en difficulté de trouver dans de nouveaux parcours une
ambition qui favorisera la réussite de chacun… Mais au-delà de l’atteinte des
objectifs déterminés en commun, le territoire pourra lui aussi s’enrichir, peut-être
s’ouvrir sur de nouveaux métiers et, surtout au regard de sa population et des
familles, devenir un territoire intéressant et non ce territoire rural qui n’offre que
peu de perspectives. On pourra observer que le référentiel est devenu l’outil de
pilotage et que les actions pourront prendre des formes multiples, dialoguant
entre elles, en temps courts et d’autres plus longs, réguliers ou non, mêlant
enseignants, familles, partenaires, sur un territoire qui, au fil des agencements,
prendra une autre dimension.
142
Troisième espace : une contextualisation
143
La culture au cœur des apprentissages
approche ramène l’acte éducatif à une expression unique et suppose que seules
les actions de ce moment privilégié, par ailleurs disciplinaire, peuvent concourir
véritablement à l’éducation, les autres temps appartenant au périscolaire, aux
loisirs, au temps perdu…
144
Troisième espace : une contextualisation
temps structuré. Par contre, les loisirs très informels des sociabilités juvéniles et de ses
sorties, ou encore de la télévision et de l’ordinateur, rendent cette gestion plus difficile.
Le pari de l’institution scolaire française, lors de la massification de l’enseignement
secondaire, était bien de rendre la culture de l’élite accessible à tous ! L’absence de
réflexion globale sur les programmes scolaires en France témoigne de l’espoir mis dans
les transformations structurelles plus que dans des contenus. Pourtant, ceux-ci ont
malgré tout évolué, dans le sens d’une diversification des objets et courants culturels
accueillis à l’école : littérature de jeunesse, culture de l’image, culture numérique ont
fait leur entrée à l’école, avec plus ou moins de force selon les postures des ensei-
gnants.
Par ailleurs, qu’est-ce que la culture de l’élite ? Sa définition ne fait plus l’unanimité,
à l’heure où les cadres supérieurs et les milieux bourgeois écoutent davantage de
rock parfois que d’opéra et font aussi du karaoké ! Sa définition traditionnelle comme
culture de la « classe dominante » est discutée à l’heure où les sociologues de la
culture, après le sociologue américain Richard Peterson, parlent de nouvelles fractures
entre « éclectiques », capables de circuler entre plusieurs types de culture, et non-
éclectiques, « enfermés » dans un seul type de culture, en haut ou en bas de la société.
Bernard Lahire a par ailleurs bien montré, dans La culture des individus, que les
jeunes scolarisés arrivaient justement à circuler entre plusieurs types de culture, les
jeunes de milieux populaires, parce que la culture académique de l’école leur apporte
d’autres références, et les jeunes de milieux aisés, parce que la sociabilité juvénile
aujourd’hui se fait aussi largement par la diffusion de modèles culturels appartenant
aussi aux cultures populaires et urbaines actuelles. Le problème s’est donc complexifié
aujourd’hui, mais le rôle de l’école, s’il s’est infléchi, reste central dans ce qui est non
plus la transmission d’une culture monolithique, mais l’aptitude à diversifier ses réfé-
rences et ses capacités de circulation.
Pour proposer seulement quelques connexions dans toutes les relations possibles
entre ces concrets, culture, temporalités, école, égalité des chances, je pense que la
culture scolaire aujourd’hui a du mal à se définir, d’une part, parce que l’égalité des
chances est trop mise à mal dans la réalité pour qu’elle y trouve une légitimation très
stable et, d’autre part, parce qu’elle a largement perdu sa position de monopole, en
raison de tous les accès non institutionnels, en particulier numériques, aux savoirs et
à des formes de culture très diversifiées. Elle doit refonder son projet éducatif, autour
d’une idée forte, ce qu’interdit une vision en termes de course et de concurrence sco-
laire – où il y aura toujours des perdants – et en articulant les aspects patrimoniaux
d’une culture qui reste à transmettre et des formes de culture vivante, vécue ou prati-
quée, où évoluent les adolescents en dehors de l’école.
Par ailleurs, la question des temporalités est intéressante : la culture scolaire se définit,
surtout dans l’enseignement secondaire, par son caractère impersonnel, mais aussi sa
temporalité immuable, cyclique et cumulative. Certes, bien des dispositifs tentent de
la personnaliser, bien des projets cherchent à rompre la routine des matières et des
périodes qui se succèdent en introduisant des temporalités plus longues, ou même
cherchent à favoriser des logiques de remédiation ou de rattrapage des savoirs non
assimilés. Mais les adolescents font l’expérience, en dehors de l’école, de tempora-
lités beaucoup plus brèves, de polyactivité et sont dans des logiques constantes de
découverte et d’exploration d’activités. L’école, si elle ne saurait être dans une pure
145
La culture au cœur des apprentissages
logique d’adaptation et si elle a sans doute vocation à défendre un temps long contre
le « zapping permanent », doit au moins se poser la question de la légitimation de
temporalités aussi éloignées de la vie sociale actuelle, mais aussi peut-être en explorer
partiellement de nouvelles.
146
Troisième espace : une contextualisation
Une praxis éducative, permettant ainsi une modification des rapports et dont
l’organisation temporelle serait une vraie résultante et une vraie réponse. C’est
dans leur sens de parcours d’éducation qu’il nous semble intéressant d’interro-
ger les temporalités. Des parcours qui offrent des possibilités de rencontres, qui
questionnent le quotidien en référence aux objets du passé, qui proposent des
outils conceptuels, mais aussi culturels, afin de donner du sens et de la cohérence
à l’ensemble des apprentissages.
Il faut donc envisager plusieurs temps et favoriser le temps pensé et construit
au lieu de celui subi et chronologique. Il faut aussi apprendre à rechercher les
composantes les plus courtes de ces temps et les assembler, les solidariser
comme nous le proposait déjà Gaston Bachelard : « Le temps ne se remarque que
par les instants ; la durée n’est sentie que par l’instant. Elle est poussière d’ins-
tants, mieux, un groupe de points qu’un phénomène de perspective solidarise
plus ou moins étroitement17. »
Retrouver ainsi tous les temps qui vont permettre l’émergence de ces
« histoires de vie », associer, faire dialoguer les temps personnels, les institu-
tionnels, les familiaux, les en-groupes, les entre-pairs et les temps où l’enfant,
l’adolescent est seul.
Il est maintenant indispensable de réfléchir en intégrant le temps global pour
réaliser un tissage de sens entre tous ces temps multiples, mais aussi de le penser
en relation avec l’action, comme le temps des loisirs, celui du travail, de l’appren-
tissage ou encore celui du désœuvrement. Il semble intéressant d’appréhender le
temps comme facteur pédagogique comme nous le propose Aniko Husti : « C’est
par ce fait qu’on a transformé le temps comme un impératif neutre en une variable
pédagogique. On pourrait considérer le résultat de cette démarche comme la
création d’une variable nouvelle de l’enseignement : le “temps” mobilisé par le
professeur est devenu un facteur intrinsèque et significatif de l’enseignement et
de l’apprentissage18. » Envisager de cette façon les différents temps de l’élève, de
l’enfant et de l’adolescent dans un système qui pourrait être considéré comme
celui de la « reliance éducative » pouvant ainsi valoriser d’autres savoirs déve-
loppés en dehors du temps scolaire, comme le développement des capacités
relationnelles, l’épanouissement personnel, l’autonomie et la capacité à trans-
férer les apprentissages. « Notre conception actuelle de l’éducation est devenue
trop étriquée », affirment Roger Sue et Marie-Françoise Caccia, « elle passe certes
par l’école, qui fait bien son travail, mais par bien d’autres modes d’activités,
17. Bachelard G., L’intuition de l’Instant, Stock, 1932 (édition poche 1994).
18. Husti A., Temps mobile, INRP, 1985.
147
La culture au cœur des apprentissages
19. Sue R. et Caccia M.-F., Autres temps, autre école, Impact et enjeux des rythmes scolaires, Retz,
2005.
20. Circulaire interministérielle n° 98-144 du 9 juillet 1998, BO 29 du 16 juillet 1998.
21. Circulaire n° 2008-059 du 29 avril 2008, ministère de l’Éducation nationale.
22. Circulaire n° 2013-073 du 3 mai 2013, ministère de l’Éducation nationale.
148
Troisième espace : une contextualisation
23. Octobre S., Berthomier N. (DEPS) « L’enfance des loisirs, Éléments de synthèse », Études
cultures, n° 6, 2011.
24. Barrère A., L’éducation buissonnière, Quand les adolescents se forment par eux-mêmes,
Armand Colin, 2011.
149
La culture au cœur des apprentissages
mettent en avant les choix sociétaux qui peuvent influer sur cette question des
temporalités.
Claude Lévi-Strauss dans ses travaux25 développe une réflexion théorique
autour des notions de société « froide » et de société « chaude ». Ces sociétés
sont caractérisées par l’attitude subjective que chacune d’entre elles peut adopter
à l’égard de la dimension historique, et plus largement comment elles se situent
dans son processus de mouvement. « Une société comme la nôtre se veut résolu-
ment dans l’histoire et elle cherche dans l’image qu’elle se fait de son mouvement
(il serait plus exact de dire : dans les images conflictuelles que les groupes qui la
composent se font de ce mouvement) à trouver le moteur de son changement26. »
De ce fait, nous pouvons considérer que notre société se constitue, d’une certaine
façon, sous une forme cumulative. Une accumulation de connaissances, comme
nous pouvions déjà la retrouver au xviiie siècle dans les principes fondamentaux
de l’Encyclopédie de Diderot : « Le but d’une encyclopédie est de rassembler les
connaissances éparses sur la surface de la Terre, d’en exposer le système général
aux hommes avec qui nous vivons et de le transmettre aux hommes qui viendront
après nous27. »
La reconnaissance sociale se retrouve donc dans ce « plus » de connaissances
et vient rencontrer dans notre monde contemporain l’accélération des techniques
de communication, rendant ainsi possible l’acquisition de savoirs en « temps
réel ». Notre société tend à effacer la notion de temps, même dans le domaine de
l’éducation. À l’école, nous assistons à la détresse de ces « enfants bolides » tels
que les nomme Francis Imbert28. Ils sont nombreux à vivre actuellement dans cette
idéologie de l’immédiateté et, comme nous le dit Raymond Bénévent, ils « payent
les pots cassés. Sommés d’être élèves plus tôt, donc enfants moins longtemps,
les tout-petits sont pris dans d’invivables projets parentaux ou professoraux
instituant la petite section de maternelle en première année de préparation à
Polytechnique29… » Comment parler alors du temps d’apprentissage, comment
accepter les délais nécessaires à la démarche personnelle d’appropriation que
seul l’apprenant peut mettre en acte et qui consiste en ce travail sur soi-même,
lent et laborieux, mais indispensable… Il nous faut accepter le « délai », accep-
ter que le temps se matérialise dans des étapes. Il nous faut donner du sens au
150
Troisième espace : une contextualisation
temps, mais aussi l’envisager dans sa globalité, et non par une accumulation de
durées qui peinent à être cohérentes.
Les établissements scolaires doivent être en relation avec le territoire dans
lequel ils sont installés, avec les entreprises, les associations, les structures cultu-
relles qui y déploient leur activité, avec les familles des élèves qu’ils accueillent,
avec les acteurs territoriaux. Ils doivent imaginer de nouveaux lieux où apprendre
et inventer d’autres environnements d’apprentissage.
Pour donner du sens aux enseignements, il est possible d’enrichir les savoirs
par des actions culturelles, véritables situations complexes en lien avec l’environ-
nement. Ces activités réalisées permettent à l’adolescent de se questionner et de
se mettre en relation avec les savoirs de l’école. Elles favorisent dans un contexte
différent le questionnement réflexif :
–– ce que je suis capable de faire ;
–– ce à quoi je m’engage ;
–– ce que j’ai réalisé ;
–– ce dont j’ai besoin ;
–– ce que j’ai découvert :
• du monde professionnel,
• des voies de formation,
• de moi-même.
151
La culture au cœur des apprentissages
Comment ?
Il faut organiser l’ensemble de ces propositions, les rendre cohérentes et
pertinentes pour que chacun puisse construire son propre parcours culturel,
faire dialoguer le temps scolaire en relation avec les disciplines et le hors-temps
scolaire. Pour cela, il faut accepter de partager l’idée d’un parcours éducatif
qui chemine entre les temps proposés. Il faut aussi apprendre à construire en
complémentarité, apprendre à partager des métacompétences, avoir une vision
commune.
152
Troisième espace : une contextualisation
153
La culture au cœur des apprentissages
154
Troisième espace : une contextualisation
30. Fondation FACIM, « Dessine-moi le goût du beaufort », artiste Laurent Moriceau, http://
fondation-facim.fr.
155
La culture au cœur des apprentissages
mettre en lien l’identité de ce territoire avec un objet symbolique que les élèves
se sont approprié et ont investi. La croûte de la meule est pyrogravée par chacun
des élèves de la classe concernée, qui réalisent ainsi une décoration gravée sur
ce fromage. L’ensemble des savoirs, savoir-faire, techniques se met au service de
l’œuvre collective.
Cette meule décorée a ensuite été exposée, le temps d’une journée, dans les
caves de la coopérative de fromage, au milieu des autres meules, œuvre artis-
tique collective.
Cette meule, œuvre éphémère, sera ensuite découpée et partagée entre tous
les élèves du collège. Ces jeunes pourront ainsi déguster le fromage, faisant dialo-
guer et donnant du sens aux savoirs, mais aussi à leur territoire de vie.
L’analyse de cette action partenariale nous permet de comprendre les diffé-
rentes étapes qui vont faire que le projet prendra sens pour l’élève. Il va de soi
que ces étapes peuvent se réaliser en temps scolaire, hors temps scolaire ou en
faisant se mêler les temporalités, ce qui était le cas dans cet exemple.
On peut penser que les actions culturelles s’entrecroisent, dialoguent et
surtout activent le sens et la cohérence pour l’élève entre l’intérieur et l’exté-
rieur de l’école. Les outils conceptuels issus de ses apprentissages formels à
l’école doivent lui servir dans sa vie de chaque jour, et les actions culturelles sont
souvent des propositions qui permettent à la fois de mettre en action les savoirs,
mais aussi d’interroger le symbolique et donc la construction de l’humain. Dans
le projet présenté précédemment, l’artiste a redonné du sens au commun, permis
aux jeunes de ce collège de voir « le beau dans l’ordinaire », de réfléchir à l’his-
toire et au devenir de leur communauté de montagne.
En ce qui concerne la pratique régulière, dernier type d’action dans notre typo-
logie, celle-ci concerne le hors-temps scolaire ; ce type de pratique peut naître
de ces actions, ces rencontres artistiques qui donnent envie d’aller plus loin. Les
actions culturelles et artistiques décrivent un parcours collectif qui pourrait être
complété par un parcours individuel prenant en considération une activité spor-
tive, la participation à une école de musique… Chaque partenaire du parcours
collectif peut faire des offres individuelles aux élèves. Les élèves débutent leur
parcours collectivement et le développent individuellement. Une cohérence peut
ainsi se dégager à partir de choix initiés par l’école. Cette capacité de proposition
peut être contractualisée au départ ; elle peut également être préexistante. Il faut
alors que le territoire soit organisé, pour répondre à ces demandes, d’où l’impor-
tance de la coconstruction.
156
Troisième espace : une contextualisation
Il est impératif d’élargir les temporalités scolaires pour prendre en compte l’appren-
tissage dans ses multiples dimensions en s’appuyant sur la culture, élément partagé
par l’école avec les associations, les familles, les partenaires.
Il faut donc utiliser les dispositifs existants pour les mettre en complémentarité, en
les agençant afin qu’ils ne se juxtaposent pas. Le collège, par exemple, peut coordon-
ner ce parcours des élèves comme garant de l’égalité des chances et de la cohérence
des parcours. Réintégrer dans les dispositifs scolaires la culture des jeunes permet-
tra de redonner du sens à la chose scolaire.
Il convient de faire de l’établissement scolaire un lieu de vie. Le CDI, centre de docu-
mentation et d’information en temps scolaire, devient une bibliothèque, un centre
culturel ouvert aux familles, à la population hors temps scolaire, voire en temps
scolaire. Ce centre culturel, ouvert au public, tisserait des liens entre une population
et son école.
157
Troisième partie
Un territoire
pour apprendre
ou comment
construire des
parcours culturels
161
La culture au cœur des apprentissages
162
Les valeurs fondamentales du projet
La liberté de choix
Comment est-on passé de l’école obligatoire de la Troisième République, qui
allait libérer le peuple par l’éducation, à l’obligation dans l’école qui contraint et
fait passer les élèves à l’aune de nos pratiques si peu pédagogiques ?
Le choix d’un parcours est le témoin d’une liberté donnée à l’élève dans le
processus d’éducation. Il repose sur la logique d’apprentissage évoquée par
Antoine Prost : « Les savoirs ne se transmettent pas, ils se reconstruisent et
chacun le fait pour son propre compte, à sa façon et suivant son propre rythme5 » ;
cependant, si seul l’élève peut apprendre, seul le professeur peut lui permettre
d’apprendre à apprendre. Ce professeur devra alors abandonner sa chaire profes-
sorale, dont l’aspect valorisant ne doit pas être négligé, au profit d’une posture
de facilitateur, de médiateur.
Les logiques suivies par les différents élèves ne peuvent qu’être différenciées,
ce qui pose la question de la normalité. L’acte scolaire s’appuie sur le concept de
norme au sens étymologique et géométrique, celui de l’équerre latine (norma).
Par extension, la normalité scolaire se construit autour d’idées, de règles et de
fonctionnements comme les programmes scolaires, l’heure de cours mais égale-
ment, si l’on retient l’acception grecque de nomos, la loi, la coutume pour arriver
à l’idée de modèle, voire de bien. Il nous faut donc nous éloigner de Cicéron et
permettre à l’élève de ne pas être « ad normam alicujus sapiens » (sage sur le
modèle de quelqu’un).
Nous formulerons donc une injonction paradoxale sous la forme d’une indis-
pensable liberté de choix pour les élèves comme préalable à l’inscription dans
une normalité sociétale revisitée et composée d’individus singuliers.
Aujourd’hui, l’école ne laisse quasiment aucun espace de liberté aux élèves.
Faire du latin en cinquième, prendre l’espagnol en quatrième… restent une conve-
nance. Ces options demeurent marginales dans la construction intellectuelle. De
même, l’éducation au choix prônée aujourd’hui dans le champ de l’orientation
ne peut prendre un sens que si elle s’appuie sur la construction d’un rapport à
la société, à la notion de travail dans un espace social. Dans le cas contraire, il
s’agit de tenter maladroitement d’améliorer l’orientation par l’échec, colonne
vertébrale de l’école française. Dans une société qui s’est complexifiée depuis
le milieu du xxe siècle, les normes traditionnelles n’existent plus et chacun doit
tracer sa voie dans une société beaucoup plus libre, alors qu’il n’a pas forcément
acquis le bagage intellectuel nécessaire à cette liberté. Peut-être faut-il rappeler
combien l’accès à la culture permet cette construction de la liberté, et pour cela
simplement citer l’extrait de ce texte magnifique qu’est le Canto General de Pablo
163
La culture au cœur des apprentissages
Neruda, écouter ce professeur de vie qui nous dit combien cette culture permet
liberté et humanité. « Ici prend fin ce livre qui est né de la colère comme une
braise, comme les territoires de forêts incendiées, et je désire que, tel un arbre
rouge, il continue à propager sa flamme claire. Mais dans ses branches, tu n’as
pas trouvé que la colère ; si ses racines ont cherché la douleur, elles cherchèrent
aussi la force, et je suis cette force de pierre pensive, cette joie de mains rassem-
blées6. »
6. Neruda P., Chant général, traduction C. Couffon, Gallimard poésie, 13 mars 1984.
7. Debray R., Éloge des frontières, Gallimard, collection « Blanche », 2010.
8. Cherkaoui M., Sociologie de l’éducation, collection « Que sais-je ? », PUF, octobre 2010.
164
Les valeurs fondamentales du projet
pourrait remettre en cause cette domination ? Le professeur doit devenir celui qui,
par ses compétences, introduit l’extérieur dans le cursus scolaire, coconstruit
avec cet « étrange étranger », devient ce médiateur, ce « passeur culturel9 ».
Il nous faut donc nous échapper du paradigme des jésuites qui, au xvie siècle,
sortaient délibérément l’école du siècle, ce monde qu’ils reformulaient par leur
enseignement en refusant les langues vernaculaires… Car aujourd’hui, « l’école
prétend préparer à la vie10 », ce qui implique qu’elle prépare des enfants à agir
dans une société, pas qu’elle les prépare à maîtriser des savoirs scolaires dont la
transférabilité sera toujours difficile. S’ouvrir sur l’extérieur n’est pas la marque
d’un utilitarisme réducteur mais celle d’une ambition qui modèlera un enseigne-
ment autre, et cela ne relève pas du miracle. Car comme nous l’enseigne Hannah
Arendt, « nous connaissons l’auteur des “miracles”. Ce sont les hommes qui les
accomplissent, les hommes qui, parce qu’ils ont reçu le double don de la liberté
et de l’action, peuvent établir une réalité bien à eux11 ».
La créativité
La créativité apparaît souvent comme une source de désordre ; peut-elle se
voir comme une valeur ?
Ce concept, caractérisé par des interactions combinant à la fois des compo-
santes cognitives, donc relatives aux connaissances, d’autres conatives autour
de la personnalité, de la motivation et enfin des composantes liées au contexte et
à l’environnement, ne semble pas a priori favorisé par l’école. En effet, les ensei-
gnants attendent trop souvent des élèves qu’ils suivent les consignes, travaillent
de façon silencieuse et posent des questions de compréhension ou de précision
sur les disciplines enseignées. La performance est évaluée par des épreuves
souvent sommatives, la bonne réponse est le principe qui atteste de la réussite.
A contrario, apprendre ou s’engager dans des actions créatives permet de se
préparer à se tromper et à l’accepter. Inciter l’élève à savoir prendre des risques
est une part fondamentale de l’éducation à la créativité.
Alors, ne pourrait-on envisager la créativité sous un autre angle ? Accepter
ainsi que le développement de l’être humain est en fin de compte un processus
créatif ? Car, très vite, l’enfant est obligé de construire diverses représentations
du monde en utilisant des solutions nouvelles nécessitant pour certaines des
165
La culture au cœur des apprentissages
12. Rouquette M.-L., La créativité, 7e éd., PUF, collection « Que sais-je ? », 2007.
13. Proust M., Le temps retrouvé, Gallimard, 30 novembre 1989.
14. Rapport OCDE sur la créativité dans l’éducation, Former des constructeurs de savoirs collabo-
ratifs et créatifs : un défi majeur pour l’éducation du 21e siècle, 28 février 2009.
166
2
Des valeurs qui portent des parcours
Volet culturel
1. Article L. 121-6 du Code de l’éducation, modifié par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013,
article 10.
167
La culture au cœur des apprentissages
168
Des valeurs qui portent des parcours
réalisation (en partie, le curriculum réel). Nos parcours se rapprochent dans leur
globalité de ce concept de curriculum car ils développent l’ensemble des aspects ;
le curriculum caché tout particulièrement, car, au-delà de la connotation idéolo-
gique que l’on veut parfois lui donner, il permet de penser l’éducation en termes
de hors-temps scolaire, voire hors de l’école. L’école peut donc s’inscrire dans
des logiques qui ne lui seraient pas exclusives. Ainsi, le secondaire pourrait se
construire à partir de l’enseignement primaire, de la liaison école-collège, ou à
partir d’une approche territorialisée.
L’établissement
scolaire
Disciplines
Actions
Enseignants
169
La culture au cœur des apprentissages
La construction du sens
Il est particulièrement important de pouvoir dépasser le moment présent pour
éviter le morcellement. La structuration des liens entre les apprentissages et l’en-
vironnement culturel, autour de situations complexes « vivantes », permet cette
approche par le sens. Cette démarche qui doit tendre vers une certaine forme de
généralisation favorise la mise à distance par rapport à la tâche (l’action, le cours,
la discipline…). Dès lors, l’élève peut développer son propre projet et mobiliser
ses ressources pour résoudre des problèmes qui prennent sens pour lui.
Le développement de l’ambition
Il est important d’accroître l’appétence à résoudre des situations complexes,
afin de restaurer le plaisir de la compétition avec soi-même, d’accepter le nouveau
et de souligner la joie de réussir. Cette logique permet de transformer la peur en
satisfaction, en sortant de son habitude et en mettant en réseau et en connexion
l’ensemble des situations et savoirs disponibles. Le jugement critique exercé
par l’élève autour de ces situations permet à ce dernier d’apprécier les enjeux,
d’évaluer l’exactitude des propositions et de mettre en perspective ses propres
solutions. Cette démarche développe la méta-cognition et, plus largement, ce que
nous nommons « apprendre à apprendre ».
L’ensemble de ces trois logiques s’articule autour de l’appropriation de diffé-
rents langages, choisis en fonction des situations. Elles développent particulière-
ment la communication envisagée sous l’angle de l’échange de points de vue et
de la confrontation d’idées. Cette compétence doit être sollicitée pour permettre
170
Des valeurs qui portent des parcours
Parcours et compétences
Les parcours culturels développent des compétences dans un processus
d’apprentissage dynamique, constructif pour l’élève.
Au-delà de la taxonomie et des référentiels de compétences nombreux qui,
souvent, ne s’intéressent qu’au résultat et oublient le processus en jeu, il nous
semble indispensable de proposer un modèle alternatif, qui s’appuie sur la
culture comme élément transversal et porteur de sens et de lien. Cette proposi-
tion partagée par un ensemble d’acteurs devrait alors permettre d’envisager non
plus une juxtaposition d’actions, mais des propositions liées organisant ainsi le
parcours de l’élève autour de compétences inscrites pleinement dans le proces-
sus d’apprentissage.
Nous considérons la compétence comme « une organisation dynamique de
l’activité mobilisée et régulée par un sujet pour faire face à une tâche donnée
dans une situation déterminée3 ». Nous estimons aussi que la compétence est
« mortelle », qu’elle n’est pas transférable et que nous développerons dans
chaque situation un certain nombre de capacités transférables dans des familles
de situations. Ces capacités permettront ainsi d’outiller, d’équiper l’élève pour
nourrir son parcours personnel d’apprentissage.
Nous nous appuierons également sur les travaux de Gérard Vergnaud, autour
du schème envisagé comme « une totalité dynamique fonctionnelle et une orga-
nisation invariante de l’activité pour une classe définie de situations4 » et de ses
composantes que sont : le but, les sous-buts et anticipations, les règles d’action,
de prise d’information et de contrôle, les invariants opératoires et les inférences.
3. Coulet J.-C., « La notion de compétence : un modèle pour décrire, évaluer et développer les
compétences », Le travail humain, 2011/1, vol. 74, p. 1-30, ISSN : 0041-1868, ISSN en ligne : 2104-
3663, ISBN : 97821305876.
4. Pastré P., Mayen P. et Vergnaud G., « La didactique professionnelle », Revue française de péda-
gogie, n° 54, 2006.
171
La culture au cœur des apprentissages
Modèle de la compétence
Les inférences :
ajustements incessants des actions.
172
Des valeurs qui portent des parcours
173
La culture au cœur des apprentissages
TERRITOIRE
ÉTABLISSEMENT ÉLÈVE
Activités productives
Enseignants Partenaires
Supports
Communiquer
Altérité
Situations
de vie Programmes Méthodes
Disciplines Situation-
Actions Partenaires
problème
Socle Objets
Apprendre
à apprendre Organisation
Renforcer
Pratiquer
Approfondir
Changement
de schème
Ce qui peut donner, d’une façon plus opérationnelle et autour d’une action
particulière :
–– projet commun – projet territoire, « développement de la lecture » ;
–– partenaires et acteurs : Maison des écrivains et de la littérature, Syndicat
mixte de l’Avant-Pays savoyard, Savoie Biblio (réseau des bibliothèques)
associations jeunesse ;
–– objectif du contrat d’objectifs et du territoire : maîtrise de la langue,accès au
plaisir de lire. Forme et dispositif : liaison école/collège, atelier/rencontre
avec l’écrivaine Fabienne Swiatly ;
–– pilotage par le collège, mise en cohérence des différents dispositifs au
service du projet lecture.
174
Des valeurs qui portent des parcours
Outil 23 : opérationnalisation
TERRITOIRE
Journée
ÉCOLE
commune Activités productives
autour du livre Enseignants Partenaires
(associations/
familles) Communiquer Lectures de textes
Par le livre, la littérature, personnels /livres
Rencontre/ l’écriture
continuité Maison
école/collège des écrivains
Programmes
(CM/6e) et de
Disciplines
la littérature
Actions Situation-problème Approche (MEL)
Socle Se raconter avec les mots par les sens Écrivain
en résidence
Élargir/partager Réseau des
bibliothèques
Apprendre
Ateliers Ateliers
à apprendre
Concours Expérimenter l’écriture d’écriture
de nouvelles
Bibliothèques
Changement
de schème
La question du pilotage
Le collège qui termine la scolarité obligatoire s’affirme comme le lieu de
convergence et de cohérence de la construction de ces parcours. Garant de
l’égalité, porteur de l’ambition pour un territoire, il se positionne en lien avec le
premier degré.
Si la place et le rôle du chef d’établissement ont été précisés par le leadership,
la question d’un comité de pilotage reste posée. La composition de ce « copil »
pourrait varier en fonction du territoire et de ses structures scolaires. A minima,
il comportera le(s) collège(s) et les écoles associés autour de la liaison école-
collège, par exemple ; la liaison lycée-collège peut élargir l’assise. Les partenaires
de l’école, représentants de la collectivité, opérateurs culturels, associations
jeunesse… prennent part à ce pilotage. À partir d’un état des lieux réalisé dans le
175
La culture au cœur des apprentissages
cadre de l’approche territoriale6, les parcours seront organisés selon une typolo-
gie qui combine établissement et territoire, temps scolaire et hors-temps scolaire.
Le collège pourrait devenir le lieu de convergence des parcours culturels. Afin de
favoriser une approche constructive et progressive de ces mêmes parcours, il est
important de distinguer les objectifs particuliers de l’école et du collège et cela
en regard des programmes ; c’est ce que nous avons essayé de modéliser dans
le schéma ci-dessous. Cette distinction liminaire permettrait aux actions de se
compléter et surtout d’offrir à l’élève des outils divers pour nourrir son projet
personnel.
Évidemment, la continuité école-collège se construit autour de la notion
de sens. Même si l’école doit apporter les outils conceptuels et sensibiliser, le
collège doit approfondir, comme nous le voyons dans le schéma ci-dessous,
cette progression ; ce dialogue ne peut exister que par la recherche de sens entre
l’école, les savoirs et le territoire.
L’école : sensibiliser,
donner des outils, COLLÈGE
ouvrir au monde…
6. Outil : fiche proposition d’une structure pour construire des parcours culturels éducatifs.
176
Des valeurs qui portent des parcours
177
La culture au cœur des apprentissages
178
Des valeurs qui portent des parcours
Volet 3 : établissement,
Volet 4 : territoire,
par niveau scolaire ou par groupe
par année ou période
de compétences
Volet 5 : partenaire,
Volet 1 : élève, Volet 2 : enseignants,
par année ou
par âge par niveau ou par cycle
par période
L’objet décliné dans la fiche objet (outil 1) est maintenant observé en termes
de parcours à travers le prisme des cinq volets. Cet objet culturel, résidence
artistique autour du dialogue entre l’image et le son, trouve ainsi sa place dans
les dimensions liées aux acteurs et dans celles liées au pilotage. Vous trouverez
ci-après une mise en forme succincte sous la forme de tableaux regroupant les
différents volets.
179
La culture au cœur des apprentissages
Volet 5 : partenaire,
Volet 1 : élève, Volet 2 : enseignants,
par année ou
par âge par niveau ou par cycle
par période
Volet 3 : établissement,
Volet 4 : territoire,
par niveau scolaire ou par groupe
par année ou période
de compétences
180
Des valeurs qui portent des parcours
181
182
Les prémices d’un parcours en sixième
Contrat d’objectifs : objectif n° 1, la langue française en 6e
Socle commun : compétences 1, 3, 5, 6, 7 (items, voir grilles individuelles)
Projet : communiquer dans son environnement, utiliser différents langages
Temps scolaire Hors temps scolaire
Domaine Objet culturel Partenaire(s) Disciplines/dispositifs Actions prévues Actions prévues Partenaire(s)
Période 1 Chanson H. Peyrard Français, musique, Ateliers d’écriture Atelier chorale École de musique
Musique française (Chtriky) vie scolaire de chansons Atelier mise en musique Département
La culture au cœur des apprentissages
Afin de développer notre approche, nous proposons un zoom sur l’« autopor-
trait littéraire » de la troisième période, les différentes actions proposées viennent
nourrir le parcours culturel individualisé de l’élève.
Typologie
Contenu TSE TSHE HTE HTHE
de l’action
Enrichissement L’œuvre Gagner sa vie, la démarche
des disciplines de l’auteure s’articulant autour des cinq sens,
la matière autobiographique venant nourrir des
actions partagées entre plusieurs enseignants. X X
Des références à d’autres œuvres tissent des
connexions et élargissent le champ. Cela donne X X X X
matière à une histoire des arts ancrée dans une
œuvre contemporaine qui trouve sa source dans
d’autres œuvres selon le choix des enseignants.
183
3
Mettre en place un territoire apprenant :
élaborer ensemble des parcours
1. Jambes J.-P., Territoires apprenants, Esquisses pour le développement local du xxie siècle,
L’Harmattan, 2001.
185
La culture au cœur des apprentissages
186
Mettre en place un territoire apprenant : élaborer ensemble des parcours
Un essai de schématisation
Dans le schéma présenté ci-après, nous pouvons observer comment la culture
en tant que stratégie pédagogique globale permet la mise en place d’un territoire
apprenant. Cette stratégie permet la flexibilité et redonne au territoire sa forme
d’espace pensé, signifié et informé par l’expérience humaine.
Nous proposons une construction en deux temps : le premier, celui qui déter-
mine et définit les fondements vers l’agencement, et le second, celui de l’action
et de la coconstruction. Afin de faciliter l’émergence des différents agencements,
nous avons choisi d’ancrer notre réflexion dans un axe fort de l’Éducation natio-
nale qu’est la continuité école-collège. Cette continuité va donc s’incarner dans
des parcours culturels et artistiques en temps et hors temps scolaire, comme
nous l’avons déjà largement développé. Ces actions coconstruites permettront
ainsi l’émergence d’un programme, qui pourra s’institutionnaliser dans le conseil
187
La culture au cœur des apprentissages
Paradigme organisationnel :
• Un agencement en 3 espaces Climat scolaire :
• Une stratégie culturelle, • Permettre un pilotage
comme stratégie pédagogique démocratique
pour développer l’approche • Partager le choix
TEMPS
par compétences des priorités
CADRE DE DE
• Des espaces RÉFÉRENCE : l’ACTION :
de construction
mis en cohérence L’agencement L’agencement
1. Composition 1. Objectifs : Continuité
des collectifs : les coconstruire et mettre école/collège
pilotes, les acteurs… en cohérence les actions
(équilibre, progressivité,
2. Supports et énoncés continuité…)
(ce que l’on partage) :
Institution les valeurs, les cadres PARCOURS
institutionnels, 2. Méthode : faire ÉLÈVES
(cf. MEN) émerger les leviers,
Circulaire le glossaire commun…
les points de partage,
n° 2013-073 utiliser les outils
3. Territoire : l’état
PEAC - Conseil des lieux (les acteurs, (typologies, postures)
école/collège les partenaires) Conseil
3. Démarche : construire école/collège
4. Processus : choix autour d’une approche
des priorités (conti- partagée par compé-
nuité école/collège, tences
construction
de parcours
culturels)
Territoire :
Partenariat, identifier
les partenaires Conseil école/collège - Contrats tripartites
principaux existants : • Mettre en place une commission culture
• structures culturelles • Structurer le programme d’actions
• structures associatives des parcours EAC
• Mettre en cohérence les CO et les PE
• Conventionner
188
Mettre en place un territoire apprenant : élaborer ensemble des parcours
189
La culture au cœur des apprentissages
9. Bucheton D. et Soulé Y., « Les gestes professionnels et le jeu des postures de l’enseignant
dans la classe : un multi-agenda de préoccupations enchâssées », Éducation et didactique,
vol. 3, n° 3, octobre 2009, http://educationdidactique.revues.org/543.
190
Mettre en place un territoire apprenant : élaborer ensemble des parcours
191
La culture au cœur des apprentissages
Méta-compétences
Socle commun Communiquer
Niveaux de Postures de
Projets/Actions Items par tous les langages
parcours l’élève
compétences Résoudre des situa-
tions-problèmes
Sur temps Compétences
scolaire : communes
au cycle 3
1 – Le corps Enrichissement Spectateur C5 Méta-compétences
et la voix Pratiquer non verbales
Sensibilisation Découvreur diverses formes
Écoles primaires d’expression à
Spectacle : Expérimentation Explorateur visée artistique
– Artistes de la
compagnie en Ingénieur C6
résidence Comprendre
– Conférencier : l’importance du
histoire de la respect mutuel
danse et accepter les
différences
C7
Avoir une bonne
maîtrise de son
corps
S’impliquer
dans un projet
individuel
et collectif
Manifester
curiosité,
créativité
à travers
les activités
conduites
192
Mettre en place un territoire apprenant : élaborer ensemble des parcours
Méta-compétences
Socle commun Communiquer
Niveaux de Postures de
Projets/Actions Items par tous les langages
parcours l’élève
compétences Résoudre des situa-
tions-problèmes
2 – Du conte au Enrichissement Spectateur C1 Dire (CM) Méta-compétences
théâtre Reformuler verbales :
Sensibilisation Découvreur un texte ou langue française
Écoles-collège : des propos lus
Spectacle Expérimentation Explorateur ou prononcés
– Visite des lieux par un tiers
de spectacle Ingénieur
Adapter sa prise
vivant de parole à
– Intervenants : la situation
imaginaire du Prendre part
texte et réalité à un dialogue
quotidienne
Prendre la parole
en public
3 – Techniques Enrichissement Spectateur C2 : 6e Langues vivantes A2
théâtrales au Réagir et
service des Sensibilisation Découvreur dialoguer : établir
langues un contact social
Expérimentation Ingénieur Réagir à des
Initiation aux propositions,
langues vivantes à des situations
par la chanson,
les comptines… Parler en continu :
reproduire
un message oral
Écrire : écrire
un court texte,
une description
Écouter et
comprendre :
saisir un message
oral en vue de
réaliser une tâche
Dans le temps scolaire par exemple, les classes de cours moyen vont travailler
autour de la résidence artistique d’une compagnie de danse. Les élèves alterne-
ront entre une posture de spectateur lors du spectacle proposé par l’artiste sous
la forme d’une conférence dansée, et une sensibilisation dans des ateliers. Hors
temps scolaire, une association culturelle permettra l’accès à deux spectacles
dont un de théâtre, partagé avec les sixièmes. Des ateliers chorégraphiques et
de théâtre pour les élèves volontaires se dérouleront les mercredis. Ces parcours
premier degré se situeront dans le cadre de l’enrichissement des disciplines :
sport scolaire, histoire, histoire des arts, français ; ils prendront la forme d’une
première sensibilisation aux différentes esthétiques.
193
La culture au cœur des apprentissages
➙➙Continuité école-collège
Fonctions du pilotage
Une stratégie globale du projet d’établissement
➙➙Conseil école-collège et du contrat d’objectifs qui :
➙➙Formation territoire ➙➙incarne la continuité pédagogique
apprenant école-collège-lycée-supérieur
État des lieux ➙➙donne du sens au conseil école-collège et nourrit
Chefs d’établissement et IEN
savoir-faire mobilisés dans des (socle commun) et hors de l’école par le partage
contextes différents de 3 métacompétences :
➙➙communiquer (tous les langages)
➙➙résoudre des situations-problèmes
➙➙apprendre à apprendre
Élèves
194
Mettre en place un territoire apprenant : élaborer ensemble des parcours
➙➙Évolution de
➙➙Dynamique d’équipe la réflexion sur
(favoriser la mise la prise en compte
en place de groupes de la diversité (aider
en responsabilité, les décrocheurs,
mise en place de stratégies pédago-
délégations giques de gestion
pédagogiques…) ➙➙Des actions
de l’hétérogénéité)
coconstruites avec ➙➙Amélioration
➙➙Lien avec la recherche des objectifs et des de l’estime de soi
➙➙Évolution des pratiques compétences partagés
(s’interroger sur l’état d’évaluation, approche dans une collaboration
de la recherche, mettre ➙➙Évaluation par
par compétences : et le respect de
en perspective son compétence plus juste,
mettre en œuvre l’autonomie et
action avec l’état actuel positive
la différenciation des attentes de chaque
de cette recherche)
partenaire ➙➙Développement
➙➙Intégration de
➙➙Réflexion sur la de la créativité
l’interdisciplinarité ➙➙Sortie de
pédagogie (l’action dans les actions la consommation
comme une démarche ➙➙Perception de
pédagogique : forme, culturelle la cohérence
outils, supports, ➙➙Envisager l’action
comme un complexe du parcours
situation…) ➙➙Des parcours cohérents d’apprentissage
pédagogique et dans et hors temps
disciplinaire : situation dans et hors de l’école
➙➙Ouverture sur scolaire
d’apprentissage
le territoire (se mettre mettant en œuvre des
en lien avec les connaissances, des
dynamiques
territoriales : capacités, des savoir-
faire, des savoir-être
sociétales, au service des
professionnelles) compétences
195
La culture au cœur des apprentissages
196
Mettre en place un territoire apprenant : élaborer ensemble des parcours
La question de l’évaluation
L’évaluation du parcours est-elle possible ? Rappelons en préambule que
ces parcours sont des projets coconstruits entre différents partenaires et que ce
cheminement a pour objectif premier de donner du sens à l’ensemble des appren-
tissages et de permettre des trajectoires autonomes et choisies qui doivent
alimenter le projet personnel.
Ce rappel offre déjà une première réponse à la question posée. Chaque acteur
peut évaluer par ses propres outils la progression effectuée. Prenons l’exemple de
ce niveau de sixième : les enseignants, ayant fédéré avec les partenaires culturels
un projet autour de la langue française et des langages, peuvent parfaitement
valider des items du socle commun autour de ce domaine de compétence.
197
La culture au cœur des apprentissages
On peut aussi aisément penser que les productions de ces élèves en ce qui
concerne l’écrit devraient s’être enrichies par ces parcours. De la même façon,
une école de musique avec ses dispositifs internes d’évaluation pourra également
vérifier l’atteinte de certains objectifs, ainsi que l’effectif des nouveaux inscrits
dans des ateliers chorale ou de musiques actuelles.
Un autre type d’évaluation se fera aussi par chacun des partenaires, autour de
l’appétence et du plaisir d’apprendre. Combien d’élèves « décrocheurs » en situa-
tion de production d’écrits ont pu reprendre confiance et réinvestir ce champ ?
Une autre approche doit aussi être développée : une évaluation conjointe
autour de certaines compétences choisies lors de la coconstruction et qui pourrait
nourrir une évaluation plus juste pour l’élève par un ensemble de regards et de
situations diverses. La lecture à voix haute, par exemple, dans un cadre scolaire
peut, par le côté artificiel de la situation, mettre en difficulté certains élèves. Cette
même lecture, dans le cadre d’un café littéraire, où le même adolescent, devant
un public varié, va lire un extrait du livre Gagner sa vie, sera le moyen choisi pour
présenter ce passage qu’il aime particulièrement, il lira alors avec expression et
facilité ce court texte. Il est évident que ces deux situations doivent être prises en
compte pour permettre une évaluation plus juste.
Il nous faut aussi nous poser la question de l’évaluation du parcours dans son
ensemble. Pour répondre à cela, il nous faut repositionner le parcours dans le
cadre du projet personnel de l’élève : comment ce même élève, cet enfant ou
adolescent va-t-il chercher à « s’équiper » pour plus tard choisir un métier. Ces
parcours, comme nous l’avons déjà vu, sont des outils qui vont lui permettre de
développer des compétences transversales, autour de valeurs fondamentales.
Pour tout projet qui doit être évalué, il nous faut à la fois un référent et un
référé, c’est-à-dire deux prises d’information sur ce parcours afin d’en voir les
évolutions. Cette évaluation doit être organisée, construite et présentée par
l’élève lui-même. Le premier outil d’évaluation de ce parcours culturel pourrait
prendre la forme d’un portfolio de compétences. Chaque compétence choisie
dans la coconstruction du projet de parcours serait explicitée tant dans sa forme
que dans les situations proposées avec l’élève. Ce dernier pourrait ainsi, à l’aide
d’un ensemble d’éléments, de traces (réalisation, articles de presse, vidéos…),
faire état de sa progression – progression aussi bien dans le contexte scolaire que
dans un approfondissement choisi au niveau de certaines pratiques.
Un second outil pourrait prendre la forme d’un livret d’apprentissage qui
accompagnerait le portfolio et ferait état d’une analyse critique des apprentis-
sages. Comment ces différentes situations proposées, choisies et approfondies
lors des parcours culturels ont permis tel apprentissage et comment aller plus
loin, pour quelles questions, quels besoins ? Un livret partagé entre les ensei-
gnants, les partenaires et les familles permettrait des trajectoires personnelles
construites avec les parcours, pour répondre aux besoins éducatifs spécifiques.
198
Mettre en place un territoire apprenant : élaborer ensemble des parcours
Nous devons dépasser la compilation des actions menées comme certifiant la réali-
sation d’un parcours personnel. Ainsi dans l’exemple finlandais, la commune de
Turku évalue les parcours par l’utilisation d’un livre individuel pour chaque élève, le
Kulttuuripolku Kulturstigen10. Nous suggérons donc l’utilisation d’un portfolio numé-
rique qui pourrait intégrer différents volets comme celui du pilotage par le territoire
et les établissements, celui de l’action par les partenaires et les professeurs, les
temporalités et le volet du suivi de son projet personnel par l’élève.
10. Littéralement : chemin culturel en extérieur, c’est-à-dire parcours culturel hors école. Dans
la pratique, il se réalise dans des lieux culturels locaux du primaire au secondaire inférieur
(l’équivalent du collège).
199
4
Comment entrer
dans la stratégie culturelle ?
L e modèle organisationnel décrit dans cet ouvrage dans la deuxième partie peut
être utilisé par des acteurs différents dont les logiques professionnelles diver-
gent. C’est justement ces divergences que la stratégie culturelle entend prendre
en compte pour trouver des solutions au service des élèves et plus largement
d’une population. Nous avons donc essayé de proposer des clés d’entrée dans le
modèle afin de faciliter la première approche.
Très logiquement, trois groupes d’acteurs entrent par l’objet culturel dont
l’opérationnalisation est l’action menée auprès des élèves. La continuité est ainsi
faite entre une approche historique centrée sur une action – un professeur, éven-
tuellement un partenaire – et la démarche décrite par la stratégie culturelle. De la
même manière, le chef d’établissement entre par la question du leadership, cœur
de ses problématiques, voire de ses problèmes de fonctionnement au quotidien.
Ainsi, la stratégie culturelle devient bien pour lui un outil au service de son pilo-
tage d’établissement. Cependant, il s’agit d’un premier niveau car les acteurs de
la culture vont ensuite développer le mode relationnel, du partenariat à l’hybrida-
tion, pour enfin trouver leur place dans un territoire apprenant qui se caractérise
par la capacité de l’ensemble des acteurs du territoire à évoluer conjointement et
à construire un espace autour de la réflexion, autour de formations communes.
201
202
Outil 28 : trouver son entrée dans le modèle
Principes
Phase 3 Principe 2 : Construire ensemble Principe 7 : Territorialiser Principe 6 : Faire mieux l’essentiel, la démarche Principe 3 : Développer
La culture au cœur des apprentissages
Outils spécifiques
Outil 14 : pour une démarche qualité
Outil 15 : tableau de bord partiel construit Outil 8 : grille générale
autour des indicateurs, outil de suivi compétences/groupe
de la démarche
Outil 12 : schématisation systémique de l’organisation apprenante Outils 24 et 25 : les parcours, volets liés au pilotage et aux acteurs
sur un territoire Outil 26 : les quatre axes d’un parcours artistique et culturel
Outil 17 : grille de positionnement autour d’un projet commun Outil 27: repositionner les principes dans l’agencement des parcours
Outil 18 : représentation systémique d’un territoire culturel
Outil 21 : typologie des parcours, des postures enseignantes et élèves
des acteurs
par l’ensemble
Outils partagés
Comment entrer dans la stratégie culturelle ?
Le parcours des élèves se construit ainsi autour d’un méta-parcours qui struc-
ture le territoire et lui donne sens. Ce méta-parcours s’élabore par les liens entre
les acteurs et par leur capacité à fonctionner ensemble. Loin de la juxtaposition
d’un ensemble d’actions disparates, il se veut pensées et actions communes ou
complémentaires.
203
En guise de conclusion
205
La culture au cœur des apprentissages
pour argumenter notre réflexion, mais nous avons aussi compris qu’il n’était pas
facile de faire changer les habitudes dans notre univers de l’éducation.
Notre proposition se veut au service des autres, les chefs d’établissement, les
enseignants, les partenaires politiques et culturels, mais surtout au service de
l’élève. Nous avons choisi de rester au plus près du concret, au plus près de l’éta-
blissement, du territoire, des actions et projets. Tous nos principes ont été expéri-
mentés, explorés, mis en confrontation avec la réalité du terrain. Nous souhaitons
que notre réflexion puisse rester proche du contexte de l’école, de ce que vivent
les chefs d’établissement, les enseignants, les partenaires, les élèves. Notre
ouvrage a été largement nourri par nos convictions, ces mêmes convictions qui,
au fil de nos rencontres, se sont concrétisées dans nos neuf principes. Notre para-
digme autour de cette stratégie culturelle reste un agencement que chacun doit
s’approprier dans son territoire avec ses partenaires, chacun donnera sa tonalité,
sa nuance, choisira ses matériaux pour composer au plus près de la singularité de
son espace proche. Une sorte de « ritournelle » deleuzienne répète le passé pour
l’élancer vers l’avenir : déterritorialiser pour mieux territorialiser. Il devient urgent
d’inscrire le territoire dans un mouvement, c’est ce processus que nous revendi-
quons. Et cet espace de projet va permettre l’émergence des parcours d’éducation
artistique et culturelle pour les élèves. Ces véritables parcours éducatifs permet-
tront aux enfants, adolescents d’investir leur environnement, de s’en nourrir et de
donner du sens à leur parcours d’apprentissage.
Au terme de notre propos, nous souhaitons simplement faire partager notre
recherche, nos découvertes, faire vivre tout cela d’une manière contagieuse.
Nous croyons au territoire en tant que nouvelle entité incontournable ; quel que
soit son éloignement ou son isolement, le territoire est porteur de richesses qui
n’attendent qu’à être partagées. En aidant, en accompagnant ses acteurs, nous
confortons leur existence et leur ambition. Nous croyons à un apprentissage
continuel, nous croyons à d’autres possibles. Nous pensons qu’il est urgent de
créer de nouveaux réseaux, de faire émerger ces nouveaux espaces de dialogue
et de construction, telles ces « villes invisibles » d’Italo Calvino. La culture est
maintenant au cœur de ces territoires, au cœur des apprentissages.
« Quand tu manges un gâteau rond, commences-tu par le centre ? »
En retournant la place de la culture, en refusant qu’elle soit la cerise sur le
gâteau, nous avons voulu infirmer ce proverbe haoussa et donner sens à l’école,
en créant des outils, en agençant l’existant à l’aide de nos principes. À travers le
territoire apprenant, la culture est bien au cœur des apprentissages.
206
Table des outils
207
La culture au cœur des apprentissages
208
Bibliographie
209
La culture au cœur des apprentissages
210
Bibliographie
211
La culture au cœur des apprentissages
Meirieu Ph., Dix renversements nécessaires pour construire une école démo-
cratique…, www.meirieu.com/MANIFESTESETPROPOSITIONS/dixrenversements.
htm.
Meirieu Ph., « Du socle commun aux fondamentaux de la citoyenneté », Le café
pédagogique, 7 février 2005.
Meirieu Ph., Entreprise, Lettre à un ami chef d’établissement, http://meirieu.
com/DICTIONNAIRE/entreprise.htm, mis en ligne le 21 janvier 2011.
Meirieu Ph., « Faut-il rapprocher l’école de l’entreprise ? », propos recueillis par
Delphine Saubaber, Anne Vidalie, L’Express, 13 juin 2005.
Meirieu Ph., Pédagogie : des lieux communs aux concepts clés, ESF éditeur, 2013.
Mérini C., « Le partenariat : histoire et essai de définition », Actes de la Journée
nationale de l’OZP, 5 mai 2001.
Mérini C., « Trois obstacles au développement du partenariat », Cahiers pédago-
giques, Hors-série n° 24, janvier 2012.
Morin E., La méthode, Éthique (t. 6), Le Seuil, nouvelle édition, collection
« Points », 2006.
Neruda P., Chant général, traduction C. Couffon, Gallimard poésie, 13 mars 1984.
Octobre S., Berthomier N. (DEPS), « L’enfance des loisirs, Éléments de synthèse »,
Études cultures, n° 6, 2011.
Pastré P., Mayen P. et Vergnaud G., « La didactique professionnelle », Revue
française de pédagogie, n° 54, 2006.
Paturet J.-B., « Le projet comme “fiction commune” », Revue Empan, 2002.
Perrenoud Ph., Espaces-temps de formation et organisation du travail, Texte
d’une intervention au colloque « P les espaces éducatifs », Fondation Gulbenkian,
28-30 novembre 2001.
Perrenoud Ph., L’approche par compétences, une réponse à l’échec scolaire ?,
Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, université de Genève,
2000.
Perrenoud Ph., « L’évaluation des enseignants : entre une impossible obligation
de résultats et une stérile obligation de procédure », Éducateur, n° 10, 1996.
Perrenoud Ph., Le rôle pédagogique des chefs d’établissement, université de
Genève, 2009.
Perrenoud Ph., Quand l’école prétend préparer à la vie…, Développer des compé-
tences ou enseigner d’autres savoirs ?, ESF éditeur, collection « Pédagogies
[outils] », 2011.
Perrenoud Ph., « Réfléchir ou agir ensemble ? », Éducateur, n° 12, 7 octobre
1997, p. 8-11, www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_
1997/1997_17.html.
Perrenoud Ph., Savoir, c’est pouvoir transférer ?, Cahiers pédagogiques, n° 408,
novembre 2002.
212
Bibliographie
213
La culture au cœur des apprentissages
214
Dans la collection Pédagogies