La Destruction Comme Cause Du Devenir de Sabina Spielrein
La Destruction Comme Cause Du Devenir de Sabina Spielrein
La Destruction Comme Cause Du Devenir de Sabina Spielrein
Josiane CHAMBRIER
PRÉSENTATION
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 21/12/2023 sur www.cairn.info (IP: 37.167.14.48)
1. Freud (1929), Malaise dans la civilisation, PUF, 1986, trad. Ch. et J. Odier, chap. VI, p. 75.
2. Freud (1938), Abrégé de psychanalyse, trad. A. Berman, revue et corrigée par J. Laplanche,
chap. II, « Théorie des Pulsions », p. 8.
3. M. Robert (1964), La révolution psychanalytique, Petite Bibliothèque Payot, p. 356.
4. A. Carotenuto (1981), Journal d’une symétrie secrète, trad. M. Armand, Sabina Spielrein
entre Freud et Jung, Aubier-Montaigne, p. 12 à 90.
Rev. franç. Psychanal., 4/2002
1286 Josiane Chambrier
1. Die Destruktion als Ursache des Werdens, Jahrbuch, IV, 1912, 2 vol., p. 465-503.
2. Correspondance Freud-Jung, Gallimard, Connaissance de l’inconscient, t. I (1906-1909), p. 45.
3. C. G. Jung, La théorie freudienne de l’hystérie, GW, 4, p. 53-58.
4. Uber den psychologischen Inhalt eines Falles von Schizophrenie, Jahrbuch, 1911, p. 329-400.
5. Correspondance Freud-Jung, op. cit., t. I (1906-1909), p. 313.
Sabina Spielrein (1912) 1287
1. M. et H. Vermorel, 2000, La Pulsion de mort dans l’œuvre freudienne et son impact dans les
Psychoses, L’invention de la pulsion de mort, Dunod, J. Guillaumin et al., p. 149.
2. Correspondance Freud-Jung, op. cit., t. II, p. 262.
3. En 1918, dans une lettre à Jung, Spielrein est saisie par la prise de conscience qu’un Siegfried
vit toujours en elle qui peut être un enfant, une œuvre d’art ou une découverte scientifique, et « qu’il
n’y a qu’une façon d’écarter un contenu psychique, c’est de le tuer » (Sabina Spielrein entre Freud et
Jung, p. 319-320). En 2000, A. Green décrit le meurtre de la représentation dans la Position phobique
centrale des états-limites.
1288 Josiane Chambrier
1. Sigmund Freud présenté par lui-même, 1925, trad. nouv. F. Cambon, 1984, Gallimard, « Con-
naissance de l’inconscient », p. 100.
2. Journal de S. Spielrein, Sabina Spielrein entre Freud et Jung, op. cit., p. 142 à 184.
3. Les premiers psychanalystes, Minutes de la société psychanalytique de Vienne, t. III,
1910.1911, Éd. Gallimard, coll. « Découverte de l’inconscient », p. 318 à 325.
Sabina Spielrein (1912) 1289
1. Paru in Internationale Zeitschrift für Ärtzliche Psychoanalyse, I, 1913, p. 89-93. Traduit par
P. Rusch in Sabina Spielrein entre Freud et Jung, p. 256-262.
2. P. Federn, op. cit., in Sabina Spielrein entre Freud et Jung, p. 259.
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symboles de la libido, et étend le sens du terme libido jusqu’à lui faire englober
toute l’énergie psychique qu’il rapproche d’une énergie physique. Ce remanie-
ment aboutit à un monisme et abâtardit la référence au conflit psychique.
Quand Jung ajoute que « la suppression de la fonction de la réalité dans la
dementia praecox ne se laisse pas réduire au refoulement de la libido », c’est la
rupture avec Freud. Ce dernier répond, en 1914, avec « Pour introduire le
narcissisme » : une première révolution dans la théorie pulsionnelle. Avec le
narcissisme, Freud affirme l’origine libidinale des pulsions du Moi opposées
aux pulsions d’objets : si le Moi lui-même est investi de libido, nous devons
considérer sa caractéristique la plus remarquable, l’instinct de conservation,
comme un élément narcissique de l’instinct sexuel.
Pendant la guerre, malgré l’angoisse pour les siens et les privations, Freud
poursuit ses réflexions. Aux « Considérations actuelles sur la guerre et la
mort », il ajoute les grandes synthèses des textes de La Métapsychologie (1915)
et des Conférences d’introduction à la psychanalyse (1916-1917), puis « Deuil et
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1. Freud (1920), Au-delà du principe de plaisir, trad. J. Laplanche et J.-B. Pontalis, Essais de
psychanalyse, Payot, 1987, p. 103.
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vail de théorisation qui le conduira, quelques années plus tard, vers le rôle de
l’objet et la place du féminin dans l’organisation pulsionnelle ?
La note freudienne de 1920 trouve sa place dans un passage concernant le
masochisme. Aussi rapprocher la proposition de Spielrein d’un instinct de des-
truction à l’intérieur des pulsions sexuelles, de la description par Freud des
masochismes, en 1924, dans « Le problème économique du masochisme »,
quand il se tient au plus près de l’expérience de la cure, semble pertinent. Les
conceptions des deux auteurs sont voisines quand Freud décrit le masochisme
comme étant « l’expression de l’être de la femme » et qualifie l’un des trois
masochismes de féminin, et que Spielrein voit dans le désir d’être absorbé une
tendance masochiste normale qui, chez la femme, s’exprimerait comme un
fantasme de destruction.
Faut-il incriminer le masochisme féminin de Spielrein pour expliquer qu’elle
ne partage pas avec Freud le même besoin obstiné et rigoureux de mettre ses
hypothèses à l’épreuve des faits cliniques pour construire un modèle théorique
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comme Freud le propose dès l’Interprétation des rêves, est négligé. L’hypo-
thèse de Spielrein fait penser aux relations qu’entretiennent pulsions destruc-
trices et angoisse chez M. Klein ; alors que l’introduction de la pulsion de
mort, chez Freud, renouvelle et complexifie la théorie du refoulement.
Freud reconnaît avoir été en partie sourd aux intuitions de Spielrein.
« Rester sans prévention » comme il l’écrit pour Nietzsche, quitte à paraître
faire peu de cas des idées des autres, Freud le revendique : « ...c’est que je ne
suis pas aisément accessible à la pensée des autres, et que je me fais une règle
d’attendre jusqu’à ce que j’aie trouvé un quelconque rapport avec le labyrinthe
de mes propres idées. »1 C’est à ce prix que, fidèle à sa démarche et aux exigen-
ces de la clinique (dépressions, psychoses et perversions comprises), il a pu
refonder, dès 19232, à partir de « Le Moi et le Ça », une métapsychologie qui
témoigne de l’intégration des pulsions destructrices dans son modèle d’appareil
psychique, laissant à sa postérité leur devenir théorique et clinique.
Josiane Chambrier
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1. Circulaire adressée à tous les membres du Comité (15 février 1925) après la publication par
Ferenczi et Rank de Perspectives de la psychanalyse, M. Robert, La révolution psychanalytique, p. 373.
2. Année de sa maladie et de la perte de son petit-fils Heinz qui « avait tué quelque chose en
lui ».