Le Cancer Primitif Du Foie Ou Carcinome Hepatocellulaire

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LE CANCER PRIMITIF DU FOIE ou CARCINOME HEPATOCELLULAIRE

Professeur Jean-Luc Raoul, CRLCC E Marquis, Rennes & Comité de Rédaction du site web
de la Fédération Francophone de Cancérologie Digestive

Date de mise en ligne: Janvier 2009

Ce document est destiné à l’information des malades, de leurs proches et « du grand public ».
Il a été rédigé dans un souci de simplification et de concision. N’hésitez pas à interroger vos
médecins en cas d’incompréhension ou si vous avez besoin d informations complémentaires.

Définition et Généralités
Le carcinome hépatocellulaire (CHC), également appelé hépatocarcinome est le cancer
primitif du foie le plus fréquent. Longtemps méconnu, il devient d’actualité du fait d’une
augmentation de sa fréquence et du développement récent d’un nouveau traitement. Ce cancer
se développe dans la majorité des cas sur une maladie du foie préexistante. Globalement
toutes les maladies de foie (dues à l’alcool, aux infections à virus de l’hépatite B ou C, aux
surcharges génétiques en fer, à l’obésité et/ou au diabète) peuvent favoriser l’émergence de ce
cancer lorsqu’elles arrivent au stade de cirrhose. Les formes survenant sur foie sain sont rares.
Le carcinome hépatocellulaire doit être distingué des métastases hépatiques, beaucoup plus
fréquentes, qui correspondent à la localisation dans le foie d’un cancer « né » dans un autre
organe (côlon, poumon, sein …).

Epidémiologie
Ce cancer est très fréquent au niveau mondial (notamment en Afrique et en Asie) où il
représente la sixième cause de cancer en fréquence et la troisième cause de mortalité par
cancer ; il est moins fréquent en Europe de l’Ouest et aux USA. Cependant dans les pays
occidentaux sa fréquence augmente du fait : de l’amélioration des traitements des cirrhoses ;
du pic des hépatites liées au virus C observé il y a 20 - 30 ans qui pour la plupart sont
actuellement au stade de cirrhose; de l’immigration en provenance de pays de forte endémie
et de la fréquence croissante de l’obésité et du diabète qui peuvent entraîner des maladies de
foie. En France ce cancer est responsable de près de 6.000 décès par an.

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Signes évocateurs
Le diagnostic de ce cancer se pose le plus souvent devant la découverte à l’échographie d’un
nodule du foie chez un malade ayant une cirrhose connue. Parfois, il est porté chez un malade
présentant des symptômes tels que des douleurs localisées dans la partie haute et droite de
l’abdomen (sous les côtes) ou à l’occasion du bilan d’une autre complication de la cirrhose
(jaunisse, hémorragie,…). Il repose soit sur la biopsie (prélèvement par ponction réalisée
sous anesthésie locale à travers la paroi) soit sur la conjonction de données d’examens
radiologiques (scanner ou IRM) et de biologie (détermination de la concentration d’une
protéine particulière appelée « alfa foeto-protéïne » à partir d’une prise de sang). Lorsque le
diagnostic de carcinome hépatocellulaire est établi, un bilan est réalisé qui
comporte l’évaluation de l’état général du patient, de l’extension de la tumeur (qui reste
longtemps limitée au foie) et du fonctionnement du foie.

Dépistage
Le stade précancéreux de cette maladie est représenté par des nodules dits « dysplasiques »
lesquels peuvent progressivement croître et évoluer vers le cancer. Une surveillance
systématique par échographie semestrielle chez les patients ayant une cirrhose connue est
recommandée car elle permet, en dépistant précocement les nodules, de les traiter à un stade
précoce et de les détruire.

Pronostic
Ce cancer se développant sur une maladie du foie préexistante, le pronostic est conditionné
par le stade et la sévérité de chacune de ces deux maladies. Le pronostic est donc très variable.
Il peut être favorable pour les petites tumeurs dépistées précocement sur une cirrhose peu
évoluée et bien compensée qui peuvent être guéries ou à l’inverse très mauvais pour des
formes révélées par des douleurs, de grande taille et compliquant l’évolution d’une cirrhose
grave pour lesquelles aucun traitement véritablement efficace n’est envisageable.

Traitement
Différentes options thérapeutiques sont actuellement disponibles. Le choix du traitement le
plus approprié dans une situation donnée est souvent complexe. Il résulte d’une discussion
impliquant médecins et chirurgiens de différentes spécialités (hépato-gastroentérologues ;
chirurgiens ; radiologues ; cancérologues ; anatomo-pathologistes, médecins nucléaires …) et

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prend en compte de nombreux paramètres (taille et localisation de la tumeur dans le foie ;
extension éventuelle en dehors du foie ; perméabilité de la veine du foie ; état général et
antécédents du malades ; sévérité de la maladie du foie sous-jacente …) ainsi que la volonté
exprimée du malade.
Traitement chirurgicaux : Résection et Transplantation Hépatique
Dans les formes de petite taille, uniques ou peu nombreuses, des traitements chirurgicaux sont
envisageables. L’ablation (résection) de la tumeur peut maintenant s’effectuer avec une
mortalité très faible. La transplantation hépatique, qui a l’avantage de traiter à la fois la
tumeur et la cirrhose, ne peut être réalisée que dans des cas bien spécifiés de taille et de
nombre de tumeurs et uniquement en l’absence de maladie sévère associée.
Techniques de destruction « à travers la paroi »
Lorsque les nodules tumoraux sont uniques et de petite taille (moins de 2 à 3 cm de diamètre)
il est possible de les détruire « à travers la paroi » soit par injection de produits nécrosants soit
par réchauffement (radiofréquence). Ces techniques, relativement simples à mettre en œuvre,
donnent d’excellents résultats, comparables à ceux de la chirurgie de résection.
Ces différentes approches, qui permettent d’espérer une guérison, ne sont envisageables que
chez un tiers des malades environ. Malheureusement les récidives après résection chirurgicale
ou traitements effectués à travers la paroi sont fréquentes. Plusieurs études en cours ou à venir
visent à identifier de nouvelles approches permettant de diminuer la fréquence de ces
récidives.
Chimioembolisation
Lorsque les tumeurs sont plus nombreuses ou de plus grande taille et que le fonctionnement
du foie reste correct, le traitement usuel est la « chimio-embolisation » qui consiste à injecter
dans l’artère du foie, en passant par l’artère fémorale, un mélange comprenant un produit de
chimiothérapie et un produit responsable d’une occlusion temporaire des artères irrigant les
tumeurs. Ce traitement, dont l’efficacité est reconnue, est parfois compliqué de douleurs, de
fièvre et de défaillances hépatiques parfois mortelles. Plusieurs séances, réalisées à quelques
semaines d’intervalle, sont généralement nécessaires avant de stabiliser durablement la
tumeur. Lorsque la veine du foie (veine porte) est bouchée, ce traitement n’est pas
envisageable. Il est alors possible d’injecter dans l’artère du foie un produit radioactif qui va
se concentrer dans les tumeurs et réaliser une irradiation très localisée. Des études actuelles
visent à améliorer ces divers traitements en utilisant des associations de traitements ou de
nouvelles modalités de réalisation

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Traitements « généraux »
Les produits de chimiothérapie « classique » ont une faible efficacité vis-à-vis du carcinome
hépatocellulaire et sont souvent toxiques chez les patients atteints d’une cirrhose. Ils ne sont
pas utilisés en routine dans cette indication.
L’amélioration de nos connaissances concernant les mécanismes de développement des divers
cancers et notamment des cancers primitifs du foie a en revanche permis le développement
d’agents bloquant de façon assez sélective certains processus indispensables à la survie et à la
prolifération des cellules cancéreuses. Récemment, il a été démontré qu’un nouveau
médicament appelé sorafenib (Nexavar®) était capable de ralentir la croissance du carcinome
hépatocellulaire et d’augmenter la survie des malades, sans entraîner de toxicité majeure. Il
est actuellement prescrit chez des malades atteints de formes dites « avancées » de carcinome
hépatocellulaire du fait de sa diffusion ou de l’échec des autres thérapeutiques. Le sorafenib
(Nexavar®) va maintenant être étudié dans plusieurs autres indications : après chirurgie pour
diminuer le risque de récidive, en association avec la chimioembolisation ou avec une
chimiothérapie. D’autres produits sont en cours d’évaluation et devraient être prochainement
disponibles.
Traitement symptomatique
Enfin, hélas dans près d’un quart des cas l’état général du malade et/ou la sévérité de la
maladie de foie sous-jacente ne permettent pas de proposer de traitement anticancéreux dont
l’utilisation serait dangereuse. Les médecins doivent alors se contenter de lutter contre les
signes gênants, et en particulier les douleurs, par des traitements dits symptomatiques.
Traitement de la cirrhose
Dans tous les cas, il est nécessaire d’associer aux divers traitements du carcinome
hépatocellulaire des traitements spécifiques de la maladie responsable de la
cirrhose (traitements antiviraux, arrêt des boissons alcoolisées, perte de poids, saignées …
selon les cas) et de prévenir ou de traiter les autres complications de celle-ci (lutte contre les
saignements digestifs, les infections).
Cette maladie reste très sévère mais les progrès actuels sont majeurs et se poursuivent. La
participation en plus grand nombre des patients à des essais thérapeutiques permettra
d’avancer plus rapidement vers des traitements plus efficaces et mieux tolérés.

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