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Les Mines de l'Ouenza , par

Urbain Wastiaux

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Wastiaux, Urbain. Auteur du texte. Les Mines de l'Ouenza , par
Urbain Wastiaux. 1909.

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Par

19 09
LES MINES DE L'OUENZA

Il a été beaucoup parlé, ces temps derniers, dans la


Presse, à la Bourse, au Parlement, de l'affaire de l'Ouenza.
Des bruits circulaient : c'était un gros scandale politique et
financier ; on évoquait les souvenirs du .(( Panama ».
La Chambre des Députés, elle-même, tourne autour de
la question sans oser l'aborder au fond, comme si elle
craignait de découvrir, dans son exploration, quelque
redoutable mystère. Par trois lois, M. Jonnart, gouverneur
général de l'Algérie, a passé la Méditerranée pour soutenir,
à la tribune, un texte législatif présenté d'accord avec le
Gouvernement français, tendant à approuver les conventions
passées entre le Gouvernement général de l'Algérie et la Société
d'Etudes de l'Ouenza pour la concession du chemin de fer de
Bône au Djebel-Ouenza avec prolongement éventuel sur le
Bou-Khadra.
Or, de nouveau, la question vient d'être ajournée. Et cette
affaire purement industrielle prend les proportions d'une
affaire d'Etat. Les intérêts particuliers s'agitent pour avoir
_ 4
-
titre de directeur commercial et ayant pleins pouvoirs de
la future Société.
M. Vérane, grâce aux subsides de ses associés
(200.000 francs) activa les travaux de recherches. Déjà en
relations avec M. Pascal qui lui avait confié la direction
d'exploitations antérieures, il pria celui-ci d'adresser à
l'Administration une demande de concession pour le Djebel-
Ouenza. Dans sa demande, M. Pascal ne visait essentiellement
que le gite cuivreux mélangé avec des minerais de fer.
Or, le demandeur, depuis les travaux de M. Vérane,
n'ignorait pas que d'immenses amas de fer pur superficiels
existaient au Djebel-Ouenza. Mais il n'ignorait pas non plus
la distinction juridique entre la mine (de fond) et la minière
(de surface) qui, d'après notre Régime des mines, est
capitale : la mine peut être concédée par l'Administration ;
la minière ne peut être qu'amodiée par l'Etat, propriétaire
du sol, c'est-à-dire donnée à bail à l'exploitant moyennant
une redevance fixe en argent et des obligations annuelles
déterminées par décret. En fait, dans la plupart des
exploitations minières, la mine et la minière n'appartiennent
pas aux mêmes exploitants.
M. Pascal, M. Vérane et leurs associés étaient très
avertis de cette situation, puisqu'ils avaient, dans leur
demande de concession, gardé le plus significatif silence sur
les gisements de fer brut de la surface. Ils ont pu obtenir
sans peine la concession d'une mine de cuivre qui paraissait
d'exploitation difficile en raison du mélange de cuivre et de
fer dans le gisement ; ils savaient qu'ils n'auraient pas
obtenu si aisément une minière de fer presque pur, de
250 mètres de large sur 14 mètres de profondeur, dépendant
du gouvernement de l'Algérie, en raison de sa situation dans
un terrain domanial.
C'est dans ces conditions que le 20 Mai 1901, intervint le
décret accordant à M. Pascal la concession des mines de
cuivre, fer et autres métaux connexe du Djebel-Ouenza. Bien
5
— —

entendu, la concession ne portait pas sur la minière et c'est


par suite d'une erreur que l'acte de concession a parlé du fer.
Dans l'intervalle, et l'affaire paraissant sûre, avait été
constituée, à la date du 2 Octobre 1900, la Société anonyme
dite Société Ajricaine des Mines, au capital d'un million, dont
dont nous avons parlé plus haut.
Les travaux préparatoires étaient terminés, le décret
obtenu. Il restait à rechercher les moyens d'exploiter le
gisement et à tirer de la concession le meilleur profit
possible.

LA MINIERE

.En Avril 1901, avant même la signature du décret M.


Rolland entrait en relations avec M. Carbonel, ingénieur du
Creusot, représentant la maison Schneider et Cic, pour les
missions et études relatives à des affaires de mines, et le
priait de s'intéresser à l'affaire de l'Ouenza. En visitant la
concession, cet ingénieur se rendit compte de l'importance
des gisements d'hématite ; il examina les lieux, étudia les
conditions d'exploitation et conclut qu'il fallait abandonner
l'exploitation du minerai de cuivre pour mettre en valeurles
minerais de fer.
Or, comme le gisement est éloigné de 200 kilomètres du
port le plus rapproché, la construction d'un chemin de fer
s'imposait. Ce chemin de fer devant coûter, à première vue,
40 millions, et les premiers frais d'exploitation devant
absorber dix autres millions, l'opération, selon M. Carbonel,
ne pouvait être entreprise que par de grands consommateurs
de fer, afin de ne pas grever le prix de revient. M. Carbonel
ajoutait qu'il fallait une extraction intensive afin de diminuer
les dépenses et il estimait qu'elle devait être portée à un
million de tonnes. Cette conception, seule rationnelle,
- 6 -
obligeait les concessionnaires à faire de cette exploitation une
entreprise, sinon mondiale, au moins européenne, et
nécessitait, d'après le plan exposé par M Carbonel, le
concours des principales usines sidérurgiques de l'Europe.
Devant ces perspectives éblouissantes, le groupe Rolland-
Roubaud, dès le 3 Septembre 1901, chargea M. Carbonel
d'amodier la mine de l'Ouenza aux conditions d'un traité qui
devint la convention du 15 Septembie 1901, et de constituer
une Société d'Etudes. Le traité stipulait les avantages
réciproques des parties contractantes. Il était signé par
MM. Rolland et Roubaud comme représentants de la Société
Africaine des Mines et concessionnaires de M. Pascal ; la
condition essentielle de ce traité assurait au groupe Rolland-
Pascal une redevance de 8 millions, lors même que la mine
ne serait pas exploitée.
M. Carbonel conduisit successivement dans l'Ouenza les
ingénieurs des principales usines sidérurgiques d'Europe et
la richesse du gisement de fer ayant été reconnue, il
s'employa à constituer la Société d'Etudes qui allait devenir
la Société exploitante.
Alors se posa une question qui, jusque-là, avait été
réservée ou plutôt dissimulée par les concessionnaires. M.
Carbonel avait ignoré que les minières restaient la propriété
delà colonie et que MM. Pascal et Rolland n'avaient obtenu
que la concession de la mine de cuivre et non celle de la
minière. Or, désormais, il ne s'agissait plus que de la
minière, puisque l'idée d'exploiter la mine de cuivre était
abandonnée.
Les concessionnaires par l'intermédiaire de M. Vérane,
adressèrent alors au préfet de Constantine, le 21 Janvier
1902, une demande d'amodiation « de tout ce qui peut être
considéré comme minière au Djebel-Ouenza » offrant de
payer une redevance à fixer ; mais le préfet ne répondit pas,
estimant que M. Vérane n'avait pas qualité pour faire cette
demande au nom des concessionnaires, puisque ceux-ci
— 7 —

avaient, par l'acte du 15 Septembre 1901, cédé la mine à


M. Carbonel.
Les démarches de ce dernier aboutirent, à la fin de
Mars 1902, à la création de la Société d'Etudes de VOueiiTa,
au capital de 300.000 francs, divisé en 600 parts, dont 410
souscrites par le groupe français et 190 par un groupe
étranger se décomposant en 80 parts pour le groupe
allemand, 90 pour le groupe anglais et 20 pour la Société
belge Cockerill et Cic. Le 28 Mars 1902, M. Carbonel
signifiait à MM. Rolland et Roubaud la constitution
régulière de la Société d'Etudes qui restait, par suite,
définitivement propriétaire de la concession de l'Ouenza.
Le lendemain, MM. Rolland et Roubaud lui répondaient
qu'il ne s'était pas conformé à son mandat, qu'ils ne
reconnaissaient pas la Société formée par lui et qu'ils
reprenaient leur liberté d'action. Cette révocation arbitraire
donna lieu à un procès, et un jugement du Tribunal civil de
Marseille, confirmée par un arrêt de la Cour d'Aix, débouta
MM. Rolland et Roubaud.
En outre, par arrêté du 7 Juillet 1902, le préfet de
Constantine, représentant le domaine public propriétaire du
sol, autorisait la Société d'Etudes de M. Carbonel à effectuer
les travaux dans les minières, travaux qui eurent aussitôt un
commencement d'exécution. Là-dessus, protestation de M.
Vérane qui dénonce M. Carbonel comme se prévalant
faussement de prétendus contrats, réponse du préfet de
Constantine déclarant « que le propriétaire du sol conserve,
» dans l'intérieur d'une concession, tous ses droits sur les
» substances non désignées à l'acte de concession et que les
» minerais de fer, n'étant pas concédés, un permis de
» recherches de ces minerais était également accordé par
» l'Etat à M. Carbonel. »
— 8 —

d'Etat, mais ils le retirent après la clôture de l'instruction


administrative, et l'arrêt, rendu le 25 Mai 1909, donne acte
aux protestataires de leur désistement pur et simple.

LA PHASE ADMINISTRATIVE

Pendant ce temps, le gouvernement de l'Algérie instruisait


la demande en amodiation présentée par M. Carbone' et
signait le 27 Décembre 1902, avec la Société d'Etudes, deux
contrats à option relatifs ;
I° A l'amodiation de la minière et à la concession d'un
emplacement dans le port de Bône pour l'embarquement des
minerais ;
20 A la concession d'un chemin de fer du Djebel-Ouenza
au port de Bône, avec prolongement éventuel sur le Bou-
Kadra, gisement situé à 20 kilomètres de l'Ouenza.
Les contrats étaient définitivement ratifiés le 31 Mars 1903,
moyennant une redevance de 75 centimes par tonne de
minerai de surface extrait.
Neuf jours après, M. Vérane, signant en vertu d'une
procuration de M. Pascal, et M. Joseph Portalis, signant
par procuration de la maison W.-H. Mûller et C'°, ayant
son siège à Rotterdam, établissaient, par acte sous seing
privé, les statuts d'une société en formation, dite Société
concessionnaire du Djebel-Ouenza, à laquelle M. Pascal
apportait la concession de l'Ouenza, qu'il avait déjà cédée par
l'acte du 1er Juin 1900 — non enregistré — à MM. Roubaud et
Rolland, et que ceux-ci avaient cédée à leur tour à M. Carbonel
par le traité du 15 Septembre 1901
Quel intérêt avaient MM. Müller et Portalis à se faire
céder par M. Pascal la concession rétrocédée une première
fois à MM. Rolland et Roubaud, et par ceux-ci une deuxième
fois à M. Carbonel ?
- - 9

M. Portalis est l'agent de MM. Mûller et Cie commis-


sionnaires en métaux, une des plus grandes maisons
européennes de vente de minerais pour la métallurgie Ses
fonctions le mettaient en rapport constant avec la Société du
Creusot. 11 avait entendu parler, dès 1902, de l'importance
de la mine de l'Ouenza, et son attention avait été d'autant
plus éveillée que c'étaient les principaux clients allemands de
Mûller et Cie, Allemands eux-mêmes (un de leurs frères est
officier dans l'armée allemande), qui se disposaient à se
fournir ainsi directement de minerais SANS PASSER PAR LEUR
INTERMÉDIAIRE.
MM. Mûller et Cic sont chargés de la fourniture presque
exclusive des minerais de fer aux usines d'Essen (Krupp) et
de la Ruhr (Thyssen) ; or, Krupp et Thyssen sont les
associés de Schneider dans la Société de l'Ouenza.
Portalis-Mûller, cela est évident et ressort de toutes
leurs opérations, n'ont qu'un but : empêcher ou, à tout
prix, retarder le plus longtemps possible l'exploitation des
minières. Pour cela, ils vont user de toutes les ressources
de la procédure la plus inventive, la plus retorse, épuisant
toutes les juridictions, retirant au dernier moment, à la
veille de l'arrêt, l'instance qu'ils ont introduite pour aussitôt
en formuler une autre, promenant leurs rivaux de France en
Algérie et d'Algérie en France — également habiles à jouer
du formalisme administratif et des chinoiseries juridi-
ques.
Ils engagent les hostilités en adressant au Gouverneur
général, au nom d'une Société qui n'existe pas encore, une
protestation contre les travaux de M. Carbonel et une
demande, par leur Société, d'amodiation de la minière.
Mais l'amodiation venait, on le sait, d'être accordée à
M. Carbonel par l'arrêté du 31 Mars 1903 et le 18 Mai
suivant, M. Portalis était avisé de la signature des contrats
à option Schneider-Carbonel.
10 —

Sans se décourager, M. Portalis poursuit la constitution


de sa Société et, le 30 Avril, les statuts sont déposés chez le
notaire.
La Société est formée au capital de 2.500.000 francs,
divisé en 5 000 actions de 500 fr. chacune, dont 000 actions
1

d'apport attribuées à M. Pascal. Les 4.000 autres, soit


2 millions, sont souscrites par un groupe français pour
600.000 francs, et par MM. Mûller et Cie pour 1.400.000 fr.
Le siège est établi à Paris. — Le titre est Société :

concessionnaire des Mines de l'Ouenza. — La convention


stipule des avantages considérables en faveur de M. Pascal,
en cas d'exploitation, et une redevance minima de 300.000 fr.,
même si la mine n'est pas exploitée, à partir de la construction
d'un chemin de fer.
A peine sa Société est-elle constituée, que M. Portalis,
sans se préoccuper des travaux de la Société (rivale) d'Etudes
CARBONEL ET Cie introduit une demande de réunion de la
minière à la mine par application de l'article 70 des Lois
des 21 Avril 1810 et 27 Juillet 1880.
Interprétant cet article selon ses intérêts, il soutenait que
la réunion de la minière à la mine était obligatoire dès que
le concessionnaire la demandait, et, d'autre part, qu'elle était
nécessaire du moment où il y avait une trace de cuivre,
même infime, dans le minerai de fer.
Puis, dans un mémoire complémentaire du 8 Août 1904,
adressé directement au Ministre des Travaux Publics,
M. Portalis s'efforçait de démontrer qu'il ne pouvait y avoir
de minière au Djebel-Ouenza, où il n'existé qu'une mine de
cuivre imprégné dans le minerai de fer.
Là-dessus, il y eut enquête, contre-enquête ; l'avis du
Conseil général des Mines fut défavorable à l'unanimité à la
prétention de M. Portalis. Celui-ci se désista aussitôt de sa
demande sans permettre au Conseil d'Etat de se prononcer :
IL AVAIT GAGNÉ DIX-HUIT MOIS.
-11 -
Entre temps, le 26 Mars 1904, les délégations financières,
sur le rapport de M. Giraud, approuvaient les conventions
passées avec le groupe Carbonel et autorisaient le Gouverneur
à les ratifier.
En présence du désistement de M. Portalis. et toutes les
revendications concurrentes sur la minière se trouvant
retirées, le Gouverneur général signa, aux dates des 26 Juin
et 12 Juillet 1905, avec la Société d'Etudes SCHNEIDER-
CARBONEL ET Cie la convention complète et définitive qui
confirmait les deux contrats signés avec la même Société le
27 Décembre 1902. Le 12 Juillet suivant, un décret présidentiel
prescrivait la présentation au Parlement du projet de loi
portant approbation de la dite convention et, le même jour,
ce projet était renvoyé à la Commission des Travaux publics.
Mais la Commission des Travaux publics objecta que ni
l'amodiation de la minière, ni la concession d'emplacements
dans le port de Bône n'étaient de la compétence du pouvoir
législatif, et que d'autre part la concession du chemin de fer
ne pourrait être que la résultante de la solution que le
Gouvernement donnerait à la question de l'amodiation. En
ce qui concernait l'amodiation, l'observation était fondée,
car le domaine forestier, dont dépendait la minière, faisant
partie du domaine privé de l'Algérie, pouvait être aliéné
sans la ratification du Parlement, qui ne doit intervenir que
pour les concessions de mines. La Commission invoquait, en
outre, que des difficultés avaient surgi entre les deux groupes
de la mine et de la minière, que les tribunaux étaient saisis,
et qu'il fallait se garder d'empiéter sur le pouvoir judiciaire.
En effet, les difiicultés tenant à la rivalité et à la lutte
des deux groupes étaient loin d'être aplanies. La Société
concessionnaire engagea instances sur instances tendant à
faire déclarer nulle l'amodiation de la minière. Elle invoquait
notamment qu'aux termes de l'article 3 de la Loi de 1810, les
minières comprennent des minerais limitativement énoncés,
parmi lesquels ne figure pas le cuivre, dont la quantité serait
- -12

égale à celle du fer dans la minière de l'Ouenza, et elle


prétendait en outre que les concessionnaires de la mine
avaient le droit de demander la réunion de la minière à la
mine.
Ces luttes sont aujourd'hui terminées. Un accord inattendu
est intervenu entre les deux adversaires le 9 Avril 1908. Aux
termes de cet accord, la Société d'Etudes (groupe Schneider-
Carbonel) réserve, par traité, certains avantages à la Société
Concessionnaire (groupe Pascal-Portalis-Mùller) ; ces deux-
Sociétés fusionnent : la mine et la minière sont confondues
en une seule exploitation. Un décret en date du 10 Avril 1908
ratifie cet accord, et pour éviter les difficultés auxquelles
pourrait donner lieu la délimitation entre la mine et la
minière, il est décidé, à forfait, que les minerais de fer
extraits annuellement seront considérés comme provenant
des minières à concurrence de 9/10, et la mine pour 1/10.

LA PHASE PARLEMENTAIRE

Il semblerait donc que tout dût être terminé, conces-


sionnaire et amodiataire ayant fini par s'entendre. Il en serait
ainsi si toute l'affaire n'était subordonnée à la ratification par
le Parlement de la concession du chemin de fer Bône-Ouenza.
M. Portalis et ses alliés ne l'ignorent pas, et ils n'ont pas
renoncé à tout espoir d'entraver l'exploitation des mines
de l'Ouenza : ce serait mal connaître l'énergie vive, la
merveilleuse ténacité, l'indomptable souplesse de ces grands
hommes d'affaires. La minière est aux mains du Syndicat
Schneider, disent-ils. Soit. Mais cette minière ne peut être
exploitée que si elle est raccordée au port d'embarquement
par une ligne spéciale et directe ; il ne faut donc pas qu'ils
obtiennent le chemin de fer. Or, pour obtenir l'autorisation
de construire la ligne, il faut une loi. M. Portalis, très au
- -13

courant de nos moeurs parlementaires et de l'état d'esprit des


milieux politiques français, organise sa nouvelle campagne
pour empêcher le vote du Parlement. « Peut-être, dit-il,
est-il plus facile de manier les hommes que les textes de
lois ».
11 faut émouvoir l'opinion par une campagne de presse :
il faut exercer une pression sur les groupes de la majorité
parlementaire.
Les arguments à invoquer sont de ceux qui, précisément,
sont assurés de la plus grande faveur auprès des journaux
radicaux et socialistes :
I° Défendre une mine française, une oeuvre française
contre les convoitises d'un Syndicat international (sans doute
le groupe Mûller-Portalis est aux trois quarts allemand, mais
on ne le dira pas) ;
2° combattre les prétentions du tout puissant Creusot et
le trust de la grande métallurgie :
3° rappeler que le programme radical comporte la
nationalisation des mines : merveilleuse occasion, à propos
de l'Ouenza, d'opposer le projet Barthou au décret Jonnart.
Le terrain étant savamment préparé, la première
escarmouche se produit le Ier Juin 1908, et après un
réquisitoire enflammé du socialiste Zévaès qui proteste contre
l'accaparement des richesses minières nationales, la Chambre
des députés ajourne le projet de convention ratifiant l'accord
conclu par M. Jonnart avec la Société Schneider au sujet du
chemin de fer Bône-Ouenza.
Pour la seconde fois, le 14 Janvier 1909, M. Jonnart vient
défendre son oeuvre à la tribune. Mais ses explications sont
interrompues par de violentes interruptions et la Chambre
décide que la discussion du projet des mines de l'Ouenza
sera inscrite après celle du projet d'impôt sur le revenu.
- -14

BONE & BIZERTE


Deux raisons sont la. cause du nouvel ajournement du projet.
D'abord un patriotisme un peu soupçonneux, exagéré,
s'est manifesté un peu tardivement chez nos parlementaires.
Nos honorables se sont émus de voir « nos minerais »
s'en aller à l'étranger, sans réfléchir assez qu'il s'agirait
simplement d'un échange et que ces minerais ne feraient que
payer tout ou partie des charbons que consentent à nous
vendre la Belgique, l'Angleterre, l'Allemagne, et encore que
nous serions peut-être fort embarrassés s'il nous fallait
utiliser seuls toutes nos richesses minières. L'industrie
métallurgique est contrainte, par la distribution même de la
richesse du sol, à une combinaison de vaste participation
internationale : le domaine de l'Ouenza, par son importance
comme par sa situation, est destiné à prendre sa place dans
le système général.
D'autre part, le nouveau retard serait dû à la décision
prise par le Gouvernement français de modifier le projet
primitif, en ce qui concerne le tracé du chemin de fer destiné
à desservir la mine. Question capitale, essentielle, qui doit
être sérieusement étudiée en tenant compte des droits égaux
de la France envers l'Algérie et la Tunisie.
En assumant le protectorat de la Tunisie, nous avons
pris l'engagementde veiller à son développement commercial.
En outre, la création de l'arsenal de Bizerte nous oblige à
songer aux conditions militaires d'un point stratégique
important, d'un port appelé à jouer un rôle considérable en
cas d'opérations navales dans la Méditerranée.
Le projet primitif d'un chemin de fer de l'Ouenza à Bône
aurait fait dériver les minerais vers cette ville, au détriment
de Bizerte. Mais Bizerte s'est levée ; notre grand arsenal
tunisien proteste contre le bonheur de Bône, revendiquant
la faveur d'être admis à exporter, lui aussi, les minerais
algériens.
- -15

Bizerte a raison. Le réseau par cette ville existe, alors


que celui par Bône est à créer : cette raison est capitale. En
outre, il y a intérêt, au point de vue français, à ce que le
port tunisien, en offrant aux transports maritimes un fret de
retour à l'aide des minerais algériens destinés à l'Europe,
permette à ceux-ci d'entretenir eux-mêmes les approvision-
nements de charbon de Bizerte dont la France a seule
actuellement la charge.
Cette dernière considération a amené le Gouvernement
français à étudier une solution nouvelle. Nous ne sommes
pas seul à l'invoquer : 27 amiraux ont, avant nous, appelé
dans ce sens l'attention du Ministre de la Marine, et une
convention est même déjà conclue, à cet effet, entre le
Gouvernement du Bey et M. Hersent, administrateur délégué
du port de Bizerte.
Le projet primitif serait donc modifié comme ceci : on
compléterait la ligne Bône-Ouenza précédemment projetée
par la construction d'une boucle allant de l'Ouenza — qui
est la limite de la frontière algéro-tunisienne — à Nebeur,
où le tronçon se relierait à la ligne tunisienne se dirigeant
sur Bizerte par Mateur et Béja. Le prix de transport serait
le même sur chaque ligne. Les mines de l'Ouenza auraient
la faculté d'expédier leurs minerais, soit par Bône, soit par
Bizerte. Les mines de Boukadra devraient, au contraire,
expédié leurs produits par la ligne tunisienne. On assurerait
ainsi à Bizerte un trafic de 7 à 800.000 tonnes de minerai qui
est très supérieur à celui réclamé par la marine pour
garantir un fret de retour suffisant aux navires qui viendront
apporter des approvisionnements de charbon.

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