L'abordage

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L’abordage est défini comme étant un heurt ou une Collision accidentelle de deux engins

flottants, soit deux navires de mer, soit un navire de mer et un bateau de rivière.

Pour que l’abordage ait un sens légal, deux conditions sont essentielles : 1) Il faut qu’il y ait choc
2) Que le choc ait lieu entre deux navires.

L’abordage est donc un évènement de mer particulièrement redouté des armateurs et des marins.
Cela peut s’expliquer notamment par la gravité des dommages pouvant en résulter, autant
matériels que corporels, et a fortiori, par les montants souvent considérables nécessaires à la
réparation de ceux-ci.

En effet, l’abordage est particulier car il s’agit d’une situation qui peut causer un panel très
élargi de dommages, aussi bien matériels qu’immatériels, aussi bien personnels qu’aux tiers.
D’un cas d’abordage peut découler d’autres situations qui sont à classer parmi les évènements de
mer. On peut à cet égard évoquer l’exemple d’un abordage en mer entre deux navires, au cours
duquel un navire tiers intervient pour porter assistance.

L’assistance maritime, constitue également un évènement de mer, les situations et les régimes
applicables sont alors combinés.

Trois conditions doivent donc être réunies pour permettre l’application de cette loi : un accident,
dans lequel est impliqué au moins un navire (au sens stricte) ; et intéresse un autre navire, un
bateau de navigation intérieure ou un engin non amarré à poste fixe (c’est-à-dire, par exemple :
pédalo, planche à voile, barque...).

LES problèmes nés de l’abordage se présentent à peu près dans les mêmes termes en matière de
navigation intérieure et au regard de la navigation maritime, et les solutions sont inspirées des
mêmes principes dans les deux cas »26.

En effet, à la lecture de la Convention de Genève de 1960 relative à l’unification des règles


relatives l’abordage en navigation intérieure, il apparait assez évident que celle-ci s’inspire des
dispositions de la Convention de Bruxelles de 1910 relative à l’abordage maritime.

Comme évoqué précédemment, l’abordage maritime est encadré sur le plan international par la
Convention de Bruxelles du 23 septembre 1910. Ce texte a pour objet principal la réparation des
dommages subis des suites de l’évènement. Toutefois, ce texte n’encadre pas la prévention de ce
type d’évènement : c’est à cet effet que la convention COLREG a été signée en 1970, qui comme
nous l’avons évoqué, « complète les textes juridiques par des dispositions techniques »28.

Il conviendra tout d’abord d’étudier les trois types d’abordage maritime (A) ; puis de s’intéresser
au régime de responsabilité extracontractuelle pour faute prouvée consacré par les textes (B).

A. La consécration de trois types d’abordage : abordage fortuit, abordage douteux et


abordage fautif

La Convention de Bruxelles de 1910 sur l’abordage maritime évoque, dans ses articles 2 et 3,
trois conceptions de l’abordage : l’abordage fortuit, l’abordage douteux et l’abordage fautif. La
convention propose ainsi trois visions de la réparation des dommages, que nous traiterons dans le
cadre de cette étude.

La Convention de 1910 dispose : « Si l’abordage est fortuit, s’il est dû à un cas de force
majeure, ou s’il y a des doutes sur les causes de l’abordage, les dommages sont supportés par
ceux qui les ont éprouvés »29.

Par ailleurs, « Si’ l’abordage est causé par la faute de l’un des navires, la réparation des
dommages incombe à celui qui l’a commise »30.

On ne peut nier que la Convention de Genève de 1960 relative à l’unification des règles en
matière d’abordage en navigation intérieure s’inspire très clairement de son homologue de la
matière maritime. En effet, cette convention reprend les trois conceptions de l’abordage
consacrées en droit maritime : fautif, douteux ou fortuit ; et les évoque dans des termes
similaires. À propos de l’abordage fautif, elle dispose : « Si le dommage est causé par la faute
d’un seul bateau, la réparation du dommage incombe à celui-ci ».32

S’agissant de l’abordage fortuit et douteux, la convention dit : « Si le dommage résulte d’un


cas fortuit, s’il est dû à un cas de force majeure ou si ses causes ne peuvent être établies, il est
supporté par ceux qui l’ont éprouvé ».33

Ces trois conceptions de l’abordage, nous conduisent à l’étude du régime de responsabilité


consacré en la matière, un régime de responsabilité pour faute prouvée, clairement exorbitant du
droit commun de la responsabilité du fait des choses.

B. La consécration d’un régime de responsabilité extracontractuelle pour faute


Prouvée

Le contentieux des évènements liés à un abordage maritime, réside


principalement dans la réparation des dommages résultant de cet évènement, peu
importe que ce dernier soit le résultat d’une faute ou d’un cas fortuit.

S’agissant de la nature de cette responsabilité, il faut préciser que « la responsabilité liée


aux cas d’abordage est généralement de nature délictuelle, puisque l’action en réparation est
dirigée contre un tiers »36, à savoir généralement l’armateur du navire abordeur, ou ses
préposés.
La responsabilité découlant de ce type d’évènement peut toutefois dans certains cas
être de nature contractuelle : on songe notamment à l’abordage résultant d’une opération de
remorquage, situation dans laquelle un contrat lie le remorqueur et l’unité remorquée37.

Ce type de cas est exclu du domaine d’application de la législation relative


à l’abordage.

En effet, en matière maritime, une loi du 3 janvier 1969 (aujourd’hui codifiée aux articles L.
5342-1 et suivants du Code des transports), encadre les opérations de remorquage. Cette loi
prévoit que le remorquage hauturier se fait sous la responsabilité du remorqueur ; alors que le
remorquage portuaire s’effectue sous la responsabilité du remorqué38. Toutefois, l’opération de
remorquage étant de manière quasi-systématique soumise à un contrat, c’est celui-ci qui prévoira
les règles applicables pour la réparation des dommages. Ainsi, de manière générale, les contrats
de remorquage conclus prévoient que les dommages subis par le remorqué, le remorqueur ou les
tiers, sont supportés par le remorqué, « sauf à démontrer la faute lourde ou le vice propre du
remorqueur »39.

Après un important débat doctrinal et jurisprudentiel sur la validité de ces clauses et sur le
caractère impératif ou supplétif de la loi de 1969, les auteurs et la jurisprudence s’accordent
désormais à dire que celle-ci a un caractère supplétif de volonté et que des dispositions
contractuelles peuvent y déroger40.

Dans les cas « classiques » d’abordage (ne relevant pas d’un régime de responsabilité
contractuelle), le régime applicable pour la réparation des dommages devrait théoriquement être
celui de la responsabilité du fait des choses, prévu par l’article 1242 du Code civil41, qui prévoit
un régime de responsabilité sans faute, de plein droit, et dispose : « On est responsable non
seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par
le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ».

En effet, aucune référence à la faute n’est faite dans cette disposition, et


c’est au gardien de la chose de prouver que la chose impliquée n’est pas à l’origine du
dommage ; une présomption de responsabilité pèse sur lui. Tous les critères exigés
pour l’application de ce régime depuis l’arrêt Jeand’heur du 13 février 193042, à savoir
une chose – inerte ou en mouvement, l’intervention de cette chose, un gardien de la
chose ; semblent donc réunis. Toutefois, les conventions et lois applicables en matière
d’abordage maritime consacrent, un régime de responsabilité pour faute
prouvée.

Ce régime pourrait se définir notamment par opposition à un régime de


responsabilité de plein droit 43, en application duquel les victimes peuvent être
indemnisées sans même que l’existence d’une faute causale n’ait été prouvée. Dans le
régime consacré en matière d’abordage maritime, le demandeur doit absolument
prouver l’existence d’une faute causale afin d’obtenir réparation des dommages qu’il a
subi. C’est en ce sens que l’on peut parler d’une responsabilité « subjective ». À cet
égard, la Convention de 1910 prévoit expressément dans son article 6 qu’il n’existe
aucune présomption de faute et dispose : « Il n’y a point de présomptions légales de faute quant
à la responsabilité de l’abordage ». La loi de 1967, quant à elle, dispose dans son article 3
que « Si l’abordage est causé par la faute de l’un des navires, la réparation incombe à celui qui
l’a commise ».

En pratique, il est assez courant que la faute en question soit une faute de
barre, un non-respect des règles de conduite des navires énoncées dans la convention
COLREG de 1972.

Ce régime de l’abordage pour faute prouvée s’applique-t-il à tous les dommages


résultant d’un abordage ? La réponse est négative, la Convention prévoit expressément que ce
régime ne s’applique qu’aux dommages qui concernent les navires en cause, aux dommages qui
concernent les personnes à bord de ces navires (passagers et équipage), et enfin aux dommages
qui concernent les bagages et cargaisons de ces navires bateau77.
Ces dispositions dérogatoires très marginales, bien qu’existantes, ne permettent pas de
remettre en cause les très grandes similitudes entre les dispositions proposées en
matière d’abordage maritime, qui se recoupent sur un important nombre de
points. Cela nous conduit donc à étudier le droit de l’abordage sous l’angle de règles
de responsabilités prévues par les textes.

CHAPITRE 2 : LE TRAITEMENT DE L'ABORDAGE PAR


LE DROIT DE LA RESPONSABILITÉ

À titre liminaire, il convient de préciser que l’essentiel, pour ne pas dire la totalité, du
Contentieux lié à l’abordage réside dans la réparation des dommages nés d’un tel
Évènement ; c’est pourquoi nous concentrerons notre développement sur les
Mécanismes des régimes de responsabilité de l’abordage en matière maritime.

Comme évoqué précédemment, le régime de responsabilité civile lié à l’abordage, en


droit maritime, est particulier en ce qu’il repose sur la notion de faute60. Les textes en effet,
consacrent un régime de responsabilité pour faute prouvée, et non pas un régime de
responsabilité de plein droit61, que l’on retrouve dans le régime de responsabilité du fait des
choses. La responsabilité en matière d’abordage peut être qualifiée de « subjective », en ce
qu’elle implique que le demandeur rapporte la preuve de l’existence d’une faute causale afin
d’obtenir réparation des dommages qu’il a subi. La Convention de 1910 relative à l’abordage
maritime prévoit expressément qu’il n’existe aucune présomption de faute et dispose en effet en
sonarticle 6 : « Il n’y a point de présomptions légales de faute quant à la responsabilité de
l’abordage ».

La Convention de 1960 relative à l’abordage fluvial dispose quant à elle, dans son article 2 al.
1er et dans des termes similaires, que « L'obligation de réparer un dommage n'existe que si le
dommage résulte d'une faute. Il n'y a pas de présomption légale de faute ».

Cette absence de présomption légale de faute ne rend pas toujours la réparation des dommages
aisée pour la partie en demande. Cela permettait d’une part de contourner l’obligation de prouver
une faute, et d’autre part d’échapper à la prescription de deux ans en matière d’abordage (contre
5 ans en droit commun)62.

En effet, dans le cadre du régime de responsabilité du fait des choses établi par l’article
1242 du Code civil, aucune faute ne doit être prouvée pour permettre la réparation des
dommages, facilitant ainsi la tache de la partie à l’origine de la demande de réparation.
La Cour de cassation française a toutefois mis définitivement un terme à cette possibilité par un
arrêt du 21 janvier 1952, en indiquant que l’article 1384 ne peut être invoqué qu’à titre
subsidiaire « toutes les fois qu’une disposition spéciale de la loi ne l’a pas, explicitement ou
implicitement écartée»63

Nous étudierons dans le cadre de ce développement, d’une part la faute et son


imputabilité (Section 1), et d’autre part les dommages, causés de manière quasisystématiques
dans le cadre d’un abordage (Section 2).

Section 1 : La faute et son imputabilité

Parmi les cas d’abordage envisagés par les textes, on constate, comme évoqué
précédemment, trois types de situations : abordage fautif, abordage douteux, et
abordage fortuit. Les dommages résultant d’un abordage fautif , semblent être les plus simples à
réparer dans la mesure où les textes envisageant les régimes de responsabilité exigent que la
preuve de l’existence d’une faute soit ramenée. En effet, il est « évident que l’abordage […]
implique qu’il y ait un lien de causalité suffisant entre le comportement fautif de l’un et le
dommage subi par l’autre»64. Se pose toutefois la question de savoir quelle est concrètement la
faute. En pratique, cette faute correspond la plupart du temps à une faute de barre ou au non-
respect d’une règle de navigation, telles que celles édictées par la convention COLREG ou
encore par les règlements nationaux de conduite sur les voies de navigation intérieures ; cette
faute est donc de manière générale commise par le capitaine de l’unité impliquée ou par son
équipage.

Par ailleurs, en droit maritime, une distinction est opérée entre faute nautique et faute
commerciale du capitaine. La faute nautique constitue une faute de barre, telle
qu’évoquée précédemment ; alors que la faute commerciale correspond à une faute
commise par le capitaine dans le cadre de l’exercice de ses fonctions commerciales65.

Nous évoquerons dans un premier temps à l’abordage fautif, dont l’imputabilité est
certaine (§1) ; et dans un second temps à l’abordage fortuit ou douteux, dont
l’imputabilité est incertaine (§2).

§ 1 : L’abordage dont l’imputabilité est certaine : l’abordage fautif

Dans le cas d’un abordage fautif, la situation la plus courante implique généralement
un seul fautif, mais il est également possible de rencontrer une situation où plusieurs
personnes ont concouru, par leur faute, à la réalisation du dommage. Ce cas particulier
entraine un concours de responsabilité, dont nous étudierons les modalités dans le
cadre de ce développement.

A. L’abordage imputable à un seul responsable

Le cas de l’abordage fautif imputable à un seul responsable est l’hypothèse la plus


classique et la plus courante dans la matière. Il s’agit simplement du cas dans lequel
une unité, par sa faute, a causé des dommages à une seconde, et subit elle-même des
dommages. Dans le cas où l’intégralité des dommages nés de l’abordage sont le résultat
d’une faute dont l’auteur est individualisé et identifié, et que ladite faute est prouvée,
c’est l’auteur de la faute qui devra réparer ces dommages, conformément aux
dispositions applicables en la matière, évoquées précédemment dans le cadre de cette
étude.
Si l’existence d’une faute ne fait pas de doute et que son auteur est identifié, la question
principale qui se pose est donc la suivante : qui est le responsable ? La question de
l’imputabilité de la faute à un responsable a fait l’objet d’un réel débat doctrinal en
matière maritime67. En effet, certains auteurs étaient partisans de la conception de
« faute du navire », distincte de la faute personnelle du capitaine ou du membre
d’équipage. La loi de 1967, a fortiori, fait référence à cette « faute du navire » dans son
article 3 qui dispose « Si l’abordage est causé par la faute de l’un des navires, la réparation des
DOMMAGES incombe à celui qui l’a commise ». Toutefois, l’expression « faute du navire»
parait abstraite dans la mesure où le navire en lui-même, bien meuble, ne pourra aucunement
supporter la réparation du dommage. La thèse de la « faute du navire », soutenue par
certains juristes français dont René Garron68, consiste à penser que, dans le cas où
l’abordage a une origine connue mais non-fautive (c’est-à-dire qu’aucune faute de
l’homme n’en est à l’origine), alors, il faut considérer une « faute du navire », qui devra
bien-sûr être prouvée, mais qui permet de faire supporter la réparation des dommages
subis au navire, et donc par extension à son armateur. Cette vision des choses est
toutefois controversée.

En effet, le Doyen Rodière était favorable à une toute autre


conception de la faute en matière d’abordage et soutenait que le régime juridique de
l’abordage reposait sur la notion de faute objective, commise par les « hommes
responsables du navire »69. Le capitaine et l’équipage du navire, lesdits « responsables du
navires » sont des préposés de l’armateur ; c’est pourquoi le régime de responsabilité
du commettant du fait de ses préposés devrait trouver application. C’est en effet la
position soutenue par la doctrine, qui énonce que « l’armateur est responsable du fait d’autrui
en tant que commettant »70. A fortiori, la loi de 1969 relative à l’armement et aux ventes
maritimes a mis un entériné ce débat jurisprudentiel et indique dans son article 3 que
l’armateur « répond de ses préposés terrestres et maritimes dans les termes du droit commun ».
Conformément à ces dispositions, c’est donc le régime de responsabilité du
commettant du fait de son préposé prévu à l’article 1242 al. 1er du Code civil71 qui
s’applique. Il s’agit d’un régime de responsabilité du fait d’autrui, qui trouve application
lorsqu’il existe un lien de subordination entre deux individus. Il n’est pas nécessaire de
prouver que le commettant a commis une faute : la simple faute du préposé suffit à
engager celle de son commettant. Le commettant peut toutefois s’exonérer de sa
responsabilité en cas d’abus de fonction de son préposé, ou bien encore de faute pénale
de celui-ci.

In fine, la difficulté principale dans la réparation des dommages dans le cas d’un
abordage fautif consiste en la détermination du responsable parmi les différents acteurs
impliqués. Une fois le responsable identifié et la preuve d’une faute rapportée, la
réparation du dommage incombe à ce responsable déterminé. Il faut toutefois noter
que les limitations de responsabilité de l’armateur prévues par la Convention de
Londres du 19 novembre 1976 sont applicables aux dommages résultant d’un
abordage. Ces limites de responsabilité seront étudiées dans la suite de notre étude.

B. L’abordage imputable à une pluralité de responsables

L’abordage fautif imputable à plusieurs responsables correspond à la situation dans


laquelle plusieurs fautes commises ont conduit à l’abordage et donc à la survenance
des dommages. En matière fluviale comme en matière maritime, la question de
l’imputabilité lorsqu’une pluralité de fautes ont conduit à la réalisation de l’évènement
se pose de la même manière que lorsque l’abordage n’est imputable qu’à un seul fautif.
En matière fluviale, les textes consacrent une solidarité des responsables à l’égard des
tiers. En effet, la Convention de Genève du 15 mars 1960 dispose, dans des termes
similaires à ceux de la loi de 1934, que si, dans le cadre d’un abordage, deux ou plusieurs
bateaux ont concouru par leur faute à la réalisation d’un dommage, alors, ceux-ci sont tenus
solidairement « en ce qui concerne les dommages causés aux personnes, ainsi qu’aux bateaux
qui n’ont pas commis de faute et aux choses se trouvant à leur bord »78. En revanche, le même
article précise qu’il n’y a pas de responsabilité solidaire pour les dommages causés aux autres
bateaux – c’est-à-dire ceux ayant commis une faute, et aux choses se trouvant à
leur bord.
Par ailleurs, la Convention de Genève de 1960 relative à l’abordage en navigation
intérieure, à l’instar de la loi française de 1934 ; évoque les modalités de réparation des
dommages survenus lors d’un abordage en cours de pilotage et de remorquage. En
effet, concernant le pilotage, on pourrait imaginer un partage de responsabilité entre le
capitaine de l’unité et le pilote, dans la mesure où ils agissent de concours. Toutefois,
l’article 5 de la Convention dispose que « La responsabilité établie par les articles précédents
subsiste dans le cas où le dommage est causé par la faute d'un pilote, même lorsque le pilotage
est obligatoire ». À la lecture du texte, la responsabilité du pilote est donc écartée, quand
bien même son intervention était obligatoire. Cela peut s’expliquer par le fait que « le
pilote conseille le capitaine, mais celui-ci garde la responsabilité de la manoeuvre »79.

Cependant, en cas de faute personnelle et prouvée du pilote, ce dernier pourrait également voir sa
responsabilité engagée80. La disposition de la Convention de 1960 se retrouve in extenso
dans la loi de 1967 relative à l’abordage maritime81.

S’agissant du remorquage, l'article 2.3 de la Convention de Genève indique que : « En


cas de remorquage, chaque bateau faisant partie d'un convoi n'est responsable que s'il y a faute
de sa part ».

En conséquence, en cas de faute du remorqueur d’une part et du remorqué


d’autre part, chacun sera responsable des dommages qu’il a causés. La convention ne
prédétermine pas un responsable de l’opération de remorquage, elle ne pose pas de
principe de responsabilité. La détermination se fera donc au cas par cas, notamment
par la voie contractuelle, préalablement à la réalisation de l’opération. Il n’est par
ailleurs pas consacré de principe de solidarité entre le remorqueur et le remorqué en
cas d’abordage, que celui-ci ait lieu entre le remorqueur et le remorqué ; ou encore quecelui-ci
implique un tiers.

Concernant la réparation des dommages, il est prévu par la Convention que chacun
des fautifs impliqués dans la réalisation de l’abordage répare les dommages qu’il a
causés, proportionnellement à la gravité de sa faute82. En cas de responsabilité solidaire,
la répartition est la même, et chaque responsable bénéficie d’un recours contre l’autre s’il paie
une part du dommage supérieure à la répartition effectuée relativement à la
gravité de la faute (c’est-à-dire en application des règles de la Convention).
En matière maritime, la loi de 1967 aujourd’hui codifiée dans le Code des transports,
prévoit un régime tout à fait semblable à celui envisagé en matière fluviale. En effet,
lorsqu’il y a un abordage engageant la faute de l’un et l’autre des navires ; on devrait en
principe également avoir une réparation in solidum. Ce régime est écarté en matière
d’abordage pour les dommages matériels, il est en revanche conservé pour les
dommages corporels : l’article 4 de la loi de 1967 le prévoit expressément et dispose
dans son deuxième alinéa : « Les dommages causés, soit aux navires, soit à leur cargaison, soit
aux effets ou autres biens des équipages, des passagers ou autres personnes se trouvant à bord,
sont supportés par les navires en faute, dans ladite proportion, sans solidarité à l'égard des
tiers. Les navires en faute sont tenus solidairement à l'égard des tiers, pour les dommages causés
par mort ou blessures, sauf recours de celui qui a payé une part supérieure à celle que,
conformément à l'alinéa précédent du
présent article, il doit définitivement supporter ».
Ainsi, le passager d’un navire victime du fait d’un tel abordage pourra se retourner contre l’un
ou l’autre des armateurs des navires pour obtenir la réparation du dommage qu’il a subi ; charge
à ces armateurs d’exercer un recours par la suite si cela s’avère nécessaire.

§ 2 : L'abordage dont l’imputabilité est incertaine :

l’abordage non-fautif ou douteux

Selon les circonstances dans lesquelles l’évènement se produit, la détermination de


l’auteur de la faute peut s’avérer délicate voire impossible. Il existe également des cas
dans lesquels il n’y a pas de fautif. Ce sont les situations d’abordage fortuit et
d’abordage douteux, que nous allons étudier dans le cadre de ce développement.

A. L'abordage non-fautif : imputabilité exclue

L’abordage fortuit est celui qui résulte d’un cas de force majeure. La qualification
d’abordage fortuit suppose toutefois que le cas de force majeure soit prouvé, et que
l’évènement envisagé qui remplisse les critères d’irrésistibilité, d’imprévisibilité et
d’extériorité tel qu’exigés par la jurisprudence83. En effet, la jurisprudence française en
la matière a conservé son exigence relative aux critères de la force majeure lorsqu’il
s’agit de l’abordage, et ce malgré le fait que le droit maritime ne se soit jamais fait « d’idée
aussi stricte des évènements qui exonèrent les capitaines et leurs armateurs »84.

Lorsqu’un abordage résulte de la survenance d’un cas de force majeure, les textes
applicables, autant la Convention de 1910, la loi française de 1967 en matière maritime,
que la Convention de 1960 en matière fluviale, prévoient que les dommages sont
supportés par ceux qui les ont éprouvés.

On constate donc in fine que la force majeure, en matière d’abordage tout comme en
droit commun, constitue une cause d’exonération de responsabilité. Dans notre cas
précis, c’est l’unité de navigation, ou du moins ses responsables, qui se trouvent
exonérés.
Quels sont les évènements maritimes qui peuvent constituer des cas de force majeure ?
Il convient en premier lieu de préciser que la navigation en mer comporte un certain
nombre de risques inhérent à celle-ci ; ainsi, des évènements qui pourraient
potentiellement constituer des cas de force majeure dans un autre contexte sont des
évènements normaux dans le cadre de la navigation maritime (par exemple, la tempête,
la brume). Ce n’est que lorsque « les évènements normaux ont un caractère anormal »85 que
ceux-ci peuvent être considérés comme relevant de la force majeure. De manière
générale, la brume et les courants marins ne sont pas considérés comme des cas de
force majeure86. Il a par ailleurs été jugé que l’abordage résultant d’une panne
mécanique imprévue ne constitue pas un cas d’abordage fortuit87.

B. L'abordage douteux : imputabilité discutée

L’abordage douteux correspond à la situation où la détermination du responsable du


dommage et donc de l’imputabilité de la faute est délicate voire impossible. Il est
généralement considéré que « L’abordage est douteux lorsque les causes n’en sont pas établies
»88.
En effet, il arrive que malgré les différents moyens existant pour déterminer les causes
de l’incident (on songe notamment au rapport de mer, au journal de bord tenu par le
capitaine, des différents moyens de technologie…), ces dernières demeurent
inconnues. Dans un pareil cas, la situation est très simple en ce qui concerne la
réparation : chaque partie supporte les dommages subis. Cela est clairement édicté par
les textes applicables, aussi bien en matière fluviale qu’en matière maritime. L’abordage
constitue une situation qui peut faire intervenir différents acteurs, et il est même
envisageable qu’un tiers, qui n’a subi aucun dommage, soit à l’origine d’une faute qui a
concouru à la réalisation des dommages.

S’agissant des dommages réparables survenus suite à un abordage, ceux-ci sont


généralement nombreux et de différentes natures, tels que nous allons les exposer.

Section 2 : Le dommage réparable

Les dommages réparables faisant suite à un cas d’abordage sont nombreux et divers.
De manière générale, un évènement tel qu’un abordage aboutit de manière quasisystématique
à la survenance de dommages. Le Code des transports dans son article
L. 5131-4 issu de la loi de 1967 en matière maritime et la Convention de Genève dans
son article 1er en matière fluviale évoquent les dommages causés aux unités de
navigation en cause (navire ou bateau), à leurs cargaisons, aux biens et personnes se
trouvant à bord.

Dans le cadre de notre développement, nous étudierons les


dommages selon la dichotomie suivante : dans un premier temps, nous verrons les
dommages personnels (§1), et dans un second temps, les dommages aux tiers (§2).

§ 1 : Le dommage personnel

Selon les circonstances de la survenance de l’abordage et du point de vue dans lequel


on se place, le dommage personnel diffère. C’est pourquoi nous distinguerons le
dommage personnel dans le cas d’un abordage pour faute commune et d’abordage
fortuit (A) du dommage personnel en cas de faute exclusive (B).

A. En cas d’abordage pour faute commune et d’abordage fortuit

Dans le cas d’un abordage pour faute commune, plusieurs unités subissent un
dommage personnel, qui correspond au dommage qui est subi par la coque les moteurs
des navires ou bateaux en cause. Toutefois, comme nous l’avons évoqué
précédemment, l’article 4 de la loi de 1967 sur l’abordage maritime et l’article 4 de la
Convention de 1960 sur l’abordage fluvial, indiquent que les dommages en cas de
fautes communes sont réparés par les fautifs à proportion de la gravité de chaque faute.
Afin de déterminer cette proportion, on se fie généralement aux constatations de
l’expert intervenu des suites de l’incident89.

C. En cas d’abordage pour faute exclusive

Dans le cas d’un abordage résultant d’une faute exclusive, si l’on se place du point de
vue du fautif, les dommages personnels correspondent aux dommages subis par
celui-ci. De manière générale, ce dommage personnel correspond à des dommages
matériels subis par l’unité fautive, c’est-à-dire les dommages subis par la coque et les
machines du navire ou du bateau de navigation intérieure.
Du point de vue du fautif, les dommages subis par les autres unités impliquées dans
l’évènement constituent en tout état de cause des dommages aux tiers, dont la
réparation est supportée par le fautif, conformément à la législation applicable, aussi
bien en matière maritime que fluviale. Toutefois, les dommages subis par les tiers
constituent également de leur point de vue un dommage personnel, dont la réparation
est supportée par le fautif.

§ 2 : Le dommage aux tiers

Les dommages aux tiers réparables en application de la loi de 1967 relative à l’abordage
maritime codifiée dans le Code des transports et par la Convention de 1960 relative à
l’abordage fluvial, peuvent se subdiviser en deux catégories principales, les dommages
matériels (A) et les dommages corporels (B).

A. Dommages matériels

On distingue parmi les dommages matériels deux principaux types de dommages, les
dommages causés aux marchandises transportées (a) et les dommages causés aux
unités, navires ou bateaux, impliquées dans l’évènement (b).
a) Les dommages causés à la marchandise transportée
L’activité principale résultant de la navigation, qu’elle soit maritime ou fluviale, est le
transport de marchandise. En conséquence, les navires et bateaux sont quasiment
toujours chargés de marchandise. Dans le cas d’un abordage, peu importe les
circonstances dans lesquels celui-ci se produit, la marchandise peut subir des
dommages, plus ou moins grave selon la nature de celle-ci. Il s’agira, pour l’unité
transportant cette marchandise, de dommages causés aux tiers, peu importe que l’unité
transportant la marchandise soit l’unité fautive dans la survenance de l’abordage.

Le chargeur90 pourra alors se retourner contre le transporteur maritime ou fluvial et


invoquer la mauvaise exécution du contrat de transport, qui a conduit à la réalisation
des dommages. Cela ne pose pas de difficulté particulière si les dommages proviennent
de la faute exclusive de l’unité sur laquelle sont transportées les marchandises, car la
question de la responsabilité du transporteur ne sera pas discutée.

Toutefois, si l’abordage est causé par la faute d’une unité tierce, le risque pour le chargeur « est
que le transporteur invoque comme cause d’exonération un abordage qu’il a lui-même subi et
dont il n’est pas responsable »91.

De manière générale, le chargeur qui place des intérêts (dans notre cas une marchandise) à bord
d’un navire est assuré pour la perte de cette marchandise, on parle à cet égard d’assurance
facultés92.

En tout état de cause, si l’abordage provient de la faute exclusive d’un tiers (qui n’est donc pas
l’unité sur laquelle les marchandises étaient transportées), un recours peut être exercé par la
victime ou son assureur subrogé contre celui-ci, mais ce recours pourrait ne pas aboutir, en
raison de la possibilité pour le transporteur d’invoquer la faute nautique du capitaine comme
cause d’exonération93.
b) Les dommages causés à une unité de navigation

Dans le cas d’un abordage, aussi bien fortuit que pour faute exclusive ou pour faute
commune, les unités de navigation subissent des dommages, notamment sur la coque
et les moteurs. Afin de couvrir ces dommages, l’armateur souscrit généralement une
assurance de dommage qui prend la forme particulière de l’assurance « corps et
machines », dont nous étudierons les modalités plus tard.

En parallèle des dommages matériels que nous avons évoqués, des dommages
corporels peuvent survenir dans le cas d’un abordage.

B. Les dommages corporels


Lorsqu’un abordage se produit, celui-ci peut avoir pour conséquence des dommages
corporels, notamment aux équipages et aux passagers se trouvant à bord. La réparation
de ces dommages est envisagée par les textes applicables, aussi bien en matière
maritime que fluviale, qui disposent dans des termes semblables que sont réparables
les dommages causés aux unités de navigation en cause (navire ou bateau), à leurs
cargaisons, aux biens et personnes se trouvant à bord.

De plus, en matière de dommages corporels, les textes applicables consacrent un


principe de solidarité des responsables dans la réparation. Cela signifie que la victime
pourra se retourner contre l’un et l’autre des navires en cause afin d’obtenir réparation.
Cette possibilité est totalement écartée en matière de dommages matériels.
Si de nombreux dommages peuvent faire l’objet d’une réparation dans le cadre des
textes applicables, à savoir la loi de 1967 relative à l’abordage maritime aujourd’hui
codifiée dans le Code des transports aux articles L. 5131-1 et suivants ; et la Convention
de 1960 sur l’abordage en matière de navigation intérieure, les textes ne font aucune
mention du dommage lié à la perte d’exploitation du navire, qui pourtant survient de
manière quasi-systématique des suites d’un abordage. Toutefois, des assurances
spécifiques permettent de couvrir ce type de dommages ; de même que tous les
dommages évoqués dans notre développement.

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