Articles Du Monde 03 Novembr
Articles Du Monde 03 Novembr
Articles Du Monde 03 Novembr
éric Albert
La zone euro est entrée en contraction économique au troisième trimestre. Mardi 31 octobre,
l’évolution du produit intérieur brut (PIB) des vingt pays de la monnaie unique a été évaluée
en première estimation à − 0,1 % par l’institut statistique Eurostat. Le contraste avec les Etats-
Unis est saisissant : ce pays a connu une croissance de 1,2 % sur la même période.
Désormais, pour un Européen, des villes comme New York ou San Francisco sont devenues
extrêmement chères, tandis que les visiteurs américains en Europe s’étonnent des faibles prix.
« Le revenu moyen des Américains dépasse de plus de 20 % celui des habitants de la zone
euro, souligne dans une récente note Philippe Crevel, économiste à Lorello Ecodata, une
société de conseil. Le niveau de vie des cadres y est bien plus important que celui de leurs
homologues européens. Les touristes américains sont particulièrement recherchés en raison
de leur abondant pouvoir d’achat. La retraite moyenne, en prenant en compte l’épargne
retraite, est bien plus élevée aux Etats-Unis que dans de nombreux pays européens. »
En plus de ces aides aux ménages, le gouvernement américain s’est lancé en août 2022 dans
un plan exceptionnel de subventions à l’industrie : le mal nommé Inflation Reduction Act
(IRA). Estimé officiellement à près de 400 milliards de dollars (379 milliards d’euros) sur une
décennie, il est essentiellement dépensé via des crédits d’impôts pour les technologies vertes.
Résultat, le déficit budgétaire en 2023 doit atteindre… 8,2 % du PIB, selon le FMI. En face, la
zone euro affiche un déficit de 3,4 % (la France devrait être à 4,9 %).
« Certes, la zone euro n’a pas fait l’erreur de 2011-2013, et on n’est pas revenu à l’austérité,
reconnaît M. Geerolf. Simplement, les Etats-Unis y sont allés encore plus fort. » Et ils ne
semblent pas prêts à ralentir : d’ici à 2028, le déficit américain devrait rester chaque année
autour de 7 % du PIB, selon le FMI. Tout semblant de retenue budgétaire est enterré. Sur cette
base, la dette américaine devrait faire un bond, passant de 123 % du PIB cette année à 137 %
en 2028.
Inversement, les règles budgétaires européennes, qui ont été suspendues le temps de la
pandémie, doivent en principe revenir en vigueur en 2024 (même si les négociations sur leur
nouveau mode de fonctionnement restent en discussion). En conséquence, selon les calculs
des économistes de Goldman Sachs, la politique budgétaire de la zone euro devrait avoir un
effet négatif sur la croissance de 0,8 point en 2024. « On n’est pas du tout dans l’erreur
commise pendant la crise de la zone euro, qui avait apporté de la déflation, relativise Mathieu
Savary, de BCA Research, une société de conseil. L’Union européenne a mis en place des
subventions aux technologies vertes - le programme NextGenEU -, il n’y a pas d’austérité, le
marché du travail demeure solide… Mais une récession en zone euro courant 2024 demeure
probable. »
L’Europe pourrait-elle imiter les Etats-Unis et creuser tout autant son déficit ? « Le problème
est que la zone euro ne peut pas se permettre de dépenser autant, parce que nous ne sommes
pas une union budgétaire », rappelle un membre du conseil des gouverneurs de la Banque
centrale européenne (BCE). En clair, tant que la zone euro n’aura pas un budget commun, et
des emprunts communs, elle restera morcelée et la proie potentielle des marchés financiers.
Ceux-ci ont en particulier en ligne de mire l’Italie, dont la dette de 140 % du PIB est la
deuxième plus élevée de la zone euro (derrière la Grèce). Les Etats-Unis, eux, bénéficient du
privilège du dollar, qui demeure la monnaie de réserve internationale, malgré les coups de
butoirs du Sud global.
Par ailleurs, l’Europe a souffert plus directement de la guerre en Ukraine que les Etats-Unis.
Contrairement au pétrole, le gaz n’est pas un marché international, mais régional. Les prix ont
été multipliés par quinze en Europe quand le président russe Vladimir Poutine a coupé
l’approvisionnement à l’été 2022, un phénomène qui n’a pas touché le continent américain.
Mieux encore pour l’économie des Etats-Unis, celle-ci est exportatrice de gaz naturel liquéfié
(GNL), qu’elle a vendu à l’Europe à prix fort. « L’Europe importe toute son énergie, tandis
que les Etats-Unis sont les premiers exportateurs d’énergie », rappelle M. Savary. A cette
aune, la hausse du baril de pétrole depuis deux mois, qui frôle 90 dollars (pour le brent), est
une mauvaise nouvelle supplémentaire pour l’Europe.
Enfin, la politique monétaire a sans doute participé au décrochage européen cette année. Face
à la flambée de l’inflation, la Fed aux Etats-Unis et la BCE en zone euro ont toutes les deux
fortement augmenté leurs taux d’intérêt. Or, l’inflation n’était pas exactement de la même
nature : aux Etats-Unis, elle provenait avant tout d’une forte poussée de la consommation,
tandis qu’en Europe elle résultait d’abord de la hausse des prix de l’énergie. Dans ce contexte,
l’arme des taux d’intérêt est à double tranchant : elle réduit l’inflation, mais au prix d’une
baisse de la consommation.
Cette politique semble porter ses fruits : l’inflation en zone euro était de 2,9 % en septembre
(sur un an), repassant pour la première fois depuis juillet 2021 sous la barre des 3 %. Mais le
renchérissement du coût de l’emprunt s’accompagne d’un étouffement progressif de
l’économie. A court terme, l’écart économique entre Etats-Unis et Europe ne peut que
continuer à s’élargir.
Arnaud Leparmentier
New York - correspondant - Pour la deuxième fois de suite, la Federal Reserve, la banque
centrale américaine, a laissé ses taux inchangés, mercredi 1er novembre, mais elle n’a pas
exclu de monter de nouveau le loyer de l’argent après cette pause. Les taux à court terme, qui
étaient encore quasi nuls à l’issue de la crise due au Covid-19 en mars 2022, se trouvent entre
5,25 % et 5,5 %, un record depuis vingt-deux ans.
Le resserrement monétaire tarde à produire tous ses effets, même si l’inflation est passée d’un
plus haut de 9,1 % en juin 2022 à 3,7 % en septembre. « Nous devrons assister à un
ralentissement de la croissance et à une certaine détente du marché du travail pour rétablir
pleinement la stabilité des prix », a déclaré le président de la Fed, Jerome Powell. La dernière
réunion du comité de politique monétaire de l’année est prévue les 12 et 13 décembre.
Toutefois, les marchés n’ont pas eu peur et semblent considérer que la hausse des taux est
désormais révolue. Mercredi, après trois mois calamiteux en Bourse, Wall Street s’est envolé
pour le premier jour de novembre : l’indice S&P 500, qui représente les grandes entreprises, a
fini en hausse de 1,05 %, tandis que le Nasdaq, riche en technologie, progressait de 1,64 %.
Surtout, les taux à dix ans se sont détendus passant de 4,92 % à moins de 4,75 % dans la
journée tandis que ceux à deux ans passaient sous les 5 %. « La Fed a fait ce qu’il fallait
aujourd’hui. Pas de “mission accomplie” en matière d’inflation – elle reconnaît qu’il reste
encore du travail à faire. Mais ce travail ne nécessitera peut-être pas de nouvelles hausses de
taux et ils ont, de facto, placé la barre de ces hausses à un niveau que nous espérons ne pas
atteindre », a commenté l’économiste de Harvard Jason Furman.
Paradoxalement, ce sont les marchés financiers eux-mêmes qui sont venus récemment au
secours de la Fed. Courant octobre, ils ont propulsé au-delà de 5 % les taux d’intérêt à dix ans,
qui ne sont qu’indirectement dépendants de la politique de la Fed (la banque ne fixe que les
taux au jour le jour). De ce fait, ils ont accompli le travail de la banque centrale en
renchérissant les crédits à la consommation et les prêts immobiliers. « Les conditions
financières se sont clairement durcies, et cela se voit dans les taux que paient les
consommateurs, les ménages et les entreprises aujourd’hui. Au fil du temps, cela aura un effet
», a déclaré le président de la Fed, Jerome Powell.
Parmi les explications de cette hausse, il en est une qui inquiète de plus en plus les
opérateurs : le déficit budgétaire américain hors de contrôle. Ce dernier a atteint 1
700 milliards de dollars (1 603 milliards d’euros), soit 6,3 % du produit intérieur brut pour
l’exercice clos le 30 septembre. Et encore, ce chiffre serait d’environ 2 000 milliards, deux
fois supérieur à celui de l’année précédente, si l’administration Biden n’avait pas procédé à
une manipulation comptable sur les prêts étudiants. La mesure, consistant à annuler une partie
de la dette étudiante, avait été comptabilisée en 2022 puis annulée en 2023 en raison d’un veto
de la Cour suprême.
Toutefois, les marchés ont été rassurés par le Trésor, qui a annoncé un programme de levée de
fonds pour le dernier trimestre légèrement inférieur aux attentes : 776 milliards de dollars,
contre 852 milliards attendus. Ce chiffre est aussi inférieur aux 1 000 milliards du troisième
trimestre et s’explique par des rentrées fiscales moins mauvaises qu’anticipées.
De plus, le Trésor compte emprunter davantage à moyen terme (deux à cinq ans), pour ne pas
se lier les mains avec des coûts d’emprunts de l’ordre de 5 % sur des périodes allant de dix à
trente ans. Les marchés financiers espèrent une baisse des taux d’intérêt qui redynamiserait
Wall Street. Mais Jerome Powell a rappelé que le sujet n’était pas à l’ordre du jour.
La croissance française surnage, tirée par la
consommation
Au troisième trimestre, le PIB affiche une modeste progression de 0,1 %, grâce notamment au
ralentissement de l’inflation alimentaire
Béatrice Madeline
Sur les trois mois écoulés, la croissance a été tirée par la consommation des ménages, en
hausse de 0,7 % après un deuxième trimestre étale (0 %). Surtout, à la faveur du
ralentissement des prix à la consommation, les achats alimentaires repartent à la hausse après
huit trimestres de baisse (+ 0,7 %) d’affilée. Une bonne nouvelle, selon Mathieu Plane,
économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques : « Cela fait un an et
demi que l’on observe une baisse continue de la consommation, ce qui est inédit et qui
s’accompagne d’un taux d’épargne très élevé, de 18,7 % des revenus, alors que le pouvoir
d’achat a mieux résisté que ce que l’on redoutait. Si la consommation ne repart pas, on peut
basculer dans un scénario de récession. »
Le « miracle » de la croissance américaine, qui a atteint 4,9 % au troisième trimestre, selon les
chiffres publiés le 26 octobre, est d’ailleurs largement redevable aux dépenses des
Américains, qui n’épargnent que 3 % environ de leurs revenus. « La consommation des
ménages en France est à son niveau de 2019, alors qu’aux Etats-Unis elle est déjà dix points
au-dessus », fait valoir M. Plane.
Autre bonne nouvelle, les entreprises n’ont pas décroché, malgré le contexte de hausse des
taux d’intérêt et de ralentissement de la demande. La formation brute de capital fixe,
autrement dit l’investissement, a progressé de 1 % au troisième trimestre, après + 0,5 % au
deuxième. « On s’attendait à ce que l’investissement des entreprises s’érode un peu, mais
cela doit être relativisé, car les crédits aux entreprises continuent de bien se tenir, et les
entreprises ont, pour une bonne part, recours à l’autofinancement, indique Stéphane Colliac,
économiste senior chez BNP Paribas. La morsure du choc de taux n’a pas été ressentie très
fortement encore. »
Pourtant, pour Denis Ferrand, directeur général de Rexecode, « la plupart des indicateurs
avancés de l’investissement sont plutôt dégradés ». Toute la question est de savoir quand
exactement se ressentira l’effet de taux en hausse, qui impacte la trésorerie des entreprises,
puisque celles-ci se financent à un coût plus élevé. « Si ce n’est pas au troisième trimestre,
cela sera au quatrième », estime M. Ferrand.
Pour l’heure, « il n’y a guère que la construction de logements neufs qui soit affectée par les
taux d’intérêt élevés, précise M. Pouget. « Le reste, y compris dans le secteur de la
construction, de l’entretien-rénovation, se porte bien, en tout cas mieux que ce que l’on
prévoyait. »
Quant au commerce extérieur, qui avait constitué la bonne surprise du printemps, le soufflé
semble être retombé. Entre juillet et septembre, les échanges extérieurs ont contribué
négativement à la croissance du PIB (− 0,3 %), du fait d’une baisse significative des
exportations (− 1,4 % après + 2,4 %), dans plusieurs secteurs : automobile et aéronautique,
biens d’équipement, produits agricoles, produits manufacturés… Même la bonne saison
touristique n’a pas permis de maintenir les exportations de services en territoire positif
(− 1,1 %, après − 1,5 %).
En contrepartie, les importations ont également reculé (− 0,5 %, après + 2,5 %), du fait,
notamment, de la baisse des importations de pétrole.
éric Albert
Athènes - envoyé spécial - Après dix hausses successives des taux d’intérêt, la Banque
centrale européenne (BCE) a marqué une pause jeudi 26 octobre. Pour la première fois depuis
juin 2022, son conseil des gouverneurs, qui se réunissait à Athènes, a décidé de maintenir les
taux d’intérêt inchangés, à savoir 4 % pour son taux de dépôt, qui fait référence.
La BCE reconnaît que l’économie de la zone euro est désormais « faible », en grande partie
en conséquence de la hausse des taux d’intérêt. Il est donc urgent d’attendre. Car toute la
question est de savoir si la BCE n’est pas allée trop loin dans son resserrement monétaire.
Sans répondre directement à la question, Christine Lagarde, sa présidente, reconnaît que
l’économie de la zone euro frôle aujourd’hui la stagnation : « L’économie demeure faible. Les
récentes données suggèrent que la production industrielle a continué à baisser. La demande
internationale molle et les conditions financières plus dures pèsent sur l’investissement et les
dépenses des consommateurs. Le secteur des services continue à s’affaiblir. »
Inversement, l’inflation semble progressivement se ralentir. La hausse des prix était de 4,3 %
en septembre (sur douze mois) en zone euro, très loin du pic de 10,6 % atteint en
octobre 2022, même si cela reste au-dessus de son objectif de 2 %. « La plupart des mesures
de l’inflation sous-jacente continuent à décliner », ajoute Mme Lagarde. L’inflation des biens
recule, mais également celle des services, qui inquiétait le plus la BCE jusqu’à présent.
Dans ces conditions, les vingt-six gouverneurs ont décidé, à l’unanimité, de se donner le
temps d’observer la situation. Si la hausse des taux d’intérêt, de – 0,5 % à 4 % en quinze
mois, est terminée, ses effets n’ont pas fini de se transmettre à toute l’économie. Il faut
d’abord que les banques répercutent ces taux à leurs clients, puis que ceux-ci changent
progressivement leur comportement : une entreprise peut, par exemple, renoncer à investir si
les taux sont trop élevés, un ménage décider d’acheter un logement moins cher ou reporter des
travaux…
Remède amer
Explication : les banques centrales, dont la BCE mais aussi la Fed aux Etats-Unis, ont répété
que la bataille contre l’inflation était loin d’être finie et qu’elles entendaient donc maintenir
les taux élevés pendant longtemps. Or, pour l’économie réelle, ce sont les taux des marchés
qui comptent vraiment. Ce sont eux qui donnent le prix auquel empruntent les Etats, les
ménages et les entreprises.
« Ces annonces renforcent notre opinion que la BCE n’entend pas durcir davantage sa
politique monétaire, estime Bill Papadakis, stratégiste à la société de gestion Lombard Odier.
Cela renforce aussi notre conviction qu’en augmentant ses taux en septembre, la BCE a sans
doute trop durci sa politique. » Mme Lagarde réplique que ce remède amer administré à
l’économie était nécessaire afin de ralentir la hausse des prix. Elle table sur une économie qui
continuera à être très faible d’ici à la fin de l’année, mais qui commencera à accélérer
légèrement en 2024 quand l’inflation se réduira un peu plus.
Marie Charrel
Inattendu, spectaculaire, phénoménal… Jeudi 26 octobre, les économistes n’ont pas été avares
de superlatifs pour commenter la première estimation du produit intérieur brut (PIB)
américain au troisième trimestre, publiée ce jour-là par le département du commerce. De fait,
celui-ci a progressé de 4,9 % en rythme annualisé, soit bien plus qu’entre avril et juin (+
2,1 %), et même à un rythme supérieur aux 4,7 % attendus par le consensus des
prévisionnistes. Comparativement au trimestre précédent, la hausse est de 1,2 %.
« C’est fulgurant, il s’agit de la plus forte progression enregistrée depuis 2021 », résume
James Knightley, spécialiste de l’économie internationale à la banque ING. « C’est un
témoignage de la résilience des consommateurs et des travailleurs américains, soutenus par
les “Bidenomics” », s’est félicité le président Joe Biden, dans un communiqué.
A première vue, tout se passe comme si la hausse des taux d’intérêt opérée par la Réserve
fédérale (Fed) n’avait que peu d’effet sur l’activité. Résultat : la récession tant redoutée depuis
des mois semble loin de poindre à l’horizon, à la grande surprise des observateurs. « Je n’ai
jamais pensé que nous aurions besoin d’une récession pour faire baisser l’inflation », s’est
également vanté le locataire démocrate de la Maison Blanche, candidat à sa réélection à la
présidentielle de novembre 2024.
L’inflation continue de rogner le pouvoir d’achat, et, une fois les économies accumulées
pendant le Covid dépensées, les Américains ont commencé à piocher dans leurs bas de laine.
Leur taux d’épargne, qui a culminé à plus de 30 % en 2020, est retombé à 3,8 % seulement en
septembre, selon les données de la Fed. En mai, il était encore de 5,3 %. « Autant dire que la
consommation ne pourra pas rester longtemps à de tels niveaux », juge Paul Ashworth.
L’activité au troisième trimestre a également été portée par la hausse des stocks, qui ont
contribué à la croissance à hauteur de 1,3 point. Et surtout, par les dépenses du gouvernement,
qui ont progressé de 4,6 % – dont 8 % pour les dépenses militaires. « Les aides et les
subventions diverses liées au grand plan de soutien à l’industrie verte, l’Inflation Reduction
Act, sont décaissées à toute vitesse avant 2024, une année électorale, ajoute Ludovic Subran,
chef économiste du groupe Allianz, rappelant que le déficit budgétaire des Etats-Unis
approche les 7 % du PIB. Jusqu’ici, la stratégie d’évitement de la récession fonctionne, mais
elle est coûteuse. »
A la vue de ces chiffres dans l’ensemble positifs, l’économie américaine est-elle partie pour
réitérer le même exploit sur la fin de l’année ? La plupart des économistes misent plutôt sur
un ralentissement modéré, estimant que le resserrement de la politique monétaire devrait peser
plus franchement sur l’activité.
Depuis mars 2022, la Fed a relevé ses taux onze fois – ils évoluent désormais dans la
fourchette de 5,25 % à 5,50 %, au plus haut depuis 2001. « Les effets cumulés de ces hausses
commencent à freiner sérieusement l’accès au crédit, soulignent les économistes d’ING, dans
une note sur le sujet. Les taux des prêts automobiles et des prêts personnels montent en flèche
tandis que les taux hypothécaires sont en hausse, à 8 %. » Ce qui devrait mécaniquement
freiner les dépenses des ménages dans les mois à venir.
Ces derniers jours, les membres du comité de politique monétaire de la Fed ont laissé
entendre qu’ils marqueraient une pause dans la hausse des taux lors de leur réunion du 1er et
2 novembre. Mais, face aux pressions inflationnistes encore à l’œuvre – l’indice des prix
a encore progressé de 3,7 % en septembre, loin de la cible de 2 % de l’institution monétaire –,
ils pourraient de nouveau les relever en décembre.
Thibaud Métais
La hausse était attendue, elle se confirme. A peine les députés et sénateurs, réunis en
commission mixte paritaire, lundi 23 octobre, ont-ils trouvé un compromis sur le projet de loi
« pour le plein-emploi », censé permettre au gouvernement d’atteindre son objectif d’un taux
de chômage de 5 % – contre 7,2 % actuellement – que les chiffres communiqués, mercredi
25 octobre, par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques
(Dares), rattachée au ministère du travail, et Pôle emploi, montrent une augmentation du
nombre de demandeurs d’emploi au troisième trimestre.
Ainsi le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi sans aucune activité (catégorie A)
connaît une hausse de 0,6 %, avec 3,028 millions de personnes sur l’ensemble du territoire
(outre-mer compris, hors Mayotte), contre 3,011 millions au deuxième trimestre.
Contrairement à ce qu’il fait lorsque les chiffres sont à la baisse, le ministre du travail, Olivier
Dussopt, n’a pas réagi à cette augmentation. En comparant sur un an, la tendance reste
favorable, avec une baisse de 3,8 % des effectifs lors des douze derniers mois.
La hausse est toutefois moins marquée si l’on ajoute les demandeurs d’emploi en activité
réduite (catégories B et C), + 0,2 %. Si le nombre d’inscrits en France métropolitaine en
catégorie B – ceux qui ont travaillé moins de soixante-dix-huit heures sur un mois – est en
forte croissance (+ 3,1 %), ceux qui ont travaillé plus de soixante-dix-huit heures
(catégorie C), font le sens inverse (− 2,3 %). Des données qui laissent supposer un transfert
entre catégories.
« Ces chiffres ne sont pas forcément une bonne nouvelle, décrypte Mathieu Plane, chef du
département analyse et prévisions à l’Observatoire français des conjonctures économiques
(OFCE). On peut penser qu’avec une contraction du marché de l’emploi, les employeurs
proposent plus de contrats courts que de contrats longs. »Si l’on prend l’ensemble des
personnes tenues de rechercher un emploi, l’opérateur public recense 5,3 millions de
personnes inscrites en France (outre-mer compris, hors Mayotte).
Les dynamiques sont différentes selon les tranches d’âge. La mauvaise nouvelle concerne les
jeunes de moins de 25 ans sans emploi, qui voient leur nombre augmenter de 2 % par rapport
au deuxième trimestre et de 3,2 % sur un an. Une confirmation que les effets de la réforme de
l’apprentissage sont bel et bien terminés.
Plusieurs réformes
Voilà qui percute frontalement l’objectif fixé par Emmanuel Macron lors de la campagne
présidentielle de 2022 : atteindre le plein-emploi d’ici à 2027. Pourtant, le gouvernement n’a
pas lésiné sur les réformes pour y parvenir. Dernière en date : le projet de loi « pour le plein-
emploi », qui réforme le service public de l’emploi et de l’insertion, ainsi que le revenu de
solidarité active (RSA). Tous les acteurs de l’insertion et de l’emploi seront coordonnés dans
un même réseau et Pôle emploi sera renommé France Travail. Par ailleurs, les allocataires du
RSA seront tenus d’accomplir « au moins quinze heures » d’activités par semaine, une mesure
censée rapprocher de l’emploi les personnes qui en sont le plus éloignées.
Arnaud Leparmentier
New York - correspondant - La grève touche sans doute à sa fin à Detroit (Michigan). Le
syndicat United Auto Workers (UAW) a indiqué, mercredi 25 octobre, dans la soirée, être
parvenu à un accord de principe avec Ford, après six semaines de grève, tandis que les
négociations se poursuivent avec Stellantis et General Motors (GM).
L’accord doit être à présent ratifié par les 47 000 syndiqués de Ford. Il prévoit une
augmentation salariale de 25 % sur quatre ans, dont un bond de 11 % la première année. A
l’arrivée, le salaire horaire maximal serait de 40 dollars (37,90 euros), selon le négociateur
d’UAW pour Ford, Chuck Browning, et le salaire minimal atteindrait 28 dollars. Désormais, il
ne faudra plus que trois ans contre huit pour avoir le salaire plein. Les retraites sont
améliorées, tandis que les salariés auront droit de faire grève en cas de fermeture d’usine, ce
qui est une première.
Le président Joe Biden, qui avait pris fait et cause pour le syndicat en se déplaçant sur un
piquet de grève fin septembre, a salué la nouvelle dans un communiqué.
L’accord est une victoire manifeste pour le patron du syndicat UAW, Shawn Fain, dont le
mouvement était populaire aux Etats-Unis et profitait du mécontentement face à une inflation
qui a atteint 17 % depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche. « Ensemble, nous
renversons la tendance pour la classe ouvrière de ce pays », a estimé M. Fain.
La stratégie agressive portée par M. Fain est fondée sur la dénonciation des superprofits
engrangés depuis le Covid par Ford, Stellantis et GM. Le bénéfice opérationnel mondial
cumulé des trois constructeurs de Detroit s’est envolé de 4,8 milliards de dollars, en 2020, à
37,2 milliards en 2022.
« Depuis des mois, nous répétons que des profits record appellent des augmentations record
», s’est réjoui, mercredi soir, sur YouTube, M. Fain. Il a salué une « victoire majeure »,
estimant que l’accord concédé par Ford était supérieur de 50 % à sa proposition initiale de
septembre, avant la grève :
« Echec et mat »
Cette semaine, il a visé les usines les plus rentables « pour frapper les entreprises avec un
effet maximal »: lundi 23 octobre chez Stellantis, mardi 24 chez GM. A ce moment-là,
quelque 45 000 travailleurs étaient en grève sur 146 000 syndiqués de l’automobile. Ford a été
prévenu que le mouvement serait étendu dans son usine la plus profitable, faute d’accord
mercredi soir. « Cela a été échec et mat. Au quarantième jour de grève, nous avons obtenu un
accord historique », s’est réjoui M. Fain.
Dans un communiqué, la direction de Ford, qui n’avait pas connu de grève depuis quatre
décennies, s’est dite « heureuse d’être parvenue à un accord de principe ». L’entreprise, qui a
perdu près de 1 milliard de dollars, selon les estimations de la Deutsche Bank, se concentre
désormais sur le redémarrage de la production à l’usine de camions du Kentucky et sur les
sites de montage de pick-up près de Detroit et de Ford Explorer à Chicago, où environ 16 600
travailleurs ont débrayé. Le syndicat a appelé à la reprise du travail sans attendre la
ratification de l’accord.
Les constructeurs de Detroit ont expliqué qu’ils avaient besoin de leurs profits pour gagner la
bataille de la voiture électrique et affronter la concurrence des autres constructeurs non
syndiqués. « Toyota, Honda, Tesla et les autres adorent la grève, car ils savent que plus elle
dure, mieux c’est pour eux », avait protesté William Clay Ford, président du conseil de
surveillance de Ford et arrière-petit-fils du fondateur, Henry Ford, alors que la grève
s’éternisait. « Ils gagneront et nous perdrons tous. » Sans convaincre, alors que l’UAW
estime au contraire que sa victoire va faire tache d’huile et conduire à un mouvement de
syndicalisation .
« C’est une victoire majeure pour le syndicat, a déclaré au New York Times Harley Shaiken,
professeur émérite à l’université de Californie, à Berkeley. Cela établit une norme pour les
autres travailleurs de l’ensemble de l’économie. »